Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

148
LE GÉOGRAPHE EMMANUEL DE MARTONNE ET L’EUROPE CENTRALE

Transcript of Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Page 1: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

LLEE GGÉÉOOGGRRAAPPHHEE EEMMMMAANNUUEELL DDEE MMAARRTTOONNNNEE EETT LL’’EEUURROOPPEE CCEENNTTRRAALLEE

Page 2: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

■ La Francophonie au Vanuatu. Géographie d’un choc culturelpar Maud Lasseur (Grafigéo 1997-1) épuisé

■ La géographie tropicale allemandepar Hélène Sallard (Grafigéo 1997-2) épuisé

■ Le repeuplement de la côte Est de Pentecôte.Territoires et mobilité au Vanuatupar Patricia Siméoni (Grafigéo 1997-3)

■ B. comme Big ManHommage à Joël Bonnemaison (Grafigéo 1998-4, )

■ Siem Reap – AngkorUne région du Nord-Cambodge en voie de mutationpar Christel Thibault (Grafigéo 1998-5) épuisé

■ La colonisation mennonite en BolivieCulture et agriculture dans l’Orientepar Gwenaëlle Pasco (Grafigéo 1999-6)

■ Retour du refoulé et effet chef-lieu : analyse d’une refontepolitico-administrative virtuelle au Nigerpar Frédéric Giraut (Grafigéo 1999-7)

■ Transition malienne, décentralisation, gestion communalebamakoisepar Monique Bertrand (Grafigéo 1999-8)

■ Le « Grand Mékong » :mirage ou futur miracle ?par Sophie Adam (Grafigéo 2000-9)

■ Transformations environnementales dans le monde malaispar François Spica (Grafigéo 2000-10)

■ Quatre mille ans d’histoire hydrologique dans le delta du Rhône.De l’âge du bronze au siècle du nucléairepar Gilles Arnaud-Fassetta (Grafigéo 2000-11)

■ Littoral mauricien et tourisme • Quelles perspectives dedéveloppement et de gestion intégrée pour le sud-est de l’îlepar Hélène Pébarthe (Grafigéo 2000-12)

■ Transactions et conflits fonciers dans l’Ouest duBurkina Fasopar Juliane Baud (Grafigéo 2001-13) épuisé

■ Des inondations et des hommes • Le cas du Val de Loirepar Sylvain Rode (Grafigéo 2001-14)

■ Visages de l’Ouest Burkinabé. Dynamiques socio-spa-tiales d’un ancien front pionnier par Bernard Tallet (sousla direction de)(Grafigéo 2001-15) épuisé

■ Marchés et commerce des produits vivriers (Région deBouaké, Côte d’Ivoire)par Jean-Louis Chaléard (Grafigéo 2001-16)

■ Etude géographique d’un patrimoine urbain en Afriquede l’Ouest Le cas de Saint-Louis du Sénégalpar Céline Dufour (Grafigéo 2002-17)

■ Le Nord de Grande-Terre, un paradis raté ?Espaces ruraux et mutations sociales en Guadeloupe par Marie Redon (Grafigéo 2002-18)

■ Risque et gestion cyclonique en Nouvelle-Calédoniepar Fabrice Fussy (Grafigéo 2002-19)

■ Conflit pour l’usage de l’espace central. Le cas descamelots de São Paulopar Céline Dernoncourt (Grafigéo 2002-20)

■ Les rapports Ville/État en Mauritanie. Le cas de Nouakchottpar Armelle Choplin (Grafigéo 2003-21)

■ Les enjeux d’un enrichissement pétrolier en Afrique centrale • Lecas du Tchadpar Géraud Magrin (Grafigéo 2003-22)

■ Analyse des formes d’occupation de l’espace autour des lacs Fitriet de Léré (Tchad)par Erwan Bibens (Grafigéo 2003-23)

■ La Presqu’île et la Baie de Dakhla • Dynamique margi-no-littorale et évolution du trait de côte par KarimSelouane (Grafigéo 2003-24)

■ De la mise en valeur des marais littoraux Les marais de Fialho entre activités et environnement (RiaFormosa, Portugal)par Miguel Padeiro (Grafigéo 2003-25)

■ La vigne et ses hommes • Trois exploitations viticoledans la région de Stellenbosch en Afrique du Sud parAmandine Menguy (Grafigéo 2004-26)

■ Géographie d’une crise sanitaire. L’épidémie de choléra àMadagascar. Le cas de Tuléarpar Johanna Lévy (Grafigéo 2004-27)

■ Les perceptions de l’environnement au Laos.Images comparées d’un projet de développement dans la province du Nord par Marianne Blache (Grafigéo 2004-28)

■ Nouméa : creuset de la citoyenneté calédoniennepar Alice Loury (Grafigéo 2005-29)

■ Le Brésil : géopolitique et environnement actuelssous la direction de Francisco Mendonça et Frédéric Bertrand (Grafigéo 2006-30)

■ Pouvoirs et dynamiques terriorialesContributions de doctorants de PRODIGCoordination de Marie Morelle (Grafigéo 2006-31)

■ Jaffna et le conflit intercomunautaire à Sri Lankapar Delon Madovan (Grafigéo (2007-32)

Dans la même collection(ISSN 1281-6477)

Page 3: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

LLEE GGÉÉOOGGRRAAPPHHEE EEMMMMAANNUUEELL DDEE MMAARRTTOONNNNEE EETT LL’’EEUURROOPPEE CCEENNTTRRAALLEE

Gaël le HALLAIR

Pôle de Recherche pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information GéographiqueUMR 8586 • CNRS, Paris 1, Paris IV, Paris 7, ephe2 rue Valette • 75005 Paris

Version remaniée d’un mémoire de DEA

effectué sous la direction de J. Le Rider (EPHE)

• septembre 2005 •

Géographie-citésUMR 8504 • CNRS, Paris 1, Paris 7

13 rue du Four • 75006 Paris

UMR 8504

Page 4: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Jean-Louis Chaléard

DIRECTEUR FONDATEUR DE LA COLLECTION

Joël Bonnemaison (1940-1997)

DIRECTEUR DE LA COLLECTION

Jean Marie Théodat

COMITÉ ÉDITORIAL

Gérard BeltrandoFrédéric Bessat

Jean-Louis ChaléardMarie-Françoise Courel

Christian Huetz de LempsRoland PourtierThierry Sanjuan

Jean Marie Théodat

© PRODIG. 2007ISBN 2 901560 73 3

ISSN 1281-6477

Photographie de couvertureFonds privé de la famille Birot

Maquette et mise en pageMaorie Seysset

Cartographie Geneviève Decroix

Traitement photographiqueThierry Husberg

Page 5: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

GRÂCE À CET OUVRAGE sur Emmanuelde Martonne et l’Europe centrale,nous disposons désormais d’un

matériau de première main sur les relationsque les géographes français et allemandsont entretenues durant l’entre-deux-guerres. Certes, la question n’est pas com-plètement neuve puisque plusieurs auteursont déjà analysé le contexte de ces relationset les différends politiques et scientifiquesqui ont dressé deux écoles de géographesl’une contre l’autre, et plus précisément lesconflits qui se sont noués autour de la figu-re d’Emmanuel de Martonne. Mais lepotentiel du thème et le contenu informatifdu livre annoncent un nouveau souffle desétudes sur les relations franco-allemandesen géographie.

Avec ce travail en effet, ce sont troisdimensions de l’historiographie contempo-raine qui sont prises en charge. Avec elless’ouvrent des interrogations qui renouvel-lent une histoire de la géographie long-temps limitée à l’école française au sensstrict, mais qui en a élargi depuis peu leshorizons en matière d’interprétation et decontours : d’abord en mettant en causel’isolement des géographes « classiques »dans leur tour d’ivoire de professeurs d’uni-versité détachés du monde et de savants

sûrs d’eux car relativement dominants surla scène internationale durant les annéestrente ; ensuite en sortant de l’ombre lesmarginaux et les oubliés.

En premier lieu, Gaëlle Hallair s’engagedans un projet d’histoire croisée qui n’estpas très fréquente dans notre domaine. Si legenre a été développé et s’il est encore dis-cuté par des historiens, des philosophes etdes littéraires, et en particulier pour traiterdes relations franco-allemandes et d’histoi-re culturelle, il a suscité assez peu d’écritsen géographie. Les tentatives de la commis-sion d’histoire de la pensée géographiquede l’Union géographique internationale endirection d’un programme d’histoire inter-nationale n’ont guère abouti. La récenteétude qu’Hugh Clout a consacrée à la pro-duction « trans-Manche », c’est-à-direaux orientations de recherche des géo-graphes britanniques travaillant sur laFrance (et inversement), est originale, maiselle n’aborde pas la question des transferts,des traductions, des figures de passeursentre traditions et écoles. Dans le cadrefrançais, plusieurs pistes ont été suivies.Ainsi, on connaît de longue date les rela-tions franco-canadiennes et le rôle despionniers de la diffusion de la géographiefrançaise, Pierre Deffontaines et Raoul

5Grafigéo 2007-33

Préface

Page 6: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Blanchard ; mais on a aussi grâce à lathèse de Denise Pumain une étude quimontre la complexité de la réception que lesgéographes québécois accordaient dans lesannées soixante à cette science cousine. A lasuite des analyses de Christophe Charle surle rôle politique des institutions culturelles àl’étranger, on dispose grâce à ClaireDelfosse notamment de bons aperçus sur lesrelations franco-brésiliennes où PierreDeffontaines encore, et Pierre Monbeig, ontété particulièrement actifs. De même unetradition de discussion entre historiens de lagéographie espagnols et français permet decerner les figures marquantes des échangesentre géographes des deux versants desPyrénées, et d’évaluer les échanges – plutôtque les « influences » à sens unique – quise sont produits au XXe siècle. GaëlleHallair rappelle d’emblée dans son livre lesarticles qui ont, de divers points de vue,traité d’Emmanuel de Martonne dans sonactivité de « tisseur de réseaux », de prota-goniste de recherches coordonnées ou decible de controverses internationales. Cechamp des études croisées qu’elle amorceici en s’appuyant sur la réception de DeMartonne en Allemagne apparaît donc trèsprometteur, au-delà de ces approches quisont classiquement centrées sur le rôle depersonnalités éminentes et fondées sur uneconception trop unilatérale des échanges.

Le livre de Gaëlle Hallair alimente parailleurs la question de l’engagement desgéographes hors de la chaire universitaire.Il rappelle, avec l’exemple de ce DeMartonne « bâtisseur de nouvelles fron-tières », l’ampleur de l’investissementpatriotique des « patrons » de l’écolefrançaise de géographie lors de la PremièreGuerre mondiale. Avec des travaux désor-mais nombreux sur le Comité d’études pourla Conférence de la Paix, des monographiesapprofondies sur le rôle d’Isaiah Bowman àl’Inquiry (Neil Smith) ou sur celui d’AlbertDemangeon au service de l’Etat-major(thèse de Denis Wolff), des recherches com-parées sur la « culture de guerre » desgéographes (thèse de Nicolas Ginsburger),c’est une formidable ouverture qui nous estofferte sur ce qui avait longtemps été tu par

les protagonistes eux-mêmes. Non contentede montrer l’omniprésence de De Martonnesur ce terrain, Gaëlle Hallair suit la cri-tique, outre-Rhin, de ses options tout à lafois cartographiques et politiques. Surtout,elle analyse précisément les formes exa-cerbées de cette critique qui ont accompa-gné la sortie de l’Europe centrale, où DeMartonne entérinait la nouvelle carte del’Europe dans ce tome IV de la Géographieuniverselle.

La troisième dimension relève d’uneréflexion sur la place de la géographie poli-tique et sur la vigilance des géographesfrançais quant aux enjeux de la Geopolitik.S’il est de bon ton aujourd’hui de stigmati-ser les choix de l’après Seconde Guerremondiale, où la géographie politique a étémise à l’index par défiance à l’égard desdérives de la géopolitique nazie, si lesfigures des « marginaux » de l’écolefrançaise de géographie qui s’étaient enga-gés ouvertement dans une géographie poli-tique critique de cette géopolitique sontmaintenant réhabilitées (tel Jacques Ancel),l’attitude des géographes français face auxdéveloppements de cette géopolitique n’estpeut-être pas appréciée à sa juste valeur.C’est l’un des mérites du travail de GaëlleHallair que de souligner comment plusieursgéographes français, majeurs et mineurs,ont interpellé la Geopolitik dès le début desannées trente. Elle montre bien commentces non-conformistes (Ancel, Goblet) et cespatrons (Demangeon, De Martonne)s’entre-citent, découvrant par là qu’il y aune certaine solidarité entre eux, et uneconscience commune de l’enjeu. J’ajou-terais qu’il y a sans doute là une singularitéfrançaise, car il n’est pas du tout certainque d’autres collectivités de géographes,ailleurs, aux USA ou en Grande-Bretagnepar exemple, aient pareillement critiquédans leurs propres cercles professionnels la« machine de guerre » que constituait laGeopolitik ni alerté l’opinion publique àtravers la grande presse.

Encore faut-il disposer de matériauxpour cette histoire renouvelée… GaëlleHallair construit pour ce faire unerecherche bibliométrique qui couvre les

Préface

Page 7: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

périodes cruciales de 1915-1925 et de1930-1935, et elle mobilise une maîtrise dela langue allemande dont peu de géo-graphes et d’historiens de la géographiefrançais peuvent aujourd’hui se prévaloir.Mieux, au prix d’un admirable effort de tra-duction, elle nous donne accès directementà tous les textes, notes et comptes rendus quiaccompagnent la réception des travaux deDe Martonne dans les revues de géographie

allemandes. Au sérieux et au systématismede la recherche s’ajoute donc une bellegénérosité à l’égard du lecteur. Nul douteque Gaëlle Hallair peut être l’une des che-villes-ouvrières de ce groupe de jeunes his-toriens de la géographie curieux des rela-tions culturelles croisées, notamment dansle cadre européen.

Marie-Claire Robic

Préface

Page 8: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 9: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

9Grafigéo 2007-33

Sommaire

Préface de Marie-Claire Robic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Chapitre 1 • Sources et bib l iographie sur Emmanuel de Martonne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

BI B L I O G R A P H I E D ’E M M A N U E L de M A RTO N N E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15ÉC R I TS S U R E M M A N U E L de M A RTO N N E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Chapitre 2 • Emmanuel de Martonne (1873-1955), chef de l ’École française de géographie . . . . . . . . . . . 27

UN « PAT RO N » D E L A G É O G R A P H I E F R A N Ç A I S E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27. . . DA N S U N C O N T E X T E I N T E R N AT I O N A L T E N D U . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30E X P E RT-GÉ O G R A P H E E T CA RTO G R A P H E AU S E RV I C ED E S T R A I T É S D E PA I X (1919-1920) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

Chapitre 3 • L’Europe centrale et sa réception en Al lemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

LA GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE (GU) : LE COURONNEMENTD’UNE ŒUVRE UNIVERSITAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48L’ANALYSE THÉMATIQUE DU TOME 4 DE LA « GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE » . . . . . . . . . . . . . . 50LA RÉCEPTION DU TOME 4 DE LA GU EN ALLEMAGNE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Résumés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

Page 10: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 11: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Je tiens à remercier particulièrement lespersonnes suivantes :

Madame Marie-Claire Robic, qui nonseulement m’a beaucoup encouragée et m’a apporté de précieuses informations sur l’é-pistémologie de la géographie, mais a aussiaccepté de relire le manuscrit en vue de sapublication et m’a ainsi grandement aidée àle remanier,

Monsieur Jacques Le Rider, qui aaccepté de m’encadrer pour ce travail deDEA et m’a permis d’être accueillie au seindu « collège doctoral européen » de Dresde,

Madame Marie-Françoise Courel etMonsieur Jean-Louis Chaléard, les direc-teurs successifs de l’Unité Mixte deRecherche du CNRS (PRODIG) dans laquel-le je travaille comme ingénieure d’études,qui m’ont soutenue dans cette entreprise,

Messieurs Yann Richard et Jean-LouisTissier pour leurs encouragements ainsi queleurs indications concernant la géographiede l’Europe centrale,

Mesdames Bénédicte Ciolfi-Lebègue,Bernadette Joseph, Ute Wardenga,Dorothee Zickwolff, Monsieur Heinz-PeterBrogiato et le personnel des bibliothèquesde géographie de Paris, Dresde et Leipzig,qui m’ont aidée dans la recherche docu-mentaire,

Mes collègues et amis pour leur appuitechnique et sympathique : MesdamesMarie-Madeleine Birot, CatherineBousquet-Bressolier, Agathe Euzen, JulietteGuilbaud et Messieurs Christian Denker,Thierry Husberg et Iwan Iwanof,

Danielle, Ludivine, Florent et Jean-Marie Hallair.

Remerciements

Page 12: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 13: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

DANS L’INTRODUCTION de ses Titres ettravaux (p. IX), le géographe fran-çais Emmanuel de Martonne (1873-

1955) explique que les années 1925 à 1931ont été consacrées à l’ouvrage de géographiedescriptive sur l’Europe centrale (Géogra-phie Universelle). Il ne s’y livre pas unique-ment à une étude de géographie physiquecomme on pourrait s’y attendre de la partd’un géomorphologue internationalementreconnu comme lui. Il précise en effet qu’il aacquis des connaissances en géographiehumaine lors de ses activités d’expert-géo-graphe au Comité d’études pour tracer lesnouvelles frontières de l’est de l’Europe àl’issue de la Première Guerre mondiale :« Si j’ai pu les traiter, quoique spécialisédans la géographie physique, c’est en partiepar suite de l’activité que les circonstancesm’ont imposée à la fin de la Grande guerre.Attaché au service géographique de l’armée,où le général Bourgeois m’avait confiédivers travaux cartographiques en liaisonavec la confection des Notices, j’ai été mis àla disposition du “Comité d’études” chargéde préparer la documentation géographiquepour les négociateurs des traités qui devaientsuivre la fin des hostilités ; et après avoircoordonné tout le travail de ce comité enqualité de secrétaire pendant deux ans, je me

suis trouvé intimement associé au travail dela Conférence de la Paix comme principalexpert pour les questions territoriales ». E. deMartonne évoque cette activité au Comitéd’études mais ne mentionne pas l’ouvragerécapitulant les séances dudit comité.

Il a donc semblé intéressant d’étudier legéographe E. de Martonne, patron de la géo-graphie de son temps, non pas du point devue du géomorphologue mais sous l’angle– apparemment plus marginal, mais néan-moins très riche pour comprendre l’histoirede la géographie –, du traceur de frontièresau Comité d’études et de l’homme de syn-thèse élaborant pour la « GéographieUniverselle » le tome 4 en deux volumes del’Europe centrale.

L’épistémologie de la géographie decette première moitié du XXe siècle ne peutse comprendre sans analyser les relations etles transferts entre l’École allemande et l’École française de géographie. E. deMartonne représente une des figures emblé-matiques de cette période charnière qui voitl’émergence et le rayonnement de l’Écolefrançaise. A la naissance de E. de Martonneen 1873, l’École allemande est dominante etconstitue un modèle pour toutes les autres.

1133Grafigéo 2006-32

Introduction

Page 14: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

A la mort du géographe en 1955, l’Écolefrançaise a supplanté l’allemande, qui s’estpar ailleurs fourvoyée dans des impasses aucours de l’entre-deux-guerres et s’est isoléede la scène internationale à l’époque nazie.

Pour étudier les transferts, en continu ouen discontinu, entre les deux écoles, l’ana-lyse de la réception en Allemagne de l’ou-vrage de synthèse sur l’Europe centrale estapparue comme un choix judicieux. Pourcela le dépouillement systématique d’uncorpus de revues allemandes de géographiea permis d’extraire des données riches d’en-seignements.

Le cadre géographique de l’étude estélargi à l’Europe centrale tout en insistantparticulièrement sur la Roumanie. E. deMartonne est en effet chargé de rédiger letome 4 de la Géographie Universelle (GU)sur l’Europe centrale. Il est par ailleurs lespécialiste français de la Roumanie : sesdeux thèses1 portent sur ce pays, il maîtrise lalangue roumaine aussi bien que l’allemande,et sa bibliographie montre l’abondance deses travaux sur cette partie de l’Europe qu’ilne cesse de parcourir tout au long de sa vie.

Après une première partie consacrée à laprésentation des différentes sources biblio-graphiques utilisées pour ce mémoire, la per-sonnalité et l’œuvre d’E. de Martonne, chefde file de l’École française de géographie,sont abordées dans la deuxième partie entrois points : sa biographie, les contextes his-torique et épistémologique dans lesquels ils’inscrit et enfin son rôle politique de traceurdes nouvelles frontières de l’Est au Comitéd’études préparant la Conférence de la Paixde 1919-1920. La troisième et dernière par-tie, la plus volumineuse, constitue le cœur duDEA : elle s’attache à l’œuvre majeure etsynthétique que représente le tome 4 de la GUsur l’Europe centrale et à sa réception par lesgéographes allemands. L’analyse précise dela GU est menée à travers les conceptsd’Europe centrale, de frontière, de région, degroupe ethnique, ainsi que par l’étude de lacartographie, et pour finir en s’attachant toutparticulièrement au traitement de laRoumanie et de l’Allemagne. Enfin, l’étudede la réception du tome 4 en Allemagne viaune analyse bibliométrique permet de déga-ger des points de contacts et de frictions entreles deux écoles géographiques française et allemande.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

1. La thèse es lettres comporte une thèse principale de géographie et une thèse secondaire. De plus,E. de Martonne a réalisé une thèse de sciences

Page 15: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

DEUX grandes catégories de sourcessont ici présentées :

• La bibliographie d’E. de Martonne la plusexhaustive possible

• Les écrits sur E. de Martonne par sescontemporains et dans la recherche épisté-mologique actuelle en France et enAllemagne

Bibliographie d’Emmanuel deMartonne

Le recensement des travaux d’E. deMartonne a été effectué à partir des diffé-rentes versions de ses Titres et travaux(1918, 1932 et 1935), complété par desrecherches sur le SUDOC (système univer-sitaire de documentation dont l’adresseinternet est : http://www.sudoc.abes.fr). Ilest intéressant de noter qu’ E. de Martonnea omis de signaler certains titres. Ces« omissions » (qui datent évidemmentd’avant 1935) sont suivies de la mention(NS) c’est-à-dire « non signalé » dans laliste qui suit.

Une question s’est posée concernant le

type de classement : par types d’ouvragesou dans l’ordre chronologique de parution ?La seconde solution a été retenue, car ellepermet de mieux se rendre compte de l’acti-vité d’ E. de Martonne et de ses centresd’intérêt à telle ou telle période de sa vie.Cela explique aussi le parti pris d’exposer labibliographie d’E. de Martonne comme lui-même le fait dans ses Titres et travaux,c’est-à-dire en commençant par la date deparution. Pour les autres références biblio-graphiques, une autre règle de présentationsera adoptée.1. 1896, « Dongola » in Annales de Géo-

graphie, t. V, p. 436-4382. 1896-1897, « La vie des peuples du

Haut Nil, explication de trois cartesanthropogéographiques » in Annales deGéographie, t. V, p. 506-521, avec2 cartes ; t. VI, p. 61-70, avec 1 carte

3. 1897, « Le XIIe Congrès des Géographesallemands » in Annales de Géographie,t. VI, p. 276-280

4. 1897, « Die Hydrographie des oberenNilbeckens » in Zeitschrift der Gesell-schaft für Erdkunde zu Berlin, t. XXXII,p. 303-342, (avec 4 planches, cartes etcoupes)

5. 1897, « Etablissements humains dans la vallée ardennaise de la Meuse » inAnnales de géographie, vol. VI, p. 363-365

15Grafigéo 2007-33

Chapitre 1 • Sources et bibliographie sur Emmanuel de Martonne

Page 16: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

6. 1898, « Contribution à l’étude des pluiesdans la région du Haut Nil » in Annalesdu Bureau central météorologique,Mémoires de 1896, B, p. 197-212, avec3 figures

7. 1898, « Notes sur l’enseignement de lagéographie dans les Universités alle-mandes » in Revue internationale del’enseignement, p. 251-262

8. 1898, « Problèmes de l’histoire desvallées Enns-Salzach » in Annales degéographie, t. VII, p. 385-403, 4 figures

9. 1899, « Sur un nouveau mode de repré-sentation du régime des pluies dans lescontrées intertropicales » in Annales degéographie, t. VIII, p. 84-87

10. 1899, « Une excursion de Géographiephysique dans le Morvan et l’Auxois »in Annales de géographie, t. VIII, p.405-426, 5 pl. photographiques etcartes

11. 1899, « Lapiez dans des grès crétacés(Massif de Bucegi, Roumanie) » inBulletin de la Société Géologique deFrance, 3°série, t. XXVII, p. 28-32,1 figure

12. 1899, « Sur la période glaciaire dans lesKarpates méridionales » in Compterendu (C.R.) Académie des sciences,27 novembre, t. CXXIX, p. 894-897

13. 1899 « Sur l’histoire de la vallée du Jiu(Karpates méridionales) » in C.R. Aca-démie des sciences, 4 décembre,t. CXXIX p. 978-980

14. 1900, « Le levé topographique descirques de Gauri et Gâlcescu (Massif duParingu) » in Buletinul Societatii Inge-nerilor, Bucarest, t. IV, fascicule 1-2,42 p., 3 planches, cartes

15. 1900, « Sondage et analyse des bouesdu lac Gâlcescu », (en collaborationavec Munteanu Murgoci) in C.R.Académie des sciences, 2 avril,t. CXXX, p. 932-935

16. 1900, « Recherches sur la période gla-ciaire dans les Karpates méridionales »in Bulletin de la société des sciences deBucarest, t. IX, n°4, 60 p., 5 pl. cartes etprofils, 4 planches photographiques

17. 1900, « Contribution à l’étude de lapériode glaciaire dans les Karpates

méridionales » in Bulletin de la SociétéGéologique de France, 3e série,t. XXVIII, p. 275-319, 3 figures

18. 1900, « Un cas particulier de la marchediurne de la température en haute mon-tagne » in Bulletin de la société scienti-fique et médicale de l’Ouest, t. IX, p. 10,2 figures

19. 1900, « Le Traité de Météorologie deMr Angot » in Annales de géographie,vol. IX, p. 72-75, (NS)

20. 1901, « Nouvelles observations sur lapériode glaciaire dans les Karpates méri-dionales » in C.R. Académie des scien-ces, 11 février, t. CXXXII, p. 360-363

21. 1901, « Sur les mouvements du sol et laformation des vallées en Valachie » inC.R. Académie des Sciences, 6 mai,t. CXXXII, p. 1141-1143

22. 1901, « Sur la formation des cirques »in Annales de Géographie, t. X, p. 10-16.

23. 1901, « Sur la toponymie naturelle desrégions de haute montagne, en particu-lier dans les Karpates méridionales » inBulletin de Géographie historique etdescriptive, p. 83-91

24. 1901, « Fjords, cirques, vallées alpineset lacs subalpins » in Annales deGéographie, t. X, p. 289-294

25. 1902, « Remarques sur le climat de lapériode glaciaire dans les Karpatesméridionales » in Bulletin de la SociétéGéologique de France, 4e série, t. II,p. 330-332

26. 1902, La Valachie, essai de monogra-phie géographique, (Thèse de doctoratès lettres, Paris), 1 vol., in 8° de XV +387 p., 48 figures, 5 cartes hors texte et12 planches photographiques, Rennes,Paris, A. Colin.

27. 1903, Recherches sur la répartition géo-graphique de la population en Valachieavec une étude critique sur les procédésde représentation de la répartition de lapopulation, 1 vol., in-8°, 161 p., 2 cartes,Bucarest, J. V. socecu, A. Colin, Paris

28. 1903, « Étude sur la crue du Jiu au moisd’août 1900 » in Annales de l’Institutmétéorologique de Roumanie, t. XVI,p. 77-96, 21 figures.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3316

Page 17: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

29. 1903, « Le développement des côtesbretonnes et leur étude morphologi-que » in Bulletin de la Société scienti-fique et médicale de l’Ouest et Travauxdu laboratoire de Géographie del’Université de Rennes, n° 1, 17 p.

30. 1903, « Rumänien » in Geogra-phisches Jahrbuch, t. XXVI, p. 35-53

31. 1904, « Les tremblements de terre de laRoumanie et leur rapport avec les lignesdirectrices de la géographie physique »in Annales de l’Institut de Météorologiede Roumanie, t. XVIII, p. 87-95, 1 carte.

32. 1904, « La période glaciaire dans lesKarpates méridionales » in C.R. duCongrès géologique international deVienne, 1903, p. 691-702.

33. 1904, « Sur l’évolution du relief du pla-teau de Mehedintzi (Roumanie) » inC.R. Académie des sciences, 25 avril,t. CXXXVIII, p. 1058-1060.

34. 1904, « Sur la plate-forme des hautssommets des Alpes de Transylvanie »in C.R. Académie des Sciences, 6 juin,t. CXXXVIII, p. 1440-1442

35. 1904, « Sur les terrasses des rivièressubkarpatiques en Roumanie » in C.R.Académie des sciences, 18 juillet,t. CXXXIX, p. 226-227

36. 1904, « Sur l’évolution de la zone dedépressions subkarpatiques en Rouma-nie » in C.R. Académie des Sciences,25 juillet, t. CXXXIX, p. 316-318.

37. 1904, « Excursion géographique enBasse-Bretagne (Monts d’Arrée etTrégorrois) » in Bulletin de la Sociétéscientifique de l’Ouest et Travaux duLaboratoire de Géographie de l’Uni-versité de Rennes, n° 3, 42 p., 6 figures,2 planches photographiques.

38. 1904, « Les enseignements de la topo-graphie » in Annales de Géographie,t. XIII, p. 385-400.

39. 1904, « La vie pastorale et la transhu-mance dans les Karpates méridionaleset leur importance géographique et his-torique » in Zu Friedrich RatzelsGedächtnis, p. 227-245

40. 1905, « Sur le caractère des hauts som-mets des Karpates méridionales » inC.R. du Congrès pour l’avancement des

sciences, Bucarest, 1903, p. 6.41. 1905, « Sur les anciens glaciers des

Karpates méridionales » in C.R. duCongrès pour l’avancement dessciences, Bucarest, 1903.

42. 1905, « L’évolution morphologique desKarpates méridionales » in C.R. duCongrès international de Géographiede Washington, 1904, p. 138-145.

43. 1905, « Le VIIIe Congrès internationalde Géographie et son excursion dansl’Ouest et au Mexique » in Annales deGéographie, t. XIV, p. 1-22, 10 fig., 4 pl.photographiques et dessins panora-miques.

44. 1905, « Le Laboratoire de Géographiede l’Université de Rennes, 1902-1905 »in Annales de Bretagne, 27 p.

45. 1906, « Sur deux plans en relief duParingu et de Soarbele (Karpates méri-dionales) exécutés d’après des levéstopographiques inédits » in C.R. Aca-démie des Sciences, 25 juin, t. CXLII,p. 1583-1585.

46. 1906, « Notice sur les relief du Paringuet de Soarbele » in Bulletin de laSociété de Géographie de Bucarest,27 p., 2 pl.

47. 1906, « La première excursion géogra-phique interuniversitaire (Bretagne,1905) » in Annales de Géographie,t. XV, p. 70-71

48. 1906, « La pénéplaine et les côtes bre-tonnes » in Annales de Géographie,t. XV, p. 213-236 et p. 299-328, 7 pl.photographiques.

49. 1907, « La géographie économique dela Basse-Bretagne, d’après M. CamilleVallaux » in Annales de Géographie,t. XVI, p. 361-364

50. 1907, Recherche sur l’évolution morpho-logique des Alpes de Transylvanie(Karpates méridionales), Thèse pour ledoctorat ès sciences naturelles, XXI +286 p., 2 cartes, 11 planches photogra-phiques

51. 1906-1907, « L’Évolution morpholo-gique des Alpes de Transylvanie » inRevue de géographie annuelle, n° 1,1906-07, Paris Delagrave, 279 p. (NS)

17Grafigéo 2007-33

Sources et bibliographie

Page 18: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

52. 1907, « Note préliminaire sur le ventd’autan » in Bulletin de la société lan-guedocienne de Géographie, 17 p., 5 fig.

53. 1908, « Le développement et l’avenirde la Géographie » in Bulletin de laSociété de Géographie de Lyon, 2e série,t. I, p. 1-11.

54. 1908, « Recherches concernant laGéographie physique des Karpates » inRapports sur les travaux entrepris en1907, Caisse des Recherches Scientifi-ques, p. 294-315.

55. 1909, Traité de Géographie physique,1 vol., in 8°, 910 p., 392 fig., 48 pl. pho-tographiques, 2 cartes.

56. 1909, « Contribution à l’étude du ventd’autan (deuxième note) » in Bulletinde la Société languedocienne deGéographie, t. XLII, 29 p., 8 fig.

57. 1909, « Contribution à l’étude du ventd’autan (période octobre-décembre1908) » in Annales de la Société Météo-rologique de France, t. LVII, p. 205-217.

58. 1909, « Sur l’inégale répartition de l’é-rosion glaciaire dans le lit des glaciersalpins » in C.R. Académie des Sciences,27 décembre, t. CXLIX, p. 1413-1415.

59. 1910, « L’hydrologie souterraine descalcaires en Belgique d’après MM. Vanden Broeck, Martel et Rahir » inAnnales de Géographie, t. XIX, p. 173-177

60. 1910, « Sur la théorie mécanique de l’é-rosion glaciaire » in C.R. Académie desSciences, 10 janvier, t. CL, p. 135-138.

61. 1910, « Sur la genèse des formes gla-ciaires » in C.R. Académie des Scien-ces, 10 janvier, p. 243-246.

62. 1910, « Sur la position systématique dela chaîne des Karpates » in C.R. IXe

Congrès international de Géographie,Genève, 1908, t. II, p. 134-145.

63. 1910, « Sur le rôle des excursions àlong parcours dans l’enseignement de lagéographie » in C.R. IXe Congrès inter-national de géographie, Genève, t. II,p. 321-326.

64. 1910, « Le vent d’autan et ses rapportsavec le Marin » in Association françai-se pour l’avancement des Sciences, C.R.du Congrès de Toulouse, p. 287-293.

65. 1910-1911, « L’érosion glaciaire et laformation des vallées alpines » inAnnales de géographie, t. XIX, p. 289-317, et t. XX, p. 1-29, 6 pl. photogra-phiques.

66. 1911, « Principes de l’analyse morpho-logique des niveaux d’érosion appliquéeaux vallées alpines » in C.R. Académiedes Sciences, 24 juillet, t. CLIII, p. 309-312.

67. 1911, « Résultats de l’analyse morpho-logique des niveaux d’érosion desvallées de l’Arc et de l’Isère » in C.R.Académie des Sciences, 7 août, t. CLIII,p. 404-407.

68. 1911, « Sur la chronologie des Thal-wegs pliocènes et quaternaires de l’Arcet de l’Isère » in C.R. Académie desSciences, 28 août, t. CLII, p. 509-512.

69. 1911, « L’évolution du relief de l’Asiecentrale d’après des publicationsrécentes » in La Géographie, t. XXIII,p. 39-58.

70. 1911, « Etude morphologique des Alpesorientales (Tauern) et des Karpates sep-tentrionales (Tatra) » in Bulletin deGéographie historique et descriptive,p. 387-406

71. 1911, « Conditions de l’érosion glaciai-re alpine » in C.R. du Congrès nationaldes Sociétés françaises de Géographie,Roubaix, 9 p.

72. 1912, « L’évolution des vallées gla-ciaires alpines, en particulier dans lesAlpes du Dauphiné » in Bulletin de laSociété Géologique de France, 4e série,t. XII, p. 516-549, 7 figures.

73. 1912, Atlas photographique des formesdu relief terrestre, publié conformémentà un vœu du IXe Congrès internationalde Géographie (en collaboration avecJ. Brunhes et E. Chaix), fascicule spéci-men, grand in-4°, 8 pl., 32 p.

74. 1912, « L’Atlas photographique desformes du relief terrestre » in Annalesde Géographie, t. XXI, p. 70-73.

75. 1912, « Un nouvel album géographi-que » in Revue alpine, t. XVIII, p. 30-33.

76. 1912, « Le parc national de Yellow-stone, étude morphologique » in Anna-les de Géographie, t. XXII, p. 134-148.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3318

Page 19: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

77. 1912, « La glaciation actuelle d’après unlivre récent » in Annales de géographie,vol. XXI, p. 263-265, (NS)

78. 1913, Traité de Géographie physique,2e édition, vol. 1 in-8°, 922 p.

79. 1913, « Le climat facteur du relief » inScientia, t. XIII, p. 339-355.

80. 1914, « Tendances et avenir de laGéographie moderne, conférence faite àl’Université libre de Bruxelles » inRevue de l’Université de Bruxelles,1914, p. 453-479.

81. 1914, Atlas photographique des formesdu relief terrestre, publié conformémentà un vœu du IXe Congrès internationalde Géographie, (en collaboration avecMM. J.Brunhes et E. Chaix), 2 volumes

82. 1914-1915, « Les Pyrénées méditer-ranéennes » par M. Sorre in Annales degéographie, vol XXIII-XXIV, p. 164-168, (NS)

83. 1914-1915, « Une nouvelle collectionallemande de monographies géogra-phiques » in Annales de géographie, volXXIII-XXIV, p. 355-359, (NS)

84. 1915, « Le rajeunissement quaternairedes Alpes » in Comptes rendus duXe Congrès international de Géogra-phie, Rome, 1913, 9 p.

85. 1915, « La Science géographique » inLa Science française, t. Ier, 26 p.

86. 1915, « Les conditions d’une interven-tion roumaine » in Revue de Paris,XXII, 15 mai 1915, n°10, p. 430-448(NS)

87. 1915, « La Roumanie et son rôle dansl’Europe orientale » in La Géographie,XXX, 1914-1915, p. 241-250, Masson,Paris, (NS)

88. 1915, « La Roumanie et son rôle dansl’Europe orientale » in Bulletin de laSociété Géographique (Paris), XXX,n°4, p. 328-346 ( NS)

89. 1916, « M. Himmer » in Annales degéographie, vol. XXV, p. 390, (NS)

90. 1917, « L’enseignement géographiquedans les universités des Etats-Unis inAnnales de géographie », vol. XXVI, p.308-312, (NS)

91. 1917, « The Carpathians : Physio-graphic features controlling human geo-

graphy » in Geographical Review, June 1917, p. 417-437, carte à 1 : 2 500 000, Physiographic map of theCarpathians

92. 1917, « The limestone plateaus of theCausses » in New York Academy ofscience, XXXVII, p. 296-297

93. 1918, La Dobrodgea : esquisse histo-rique, géographique, ethnographique etstatistique. Paris, Felix Alcan, (NS)

94. 1918, Titres et travaux scientifiques deEmmanuel de Martonne, 65 p., Paris,A. Colin, (NS)

95. 1918, « Les Andes du Pérou, d’aprèsIsaiah Bowman » in Annales de géogra-phie, vol. XXVII, p. 69-72, (NS)

96. 1919, « Un témoignage français sur lasituation en Bessarabie », deux articlesde M. E. de Martonne, 15 p. (1er articleparu dans L’Œuvre du 15 juillet 1919, ledeuxième dans Le Journal des débatsdu 19 juillet 1919), (NS)

97. 1919, « What I have seen inBessarabia » in Revue de Paris, XXVI,nov 1919, n° 21 (NS), reprint de« Choses vues en Bessarabie », 47 p,in Revue de Paris du 1er octobre 1919

98. 1919, « Conditions physiques et écono-miques de la question Adriatique » inTravaux du comité d’études, tome 2« Questions européennes », p. 459-481,Imprimerie nationale, Paris, (NS)

99. 1919, « La question du Banat », inTravaux du comité d’études, tome 2« Questions européennes », p 553-576et appendice : « statistique ethnique duBanat d’après le recensement hongroisde 1910 », p. 577-578 (NS)

100. 1919, « La Transylvanie » in Travauxdu comité d’études, tome 2« Questions européennes », p. 579-604, appendice I « Note sur la carteethnographique de la Transylvanie »,p. 605-610, appendice II « Statistiqueethnique de la Transylvanie », p. 611-624 (NS)

101. 1919, « La Bessarabie » in Travaux ducomité d’études, tome 2 « Questionseuropéennes », p. 625-639 ; appen-dice I « Résolution du Conseil natio-nal de Bessarabie du 27 mars/9 avril

19Grafigéo 2007-33

Sources et bibliographie

Page 20: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

1918, p. 640-641 ; appendice II «Résolution du Conseil national deBessarabie du 27 nov/10 déc 1918, p.641 ; appendice III « Composition duConseil national (Sfatul Tsari), p. 641-642 (NS)

102. 1919, « La Dobroudja » in Travauxdu comité d’études, tome 2 «Questions européennes », p. 643-657,appendice I « Note sur la carte ethno-graphique de la Dobroudja », p 658-659, appendice II « Note sur la frontiè-re méridionale de la Dobroudja », p.660-661 (NS)

103. 1919, Questions européennes :Belgique, Slesvig, Tchécoslovaquie,Pologne et Russie. Questions adria-tiques, Yougoslavie, Roumanie,Turquie d’Europe, Atlas établi sous ladirection d’E. de Martonne, éditeurscientifique E. de Martonne, ed.Service Géographique de l’Armée,Paris, collection Travaux du comitéd’études, 2 (NS)

104. 1920, « Les phénomènes littoraux etl’évolution littorale, d’après D.W. Johnson » in Annales de géogra-phie, vol. XXIX, p. 139-142, (NS)

105. 1920, « L’Atlas de Pologne deE. Romer » in Annales de géographie,vol. XXIX, p. 382-383, (NS)

106. 1920, « Les glaciers de l’Alaska et leurintérêt pour l’intelligence des formesde relief glaciaire, d’après R. S. Tarr etL. Martin » in Annales de géographie,vol. XXIX , p. 455-461, (NS)

107. 1920, « Chroniques » in Annales degéographie, vol XXIX, p. 158-159 ; p.228 ; p. 233-334 ; p. 311 ; (NS)

108. 1920, « Le traité de Saint-Germain etle démembrement de l’Autriche » inAnnales de Géographie, t. XXIX, p. 1-11.

109. 1920, « Essai de carte ethnographiquedes pays roumains » in Annales deGéographie, XXIX (mars 1920),n° 158, p. 81-98, carte en noir et blanc,Paris

110. 1920, « L’Etat tchécoslovaque » inAnnales de Géographie XXIX, p. 161-181

111. Préface d’E. de Martonne pourG. Murgoa, La Population de la Bessa-rabie : étude démographique aveccartes et tableaux statistiques, Paris,80 p. (NS)

112. 1921, Traité de Géographie physique,3e édition, 1 vol., in-8°, 930 p.

113. 1921, « Les régions géographiques dela France » in Bibliothèque de culturegénérale, 1 vol., in-12, 192 p.

114. 1921, « La Nouvelle Roumanie » inAnnales de Géographie, t. XXX, p. 1-31.

115. 1921, « La Roumanie nouvelle »,conférence faite le 20 février 1921 parE. de Martonne, Conservatoire Natio-nal des Arts et Métiers, Paris, Librairiede l’enseignement technique, LéonEyrolles ed., 31 pages (NS)

116. 1921, « Notes de géographie physiquealgérienne » in Annales de géogra-phie, t. XXX, p. 223-231.

117a. 1921, « Sur les plates-formes d’éro-sion des Monts du Bihar (Rouma-nie) » C.R. Académie des Sciences,t. CLXXIII, p. 11-881921,

117b. 1921, « Chroniques » in Annales de géo-graphie,vol. XXX, p. 78-80 ; p. 148-151

118. 1921-1922, « Géographie physique »in Extrait des comptes-rendus desséances de l’Académie des sciences,t. 173-174.

119. 1922, « Chronique géographique » inAnnales de géographie, vol. XXXI,p. 279-280 ; p. 516-518, (NS)

120. 1922, « Enseignement et excursionsgéographiques en Roumanie » inAnnales de géographie, vol. XXXI,p. 64-66, (NS)

121. 1922, « Les panoramas en couleurs duMont Blanc, par P. Helbronner » inAnnales de géographie, vol. XXXI,p. 164-165, (NS)

122. 1922, « Le Nouveau traité des eauxsouterraines de E. A. Martel » inAnnales de géographie, vol XXXI,p. 260-263, (NS)

123. 1922, « Le massif du Bihar (Rouma-nie) » in Annales de Géographie,t. XXXI, p. 313-340.

124. 1922, Abrégé de géographie physique,I. vol. in-8°, 356 p.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3320

Page 21: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

125. 1922, E. de Martonne et P. Vidal de laBlache d’après les manuscrits de l’au-teur, Principes de géographie humai-ne, Paris, A. Colin, 327 p. (NS)

127. 1923, « Conditions de la glaciationrégionale du Groenland, d’après lestravaux de l’expédition suisse » inAnnales de géographie, vol. XXXII, p.79-83, (NS)

128. 1923, « Une nouvelle carte des Alpescalcaires du Faucigny » in Annales degéographie, vol. XXXII, p. 253-257,(NS)

129. 1923, « La carte au millionième del’Amérique du Sud, publiée par laSociété de géographie américaine deNew York » in Annales de géographie,vol. XXXII, p. 466-468, (NS)

130. 1923, « Un nouvel atlas de types topo-graphiques » in Annales de géogra-phie, vol. XXXII, p. 551-554, (NS)

131. 1923, « Sur l’ancien delta pliocène duVar et les niveaux d’érosion des valléesy débouchant » in C.R. Académie desSciences.

132. 1923, « L’ancien delta du Var et lesvallées des Alpes maritimes, étude demorphologie alpine et méditerranéen-ne » in Annales de Géographie,t. XXXII, p. 313-338.

133. 1924, « Pour la carte de France au 1 :50 000e » in Annales de géographie,vol. XXXIII, p. 1-18, (NS)

134. 1924, « La photographie d’avion auservice de la géographie en Suisse etaux Etats-Unis » in Annales de géo-graphie, vol. XXXIII, p. 484-488,(NS)

135. 1924, Préface pour André David, LaMontagne noire (Aude, Hérault etTarn). Essai de monographie géogra-phique, imprimerie L. Bonnafous,226 p., collection Mémoires de lasociété d’études scientifiques del’Aude, 2

136. 1924, « Quelques données nouvellessur la jeunesse du relief préglaciairedans les Alpes » in Recueil de travauxoffert à Johan Cvijic, Extr., 20 p.

137. 1924, « Excursion dans le Morvan etla Côte d’Or » in Bulletin de l’Asso-

ciation des Géographes français, n° 2,p. 5-16

138. 1924, « Formes glaciaires sur le ver-sant Nord du Haut Atlas deMarakkech » in Annales de géogra-phie, t. XXXIII, p. 296-302

139. 1924, « Le Massif Rehamna, esquissemorphologique » en collaborationavec J. Célerier et A. Charton, inAnnales de Géographies, t. XXXIII,p. 244-256

140. 1924, « Chroniques » in Annales degéographie; vol. XXXIII, p. 186 ;p. 496-497, (NS)

141 1924, Excursion de l’Institut deGéographie de l’Université de Cluj,résultats scientifiques, Bucarest, in-8°,212 p., 47 fig., 30 pl.

142. 1924, « Les divisions naturelles desAlpes » in Annales de Géographie,t. XXXIV, p. 113-132.

143. 1924, Geography in France, ed.American geographical society, NewYork, 70 p. (NS)

144. 1925, « Les conditions géographiquesde la Guerre sur le front français » inAnnales de géographie, vol. XXXIV,p. 361-365, (NS)

145 1925, « Les lacs, la houille blanche et lavaleur de l’érosion en montagne,d’après L. W. Collet » in Annales degéographie, vol. XXXIV, p. 449-454,(NS)

146. 1925, « Extension du drainage océa-nique», en collaboration avecL. Aufrère in C.R. Académie des Scien-ces, t. 180, p. 939-942

147. 1925, « Le Congrès du Caire et l’ave-nir des Congrès géographiques inter-nationaux » in Annales de Géogra-phie, t. XXXIV, p. 289-300.

148. 1925, Traité de Géographie physique,4e édition entièrement refondue. TomeI, Notions générales, Climat, Hydro-graphie, 406 p. – Tome II, Le relief dusol, 562 p.

149. 1925, « Excursion à Esbly, capture parrecoupement de méandres » in Bul-letin de l’Association des Géographesfrançais, n° 6, p. 4-8.

150. 1925, « Excursion à Qosséir » in

21Grafigéo 2007-33

Sources et bibliographie

Page 22: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Congrès International de Géographie,Le Caire, 1925, t. II, p. 185-195.

151. 1925, « Extension des régions privéesd’écoulement vers l’Océan », ibidem,t. III, p. 25-50

152. 1926, « Les Préalpes de Savoie,d’après A. Cholley » in Annales degéographie, vol. XXXV, p. 363-367,(NS)

153. 1926, « La XVIIIe Excursion géogra-phique interuniversitaire » in Annalesde géographie, vol. XXXV, p. 449-450, (NS)

154. 1926, « Aréisme et indice d’aridité »in C.R. Académie des Sciences,t. CLXXXII, p. 1395

155. 1926, « Deux massifs hercyniens. LeBoehmerwald et la Lysa Gora » inAnnales de Géographie, t. XXXV, p.27-50.

156. 1926, « Excursion à Fontainebleau-Arbonne » in Bulletin de l’Associationde Géographes français, n°11, p. 13-16.

157. 1926, Les Alpes, Géographie générale,A. Colin, in-12, 218 p.

158. 1926, « Une nouvelle fonction clima-tologique, l’Indice d’aridité » in LaMétéorologie, t. LXVIII, 1926, p. 348-349.

159. 1925, 1926 et 1927, Les grandesrégions de France : description pho-tographique avec notices géogra-phiques, en collaboration avec PaulFeyel et Maurice Teissier, (10 albums),Paris, Payot, 31 p. (NS)

160. 1927, « Le climat des Alpes françaises,d’après E. Bénévent » in Annales degéographie, vol. XXXVI, p. 154-161,(NS)

161. 1927, « Le Congrès des géographesslaves en Pologne » in Annales de géo-graphie, vol. XXXVI, p. 548-550,(NS)

162. 1927, « Regions of interior drainage »in The Geographical Review, NewYork, 18 p.

163. 1927, Traité de Géographie physique,4e édition entièrement refondue. T. III,Biogéographie, en collaboration avecA. Chevalier et L. Cuénot, in-8°, 398 p.

164. 1927, En mémoire de Jovan Cvijic, encollaboration avec A. Gauvain etE. Haumant, 38 p., Paris (NS)

165. 1927, Préface pour Douglas WilsonJOHNSON, « Paysages et problèmesgéographiques de la terre américaine :conférences faites dans douze univer-sités françaises en qualité de professeurd’échange », Paris, Payot, 248 p., col-lection « Bibliothèque géographique »(NS)

166. 1928, « Valleuses de méandre » inBulletin de l’Association de Géogra-phes français, n°26, p. 65-67.

167. 1928, « L’extension des régions privéesd’écoulement vers l’Océan » en colla-boration avec L. Aufrère in Annales deGéographie, t. XXXVII, p. 1-24

168. 1928, « L’extension des régionsprivées d’écoulement vers l’Océan »,en collaboration avec L. Aufrère inUnion Géographique Internationale,publication n°3, in-8°, 194 p., Plani-sphère à 1 : 50 000 000.

169. 1928, Préface pour Gaston Lautier, Lesud ouest méditerranéen : Bas-Languedoc et Roussillon : étude de larégion naturelle comprise entre le Bas-Rhône et les Pyrénées : Gard,Hérault, Aude, Pyrénées Orientales,Paris, Delagrave, 186 p. (NS)

170. 1928, Abrégé de géographie physique,Paris, A. Colin, 355 p. (NS)

171. 1928, « Le relief des plateaux du Juraet l’évolution karstique de type juras-sien » in Annales de géographie,vol. XXXVII, p. 174-176, (NS)

172. 1929, « La morphologie du PlateauCentral de la France et l’hypothèseeustatique » in Annales de géographie,vol. XXXVIII, p. 113, 132, (NS)

173. 1929, « Les récifs coralliens, d’aprèsW. M. Davis » in Annales de géogra-phie, vol. XXXVIII, p. 417-426, (NS)

174. 1929, « Les panoramas du MontBlanc, de Robert Perret » in Annales degéographie, Vol. XXXVIII, p. 615-616, (NS)

175. 1929, « L’Institut de Géographie del’Université de Paris » in Annales del’Université, 20 p.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3322

Page 23: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

176. 1929, « Le Congrès international deGéographie de Cambridge » inAnnales de Géographie, t. XXXVIII,p. 1-9.

177. 1929, « La morphologie du PlateauCentral de la France et l’hypothèseeustatique » in Annales de Géogra-phies, t. XXX VIII , p. 113-132

178. 1929, Le problème des minorités parA. Tibal, la répartition et le rôle desminorités nationales en Roumanie parE. de Martonne, le principe des natio-nalités et les minorités nationales parM. Bouglé, Paris, 115 p., Publicationsde la conciliation internationale, col-lection des publications de la concilia-tion internationale Bulletin n° 2, 1929(NS)

179. 1930, « Une nouvelle géographie et unatlas de la Suisse » in Annales de géo-graphie, vol. XXXIX, p. 421-422,(NS)

180. 1930, « Jean Brunhes » in Annales degéographie, vol. XXXIX, p. 549-553,(NS)

181. 1930, « Les étrangers en Suisse » inAnnales de géographie, vol. XXXIX,p. 649-650, (NS)

182. 1930, « Le problème de l’influence del’homme sur la végétation, d’après uneétude sur le Chili méridional » inAnnales de géographie, vol. XXXIX,p. 654-655

183. 1930, « La dégradation de l’hydrogra-phie » in Scientia, 19 p.

184. 1930, « Impressions et observationssur l’Oued Rhir, les dunes et l’irriga-tion » in Bulletin de l’Association deGéographes français, 1930, p. 58-62.

185. 1930, « Excursion interuniversitaireen Yougoslavie » in Annales deGéographie, t. XXXIX, p. 246-269.

186. 1930, « Nécrologie : Jean Brunhes » inAnnales de géographie, vol. 46, p.611-616

187. 1931, Europe centrale, GéographieUniverselle, tome 1 : Généralités,Allemagne. 1 vol., in-4°, 380 p.,90 fig., 64 pl., sous la dir. de P. Vidal dela Blache et L. Gallois

188. 1931, « Congrès international de géo-

graphie de 1931 » in Annales de géo-graphie, vol. XL, p. 62-64, (NS)

189. 1931, « La septième édition desPrincipes de géographie physique deA. Supan » in Annales de géographie,vol. XL, p. 175-179, (NS)

190. 1931, « L’évolution du littoral du Nordde la France, d’après A. Briquet » inAnnales de géographie, vol. XL,p. 175-179, (NS)

191. 1932, « Chroniques » in Annales degéographie, vol. XLI, p. (NS)

192. 1932, Europe centrale, GéographieUniverselle, tome 1I : Suisse, Autriche,Hongrie, Tchécoslovaquie, PologneRoumanie, 1vol., in-4°, 460 p., 97 fig.,72 pl. sous la dir. de P. Vidal de laBlache et L. Gallois

193. 1932, « Essai de synthèse morpholo-gique des Carpates » in C.R.Académie des Sciences, 4 avril,t. CXCIV, p. 1177-1180

194. 1932, , « La Silésie polonaise : confé-rences faites à la bibliothèque polonai-se de Paris par L. Eisenmann, E. deMartonne et al. » en collaborationavec Casimir Smogorzewski, collec-tion « Problèmes politiques de laPologne contemporaine », 2, Paris, ed.Gebethner et Wolff, 469 p (NS)

195. 1932, « Morphologie et nomenclaturedu relief sous-marin » in Manuel pourles observations océanographiques àla mer, Italie, Venise, ed. scientifiqueCommission internationale pour l’ex-ploration scientifique de la merMéditerranée, 29 p. (NS)

196. 1932, Abrégé de géographie physique,355 p., 3° ed, Paris, A. Colin, Evreux,Herissey (NS)

197. 1932, Titres et Travaux scientifiques deEmmanuel de Martonne, A. Colin,Paris, in-4°, 62 p.

198. 1934, en collaboration avec A. Chol-ley, F. Herbette, J. Ancel, La France :interprétation géographique de lacarte d’Etat-major au 1/1800000,exercices pratiques gradués sur lesdivers types de régions, 1er fascicule,343 p., ed. Alençon, Imprimeriealençonnaise, Paris, A. Colin

23Grafigéo 2007-33

Sources et bibliographie

Page 24: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

199. 1935, La France : interprétation géo-graphique de la carte d’Etat-major au1/1800000, exercices pratiques gra-dués sur les divers types de régions, encollaboration avec A. Cholley, F. Her-bette, J. Ancel, 2° fascicule

200. 1935, Supplément à la notice sur lestitres et travaux scientifiques de Emma-nuel de Martonne, Cahors, in-8, 16 p.

201. 1941, « Lucien Gallois, 1857-1941 » inAnnales de Géographie, vol. 50, p.161-167

202. 1942-1948, La France physique,Géographie universelle, tome 6 LaFrance, volume 1, 464 p., A. Colin

203. 1943, Préface pour Le Spitzberg et laSibérie du Nord de V. Romanovsky,Paris, Payot, 200 p., collection« Bibliothèque géographique »

204. 1945, Glaciers et relief glaciaire, Paris,Palais de la Découverte, collection« Les conférences du Palais de laDécouverte », 15 p., conférence faite le21 avril 1945

205. 1945, Préface pour Jean Chardonnet,Guerre ou paix : problèmes interna-tionaux d’actualité, Paris, édition de laTable ronde, 343 p.

206. 1946, « Slaves et Germains entre Oderet Vistule » in Frontière polono-alle-mande, p. 15-31, La Colombe, éditionsdu vieux Colombier, Paris

207. 1946, Géographie, Manuel de larecherche documentaire en France, II-1-2°section 103 p., PUF, Paris,

208. 1946, Manuel de la recherche docu-mentaire en France, Union françaisedes organismes de documentation,tome 2, 1re partie, 2e section, géogra-phie, sous la dir. de E. de Martonne,articles bibliographiques par E. deMartonne, E. Colin, A. Cholley,M. Pardé, F. Gaudet-Milon, J. Rouchet al., Paris, PUF, 104 p.

209. 1948, Préface pour P. Chombart deLauwe et al., La découverte aériennedu monde, ed. Paris, Horizons deFrance, 413 p.

210. 1948, préface pour J. Dollfus, Atlasmondial, Paris, ed. Girard, Barrère etThomas, 87 p.

211. 1948, Géographie aérienne, Paris,A. Michel, collection « Sciences d’au-jourd’hui », 244 p.

212. 1950, « Elicio Colin, 1874-1949 » inAnnales de Géographie, vol. 59, p. 68-69

213. 1953, « E. de Margerie » in Annales deGéographie, vol. 62, p. 389

214. 1981-1985, Lucrari geografice despreRomânia (travaux géographiques surla Roumanie), ed. Academici republi-cii socialiste Romania, 2 vol (271 p et253 p.)

215. Sans date, Notes. Karpates, recueilfactice composé de tirés à part parusde 1899 à 1906

216. sans date, La terre roumaine in « LaRoumanie-Paris »

217. Sans date, Evolution morphologiquedes Karpates méridionales

218. Sans date, préface d’E. de Martonne,Histoire du peuple français de NicolasIorga, Paris, O. Zeluck, 417 p., collec-tion « Bibliothèque franco-roumai-ne » (NS)

219. Sans date (probablement 1918-1919)Conditions physiques et économiquesde la navigation rhénane, 31 p. (NS)

220. Sans date, La Bessarabie, 19 p. (dacty-lographié) (NS)

221. Sans date La question du Banat, 34 p.,notes dactylographiées (NS)

222. Sans date, « La Roumanie », conféren-ce faite à l’Union française, éd. Paris,Union française, 283 p., collection« Bibliothèque de l’Union française »

223. Sans date, Carte géologique desKarpates méridionales, 25X45 cm,1/1000000

224. Sans date Mélanges géographiques,Université de Rennes (recueils desarticles écrits par E. de Martonne de1897 à 1899)

Quelques remarques sur la bibliographied’ E. de Martonne peuvent être énoncées :la majorité des ouvrages et des articles por-tent sur la géomorphologie. Les œuvres nongéomorphologiques relèvent de troisthèmes : l’épistémologie de la géographie

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3324

Page 25: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

(française et allemande, ce qui est tout demême notable pour une époque qui ne sesouciait pas d’épistémologie), son rôle poli-tique au Comité d’études (ouvrages etarticles qu’il a en général « omis » de signa-ler dans ses Titres et travaux, comme s’ilvoulait gommer cette partie-là de son œuvre; en tout cas, le géographe ne tient pas à ceque ses écrits relevant du Comité d’étudespassent à la postérité. Enfin, ses ouvrage nongéomorphologiques concernent les deuxvolumes du tome 4 sur L’Europe centrale dela « Géographie Universelle ».

On peut s’interroger sur les raisons quiont poussé E. de Martonne à omettre cer-tains travaux dans la liste de ses Titres ettravaux. Les articles, conférences ou autresouvrages concernés entretiennent pour ungrand nombre d’entre eux des rapports avecla Roumanie et le Comité d’études.

Ecrits sur E. de Martonne Remarque : ici, le souci d’exhaustivité est moins aiguque dans la partie précédente.

Par ses contemporains en France eten Allemagne (1re moitié du XXe siècle)

– CHABOT Georges, 1968, « L’oeuvre géo-graphique d’Emmanuel de Martonne :1873-1955 » in Przeglad Geograficzny,t. 40, p. 719-723.

– CHOLLEY André, 1956, Notice nécrolo-gique sur E. de Martonne in Annales degéographie, n° 347, LXV, janv.-fév., p. 1-14

– CHOLLEY André, 1957, « Tendances etorganisation de la géographie en France »in L’Information géographique, La géo-graphie française au milieu du XXe siècle,Paris, J.-B. Baillière et fils, p. 13-25

– DRESCH Jean, 1956, « Emmanuel deMartonne » in Bulletin de la Société géo-logique de France, p. 626-642

– FICHEUX Robert, 1952, « M. Emmanuelde Martonne en Roumanie. Impressionset souvenirs » in Cinquantième anniver-saire du laboratoire de géographie (1902-1952), volume jubilaire, Rennes,Imprimeries réunies

– KREBS Norbert, 1931, « LiterarischeBesprechungen » in Zeitschrift derGesellschaft für Erdkunde zu Berlin,p. 305-307

– SCHMITTHENNER Heinrich, 1932, « Einefranzösische Geographie von Deutsch-land » in Geographische Zeitschrift,p. 22-29, (cf. annexe 6)

– SÖLCH Johann, 1933, « Der zweite Bandvon E. de Martonne’s Mitteleuropa » inGeographische Zeitschrift, t. XXXIX,p. 235-242, (cf. annexe 7)

– VOLZ Wilhelm, 1933, « E. de Martonne’sNationalitätenkarte von Mitteleuropa » inGeographische Wochenschrift, Leipzig,p. 327-333

– ZIMMERMANN Maurice, 1931, « L’Eu-rope centrale d’après Mr Emmanuel deMartonne » in Annales de géographie,vol. 40, n° 227, p. 559-566

Dans la recherche actuelle

– BARIETY Jacques, 1997, « Le géographeEmmanuel de Martonne, médiateur entrela Roumanie et la France » in ÉtudeDanubiennes, XIII (2), p. 25-33

– BAUDELLE Guy, 2001, « L’assise breton-ne. Emmanuel de Martonne et la fonda-tion du Laboratoire de géographie deRennes (1899-1905) » in Guy BEAUDEL-LE, Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER,Marie-Claire ROBIC (ed.), Géographes enpratiques (1870-1945), le terrain, le livre,la cité, p. 37-54

– BECK Hanno 1973, « Emmanuel deMartonne, p. 344-347 in Geographie.Europäische Entwicklung in Texten undErläuterung, Orbis Academicus, Bd.11/16, 508 p.

– BIROT Pierre, 1973, « Emmanuel deMartonne, précurseur de la géographieclimatique » in Bulletin de l’associationde géographes français, p. 551-554

– BOULINEAU Emmanuelle, 2001, « Ungéographe traceur de frontières :Emmanuel de Martonne et la Roumanie »in L’Espace géographique, 4, 2001,p. 358-369

– BROC Numa, GIUSTI Christian, 2007,« Autour du Traité de Géographie phy-

Sources et bibliographie

25Grafigéo 2007-33

Page 26: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

sique d'Emmanuel de Martonne : du voca-bulaire géographique aux théories en géo-morphologie » in Géomorphologie :relief, processus, environnement, n° 2,p. 125-144

– BUIRETTE Olivier, 1998, « Géographeset frontières : le rôle d’Emmanuel deMartonne au sein du Comité d’études lorsde la conférence de la paix (1919) » inGéohistoire de l’Europe médiane ss dirBéatrice Giblin et Yves Lacoste, LaDécouverte/Livres Hérodote, p. 149-163.

– CALVET Marc, GIUSTI Christian, GUN-NELL Yanni, 2007, « Regards croisés surl'histoire et l'épistémologie de la géomor-phologie » in Géomorphologie : relief,processus, environnement, n° 2, p. 107-112

– DELFOSSE Claire, 2001, « Emmanuel deMartonne, tisseur de réseaux internatio-naux de géographes » in Guy BEAUDEL-LE, Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER,Marie-Claire ROBIC (ed.), Géographes enpratiques (1870-1945), le terrain, le livre,la cité, p. 189-206

– DRESCH Jean, 1975, « Emmanuel deMartonne (1873-1955) » in Les Géogra-phes français, Bulletin de la section degéographie, LXXXI, Comité des travauxhistoriques et scientifiques, Paris, p. 35-48

– MORARIU Tiberiu, 1973, « Emmanuel deMartonne et la géographie roumaine » inBulletin de l’Association des géographesfrançais, p. 537-542

– NICOLAS Gilbert, 2001, « Le modèled’Outre-Rhin ? Emmanuel de Martonneet les universités allemandes à la fin duXIXe siècle » in Guy BEAUDELLE,Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER, Marie-Claire ROBIC (ed.), Géographes en pra-

tiques (1870-1945), le terrain, le livre, lacité, p. 175-187

– ORAIN Olivier, 2001. « Emmanuel deMartonne, figure de l’orthodoxie épisté-mologiquepostvidalienne ? » in Géogra-phes en pratique (1870-1945), le terrain,le livre, la cité, Presses universitaires deRennes, p. 289-311

– ORAIN Olivier, 2003, « Emmanuel deMartonne ou l’acmé du réalisme clas-sique ? », chap II in Le plain-pied dumonde. Postures épistémologiques et pra-tiques d’écriture dans la géographiefrançaise au XXe siècle, thèse de doctorat,Université de Paris 1, p. 70-88

– PALSKY Gilles, 2001, « Emmanuel deMartonne et la cartographie ethnogra-phique de l’Europe centrale (1917-1920) » in Comité français de Carto-graphie, n° 169-170, septembre-décembre , p. 76-85

– PALSKY Gilles, 2002, « Emmanuel deMartonne and the ethnological cartogra-phy of Central Europe (1917-1920) inImago Mundi, vol. 54, London, p. 111-119,

– ROBIC Marie-Claire, JOSEPH Bernadette,1987, « Autour des papiers d’E. deMartonne » in Acta geographica, n° 72, p.37-65

– TISSIER Jean-Louis, 2002, « Martonne(Emmanuel de) » in WINOCK Michel,JULIARD Jacques, Dictionnaire des intel-lectuels français, p. 758-759

– TUFESCU V., 1985, « Emmanuel deMartonne, fautitor al geografiei modernesi rolul san in formarea geografici româ-nesti » in Lucrari geografice despre româ-nia, Bucaresti, Editura academiei republi-cii socialiste românia, p. 7-26

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Page 27: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

LA BIOGRAPHIE d’E. de Martonne per-met d’aborder son bagage intellec-tuel et sa formation auprès des

grands maîtres de l’École normale supé-rieure de la rue d’Ulm. Gendre de PaulVidal de la Blache, il s’impose à son tour àla mort du fondateur de l’École française degéographie en 1918, comme le « patron »de la géographie française. Menant unebrillante carrière universitaire, E. deMartonne joue par ailleurs un rôle pré-pondérant sur le plan institutionnel : cetorganisateur hors pair travaille sans relâchepour assurer à la toute jeune discipline géo-graphique une place de choix en Francedans l’enseignement supérieur commedans la recherche. Elément moteur del’Union géographique internationale, ilcontribue à assurer à l’École française degéographie un éclat sans pareil sur la scèneinternationale de l’époque. Le contexte his-torique et épistémologique de la premièremoitié du XXe siècle est marqué par laconcurrence entre les écoles allemande etfrançaise de géographie. Bien introduitauprès du monde politique, E. de Martonneest choisi comme expert au Comité

d’études qui prépare la Conférence de laPaix à Paris en 1919-1920. Il est chargé departiciper à l’élaboration des nouvellesfrontières de l’est de l’Europe après laPremière Guerre mondiale. La représenta-tion cartographique y joue un rôle majeur,car elle n’est pas dénuée d’arrière-plan géo-politique et stratégique : la carte devient unoutil d’aide à la décision très puissant.

UN « PATRON » DELA GÉOGRAPHIE FRANÇAISE...

« Patron » de la géographie française etdonc porteur d’une certaine idéologie, il estl’expression de la société cultivée de l’époque.

Sa formation

Louis Eugène Emmanuel de Martonnenaît le 1er avril 1873 à Chabris dans l’Indre1

« 1er avril 1873 : naissance de Louis EugèneEmmanuel de Martonne fils de LouisGeorges Alfred de Martonne et de Marie-

27Grafigéo 2007-33

Chapitre 2 • Emmanuel de Martonne(1873-1955), chef de file de l’École française de géographie

1. La thèse es lettres comporte une thèse principale de géographie et une thèse secondaire. De plus,E. de Martonne a réalisé une thèse de sciences

Page 28: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Louise Caroline Cadaud » (Robic, 1987,p. 39)

Il entre à l’Ecole normale de la rued’Ulm dans la section lettres en 1892 et il ysuit les cours de Paul Vidal de la Blache.

A sa sortie de Normale, il éprouve lebesoin de compléter sa formation avecd’autres cours en sciences physiques etnaturelles. Il passe ainsi sa licence èssciences en s’initiant à la météorologie et àla topographie. Il est reçu à l’agrégationd’histoire et géographie en 1895 et enseigneà partir de 1900 dans les facultés de lettres.

Il soutient deux thèses : la première en1902 à la faculté des lettres de Paris dontune sur la Valachie : « La Valachie, essai demonographie géographique ». Il soutient sathèse de sciences en 1907. Elle porte sur lagéomorphologie des Alpes de Transylvanieen Roumanie : « Recherche sur l’évolutionmorphologique des Alpes de Transylvanie(Carpates méridionales) ».

Il reçoit une bourse après l’agrégationpour aller étudier en Allemagne. Il y suit lescours des plus grands professeurs allemandsde l’époque. E. de Martonne précise dansl’introduction de ses Titres et travaux de1918 qu’il va auprès des « professeurs degéographie les plus réputés alors : F. vonRichthofen à Berlin et A. Penck à Vienne,tout en fréquentant les laboratoires desciences physiques et naturelles de Berson,Wahnschaffe et Engler à Berlin, de J. Hannet Beck von Managetta à Vienne ». Il suitalors les cours sous une forme toute nouvel-le pour lui qui ne connaît que les confé-rences et cours magistraux dispensés dansles amphithéâtres français : les séminaires.

Son enseignement : géomorphologieet cartographie

E. de Martonne débute son enseigne-ment en 1898 lorsqu’il est chargé d’un coursde météorologie auprès du laboratoire degéographie physique de la faculté dessciences de Paris.

Il occupe son premier poste d’enseignantde géographie à la faculté des lettres deRennes de 1899 à 1905 où il devient profes-seur adjoint en 1904. Puis il est nommé à

Lyon jusqu’en 1909 où il devient en 1906professeur de géographie avant d’arriver àParis en 1909 à la faculté des lettres de l’uni-versité de Paris pour occuper la chaire degéographie laissée vacante par le congé deP. Vidal de la Blache. Il est chargé de coursde géographie de 1909 à 1919, puis profes-seur de géographie à la même faculté. Il yreste trente-cinq ans jusqu’en 1944. Il occu-pe par ailleurs à partir de 1927 le poste dedirecteur de l’Institut de géographie del’Université de Paris. En 1926, il fait partiedu directoire du laboratoire de Géographiegénérale de l’Ecole Pratique des HautesÉtudes (section des sciences).

A chacun de ses différents postes, il créeles mêmes structures, à savoir des labora-toires et des séminaires. Il s’inspire ainsi desméthodes allemandes d’enseignement qu’ila pu admirer lors de ses séjours outre Rhin.

En 1909, il publie son célèbre Traité degéographie physique, véritable bible pourdes générations d’étudiants. Très souventréédité, cet ouvrage est considéré comme unacte constitutif de la géographie physique enFrance.

En outre, il utilise activement lessystèmes de représentations cartographiqueset réfléchit sur le mode de construction descartes ethnographiques, comme l’a montréG. Palsky. Dans ce domaine, il joue un rôlemajeur au Comité d’études pour les traitésde paix de 1919-1920 (Palsky, 2001, 2002).

Ses terrains privilégiés de recherche :Roumanie, Europe centrale

Jeune normalien agrégé, E. de Martonnese prépare tout d’abord à une expéditionscientifique en Afrique dans la région deslacs du haut Nil pour étudier les problèmesdu climat et de l’hydrographie. Ce projetn’ayant pas abouti, il se tourne vers l’Europecentrale et en particulier la Roumanie.

Il parcourt sans cesse cette région. Ilparle l’allemand (comme tout bon étudiantde cette époque) et le roumain. Son abon-dante bibliographie sur la géomorphologiede l’Europe centrale et en particulier sur laRoumanie l’atteste.

Il s’est intéressé aux États-Unis, comme

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3328

Page 29: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

le montrent ses contacts géographico-diplo-matiques avec l’Inquiry2 lors de la prépara-tion des traités de paix de la PremièreGuerre mondiale.

Plus tard, il a mené des recherches auBrésil.

La « Géographie Universelle » : couronnement d’une carrière universitaire

Considéré comme le plus grand spécia-liste français de la géographie de l’Europecentrale, il est chargé par P. Vidal de laBlache et L. Gallois du tome 4 de laGéographie Universelle portant sur cetterégion. Cette collection est publiée de 1927à 1948. Le tome 4, en deux volumes, rédigépar E. de Martonne paraît en 1930-1931.

L’étude détaillée des deux volumes dutome 4 est menée dans la troisième partie dece mémoire.

Son rôle institutionnel

E. de Martonne occupe des postes clésau sein de l’enseignement supérieur et de larecherche française. C’est un homme decommissions et d’appareil, bien intégrédans les réseaux de pouvoir. Professeur degéographie à la Sorbonne, directeur del’Institut de géographie, membre actif duComité National de Géographie (il en est lesecrétaire général de 1920 à 1952) et del’Union Géographique Internationale, (il enest le secrétaire général de 1931 à 1938 puisprésident de 1938 à 1949) il structure lagéographie française et lui donne un grandéclat sur la scène internationale.

Par ailleurs, il organise pour la premièrefois en 1906 les excursions interuniversi-taires. Ses efforts pour créer une agrégationde géographie sont récompensés en 1943.

Parmi ses nombreuses distinctions hono-rifiques3 et autres fonctions électives, onpeut citer les suivantes : à partir de 1920, ilest directeur de la revue des « Annales degéographie », fondée par Vidal de la Blache.

De plus, il préside la Société de Géographiede Paris. En 1931, il devient secrétaire géné-ral du Congrès International de Géographiede Paris. Il est membre d’honneur de plu-sieurs grandes sociétés géographiquesétrangères (de Bucarest, Budapest, NewYork, Rome, Londres, Berlin, Stockholm,Copenhague), Docteur Honoris Causa desUniversités de Cambridge et de Cluj enRoumanie.

O. Orain considère la posture épistémo-logique d’E. de Martonne comme un «patron » pour la géographie post-vidalienne,« d’autant plus opérant qu’il découlait d’unepratique normée mais implicite. C’est enprofessant – en chaire et en excursion autantque par écrit – que cet homme d’action a puconstruire et transmettre une posture disci-plinaire qui va bien au-delà de la lettre d’undiscours » (Orain, 2003, p. 71).

Son rôle politique de « géographetraceur de frontières » (Boulineau, 2001)

Ce rôle se manifeste essentiellement ausein du Comité d’études. E. de Martonne yjoue la courroie de transmission auprèsd’André Tardieu. Il est par ailleurs con-seiller de Georges Clemenceau.

Une analyse poussée du rôle de E. deMartonne au Comité d’études est menéedans les pages qui suivent.

Il paraît intéressant de noter que l’é-poque d’E. de Martonne est peu propice auxréflexions épistémologiques poussées.D’ailleurs, comme le remarque A. Cholleydans sa notice nécrologique des « Annalesde Géographie » sur E. de Martonne : « Onpeut s’étonner qu’il n’ait jamais songé àdonner, soit dans un article, soit dans uneconférence, une définition de la géographie,précisant sa position parmi les sciences. »Sa bibliographie montre qu’il a consciencedu problème. Il tente de plus dans un petitouvrage de préciser ce qu’est la science géo-graphique. A. Cholley y revient : « Il aretracé pourtant, dans un opuscule de

29Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

2. L’équivalent américain du Comité d’études.3. En 1932, il est nommé au grade d’ « officier de la légion d’honneur ».

Page 30: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

25 pages (La sciences géographique, col-lection Larousse, 1915), qui a dû passer àpeu près inaperçu, étant donné les circons-tances de sa publication, les principalesétapes de l’évolution de la géographie enFrance. Cet exposé particulièrement sug-gestif éclaire d’une façon singulière les pro-blèmes qui se sont posés vers la fin du XIXe

siècle au sujet d’une discipline qui n’en étaitqu’à ses débuts et permet de bien saisir laplace qu’il a tenue dans son organisation. »

Pour tenter de mieux cerner la personna-lité et le rôle de E. de Martonne comme« patron » de la géographie en cette premiè-re partie du XXe siècle, une étude ducontexte historique et épistémologiques’impose maintenant.

... dans un contexte interna-tional tendu

Au sortir de la guerre franco-allemandede 1870-1871, les savants français, toutesdisciplines confondues, éprouvent le besoinde relever le défi allemand. La géographiefrançaise, qui se constitue en « école » sousla houlette de P. Vidal de la Blache (1845-1918), s’inspire largement du modèle alle-mand avant de le dépasser. E. de Martonnes’inscrit dans cette époque charnière tout enassurant, sans révolution, l’héritage vida-lien. Les transferts entre les écoles alleman-de et française s’effectuent au niveau desinstitutions et des idées, non sans de nom-breux affrontements sémantiques. Après laGrande guerre s’installe sur le plan interna-tional un climat d’ostracisme envers l’écoleallemande de géographie ; cette dernièreperd son rôle moteur et dominant au profitde l’école française.

Deux écoles de géographie concur-rentes : l’allemande et la française

En géographie, le modèle allemand estdominant depuis Carl Ritter (1779-1859) etAlexander von Humboldt (1769-1859). Apropos de C. Ritter, P. Claval explique que

« La géographie est pour lui une réflexionsur la globalité du réel : elle a pour but desaisir l’unité et la diversité de la Terre, danssa totalité, et souligne les liens multiples quis’y tissent entre les phénomènes les plusdivers. » (Claval, 1998, p 70).

Le défi allemand

La concurrence entre géographes alle-mands et français s’inscrit dans un cadreplus large. Pour tous les intellectuelsfrançais, le « défi allemand » est à relever(Berdoulay, 1991).

La défaite de 1871 humilie les Françaisqui tiennent à relever le défi allemand dansles domaines politique, intellectuel et éco-nomique. V. Berdoulay rappelle l’évolutiondes attitudes françaises par rapport àl’Allemagne.

Avant 1870, l’Allemagne est considéréecomme le pays des lettres, des arts et de lascience. Sur le plan intellectuel, l’auteurnote des divergences d’attitude par rapport àl’Allemagne entre les libéraux et les conser-vateurs français, prémices des conflits idéo-logiques de la Troisième République. Leslibéraux considèrent l’Allemagne commeun modèle de la science, des lettres et desarts ce qui leur permet de critiquer les équi-valents français considérés comme infé-rieurs. A l’opposé, les conservateurs (spiri-tuels éclectiques à la Victor Cousin et lescatholiques) prennent l’Allemagne pourcible, ce qui leur permet de s’opposer auxlibéraux de l’époque.

Après 1870, l’Allemagne devient unobjet de revanche et paradoxalement unmodèle. En effet, la défaite entraîne unerecherche des causes et une remise en ques-tion des idées d’avant 1870. Cela se traduitpar la perte de l’idéal d’une Europe en paixet unie. On assiste donc à un repli sur unnationalisme que nourrit un idéal de« régénération nationale ». Apparaissentainsi les thèmes de la « revanche » et del’Allemagne comme modèle. En effet, deuxréactions s’expriment face à la prétenduesupériorité allemande : la gauche, partisanede la nouvelle république, pense quel’Allemagne devrait être un modèle pour le

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3330

Page 31: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

monde intellectuel. Il s’agit d’une imitationcritique et non d’une admiration aveugle.Les conservateurs sont hostiles au modèleallemand et le rejettent. Ils sont aussi contrela réorganisation de l’enseignement prônéepar les républicains (Taine, Renan). Il estcependant à noter que l’invocation del’avance allemande peut avoir un côtéstratégique pour demander plus de créditspour la recherche et plus de postes.

Enfin, la puissance allemande a été uneobsession pour le nationalisme français,d’où l’importance de la notion de « défiallemand » dans des questions de sociétécomme le colonialisme, le régionalisme,l’instruction et la morale.

Donc, sur le plan intérieur et internatio-nal, les intellectuels français se confrontentau modèle allemand. C’est particulièrementvrai en géographie. Les étudiants françaispartent en Allemagne enrichir leur forma-tion géographique auprès de maîtres recon-nus internationalement. Ils sont soutenus encela par le gouvernement français quioctroie des bourses d’études. M.-C. Robicnuance la thèse de V. Berdoulay selonlaquelle la défaite de Sedan en 1870 auraitinscrit la géographie française dans un pro-jet original, républicain et nationaliste. Eneffet, dès le milieu du XIX ° siècle, la géo-graphie a été introduite dans l’enseignementscolaire français. De plus la France neconstitue pas une exception dans la mesureoù l’Empire allemand, la Grande-Bretagneou encore les Etats-Unis ont aussi connu lesmêmes élans nationalistes fin XIXe et débutXXe siècle et ont cherché à favoriser l’en-seignement de la géographie dans ce sens.Enfin, la défaite de Sedan a certes été unchoc, mais l’écrasement de la Commune aété un traumatisme (Robic, 2006, p. 19).

Dans son ouvrage sur la crise allemandede la pensée française entre 1870 et 1914 ,C. Digeon précise : « Aller outre-Rhinsuivre les cours d’une université, c’était sou-vent, avant guerre, faire preuve d’une certai-ne indépendance d’esprit, et parfois témoi-gner son mépris aux universités françaises. Iln’en est plus de même après 1870, puisquel’état ou des organismes officiels, favorisentles missions d’études et envoient des étu-

diants en stage dans une université alleman-de. » (Digeon, 1959, 1992, p. 378). Il pour-suit : « Les jeunes gens formés suivant lesnouvelles idées, c’est-à-dire suivantl’exemple allemand, ont désormais l’ambi-tion de faire aussi bien et mieux que les uni-versitaires germaniques » (Digeon, 1959,1992, p. 378). C. Digeon mentionne lesattraits de l’Allemagne à cette époque-là :« Si on fait abstraction du problème poli-tique, il est certain que l’Allemagne présen-te aux jeunes gens nés aux alentours de 1870des trésors de philosophie et de poésie quepeu de pays peuvent offrir » (Digeon,1959,1992, p. 391) . E. de Martonne bénéfi-cie lui aussi d’une bourse pour aller aprèsl’agrégation enrichir sa formation auprès desmaîtres allemands. Il en profite aussi pourenquêter sur l’organisation de l’enseigne-ment supérieur allemand.

C’est dans ce contexte national et inter-national que naît l’Ecole française de géo-graphie.

La formation de l’École française de géographie

Dans son ouvrage sur l’École françaisede géographie, Vincent Berdoulay met enrelation la formation de cette école, qui sedéroule entre les deux crises de 1870 et1914, avec la mise en place d’un nouveausystème politique en France, la TroisièmeRépublique. Cette période voit naître un fortintérêt géographique dans le public grâcenotamment au colonialisme et à l’implanta-tion de la géographie à l’Université. Il s’agiten effet de « mettre en rapport le phénomè-ne de maturation et diffusion rapide de lagéographie avec la courte et homogènepériode correspondante de l’histoire deFrance » (Berdoulay, 1981, p. 7).

La place d’ E. de Martonne au sein de l’École française de géographie

E. de Martonne appartient à la secondegénération de Vidaliens (Berdoulay, 1981,p.178).

31Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

Page 32: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

La première génération de Vidaliens estconstituée par les plus anciens étudiants deP. Vidal de la Blache, M. Dubois (1856-1916), L. Gallois (1857-1941), J. Camenad’Almeida (1865-1943), L. Raveneau(1865-1937). Ces derniers sont les témoinsde l’évolution de la géographie des étudeshistoriques ancien style vers les études phy-siques, humaines et régionales. Les thèsesdirigées par A. Himly procèdent de la géo-graphie historique ou de l’histoire de la géo-graphie. Philosophiquement, cette premièregénération se rattache aux idées de la répu-blique opportuniste et du néo-kantisme de J.Lachelier ou de E. Boutroux.

La seconde génération regroupe des étu-diants qui réalisent leur thèse sous la directionde P. Vidal de la Blache et sous forme demonographies régionales. Ces Vidaliensdeviennent les plus connus en France commeà l’étranger : J. Brunhes (1869-1930),C. Vallaux (1870-1945), A. Demangeon(1872-1940), A. Vacher (1873-1921),R. Blanchard (1877-1965), J. Sion (1879-1940) et M. Sorre (1880-1962). La majoritéd’entre eux accède à des postes universitaires.Cette génération, née après la guerre de 1870-1871, prend part « au mouvement de penséelancé par P. Vidal de la Blache, mais est pro-bablement sensible aux nouveaux développe-ments philosophiques (comme ceux deH. Bergson) qu’elle commence à assimiler »(V. Berdoulay, 1981, p. 178).

On peut donc rattacher E. de Martonne àune tradition géographique : l’Ecole françai-se dirigée par les Vidaliens qui a dû surmon-ter le défi allemand. Cela montre par quoi E.de Martonne est modelé et permet de voir cequ’il en garde et en quoi il innove. Qu’ap-porte-t-il par rapport à P. Vidal de la Blachequand il devient le « patron » de la géogra-phie française ? Comment cela se traduit-ildans la sémantique de l’Europe centrale ?

Transferts réciproques entre les deux écoles de géographie

E. de Martonne s’est inspiré des métho-des universitaires utilisées par les géo-graphes allemands en créant des labora-toires et en dispensant des cours sous forme

de séminaires. Réciproquement, les géo-graphes allemands reconnaissent l’impor-tance du géomorphologue, mais critiquentde façon virulente le traceur de frontières.Donc des transferts s’opèrent en pointillé ouen continu entre les deux Écoles.

V. Berdoulay explique dans son ouvrageque les transferts entre les deux Écoless’opèrent à deux échelons : celui des institu-tions et celui des idées.

Au niveau des institutions, un gros effortest entrepris dans l’organisation du travailpour améliorer la qualité de l’enseignementde la géographie en France.

L’importance des maisons d’éditionprivées joue un rôle décisif dans le prestigede la géographie allemande au XIXe sièclecomme l’illustre par exemple l’institut géo-graphique de Justus Perthes à Gotha : cedernier produit aussi bien des atlas, que desannuaires statistiques, des cartes murales,des manuels scolaires ou encore des revuescomme les « Petermanns Mitteilungen ». LaFrance fait en partie de même après 1870comme le montre l’exemple de EliséeReclus (1830-1905) chez Hachette.

En 1871, à la demande du ministre del’Instruction publique Jules Simon, PierreEmile Levasseur et Auguste Himly visitentles écoles primaires et secondaires et propo-sent une réforme de l’enseignement de l’his-toire et de la géographie. A cette époquen’existe qu’une seule chaire de géographie àla faculté (Himly), donc les nouveaux ensei-gnants, non-spécialistes, improvisent descours comme P. Vidal de la Blache à Nancyen 1873. La gauche entreprend la réformedes universités en s’inspirant du modèle alle-mand. En effet, la plupart des universitésprussiennes possèdent des chaires de géo-graphie à la fin des années 1870.

Par ailleurs, deux des plus importantesinnovations allemandes sont reprises enFrance, notamment par E. de Martonne qui abien observé le système universitaire alle-mand et en a même tiré un rapport en 1898.Il s’agit du séminaire, c’est-à-dire le regrou-pement d’un petit nombre d’étudiants endehors du cours magistral, et des laboratoiresde géographie. E. de Martonne en crée un

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3332

Page 33: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

dès son premier poste à Rennes en 1899.Plusieurs autres géographes universitairesfont des missions d’études en Allemagne, cequi leur permet de nouer des contacts per-sonnels avec le monde universitaire d’outreRhin.

Les transferts entre les Écoles allemandeet française de géographie ne se font pasuniquement au niveau des institutions maiségalement au niveau des idées.

Les géographes déclarés comme tels onten général une formation historico-géogra-phique qui doit presque toujours quelquechose à la géographie allemande. Touséprouvent le désir de se placer dans le cadredéfini par le grand géographe allemand CarlRitter (1779-1859), qui influence de façonnotable l’enseignement et la recherche enFrance. A la fois disciple de Vidal de laBlache et rittérien, E. de Martonne appro-fondit comme L. Gallois (1857-1941) etJ. Brunhes (1869-1932) la recherche en géo-graphie physique sans toutefois rejeter lecadre fourni par C. Ritter. En outre, E. deMartonne, comme P. Vidal de la Blache etcomme les autres étudiants, estime particu-lièrement les travaux de F. Ratzel (1844-1904) portant sur l’anthropogéographie etétudie d’ailleurs avec lui en 1896. E. de Mar-tonne écrit même un article en 1904 pour lesmélanges à la mémoire de F. Ratzel.

Les transferts entre les Écoles allemandeet française de géographie ne s’effectuentpas sans quelques affrontements d’ordresémantique.

Affrontement sémantique

Les affrontements d’ordre sémantiques’opèrent notamment sur les concepts de« région », de « Mitteleuropa » (Europe cen-trale), de « frontière » et de « Lebensraum »(espace vital). Ce point sera particulière-ment développé dans le troisième chapitreconsacrée à l’analyse du tome 4 de la« Géographie universelle » sur l’Europecentrale de E. de Martonne et de sa récep-tion par les géographes allemands.

En ce qui concerne la région, il est ànoter que le mouvement régionaliste engéographie permet l’essor d’une géogra-phie appliquée. P. Vidal de la Blache etP. Foncin, membres de la FédérationRégionaliste Française, travaillent sur leproblème de l’identification et de la délimi-tation des régions.

L’impact des guerres franco-allemandes de 1870-1871 et 1914-1918

La guerre franco-allemande de 1870-1871 a peu d’impact sur E. de Martonne,puisqu’il part étudier en Allemagne aprèsl’agrégation. Par contre, pour la sociétéfrançaise et l’École française de géogra-phie, cette guerre constitue une remise encause scientifique et intellectuelle de fonden comble et tout est mis en œuvre pourrelever le défi allemand.

La Première Guerre mondiale et lestraités de paix expriment une grande duretéenvers l’Allemagne et l’ex-Empire austro-hongrois. Au même titre que l’opinionpublique et les élites françaises conserva-trices, E. de Martonne affiche son antiger-manisme et son antibolchevisme. D’où letracé des nouvelles frontières de l’Europecentrale.

Le climat d’ostracisme par rapportaux géographes allemands sur la scène géographique internationaledans l’entre-deux-guerres

Après les Traités de paix de la PremièreGuerre mondiale, un climat de plus en plustendu s’installe pendant l’entre-deux-guerres entre les deux écoles de géographie.L’Union géographique internationale cons-titue le lieu d’expression symptomatiquedes antagonismes croissants. C’est dans cecontexte d’animosité grandissante que E. deMartonne écrit les deux volumes du tome 4de la Géographie universelle qui sont reçusde façon très critique par les géographesallemands (cf. chapitre 3).

33Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

Page 34: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Dans son ouvrage sur l’Union géo-graphique internationale (UGI) et les congrèsinternationaux de géographie, M.-C. Robicinsiste dans le chapitre 9, écrit avec M.Rössler, sur l’UGI, comme « enjeu des rela-tions internationales dans la première moitiédu XXe siècle. » (Robic, 1996, p. 241).

Dans le même ouvrage, on aprend quedès le début des années trenteA. Demangeon et Yves-Marie Goblet criti-quent la Geopolitik allemande : « Il [Goblet]appuie son argument non seulement sur lespartis-pris de la géographie politique, maissurtout sur ce qu’il considère comme lacampagne calomnieuse engagée contreL’Europe centrale d’E. de Martonne, ouvra-ge publié en 1931 dans la nouvelle collec-tion de « Géographie Universelle » (Robic,Rössler, 1996, p. 246).

On y découvre aussi que I. Bowmannaurait attribué à une réaction négative àl’ouvrage sur l’Europe centrale l’absencedes Allemands au Congrès international deParis en 1931. A travers les attaques orches-trées dont le livre fait l’objet, Y.-M. Gobletdiagnostique également les symptômesd’une crise de la géographie allemande mar-quée par le développement d’une pseudo-science de l’Etat, un asservissement de lagéographie au politique, et des critiques ten-dancieuses.

Une citation de Y.-M. Goblet de 1932montre l’évolution des attitudes françaisespar rapport au modèle allemand : « tout celane peut qu’attrister ceux qui se souviennent,avec Demangeon, du temps où tous les géo-graphes d’Europe écoutaient ce qui leurvenait d’Allemagne comme la voix mêmede la science ; (or) ce temps est révolu s’ilest démontré que désormais la vérité varieselon les patries. »

Le climat d’animosité entre les Écolesallemande et française de géographie culmi-ne en 1933 dans un échange épistolaire du15-11-1933 entre E. de Martonne etS. Passargue. M.-C. Robic livre la réponsede E. de Martonne : « votre lettre confirmeencore l’impression que l’Allemagne estcomme vous le dites vous-même une nation

gravement malade » (Robic, Rössler,1996,p. 249). A l’arrivée d’A. Hitler au pouvoiren Allemagne, les liens sont donc complète-ment distendus entre les géographes d’unerive du Rhin à l’autre.

A ses débuts, l’École française de géogra-phie s’est structurée en s’inspirant largementdu modèle allemand de référence. Un demi-siècle plus tard, on assiste à une rupture par-tiellement consommée entre les géographesfrançais et allemands : d’une part, l’Écolefrançaise occupe le devant de la scène géo-graphique mondiale, et d’autre part, la Pre-mière Guerre mondiale et les Traités de paixqui ont suivi, ont avivé les antagonismesentre géographes français et allemands. C’estce que permet de situer l’activité du Comitéd’études pour la Conférence de la Paix. Parailleurs, c’est aussi l’occasion de comprendrele rôle du géographe expert E. de Martonnecomme traceur des nouvelles frontières del’est de l’Europe.

Expert-géographe et carto-graphe au service des traitésde paix (1919-1920)

E. de Martonne est appelé au Comité d’é-tudes à titre d’expert avec d’autres géo-graphes et y joue le rôle particulier de cour-roie de transmission avec le mondepolitique comme l’attestent ses nombreuxcontacts avec A. Tardieu (1876-1945, délé-gué à la conférence de la Paix et président deplusieurs commissions territoriales) et avecG. Clemenceau (1841-1929, Premier Minis-tre français). Géographe et cartographe, E. deMartonne comprend et met en évidence l’im-portance décisive de la représentation carto-graphique. Le cas de la Roumanie est ici par-ticulièrement développé.

E. de Martonne, expert-géographeau Comité d’études

Qu’est-ce que le Comité d’études ?

Dans le tome 2 des Travaux du Comité

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3334

Page 35: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

d’études sur « Questions européennes »(1919), les étapes de l’élaboration du comitésont explicitées en introduction : « A la suitede conversations répétées au cours desannées 1915 et 1916, il a paru utile, pouraider à préparer le dossier des futures négo-ciations, de réunir quelques-uns deshommes les plus qualifiés par leurs tra-vaux….Comme il s’agissait surtout d’éta-blir des faits et de grouper des informations,on ne s’est guère adressé d’abord qu’à deshistoriens et à des géographes, qui eux-mêmes se réserveraient de prendre, en toutematière à laquelle ils auraient à toucheraccessoirement, par exemple en matièreéconomique, l’avis des personnes plus spé-cialement compétentes. Un comité d’étudesa donc été formé le 17 février 1917… Enouvrant la première séance le mercredi28 février 1917, M. Ernest Lavisse (prési-dent) … définit en ces termes le but des tra-vaux du Comité, suivant le but qui lui étaittracé : « il s’agit, non d’apporter des solu-tions, mais de constituer une série de dos-siers utiles à ceux qui auront la responsabi-lité de représenter la France au Congrès dela Paix. Toutes les questions touchantl’Europe devront être examinées ». Le butest de préparer les règlements territoriaux dela Première Guerre mondiale et de tracer lesfrontières des nouveaux états issus dudémantèlement de l’empire austro-hongroiset du Reich allemand.

Les réunions du Comité d’études (defévrier 1917 à juillet 1919) ont lieu à lasociété de géographie dont la bibliothèquepossède un fonds très riche et ensuite auMinistère des Affaires Etrangères au Quaid’Orsay où il semble d’ailleurs peu à peu« phagocyté ». E. Boulineau précise que laconférence préliminaire a lieu dans la salledes cartes de l’Institut de Géographie de laSorbonne (Boulineau, 2001, p. 359).Ensuite elle précise que le Comité d’étudess’est réuni dans un hôtel, rue de Cons-tantine, mis à sa disposition par le Ministèredes Affaires Etrangères.

Le Comité d’études a été créé par legouvernement français par un décret du 17 février 1917. L’historien CharlesBenoist, également député républicain pro-

gressiste de la Seine en 1915, est chargéd’en choisir les membres.

En 1917, le noyau constitutif du comitése compose de seize membres dont 11 uni-versitaires : quatre géographes (P. Vidal dela Blache qui y fait entrer E. de Martonne etL. Gallois, et le général Robert Bourgeois,directeur du Service Géographique del’Armée) et sept historiens (Ernest Lavisse,Antonin Debidour, professeur d’histoirecontemporaine, Ernest Denis, spécialistedes questions slaves, Camille Jullian etChristian Pfister, professeurs d’histoireancienne, et enfin Alphonse Aulard etCharles Seignobos, historiens classés « àgauche » car pacifistes en pleine guerre) etde cinq personnes issues d’autres horizons(dont Ernest Babelon, professeur au Collègede France, Emile Bourgeois, professeur àl’École libre des sciences politiques et à lafaculté de Lettres de l’université de Paris,Arthur Chuquet de l’Académie des sciencesmorales et politiques).

O. Buirette propose un organigrammepour comprendre comment fonctionne leComité d’études (cf. annexe 2).

Les géographes s’investissent entière-ment dans cette action que M.-C. Robic qua-lifie de « parenthèse patriotique ». En effet,ils n’en font pas état par la suite (comme onpeut le voir dans les Titres et travaux de E. deMartonne) alors qu’ils y ont passé un tempset une énergie considérables. P. Vidal de laBlache est vice-président du Comité d’étudeset E. de Martonne, secrétaire.

Il faut rappeler ici que E. de Martonneparticipe à plusieurs comités et commis-sions de l’Etat-major. Comme l’expliqueJ. Bariéty, les géographes français ont parti-cipé pendant la Grande Guerre aux travauxdes trois principaux comités créés au servi-ce géographique de l’armée, à la Société degéographie de Paris et au Comité d’étudesdu ministère des Affaires étrangères. Lesactivités de ces trois instances se sont che-vauchées dans le temps entre 1914 et 1919(Bariéty, 2002).

E. de Martonne participe tout d’abordavec d’autres géographes à la Commissionde géographie du Service géographique del’Armée (Wolff, 2005, t. III, p. 469-506).

35Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

Page 36: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

D. Wolff en rappelle la constitution : sous ladirection du Général Robert Bourgeois,directeur du Service géographique del’armée depuis 1911, se met en place dèsjanvier 1915 la commission de géographie.Elle comprend P. Vidal de la Blache, E. deMartonne, L. Gallois, A. Demangeon, E. deMargerie, L. Raveneau et ultérieurement B.Auerbach, J. Sion, A. Vacher et deux géo-logues (A. Briquet et P. Jodot). E. deMartonne rédige des notices sur l’Europeoccidentale, le Grand-Duché de Bade, laprovince rhénane, le Grand-Duché deHesse, la province de Hesse-Nassau, laWestphalie et le Hanovre méridional (1ervolume), le Wurtemberg et la Bavière sep-tentrionale (1er volume), la Suisse (1er volu-me), les Alpes centrales (1er et 3e volume),sur la Vénétie, la péninsule balkanique,l’Albanie et le Monténégro, la Turquied’Europe et d’Asie et la Syrie (Wolff, 2005,t. III, p. 479-480).

J. Bariéty explique que la Société de géo-graphie de Paris, la seule grande associationde géographie en France à cette époque là, acréé pendant la guerre des commissionspour préparer des propositions en vue defuturs traités de paix. Emmanuel deMartonne en fait également partie. Les tra-vaux ont en particulier porté sur l’Afrique etle partage entre alliés des colonies alle-mandes ainsi que sur le sort à réserver àl’Allemagne, à la future frontière franco-allemande et aux problèmes de la Rhénanie.« Au début de 1917, ces activités de laSociété de géographie prirent fin, sans doutepour la même raison que celle du Servicegéographique de l’Armée : l’entrée en fonc-tion du Comité d’études du ministère desAffaires étrangères ; ce dernier, à la diffé-rence des commissions de la Société de géo-graphie ne comprendra que des universi-taires, mais qui traiteront souvent desthèmes dont on avait déjà traité à la Sociétéde géographie. » (Bariéty, 2002, p. 13-14)

Donc, à partir de 1917 est constitué unComité d’études chargé de préparer la paix.Il a été créé par Charles Benoist et a été bienmieux analysé et étudié que la commissionde géographie du Service géographique del’Armée.

Le Comité d’études n’est pas le seul àréfléchir sur la paix, comme le montrentd’autres organismes des pays alliés commepar exemple l’Inquiry des AméricainsI. Bowman et D. W. Johnson. Par ailleurs, leComité d’études subit la concurrence d’uneCommission de géographie interalliéefondée en février 1919 et présidée par leGénéral Robert Bourgeois. Enfin, à partir dedécembre 1918, A. Tardieu organise desréunions en dehors du Comité d’études et enpartenariat avec des membres duCommissariat général des affaires de guerreaméricaines pour fixer les propositionsfrançaises à la Conférence de la Paix.

E. de Martonne est plus fréquemmententendu que ses collègues géographes pen-dant les réunions organisées par Tardieuavec les Américains. Par ailleurs, « à partirde 1919, E. de Martonne obtient du ministè-re des Affaires étrangères la création d’unsecrétariat dont il a la direction ; installé ruede Constantine, il est chargé de fournir desrenseignements à la délégation française dela Conférence de la paix (Wolff, 2005, t. III,p. 469-506).

Le rôle d’ E. de Martonne au sein du Comité d’études

E. de Martonne exerce un ascendantnotable sur le Comité d’études. Les résultatsque cette équipe fournit sous forme de syn-thèses, de rapports et de cartes représententun travail impressionnant.

Un travail colossal est réalisé par E. deMartonne au sein du Comité d’études : ilpropose aux conseillers et membres de laConférence de la paix des synthèses des rap-ports envoyés par les pays concernés par leschangements de frontières. Il propose aussides tracés ou des rectifications de tracés defrontières en s’appuyant sur une analyse dela documentation disponible (comme parexemple les statistiques des recensementsde populations). Au Comité d’études, E. deMartonne, secrétaire, présente les rapportssuivants : le 18 juin 1917 sur « Conditionsphysiques et économiques de la navigationrhénane » (267 p.), le 25 février 1918 sur

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3336

Page 37: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

« Conditions physiques et économiques dela question adriatique » (459 p.), le 3 février1919 sur « La question du Banat » (553 p.),le 22 mai 1918 sur « La Transylvanie »(579 p.), sur « La Bessarabie » (625 p.) et le6 mai 1918 sur « La Dobroudja » (643 p.)

Par ailleurs, les relations de E. deMartonne avec le monde politique sont deplus en plus étroites. Quelle part reste-t-il àl’objectivité scientifique dans ces questionsépineuses de tracé de frontières ? Si E. deMartonne exerce son travail de géographe,il n’est pas exempt d’a priori plus ou moinsinconscient et baigne dans un climat d’anti-germanisme et d’anti-bolchevisme. Lechoix des tracés de frontières n’est pas uni-quement guidé par les Quatorze points deWilson, loin de là : l’économique primesouvent le principe des nationalités etl’idéologie politique des vainqueurs est clai-rement affichée. E. de Martonne est encontact avec A. Tardieu, ministre plénipo-tentiaire et président de plusieurs commis-sions territoriales sur l’Europe centrale. Legéographe est aussi le conseiller deG. Clemenceau pour les frontières de l’estde l’Europe. Il faut rappeler que la Francedispose de cinq sièges à la Conférence de laPaix dont G. Clemenceau, S. Pichon, L.L.Klotz, A. Tardieu.

De plus, E. de Martonne entretient desliens avec l’armée : il a donné des cours àl’Ecole de guerre, a des contacts avec leService Géographique de l’Armée et épou-se les idées du lobby militaire français favo-rable à une option « grande Roumanie »(Ter Minassian, 1997).

Donc le rôle de « liaison » que joue deMartonne avec les milieux politiques etmilitaires est essentiel.

La méthode de travail d’ Emmanuel de Martonne

L’anti-germanisme et l’anti-bolchevismeont guidé les décisions du Comité d’études.Ces deux présupposés constituent le cadregénéral impératif des travaux rendus parledit comité. La Roumanie n’est pas la seule

concernée, car la Pologne et le corridor deDantzig le sont aussi.

O. Buirette affirme : « En créant la Polo-gne et la Tchécoslovaquie, il s’agit donc dedresser un rempart à la fois contre le germa-nisme et le bolchevisme » (1998, p. 155).

Le tracé des frontières proposé résulte deplusieurs facteurs.

« Ainsi ce géographe remodèle avec leComité une partie de la carte de l’Europeorientale. Cependant, bien des choix quivont être pris seront partiaux, en fonctiondes intérêts des États vainqueurs, mais aussides préférences personnelles du conseillergéographe » (O. Buirette, 1998, p. 154).

E. de Martonne semble lié au mondepolitique et notamment aux intérêts desEtats vainqueurs et en particulier de laFrance, quitte à rester vigilant sur les propo-sitions américaines plutôt bulgarophiles :« On doit s’attendre à voir poser la questionde l’indépendance de la Macédoine, de laconfédération balkanique. On peut prévoirune sympathie déguisée pour la Bulgarie »(de Martonne, 1919, p. 154).

De plus, ses préférences personnellesexercent une influence dans la mesure où ilapparaît donc plutôt roumanophile et ainsimoins favorable aux Bulgares et auxHongrois.

Les relations d’ E. de Martonne avec lesfuturs pays vainqueurs commencent tôt,comme le montre l’exemple des missionsdu géographe français aux Etats-Unis. Apropos de la correspondance d’E. deMartonne, M.-C. Robic rappelle dans larubrique « dossier de guerre 1914-1918 »ses interventions dans les relations franco-américaines et les négociations de paix.Elles concernent d’abord la mission effec-tuée en 1916-1917 comme « French visitingprofessor » à l’Université Columbia de NewYork (Ter Minassian, 1997, p. 40). « Undeuxième ensemble de documents date denovembre 1918. E. de Martonne, alorssecrétaire du Comité d’études comme l’in-dique une recommandation, est chargé demission, “officiellement chargé de confé-rences aux Etats-Unis” et « un échange delettres, datées de novembre 1918, avec des

37Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

Page 38: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3338

universitaires américains, indique qu’E. deMartonne leur confie des exemplaires dupremier ouvrage du Comité d’Etudesaccompagné de l’atlas correspondant » (TerMinassian, 1997, p. 41).

Concrètement, E. de Martonne joue parexemple un rôle important dans l’élabora-tion du corridor de Dantzig. Le géographefrançais a participé aux conférences portantsur les questions territoriales établissant lesgrands axes géographiques de la Pologne.La conférence du 29 janvier 19194 montrel’état d’esprit qui anime les membres duComité d’études (p. 156). Deux objectifsprincipaux sont poursuivis : respecter autantque possible les limites ethnographiques etorganiser une Pologne qui forme à la fois uncontrepoids à la poussée allemande (égalenécessité pour la Société des Nations d’unePologne forte sur l’Oder et d’une Franceforte sur le Rhin), un écran entre Russie etAllemagne et une cloison contre leBolchevisme. En conséquence, il faut pre-mièrement assurer à la Pologne un débou-ché sur la mer (article 13 du présidentWilson) qui soit assez large pour installersur la Baltique un riverain anti-allemand,fournir un débouché suffisant à une popula-tion de quelques trente-cinq millions d’habi-tants, avec cent kilomètres de front dechaque côté de Dantzig et permettre ladéfense du couloir en cas d’attaques conver-gentes menées de Prusse orientale et dePrusse occidentale. Deuxièmement, il fautchercher des positions défensives (rivières,montagnes) pour appuyer les frontières de laPologne, difficile à défendre sur 4 400 kmde développement, troisièmement assurer levoisinage de la Pologne avec la Roumanieet enfin arbitrer au plus juste les différendsfrontaliers entre la Pologne et ses voisinsTchéco-Slovaques, Ruthènes, Lituaniens,afin qu’elle puisse ramasser ses forcescontre le Deutschtum.

O. Buirette en déduit : « Nous avons

encore là un exemple de l’émergence d’untravail géographique qui s’inscrit dans uneaction politique : E. de Martonne ne parle-t-il pas dans cet extrait de l’avantage écono-mique et même peut-être stratégique que laPologne trouverait dans un contact géogra-phique avec la Roumanie ? Ici encore, le tra-vail géographique s’inscrit dans une pers-pective politique et militaire. On peut sansdoute y voir une allusion à la volonté déjàsensible en Mai 1919 d’établir entre laPologne et la Roumanie deux points d’an-crage pro-occidental face à la Russie com-muniste. » (Buirette, 1998, p. 162).

C’est au cours des réunions du Comitéd’études que s’exprime toute l’importancedes représentations cartographiques. Lacarte, par son élaboration et les choix qu’el-le implique, devient un « outil de l’aide à ladécision » ( Boulineau, 2001).

La cartographie au service de la politique

La cartographie se veut scientifique maisn’est en réalité pas neutre : en effet, l’anti-germanisme et l’anti-bolchevisme s’y expri-ment fortement.

Comme l’analyse G. H. Herb dans lechapitre 1 “Nationalism, territory, maps andpropaganda” de l’ouvrage issu de sa thèse« Under the map of Germany. Nationalismand Propaganda 1918-1945 », la carte n’estjamais neutre et exprime des états et desenjeux de pouvoir : “ It presumes that car-tography is a neutral science whichconstantly seeks to make representationsmore and more accurate, to bring themmore and more in line with reality. However,the production of maps cannot be separatedfrom the societal context in which it occurs.Even the seemingly most accurate map isstill a transformed and thus an interpretedpicture of reality5”

4. Cf. archives diplomatiques PA-AP 166 Tardieu, volume 360, questions territoriales 12/1918-06/1919.5. On présuppose que la cartographie est une science neutre qui recherche constamment à rendre les

représentations les plus compréhensibles possible, les plus conformes possible à la réalité. Cependant,l’élaboration des cartes est inséparable du contexte social dans lequel elle se produit. Même la cartela plus objective reste toujours une représentation transformée et interprétée de la réalité.

Page 39: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

“Like all knowledge, maps are expres-sions of power ; they are inherently rhetori-cal. Thus, to understand the role of maps inthe construction of a national territorialidentity, maps have to be deconstructed andanalyzed in their “layers of textuality”: thecartographic image itself, the material itaccompanies, and the larger socialcontext 6” (Herb, 1997, p. 7).

Les réflexions du Comité d’études, lacritique des cartes plus ou moins falsifiéesreçues des différentes délégations et la pro-duction de cartes visant à l’objectivité laplus grande incitent E. de Martonne à éla-borer un nouveau système de représentationcartographique. Il est vrai qu’à l’époque, lescritères de la représentation cartographiquesont encore balbutiants. Pour sa carte desRoumains, E. de Martonne combine plu-sieurs procédés connus, comme il l’ex-plique lui-même dans un article de 1920 desAnnales de Géographie : « En essayant dereprésenter moi-même les conditions ethno-graphiques d’une des régions les plusmêlées de l’Europe orientale, j’ai été amenéà une étude critique des essais antérieurs, etil a paru que les conclusions de cet examenpréliminaire pourraient être utilement pré-sentées au public » (de Martonne, 1920,p. 81).

La carte est un outil d’aide à la décisionpour des hommes politiques qui ont besoindes géographes afin de se représenter lasituation. Comme l’explique G. Palsky(1996), l’importance des cartes thématiquesest nouvelle : cartes de flux, cartes histo-riques, économiques, religieuses et surtoutethnographiques.

La carte, affichée au mur, doit faire sensrapidement et avec quelques mètres de recul.D’où l’importance du choix des couleurs etdes procédés de représentation : « L’imageaura sa valeur exacte fixée au mur d’un cabi-

net de travail » (E. de Martonne, 1920,p. 90).

O. Buirette utilise les procès-verbaux desréunions de la commission des affairespolonaises des archives Tardieu7. La séancen°2 (24 mars 1919) est consacrée à l’étudede la frontière orientale de la Pologne : E. deMartonne cartographe intervient pour pro-poser des cartes ethnographiques de cettezone. Le choix de la légende n’est pas inno-cent : les Polonais sont représentés en tacherouge (comme les Roumains sur la carte dela Roumanie, cf. aussi l’analyse deG. Palsky, 2001).

Les propos de E. de Martonne sont rap-portés : « On peut modifier cette carte de lafaçon suivante pour la rendre plus acces-sible. On peut grouper tous les signesrouges et mettre à part les signes qui sontau-dessous de 50 % ; on peut arriver ainsi àun coloris de surface qui rendra très frap-pante la répartition des Polonais et desRuthènes ».

Autour de ce débat de carte, on chercheavant tout à mettre en évidence l’importan-ce des populations polonaises « en rouge »,cela, comme nous l’avons déjà vu, dans lebut de « reconstruire une Pologne la plusgrande possible, comme auparavant celaavait été fait pour la Roumanie. »

L’argument économique est mis enavant pour soutenir cette idée : le cheminde fer est stratégique pour la Pologne. Leprincipe des nationalités ne constitue doncpas l’unique critère pour tracer les fron-tières. Le concept de région au sens vida-lien du terme sous-tend la notion de viabi-lité économique.

Les conceptions cartographiques mises enplace au Comité d’études par les géographesfrançais diffèrent de celles des Allemands.G.H. Herb explique dans le chapitre 4 de sonouvrage intitulé New concepts of national

39Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

6. Comme tout savoir, les cartes sont l’expression du pouvoir : elles sont essentiellement rhétoriques.Ainsi pour comprendre le rôle des cartes dans la construction de l’identité territoriale nationale, lescartes doivent être déconstruites et analysées dans leur « intertextualité »: l’image cartographiqueelle-même, le matériau qui l’accompagne et le contexte social le plus large.

7. Quai d’Orsay volume 361, sous-commission chargée d’étudier la frontière orientale de la Pologne ;archives diplomatiques, dossiers généraux sur la Pologne 331 et 332 ; archives diplomatiques PA-AP 166 – Tardieu volume 359, commission chargée des questions territoriales avec la Pologne (marsavril 1919).

Page 40: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

territory que face à l’injustice ressentie à lasuite de la perte des territoires allemands, lesgéographes d’outre-Rhin produisent à leurtour, mais plus tardivement, des cartes ethno-graphiques, comme par exemple pour le plé-biscite en Haute-Silésie. Les Allemands éla-borent des cartes historiques (se référantparfois au Saint Empire Romain Germa-nique) ; or les traités de la Première Guerremondiale ne prétendent reposer que sur leprincipe des nationalités. Cela ne peut mar-cher que si les territoires revendiqués sontethniquement entièrement allemands. Or lacolonisation allemande en Europe centrale afonctionné depuis le Moyen âge en« poches » de population.

Par conséquent émergent en Allemagneun nouveau concept de territoire nationalainsi qu’une école géographique de « géopo-litique » [reprenant en les déformant lesidées de Friedrich Ratzel ainsi que celles dusuédois Rudolf Kjellen (1864-1922)].Influencées par des considérations écono-miques, militaires et völkisch8 (nationalisteset racistes), les académies allemandes déve-loppent alors de nouveaux concepts qui ser-vent de fondement à la cartographie, etnotamment le concept d’unité organique etcelui de Volks- und Kulturboden (Herb, 1997,p. 53).

Les cartes réalisées par le Comité d’études et pour les traités de paix engen-drent une vive réaction du côté allemand. Apartir de là, les géographes allemands tententd’améliorer leur représentation cartogra-phique et de l’orienter vers la géopolitique

dans un but de propagande avoué : « Karl C.von Loesch, a member of the neo-conserva-tive circle in Berlin who headed theDeutscher Schutzbund, argued in his propo-sal for the creation of an institution whichwould unify and direct scientific research tohelp in the revision of the treaties. The goalwas to show that the Paris peace treatieswere based on false material – in particularcartographic representations – and to pre-sent improved versions. The false materialincluded not only foreign maps but alsodomestic cartographic products whoseshortcoming was mainly to equate languageand nationality. German science had thetask of contradicting these maps with moreaccurate and more sophisticated methods ofrepresentation.9 » (Herb, 1997, p. 66)

Lors d’une rencontre à la Gesellschaftfür Erdkunde zu Berlin du 3 au 5 janvier1922 pour établir l’Austauchzentrale, ondiscute de l’importance du choix des colorisde la légende et en particulier de la couleurrouge : « This sparked general discussionson methods of cartographic representationand their political effects. The participantsagreed that in the future, the german seetle-ment and language area should always bedepicted with the most visible color : brightred. In addition, the development of carto-graphic representations using black andwhite was recommended. This was a reflec-tion of the general post-war trend inGermany to pay closer attention to persua-sive cartographic techniques10 » (p. 68). Ces réflexions sur la couleur rouge sont àcomparer avec les analyses de G. Palsky sur

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3340

8.cf. RAFFESTIN, 1995, p. 17 : « La traduction du terme völkisch est problématique. Nous proposonsde le comprendre dans le double sens de populiste et national-populaire avec une connotation impli-cite plus ou moins nationaliste dans l'aspect national et plus ou moins raciale dans l'aspect populai-re, les contenus nationaliste et raciste croissant au fil du temps pour prévaloir avec le nazisme. »

9. Karl C. von Loesch, un membre du cercle néo-conservateur à Berlin qui dirige la DeutscherSchutzbund, propose la création d’une institution qui unifierait et dirigerait la recherche scientifiquepour aider à la révision des traités. Le but était de montrer que les traités de Paix de Paris étaientbasés sur du matériel erroné – en particulier les représentations cartographiques – et de présenter desversions améliorées. Le materiel erroné n’inclut pas seulement les cartes étrangères mais aussi laproduction cartographique nationale dont le défaut était principalement de mettre en parallèle lalangue et la nationalité. La science allemande a le devoir de contredire ces cartes avec des méthodesde représentation précises et plus sophistiquées.

10 Ceci a suscité des discussions générales sur les méthodes de représentations cartographiques etleurs effets politiques. Les participants ont été d’accord pour que dans le futur, l’installation depopulations germaniques et le langage soient toujours décrits avec la couleur la plus visible : rougevif. A cela, le développement des représentations cartographiques en noir et blanc est recommandé.C’était une réflexion sur les tendances d’après guerre en Allemagne de porter la plus grande atten-tion aux techniques cartographiques.

Page 41: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

le choix de cette couleur chez E. deMartonne.

La Roumanie et ses frontières

Les sympathies françaises pour laRoumanie ne relèvent pas uniquement de laroumanophilie connue d’ E. de Martonne.Certes ce dernier a réalisé ses deux thèsessur le pays, parle le roumain et connaît par-ticulièrement bien la région pour y avoirséjourné à plusieurs reprises. Mais laRoumanie est aussi considérée comme unpays latin de langue romane. La roumano-philie française s’inscrit dans un héritage depolitique étrangère depuis Napoléon III quia commencé l’unification des Roumains enconstituant un noyau roumain formé par laréunion de la Valachie et de la Moldavie.Le but poursuivi à l’époque était d’affaiblirl’empire austro-hongrois. Cette stratégiegéopolitique perdure encore. C’est ainsique s’exprime au Comité d’études la sym-pathie française pour la Roumanie : « Onfait ressortir la situation délicate de laRoumanie, pays latin perdu à la lisière del’Europe orientale, au milieu du mondeslave, privé du contact avec ses alliés occi-dentaux, exposé, comme la guerre actuellel’a montré, à être écrasé par un mouvementconvergent de ses ennemis » (DeMartonne, 1919).

Cependant, des considérations purementstratégiques et idéologiques sont aussivenues appuyer l’idée d’une Roumanieforte, capable de résister au communisme.G. Clemenceau n’est pas roumanophile ; aucontraire, il n’estime guère le diplomateroumain I.C. Bratianu (premier ministreappartenant au Parti National Libéral) quicherche par tous les moyens à assurer à sonpays les tracés frontaliers les plus avanta-geux possibles. S.D. Spector écrit à propos

du diplomate roumain Ion I.C. Bratianu etde la Roumanie : « To France, Romaniacould be a bulwark against the Germanmoves11 » (Spector, 1995, p. 36)

S.D. Spector insiste sur les relations plutôttièdes entre G. Clemenceau et la Roumanie :« French minister Saint-Aulaire expressedhis inability to obtain anything more thanverbal assurances from the new premier ofFrance, Georges Clemenceau, whose esteemfor Romania had never been high ».

On trouve de plus en note :« Clemenceau’s antipathy toward Romaniawas not secret. His newspaper, ‘L’Hommeenchainé’, had criticized Bratianu for badfaith and dishonesty before and after inter-vention.12 » (Spector, 1995, p. 41)

La méfiance de G. Clemenceau vis-à-visde la Roumanie et en particulier deI. Bratianu s’explique par les soubressautsde l’histoire politico-militaire de laRoumanie. En effet, en 1914, le roi deRoumanie et son entourage germanophilese sont engagés auprès des Puissan- ces centrales. Paradoxalement, l’opinionpublique roumaine est favorable à uneentrée en guerre aux côtés de l’Entente.I. Bratianu, Premier ministre en 1915, tientà maintenir la neutralité de son pays, du faitdes échecs allemands sur le front français etdu fait de l’incertitude politique enRoumanie. Par ailleurs, il ne veut pas enga-ger son pays dans une guerre pour laquelleil n’a pas été consulté, selon les clauses de1883. Afin d’encourager la Roumanie à sejoindre au conflit, les Alliés lui promettent laBucovine et la Transylvanie comme gageterritorial. La Roumanie perçoit ainsi l’op-portunité de faire la guerre afin d’assouvirde vieux intérêts nationaux, et se joint àl’Entente en juin 191613.

41Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

11. Pour la France, la Roumanie peut constituer un rempart contre les mouvements germaniques.12. Le ministre français Saint-Aulaire exprime son incapacité à obtenir plus que des assurances ver-

bales de la part du Premier ministre français Georges Clemenceau, dont l’estime pour la Roumanien’a jamais été bien haute.” En note (p. 71) : « l’antipathie de Clemenceau à l’égard de la Roumanien’avait rien de secret. Son journal, L’Homme enchaîné, a critique Bratianu pour sa mauvaise foi etson manque d’honnêteté avant et après l’intervention. »

13. DUROSELLE Jean-Baptiste, L’Europe de 1815 à nos jours, Nouvelle Clio, PUF, reed. 1995, p. 181.

Page 42: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Donc, l’action est vraiment dirigée contrel’Allemagne et le bolchevisme et beaucoupmoins pour la Roumanie en tant que telle.Grâce à l’action du Comité d’études et sur-tout à E. de Martonne et à A. Tardieu, laRoumanie double sa superficie et gagne huitmillions d’habitants d’ailleurs pas tousRoumains. S.D. Spector conclut son livrepage 298 sur la hantise de l’extension du bol-chevisme qui joue en faveur de laRoumanie : « Closely related to Russia’sdisappearance from the European concertwas the very real panic Bolshevism inspiredin the West. Bratianu’s manipulation of thisfear assisted his campaign most effectively.As a result, Romania’s increase in size wasdue as much to Lenin as to the French andAmericans14. » (Spector, 1995, p. 298)

A. Tardieu suit les consignes d’E. deMartonne et insiste sur l’importance de laviabilité économique et notamment duréseau ferroviaire. S.D. Spector en donne unexemple avec la question de la Buco-vine :“A. Tardieu, chairman of the Commis-sion, relied implicitly upon the validity of the1916 Alliance, a conviction he shared withthe Italians. In fact, the Italians had becomemost philanthropic, proposing on February11 to award Romania a frontier along theTisa River even though Bratianu had neverclaimed so much purely Magyar territory.Vannutelli-Rey admitted his line did notrepresent the best ethnic frontier, but it wasRomania, not Hungary, who was the alliedstate. The French did not go as far, recom-mending that two predominantly Magyarcities, Satu Mare and Oradea, be awardedto Romania because both were vital railway

centers necessary for Romanian prospe-rity15 ”. (Spector, 1995, p. 129)

Les analyses de O. Buirette (1998) etE. Boulineau (2001) concernant le Banat deTemesvar (sud-est de la Roumanie) donnentun exemple très précis de la méthode uti-lisée par E. de Martonne : « Nous savonspar les archives qu’il s’agit sans doute de laquestion qui fut la plus précisément traitéepar le géographe [E. de Martonne], en rela-tion étroite avec A. Tardieu ».

Tardieu a présidé la commission de jan-vier à août 1919 qui a concerné les règlements territoriaux de la Hongrie,Yougoslavie, Roumanie et Bulgarie16.

Avant 1914, le Banat était hongrois. En1919, la région est partagée entre laRoumanie et la future Yougoslavie (royau-me des Serbes, Croates et Slovènes).

La question du Banat fait l’objet d’unrapport présenté à la séance du 3 février1919 par E. de Martonne. Le plan de sa pré-sentation est le suivant : I La thèse serbe, IILa thèse roumaine, III Géographie physiqueIV Les conditions ethniques, V-Solutionsdiverses du problème. E. de Martonne utili-se les statistiques démographiques hon-groises les plus récentes. Il compare defaçon neutre les revendications serbes etroumaines et leurs conséquences avant deproposer un compromis. Cependant ilinfluence son rapport du côté roumain enrappelant l’historique du Banat et en insis-tant sur son actuel peuplement roumain. Ilne va pas dans le sens de la thèse serbe.« Ainsi sous l’influence de A. Tardieu et de

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3342

14. « En étroite relation avec la disparition de la Russie de la scène européenne s’est développée àl’Ouest une réelle panique face au bolchevisme. En manipulant cette peur, Bratianu a rendu sonaction plus efficace. Au total, l’accroissement de la superficie de la Roumanie doit plus à Léninequ’aux Français et aux Américains. »

15. Tardieu, le président de la commission, se fiait implicitement à la validité de l’Alliance de 1916,une conviction partagée avec les Italiens. En fait, les Italiens sont devenus plus philanthropes enproposant le 11 février de donner à la Roumanie une frontière le long de la rivière Tisa même siBratianu n’a jamais reclamé autant de territoires purement Magyars. Vannutelli-Rey a admis quecette ligne ne représentait pas la meilleure frontière ethnique, mais que c’était la Roumanie et nonla Hongrie, qui était le pays allié. Le Français n’est pas allé si loin, recommandant seulement quedeux villes à prédominance magyare, Statu Mare et Oradea, soient données à la Roumanie parcequ’elles représentent des centres ferroviaires vitaux nécessaires à la prospérité roumaine.

16. Les archives diplomatiques du Quai d’Orsay se trouvent à la cote PA-AP 166-Tardieu, sur la ques-tion du Banat, volumes 373, 374, 375 et 378

Page 43: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

E. de Martonne, la Roumanie reçut une trèslarge partie du Banat, mais elle obtint égale-ment gain de cause dans l’évacuation par lesSerbes de la partie qu’ils occupaient. »(Buirette, 1998, p. 158)

G. Palsky (2001) analyse l’orien-tation inconsciente de E. de Martonne quichoisit la couleur rouge pour représenter lesRoumains dans sa carte ethnographique desRoumains intitulée « Carte des pays oùdominent les Roumains » publiée en 1919par le Service Géographique de l’Arméedans l’Atlas du Comité de diffusion res-treinte et en 1920 dans un article de E. deMartonne dans Les Annales de Géographie.Critiquant les différents types de représenta-tions cartographiques existantes, E. de Mar-tonne propose sa propre méthode de repré-sentation des données ethniques. Toutd’abord, E. de Martonne choisit de mêler lesystème des cartes ethnographiques et celuides cartes de densité. Chaque nationalité estreprésentée par une couleur dégradée entrois tons correspondant aux intervalles sta-tistiques suivants : inférieur à 25 habitantsau km2, entre 25 et 75 et supérieur à 75. Ceprocédé a déjà été utilisé dans la revue alle-mande Petermann’s Geographische Mit-teilungen (on peut ici encore apprécier lestransferts entre l’Allemagne et la France).Ensuite E. de Martonne applique un traite-ment spécifique aux villes : des cercles pro-portionnels correspondent à l’importancedes différentes nationalités vivant en ville.Donc les nationalités des espaces rurauxsont représentées par des teintes plates etcelles des espaces urbains par des secteursde cercles. Enfin, les traitements statistiquessont assez radicaux : si une nationalitédomine avec une proportion égale ou supé-rieure à 75 pour cent, elle est représentéeseule, les minorités n’étant alors pas prisesen compte. Si la nationalité dominantereprésente moins de 75 pour cent, les mino-rités qui ont des proportions voisines sontreprésentées par des bandes de couleuralternées d’égale largeur. Si une nationalitéapproche ou excède la majorité absolue, sesbandes colorées ont une largeur double.

« L’idée est d’offrir une “image géogra-phique d’ensemble” (E. de Martonne,1920). La précision statistique est sacrifiéeau profit d’une illustration qui “montre aupremier coup d’œil les régions homogèneset les caractères des régions mixtes” » (E. deMartonne, 1920).

Comme le souligne G. Palsky « dansle cas d’E. de Martonne, l’expertise seconforme clairement aux intérêts français »(Palsky, 2001, p. 78). G. Palsky analyse deplus près les parti pris graphiques et lescritères retenus par le géographe pour éla-borer sa carte intitulée : « Répartition desnationalités dans les pays où dominent lesRoumains ». Le titre porte en lui une signi-fication qui oriente vers un jugement pro-roumain. Par ailleurs, l’utilisation de la cou-leur rouge pour la représentation desRoumains dénote une connaissance de l’im-pact visuel et donc mental que peut exercercette couleur sur l’œil humain. « Le choixdu rouge pour les territoires de nationalitéroumaine les privilégie sur le plan visuel. »De plus, le choix opéré par E. de Martonnede représenter de façon séparée les villes etles campagnes permet de rendre plus visiblesur la carte les populations rurales au détri-ment des populations urbaines qui sontdominées par les Allemands et les Magyars.La haute considération accordée au peuple-ment rural, enraciné depuis longtemps dansun territoire, s’inscrit dans la logique de lapensée vidalienne et de l’École française degéographie régionale. Enfin, E. de Mar-tonne privilégie la continuité du peuple-ment, en l’occurrence celui des Roumains,au détriment du peuplement en îlots, enpoches discontinues caractéristique du peu-plement allemand et magyar.

Trois points permettent de conclure cettedeuxième partie consacrée à E. deMartonne, chef de file de l’École françaisede géographie dans la première moitié duXXe siècle.

Tout d’abord, son rôle au Comité d’é-tudes a été pendant longtemps peu connucar il n’en a pas fait de publicité, au contrai-re. Rétrospectivement, il reste sceptique oudu moins dubitatif sur le rôle des géo-

43Grafigéo 2007-33

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

Page 44: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

graphes comme traceurs de frontières17.G. Palsky note que lorsque E. de Martonneprésente sa carte ethnographique sur lesRoumains lors de conférences sur « la nou-velle Roumanie », il n’insiste pas sur sonrôle personnel (Palsky, 2001, p. 78).

Ensuite, une question se pose : quel a étél’impact réel de l’immense travail derecherche et de construction de cartes réalisépar les membres du Comité d’études ? Lesrépercussions immédiates sont ténues.Comme le rappelle G. Palsky « les expertsne jouèrent pas le rôle principal dans lesnégociations. Il a même été dit en Franceque ceux du Comité d’études avaient tra-vaillé en vain ». Cette dernière assertion doitêtre nuancée avec J. Bariéty18 par le fait quele comité d’études a produit une documen-tation permettant une meilleure information.En outre, les réflexions sur la cartographie,notamment la cartographie ethnographique,ont à plus long terme renouvelé la disciplineet approfondi le débat sur la géographieappliquée.

Enfin, le rôle des géographes commebâtisseurs de frontières suscite des interro-gations comme l’analyse M. Foucher quiexplique l’ancienneté de l’implicationpolitique du géographe traceur de frontiè-re : « En effet, la question des frontièresn’est pas un champ neuf en géographie :ce sont les géographes qui, dans le passé,ont, le plus écrit, aux côtés des juristes etdes stratèges, sur les questions de fron-tières. Le thème des frontières est l’un desrares où les géographes aient abordé « defront » le champ du politique. Des géo-graphes, experts scientifiques et carto-graphes, ont paticipé activement et partici-pent encore aujourd’hui à la réflexion surdes tracés concrets de frontières. »(Foucher, 1984, p. 118). Le problème desfrontières a toujours été essentiel : « Lesfrontières ont été et restent encore la formemajeure de l’organisation politique – réel-le et symbolique – du monde. » (Foucher,

1984, p. 118). « Lorsque les géographes sesont engagés dans le champ du politique,ce fut presque exclusivement pour traiterde problèmes de frontières. » (Foucher,1984, p. 124)

« Il convient aussi de mentionner desouvrages consacrés à des questions de géo-graphie politique, qui ne sont pas desmanuels, mais des analyses précises deconfigurations géopolitiques à un momentdonné de l’histoire : Demangeon, DeMartonne, Ancel, Siegfried, Bowman. »(Foucher, 1984, p. 124)

M. Foucher insiste sur les présupposés etles méthodes des géographes : « Or, malgréla diversité de l’engagement pratique desgéographes, on peut souligner une constan-te : les géographes qui étudient les questionsde frontières en affichant leur grand soucid’une démarche strictement scientifique,avancent en fait masqués, puisque, en fin decompte, il leur faut bien trancher dans le vif,sur la carte, en fonction de tel ou tel intérêt,selon leur appartenance nationale. Quant àceux qui participèrent explicitement, publi-quement, à des entreprises de remodelagede la carte politique du monde, ils affirmè-rent rechercher des frontières idéales, scien-tifiques, stables et porteuses de paix, alorsque, sauf exceptions (Jovan Cvijic pour laYougoslavie, par exemple), il ne s’agissaitque de consolider sur le terrain un rapport deforces ; ultérieurement, ce type d’engage-ment des géographes a été oublié. »(Foucher, 1984, p. 125)

M. Foucher analyse en particulier lasituation de E. de Martonne et des nouvellesfrontières de l’est de l’Europe après laPremière Guerre mondiale. Le géographes’inscrit dans un projet politique et géopoli-tique en fonction de sa nationalité. Onretrouve la notion de « parenthèse patrio-tique » utilisée par M.-C. Robic pour expli-quer l’état d’esprit des géographes.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3344

17. Cf. préface d’Yves LACOSTE au Tableau de la France de l’Est (Lorraine-Alsace) 1917, Editions LaDécouverte, « Livres Hérodote », Paris 1994, p. 5-38.

18. BARIETY Jacques, « la France et la naissance du royaume des Serbes, Croates et Slovènes, 1914-1919 », Relations internationales 103, 2000, p. 307-327.

Page 45: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Sur l’idéalisme de la « bonne » frontière,M. Foucher ajoute : « Ainsi, la frontière estpromue acteur de la vie politique, selon lacroyance (acte de foi) que seule une « bonnefrontière » définitivement arrêtée et claire-ment démarquée, pourrait assurer la paix. Ceprésupposé géographico-politique sembleinspiré par une approche idéaliste (au sensde recherche de l’idéal) ou mieux “wilso-nienne” des phénomènes politiques. »(Foucher, 1984, p. 129). Mais l’idéalisme seheurte rapidement à la réalité : « Mais dansle même temps, le tracé de ces frontières‘idéales’ fut décidé de façon singulièrementunilatérale : en 1919 comme en 1945-1947,il ne s’agissait pas, en vérité, de tracer desfrontières idéales, c’est-à-dire symétrique-ment avantageuses pour tous, mais d’opérerun découpage de l’Europe tel que l’expan-sion « bolchevique » (selon l’expression de

Wilson lui-même, pointée par JeanGottman) vers l’ouest, et les risques d’unealliance Allemagne-URSS, si redoutée alorspar un autre géographe et géopoliticienfameux, Mackinder, soient rendus impos-sibles. Il y avait là un projet géopolitiqueparfaitement conscient de la part des Alliés,correspondant à des intérêts bien réels (quenous n’avons pas à juger) et non à un idéaluniversel et abstrait. » (Foucher, 1984,p. 129)

M. Foucher conclut sur le relativisme dela « bonne » frontière : « Il faudrait donc seconvaincre qu’il n’y a pas de bonne frontiè-re dans l’absolu, mais des frontières réellesprésentant plus d’avantages politiques,stratégiques, économiques, pour les uns quepour les autres, à un moment historiquedonné » (Foucher, 1984, p. 129).

Emmanuel de Martonne, Chef de file de l’Ecole française de géographie

Page 46: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 47: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

L A PRODUCTION des deux volumes dutome 4 correspond au couronnementde la carrière universitaire du géo-

graphe. Il faut préciser que E. de Martonneassure aussi, à soixante-quinze ans, en 1948,la rédaction du volume de géographie phy-sique du tome 6 sur la France. Les ouvragesde la collection « Géographie Universelle »(GU) élaborés sous la direction de P. Vidalde la Blache et L. Gallois marquent leurépoque. La collection la plus marquante – etpour l’instant la dernière en date – est cellede R. Brunet. Le tome sur l’Allemagne etl’Europe centrale a été rédigé par P. Riquet.L’Europe centrale de E. de Martonne datede 1930-1931. La précédente GU deE. Reclus (1830-1906) s’est échelonnéede 1876 à 1893. La première GU, publiée en1810, est celle de C. Malte-Brun (1775-1826).

La « Géographie universelle » est « uneforme de géographie dont la vocation estd’offrir non pas l’analyse détaillée d’un espa-ce restreint, mais un tableau géographique del’ensemble du monde » (Robic, Mendibil etal., 2006, p. 152). Entre 1876 et 1996, oncompte en France environ une douzaine de

« Géographie universelles ». Certaines ontété « oubliées » (Clout, 2003) alors quequatre d’entre elles sont restées à la postérité.Dans sa thèse sur Albert Demangeon, DenisWolff livre les préparatifs de la « Géographieuniverselle » de P. Vidal de la Blache etL. Gallois (Wolff, 2005, t. 2, p. 433-445).

La GU est l’expression d’un état de lagéographie française et d’une idéologie.Quelques axes ont été choisis pour l’étudier :les quatre concepts d’« Europe Centrale », de« frontière », de « région », de « groupe eth-nique », la cartographie et enfin le traitementde deux pays : la Roumanie et l’Allemagne.Par ailleurs, quelques points de la structure del’ouvrage sont plus précisément analyséscomme la bibliographie utilisée qui permetde voir si le géographe parisien s’appuie ounon sur la bibliographie allemande ainsi quele sommaire, les figures et textes. L’étude dela réception de cette œuvre en Allemagne clôtce mémoire : les sept revues allemandes lesplus représentatives sont analysées de 1915 à1925 et de 1930 à 1935 en insistant sur lespoints de contacts et les points de conflitsentre les géographes allemands et les géo-graphes français.

47Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Chapitre 3 • L’Europe centrale et sa réception en Allemagne

Page 48: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

La Géographie Universelle : le couronnement d’une œuvre universitaire

Dans le cadre de ce mémoire, l’analysedu livre 1 (Généralités sur l’Europe centra-le-Allemagne) est menée dans sa totalité.Par contre, l’analyse du livre 2 est circons-crite à la Roumanie, car l’étude intégrale desdeux livres, très intéressante pour com-prendre comment un géographe françaisconçoit l’Europe centrale, correspondrait àune autre recherche.

Après un rappel de la genèse dutome 4 de la GU et de son architecture géné-rale sont abordés les impacts de cette GU, etdu tome 4 en particulier, dans les années1920 à 1940 et dans la recherche actuelle.

La genèse et la structure de la GU

L. Gallois écrit dans l’avant-propos de laGU en 1927 : « L’œuvre qui commenceavec ce volume était en préparation avant laguerre. Vidal de la Blache en avait établi leplan, choisi les collaborateurs, tracé lesdirectives. Déjà plusieurs manuscrits étaientprêts pour l’impression lorsque la guerre estvenue tout interrompre. »

Il ajoute : « Dans les instructions qu’il[Vidal de la Blache] avait adressées à sescollaborateurs, il insistait pour qu’on neperdît jamais de vue les ensembles […].C’est en s’inspirant de ces idées qu’on a fixél’ordre adopté dans la suite de cet ouvrage[…] De même pour l’Europe centrale, dontl’étude d’ensemble s’impose avant qu’on nepasse en revue les Etats qui s’en partagentl’étendue, sans rapport souvent avec leslimites physiques. »

Ceci explique que E. de Martonne aitsuivi le plan suivant : livre 1 : généralités(sur l’Europe centrale puis étude del’Allemagne et livre 2 : les autres pays del’Europe centrale (la Suisse, l’Autriche, laPologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie etla Roumanie).

P. Claval et A.-L. Sanguin rappellentdans La géographie française à l’époque

classique (1918-1968) que l’élaboration dela totalité de la GU a duré plus de vingt anspuisque les vingt-trois volumes qui laconstituent ont été édités de 1927 à 1948.L’œuvre, décidée par P. Vidal de la Blacheavant la Première Guerre mondiale a étéretardée par le conflit lui-même, par la mortde Vidal en 1918 et surtout par le fait que laguerre et les traités de paix ont complète-ment remanié les espaces (espace européen,espace colonial…).

Mais P. Vidal de la Blache a organisé etplanifié le travail : seize collaborateurs ontété chargés d’office de s’occuper de telle outelle partie du monde. C’est ainsi qu’ E. deMartonne s’est vu chargé de l’Europe cen-trale, en tant qu’expert de cet espaceeuropéen (tome 4 en deux livres). A la mortde Vidal en 1918, l’entreprise est poursuiviepar L. Gallois.

P. Pinchemel insiste sur le contexte del’époque : « Le texte de l’avant-proposexprime bien la situation de cette école,encore toute imprégnée de la pensée vida-lienne, au lendemain de la Première Guerremondiale. L. Gallois souligne l’achèvementrécent de la découverte du globe, les progrèségalement récents des sciences de la naturepermettant “aujourd’hui une géographiephysique générale”, l’importance de la car-tographie et celle, toute neuve, de la photo-graphie. » (Pinchemel, 1984, p. 138)

Cinq concepts fondamentaux de P. Vidalde la Blache ont été repris dans la GU : den-sité, région, milieu, genre de vie, paysage(Claval, Sanguin, 1996, p. 9).

Les auteurs de la GU expriment leurvolonté de comprendre le monde et d’œu-vrer pour la paix. Pour Lucien Gallois,les buts de la GU sont les sui-vants : « Mettre à la portée de tout hommecultivé des résultats qui sont restés trop sou-vent réservés aux travailleurs spécialisés,montrer l’aide précieuse qu’apporte laconnaissance approfondie du monde phy-sique à l’étude des questions qui relèvent dela géographie humaine : répartitions despopulations, modes de groupement, genres

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3348

Page 49: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

de vie, habitat, et tout particulièrement desquestions économiques qui prennentaujourd’hui une place de plus en plus gran-de dans la vie des peuples et les relationsinternationales, tel est le but que nous noussommes proposé ».

Par ailleurs, la notion de paix apparaîtimportante dans l’entre-deux-guerre : « Etjamais n’est apparue plus impérieuse lanécessité d’étudier dans leur réalité des pro-blèmes dont dépend en partie la paix dumonde », ajoute-t-il.

Concernant l’analyse du sommaire desdeux volumes du tome 4, on insistera sur laprédominance de l’étude géomorpholo-gique et l’inspiration vidalienne, chaque« pays » ou « petite région » étant minu-tieusement détaillé.

Une œuvre très bien reçue en France

Cet ouvrage apparaît comme un monu-ment que la communauté des géographes del’époque salue avec respect et fierté. La GUest l’expression de la pensée géographiquefrançaise des années 1920 aux années 1940.

Elle est la référence pour tous les géo-graphes français19 pendant presque un demi-siècle, puisque la dernière GU est celle deR. Brunet prévue pour 1989 (Ferras, 1989)et éditée à partir de 1990. La GU de Vidal etGallois exprime les idées et l’état d’esprit del’École française de géographie, comme lemontre L. Gallois dans son avant-propos :« Nous présentons avec confiance au publicl’œuvre d’une école qu’on a bien vouluappeler l’école française de géographie, etqui reste fidèle aux enseignements dumaître dont elle se réclame ».

Ces propos s’appliquent aussi bien pourle fond que pour la forme de la GU.

Pour analyser la réception de l’ouvrageen France lors de sa parution, il faudrait

dépouiller les revues de géographie commeles « Annales de géographie », « Historienset géographes » ainsi que les revues régio-nales souvent nouvelles et très prospères àl’époque comme celles de l’Est, de Lyon, deGrenoble et du Languedoc.

Ces ouvrages intéressent actuellementtout particulièrement ceux qui travaillent surl’épistémologie de la géographie et surl’Europe centrale. Les commentaires lauda-tifs qui y font référence émanent des plusgrands spécialistes actuels.

Sur l’ensemble des volumes de la GU deVidal et Gallois, les quatre commentairesproposés ici insistent sur son caractèremonumental.

Dans l’ouvrage déjà cité sur la géogra-phie française à l’époque classique (1918-1968), on trouve :

« En effet, le plus beau monument post-mortem offert au fondateur de la géographiefrançaise fut l’extraordinaire « Géographieuniverselle (1927-1948) » (Claval, Sanguin,1996, p. 8).

Dans le même ouvrage collectif, M.-C. Robic, dans le chapitre consacré à« des vertus de la chaire à la tentation del’action » évoque « la réalisation des grandsmonuments de l’entre-deux-guerres,« Géographie universelle » et « Atlas deFrance » (p. 8). Plus loin, M. Chevalier, dansson chapitre sur « Les géographes françaisdans l’entre-deux-guerres » loue la GU :« quadrillée par la géographie française,comme le prouvent les ouvrages excellentsde la « Géographie universelle » (p. 21).

Enfin, P. Pinchemel reconnaît l’ampleuret l’importance de la GU : « On connaîtl’importance et l’influence de cetteGéographie Universelle, consécration etmonument de l’école française »(Pinchemel, Tissier, Robic, 1984, p. 138 ).

49Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

19. « troisième du nom et pour le moment avant-dernière de cette production si typiquement françai-se. » et « La Géographie Universelle de Vidal et Gallois offrait une présentation compréhensive dumonde tel qu’il apparaissait dans les années 1920 et 1930. Cette collection qui avait commencé en1927 sous la bannière de la géographie régionale se termina en 1948 sous l’éclairage de la géo-graphie générale avec des approches systémiques et thématiques. » (Claval, Sanguin, 1996, p. 8).

Page 50: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Sur le tome 4 de la GU, trois commen-taires laudatifs peuvent être relevés.

Pour Y. Lacoste, le tome 4 de la GU estun des plus réussis. Il loue le géographeE. de Martonne de la façon suivante : « Bonconnaisseur de ces contrées, il avait publiéen 1930 dans la « Géographie Universelle »(Armand Colin) lancée par son beau-pèreVidal de La Blache, un des meilleurs tomesde la collection, intitulé L’Europe centrale.Il y englobait dans un même ensemble, touten les différenciant ensuite, l’Allemagne, laSuisse, l’Autriche, la Pologne, la Tché-coslovaquie, la Hongrie et la Roumanie. »

Dans l’ouvrage déjà cité La Géographiefrançaise à l’époque classique, P. Riquetdans son chapitre sur « Les Géographesfrançais face à l’Allemagne et aux géo-graphes allemands entre 1918 et 1960 »écrit à propos du tome 4 : « Malgré l’impor-tance du volume de la “Géographie univer-selle” écrite par de Martonne sur l’Europecentrale, essai tout à fait neuf sur un espacetotalement refondu après les Traités, l’ou-vrage ne fut pas traduit en allemand »(Claval, Sanguin, 1996, p. 72).

Mais cela n’empêche pas que les géo-graphes allemands l’ont lu et l’ont critiqué.P. Riquet poursuit sur le travail des géo-graphes français sur l’espace allemand,limité par plusieurs facteurs : « Le premierrésidait dans l’achèvement même de lamonumentale Europe centrale de E. deMartonne parue en 1930. On peut regretteraujourd’hui que l’Europe centrale y soitdéfinie comme un espace de transition cli-matique et que les questions de circulationet de situation y fussent si peu analysées.Mais l’œuvre était cependant très accom-plie, répondant indiscutablement à lademande et décourageait d’une certainefaçon toute autre entreprise » (p. 75).

Une pointe de critique se mêle ici auxcompliments.

Enfin, toujours dans le même ouvrage,une rare critique française sur l’architecturede la GU ne doit pas être occultée. Dans lapartie III sur « le temps de la géographie

régionale » (p. 157-202), P. Claval affirme :« Tous les auteurs ne vont pas aussi loinqu’Henri Baulig ou Pierre Denis. Le pano-rama régional que de Martonne offre del’Allemagne (1930) est passionnant, maisles raisons du découpage en grandsensembles qu’il adopte ne sont nulle partjustifiées par leur rôle dans l’économienationale. Lorsque celle-ci est analysée, enfin d’ouvrage, le cadre régional est oublié.C’est le plan général adopté par la collectionde la “Géographie universelle” qui expliquela part réduite faite aux principes de l’orga-nisation de l’espace des nations. La genèsehistorique des pays est présentée dans lapremière partie des ouvrages, cependant quele fonctionnement de l’économie vient cou-ronner l’évocation des composantes régio-nales. » (Claval, Sanguin, 1996, p. 177).

L’analyse thématique du tome 4 de la GU

Avec l’analyse précise du tome 4 (lelivre 1 en entier et le chapitre sur laRoumanie dans le livre 2), l’objectif est d’é-tudier en quoi il exprime les idées d’E. deMartonne et plus largement celles de l’Éco-le française de géographie.

Le concept d’Europe centrale

Cinq points méritent d’être analysés endétail : l’absence de définition précise d’ E. de Martonne, l’absence de réflexionépistémologique, la liste des pays apparte-nant à l’Europe centrale dans les différentesGU, le problème toujours actuel d’une défi-nition de l’Europe centrale, et enfin laconscience qu’a E. de Martonne de l’impor-tance de l’Europe centrale pour la paix enEurope.

L’absence de définition d’ E. de Martonne :entre l’Est et l’Ouest

Comment E. de Martonne définit-il sazone d’étude ? Le plus succinctement pos-sible : entre l’ouest et l’est de l’Europe, com-

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3350

Page 51: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

me le montre le tableau récapitulatif, élaboréd’après l’introduction d’E. de Martonne(cf. annexe 1). Comment E. de Martonnedéfinit-il le concept d’Europe centrale ?Quelles frontières donne-t-il à cet espace ?Fait-il une différenciation entre l’Europe del’Est, l’Europe occidentale et l’Europeorientale ?

Il ressort du tableau quelques traits d’unedéfinition de l’Europe centrale par le géo-graphe parisien : l’Europe centrale estconsidérée par rapport à deux ensemblesnettement différenciés : « la situationmoyenne qu’occupent les pays considérés,entre l’Europe occidentale plus articulée etl’Europe orientale plus compacte » (p. 1).Pour lui, l’Europe orientale, c’est la Russie.Il emploie l’expression « plus articulée »dans le sens d’une géographie de côtesdécoupées en péninsules (Italie, Espagne,Portugal), en îles (Grande Bretagne,Irlande) et où « aucun point » ne se trouve« à plus de 500 km de la mer ». Par ailleurs,il fait référence dans son introduction auconcept allemand de Mitte (milieu), deMitteleuropa. Le plus marquant peut-êtreest qu’il donne une définition de l’Europecentrale par la négative comme ce qui resteentre deux blocs bien définis, comme unespace de transition, un espace de l’entre-deux. Un problème de définition, de délimi-tation et donc de frontière se pose. E. deMartonne ne donne pas de définition géo-graphique stricte, univoque mais faitdépendre l’Europe centrale de ce qui se trou-ve plus à l’ouest et plus à l’est : l’« Europecentrale apparaît comme une région de tran-sition, tenant le milieu entre les extrêmes ».

Cette définition de l’Europe centralecomme un espace de transition est accen-tuée par la notion de gradation sur le plan dela géographie physique.

En géographie humaine, l’Europe cen-trale est caractérisée par E. de Martonnecomme un espace dont les populations sontmoins développées qu’à l’ouest. C’est cequi est exprimé au chapitre VIII intitulé « Le

peuplement de l’Europe centrale. Origine etévolution » à propos des contrastes de den-sités et de genres de vie : « contrastes, c’estun des caractères essentiels de cette partiede l’Europe, moins évoluée du point de vuehumain que l’Europe péninsulaire, plusdirectement soumise aux remous partis desconfins de l’Asie » (p. 97).

Malgré de réelles difficultés de défini-tion, toujours appuyée sur le terme de« moyen », ou d’« entre-deux », E. deMartonne affirme dans son introduction :« l’Europe centrale n’est pas un mot » (p. 3).Il ne la considère pas uniquement commeune construction artificielle. Ce problèmede définition se double d’un problème dedélimitation des frontières de l’Europe cen-trale : « ses limites géographiques ne peu-vent être tracées avec une précision abso-lue » (p. 3). E. de Martonne reconnaît ladifficulté inhérente à cet espace. D’où lechoix d’y inclure « les états qui y sontincontestablement centrés : l’Allemagne etla Pologne, la Suisse, l’Autriche, laHongrie, la Tchécoslovaquie et la Rouma-nie » (p. 3). Il ne comprend pas dans cetensemble les états ayant des attaches plusméridionales comme la Bulgarie, laYougoslavie, l’Italie.

Une absence de réflexion épistémologique

Cette absence de souci épistémo-logique reflète l’état d’esprit des géographesde l’époque qui s’ancrent dans le concret dela géomorphologie.

L’absence de définition de l’Europe cen-trale par E. de Martonne est donc à relier àl’absence de réflexion épistémologique etsémantique. Les géomorphologues ne sesoucient absolument pas de réflexions sur lasémantique comme sur la conceptualisa-tion. Par ailleurs, la géographie de cetteépoque reste encore très littéraire et n’appa-raît pas aussi scientifique et catégorisantequ’aujourd’hui. M.-C. Robic le soulignedans « Les Géographes français face àl’Allemagne et aux géographes allemandsentre 1918 et 1960 »20 à propos de la GU :

51Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

20. in CLAVAL et SANGUIN, La Géographie française à l’époque classique, ouvrage déjà cité.

Page 52: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

« La réalisation des grands monuments del’entre-deux-guerres, “Géographie univer-selle” et “Atlas de France”, est aussi del’ordre de l’application d’une science déjàlà, que l’on en juge par l’absence de toutéclaircissement liminaire ou par le senti-ment déclaré que ces œuvres sont l’accom-plissement d’un progrès conceptuel etméthodologique acquis au début du siècle »(Claval, Sanguin, 1996, p. 28).

J. Dresch dit à propos de E. deMartonne : « Son enseignement ne compor-tait pas de philosophie, d’épistémologie. Ilétait sans angoisse et comportait à peine, enintroduction, une définition de la géogra-phie » (Dresch, 1978, p. 16).

Quels pays appartiennent à l’Europe centrale ?

Les quatre cartes présentes en annexe 4permettent de visualiser, selon les quatreprincipales GU, les pays considérés commeappartenant à l’Europe centrale.

Pour E. de Martonne, l’Europe centralerecoupe l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche,la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Pologneet la Roumanie.

Pour C. Malte-Brun, le titre est« Géographie universelle ». Elle compteplusieurs volumes dont le III qui englobe laConfédération helvétique, l’Italie, l’Allema-gne, l’Empire d’Autriche, la Confédérationgermanique, le Royaume de Prusse.

Pour E. Reclus, le titre de chaque volumecommence par « Nouvelle géographie uni-verselle : la terre et les hommes ». Le volu-me III s’intitule « L’Europe centrale » etregroupe la Suisse, l’Austro-Hongrie21 etl’Allemagne. Chez E. Reclus, la Roumaniese trouve dans le volume I consacré à« L’Europe méridionale » et qui comprendla Grèce, la Turquie, la Roumanie, la Serbie,l’Italie, l’Espagne et le Portugal ».

Pour R. Brunet, le tome sur « Europe duNord-Europe médiane » a été réalisé par J.-P. Marchand et P. Riquet et publié en 1996.La partie sur l’Allemagne a été rédigée par

P. Riquet : quelle définition donne t-il ?Quelle différence existe-t-il par rapport à E.de Martonne ? P. Riquet parle d’Europe cen-trale et par glissement sémantique d’Europemédiane.

Le livre 1 est intitulé « Europe du Nordet Europe médiane » alors qu’en introduc-tion, l’auteur parle d’« Europe médiane,Europe centrale ». P. Riquet inclut l’Alle-magne, la Suisse, l’Autriche, le Bénélux(contrairement à E. de Martonne qui met cedernier dans l’Europe occidentale), leLiechenstein. L’auteur retient commeEurope médiane un ensemble d’états« incontestablement dominés par l’Alle-magne, rangée il n’y a guère plus d’undemi-siècle dans une “Europe centrale”d’un tout autre contour » (p. 234). Le livre 2porte sur « Europes orientales, Russie, Asiecentrale ». A propos de l’Europe centrale,P. Riquet dit : « L’expression “Europe cen-trale” avait cours très usuellement dans lapremière moitié du 20es », « Son acceptionne diffère pas de la Mitteleuropa des géo-graphes allemands et Autrichiens »,« ...l’Europe centrale, germanique pour l’es-sentiel, est le milieu géométrique du conti-nent et se définit comme la transition entrel’Europe occidentale, maritime et l’orienta-le, engoncée dans son épaisseur continenta-le » (p. 234).

Il est dommage que P. Riquet ne définis-se pas plus ce qu’il entend par Mitteleuropa.En effet ce terme n’est pas neutre comme lemontre le paragraphe suivant.

La définition d’Europe centrale posetoujours problème

Les réflexions des spécialistes actuels degéographie et d’histoire n’ont pas fini d’ex-plorer ce champ d’investigations que repré-sente le concept d’Europe centrale, commele montrent les analyses de Jacques LeRider, Michel Espagne, F.E. Schrader etKrzysztof Pomian.

« La notion historique et géopolitique deMitteleuropa ne correspond pas à une réalité

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3352

21. L’expression utilisée par E. Reclus peut paraître inhabituelle, car le terme actuellement consacréest celui d’Autriche-Hongrie.

Page 53: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

géographique clairement définissable »commence J. Le Rider. Il souligne la diffé-rence entre la Mitteleuropa incluant laPrusse centrale et orientale ou les territoiresslaves du sud et l’Europe du milieu de l’es-pace danubien. Par exemple pour le chance-lier Metternich, le Reich idéal est l’Europecentrale d’influence germanique (Nord del’Italie, les territoires historiques de la mai-son Habsbourg et la Confédération germa-nique) sans expansion territoriale à l’Est (LeRider, 1994, p. 3).

On ne peut employer le motMitteleuropa qu’à partir de l’ouvrage deFriedrich Naumann22 paru en 1915. Il areconstitué une généalogie historique del’idée germanique d’Europe centrale en par-tant de l’Ostsiedlung (premiers peuple-ments à l’Est), au Saint Empire RomainGermanique, à la monarchie habsbourgeoi-se et à la rivalité austro-prussienne desXVIIIe et XIXe siècles.

Le contenu géopolitique du concept deMitteleuropa varie à chaque fois que lespays de langue allemande connaissent unecrise identitaire et on se rappelle le SaintEmpire Romain Germanique, premièreforme historique de « l’Europe du milieu »et « utopie d’harmonie restaurée enEurope » (J. Le Rider, 1994, p. 6-7). Achaque crise européenne, les interrogationssont relancées sur la définition, le contour etles frontières de l’Europe centrale. Le termede Mitte (milieu) présent dans Mitteleuropaindique l’idée d’être au centre du continenteuropéen, d’être au milieu de l’Europe, lepoint de contact entre l’Ouest et l’Est etainsi d’occuper une position médiane enappartenant à la fois à l’Est et à l’Ouest. Lepeuple allemand serait-il le seul à assurer lastabilité au centre de l’Europe ? La questionmatérielle et commerciale d’un grand mar-ché centre-européen pour les marchandisesallemandes sous-tend la définition de cettepartie de l’Europe.

Quelle est l’identité de ce « centreeuropéen » ? M. Espagne, J. Le Rider etF. E. Schrader (1994) distinguent une

Europe byzantine et une Europe centrale.Quelle place occupent les pays germaniques? Font-ils partie de l’Europe centrale ou del’Europe occidentale ? Ou des deux ? Oucomme pour K. Pomian « tantôt à l’une,tantôt à l’autre ». En effet, avant 1949, onparlait d’un axe Berlin-Prague-Vienne, puismaintenant d’un axe Rotterdam-Milan.Avec l’extension vers l’est de l’Espaceeuropéen, un nouvel axe va-t-il se dessiner ?

Dans leur essai de sémantique histo-rique, K. Pomian, M. Espagne, J. Le Rideret F. E. Schrader proposent une définition del’Europe centrale. La frontière entrel’Europe centrale et l’Europe de l’Est estune frontière religieuse et culturelle.L’Europe centrale se caractérise par plu-sieurs traits : le christianisme latin, le rôle dela papauté dans le jeu diplomatique né de lanécessité de se substituer aux cadres éta-tiques en déliquescence, l’absence de que-relles iconoclastes, l’absence de placeaccordée aux langues vernaculaires.Historiquement, l’Europe centrale estmieux protégée des invasions, la constitu-tion de l’Europe moderne s’y est réaliséebeaucoup plus tôt : les universités de laSorbonne et de Bologne sont créées auXIe siècle, celles de Prague et Cracovie auXIVe. Les institutions de l’Etat moderne secréent également plus tôt.

L’Europe de l’Est apparaît marquée parl’empire byzantin, l’absence de rôle diplo-matique de la part du patriarcat de Constan-tinople, une place importante laissée auxlangues vernaculaires (comme chez lesSlaves de l’espace grec) et enfin l’épisodeiconoclaste qui s’exprime particulièrementdans les arts plastiques. L’histoire del’Europe de l’Est connaît les invasions desbarbares venus de l’Est (par exemple,l’Ukraine est conquise par les Mongolsentre les XIIIe et le XVIe siècle). Le sud-estbalkanique est incorporé dans l’Empireottoman (en Grèce jusqu’en 1820, enAlbanie jusque dans les années 1910). Enoutre, les universités sont créées plus tard :les russes au XVIIIe siècle, les serbes, les

53Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

22. NAUMANN Friedrich, Mitteleuropa, Berlin, Georg Reimer, 1915 ; L’Europe centrale(Mitteleuropa), traduit de l’allemand par l’Argus suisse de la presse à Genève, Neuchâtel,Delachaux &Niestlé, Paris, Payot, 1916

Page 54: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

néo-grecques, les bulgares et les roumainesau XIXe siècle. Enfin, les institutions d’unEtat moderne se réalisent plus tard.

La frontière religieuse et culturelle entrel’Europe centrale et l’Europe de l’Est estrestée fixe à peu près depuis sa constitution :au sud, à partir du IX-Xe siècle et au nord àpartir du XIVe siècle.

K. Pomian ne pense pas que les Eglisesaient joué un grand rôle dans la définitiondes frontières en Europe centrale.

La définition des frontières occidentalesde l’Europe centrale dépend de la définitionqu’on donne à l’Europe centrale. PourK. Pomian, « appartiennent à l’Europe cen-trale les pays qui sont immédiatementexposés au contact de l’Europe de l’Est,prise en l’occurrence non seulement en unsens religieux et culturel, mais aussi et sur-tout en un sens politique. » (Espagne et al.,1994, p. 14). Du fait de l’extension et de lacontraction de l’espace russe au cours del’histoire, l’espace politique de l’Europe del’Est a beaucoup varié et par voie de consé-quence la frontière entre Europe centrale etoccidentale aussi. Par exemple, l’Allema-gne fait partie de l’Europe centrale tantqu’elle a une frontière commune avec laRussie (à savoir quand la Pologne n’existepas comme Etat ou quand les troupes russesstationnent en ex-RDA). Donc « l’Europecentrale est une entité dont la géographievarie en fonction de l’histoire » (p. 14). Unenouvelle Europe centrale est née des boule-versements de 1989 ; entre 1945 et 1989, ily avait une autre Europe centrale encoredifférente de celle d’avant 1914. Parexemple, les Allemands, maintenant séparésde l’Europe de l’Est par la Pologne, laRépublique tchèque et la Slovaquie, fai-saient partie de l’Europe centrale et seretrouvent maintenant « déplacés » versl’Ouest dans la définition.

Quelle définition donnent les spécialistesde la notion allemande de Mitteleuropa ?Pour les Polonais, les Tchèques et lesHongrois, l’Europe centrale n’est pas uneidée-force. Il y a eu l’idée panslave. Il y a eul’idéologie de l’Empire austro-hongrois :

Vienne en son coeur et Budapest en appendi-ce. La seule idée qui ait été vraiment déve-loppée est celle de Mitteleuropa surtout aprèsle livre de F. Naumann. Ce terme peut avoirdes connotations négatives, car il renvoie àune idée d’Europe centrale allemande, moinsen termes ethnico-culturels qu’en termeséconomiques où la Mitteleuropa constituel’hinterland de l’économie allemande et sur-tout renvoie au nazisme et à l’idéologie du« Lebensraum » (espace vital).

Peut-on donner une définition écono-mique de l’Europe centrale ? Pomian penseque l’Europe centrale n’a jamais constituéun espace économique homogène. Pour lui,« l’Europe centrale n’est définissable en tantque telle qu’en termes historico-culturels, entermes de destin historique, largement déter-miné par le voisinage de l’Est » (Espagne etal., 1994, p. 15). De même, « il n’y a pasd’unité culturelle, car il n’y a pas deconscience d’appartenance à une Europecentrale » (contrairement à la conscienced’appartenir à l’Europe occidentale). PourPomian, l’Europe centrale avant 1989 com-prend les pays baltes, la Finlande, laSlovénie, la Croatie, l’Autriche et l’Alle-magne. L’idée partagée par J. Le Rider,M. Espagne, F.E. Schrader et K. Pomian estcelle d’une identité d’Europe centralecausée par la menace, qu’elle soit alleman-de ou russe. Pour K. Pomian, « l’Europecentrale est la région des Etats à éclipses ».Différentes références culturelles se croisentdans l’espace de l’Europe centrale avec desapports de la culture latine, allemande, ita-lienne et française. On y distingue en outredifférentes cultures d’usage.

Le géographe Y. Lacoste cherche à défi-nir l’Europe médiane (Giblin, Lacoste,1998, p. 5-18). Il fait référence à la géo-his-toire et place cette partie de l’Europe à l’in-tersection d’ensembles spatiaux.

Il revient sur les différents concepts deZentraleuropa, Mitteleuropa et Europemédiane. (Ce dernier terme a actuellementvieilli et ne semble plus usité par les géo-graphes) : « Bien qu’ils [les géographesgéopoliticiens allemands] ne parlassent pasexactement d’Europe centrale (Zentral-

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3354

Page 55: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

europa), mais de Mitteleuropa – l’Europedu milieu –, ils considéraient que les payssitués à l’est de l’Allemagne faisaient partiede sa « zone d’influence », ne serait-cequ’en raison des très nombreuses « colo-nies » allemandes (urbaines pour la plupart)qui étaient implantées depuis des sièclesdans les pays baltes, les plaines de Pologne,de Hongrie ou d’Ukraine. Cette conceptiond’une Europe centrale, s’étendant de lavallée du Rhin jusqu’au delta du Danube etaux plaines polonaises situées à l’est de laVistule, était aussi celle du célèbre géo-graphe français Emmanuel de Martonne(Giblin, Lacoste, 1998, p. 6).

Il poursuit : « …le terme d’Europe cen-trale », très connoté “entre-deux-guerres”et “rôle dominant de l’Allemagne”, n’estguère repris (celui de Mitteleuropa, très lié àl’expansionnisme allemand, est encoretabou en RFA).Voilà pourquoi on lui préfèrele thème nouveau d’ “Europe médiane” »(Giblin, Lacoste, 1998, p. 7).

Il passe en revue les différentes accep-tions possibles du terme d’« Europe média-ne » : « Résumons-nous : l’expression« Europe médiane » fait l’objet d’acceptionsplus ou moins différentes. La majoritéd’entre elles incluent l’Allemagne ; cer-taines, comme celle de P. Riquet, s’y canton-nent avec l’addition surprenante duBenelux ; d’autres, qui apparaissent commehéritières de l’« Europe centrale » de l’entre-deux-guerres, ajoutent à l’Allemagne lesÉtats situés à l’ouest de la Russie, à l’exclu-sion des pays balkaniques ; d’autres encore,comme celle de M. Foucher, excluentl’Allemagne, mais étendent l’Europe média-ne à tous les pays qui, à l’ouest de l’URSS,ont subi jusqu’en 1990 un régime commu-niste, y compris les pays balkaniques telsque la Bulgarie, l’Albanie et l’ex-Yougos-lavie. Enfin, certains réduisent l’Europemédiane à l’ère nostalgique des influencesviennoises » (Giblin, Lacoste, 1998, p. 11).

Y. Lacoste rajoute en 1998 à l’Europemédiane les pays baltes et aussi une partiedes territoires qui forment l’ouest de la CEI,à savoir la Biélorussie, la Moldavie, etmême l’Ukraine. Le point commun qui

existe au-delà de la diversité des peuples,des langues, des religions est ce qu’il appel-le la géo-histoire. C’est dans et pour cetespace que quatre empires se sont affron-tés pour gagner des territoires et des zonesd’influences : l’Empire ottoman (quiconquiert le sud est de l’Europe au XVe etXVIe siècles), l’Empire d’Autriche (quiaprès le siège de Vienne par les Turcs auXVIIe siècle lance une contre-offenssivedans les plaines de Hongrie jusqu’auDanube), l’Empire russe (au début duXVIIIe siècle parvient à conquérir l’Ukraineet un débouché sur la Baltique avant des’emparer d’une grande partie de laPologne) et enfin au XIXe siècle l’Empireallemand organisé par la Prusse). Il en résul-te une grande instabilité des frontières. PourY. Lacoste, la géo-histoire de cette partie del’Europe s’avère très exceptionnelle par sescomplications et par les héritages qui pèsentencore lourd aujourd’hui. Entre Baltique etMéditerranée, c’est-à-dire en Europe média-ne, le rôle et l’imbrication des conditionsnaturelles, des grandes formations végé-tales, des données climatiques, des facteursculturels, politiques, démographiques et desrivalités entrecroisées de ces quatre empiressur cette partie de l’Europe où se trouvaitdéjà un très grand nombre de peuples plusou moins différents, sont très importants.Même si ces quatre empires n’existent plusaujourd’hui, cet espace reste marqué parleurs rivalités. Contrairement à l’Europeoccidentale, « les cultures, langues et reli-gions se présentent sur la carte de façonenchevêtrée : elles recoupent l’actuel tracédes frontières d’Etat, relativement récent,celles-ci ayant subi de nombreux change-ments du fait de l’avancée ou du recul de cesempires et des peuples qu’ils dominent ouqu’ils manipulent » (p. 16). Il en résulte parexemple que des Roumains vivent enMoldavie, qu’une partie des Hongrois setrouve hors des frontières de l’actuelleHongrie. Par ailleurs, les transferts depeuples ont été nombreux : ce sont parexemple les Polonais déplacés vers l’Ouest,la diaspora juive, la diaspora allemande (lescolonies allemandes se sont installéesdepuis le Moyen-âge des rives du Rhin à

55Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 56: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

celles de la Volga, régions desquelles douzemillions d’Allemands ont été chassés en1945).

La prise de conscience de l’importancede l’Europe centrale pour la paix enEurope

E. de Martonne, par une sorte de pres-cience, à deux ans de l’arrivée d’Hitler aupouvoir, a conscience de l’importance del’Europe centrale pour la paix dans cettepartie du monde.

Il souligne l’importance économique etpolitique de l’Europe centrale pour l’avenir,ce qui se confirme soixante ans plus tarddans les années 1990 avec par exemple laguerre en Yougoslavie et le démantèlementde cette dernière, la séparation d’états(comme la Tchécoslovaquie qui se divisepacifiquement en République tchèque et enSlovaquie) : « tout esprit soucieux des réa-lités économiques, qu’on saisit ici en pleinetransformation, tout citoyen préoccupé parun avenir politique incertain » (E. deMartonne, 1931, p. 3).

Il termine son introduction en écrivant defaçon assez prémonitoire moins de dix ansavant que n’éclate la Seconde Guerre mon-diale : « l’incendie qui a dévoré tant de vieset de biens ne peut s’être éteint sans laisserquelques étincelles, et l’on se demande si lapaix du monde ne dépendra pas, pendantquelques décades, de ce qui se passera dansl’Europe centrale » (1931, p. 3).

Le concept de frontière

Ce concept est analysé en deux temps :tout d’abord en soulignant l’oppositionentre les concepts de frontière naturelles,économiques et politiques et ensuite en étu-diant les frontières tracées en 1919-1920 quiont remodelé l’Europe centrale.

L’opposition entre les concepts de frontières naturelle, économique et politique

Dans le chapitre III de la GU sur lesCarpates, E. de Martonne dévalorise par son

vocabulaire la notion de frontière naturelle :« Les frontières politiques ont varié dans lesCarpates jusqu’aux dernières années. Si pres-que toutes les Carpates du Sud Est ont fini parrevenir à la Roumanie, les Carpates du Nord-Ouest sont partagées entre la Pologne et laTchécoslovaquie, suivant l’ancienne frontiè-re de la Galicie et de la Hongrie, qui errait decrête en crête, sans respect pour la structuregéographique » (p. 41).

La frontière créée par la crête est cellequi a cours auprès des Allemands. Elle s’op-pose au concept vidalien et demartonien decomplémentarité régionale.

E. de Martonne poursuit au chapitre IVconsacré au monde hercynien en insistantsur le flou de la légitimité des frontières :« Des groupements de ces différents types derelief résultent des ensembles régionaux,qu’il importe d’autant plus de définir que lesfrontières politiques, fixées par les vicissi-tudes de l’histoire, les découpent souvent dela façon la plus capricieuse » (p. 51-52).

E. de Martonne ne perd pas une occasionde parler de la Roumanie (y compris dansles généralités de la GU) et de légitimer lanouvelle Roumanie comme on peut le voirdans le chapitre V sur « Les plaines » : « Labigarrure ethnique de vastes plaines que lanature semblait avoir prédisposées à l’unitéest due à ses derniers mouvements turcs,autant qu’à ceux qui ont, au Moyen âge, misen contact Slaves et Allemands, Roumainset Magyars… La plaine bas-danubienne, dedimensions plus réduites que celle dumoyen Danube, a fini par être occupéeentièrement par les Roumains et est deve-nue le siège d’une principauté qui a été le noyau de la grande Roumanie d’aujourd’hui » (p. 60).

Les frontières tracées en 1919-1920 ontremodelé l’Europe centrale

E. de Martonne se montre catégoriquepour les frontières de l’Alsace et de la Sarre,mais émet des doutes sur la stabilitéapportée par les nouveaux tracés de l’Est :« Sur l’Alsace-Lorraine, aucun doute n’a étéadmis. La frontière de 1870 a été rétablie »(p. 125).

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3356

Page 57: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

De même : « Là où sa frontière a étépoussée au-delà des limites du groupe natio-nal, l’avenir n’a pas tardé à montrer un pointfaible, qu’il s’agît des provinces prises à laPologne depuis la fin du XVIIIe siècle ou decette Alsace-Lorraine arrachée à la Francecontre le voeu de ses populations » (p. 123).

E. de Martonne reste discret sur l’actionqu’il a menée au sein du Comité d’étudespour les traités de paix :

« C’est la répartition des nationalités quia déterminé le tracé de la carte politique del’Europe, fixée par les Traités de 1919(p. 121) et « Ce sont les traités de Versailles,signé le 28 juin 1919, et de Saint-Germain,signé le 10 septembre de la même année,complétés par le traité du Trianon, qui ontfixé le nouveau statut territorial de l’Europecentrale » (p. 124).

E. de Martonne est sensible à l’aspectéconomique et a contribué au sein duComité d’études à l’établissement de lanouvelle frontière germano-polonaise et astatué sur Dantzig. Dans la GU, cela se tra-duit par : « Le traité de Versailles n’a pashésité à faire de la Prusse orientale uneenclave allemande en territoire polonais. Il afait un sort assez singulier à Dantzig, villeallemande depuis le XVe siècle, prussiennedepuis 1793, mais port indispensable à lavie économique de la Pologne ressuscitée,en la plaçant sous l’administration de laSociété des Nations » (p. 126).

Et il ajoute plus loin : « On a dû déjàtenir compte de ces forces dans le règlementterritorial qui s’inspirait d’un principe toutautre. L’Etat de Dantzig a été créé pourassurer un débouché sur la mer à la Pologne,sans lui attribuer une ville foncièrementallemande » (p. 128). « On » renvoie sou-vent à E. de Martonne lui-même et à sonaction au Comité d’études.

E. de Martonne ne se préoccupe absolu-ment pas des Austro-Hongrois : « La dislo-cation de l’Empire austro-hongrois, consa-crée par le traité de Saint-Germain, apermis d’achever la reconstitution de laPologne et de créer l’Etat tchécoslovaque »(p. 126).

Ou alors, il utilise une connotation péjo-rative : « La dislocation de cet Empire a

laissé comme deux États résidus, une petiteAutriche et une Hongrie très réduite »(p. 127), « L’Autriche forme un petit État dequatre-vingt quatre mille kilomètres carréset sept millions d’habitants, singulièrementconformé, et dont l’existence a paru d’aborddifficile » (p. 127).

Enfin, il traite l’Empire austro-hongroisd’« édifice orgueilleux aux fondementsincertains » (p. 128).

E. de Martonne ne cache pas que le prin-cipe des nationalités a été parfois mis decôté dans le tracé des nouvelles frontières :« La Tchécoslovaquie représente une créa-tion entièrement nouvelle [….] ce quiimplique sans doute une entorse au principedes nationalités, puisque trois millionsd’Allemands habitent la Bohême et laMoravie » (p. 127). Le critère de viabilitééconomique est très important pour E. deMartonne, comme le montre l’extraitconcernant les pays tchèques : « Dans letracé des frontières, on a dû, de ce côté,négliger encore le principe des nationalitéset tenir compte davantage des conditionséconomiques au profit du nouvel Etat et audétriment de ceux aux dépens desquels ilétait constitué » (p. 127).

A propos des nouvelles frontières rou-maines, E. de Martonne est honnête quandil précise qu’elles n’englobent pas que despopulations roumaines, mais son adjectif« légèrement » est un euphémisme : « Lafrontière dépasse les limites de l’ancienneprovince de Transylvanie et même légère-ment celles du bloc de populations rou-maines… » (p. 127-128).

Il exagère aussi un peu à propos desrevendications roumaines : « Dans le Banat,elle a été tracée, sans satisfaire, ni les reven-dications serbes, ni les revendications rou-maines, à travers la mosaïque ethnique dueaux colonisations du XIXe siècle… »(p. 126). Les revendications roumaines ontquand même été plus écoutées que cellesdes Serbes (cf cartes de A. Schmidt-Rösler,1994).

E. de Martonne reste cependant méfiantet dubitatif : « Un travail délicat doit sepoursuivre dans toute l’Europe centrale

57Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 58: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

pour adapter la vie économique à la situa-tion politique. Le calme est la conditionnécessaire pour qu’il s’achève dans laprospérité générale, et le calme peut-êtrecompromis par la survivance de l’idéeimpériale chez les Etats dont les ambitionsont subi une atteinte mortelle, ou par cellede l’idée nationale, sacrifiée parfois aux réa-lités économiques » (p. 129).

E. de Martonne est parfaitementconscient des problèmes que posent les nou-velles frontières de l’Est : « La GrandeGuerre a ruiné tous les espoirs et mêmeséparé du gros de la masse hongroise lesîlots avancés qui avaient été créés commedes centres de magyarisation. L’amertumeressentie a dépassé tout ce qu’on peut ima-giner et a fait des dominateurs, abreuvésd’humiliation un élément de trouble poli-tique inquiétant dans l’Europe centrale » (p. 119). De plus, « L’état présent ne paraîtpas offrir des garanties de stabilité tellesqu’un retour en arrière ne soit pas possiblesur certains points » (p. 122).

Le concept de région

On rappelle ici la structure dusommaire : l’étude régionale est menée payspar pays et à l’intérieur du pays en petitesunités régionales, très minutieusementdécrites.

Le concept de peuplement et de nationalité

Après une définition donnée par E. deMartonne et une comparaison avec l’Eu-rope occidentale peu favorable à l’Europecentrale, E. de Martonne étudie les diffé-rents « éléments ethniques » en utilisant,consciemment ou non, un vocabulaire déno-tant ses sympathies et ses antipathies enversles différents peuples.

La définition donnée par E. de Martonne

Dans le chapitre VIII de la GU sur « lepeuplement de l’Europe centrale. Origine etévolution », E. de Martonne donne une défi-nition du terme de nationalité : « Il s’agit de

collectivités unies par une cohabitationassez longue dans une région déterminée,par une communauté de vie sociale, reli-gieuse ou économique, et généralement parune communauté de langue, en tout cas parde certaines tendances que la diffusion del’instruction a affirmées et répandues dansles temps modernes » (p. 99).

Il reste flou par manque de définitiondans l’utilisation des concepts de « nationa-lité », d’« élément ethnique », de « groupe »et même de « race » qui sont posés commesynonymes.

Dans le volume 1 du tome IV de la GU,on trouve les termes suivants : « races ounationalités » (p. 98), « éléments ethniques »(p. 98), « groupes nationaux » (p. 116).Dans le volume 2, E. de Martonne étudie lesdifférents types de peuplement. Il cite lespeuples : « les Magyars, les Allemands, lesSlaves (Bulgares, Ruthènes, Russes,Slovaques), les Juifs », ou parle de groupe(« groupes bulgares, allemands, ukrai-niens » (p. 704), « groupe germanique »(p. 705), « groupe humain » (p. 709) oud’élément (« éléments grecs, arméniens,ruthènes » (p. 704), « élément nationaldominant en Roumanie » (p. 708)) ou enco-re de « vigueur de la souche roumaine ».

Objectivité et subjectivité d’E. de Martonne dans l’étude des différents peuples d’Europe centrale

Le vocabulaire utilisé dénote ses sympa-thies et ses antipathies.

• Les Germains

E. de Martonne souligne à plusieursreprises l’ancienneté et la vigueur de leurprésence : « C’est ce qui explique que leMoyen-âge soit, à partir du VIIIe siècle envi-ron, une ère de civilisation germanique »,« …les Germains vont se répandre danstoute l’Europe centrale, reconquérir sur lesSlaves presque toute l’Allemagne orientaleactuelle » (p. 107).

Le groupe germanique « est le plus puis-sant de tous les groupes nationaux del’Europe centrale » (p. 112).

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3358

Page 59: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Et enfin : « L’Empire allemand s’est faitdans le sang et la violence, comme tant deformations politiques antérieures ; mais laconscience nationale germanique lui aassuré une solidité que ne pouvait connaîtrel’édifice incohérent de l’Autriche-Hongrie »(p. 123).

• Les Autrichiens de la monarchie habs-bourgeoise

E. de Martonne a parfois tendance àdénigrer la formation politique autrichiennecomme le montrent ces trois extraits :« L’Autriche n’était pas une puissance ger-manique. Ce sera au contraire la force de laPrusse qui réalisera l’unité allemande ausiècle des nationalités » (p. 122-123), « maisque d’instabilité dans cet Empire ! »(p. 123), « hétérogénéité » (p. 124).

• Les Tchèques

Pour E. de Martonne, ils bénéficient desapports allemands à plus d’un titre, commele prouvent les trois extraits suivants :« Mais les Tchèques, installés dans laBohème, plus près de ces pays rhénans d’oùvenait le reflet de la culture latine, encontact avec les Allemands, dont la domina-tion n’a pas été sans certains avantages éco-nomiques, ont appris à tirer parti d’un sol oùles richesses minérales de certains districtsne le cèdent pas à la fertilité des plaines deloess », « Usines, capitaux, grandsdomaines, pouvaient appartenir auxAllemands, le peuple tchèque n’en profitaitpas moins dans une certaine mesure », « LeTchèque… a le tempérament le plus réalisteet le plus discipliné. Il le doit peut-être enpartie à l’absorption d’éléments germa-niques, mais surtout à la situation géogra-phique de son habitat et à l’expérience qu’ily a acquise » (p. 115).

• Les Hongrois et la Hongrie

E. de Martonne emploie des termes péjo-ratifs pour caractériser les Hongrois commepar exemple : « hordes », « terrorisé »,« défaite sanglante », « nationalisme fou-

gueux ». Les citations suivantes semblentêtre des attaques contre la Hongrie en tantque formation politique : « La dominationhongroise a maintenu dans un état de serva-ge et d’ignorance toute une populationmisérable et sans idéal national » (p. 115),« Les Hongrois ou Magyars sont la nationa-lité la moins nombreuse de l’Europe centra-le (environ neuf millions et demi, dont septmillions dans les frontières de la Hongrieactuelle), mais après les Allemands celle quia montré la plus grande puissance d’organi-sation et d’expression politique. Il estimpossible d’y voir une race » (p. 118),« Quoi qu’il en soit, un fait est clair : sitôtfixés, les Hongrois se manifestent organisa-teurs et dominateurs » (p. 119), « LeXIXe siècle voit enfin la création d’unroyaume de Hongrie, groupant autour d’unpetit noyau de Magyars qui tiennent toute lapuissance politique et économique, douzemillions de Roumains, Slovaques etCroates » (p. 119) et enfin, à propos de laHongrie et de l’empire austro-hongrois,« l’édifice, mal assuré sur ses fondements,devait s’écrouler sous la poussée des natio-nalités » (p. 122).

• Les Roumains

E. de Martonne se montre très laudatifenvers les Roumains et très soucieux de leurprotection : « De tous les groupes nationauxde l’Europe centrale, celui des Roumains estle plus curieux par ses caractères mixtes,son histoire politique pleine de paradoxes,son origine si discutée » (p. 116), « LaTransylvanie n’a cessé d’être sous la domi-nation hongroise ou autrichienne. Les prin-cipautés danubiennes ont été, jusqu’auXIXe siècle, vassales de la Turquie »(p. 118), « La naissance d’une idée nationa-le roumaine est un phénomène extraordinai-re, sa réalisation finale elle-même a quelquechose de miraculeux » (p. 118) et enfin :« Par une chance inespérée, la Roumanie,écrasée et presque anéantie au cours de laguerre, relevait la tête au jour de la victoiredes Alliés, auxquels elle était restée héroï-quement fidèle, et voyait se réaliser tous sesrêves [grâce à E. de Martonne], ralliant en

59Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 60: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3360

même temps que la Transylvanie et laBukovine, jadis soumise aux ennemis[c’est-à-dire les Allemands et l’Autriche-Hongrie], la Bessarabie elle-même que l’ex-plosion du bolchevisme détachait de laRussie » (p. 118).

La cartographie dans la GU

L’importance de la cartographie dans laGU et le soin apporté par E. de Martonne àl’élaboration des cartes et des blocs-dia-grammes auraient mérité une analyse à partentière. On peut simplement souligner uneorientation très nettement tournée vers lagéographie physique. A ce titre, la GU reflè-te les préoccupations géographiques de sonépoque et tout particulièrement celles d’E. Martonne.

L’Allemagne

Les douze chapitres consacrés àl’Allemagne (deuxième partie du tome 4, p. 131 à 370, c’est-à-dire 239 pages) s’orga-nisent autour de la notion centrale de puis-sance allemande et E. de Martonne en four-nit une analyse régionale très fine. Lapuissance allemande, d’ordre démogra-phique, ethnique et économique, suscite l’intérêt et l’admiration d’ E. de Martonne,mais également une certaine méfiance parrapport à ses velléités de domination decette puissance germanique. L’analyserégionale menée rigoureusement selon lescanons vidaliens permet de mettre en lumiè-re d’une part l’importance de la géomor-phologie et des voies navigables et d’autrepart d’insister sur le remaniement des fron-tières en référence aux traités de paix deVersailles, toujours vivaces dans les esprits.Remarque : pour plus de clarté, la séparationentre l’étude des généralités et l’étude parpays a été conservée comme dans la GU deE. de Martonne.

– La puissance allemande

La description fournie par E. deMartonne se révèle laudative : « Malgré laperte de 72000 km2, la République alleman-

de est encore la plus grande puissance terri-toriale de l’Europe centrale, s’étendant sur468 746 km2. Elle est aussi la plus peuplée,avec 62 410 619 habitants » (p. 131).

– Une puissance ethnique et démogra-phique

E. de Martonne caractérise positivementle peuple allemand comme le montrent lesextraits suivants : « …l’ensemble du peupleallemand, un des plus sains, des plushomogènes, des plus laborieux et des plusproductifs de toute l’Europe » (p. 138), « Sile traité de Versailles et les plébiscites quil’ont complété ont fait perdre à l’Empireallemand quelques millions d’âmes, ils ontfortifié l’unité nationale en éliminant pré-cisément des éléments ethniques étrangers,dont la présence posait parfois des pro-blèmes délicats » (p. 134), « les distinctionsreligieuses ne constituent pas un critèredangereux pour l’unité nationale » (p. 134),« On doit reconnaître pleinement la forteunité nationale de l’Empire allemand »(p. 135), « En 1914, l’Allemagne était déjàsur la pente qui entraîne tous les paysarrivés à un degré relativement élevé deprospérité vers la restriction des naissan-ces » (p. 136).

– Une puissance territoriale malgré leremaniement des frontières

E. de Martonne relève que : « Les voisinsne sont plus les mêmes à l’Est et au Sud, oùapparaissent la Pologne ressuscitée et laTchécoslovaquie créée de toutes pièces. Lafrontière orientale offre cette anomalie,unique dans l’Europe contemporaine, d’uneenclave en territoire étranger : la Prusseorientale, isolée par le couloir polonais de laVistule et la ville libre de Dantzig » (p. 132).

Certes, anomalie il y a, mais E. deMartonne y a fortement contribué au sein duComité d’études. Et pour que l’Allemagnene se plaigne pas de cette situation, il ajoutela phrase suivante : « L’Allemagne n’enreste pas moins puissamment assise au nordde l’Europe centrale. Elle y est le seul Etatqui dispose d’un large front de mer, ayant

Page 61: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

jour, non seulement sur la Baltique, commela Pologne, mais sur la Mer du Nord, anti-chambre directe de l’océan Atlantique ».

Dans le chapitre XX sur « Les conditionsgénérales de la vie économique : agricultu-re et industrie (p. 325) », E. de Martonnenote : « Malgré les pertes de territoires et depopulations imposées par le traité deVersailles, le nombre des entreprises indus-trielles est presque égal au nombre enregis-tré en 1907 » (p. 334).

« Imposées » est bien le mot.

– Une puissance économique

E. de Martonne décrit avec une certaineadmiration l’activité économique allemandecomme par exemple celle des rives duRhin : « L’activité fiévreuse qui y règnes’est propagée tout le long du grand fleuve,où circule, sur l’eau et sur les rails, un cou-rant commercial d’une intensité peu com-mune, gagnant les confluents du Main et duNeckar, avec Mayence et Francfort, Mann-heim et Ludwigshafen » (p. 134).

E. de Martonne relève au chapitre XIIIl’importance économique de « La régionindustrielle rhéno-westphalienne (la Ruhr) »et y consacre vingt-cinq pages. La descrip-tion se révèle dans l’ensemble laudative :« la plus grande région industrielle del’Allemagne et même d’Europe » (p. 184).Il n’exprime ici aucun chauvinisme.

Le géographe français se montre trèslaudatif envers les industriels allemands etleur esprit d’entreprise : « Aucune régionindustrielle ne forme un organisme aussicomplet, aussi complexe et aussi vivant.L’ingéniosité et l’esprit d’organisation ontdéveloppé jusqu’aux extrêmes limites lespossibilités généreusement offertes par lanature, réglé dans tous les détails du méca-nisme de la production et des échanges,adapté besoins et ressources. Pour achever,un esprit d’entreprise d’une audace peucommune a animé les dirigeants et impriméà cette sorte de machine si admirablementréglée un mouvement presque vertigineux »(p. 185), « Le XXe siècle a vu l’organisationde la Ruhr poussée jusqu’à un degré qui enfait une des régions industrielles les plus

évoluées du monde entier » (p. 195).De plus, E. de Martonne loue la politique

urbaine menée par les Allemands, commel’indiquent les deux extraits suivants : « Unepolitique d’urbanisme intelligente a veilléau développement des centres les plusanciens et les plus prospères » (p. 192).

E. de Martonne admire particulièrementle développement et la gestion de laRuhrgebiet. Il souligne la puissance écono-mique, l’organisation et le niveau de vierelativement élevé de la population ouvriè-re. Il ajoute : « ainsi le complexe d’ag-glomérations urbaines de la Ruhr, marquédu cachet de la vie industrielle, cherche àparer ses centres principaux d’une teinted’urbanisme et s’efforce de réglementer unecroissance d’abord désordonnée, pour leplus grand confort des masses, les plusgrandes facilités de la direction commercia-le et administrative » (p. 192).

Par ailleurs, E. de Martonne est sensibleà la particularité du paysage urbain de laRuhr (p. 200-204) et décrit en détail la citéminière. Le géographe conclut sur la Ruhr :« Telle est la Ruhr. Peu de régions indus-trielles excitent autant l’intérêt par la vieardente qui s’y manifeste, la croissancerapide des villes, l’augmentation plus rapideencore de la production et du commerce,l’accumulation des capitaux, la complexitédes liens d’intérêts entre les différentesaffaires et les différentes localités, l’exten-sion même de ces liens jusqu’aux limites del’empire allemand » (p. 208).

Il est à noter qu’E. de Martonne fait réfé-rence dans le corps du texte aux travaux desgéographes allemands : « Si intéressants quesoient les détails de géographie physique,minutieusement étudiés par les savants alle-mands, le pays est peut-être plus curieuxencore par son peuplement… » (p. 250).E. de Martonne reconnaît la valeur de sescollègues géomorphologues allemands.

Cette description laudative n’est pasexempte de quelques critiques. Par exem-ple, E. de Martonne dénonce le style parfoisarrogant de l’urbanisme : « Enfin, la tradi-tion impériale s’est imposée depuis la for-

61Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 62: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

mation du Reich sous l’hégémonie de laPrusse, avec son esprit d’organisation, sonorgueil national et ce goût pour la grandeuroù entre un peu de réclame » (p. 138).

Dans le chapitre XVI sur « Les confinsdu Massif bohémien : Böhmerwald et haut-Palatinat, Erzgebirge et plaine de Saxe,Sudètes et Silésie », E. de Martonne expri-me une pointe d’anti-germanisme et de pro-slavisme : « L’Allemagne enveloppe detrois côtés la Bohème. Elle tient les abordsdu plus vaste des massifs hercyniens, paysslave assiégé depuis dix siècles par le ger-manisme. La colonisation allemande adépassé partout les faîtes forestiers, mais lafrontière politique y est restée accrochée,avec un tracé assez capricieux pour rendredifficile une description géographique sui-vant les cadres territoriaux » (p. 247).

Le terme « assiégé » est fort comme s’ilfallait lutter contre l’envahisseur. La puis-sance de la colonisation allemande faitpresque peur, car en ne s’arrêtant pas auxfrontières naturelles, elle semble ne pas pou-voir être contenue, ce qui apparaît menaçantpour ses voisins.

Pour la Silésie et les Sudètes, le géo-graphe français met en concurrence lesSlaves et les Germains : « Les confins orien-taux du Massif Bohémien forment une desprovinces auxquelles le patriotisme alle-mand manifeste le plus d’attachement.Violemment arrachée par Frédéric II àl’Autriche au XVIIIe siècle, la Silésie est unpays d’ancien peuplement slave, comme laSaxe, attaqué dès le Moyen âge par le ger-manisme, mais où l’assimilation est demeu-rée imparfaite en dehors des montagnes etdu nord de la plaine » (p. 257).

Il fait par ailleurs référence aux traités depaix et aux plébiscites organisés : « la résur-rection de la Pologne et le règlement desfrontières conformément aux voeux de lapopulation l’ont fait perdre presque entière-ment à l’Allemagne. » (p. 257).

Cette situation constitue d’ailleurs untraumatisme pour les Allemands qui viventdans cette région, d’où les nombreusescontroverses à ce sujet chez les géographesallemands.

Tout au long de la GU, E. de Martonnedistille, consciemment ou non, l’imaged’une colonisation allemande conquérante.Certes, cette colonisation est réelle, maiselle est toujours montrée comme menaçanteet dangereuse pour les autres peuples,notamment pour les Slaves : « Tout cerevers tourné vers le Nord a été submergépar le flot de la colonisation germaniqueremontant les vallées jusqu’au faîte duKatzbachergebirge et au bassin de Hirsch-berg » (p. 258).

On retrouve la même idée dans le chapitreXVII sur « Thuringe et pays de la Weser » :« Pendant longtemps, les hommes ont hésitéà franchir ces solitudes forestières, et les paysrhénans romanisés n’ont été vraimentmenacés que du jour où les tribus germa-niques ont trouvé une route de pénétrationpar la trouée de Kassel » (p. 264).

L’analyse régionale

• Le respect des canons vidaliens

La démarche suivie par E. de Martonneest héritée de P. Vidal de la Blache avec uneanalyse procédant petite région par petiterégion en suivant toujours le même plan :tout d’abord, une part importante consacréeà la géographie physique (description topo-graphique minutieuse, coupes géologiqueset explications géomorphologiques grâceaux blocs-diagrammes soigneusement des-sinés), ensuite l’analyse de la population, etenfin une description régionale (rurale eturbaine) des activités humaines. Le détermi-nisme géographique s’exprime par le rôlefondamental du relief et du sol pour expli-quer les implantations et les activitéshumaines : « Ces avantages expliquent laprécocité de son peuplement et l’essor deson développement économique ; mais ilssont eux-mêmes le résultat de l’évolution dusol, qui a ouvert une large trouée dans l’an-cien massif hercynien » (p. 156).

Le concept de région au sens de com-plémentarité de régions naturelles s’expri-me par exemple dans l’introduction du chapitre XII sur « Les pays rhénans duNord » : « Deux grandes régions naturelles

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3362

Page 63: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

s’y imposent à l’attention : le MassifSchisteux-Rhénan et la plaine rhéno-west-phalienne. A leur contact s’est développéeune région économique d’une activité sansexemple, connue sous le nom du bassinhouiller de la Ruhr, et qui mérite une étudespéciale » (p. 165).

Respectant les consignes données parP. Vidal de la Blache sur l’importance desvoies maritimes et que L. Gallois rappelledans l’introduction de la GU, E. deMartonne aborde cette question dans l’in-troduction du chapitre XIX sur « Ports etgrandes villes de la plaine du Nord » : « LaRenaissance a trouvé déjà le front de mergarni de ports actifs, et, si le brusque élar-gissement d’horizon dû aux grandes décou-vertes a amené la décadence de ceux qui tra-fiquaient avec les pays baltiques, il a fait ouprépare la fortune de ceux qui, commeBrême et Hambourg, regardaient versl’océan mondial » (p. 302).

• L’étude régionale, prétexte à l’analysedes frontières et au rappel des traités deVersailles

Trois exemples sont ici développés : laSarre, la Silésie et la Prusse orientale.

– La Sarre

E. de Martonne rappelle que les traités deVersailles ont placé la Sarre sous l’adminis-tration de la Société Des Nations. Il insistesur les bienfaits qu’en retirerait la popula-tion locale comme le montrent les extraitssuivants : « Le traité de Versailles a fait de larégion industrielle née sur la houille, unpays en marge des deux Etats français etallemand, administrés par la société desNations, jusqu’au moment où un plébiscitedoit décider de son sort. C’est une véritableexpérience qui semble avoir été tentée. Elleintéresse tout le cercle d’influence du bassinhouiller sans égard aux limites politiquesanciennes du Palatinat bavarois et de laPrusse rhénane, ni aux différences d’aspectsdu sol » (p. 152).

Le discours très élogieux à propos del’administration française de la Sarre sous

l’égide des Nations-Unies signifie une cri-tique indirecte mais très claire du régimeprussien : « L’Etat français, successeur del’Etat prussien, n’a rien négligé pour moder-niser la technique » (p. 153).

E. de Martonne relève les progrès et lesaméliorations dans les domaines suivants :modernisation des techniques, lois sociales(application de la journée de huit heures),nouveaux débouchés de l’industrie houillè-re vers la France notamment (mais il ne ditpas à quel prix, ni si cela manque au reste del’Allemagne), essor de la métallurgie lour-de, amélioration du bien-être des popula-tions, progrès social (« alimentation et bien-être de ses masses ouvrières »), légèreté descharges fiscales (p. 153-154).

Il affirme : « La formation du territoirede la Sarre a placé la région dans des condi-tions nouvelles, dont les avantages semblentse dessiner de plus en plus » (p. 153).

Par ailleurs, E. de Martonne n’est pasneutre dans sa description, car il travaille icipour la France et la récupération de la Sarre,riche région industrielle et carbonifère :

« Le territoire de la Sarre… nouvellesrelations notamment avec la France, dont iltire parti, non seulement pour l’approvision-nement de ses hauts-fourneaux en minerai,mais surtout pour l’alimentation et le bien-être de ses masses ouvrières », « Depuis lasuppression de la barrière douanière, elleachète à bon compte les laitages et le bétailaux éleveurs lorrains », « L’absence decharges militaires et la légèreté relative dufardeau fiscal (près de deux fois plus lourden Allemagne qu’en France), les bienfaitsd’une administration qui fait tout pouressayer de réussir l’expérience internationaletentée ont contribué à la prospérité d’unpays… », « une aisance croissante » de lapopulation, « La population dira le momentvenu si elle apprécie assez ces avantagespour souhaiter la continuation du régimeactuel » (p. 154).

A propos du bassin de la Sarre, il dit :« C’est sous Napoléon Ier qu’en a été faite lareconnaissance, dont la Prusse a bénéficiéen reculant de ce côté la frontière en 1815.

63Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 64: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Au bout d’un siècle, il donnait 10 à 13 mil-lions de tonnes, dont le bénéfice a été renduà la France par le traité de Versailles, jus-qu’au règlement du sort du Territoire de laSarre » (p. 335-336).

Le terme « rendu » implique indirecte-ment une appartenance légitime à la France,ce qui peut être discutable.…

– La Silésie

Référence est faite aux traités de paix de1919 et aux plébiscites : « L’impossibilitéde s’entendre sur l’attribution à la Pologneou à l’Allemagne d’une région écono-mique certainement une, mais ethnogra-phiquement divisée, a conduit à un plébis-cite dont les résultats ont fait attribuer à laPologne la plus grande partie du bassinhouiller, toutes les mines de zinc, sauf une,toutes les fonderies de zinc, toutes lesmines de fer, les deux tiers des hauts four-neaux et la plupart des aciéries. Un modusvivendi a dû être établi pour permettre lefonctionnement régulier de l’activité éco-nomique. Cependant l’Allemagne garde lepouvoir de fermer sa porte au charbon pro-duit en territoire polonais….Breslau n’arien perdu à l’amputation de la Haute-Silésie et reste la plus grande cité del’Allemagne orientale, avec 557 139 habi-tants » (p. 263).

– La Prusse orientale

E. de Martonne porte un regard sur letracé des frontières qu’il trouve curieuxmais auquel il a participé : « Isolée du corpsde l’Allemagne par le couloir polonais de labasse Vistule, la Prusse orientale est un paysque la nature elle-même semble avoir vrai-ment mis à part » (p. 295).

La Roumanie

L’étude de ce pays est menée dans ledeuxième livre du tome 4 de la GU, dans lapartie 8, des chapitres XLIV à XLIX, c’est-à-dire cent onze pages (de la page 699 à 810),environ deux fois moins que pourl’Allemagne.

Le traitement du sommaire et de labibliographie sur la Roumanie

Le tableau fourni en annexe 5 donne lesrésultats de l’analyse de la répartition de labibliographie par langue. Ne sont pris encompte que les articles donnés avec leurtitre, leur(s) auteur(s), l’année et le nom desrevues auxquelles E. de Martonne renvoieses lecteurs. Parmi les références enfrançais, celles du géographe parisien sontindiquées après l’abréviation « de M ». Parexemple, pour le total de la bibliographie enfrançais, il faut lire : 21 références dont11 de E. de Martonne.

Un rapide commentaire de ce tableaupermet de remarquer que E. de Martonnerenvoie d’abord aux auteurs roumains(48 %, c’est-à-dire pour une petite moitié),ce qui dénote sa très bonne connaissancedes travaux géographiques roumains. Il ad’ailleurs appris le roumain lors de ses nom-breux séjours dans le pays. Ensuite E. deMartonne renvoie pour un tiers de sa biblio-graphie sur la Roumanie à des auteursfrançais (pour un tiers à ses propres travaux– c’est lui le spécialiste de la Roumanie – etpour les deux tiers restant à d’autres géo-graphes français). La bibliographie alleman-de arrive en troisième position avec un petitquart des ouvrages et articles indiqués. Cetteproportion de littérature allemande estmoins importante que pour le livre 1 dutome 4 de la GU. Les références à la géo-graphie anglaise (1%) et russe (1%) sontnégligeables.

Les chapitres consacrés à l’étude de laRoumanie s’organisent autour de deuxquestions essentielles : d’une part, la formedu territoire roumain, liée à l’élaboration desnouvelles frontières que E. de Martonnecherche à cautionner, et d’autre part, laquestion des nationalités. Dans cette 8e par-tie, le géographe français se livre à une cri-tique des Allemands plus sévère que dans lapartie correspondant à l’étude de l’Allema-gne. C’est clairement une critique contrel’expansion germanique que redoutent tantles occidentaux. Par ailleurs, cette étude dela Roumanie est conduite en respectant lesprincipes de l’analyse régionale vidalienne,

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3364

Page 65: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

comme pour l’étude précédente surl’Allemagne.

La forme du territoire et les nouvellesfrontières à cautionner

E. de Martonne insiste sur la formeronde et presque idéalisée du nouveauterritoire de la Roumanie : « Malgré degrands progrès, elle restait une formationpolitique et économique imparfaite. Saforme en croissant rendait la défense duterritoire difficile » (p. 699).

De même, il conclut sur la Roumaniepar : « La forme extérieure de l’Etat offre degrands avantages, à côté d’une Tchécoslo-vaquie si fâcheusement étirée » (p. 820),« Mais, si la forme de l’Etat paraît plusfavorable qu’en Tchécoslovaquie à unelarge circulation… » (p. 821).

E. de Martonne se réfère à la formeronde, simple et parfaite : « Avec une formeextérieure très simple, la nouvelle Rou-manie présente une structure physique com-plexe. » (p. 700), « Avec une forme arron-die, ses frontières ont le minimumd’étendue pour la surface » (p. 700).

E. de Martonne cautionne les nouvellesfrontières de la Roumanie : « Après despéripéties tragiques, elle s’est trouvée en1918 en présence de réalisations que rien nepermettait d’espérer » (p. 699), c’est-à-direun accroissement considérable de territoireset de populations grâce aux Traités de Paix.

E. de Martonne fait référence aux fron-tières naturelles, mais sait s’en détacherquand son argumentation le nécessite :« Plus de la moitié de cette frontière s’ap-puie à des lignes d’eau, comme le Danube(606 km de Bazias à Tutracan), la vallée duDniestr (731 km) ou la côte de la MerNoire » (p. 700).

Il fait réagir vivement les géographesallemands quand il affirme : « Les Carpates,il est vrai, ne servent plus de limite »(p. 700), « Mais le tracé arqué de leur faîteannihilait les avantages d’une frontière éta-blie sur une montagne, d’ailleurs facilementfranchissable » (p. 700).

E. de Martonne recourt à l’histoire pourajouter une caution au tracé des frontières. Ilcherche à valiser ces nouvelles frontières partous les arguments possibles dont il disposesans préciser qu’elles doivent beaucoup àson action personnelle lors du Comité d’é-tudes et des Traités de Paix : « En s’asseyantsur les deux versants de l’arc carpatiqueméridional, la Roumanie revient à ses des-tinées naturelles : c’est comme Etat carpa-tique qu’étaient nées les Principautés, plustard appelées Principautés danubiennes »(p. 700).

E de Martonne balaie d’un revers de lamain les critiques formulées à l’égard desfrontières : « …tous les détails de tracé desfrontières sont peu de choses » (p. 700).

Les concepts d’ethnies et de nationalités et le principe des nationalités

E. de Martonne cherche à cautionner lesnouvelles frontières de la Roumanie en fai-sant croire qu’elles respectent le principedes nationalités. Or les nouveaux territoiresne comprennent pas que des Roumains. Leprincipe des nationalités s’applique diffé-remment selon la nationalité considérée :« L’effondrement de l’Empire austro-hon-grois lui a rattaché tous les pays habités pardes Roumains, même ceux qui n’avaientjamais été politiquement unis aux Princi-pautés danubiennes » (p. 699-700).

E. de Martonne fait référence à un«retour à l’évolution naturelle » de laRoumanie (p. 700).

Il reconnaît que des Hongrois ont étéintégrés à l’intérieur des frontières de laRoumanie : « On lui a largement fait sa part,en allant jusqu’à des villes à majorité hon-groise, comme Arad, Nagy Varad (oradeaMare) et Satmar » (p. 702).

E. de Martonne répond à une objectionpossible en la contournant : « Aussi ne sau-rait-on s’étonner que la nouvelle Rouma-nie, Etat fondé sur le principe desnationalités comme la Tchécoslovaquie,ait cependant, comme elle, une forte pro-portion d’étrangers : 4 millions et demienviron, soit presque le tiers » (p. 703).

65Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 66: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Le géographe français explique lesfigurés cartographiques utilisés pour sacarte ethnique de Roumanie : les villes sontreprésentées par un rond où la proportion dechaque groupe est représentée. Les petitscercles de plusieurs couleurs ne se voientpas de loin, donc désavantagent les ethniesnon roumaines majoritaires en ville : « lesRoumains forment rarement la majorité desvilles, même dans les régions où ils domi-nent nettement à la campagne » (p. 704).

A propos des Hongrois, E. de Martonnesemble objectif sur leur nombre et leurimportance dans la société et semble com-prendre les raisons de leur amertume etleurs revendications : « Les Hongroisjouaient partout en Transylvanie un rôleimportant », « La comparaison du passéavec le présent est partout douloureuse pourla minorité magyare. Tout la blesse et luiparaît injuste ; le partage des terres, mesureappliquée à toute la Roumanie, l’a particu-lièrement atteinte, et ses plaintes ont retentichaque année devant la Société desNations » (p. 704-705).

E. de Martonne étudie successivementles Roumains, les Magyars, les Allemands,les Slaves (Bulgares, Ruthènes, Russes,Slovaques) et les Juifs. Il ajoute plus briève-ment les Polonais, les Serbes, les Grecs, lesTurcs et les Tziganes (p. 708).

A propos des Roumains : « Ils représen-tent certainement un mélange très com-plexe, où l’analyse anthropologique pourradécouvrir des apports ethniques d’origineméditerranéenne, dinarique, nordique etmême asiatique » (p. 710).

Malgré cette très grande diversité, E. deMartonne ne remet pas en cause, comme ille fait pour les Allemands, leur volonté etleur légitimité de vivre ensemble et de for-mer un même pays. Il insiste par ailleurs surleur latinité : « une fidélité inébranlable auparler latin, apporté par la colonisationromaine sur le Danube. » (p. 710)

Les nouvelles frontières de la Roumanielui permettent d’englober les populationsroumaines : « La Roumanie possède main-tenant la plus grande partie de la chaîne des

Carpates, celle où le peuplement est engrande majorité roumain, où apparaissentles plus anciennes formations politiques quipuissent être considérées comme le germedes principautés danubiennes… » (p. 713).

E. de Martonne donne des éléments pourlégitimer l’appartenance de cet espace à laRoumanie : l’histoire, la nécessité « hydrolo-gique » des apports en eau du Danube etcelle des richesses économiques de la mon-tagne : combustibles, minéraux, charbon,lignite, pétrole, gaz naturels, houille blanche,minerai de fer, cuivre, or, sylviculture.

Toutefois il reconnaît que, dans certainesparties du territoire, les Roumains ne sontpas majoritaires : « Comme les steppes dudépartement de Constanta, c’est pour laRoumanie une véritable terre de colonisa-tion, mais avec des conditions nouvelles, unrelief plus accentué, des districts forestiersencore intacts, un peuplement déjà assezdense, où l’élément roumain est très rare etne prend pied que difficilement au milieudes Turcs et des Bulgares, solidement éta-blis, les uns surtout à l’Ouest dans la régionforestière, les autres surtout à l’Est dans lasteppe » (p. 789).

Les critiques contre les Allemands

E. de Martonne se montre très fermeavec les Allemands, leur déniant tout rôlepolitique majeur avant la réorganisation desfrontières : « Les Allemands ne représententque la moitié des Hongrois, environ800 000. Leur importance numérique estdiminuée d’ailleurs par leur dispersion etpar le fait qu’ils n’ont nulle part jamais étéles maîtres politiques. » (p. 705)

Il minimise l’importance de l’implanta-tion allemande : « En somme, les groupesallemands sont d’origine récente pour laplupart (sauf les Saxons de Transylvanie) etvenus de pays différents : ils occupent desrégions éloignées et n’ont pas les mêmesintérêts. La propagande pangermanique laplus insinuante aurait peine à en faire un élé-

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3366

Page 67: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

ment dangereux pour la vie de l’Etat roumain. »

E. de Martonne conclut sur l’espoir quereprésente la Roumanie comme alliéecontre le germanisme : « On voit dansquelle mesure la nouvelle Roumanie diffè-re de l’ancienne pour ses relations interna-tionales ; changement bien faible, commetout le faisait prévoir. Peut-être y a-t-il unsymptôme favorable. Ce n’est pas un orga-nisme économique entièrement nouveauqui a été créé, en bouleversant des courantsd’échange. Les traditions anciennes conti-nuent par la force des choses. Cette stabi-lité relative permet de prévoir que la gran-de Roumanie jouera un rôle analogue auRoyaume jadis formé par l’union desPrincipautés danubiennes. Peut-être ce rôleest-il appelé à grandir toutefois dans le bas-sin de la Méditerranée. Les liens avec lesEtats de l’Europe occidentale, France etAngleterre, persisteront dans la mesure oùles sympathies politiques seront appuyéespar l’initiative des commerçants » (p. 810).

La réception du tome 4 de laGU en Allemagne

Une méthode : l’analyse bibliomé-trique d’un corpus de revues allemandes

L’étude de la réception des travaux deE. de Martonne repose sur l’analysebibliométrique systématique d’un corpus derevues allemandes de géographie. Les septprincipales revues allemandes consultées àla bibliothèque de Dresde (la SächsischeLandesbibliothek Staats-und Universitäts-bibliotek), à la bibliothèque de l’Institut fürLänderkunde de Leipzig23, sans oublier labibliothèque de l’Institut de géographie dela Sorbonne à Paris sont les suivantes :

■ Geographische Jahrbuch (GJ)■ Geographische Zeitschrift (GZ)

■ Mitteilungen der Österreichischengeographischen Gesellschaft (MOgG)

■ Geographische Wochenschrift (GW)■ Geographische Anzeiger (GA)■ Zeitschrift der Gesellschaft für Erd-

kunde zu Berlin (ZGEB)■ Zeitschrift für Geopolitik (GZ)

Ces sept revues se sont imposées à l’ana-lyse car elles représentent les principales del’époque et balaient les diverses facettes dela géographie allemande. On aurait pu aussiajouter avec profit les Pettermanns geogra-phische Mitteilungen.

Le titre actuel de la revue Mitteilungender Österreichischen geographischenGesellschaft diffère du titre du premiernuméro : en 1857, le premier numéro estparu sous le titre Mittheilungen derKaiserlich-Königlichen GeographischenGesellschaft. Puis à partir de 1915, la revues’est appelée Mitteilungen der K.K. Geo-graphischen Gesellschaft in Wien. Enfin en1959, elle a pris le nom de Mitteilungen derÖsterreichischen Geographischen Gesell-schaft.

La revue Geographische Anzeiger s’estappelée à partir de 1912 Zeitschrift fürSchulgeographie.

La revue Zeitschrift der Gesellschaft fürErdkunde zu Berlin renaît sous le nom deDie Erde à partir de 1948.

Le tableau en annexe 3 présente l’annéedu premier numéro et du dernier numéro dela revue, l’éditeur et/ou le rédacteur en chefainsi que l’ancrage et le réseau privilégiédans lesquels s’inscrivent les revues et enfinquelques commentaires sur les thématiqueset le public visé. (Les éditeurs et rédacteursen chef n’ont été le plus souvent indiquésque pour la période 1915-1935).

Les années dépouillées correspondent àdeux périodes : de 1915 à 1925 pour connaî-tre les échos des traités de paix et des nou-veaux tracés des frontières de l’Est et de

67Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

23. Je remercie ici Herr Dr. H.-P. Brogiato et Frau Dr. U. Wardenga du Leibniz-Institut fürLänderkunde de Leipzig, en Allemagne.

Page 68: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3368

1930 à 1935 pour étudier les réactions alle-mandes à la parution du tome 4 de la GU.

Pour chaque ouvrage a été réalisé ledépouillement des articles, des notes de basde pages faisant référence à E. de Martonneet à ses travaux, des comptes-rendus d’ou-vrage, des mentions du géographe françaisdans les bibliographies. Lorsqu’un articleentier est consacré à la GU d’E. de Martonne,il a été traduit en français tout ou partie. Cetravail permet aussi d’établir des statistiquessimples et quelques comparaisons.

Deux facteurs ont limité ce travail : letemps du séjour en Allemagne (3 mois) et latypographie de la revue GeographischeWochenschrift (qui paraît à partir de 1933) destyle « gothique », elle est illisible pour quin’est pas germaniste de formation.

Les résultats : points de contactset points de conflits

Les points de contacts : la reconnais-sance de la valeur du géomorphologue

Même lorsqu’un auteur allemand cri-tique, souvent de façon virulente E. deMartonne, il présente toujours un petit cou-plet sur la renommée internationale dugéomorphologue français. Ceci d’ailleursaccentue les critiques qui lui sont ensuiteadressées. C’est en particulier le cas de deuxarticles particulièrement révélateurs desrelations entre E. de Martonne et sescollègues allemands. Ces deux articles sontfournis en annexe 6 pour H. Schmitthenner,en annexe 7 pour J. Sölch.

Des remarques laudatives ont étérecensées dans le corpus de revues. Parailleurs, nous relevons comme points decontacts entre les deux écoles de géographiele fait que E. de Martonne soit cité, commeréférence en géomorphologie dans le corpsdu texte ou en note de bas de page, ainsi quedans la bibliographie des différents articles.

Sont donc ici présentés, par revue et dansl’ordre chronologique croissant, les com-mentaires positifs concernant le géographeparisien ainsi que les simples mentions deson nom et/ou de ses œuvres.

■ Geographische Jahrbuch1915-1918Band XXXVIII

E. de Martonne est apprécié outre-Rhincomme géomorphologue : « In den bekann-ten Lehrbüchern von H.Wagner und A.Supan ist das Kapitel auf neuesten Standgebracht und zum Teil erweitert. Ihnen tratdas Buch von E. de Martonne an die Seite,in dem dieses Gebiet eine textlich knappere,aber sehr anschauliche, von vielen graphi-schen und kartographischen Darstellungenbegleitete Behandlung erfährt » (p. 11, dansla partie « Allgemeiner Teil ») avec une noterenvoyant à son Traité de géographiePhysique de 1909.

« Dans les manuels bien connus deH. Wagner et A.Supan, le chapitre est rema-nié et en partie élargi. Le livre d’E. deMartonne doit être aussi mentionné, car spé-cialisé dans ce domaine, il traite la questionavec un texte succinct mais accompagné dereprésentations graphiques et cartogra-phiques très riches et très claires. »

1919-1923Band XXXIX

On mentionne dans le Bericht über dieFortschritte der geographischen Meteoro-logie 1912-1916 établi par le géographeK. Knoch de Berlin, dans la partie sur«Allgemeines. I Meteorologie » : « Von wei-teren Schriften seien hier in Auswahlangeführt : E. de Martonne, Traité de géo-graphie physique – Climat, Hydrologie, reliefdu sol, biogéographie, Paris, 1913 » (p. 57).

« Une sélection parmi les nouveauxouvrages : E. de Martonne, Traité de géo-graphie physique – Climat, Hydrologie,relief du sol, biogéographie, Paris, 1913 »(p. 57).

1924-1925Band XL

On trouve dans l’article de J. Sölch inti-tulé « Fortschritte unserer Kenntnis der

Page 69: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

exogenen Festlandformung » (p. 100-272),dans la partie « Methoden und Aufgaben derMorphologie » : « E. de Martonne ausge-zeichneter « Traité de géographie physi-que » liegt in 3. Auflage vor (en note : Paris,1920), während die 4., nunmehr in 2 Bändegeteilt, noch im Erscheinen begriffen ist. »(p. 109)

« L’excellent Traité de géographie phy-sique d’E. de Martonne a connu trois édi-tions pendant que la quatrième, maintenanten deux volumes, est encore sous presse ».

Plus loin, dans le chapitre sur« Entwicklung des Reliefs. Humide Land-formung », à propos des Carpates : « Amwichtigsten sind die Arbeiten von E. deMartonne, « the Carpathians : physiogra-phic features controlling human geogra-phy » (in Geographical Revue III, 1917,417-437) ; Le Massif du Bihar (in Annalesde géographie, 1922, 313-340), « Le reliefdes Monts metallifères du Banat roumain »(in BSG Belgrad, 1922, 1-21) ; sur les plates-formes d’érosion des monts métallifères duBanat (in CR 1921, 1384-86) ; « Sur le mas-sif de Poiana Ruska », usw (in Ebenda1922, 104-106) ; ganz besonders aber dieprächtige und umfangreiche Darstellung« Excursions géographiques de l’institut degéographie de l’université de Cluj, en 1921,Résultats scientifiques).

« Les travaux les plus importants sontceux d’E. de Martonne « the Carpathians :physiographic features controlling humangeography (in Geographical Revue III,1917, 417-437)… »

On mentionne dans le même article deJ. Sölch : « Auf die Karren kommt auch E.de Martonne in seiner Studie le rôle mor-phologique de la neige en montagne zusprechen. » (p. 136)

«Au sujet des Karren, on doit aussi men-tionner E. de Martonne et son étude sur “Lerôle morphologique de la neige en mon-tagne” ».

Dans le même article de J. Sölch au cha-pitre IV sur « Frostwirkungen, Erdfliessen(Silifluktion) und blockströme, Polygon-

böden » : « E. de Martonne kam auf hierhergehörige Erscheinungen in seiner Abhand-lung Le rôle morphologique de la neige enmontagne zu sprechen, zumal auch aufsogenannte « Steingletscher » in den Alpen,die mit dem Verschwinden kleinerer Glet-scher in Zusammenhang gebracht wer-den. » (en note : PM 1922, 57. PettermannsMitteilungen) (p. 138).

E. de Martonne doit être ici mentionnéavec son ouvrage Le rôle morphologique dela neige en montagne… »

L’ouvrage d’E. de Martonne est deuxfois cité dans le même article de Sölch àdeux pages d’intervalle : « Rockglacierswurden von E. de Martonne sogar im hohenAtlas beobachtet (avec renvoi à note : AnnGXXXIII, 1924, 300) » (p. 141). « Les gla-ciers rocheux ont même été observés parE. de Martonne dans le Haut-Atlas ».

Dans le même article, au chapitre V sur« Die morphologische Arbeit der Glet-scher », J. Sölch évoque les discussions entreglacialistes : « Mit vergleichenden Hinweisenauf E. de Martonnes Ansichten von der prä-glazialen Verjüngung der Alpen undL. Distels und O. Ampferers Auffassung desTaltroges, begründete er, dass die Haupttälerder Nordostalpen schon zu Beginn desEiszeitalters, und zwar infolge einer ober-pliozänen Hebung, bis zur heutigen Tiefe ein-geschnitten waren, aber noch kein ausgegli-chenes Gefälle zeigten.» (p. 199)

« En comparant les données émanant desréflexions d’E. de Martonne sur le rajeunis-sement préglaciaire des Alpes et le façonne-ment des vallées en auge de L. Distel etO. Ampferer, il a établi que les vallées prin-cipales des Alpes du Nord-Est ont étéérodées jusqu’à leur profondeur actuelle dèsle début des glaciations et même à la suited’un soulèvement au Pliocène supérieur,mais qu’elles n’ont pas encore atteint leurpente d’équilibre. »

Plus loin : « Meines Wissens liegen nurzwei wichtigere diesbezügliche Arbeitenvor : von A. Burchard, “neue Erkenntnissezum Stufenbau der Alpentäler” und vonE. de Martonne, “Quelques données nou-

69Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 70: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

velles sur la jeunesse du relief préglaciairedans les Alpes”. Nach Burchard hat deMartonne in seiner – bekanntlich vonH. Lautensach energisch bekämpften –komplizierten Formel, obwohl in ihr einrichtiger Grundgedanke vorhanden sei,einen Hauptfehler gemacht, indem erFormeln für Wasser und Eis vermengte,indem er das vom fliessenden Wasserannahm. » (p. 204)

« A ma connaissance, il n’existe quedeux travaux essentiels sur le sujet : celui deA. Burchard Neue Erkenntnisse zumStufenbau der Alpentäler et celui d’E. deMartonne Quelques données nouvelles surla jeunesse du relief préglaciaire dans lesAlpes. D’après Burchard, E. de Martonne acommis une erreur importante en mélan-geant des formules pour l’eau et la glace eten les adoptant pour l’eau fluviale. »

On note une critique : « E. de Martonnehat, noch in Unkenntnis der Darlegungenvon A. Burchard, seine Formel neuerdingsverteidigt ». « E. de Martonne, par ignoran-ce de la démonstration de Burchard, a denouveau défendu sa formule ».

Plus loin : « Bezüglich der Ansichten, dieO. Lehmann und E. de Martonne über dieTrogbildung gewonnen haben, N. Creutz-burg verfolgte in der Ankogelgruppe unterdem weit verbreiteten Firnfeldniveau einoberes und unteres Talsystem. » (p. 207)« En relation avec les idées élaborées parO. Lehmann et E. de Martonne sur la for-mation d’auge glaciaire, N. Creutzburg arecherché un système de vallées supérieur etinférieur sous le niveau très étendu desneiges permanentes. »

Le professeur H. Hassinger mentionnedans Berichte über die Fortschritte der geo-graphischen Landeskunde europäischerLänder : « Auch de Martonne spricht sichfür die Jugend des präglazialen Alpenreliefsaus (in Cvijic-Festschri, Belgrad, 1925,19 S.) (p. 281).

« Même de Martonne se prononce pourla jeunesse préglaciaire du relief alpin. »

1930Band XLV

Le géographe Bernhard Rensch dans sabibliographie de 1908 à 1930 sur laTiergeographie (géographie de la faune)précise :

« E. de Martonne, A. Chevalier u.L. Cuenot : Biogéographie (Martonne :Traité de géographie physique III, 1057-1518) Pflanzengeographie. Teilüberwie-gend. Ökologische Grundlagen. SpezielleTiergeographie sehr knapp. » (p. 52)

On trouve une bibliographie commentéechez le Viennois Norbert Lichtenecker :« Eigenartig, aber nicht frei von Irrtümern istdie Schilderung, die die östlischen Ge-birgsteile in E. de Martonnes kleinem Buch,Les Alpes ». (en note Paris 1926), (p. 205).

« Remarquable, mais non dénuée d’er-reurs, telle est la description de la partiemontagneuse orientale dans le petit livred’E. de Martonne intitulé Les Alpes. »

1931Band XLVI

H. Haack, dans l’article intitulé « DieFortschritte der Kartographie », mentionnesans commentaire : « E. de Martonne : car-tographie. Paris 1927, Larose. 116 p.(p. 6) ». Le même article présente unebibliographie cartographique dans laquelleun ouvrage du géographe français est cité :« Bespr. Von E. de Martonne : un nouvelatlas de types topographiques in Annales deGéo 1923, 551-54 », (p. 19).

Plus loin dans le même article à proposdes « Volksdichtekarten : « E. de Martonne :la densité de la population de Madagascar.(Ann de géo 1911, 77-85). Die Karte ist aufVerwaltungsdistrikten aufgebaut. (p. 97).« E. de Martonne : la densité de la popula-tion de Madagascar. (Ann de géo 1911, 77-85). La carte est élaborée à partir des cir-conscriptions administratives. »

L’Italien R. Almagia, cite dans la partieconcernant « Allgemeine Schriften. Das

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3370

Page 71: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

ganze Alpengebiet (oder grössere Teile) » :« E. de Martonne : Les Alpes, Paris,

1926, géographie générale, 217 S. Abb.,K. » (p. 145).

« E. de Martonne : Les Divisions natu-relles des Alpes (Ann de Géo 1925, 113-132) », (p. 146)

B. Dietrich, à propos de la « Nord-amerika », dans la partie concernant« Alaska-morphologie » renvoie à : « E. deMartonne : Les Glaciers de l’Alaska et leurintérêt pour l’intelligence des formes derelief glaciaire (Ann. Géo. 1920, 455-61)(p. 335).

1932Band XLVII

Le géographe Leonid Breitfuss à Berlincite à la page 238, dans « Das Nordpolar-gebiet (1913-31) », dans la partie bibliogra-phique concernant « Geologisches und Gla-ziologisches » : « E. de Martonne : La chaînecalédonienne au Groënland (Ann. de GéoXXXI, 1922, 279-80) » (p. 237). « E. de Mar-tonne : Conditions de la glaciation régionaledu Groënland d’après les travaux de l’expé-dition suisse. (AnnG XXXII, 1923, 79-83) ».

1934Band XLIX

Le professeur Walther Vogel, de Berlin,dans « Politische Geographie und Geopoli-tik (1909-1934) écrit à propos de l’ouvragede P. Vidal de la Blache Principes de géo-graphie humaine, publié d’après lesmanuscrits de l’Auteur par E. de Martonne.Paris 1922, 327 p. : « Anregendes wert-volles Werk, doch fragmentarisch. Die dreiHauptteile behandeln : 1. Die Verteilungder Bevölkerung auf der Erde ; 2. DieFormen der Zivilisation (Nahrungsmittel,Bauten, Siedlungen usw. In regionalerAnpassung an die Umwelt) ; 3. Bahnen undMittel des Verkehrs. (p. 92) »

« Un travail stimulant très riche, maiscependant fragmentaire. Les trois partiesprincipales sont : 1. La répartition de lapopulation à la surface de la terre ; 2. Lesformes de la civilisation (ressources natu-

relles, habitat, peuplement etc. adaptationrégionale au milieu ; 3 Réseau ferroviaire etmoyen de communication ».

L’auteur mentionne successivement :« E. de Martonne : the carpatians, physio-graphic features controlling human geogra-phy . (Grev. III, 1917, 417-38 m.K.) (p. 108)

« E. De Martonne : Europe centrale.(Géographie universelle, hrsg. P . Vidal de laBlache u. L. Gallois, Bd .IV. I. Allemagne,Paris, 1930, 379 S. II. Suisse, Autriche,Hongrie, Tchechoslovakie, Pologne, Rou-manie, 469 S. Bespr. Von H. Hassinger PM1932, 13, u. 1933, 94 » (p. 196) – « E. deMartonne : le traité de Saint-Germain et ledémembrement de l’Autriche (Ann G XXIX,1920, 1-11) » (p. 215). – « E. de Martonne :la Roumanie et son rôle dans l’Europeorientale. (LaG XXX, 1914/1915, 241-50) »(p. 252) – « E. de Martonne : Essai de carteethnographique des pays roumains. (AnnGXXIX, 1920, 81-98) », (p. 252) – « E. deMartonne : la nouvelle Roumanie (Ann GXXX, 1921, 1-30) » (p. 252) – Enfin,W. Vogel cite de nouveau E. de Martonnedans un commentaire sur la littérature por-tant sur la Roumanie (p. 253).

Geographische Zeitschrift

1925Heft 6

On fait mention dans les Zeitschriften-schau (revue de presse) parmi une biblio-graphie en anglais, en hollandais et en ita-lien de : « Travaux de l’institut degéographie de Cluj (Roumanie), herausge-geb. V. G. Valsan. Meritiv : campagne d’ex-cursions géographiques en Roumanie sousla direction d’ E. de Martonne – E. deMartonne : Excursions géographiques del’institut de géographie de l’université deCluj en 1921 » (p. 383).

1932

H. Schmitthenner livre un article intitulé« Ein französische Geographie vonDeutschland » (« une géographie française

71Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 72: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3372

de l’Allemagne »), p. 22-29, (cf. traductionde l’article en français en annexe 6).

Cet article, pourtant particulièrementvirulent contre le géographe français, com-mence par des compliments : « C’est pournous géographes allemands d’un grandintérêt de voir l’Europe centrale et l’Allema-gne avec les yeux de notre collègue français,qui occupe la célèbre chaire de la Sorbonne.La réputation et le pouvoir que la personna-lité marquante de P. Vidal de la Blache adonnés à la chaire, E. de Martonne a su larécupérer. Le présent ouvrage n’est doncpas l’œuvre d’un quelconque éruditfrançais, mais celui du chef de file de l’Éco-le française de géographie ».

Les autres commentaires laudatifs sontles suivants : « un scientifique de hautrang » (p. 27), « Les figures sont presquetout le temps très bien choisies de même quela présentation de l’ouvrage dans l’en-semble » (p. 29), « La description est vivan-te et claire, le style léger, diplomate »(p. 29), « Faire le compte rendu d’un tellivre de façon vraiment critique et devoirainsi s’opposer à un homme qui possède unpassé scientifique riche est une activitéingrate et difficile » (p. 29).

1933Band XXXIX

J. Sölch livre un commentaire dans sonarticle « Der zweite Band von E. deMartonne’s Mitteleuropa », p. 235-242.

Remarque : la traduction de l’article estfourni en annexe n° 7.

J. Sölch reconnaît que la GU constitue unouvrage très bien écrit : « Die großeNouvelle Géographie Universelle, von dernun schon sieben Bände vorliegen, sprichtin dieser Hinsicht eine sehr deutlicheSprache. » (p. 236).

« La grande Nouvelle GéographieUniverselle, qui compte déjà sept volumes,s’exprime à cet égard avec un langage trèsclair ».

L’auteur complimente le géographefrançais pour sa GU qu’il considère commeouvrage de référence et pour son travail

scientifique de spécialiste de la Roumanie :« Kein Zweifel, es handelt sich um eingroßes, vortrefflich ausgestattetes Werk, ausdem auch wir manchen neuen Gesichts-punkt, auch manche neue tatsache lernenkönnen. So haben wir z.B. jetzt keine neueDarstellung von Rumänien, welche sich mitderjenigen de Martonnes an Umfang,Gehalt und Wert messen könnte. DeMartonne ist sicher einer der besten, wenn-nicht der beste Kenner der GeographieRumäniens » (p. 236)

« Pas de doute, il s’agit d’un travailimportant dont on peut apprendre beaucoupde nouveaux points et de nouvelles choses.Ainsi par exemple nous n’avons actuelle-ment pas de nouvelle description de laRoumanie qui puisse être comparée à cellede E. de Martonne en terme d’ampleur, detraitement et de valeur. De Martonne estprobablement un des meilleurs, si ce n’est lemeilleur connaisseur de la géographie de laRoumanie. »

E. de Martonne est donc reconnu par sescollègues allemands comme le plus grandspécialiste de l’époque pour la Roumanie.

1935

Dans ses Bücherbesprechungen (comp-tes rendus d’ouvrages), J. Sölch livre uncommentaire (p. 396-397) à propos de laGU tome 7 sur « Méditerranée, péninsulesméditerranéennes. Première Partie. Espa-gne – Portugal, et il est intéressant de lecomparer avec l’article de 1933 sur la GUtome 4. Ici, le commentaire est moins long.

La GU est vue comme un ouvrage quifait référence pour tous (on en parle, on lecritique, mais on s’y réfère toujours) : « Wiealle Bände dieses großen Sammelwerkeszeichnet sich auch dieser vorliegende durchgeschickte Auswahl des Wesentlichen,Zuverlässigkeit im einzelnen und leichteLesbarkeit aus, ferner durch die reichlicheAustattung mit nützlichen Skizzen und vor-trefflichen Lichtbildern » (p. 396).

« Comme tous les tomes de cette grandecollection, celui-ci se distingue aussi parune sélection ciblée qui va à l’essentiel, unesolidité dans le détail et une parfaite lisibi-

Page 73: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

lité, et même plus par une riche illustrationd’esquisses essentielles et de photographiesaériennes de premier ordre. »

Remarque : aucune allusion particulièreau tome 4 contre lequel J. Sölch avait écritquelques lignes véhémentes.

Mitteilungen der Österreichischen geographischen Gesellschaft

Rien n’est évoqué à propos de la GU.Le géographe E. de Martonne y est

reconnu comme géomorphologue et lescommentaires à son propos sont toujourslaudatifs. Rares sont les Français cités enbibliographie, seuls le sont E. deMartonne et R. Blanchard, les deux plusgrands géomorphologues français de l’époque.

1924Band 67

Les travaux d’E. de Martonne géomor-phologue sont cités à plusieurs reprises ainsique ses travaux à l’Institut de Géographie deCluj, mais aucune mention n’est faite de sescartes de population et de densité de population.

Heft 9-12

Norbert Krebs, dans « Exkursion auf denButschetsch (21. und 22. Juli 1924) »,p. 204-212, écrit dans une note de bas depage à propos de la bibliographie sur lesglaciations : « Lehmann hat eine Verglet-scherung auf dem Butschetsch seinerzeitganz geleugnet, Popovici hat sie nur ausdem Vorhandensein von Cirken erschlos-sen, de Martonne und W. Behrmann habendas Gebiet nur wenig besucht und deshalbkein abschliessendes Bild gewinnen kön-nen », (p. 208).

« Lehmann a pour sa part contesté unenglacement du Butschetsch, Popovici l’aseulement déduit de la présence de cirques,de Martonne et W. Behrmann n’ont pasassez exploré la zone et n’ont donc rien pudémontrer de définitif ».

De Martonne est associé à d’autres spé-cialistes reconnus de géomorphologie.

Hans Slanar dans son article « Rumä-nische Reise : Der Ausflug nach Törzburgund die Dambovicioaraschlucht » p. 230-235, écrit : « Das Gebiet hat zahlreichegeologische Bearbeitungen erfahren, ohnedass aber eine Klärung der Formen-geschichte in einwandfreier Weise möglichwäre » et renvoie en note de bas de page àquatre auteurs dont trois écrivent en alle-mand et dont le quatrième, qui écrit enfrançais, n’est autre que E. de Martonne :« E. De Martonne : recherches sur l’évolu-tion morphologique des Alpes deTransylvanie. Revue de géographie1906/07 ».

Bettina Rinaldini, dans son article« Rumänische Reise : durch den Roten-turmpass », p. 245-251 écrit : « So hattenwir in wenigen Stunden die Gebiete durch-teilt, die uns das Alt-Problem stellen. » etrenvoie en note de bas de page : « VglEmm. de Martonne, recherches sur l’évolu-tion morphologique des Alpes de Transyl-vanie, Revue de Géographie, Bd 1, Paris1906/07, S. 1-289, insbesondere S. 217 ff. »(p. 248).

Le même auteur dans son article« Rumänische Reise : Klausenburg »,p. 254-262, mentionne : « Einige Mitgliederunserer Gesellschaft wurden mit dem soe-ben erschienenen umfangreichen erstenBand der Arbeiten des geographischenInstituts bedach » et renvoie en note de basde page : « Travaux de l’Institut de géogra-phie de l’université de Cluj (Roumanie),Vol I. Résultats des excursions géogra-phiques faites sous la direction du Profes-seur Emm. de Martonne pendant l’été 1921,Grossoktav, 351 Seiten, 54 Textfiguren,65 photographien, Klausenburg-Bukarest,1924 », (p. 256).

« Il serait bon que quelques membres denotre association s’offrent le premier grosvolume des travaux de l’Institut de géogra-phie qui vient de paraître. »

73Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 74: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

1925Band 68

Dans le Literaturbericht (compte rendusd’ouvrages) sont livrées par J. Moschelesdeux pages de commentaire laudatif duTraité de géographie physique, tome 1, paruen 1924 : « Hier ist vor allem zu begrüssen,daß de Martonne das Wesen der modernenGeographie definiert » (p. 53).

« Ici, il faut saluer avant tout le fait quede Martonne définisse l’essence de la géo-graphie moderne ».

1926Band 69

On retrouve dans le Literaturberichtp. 265-266, deux pages de commentairelaudatif par J. Moscheles à propos du Traitéde géographie physique, Tome 1I ».

On note que parmi les soixante dix-neuftitres du Literaturbericht, seulement quatresont en français, trois en italien, trois enanglais et un en espagnol.

Geographische Wochenschrift

1933

Wilhelm Volz, de Leipzig, écrit un articlevirulent intitulé « E. de Martonne’s Nationa-litätenkarte von Mitteleuropa » (« La cartedes nationalités d’Europe centrale de E. deMartonne), p. 327-333. Avant d’aborder lescritiques (cf. infra partie 2b), on peut releverles compliments adressés au géographefrançais.

Premièrement, E. de Martonne estconnu : « Aus der Feder des bekannten Pariser Kollegen E. de Marton-ne » (p. 327) – « sous la plume du collègueparisien bien connu E. de Martonne ». « demNamen des Autors, der internationalenKlang hat » (p. 327) – « le nom de l’auteur,qui jouit d’une réputation internationale ».

On trouve un balancement entre la

reconnaissance d’un travail de référence (laGU) et les critiques qu’il suscite de la partdes géographes allemands :

« …welche diese bedeutsame Veröffent-lichung ausführlich würdigen und ebenso-sehr ihre grossen Vorzüge hervorheben, wiesie auch an gewissen Unvollkommenheitennicht stillschweigend vorbeigehen. »(p. 327)

« ….qui apprécient de façon circonstan-ciée cette publication marquante et toutautant soulignent ses grandes qualités, demême qu’ils ne peuvent pas passer soussilence aussi certaines imperfections. »

W. Volz reconnaît le travail minutieux decartographie :

« Ich will hier nicht über das merkwür-dig schematisierte Bild der Bevölkerungs-verteilung im Reich sprechen, welche sichauch auf der grossen bunten Karte(Massstab 1 : 6250000 auf Seite 134) wie-derfindet. » (p. 328)

« Je ne parlerai pas ici de la remarquableimage schématisée de la répartition de lapopulation dans le Reich, que l’on retrouvedans la grande carte bariolée (échelle :1 : 6250000, p. 134). »

« Ein Mann von so hohem wissenschaft-lichen Ruf wie de Martonne » (p. 333)

« Un homme d’une si grande renomméescientifique que de Martonne ».

Geographischer Anzeiger – Blätterfür den geographischen Unterrichtvereinigt mit der Zeitschrift für Schul-geographie

1932Heft 10, 33. Jahrgang

Else Wahnschaffe, dans son article« Übersiedlungen in Siebenbürgen »,(p. 298-303) cite E. de Martonne en note debas de page (p. 300) à propos des Carpates.L’auteur renvoie à son ouvrage sur La

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3374

Page 75: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Valachie, Paris, 1902. Le géographe françaisest aussi dans la bibliographie le seul étran-ger parmi les dix-huit titres proposés. Celaexprime donc une certaine reconnaissancede ses compétences de géomorphologue.

Zeitschrift der Gesellschaft für Erd-kunde zu Berlin

1931

Dans le literarische Besprechungen(compte-rendu des ouvrages), N. Krebscommente le tome 4 de la GU (volume 1).

E. de Martonne est reconnu comme lepatron de la géographie française :

« …der Führer der französischenGeographen das Wort, um Mitteleuropa zuschildern. » (p. 305)

« …le chef de file des géographesfrançais, pour représenter l’Europe centrale.»

L’auteur reconnaît la qualité des tomesde la GU :

« Wie alle Bände der Sammlung ist esgut ausgestattet mit Karten und sorgfältigausgewählten Bildern, der Text ist klar undgewählt, aufs Wesentliche gerichtet, freilichmit Vernachlässigung mancher Tatsachen,die wir ungern missen. Speziell die morpho-logischen Abschnitte entsprechen einemmodernen und hohen Stand der For-schung. » (p. 305).

« Comme tous les ouvrages de la GU, ilest bien illustré avec des cartes et des pho-tographies soigneusement choisies, le texteest clair et choisi, et va à l’essentiel, à vraidire tout en laissant de côté de nombreuxfaits dont nous nous passerons à contre-coeur. Les paragraphes sur la morphologiecorrespondent en particulier à un niveauélévé et moderne de la recherche. »

La première partie du tome 4 de la GUsur l’Europe centrale est mentionnée sanscommentaire (p. 232).

1932Heft Mai-Juli

Dans la rubrique « Eingänge für die

Bücherei und Anzeigen », section « ubrigesEuropa » (p. 239), la deuxième partie dutome 4 de E. de Martonne est mentionnéesans commentaire.

1933 et 1934

Il est fait mention de géographes françaisen 1933 et 1934, donc des transferts exis-tent. Les travaux des géographes françaissont connus outre-Rhin. Les grands nomsde l’Ecole française sont cités : RaoulBlanchard, André Meynier, Henri Cavaillès,Charles Du bus, Philippe Arbos, EdgarAubert de la Rue.

Zeitschrift für Geopolitik

1934

Heft 1

Kurt Trampler, dans son article« Deutsche Grenzen » écrit :

« eines der bedeutendsten französischenGelehrten, Prof. de Martonne » (p. 49)

« un des érudits français les plus mar-quants, le professeur de Martonne ».

« Wenn ein Geograph vom Rang desPariser Universitätsprofessors de Martonnein dem Standardwerk der französischenErdkunde, der bei der Welt über einflussrei-chen « Géographie universelle…» (p. 53-54).

« Quand un géographe du rang du profes-seur d’université parisien de Martonne écritdans l’ouvrage de référence de la géographiefrançaise, qui par le monde à propos de la trèsinfuente Géographie universelle… »

Heft 3

Adolf Welte, dans son article « DerDonauraum » renvoie en note de bas depage au tome 4 de la GU du géographefrançais pour une comparaison (p. 156).

Les principaux points de frictions

Ils sont au nombre de sept : la dénoncia-

75Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 76: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

tion du parti pris politique d’E. deMartonne dans sa GU, son rôle au comitéd’études, la cartographie de la GU ainsi queles choix des figurés cartographiques, lesfrontières issues de la Première Guerremondiale, l’Allemagne, l’Autriche-Hon-grie, les minorités allemandes et de langueallemande, la Roumanie et enfin la facturede la GU (organisation du plan et bibliogra-phie).

• La dénonciation du parti-pris politiqued’E. de Martonne dans sa GU

Son œuvre est analysée par les géo-graphes allemands comme un travail politi-quement orienté. Les Allemands accusentle géographe français d’avoir mis son pres-tige scientifique international au service dela politique française de la Paix deVersailles.

Cela se traduit notamment dans la carto-graphie et le choix de critères cartogra-phiques, qui semblent toujours défavorablesaux populations de langue allemande etcherchent à favoriser les Roumains. Demême, le choix – certes particulièrementdifficile dans l’Europe centre orientale – dutracé des nouvelles frontières obéit à descritères parfois fluctuants qui favorisent lespopulations roumaines ou polonaises, soitau nom du principe des nationalités, soit aunom de la viabilité économique de telle outelle région. A contrario les populations delangue allemande ne bénéficient pas autantde ces critères.

Les citations relevées dans le corpus derevues sont les suivantes.

Geographische Jahrbuch

1934Band XLIX

W. Geisler de Breslau (actuellement laville polonaise de Wroclaw) écrit dans sabibliographie commentée sur « Deutsches

Reich. Norddeutschland und Mitteldeutsch-land (1927-1932), p. 3-78 :

« E. de Martonne : Europe centrale (GUuniverselle IV, Paris 1930/31). ZahlreicheKarten und Skizzen. Politisch-geogra-phische Stellungnahme, wie Ignorierungder abgetretenen Gebiete als deutschervolks- und Kulturboden, muss scharfzurückgewiesen werden. (Bespr. vonN. Krebs ZgesE 1931, 303 ff. ;H. Schmitthenner GZ 1932, 22 ff) (p. 76).

« De nombreuses cartes et dessins, desprises de position de géographie politique,comme l’absence de prise en compte desterritoires abandonnés comme terre de cul-ture et de peuplements allemands, doiventêtre vivement récusés. »

Geographische Zeitschrift

1932

L’article de H. Schmitthenner intitulé« Ein französische Geographie vonDeutschland », p. 22-29 a paru si importantet si éclairant qu’il est traduit en annexe 6.Les passages les plus significatifs sontreportés ici :

« Avec ce débat, on a touché une despages les plus fâcheuses de tout l’ouvrage.C’est l’art et la manière de voir commentdans ce livre l’économie et la politique sontindissociables et comment l’auteur, souscouvert d’objectivité scientifique, se livre àune propagande politique et poursuit un butpolitique sans jamais laisser tomber lemasque et sans dire un mot sur la politiquealors qu’elle est immanente dans chacun deses mots. Les comptes rendus de FriedrichMetz et de Norbert Krebs ont déjà montréles grandes déformations et leurs arrière-plans politiques. Ici, il s’agit de l’aspectscientifique et je n’entrerai qu’à contre-cœur dans les débats suivants, qui ne doi-vent cependant pas être occultés ».

« Dès la lecture de l’introduction sur “lanotion d’Europe centrale”, le lecteur attentifest surpris. S’il a la vue d’ensemble généra-le derrière lui, il sait que le livre est un. Cen’est pas seulement dans l’organisation du

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3376

Page 77: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

texte mais aussi même jusque dans lesconsidérations morphologiques et tecto-niques les plus anodines qu’on peut releverles aspects politiques ».

« Nous pouvons donc dire à regret qu’unscientifique de haut rang tourne le dos à larecherche de la vérité, au minimum déformeles faits, réalise des buts politiques encontradiction avec la science et commet deserreurs de logique. L’auteur a pris le masquede la science pour exprimer l’esprit deVersailles et s’occupe de politique sous cou-vert de contribution scientifique ».

L’auteur conclut :« La description est vivante et claire, le

style léger, diplomate et tout à fait particu-lièrement propre à surmonter les difficultéset à dissimuler les chausses-trappes et sauts-de-loups politiques pour les âmes inoffen-sives. Le poison politique se montre tout àfait appétissant.

Le livre de E. de Martonne se tourne au-delà des frontières françaises et s’adresse auxinnombrables lecteurs des autres nations. Ilest évident que les critiques de l’étranger sontpeu nombreux à posséder les connaissancesindispensables sur l’espace différencié del’Europe centrale, pour ne pas succomber à laforme. Quand un Australien nomme dansGeographical review le livre comme unouvrage de référence, nous pouvons com-prendre que notre individu situé aux anti-podes le juge ainsi pour des raisons externes.Mais quand le « géographe suisse » Vosselersonne du cor et loue par-dessus tout le livrede E. de Martonne en fait la renommée enopposition avec quelques études régionalesallemandes de la plus stricte objectivité, cetteerreur de jugement ne tient pas à l’éloigne-ment ou à des frontières étatiques, mais s’ex-plique seulement par une absence consciented’esprit critique scientifique.

Faire le compte rendu d’un tel livre defaçon vraiment critique et devoir ainsi s’op-poser à un homme qui possède un passéscientifique riche est une activité ingrate etdifficile. Ce que nous regrettons de devoirdévoiler n’est pas seulement pour des raisonsde justesse et de correction scientifiques, maisaussi par devoir national d’autodéfense ».

1933Band XXXIX

J. Sölch, dans son article « der zweiteBand von E. de Martonne’s Mitteleuropa »,p. 235-242, écrit à propos de l’aspect « poli-tique » de E. de Martonne (cf. annexe 7) :

« Hingegen muß ich in aller Schärfe eineandere Seite von de Martonnes Werk, seinepolitische Einstellung, kennzeichnen, damitwenigstens jener Kreis, in welchem dieseZeitschrift gelesen wird, vor einem einseiti-gen, schiefen und ungerechten Urteil be-wahrt werde. » (p. 238)

« Par contre, je dois avec toute l’acuiténécessaire, faire connaître un autre versantde l’œuvre de de Martonne, à savoir sa posi-tion politique, pour que au moins chaquecercle dans lequel cette revue est lue soitmis en garde contre un jugement partial,biaisé et injuste. »

J. Sölch conclut : « Kurz zusammenfassend läßt sich also nur

sagen : de Martonnes Buch ist für uns ein lehr-reiches Beispiel, wie man politische Geo-graphie machen muß, um A. DemangeonsErwartungen und Ansprüche zu befriedigen ;denn daß A. Demangeon mit der Leistung deMartonnes gerade in diesem Punkt nicht ein-verstanden sein sollte, dürfen wir kaum anneh-men. Wo die politik anfängt, hört bei allendenen, welche an dem Übelfrieden vonVersailles festhalten, die Wissenschaft auf, unddann kann man alles begründen, alles bestrei-ten, es stellt das rechte Wort zur rechten Zeitsich ein, “wo Politik ist oder Ökonomie, da istkeine Moral” – dieser Ausspruch gilt auch fürE. de Martonne’s L’Europe centrale. Übrigensist sein mitteleuropäischer Staatenverband ohneDeutschland sehr bezeichnend auch das Mittel-Europa des Tschechen Roucek. » (p. 242)

« Pour résumer brièvement, on peut direque le livre de de Martonne est pour nous unexemple riche d’enseignement sur la maniè-re dont on doit faire de la géographie poli-tique pour répondre aux attentes et auxrevendications de A. Demangeon ; car nousne pouvons guère accepter que A. Deman-geon ne soit pas d’accord sur ce point avec

77Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 78: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

la production de E. de Martonne. Là oùcommence la politique, pour tous ceux quitiennent à la mauvaise paix de Versailles, lascience s’arrête ; et ensuite on peut tout jus-tifier, tout contester, on adapte le mot quiconvient à l’époque qui convient, “là où setrouve la politique ou l’économie, il n’y aplus de morale” – cette maxime est aussivalable pour l’Europe centrale de deMartonne. Par ailleurs, son groupement d’é-tats d’Europe centrale en mettant à partl’Allemagne est très significatif comme laMitteleuropa du Tchèque Roucek. »

• Le rôle du géographe au comité d’études

Geographische Zeitschrift

1933Band XXXIX

J. Sölch, dans son article « Der zweiteBand von E. de Martonne’s Mitteleuropa »,p. 235-242, dénonce la partialité d’E. deMartonne (cf. annexe 7) :

« ...indem er alles zeigt im Spiegelfranzösischer Auffassung oder französi-scher Wünsche. Diese gipfeln aber neues-tens, wie sich immer deutlicher zeigt(Tardieu-Plan !), in einer wirtschaftlichenund politischen Zusammenfassung derStaaten mittel-Europas ohne Deutschland,aber unter Frankreichs Führung.» (p. 239).

«…pendant qu’il montre tout dans lemiroir des vues ou des souhaits français.Mais ceux-ci atteignent des sommets nou-veaux, et comme toujours de façon très clai-re (le plan Tardieu !), dans un résumé éco-nomique et politique des états d’Europecentrale sans l’Allemagne mais sous la hou-lette de la France. »

J. Sölch reproche à E. de Martonne sonrôle au comité d’études :

« Wenn auf solche Unterschiede Gewichtgelegt werden soll bei der Ziehung derStaatsgrenzen, warum haben dann dieLandsleute de Martonnes bei den Friedens-

diktaten nicht die wirklichen Sprachgrenzenberücksichtigt, warum Millionen vonDeutschen unter Fremdherrschaft ge-stellt !? » (p. 239)

« Si sur de telles différences un poidsdoit être posé selon la force des frontièresd’état, pourquoi les compatriotes de deMartonne n’ont-ils pas pris en considérationlors des dictats de la paix les réelles fron-tières linguistiques, pourquoi des millionsd’Allemands ont-ils été placés sous unedomination étrangère !? ».

Zeitschrift der Gesellschaft für Erd-kunde zu Berlin

1931N. Krebs dans sa rubrique « literarische

Besprechungen » présente un compte rendusur le tome 4 de la GU (volume 1), (p. 305-307) :

« Wie jedem grossen zusammenfassen-den Werk wird man auch diesem eine gewis-se Subjektivität der Darstellung zubilligendürfen, wenn nur in der Verwertung der tat-sachen die wissenschaftliche Objektivitätgewahrt ist. …Aber Dantzig und derWeichselkorridor werden ja erst im zweitenBand behandelt, und was man sonst zuhören bekommt, enttäuscht sehr. Glaubt esder Verfasser wirklich oder schreibt er nurfür seine Landsleute, dass Mitteleuropadurch die Friedensverträge “einen Schrittvorwärts getan habe auf dem Weg derFestigkeit ?” (S. 3). » (p. 306)

« Comme tout grand ouvrage de synthè-se, on doit aussi lui concéder une certainesubjectivité de la représentation, si seule-ment l’objectivité scientifique était respectéedans l’évaluation des faits. …Mais Dantziget le corridor de la Vistule sont seulementtraités dans le second volume, et ce qu’onnous laisse autrement entendre, déçoiténormément. Est-ce que l’auteur croit vrai-ment ou n’écrit-il pas uniquement pour sescompatriotes, que l’Europe centrale a grâceaux traités de paix “accompli un pas en avantsur le chemin de la stabilité” ? (p. 3). »

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3378

Page 79: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

• Les parti pris géographiques dans le choixdes figurés cartographiques

Geographische Zeitschrift

1932

H. Schmitthenner, dans son article « Einfranzösische Geographie von Deutsch-land », (annexe 6) écrit :

« Que les cartes servent souvent des butspolitiques par tous les moyens possibles,qu’elles présentent souvent des erreurs etque les fondements des villes apparaissentinsuffisamment délimités, font qu’on n’exa-mine pas les techniques de reproduction ».

1933Band XXXIX

J. Sölch, dans son article « Der zweiteBand von E. de Martonne’s Mitteleuropa »,(p. 235-242) écrit à propos de la carte desnationalités dans la GU (cf. annexe 7) :

«… die deutschen Sprachinseln inJugoslawien werden dagegen überhauptnicht vermerkt. Das Deuschtum in Polenerscheint als ganz unbedeutend, der« Korridor » wird als breiter polnischerQuerstreifen eingetragen, während Ost-preuens Deutschtum in den Erläuterungender Karte (die Zugleich als Dichtekartegezeichnet ist) als schwache deutsche Inselcharakterisiert ist. Auch das südlicheOstpreuen wird einfach als polnischesSprachgebiet hingestellt ; das Polentum inSchlesien erscheint ansehnlicher, selbstaufreichsdeutschem Boden, als es der Wirklich-keit entspricht. Im übrigen schneidet auchdiese Karte im West so ab, daß dasDeutschtum von Elsaß-Lothringen auerhalbihres Rahmens bleibt. (p. 241) ».

«… les îlots linguistiques allemands enYougoslavie ne sont par contre absolumentpas relevés. Le caractère allemand enPologne apparaît insignifiant, le “corridor”est entériné comme une bande transversalelargement polonaise, alors que le caractèreallemand de la Prusse orientale est caracté-risé comme une petite île allemande dansl’illustration de la carte (qui est très sem-

blable à une carte des densités). De même lesud de la Prusse orientale est tout simple-ment représenté comme un territoire de par-ler polonais ; le caractère polonais en Silésieapparaît de la même façon sur un sol alle-mand, comme si cela correspondait à la réa-lité. Par-dessus tout, cette carte s’arrête detelle façon à l’Ouest que le caractère alle-mand de l’Alsace-Lorraine reste hors ducadre. »

Geographische Wochenschrift

1933

W. Volz, de Leipzig, écrit dans sonarticle « E. de Martonne’s Nationalitäten-karte von Mitteleuropa », (p. 327-333) :

« Leider aber ist dies Vertrauen nicht übe-rall gerechtfertigt ; und darum halte ich michfür verpflichtet, hier auf die sehr fehlerrhafteNationalitätenkarte von Mitteleuropa aus-drücklich hinzuweisen » (p. 327)

« Malheureusement cette confiance n’estpas partout vérifiée ; c’est pourquoi jeconsidère comme mon devoir de soulignerici la carte pleine d’erreurs sur les nationa-lités d’Europe centrale ».

L’auteur restreint sa critique à troispoints : l’Alsace-Lorraine, les Sudètes et lesfrontières de l’Est avec des territoires « alle-mands » représentés comme étant polonais :

« Elsass-Lothringen ist als sprachlichesMischgebiet bezeichnet und zwar überwie-gen, wenn man Punkte und Kreuzchenauszählt, die französischen Kreuzchen. EinKommentar ist überflüssig ! »

« L’Alsace-Lorraine est décrite commeun territoire linguistiquement mélangé et, àla vérité, les croix françaises prédominentquand on compte les croix et les points. Toutcommentaire est superflu ! ».

« Das Sudetendeutschtum ist nur an derNord-Ostgrenze, und auch da nicht ein-wandfrei, angegeben. »

Le caractère allemand des Sudètes n’estsignalé qu’à la frontière nord est et là aussipas de façon irréprochable. »

« Die deutsche Ostgrenze und die abge-trennten Gebiete sind bis weit nach

79Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 80: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Deutschland hinein fast rein polnischgezeichnet. »

« La frontière est-allemande et les terri-toires séparés sont décrits comme polonaisjusque très loin à l’intérieur de l’Allema-gne. »

L’auteur revient sur la langue comme« critère évident » de la nationalité, commele dit E. de Martonne. Or W. Volz précisequ’à l’est de l’Allemagne en particulier, ladifférence entre le dialecte et la languenationale est très importante pour les consé-quences qu’elle implique. Pour ces popula-tions décrites par E. de Martonne commepolonaises, W. Volz prétend qu’elles sont« Mitglied der deutschen Kultur » (« mem-bres de la culture allemande »).

W. Volz démontre dans le détail les casoù la langue n’a pas été retenue comme« critère évident ». En effet, pour les terri-toires peuplés de Polonais (même minori-taires), les tracés des frontières ont été choi-sis en fonction de critères économiques,comme par exemple la viabilité écono-mique de certaines villes et des ports polo-nais (p. 330-332).

La conclusion de W. Volz est très dure :il accuse un géographe-cartographe d’avoirfait une carte fausse :

« Ich will kein Wort der Kritik anknüp-fen ; die Tatsachen sprechen für sich selbst.Nur das Eine möchte ich sagen, dass eben-so wie ich selbst wohl jeder unvoreinge-nommene Geograph enttäuscht sein wird,dass ein Mann von so hohem wissenschaft-lichen Ruf wie de Martonne bei der sicherschwierigen Darstellung sich nicht dergrossen wissenschaftlichen Verantwortungbesser gewusst gewesen ist. Wir verlangenvon ihm keine deutschfreundliche Dar-stellung – aber er weiss, dass es ein heissesEisen ist, darum hätte er doppelt sorgsamsein müssen. Wir verlangen von ihm nurWahrheit ! Seine Nationalitätenkarte aberist (von manchem andern abgesehen) in die-sen drei Kardinalpunkten – falsch ! »(p. 333)

« Je ne veux engager aucun mot de cri-tique ; les faits parlent d’eux-mêmes. Je ne

veux dire qu’une chose, à savoir que toutgéographe dénué de préjugés comme moisera déçu qu’un homme de la réputationscientifique de de Martonne n’ait pas su êtreplus scientifiquement responsable à proposde cette représentation évidemment diffici-le. Nous n’exigeons pas de lui une représen-tation germanophile – mais il sait que c’estun sujet brûlant, c’est pourquoi il aurait dûfaire deux fois plus attention. Nous n’exi-geons de lui que la vérité ! Mais sa carte desnationalités est (d’après beaucoup d’autreschoses) en ce qui concerne ces trois régionsgéographiques, fausse ! ».

Dans la rubrique « Zeitschriften-Echo »de Hans Praesent, de Leipzig, on trouve :

« Friedrich Metz hat sich schon mehrfa-ch mit dem geographischen Propaganda-werken Frankreichs beschäftigt, besonderesmit der bekannten Darstellung Mitteleuropavon de Martonne, deren Tendenzen er auf-gedeckt hat. Im Aprilheft von « Nation undStaat » (Jahrgang 6, 1933, 7, S. 400-420)unterzieht er « französische Nationalitäten-karten von Europa und Mitteleuropa » einereingehenden kritischen Nachprüfung, vorallem zwei Karten von A. Meillet und E. deMartonne. Während ‘man der Arbeit vonMeillet ein gewisses Verdienst um dieKlärung der Begriffe und ein Streben nachObjektivität nicht wird absprechen können’,dient die Karte von De Martonne ‘derRechtfertigung der Friedensdiktate’und ‘istunbefriedigend, fehlerhaft und tenden-ziös…! ». (p. 382)

« F. Metz s’est déjà beaucoup occupé desouvrages géographiques français de propa-gande, et en particulier de la célèbre présen-tation de la Mitteleuropa de de Martonne,dont il a permis de découvrir les tendances.Dans le cahier d’avril sur “Nation und Staat”(6e année, 1933, 7, p. 400-420), il soumet“Les cartes françaises sur les nationalités enEurope et en Europe centrale” à un examencritique minutieux, notamment deux cartesde A. Meillet et d’ E. de Martonne. Alors“qu’on ne peut pas nier dans le travail deMeillet un certain mérite à clarifier lesconcepts et une aspiration à l’objectivité”, lacarte de de Martonne sert à “justifier les dic-

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3380

Page 81: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

tats de Paix” et “n’est pas satisfaisante, plei-ne d’erreurs et tendancieuse” ».

• Les frontières issues de la PremièreGuerre mondiale

Geographische Zeitschrift

1923

J. Sölch dans son article «Verebte undneue politische Reibungsflächen im südli-chen Mittel-Europa», p. 24-37, évoque ladifférence entre espace-frontière et ligne-frontière. Les frontières ethnographiquesdans cette région sont plus des frontières-espaces (Grenzräume) que des lignes-fron-tières (Grenzlinien) :

« ….das erklärt ja auch das weite Über-greifen der Tschechei nach Süden hinab indas ungarische Flachland, abgesehen vonder Attraktion der Donau ; nach Osten ent-lang der ganzen Südabdachung derKarpathen bis zur unmittelbaren Berührungmit Rumänien. Ein geopolitisches Motiv isthier wirksam : Ungarn soll auf allen Seiteneingeschlossen werden. » (p. 32)

« …ceci explique donc aussi l’empiète-ment de la Tchécoslovaquie sur le sud dansla plaine de Hongrie, abstraction faite del’attraction du Danube ; vers l’Est le long dela retombée méridionale des Carpates jus-qu’au contact immédiat avec la Roumanie.Un mobile géopolitique est ici efficace : laHongrie doit de toutes parts être encerclée. »

A propos de l’Autriche, il évoque :« Bestimmungen des brutalen Friedens

von St-Germain (und Versailles) » (p. 35)« des décisions de la brutale Paix de

Saint-Germain (et de Versailles) »,« Der Anschluss an Deutschland bräch-

te dem deutschen Reiche eine vor allem inden Augen der Franzosen gefährliche unddaher von ihnen mit allen Mitteln bekämpf-te Verstärkung ; zugleich würde eine unmit-telbare, auch politisch sich auswirkendeBerührung zwischen Deutschland undItalien hergestellt und dadurch zwischenFrankreich und die frankophilen Staaten imOsten eine breite Schranke gelegt. Das alles

passt auch diesen Frankophilen nicht. »(p. 36)

« L’annexion à l’Allemagne auraitapporté au Reich allemand un renforcementavant tout dangereux aux yeux des Françaiset par conséquent qui doit être combattu partous les moyens ; par ailleurs un lien immé-diat entre l’Allemagne et l’Italie aurait étéétabli et aurait ainsi constitué une large bar-rière entre la France et les états francophilesde l’Est. Cela n’est pas non plus du goût desfrancophiles… »

1933Band XXXIX

J. Sölch, dans son article sur « Der zwei-te Band von E. de Martonne’sMitteleuropa », (p 235-242) rappelle lesnouvelles frontières issues du « Diktat » deVersailles (cf. annexe 7) :

« Die verschiedenen unseligenSchöpfungen des Friedensdiktates vonVersailles sind nun auch für de Martonnedurchaus gut und zweckmäig. Wirtschaft-liche Schwierigkeiten gäbe es zwar in ihnenüberall, aber das Schlimmste sei bereitsüberwunden, ein gewisses Gleigewichthabe sich bereits eingestellt, angepaßt denneuen Grenzen, auch Österreich undUngarn seien durchaus lebensfähig : ja, siehätten vor den andern an innerer Einheitdadurch gewonnen, daß alles andersspra-chige Volkstum fast völlig ausgeschiedensei ; wesentlich sei nur, daß sich Österreichohne « Hintergedanken » (Anschluß anDeutschland !) auf sich selbst besinne.Wenn Wien auf seine politischenAmbitionen verzichte, könne es eine wirt-schaftliche und geistige Metropole vonMittel-Europa sein (S. 496). » (p. 239)

« Les différentes funestes créations desdictats de la Paix de Versailles sont à présententièrement valables et adéquates pour deMartonne. Ils comporteraient certes partoutdes difficultés économiques, mais le plusgrave serait déjà surmonté, un certain équi-libre serait déjà atteint, conforme aux nou-velles frontières, même l’Autriche et laHongrie seraient des organismes viables :oui, ces pays auraient gagné les uns après les

81Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 82: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

autres leur unité interne, presque toute natio-nalité étrangère ayant été écartée ; l’essentielserait que l’Autriche n’ait pas d’arrière-pensées (l’annexion à l’Allemagne !). SiVienne renonçait à ses ambitions politiques,elle pourrait devenir une métropole écono-mique et culturelle d’Europe centrale. »

Zeitschrift für Geopolitik

1934Heft 1

Kurt Trampler, dans son article« Deutsche Grenzen », p. 15-71, écrit en uti-lisant souvent des métaphores militaires :

« Im Gegenteil sind in Elsass-Lothrin-gen, nicht ohne Schuld vieler Verständnis-losigkeiten Vorkriegsdeutschlands, manchewestlichen Einflüsse auf die Staatsauf-fassung der Bevölkerung wirksam. ImHeimatgedanken aber, der die Erhaltungvon Muttersprache und Kultur erstrebt, istsich das Land einig. So musste, als diefranzösische Regierung nach langjährigemZögern die Ergebnisse der sprachenzählungveröffentlichte, anerkannt werden, dass sichder deutschkulturelle Charakter des Landeszu 8% behauptet hat – in Wirklichkeit dürf-te dieser Prozentsatz bei weitem höher sein.Diese französische Veröffentlichung hat dieFälschung eines der bedeutendsten franzö-sischen Gelehrten, Prof. De Martonne, ein-deutig entlarvt, der in seiner Karte derVölker Mitteleuropas (im Band Mittel-europa der Géographie universelle) Elsass-Lothringen als gemischtsprachiges Gebieteinzeichnete. Die klare Sprach- undKulturgrenze ist vieilleicht der bedeutendsteHelfer für die Selbsterhaltung desDeutschtums im Westen. Die germanisch-romanische Sprachgrenze im Westen istnämlich durchwegs das Ergebnis einesRückbildungsvorgangs. Sie lag ursprüng-lich weiter westlich. Die Siedlungsmässigweniger ausgebildeten westlichendeutschen Vorposten sind in vergangenenJahrhunderten romanisiert worden, so dassdie heutige, geopolitisch durch die Vogesengestützte Sprachgrenze nur dicht besie-deltes, völlig geschlossenes und sozial reich

gegliedertes, auf einer starken bäuerlichengrundlage ruhendes deutsches kernlandumschliesst .» (p. 49)

« Au contraire en Alsace-Lorraine, denombreuses influences occidentales sontefficaces sur la construction étatique despopulations, non sans la responsablilité d’unmanque de compréhension de l’Allemagned’après-guerre. Cependant dans les opi-nions patriotes qui s’efforcent de maintenirla langue maternelle et la culture, le pays estun. Alors que le gouvernement français ahésité pendant des années à faire connaîtreau public les résultats des statistiques lin-guistiques, on devrait reconnaître que lecaractère culturel allemand du pays estaffirmé à 8 % – en vérité ce pourcentagedevrait être bien plus élevé. Cette publica-tion française a démasqué sans équivoque lafalsification d’un des plus remarquablesérudits français, le professeur de Martonne,qui, dans sa carte des peuples d’Europe cen-trale (dans le volume sur l’Europe centralede la Géographie Universelle), a présentél’Alsace-Lorraine comme un territoire lin-guistique mélangé. La frontière claire de lalangue et de la culture est peut-être lemeilleur critère qui aide à définir l’étenduede la germanité vers l’Ouest. C’est que lafrontière linguistique germano-latine àl’Ouest résulte de bout en bout d’un proces-sus de régression. A l’origine, cette frontièrese trouvait bien plus à l’ouest. Lesmédiocres postes avancés de peuplementallemand moins cultivés à l’Ouest ont étélatinisés au cours des siècles passés, de sorteque la frontière linguistique actuelle, cou-pant géopolitiquement à travers les Vosges,ne cerne plus qu’un paisible noyau dur alle-mand densément peuplé, aux assises pro-fondément paysannes, complètement ferméet socialement très fortement différencié. »

« Bedürfte es noch eines Beweises, wel-chen Vorstosslinien die Gegner folgen, sogibt eine einzige Karte zum mindesten überdie Ziele der französischen MächtegruppeAufschluss. Wenn ein Geograph vom Rangdes Pariser Universitätsprofessors deMartonne in dem Standardwerk der franzö-sischen Erdkunde, der bei der Welt über ein-

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3382

Page 83: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

flussreichen Géographie universelle, zueiner glatten Fälschung der Einträge überdie Volksgrenzen in Mitteleuropa greift, soliegen sicherlich weittragende InteressenFrankreichs für diese verfälschung desbildes vor. E. de Martonne aber zeichnet fol-gende Abweichungen von den Tatsachenein : « Elsass-Lothringen als gemischtspra-chiges Land, geschlossene polnischeSiedlung im südlichen Ostpreussen, keinedeutsche Bevölkerung im Weichselkorridor,Westoberschlesien und teile Nieder-schlesiens trotz geschlossener deutscherBevölkerung rein polnisch. Endlich vergisstde Martonne das Deutschtum des Eger-landes, des Böhmerwaldgaues und Süd-mährens. Hier soll also die Linie vomElsass zu Further Senke volkspolitischunterbaut; Schlesien noch enger in die pol-nisch-tschechische Zange genommen und inOstpreussen neue polnische Vorstossliniengeschaffen werden. Das bild ist klar: derVormarsch auf die Zergliederung des deut-schen Volksbodens, der Vormarsch auf diebiologische herabdrückung des deutschenVolkes auf die Stufe eines Mittelvolkes wirdfortgesetzt. » (p. 53-54)

« Si on a besoin d’une preuve supplé-mentaire des lignes d’attaques que suiventles opposants, une seule carte sur les objec-tifs du groupe de renseignement des puis-sances françaises. Quand un géographe dela notoriété du professeur d’université pari-sien de Martonne a recours, dans l’ouvragede référence de la géographie française dontl’influence est très grande dans le mondeentier, à savoir la ‘Géographie Universelle’,à une falsification insinuante des dommagescausés aux frontières ethnographiques enEurope centrale, c’est qu’il existe sûrementdes intérêts français à longue portée pourcette falsification de la représentation. Maisde Martonne dessine les accrocs à la réalitéde la façon suivante : l’Alsace-Lorrainecomme région linguistiquement mixte,l’implantation polonaise au sud de la Prusseorientale en formation compacte, pas depopulation allemande dans le corridor de laVistule, la Haute Silésie occidentale et enpartie la basse Silésie représentées commepurement polonaise malgré des groupes

compacts allemands. Enfin, de Martonneoublie le caractère allemand de l’Egerland,de la région de la forêt bohémienne et dusud de la Moravie. Ici la ligne doit êtreappuyée par une politique populaire del’Alsace à la dépression de Further, laSilésie encore plus étroitement prise dans latenaille polono-tchèque et une nouvelleligne de front polonaise élaborée en Prusseorientale. L’image est claire : la marche enavant pour démanteler le sol du peuple alle-mand, pour exercer une pression biologiquepour réduire le peuple allemand à un peupleintermédiaire. »

Heft 3

Adolf Welte, dans la conclusion de sonarticle « Der Donauraum », fait référence àla GU d’E. de Martonne (p. 147-156) :

« Alle Nachfolgestaaten mit Ausnahmevon Österreich und Ungarn sind heute mitden gleichen inneren Reibungen, den glei-chen zentrifugalen Bestrebungen durch dieinneren völkischen Verhältnisse belastet wiedie alte Monarchie. Überall ist neue heftigeIrrendenta geschaffen worden. Dass dieNation die Grundrichtung für jede staat-liche Neuordnung werden muss, ist heuteunumstössliches Gesetz geworden. Dass dieEinzelheiten der so festgelegten Grenzengeopolitisch ergänzt und ausgeglichen wer-den müssen, ist ebenso selbstverständlich.Aber die Friedensschlüsse, die dem Welt-krieg folgten, haben sich im Donauraumgeradezu leichtfertigt über nationale wiegeopolitische Forderungen hinweggesetztund einseitig die Besiegten vergewaltigt. Soist die Beurteilung der staatlichen Neu-gestaltung im Donauraum mindestens sozwiespältig wie je diejenige der altenDoppelmonarchie. » (p. 156)

« Tous les États de l’après-guerre, à l’ex-ception de l’Autriche et de la Hongrie, doi-vent aujourd’hui supporter les mêmes fric-tions internes que l’ancienne monarchiehabsbourgeoise, les mêmes mouvementscentrifuges à cause de la situation ethniqueinterne. Partout on assiste à de nou-veaux irrédentismes véhéments. Quela nation doive être le fondement pour

83Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 84: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

chaque nouvel ordre étatique est aujour-d’hui devenu une loi incontournable. Queles particularités des frontières ainsi consti-tuées doivent être géopolitiquement com-plétées et harmonisées, c’est compréhen-sible. Mais les conclusions de la paix qui ontsuivi la guerre mondiale ont carrément etsans scrupules passé outre les réclamationsnationales et politiques dans l’espace danu-bien, et se sont imposées unilatéralementaux vaincus. Ainsi l’appréciation du nouvelordre étatique dans l’espace danubien est aumoins aussi partagée que celle de l’ancien-ne Double-monarchie. »

• L’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, lesminorités allemandes et de langue alle-mande

Geographische Zeitschrift

1923

J. Sölch, dans son article « Verebte undneue politische Reibungsflächen im südli-chen Mittel-Europa », p. 24-37, parle sur-tout de l’Autriche-Hongrie et de l’Alle-magne. Il critique les nouvelles frontières enEurope centrale qui ne respectent pas leprincipe des nationalités pour les Alle-mands et les Autrichiens. Ces frontières sont établies contre l’ancienne monarchied’Autriche-Hongrie :

« Eben auf dem Boden der altenMonarchie hat man neuen Grenzen gezo-gen, […], die weder wirtschaftsharmo-nische noch verkehrskonforme Räumeumfassen, die sich nicht mit Völkergrenzendecken noch strategisch gut sind. » (p. 31)

« Même sur le sol de l’ancienne Monar-chie, on a établi de nouvelles frontières,[…], qui ne constituent ni une harmonieéconomique ni un espace conforme à la cir-culation, qui ne recoupent pas les frontièresethnographiques et qui ne sont pas stratégi-quement bonnes ».

« Man hat das ethnographische Prinzipgegenüber den deutschen und denMagyaren aufs schwerste verletzt ». (p. 31)

« On a gravement bafoué le principe des

nationalité vis-à-vis des Allemands et desMagyars ».

« …auch zwischen den « associés » derEntente sind die Staatsgrenzen keineswegüberall durch das ethnographische Prinzipbestimmt, sondern militärische, machtpoli-tische, wirtschafts-und verkehrgeogra-phische Momente haben, […]. Das zeigtsich in den tschechisch-polnischen, in denrumänisch-serbischen Grenzgebieten. »(p. 31)

« …même entre les « associés » del’Entente, les frontières étatiques ne sont enaucun cas partout respectueuses du principedes nationalités, mais ont des mobiles mili-taires, de domination politique, de géogra-phie économique et de communication […].Cela se voit dans les zones frontalières tché-co-polonaises et serbo-roumaines. »

Les Allemands du Banat ont une positioninconfortable (que n’évoque pas de Mar-tonne) :

« Wo Sprachinseln anderer Völker dieGrenzzone durchsetzen, wird die Lage nochverwirkelter : man denke an die deutschendes Banats. Bei geschickter Politik könnensie sich hier in solch umstrittenem Gebietvieilleicht eher behaupten als bei derEinordnung in einem übergewichtigen Staatmit starker Aufsaugungskraft und rücksicht-losen Assimilationsmethoden wie Italien.Bei Bewaffneten Zusammenstössen derBeiden aneinander grenzenden Staaten sindsie allerdings ganz besonders gefährdet ;fallen sie der Kriegsführung zum Opfer, soist ihre Vernichtung endgültig. » (p. 32)

« Là où des îlots linguistiques recoupentla zone frontalière, la situation est encoreplus complexe : on pense ici aux Allemandsdu Banat. Par une politique adroite, ils peu-vent peut-être s’affirmer ici dans une zone sidisputée plutôt comme faisant partie d’unétat prépondérant avec une puissante forced’absorption et des méthodes d’assimilationbrutales comme en Italie. Par les conflitsarmés entre les deux états frontaliers, ils sontde toutes façons particulièrement menacés :s’ils sont victimes de la conduite de la guer-re, alors leur destruction est définitive. »

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3384

Page 85: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

« Alles ist allem : das ethnographischePrinzip wurde nicht überall eingehalten,liess sich auch im Grunde genommen nichtüberall einhalten. Dies hat eine unmengevon Unzufriedenheit hervorgerufen, neueReibungsflächen entstehen lassen, die nunnicht mehr wenigstens zum teil bloss inners-taatlich verlaufen wie im alten Österreich-Ungarn, sondern zu zwischen staatlichenFragen werden und daher noch viel gefähr-licher sind, weil sie in höherem Masse alsTrennungsfugen auftreten. » (p. 32)

« Somme toute : le principe des nationa-lités n’a pas été respecté partout et dans lefond n’a pas non plus été appliqué partout.Cela a engendré une immense insatisfac-tion, de nouveaux points de friction ont vule jour, qui ne sont maintenant même plusintra-étatique comme dans l’anciennemonarchie austro-autrichienne, maisdeviennent des questions inter-étatiques,donc beaucoup plus dangereuses, car ils seprésentent pour la plupart comme des forcesde désagrégation. »

1932

Dans son article (annexe 6), H. Schmitt-henner affirme (p. 25-26) :

« Le plus clair est le procédé scientifi-quement insoutenable qui se traduit dans lesparagraphes d’anthropogéographie. Lesdeux paragraphes généraux concernés seréduisent à justifier la formation des Etats de1919. Une des étapes est le profil de “lasituation au début de l’ère chrétienne”. Lepoint de départ de l’époque romaine est pré-senté comme le recul des Barbares, ce quien découle et les peuples actuels en sont nés.Mais la contribution culturelle des Alle-mands au Moyen âge, la colonisation alle-mande, la christianisation de l’Est et lescombats sur le front turc sont donnéscomme une conséquence de la vague cultu-relle romaine (latine comme il est dit).L’idée de la Confédération du Rhin se trou-ve en arrière-plan quand la partie orientaleallemande est caractérisée comme éloignéedu terreau fertilisé par les Romains au Sudet à l’Ouest, et quand l’esprit prussien estcaractérisé comme une invasion orientale

de la culture ouest et sud allemande repo-sant sur des racines latines. Les répercus-sions de l’époque romaine sont sans aucundoute indéniables. Mais au fil de sa pensée,l’auteur fait preuve de révisionisme. Quandcela lui convient, il y a anguille sous roche.A propos du Rhin supérieur, il écrit page 52l’affirmation tendancieuse, fausse et millefois démasquée, démentie par le monumentde pierre de la cathédrale de Strasbourg :“Le Rhin n’a pas été, comme on aurait pus’y attendre après l’occupation romaine, unlien entre les peuples vivant sur ses rives”.

Le désaccord illogique de sa méthodescientifique et son univocité politique sontéclairés par les exemples suivants. Au sudouest, la cohésion avec l’Alsace ne peut pasêtre passée profondément sous silence, maisdans la Bavière orientale, en Saxe et enSilésie, l’arrimage au bloc bohémien n’estpas assez souligné et pas assez étendu. Carce n’est pas dans les intérêts de la politiquefrançaise de mentionner les réalités de laparenté naturelle et originelle (ethnique) dusud ouest de l’Allemagne avec l’Alsace.C’est par contre tout à fait dans son intérêtde repousser tout proche de la Tchéco-slovaquie la Saxe et la Silésie en tant queterritoires que la colonisation allemandeaurait séparée du corps ethnique slave. C’estassurément une des grandes tendances dulivre de présenter l’unité de la masse dupeuple allemand comme un danger pour lespeuples slaves de l’ouest non homogènes.Dans la Sarre, le droit supérieur français surle charbon allemand est détourné de façondissimulée par le fait que Napoléon Ier et sesingénieurs auraient porté beaucoup d’atten-tion au charbon que les populationsconnaissaient déjà depuis des siècles.L’attribution de la part du lion du charbonde haute Silésie originellement ouvert àl’exploitation par les Allemands à laPologne est cependant une évidence juste,parce que cela correspondrait à un tracé defrontière respectant les nationalités et aurésultat d’un plébiscite. Il s’agit là d’unecontre-vérité, d’un cynisme.

Après cela, on ne peut s’attendre qu’à ceque le traitement des Allemands de l’étran-ger suive cette méthode qui correspond à

85Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 86: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

l’esprit du livre. Il ne peut y avoir qu’uneidée politique dans l’introduction sur lesmigrations allemandes vers les Etats-Unis etles pays tempérés d’Amérique latine, il estdit : « jamais pareil chiffre n’a été enregistrédans les colonies allemandes elles-même »,car le géographe doit être conscient qu’ilpose l’un à côté de l’autre des chosesincomparables. Et c’est avec un point devue politique que le texte poursuit ensuite enjetant un œil sur le sud du Brésil, le seulterritoire allemand d’outre-mer à pouvoirêtre « à juste titre » considéré comme unecolonie. Pourquoi le paragraphe passe soussilence les relations économiques du Reichavec l’étranger autre qu’autrichien, si cen’est avec un arrière plan politique. Il estévident que l’esprit national est dénié auxAllemands hors du Reich et que l’idéenationale n’est arrivée en Allemagne qu’àpartir de 1870. Pour l’auteur, « idée nationa-le » et « construction de l’Etat » sont desconcepts identiques. Ainsi il n’y a simple-ment aucune idée allemande avant la consti-tution du Reich allemand.

Le Français est dans son droit de voir etde juger les choses typiquement allemandesde son point de vue. C’est une évidence.Mais pour un scientifique, cela ne va pas desoi que le regard, la représentation et le juge-ment ne reposent pas sur les connaissancesmais sur le politique. L’auteur n’a purementet simplement rien compris à beaucoup dechoses. Mais il a compris comment tirer unprofit politique de ses incompréhensions. Ilfait face de façon embarrassée aux villesallemandes. Cela ne lui est pas venu à l’es-prit que leur pluralité provient de la pluralitédu territoire qui a toujours fait naître descentres politiques, économiques et politiquesà des endroits différents alors que l’organisa-tion de l’espace français s’est centraliséautour de Paris il y a déjà plusieurs siècles etque là pour ainsi dire les villes anciennes etles nouvelles sont bâties à la même place.Les exigences élevées des villes allemandesen ce qui concerne la culture de l’hygiène etde la technique proviennent du développe-ment moderne de la ville allemande, qui estdevenue importante seulement avec les tech-niques modernes, reposant avant sur des

conditions naturelles peu favorables. Celan’est jamais clairement dit. Mais lesremarques insérées font comme si les villesavec leurs chateaux et leurs cours anciennes,leur hôtel de ville imposant, leurs théâtres,leurs musées et leurs gares étaient à expli-quer de façon complètement a-géographiquepar la propension allemande à se donner degrands airs. Mais les arrière-pensées sontclaires quand on mentionne toujours lesvilles construites de façon dispendieuse ; onse souvient que du côté français, on a tou-jours affirmé que l’Allemagne pouvait faci-lement payer les réparations de guerres.L’affirmation que l’Allemagne s’est conso-lidée en interne par la séparation d’avec lespeuples étrangers – le silence délibéré sur lesdégâts catastrophiques causés par ledémantèlement du Reich à l’Est et qui sontcependant répandus dans l’opinion publiqueet travaillés de façon géographique, poursui-vent le même but ».

1933Band XXXIX

J. Sölch, dans son article (cf annexe 7)évoque la façon allemande de considérer lespeuples et l’espace, qui ne sont pas forcé-ment superposables, contrairement à laFrance qui est constituée d’un peuple-nationcirconscrit dans des frontières définies :

« Wir werden jedenfalls nicht darauf ver-zichten, unser Volk immer über dieWechselwirkungen zwischen Staaten undVölkern einerseits und Raum andrerseitsmöglichst gründlich zu unterrichten. »(p. 238)

« En tous cas, nous ne devons pas renon-cer à professer que notre peuple repose leplus solidement possible sur les interactionsentre Etat et peuple d’une part et d’autre partentre Etat et espace. »

J. Sölch relève des erreurs dans la GU : « Warum wird behauptet, daß die

deutsche Kolonisation im Waldviertel erstim 13. Jahrhundert begonnen habe (S. 478),während sie im Wirklichkeit schon im11. Jahrhundert, und zwar in unbesiedeltesLand eindrang ? » (p. 240)

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3386

Page 87: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

« Pourquoi affirme-t-on que la colonisa-tion allemande des zones forestières n’acommencé qu’au XIIIe siècle (p. 478), alorsqu’en réalité elle a eu lieu dès le XIe siècleet même dans des régions inhabitées ? »

« De Martonne vergißt, darauf hinzuweisen, daß zu diesem Rückgang nichts sosehr beiträgt wie die brutale Politik derbeherrschenden Staatsvölker. Die Ziel-bewußte Vernichtung des deutschtums imheutigen Polen ist bekanntlich das schlim-mste Kapitel in diesem Zusammenhang. »(p. 241)

« De Martonne oublie d’indiquer querien ne contribue plus à ce recul que la poli-tique brutale des citoyens dominants.L’éradication programmée du caractèreallemand dans l’actuelle Pologne estcomme on sait le chapitre le plus funestedans l’ensemble ».

Zeitschrift der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin

1931

N. Krebs, dans ses « literarischeBesprechungen » sur le tome 4 de la GU(volume 1), (p. 305-307) souligne le problè-me des noms de lieux à savoir le nomanciennement allemand, nouvellementpolonais ou bohémien, qu’il faut soit garderdans la langue d’origine ou traduire enfrançais.

• La Roumanie

Geographische Zeitschrift

1916Band XXII Heft 10

Th. Arldt, dans son article « Die territo-rialen Ansprüche Rumäniens und ihrevölkischen und wirtschaftsgeographi-schen Grundlagen » (p. 545-556) critiquele double jeu de la Roumanie. Pour lui, des

territoires ont été revendiqués dès 1916 pourcorrespondre à une Roumanie idéale. LesRoumains pensent plus au Siebenbürger(Transylvanie) à la Bucovine et au Banatqu’à la Bessarabie pourtant peuplée deRoumains. L’auteur précise qu’il n’est déjàpas évident d’établir des frontières à l’ouest,mais à l’est, c’est quasi impossible :

« Der verlauf der Grenzen wird alsonicht so sehr eine Frage des Rechtes, alsder Macht sein, oder es werden andere,strategische und besonders wirtschaftspoli-tische Gründe massgebend für die Grenz-festlegung werden mussen. » (p. 545)

« Le tracé des frontières n’est donc pastant une question de droit que de pouvoir oualors ce doit être d’autres raisons détermi-nantes, stratégiques et principalement depolitique économique, pour l’établissementdes frontières. »

L’auteur développe l’exemple de terri-toires revendiqués par la Roumanie auxdépens de la Bulgarie, qui ne sont pas peu-plés de Roumains mais qui ont une impor-tance politique pour l’Etat roumain.

Th. Arldt passe en revue les différentesrégions roumaines ou revendiquées par laRoumanie. Ces considérations seraient àcomparer avec les données de Schmidt-Rössler (1994) et de Martonne. L’auteur seméfie beaucoup des statistiques fournies parles Balkans. Pour T. Arldt, la Valachie estindiscutablement de langue roumaine. LaDobroudja n’est pas dans le même caspuisque sept peuples différents habitent cetterégion ; les Roumains ne dominent pas ennombre, ce sont les Turcs et les Bulgares.Pour l’auteur, la Roumanie veut récupérer laDobroudja pour une raison essentiellementéconomique : en effet depuis l’annexion de laBessarabie par les Russes, la Roumanie n’aplus d’accès à la mer Noire. A l’intérieur dela frontière actuelle (de 1916) du royaume deBulgarie vivent soixante-dix mille Roumainsle long du Danube. L’auteur, tout en précisantque trois millions de Roumains vivent dansl’Empire d’Autriche-Hongrie (dans le Banat,la Transylvanie et en Bucovine), affirmecomprendre l’agitation des Roumains maisprécisent que ces derniers oublient qu’ils ne

87Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 88: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

vivent pas seuls sur le territoire, qu’il ne s’agitpas d’un rein-rumanisch Gebiet (d’unterritoire purement roumain), mais qu’il y ad’autres minorités en plus grand nombre etdont la signification économique et culturelledépasse les Roumains (p. 548). Le Banat sesitue entre la Rivière Teiss et la Transylvanieà l’ouest des montagnes frontalières du Bihar.Ici les Roumains vivent en société fermée duDanube au sud jusqu’à Grosswardein aunord, surtout dans la partie montagneuse. Ilsne constituent la majorité que dans quelquesendroits et se partagent l’espace avec desAllemands, des Serbes et des Magyars. Dansla région de Transylvanie, les Roumainsvivent à côté des Magyars et des Allemands.S’ils ont la majorité absolue dans une grandepartie du pays, pour un quart leurs revendica-tions sont « vollkommen unberechtigt »(complètement injustifiées). La Bukovinecomporte des populations fortement mélan-gées de Roumains, d’Allemands et d’Ukrai-niens. En Bessarabie, les Roumains consti-tuent la majorité des six huitièmes des Kreis(circonscriptions administratives) et dans lesautres, les minorités représentent un poidsimportant ; les deux circonscriptions qui nesont pas à majorité roumaine, à l’ouest et aunord de l’embouchure du Dniestr, sont àmajorité ukrainienne. Au sud, en outre, lesminorités turques, bulgares et allemandessont importantes. A l’intérieur de la Russievivent un million de Roumains. L’auteur faitun parallèle entre le peuple roumain et le peu-ple allemand : ils se sont heurtés aux Françaisà un moment de leur histoire, ils sont épar-pillés en plusieurs îlots linguistiques.

Pour l’auteur, il est impensable de ras-sembler toutes les minorités sous un mêmeétat. En plus, une constitution en état n’estpas nécessaire, cf l’exemple de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne : il y a allianceentre les deux sans que ce soit un seul état.Il fait une différence entre les colonies alle-mandes actives et les colonies roumainespassives.

Il reconnaît que les revendications rou-maines sont légitimes pour des raisons his-toriques, non sur le Banat et la Transylvanie,mais plutôt sur la Bucovine et en particuliersur la Bessarabie en raison des quatre cents

cinquante ans passés sous autorité roumai-ne. Il aboutit aux mêmes conclusions sur leplan géographique ; les frontières naturellesdes Alpes et des Carpates de Transylvaniesont pratiquement inhabitées : c’est différentdu concept de région complémentaire deE. de Martonne. Arldt place volontiers laBessarabie sous l’état roumain pour des rai-sons économiques : il se prononce pourtransformer la Roumanie en grenier à blé dela Mitteleuropa. En effet, les produits agri-coles de la région sont importants : maïs,blé, fruit, vin, tabac, melon.

L’auteur conclut que les Roumains doi-vent renoncer à l’idée de se réunifier avecleurs frères de l’arc carpathique intérieur(p. 555), car la « Landesnatur » (nature dupays), les intérêts politiques de l’Autriche-Hongrie y sont contraires. Arldt propose demettre ces Roumains de l’intérieur desCarpates sous la protection de l’Autriche-Hongrie. Sinon, il y a conflit avec le princi-pe des nationalités. De toutes façons, dansl’état roumain, il y aura des minorités nonroumaines qui devront renoncer à un état deleur nationalité. Aucun état national nesemble possible, il faut donc plutôt s’ap-puyer sur des raisons économiques quidépendent de la nature des sols. Il aboutit àune idée identique à celle de E. de Martonnemais n’en fait pas la même application :

« Nicht reine Nationalstaaten werden diezukünftigen Staaten sein können, nicht völ-kische Einheiten, sondern vielmehr wirt-schaftliche, […]. Dann lässt sich auch ehereine zufriedenstellende Abgrenzung derStaaten finden als nach rein völkischenGesichtspunkten ». (p. 556)

« Aucun véritable état-nation ne peutêtre possible, aucune unité nationale, maisplutôt une unité économique […]. Ensuiteon trouvera plutôt une délimitation satisfai-sante des états que des points de vue sur lapureté ethnique. »

1918Band XXIV

Dans son article « Rumänien », (p. 310-314), Arthur Dix écrit :

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3388

Page 89: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

« Die politische Geographie hat keineabsoluten Gesetze, die zu allen Zeiten,unabhängig von jedweden anderen Ein-flüssen, in gleichem Grade zur Geltungkämen….so gäbe es keine politischeGeschichte. » (p. 310)

« La géographie politique n’a absolu-ment aucune loi, qui de tout temps, seraitindépendante de toutes autres influences, aumême degré de valeur… Ainsi il n’y auraitplus d’histoire politique. »

Pour l’auteur, la Roumanie trouve sesfrontières naturelles avec le Danube, lesCarpates et la rivière Pruth. Dans laBessarabie voisine vivent beaucoup deRoumains et la région leur a appartenuavant. En 1878, la Russie se l’est appropriéeet a donné en compensation la Dobroujaalors sans intérêt économique, avec un faiblelien ethnographique, mais qui a pris de l’im-portance par la construction d’un pont ferro-viaire à Tchernawoda et la constructiond’une voie ferrée jusqu’à Konstanza.

Sur le plan ethnographique, l’auteur faitremarquer que les Carpates sont une fron-tière naturelle avec la Hongrie. De plus, làvivent des colonies allemandes et magyaresqui forment une enclave entre ce qui appar-tient politiquement à la Roumanie et leshabitants hongrois de Roumanie. A proposdes constructions militaires qui ont avant-guerre protégé le royaume de Roumaniecontre la Russie, on peut aussi envisagerqu’elles puissent servir à aller au-delà de lafrontière du Pruth dans une offensive versl’Est.

1923

J. Sölch, dans son article « Gross-rumäniens politisch-geographische Stel-lung », (p. 164-177), décrit géographique-ment et politiquement la nouvelleRoumanie d’après guerre. Pour lui, elle res-semble à une tête de Janus qui regarde aussibien vers l’Ouest que vers l’Est. CommeE. de Martonne, il s’intéresse à sa forme quiressemble presque à un cercle, à une ellipse

d’une superficie de trois cent millekilomètres carrés :

« Denn, was besonders wichtig ist, derUmriss Gross-Rumänien nähert sich übe-rhaupt stark der Form eines Kreises. InWirklichkeit ist er allerdings mehr ellip-tisch. Damit hat Gross-Rumänien – und dasist unter sonst gleichen Umständen auchpolitisch und strategisch gewiss nichtbedeutungslos – ein Minimum an Umfangim Vergleich zu seiner Fläche. » (p. 165-166)

« car ce qui est particulièrement impor-tant, c’est que le contour de la grande rou-manie se rapproche très fortement de laforme d’un cercle. En réalité, la forme estplutôt elliptique. Ainsi la grande Roumaniea un minimum de frontière en comparaisonde sa superficie – ce n’est certes pas sanssignification politique et stratégique. »

La Roumanie est un état agricole, nonindustrialisé, avec des montagnes quasivides d’habitants (10 hbts/km2) qui consti-tuent un obstacle à la circulation : ce sont lesinconvénients majeurs de ce nouvel état, quine possède par ailleurs que peu de lignesferroviaires et peu de routes (p. 166).

L’auteur insiste sur les inconvénientséconomiques dus aux nouveaux tracés. Iciapparaissent clairement les différences deconception avec le concept demartonniende région. Avec les nouvelles frontières, lesCarpathes se retrouvent au centre du pays.L’auteur présente ce qui constituait avant unavantage comme un inconvénient. Il cri-tique le nouveau tracé des frontières de laRoumanie qui ne correspond à aucune fron-tière naturelle. Selon lui, ce n’est pas un« espace-frontière », mais une frontièrelinéaire dénuée de sens. Seules ont primé lesraisons politiques et stratégiques du vain-queur (p. 168-169).

Mais l’auteur reconnaît qu’une partie desfrontières n’est pas mauvaise :

« Zum Glück für Gross-Rumänien sindwenigstens die übrigen Grenzen im allge-mein nicht schlecht. Süd : Donau, Küste desschwarzen Meeres im Osten, Nord-Ost :Dnjestrtal » (p. 169).

89Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 90: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

« Heureusement pour la grande Rouma-nie, les frontières restantes sont au moinsdans l’ensemble acceptables : le Danube ausud, la côte de la mer Noire à l’Est et lavallée du Dnjestr au Nord Est ».

« Das sind laut gute natürlicheGrenzen » (p. 169).

« Ce sont de bonnes frontières natu-relles ».

Toutefois l’auteur précise que ces fron-tières ne sont pas toujours facilement défen-dables contre une attaque, comme parexemple au Nord Ouest contre une attaquehongroise. Le géographe allemand se posi-tionne dans une logique de guerre et nondans une logique de « région » et de vierégionale pacifique.

J. Sölch rappelle en conclusion que laRoumanie est passée entre 1914 et 1923 dehuit à seize millions d’habitants grâce auxnouveaux tracés des frontières. Tous ne sontpas roumains. Le siebenbürgische Hoch-land (plateau de Transylvanie) est parexemple peuplé en majorité de Magyars. Deplus, l’annexion de la Bessarabie jusqu’auDnjestr a englobé des Ukrainiens, desAllemands, des Bulgares. La nouvel-le Dobroudja est presque peuplée unique-ment de Turcs et de Bulgares (p 171).

La Roumanie doit donc compter sur unirrendisme à l’intérieur de ses frontières, carbeaucoup de minorités y sont englobées.Donc pour J. Sölch, ces nouvelles frontièresde la Roumanie sont loin de s’accorder avecles Quatorze points de Wilson.

• La facture de la GU : l’organisation duplan et la bibliographie

Geographische Zeitschrift

1932

L’article de H. Schmitthenner « Einefranzösische Geographie von Deutsch-land » (annexe 6) est particulièrement expli-cite sur les achoppements de méthode, de

conception de la géographie régionale etd’organisation du plan :

« Avant tout, un aperçu sur l’agencementdu matériau nous donne une idée de laméthode d’analyse régionale. »

« Après une discussion introductive surle concept d’Europe centrale, le livre abordeles généralités. Le climat, le relief, l’eau, laflore et la faune, sont abordés successive-ment et sont dans le fond étudiés commedans la géographie allemande. On peutcependant ergoter si cela est approprié decommencer par le climat et si dans une ana-lyse régionale moderne, un chapitre généralet indépendant sur les sols ne serait pas plusnécessaire. Mais de tels débats n’ont paslieu d’être ici. La géographie humaine n’estpas étudiée de la même façon que dans lagéographie régionale allemande. Commedans l’agencement des autres tomes de laGéographie universelle, la population (etson développement) et les nationalités, étatset groupes économiques ne sont étudiés quedans deux chapitres généraux . De façondélibérée, les généralités sur la géographiedes populations sont incomplètes. Il est pos-sible que dans le second volume les diffé-rents phénomènes de la géographie humai-ne soient répétés sous forme de résumé.C’est ainsi que Sion dans les deux volumessur l’Asie des Moussons a procédé. Mais enprincipe, les éléments portant sur l’occupa-tion humaine, l’économie, les transports etla culture sont laissés à l’appréciation dechacun qui ensuite les ordonne librement.

Dans l’analyse régionale de l’Allema-gne, qui suit les généralités, se trouve enpremier lieu un chapitre général sur lepeuple et l’état. Ensuite viennent immédia-tement les différents paysages, à vrai direnon les petites entités qui correspondent aux« pays » de Vidal de la Blache, mais desblocs de paysages qui se subdivisent ensous-unités. On trouve successivement lespays rhénans du sud, le pays rhénan dunord, l’espace industrialisé de Westphalie, lepays souabe et la Franconie, les Alpes et leplateau subalpin, les bordures de Bohême(la forêt bavaroise et bohêmienne, lePalatinat supérieur et la montagne de Fichtel

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3390

Page 91: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

– les monts Métallifères et la plaine deSaxe –, les Sudètes et la plaine de Silésie), laThuringe et le pays de la Weser, la grandeplaine du nord de l’Allemagne et enfin, sesports et ses grandes villes. […]

Des chapitres généraux constituent la finde la présentation, comme dans la plupartdes études régionales françaises depuisP. Vidal de la Blache, et deux paragraphestraitent de l’agriculture et de l’industrie, ducommerce et du transport.

Cet agencement place l’État et le peupleen premier ou comme résultat des généra-lités. Au contraire, l’économie et les trans-ports semblent être la résultante desconsidérations précédentes. Par cette façonde procéder, la présentation de chaque pay-sage gagne en vivacité et les paragraphesrécapitulatifs peuvent être plus descriptifsque explicatifs et analytiques, parce que larecherche et les causes originelles se trou-vent dans la description du paysage. Mais ilme semble que la causalité géographique negagne pas ainsi. Les relations des faitsanthropogéographiques les unes avec lesautres et avec la nature de l’espace dans saglobalité sont souvent estompées. Le cha-pitre sur le peuple et l’Etat apparaît commeune condition préalable et on ne retrouveplus les causes profondes. Le chapitre sur lavie économique et les transports deviennentparfois presque un cours d’économie. Il estrésolument plus approprié de placer lesgénéralités de la géographie humaine(quand celle-ci n’apporte rien pour la réca-pitulation, dans le résumé) dans les grandssous-ensembles, en l’occurrence icil’Allemagne, dans les causes géogra-phiques, et de seulement ensuite les intro-duire dans l’analyse des paysages spéci-fiques. C’est seulement ainsi que l’écrivainet le lecteur sont obligés d’examiner à fondles causalités géographiques. Avec un telagencement, ce ne serait plus possible demettre la densité de population comme unecondition, une hypothèse dans l’introduc-tion à l’Allemagne et de pouvoir échapper àune analyse politique et géographique duReich et des régions.

Dans une étude régionale, la présentationde l’espace en paysages caractéristiques

doit être claire et doit reposer sur un princi-pe unique. Mais le classement que suit l’au-teur n’est pas clair. La base pour différencierles paysages est la tectonique. Dans l’asso-ciation du piedmont alpin et des Alpes, elleest déjà montrée en faveur de la continuitéspatiale. Mais le plus grave, c’est qu’avecles Monts Métallifères et les Sudètes quisont décrits comme paysages de borduresde la Bohême, les plaines de piedmontsoient aussi mentionnées comme paysagesde bordures de la Bohême, de même qu’enAllemagne centrale, la marge de Bohêmesoit étendue jusqu’à Bitterfeld-Golpa. Dansla répartition spatiale, les monts Métal-lifères, la plaine de Saxe, les Sudètes et laplaine de Silésie sont en effet des unitéspaysagiques. Mais selon une répartition tec-tonique, cela est impossible. De plus, lesvilles de Breslau et Leipzig ne sont pasdétaillées ici, mais le sont comme villes dela grande plaine du Nord.

Un agencement des paysages clair etgéographiquement incontestable présuppo-se que l’espace le plus étendu à ordonnersoit parfaitement clair et géographiquementcaractérisé. Mais l’auteur ne donne déjàdans son introduction générale aucune défi-nition du concept d’Europe centrale. C’estsimplement pour lui une somme d’entitésétatiques. Une définition de l’espace alle-mand est alors dans une telle conceptionaussi inutile, car l’Allemagne est simple-ment le Reich allemand dans les frontièresde 1919. En procédant de cette façon parmanipulation, il est inévitable que tout prin-cipe géographique de répartition échoue.Ainsi dans le livre on évite soigneusementde poser la basse plaine du Rhin supérieurcomme une unité et les Vosges et la forêtnoire comme une construction jumelle, cequ’elles sont et comme les a déjà décritesElie de Beaumont. C’est aussi ainsi quecommence le profil à travers la zone hercy-nienne en bordure gauche avec la montée dela Forêt Noire en laissant de côté la plainerhénane et les Vosges. Ce n’est que dans lacarte (qui est dessinée d’après l’auteurBernegg) que l’Alsace est comprise. L’unitédu Rhin supérieur est tout simplementrepoussée avec cette remarque, elle n’a

91Grafigéo 2007-33

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 92: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

qu’une signification historique. Quand lesbordures de la Bohême sont réunies dans ununique chapitre de la plus grande hété-rogénéité, mais que la Bohême intérieure,qui constitue le socle de l’organisation dupaysage, sorte comme une construction del’Etat autonome, quand à cette occasion ceterritoire est séparé de la moyenne mon-tagne saxonne et de la basse plaine deLeipzig au bénéfice du bassin de Thuringeet qu’à d’autres endroits, on mentionne quela Prusse orientale est comme une île loin-taine d’une colonie allemande, que le corri-dor polonais et même Dantzig ne sont pastraités, là ce sont des preuves que l’ajuste-ment à la politique induit l’auteur en erreur,ce qui ne peut échapper au lecteur critique.Comme l’analyse régionale décrit l’Allema-gne dans les frontières du reich, il aurait étélogique de renoncer aussi dans le détail del’agencement du texte à présenter les pay-sages naturels et de s’en tenir à l’unique des-cription des frontières administratives. C’estcomme si le texte revenait à la manière devoir que la science allemande a depuis long-temps dépassée au cours d’un siècle de tra-vail méthodique qui s’étend de la parutiondes Fondements de la géographie deGatterer (1775) à celle du premier volumesur la Chine de Richthofen. L’auteur s’attri-bue de façon catégorique de se tenir sur lesol de la science moderne et cependant renieet violente son esprit. Les erreurs logiquesqui en résultent ne sont pas d’origineinconsciente, mais sont parfaitement cons-cientes et se déplacent de façon douteusevers les sphères morales. »

Après avoir critiqué les erreurs delogique dans l’agencement du plan, l’auteurn’est pas satisfait de la bibliographie utiliséepar E. de Martonne :

« Dans un survol général, on ne peutexiger que l’utilisation de la bibliographiesoit partout égale et complète. Mais d’aprèsce qu’on a suffisamment dit plus haut, elleest insuffisante. Les indications bibliogra-phiques sont placées à la fin des chapitrescorrespondants. Souvent le choix sembledû au hasard et à l’occasion pour un débatparticulier, c’est le travail qui présente lemoins d’intérêt qui est choisi. Mais quand

dans un domaine dans lequel l’auteur estdans son élément, des travaux de basecomme le livre de Friedrich Metz sur lespays du Rhin supérieur et les travaux desjournées géographiques allemandes de1927 à Karlsruhe sont passés sous silence,ce n’est pas un hasard, c’est une tendancepolitique. Même pour la haute Silésie, lechoix de la bibliographie relève de cetesprit. Le lecteur doit principalement êtremis en garde contre la bibliographie pro-posée, car elle montre les nouveaux tracésdes frontières de l’Europe centrale commeun non-sens géographique. »

1933Band XXXIX

J. Sölch, dans son article « der zweiteBand von E. de Martonne’s Mitteleuropa »,(cf. annexe 7) critique la bibliographie,pourtant en allemand, donnée à la fin dechaque chapitre comme étant arbitraire oudue au seul hasard :

« Aber das am Schluß jedes Teils bei-gefügte Schriftenverzeichnis macht dochsehr stark den Eindruck des Zufälligen oderdes Willkürlichen, wobei man sich nichtimmer darüber klar wird, was zufällig undwas willkürlich sein mag. Ist es z. B. Zufalloder Absicht, daß ein so wichtiges Werk wieH. Hassinger “Tschechoslovakei” nichtgenannt wird ? » (p. 237)

« Mais la bibliographie fournie à la fin dechaque chapitre laisse très fortement uneimpression de hasard ou d’arbitraire, où onn’arrive pas à déterminer ce qui relève duhasard et ce qui relève de l’arbitraire. Est-cepar exemple par hasard ou volontaire qu’unouvrage si important que “Tschechoslova-kei” de H. Hassinger ne soit pas cité ? ».

J. Sölch critique en outre les erreurs oucoquilles d’impression rencontrées sur l’or-thographe de certains noms de lieux et nomspropres :

« Gewiß kann jeder von uns einmaleinen Druckfehler übersehen, aber der kun-dige Leser darf nicht, ohne eigentlich dana-ch zu suchen, fast auf jeder Seite solcheVersehen und Übersehen finden. » (p. 237)

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3392

Page 93: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

« Certes chacun d’entre nous peut passersur une erreur d’impression, mais le lecteurinstruit ne doit pas à chaque page trouver detelles bévues et de telles négligences, sansvraiment avoir à courir après. »

Geographische Wochenschrift

1933

W. Volz, dans son article « E. deMartonne’s Nationalitätenkarte von Mittel-europa » critique la bibliographie de E. deMartonne :

« Freilich, wenn man sich dieBibliographie dazu (S. 263) anschaut inihrer trostlosen und kritiklosen Dürftigkeit,braucht man sich kaum noch über diesenseltsamen Mangel an wissenschaftlicherExaktheit zu wundern. » (p. 333)

« A vrai dire quand on regarde la biblio-graphie (page 263), dans sa pauvreté déso-lante et son manque d’esprit critique, on a àpeine besoin de s’étonner de cette rareabsence d’exactitude scientifique. »

Zeitschrift der Gesellschaft für Erd-kunde zu Berlin

1931

N. Krebs, dans son compte-rendu sur letome 4 de la GU (volume 1), (p. 305-307) critique la bibliographie de E. deMartonne :

« Aber es bleibt doch bedauerlich, wieungleich und wie unvollständig die neuereLiteratur verwertet ist. » (p. 305)

« Mais il reste cependant regrettable quela bibliographie la plus récente soit aussidisparate et incomplète. »

Enfin, il vitupère contre une géographierégionale dépassée :

« altmodisch länderkundlichen Einstel-lung » (p. 305)

« une manière de concevoir l’analyserégionale démodée. »

E. de Martonne : le tome 4 de la Géographie universelle (Europe centrale)

Page 94: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 95: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

LE GÉOGRAPHE FRANÇAIS Emmanuelde Martonne marque de sonempreinte la première moitié du

XXe siècle et l’espace centre-européen.

En effet, devenu chef de file de l’Écolefrançaise de géographie à la mort de PaulVidal de la Blache en 1918, il assure à sadiscipline un grand rayonnement sur le plannational et international par le rôle scienti-fique et institutionnel qu’il joue. Géomor-phologue reconnu et éminent spécialiste del’Europe centrale, il met entre parenthèsesson action d’expert-géographe au Comitéd’études qui a préparé les nouveaux tracésdes frontières de l’Est après la PremièreGuerre mondiale. G. Palsky rapporte l’en-trevue de 1947 entre E. de Martonne (alorsâgé de 74 ans) et le géographe hongroisAndràs Rónai venu lui présenter un atlas del’Europe centrale. Après une première visi-te qui tourne court, le géographe françaisrappelle son collègue hongrois et « le com-plimente pour l’atlas, soulignant combienles données statistiques sont difficiles à réu-nir pour la région. Il reconnaît ses erreursdans l’utilisation des statistiques roumainesen 1919, mais quoi qu’il en soit, les déci-sions ont été prises par les politiciens, et lui-même n’a joué qu’un rôle mineur (Rónai,

1993) » (Palsky, 2001, p. 84). L’action deE. de Martonne au Comité d’études illustreles potentialités et les limites du travail desgéographes dans le tracé de nouvelles fron-tières. La géographie des frontières resteavant tout politique.

Atravers les propositions du Comité d’é-tudes comme dans l’œuvre scientifiqueimpressionnante que constituent les deuxvolumes du tome 4 de « GéographieUniverselle », E. de Martonne entre enconflit plus ou moins ouvert et plus oumoins violent avec les géographes alle-mands. Période charnière dans l’histoire dela géographie européenne, l’époque d’E. deMartonne voit l’École française de géogra-phie supplanter le « modèle » que constituel’École allemande. Dans la concurrencescientifique – mâtinée de géopolitique – quiagite parfois fortement les géographes depart et d’autre du Rhin, des transferts s’opè-rent, en continu ou en discontinu, sur desconcepts fondamentaux comme ceux de« région » et de « frontière ».

Ces transferts, passionnants à étudier, neposent, à l’époque d’E. de Martonne, aucunproblème d’accès à la langue : les éruditsfrançais connaissaient la langue de Goethe

95Grafigéo 2007-33

Conclusion

Page 96: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

et les érudits allemands, celle de Molière. Iln’en est plus de même aujourd’hui ; appro-fondir cette question des transferts scienti-fiques en épistémologie de la géographie

nécessite donc de s’atteler à un travail defond de traduction de textes géographiquesallemands.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Page 97: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

La bibliographie présentée ici aurait puêtre classée selon les thèmes suivants :épistémologie de la géographie,

sémantique de la Mitteleuropa, Europe cen-trale, Allemagne, Roumanie, Comité d’é-tudes et traités de paix de la PremièreGuerre mondiale, contexte historique, car-tographie, atlas, principales Géographiesuniverselles.La bibliographie de E. de Martonne et sur E. de Martonne a été placée en premièrepartie.

ANCEL Jacques, 1934, Les frontières rou-maines : géographie politique, 39 p.

BAILLY Antoine, FERRAS Robert, 1997,Eléments d’épistémologie de la géogra-phie, Paris, A. Colin, 191 p.

BARIETY Jacques, 1996, « “Le Comitéd’études” du Quai d’Orsay et la fron-tière rhénane (1917-1919) » in L’éta-blissement des frontières en Europeaprès les deux guerres mondiales, Actesdes colloques de Strasbourg et Mon-tréal (juin et sept 1995) publié sous ladirection de BAECHLER Christian etFINK Carole, Peter Lang, Berne, Berlin,Francfort, New York, Paris, Vienne,p. 251-262

BARIETY Jacques, 1996, « Le Comité d’é-tudes du Quai d’Orsay et les frontièresde la Grande Roumanie, 1918-1919 »in Revue d’histoire moderne, t. 45, n° 1-2, p. 43-51

BARIETY Jacques, 2000, « La France et lanaissance du royaume des Serbes, Croa-tes et Slovènes, 1914-1919 » in Relationsinternationales, n° 103, p. 307-327

BARIETY Jacques, 2002, « La Grandeguerre (1914-1919) et les géographesfrançais » in Relations internationales,n° 109, p. 7-24

BAUDELLE Guy, 2001, « L’assise bretonne.Emmanuel de Martonne et la fondationdu Laboratoire de géographie de Rennes(1899-1905) » in Guy BEAUDELLE,Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER, Marie-Claire ROBIC (eds), Géographes en pra-tiques (1870-1945), le terrain, le livre,la cité, p. 37-54

BAUDELLE Guy, OZOUF-MARIGNIERMarie-Vic, ROBIC Marie-Claire, 2001,Géographes en pratiques (1870-1945),le terrain, le livre, la cité, Presses univer-sitaires de Rennes, 390 p.

BERDOULAY Vincent,1981, La formationde l’école française de géographie 1870-1914, collection « Mémoires de la sec-tion de géographie », Paris BN, 245 p.

97Grafigéo 2007-33

Bibliographie

Page 98: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

BOULINEAU Emmanuelle, 1996, Laconception des frontières par les géo-graphes français et sa mise en applica-tion dans les traités de paix de 1919-1920, Mémoire de Maîtrise del’Université Paris IV (V. Rey, dir.),120 p.

BROC Numa, 1977, « La géographiefrançaise face à la science allemande(1870-1914) » in Annales de géogra-phie, 86, p. 71-94

BROC Numa, 1995, Regards sur la géogra-phie française de la Renaissance à nosjours, Presses universitaires de Perpi-gnan, tome 1, 1994, 323 p., t. 2, 607 p.

BRUNET Roger, 1990-1996, Géographieuniverselle, 10 tomes, Belin, Reclus,Montpellier

CHABOT Georges, 1972, « La géographieappliquée à la conférence de la paix en1919. Une séance franco-polonaise » inMélanges offerts au professeur AndréMeynier, Saint-Brieuc, Presses Universi-taires de Bretagne, p. 101-105.

CLAVAL Paul, 1998, Histoire de la géogra-phie française de 1870 à nos jours,Nathan Université, 543 p.

CLAVAL Paul, SANGUIN André-Louis,1996, La géographie française à l’é-poque classique (1918-1968), Géogra-phie et culture, L’Harmattan, 345 p.

CLOUT Hugh, 2003, « The Géographieuniverselle ….but which GéographieUniverselle ? » in Annales de Géogra-phie, n° 634, p. 563-582

DELFOSSE Claire, 2001, « Emmanuel deMartonne, tisseur de réseaux internatio-naux de géographes » in Guy BEAUDEL-LE, Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER,Marie-Claire ROBIC (eds), Géographesen pratiques (1870-1945), le terrain, lelivre, la cité, p. 189-206

DEZERT Bernard, 2000, « Les géographesfrançais et la cartographie des traités depaix de 1919-1920 » in Les traités depaix de Versailles, Saint-Germain-en-Laye, Neuilly, Trianon, Sèvres, 1919-1920, actes du colloque international,13 nov 1999, Bulletin des Amis duVieux Saint-Germain, numéro spécial

DIGEON Claude, 1992, Crise allemande dela pensée française, PUF, CollectionDito, 1959, reéd., 568 p.

DUROSELLE Jean-Baptiste, 1995, L’Europede 1815 à nos jours, Nouvelle Clio, PUF,451 p.

ESPAGNE Michel, LE RIDER Jacques,SCHRADER Fred. E., 1994, « L’Europecentrale : essais de définition », inter-view de K. Pomian du 16 mars 1993 inRevue germanique internationale, n° 1,(« Europe centrale et Mitteleuropa »),p. 11-23.

FERRAS Robert, 1989, Les GéographiesUniverselles et le monde de leur temps,Reclus, Collection reclus modes d’emploin°14, 112 p.

FOUCHER Michel, 1984, « Les géographeset les frontières » in Hérodote, n° 33-34,« Les Géographes, l’action et le poli-tique », p. 117-130

FOUCHER Michel, 1998, Fragments d’Eu-rope, Atlas de l’Europe médiane et orien-tale, Paris, Fayard, 326 p.

LES GÉOGRAPHES FRANÇAIS, 1975 in Bulletinde la société de géographie, Comité destravaux historiques et scientifiques,LXXXI, années 1968-1974, Paris,202 p.

GIBLIN Béatrice, LACOSTE Yves 1998,Géohistoire de l’Europe médiane, LaDécouverte/Livres Hérodote, 224 p.

GUNZENHÄUSER Max, 1970, Die PariserFriedenskonferenz 1919 und die Frie-densverträge 1919-1920, Literaturbe-richt und Bibliographie, Schriften derBibliothek für Zeitgeschichte, Weltkrieg-sbücherei-Stuttgart, Heft 9, Bernard &Graefe Verlag für Wehrwesen, Frankfurtam Main, 287 p.

HEFFERMAN Michael J., 1994, « Thescience of Empire : the French geogra-phical movement and the forms of Fren-ch imperialism, 1870-1920 » in GOD-LEWSKA Anne et SMITH Neil (dir.),Geography and empire, Oxford, Black-well, p. 92-114

HERB Henrik, 1997, Under the map ofGermany : nationalism and propagan-da, 1918-1945, 250 p.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-3398

Page 99: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

KORINMAN Michel, 1990, Quand l’Alle-magne pensait le monde : grandeur etdécadence d’une géopolitique, Paris,Fayard, 412 p.

LANGHANS P., 1915, « Der RumänischerVolksboden und die staatliche Entwick-lung des Rumänentums », 1:1.500.000,in Petermann’s Geographische Mittei-lungen LXI, planche 36, 288 p.

LE RIDER Jacques, 1994, La Mitteleuropa,Que Sais-Je, Presses Universitaires deFrance, Paris, 127 p.

LOW Alfred D., 1975, Die Anschluss-bewe-gung in Österreich und Deutschland,1918-1919, und die Pariser Friedens-konferenz, Universitäts-Verlagsbuch-handlung Ges.m.b.H., Wien-Stuttgart,254 p.

MALTE-BRUN Conrad, 1810, Géographieuniverselle ou description de toutes lesparties du monde, 6 tomes, Paris, Gar-nier Frères.

MEMEL Astrid, 1995, « Deutsche Revi-sions-politik in der Geographie nachdem Ersten Weltkrieg » in Geogra-phische Rundschau, 47, p. 498-505

ORAIN Olivier, 2003, Le plain-pied dumonde : posture épistémologique et pra-tiques d’écriture dans la géographiefrançaise au vingtième siècle, thèse sousla direction de M.C. Robic, 2 vol., 2003,406 p.

OZOUF-MARIGNIER Marie-Vic, ROBICMarie-Claire, 1995, « La France au seuildes temps nouveaux. Paul Vidal de laBlache et la régionalisation » in L’Infor-mation Géographique, n°2, vol. 59, p.46-56

PALSKY Gilles, 1996, Des chiffres et descartes. Naissance et développement dela cartographie quantitative francaiseau XIXe siècle, Ministère de l’Enseigne-ment supérieur et de la Recherche, CTHSGéographie, collection mémoire de lasection de géographie physique ethumaine, 19, 331 p.

PINCHEMEL Philippe, TISSIER Jean-Louis,ROBIC Marie-Claire, 1984, Deux sièclesde géographie française. Choix detextes, CTHS, 380 p.

PREVELAKIS Georges, 1994, « Isaiah Bow-mann, adversaire de la Geopolitik » inL’Espace géographique, n°1, p. 78-88

RAFFESTIN Claude, 1995, Géopolitique ethistoire, Histoire Payot, 330 p.

RECLUS Elisée, 1876-1893, Nouvelle géo-graphie universelle : la terre et leshommes, 19 tomes, Paris, Hachette

RICHARD Yann, « Gestation d’une frontière et problème identitaire : l’exemple dela ligne Curzon » in Revue électroniquearob@se, « Journal des lettres et scienceshumaines », vol. 3, n° 1, année nonmentionnée,(http://www.arobase.to/v3_n1/richard.pdf)

ROBIC Marie-Claire (dir.), BRIEND Anne-Marie, RÖSSLER Mechtild, 1996, Géo-graphes face au monde. L’Union Géo-graphique Internationale et les congrèsinternationaux de géographie, Histoiredes Sciences humaines, L’Harmattan,463 p.

ROBIC Marie-Claire, 2001, « Des ‘services’et ‘laboratoires’ de la Sorbonne à l’Insti-tut de géographie de la rue Saint-Jacques (1885-1930) : divergences etnon-convergences » in Guy BEAUDEL-LE, Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER,Marie-Claire ROBIC (ed.), Géographesen pratiques (1870-1945), le terrain, lelivre, la cité, p. 81-101

ROBIC Marie-Claire, MENDIBIL Didier,GOSME Cyril, ORAIN Olivier, TISSIERJean-Louis, 2006, Couvrir le monde, ungrand XXe siècle de géographie françai-se, Livre français, Ministère des Affairesétrangères, 231 p.

SCHMIDT-RÖSLER Andrea, 1994, Rumä-nien nach dem Ersten Weltkrieg: DieGrenzziehung in der Dobrudscha und imBanat und die Folgeprobleme, EuropäischeHochschulschriften, Peter Lang, 544 p.

SCHRÖDER Iris, « Les Géographies univer-selles », conférence tenue à l’Ecole desHautes Etudes en Sciences Sociales le26 avril 2007.

SCHULZ H.-D., 2002, « Rumänien : einLand ? und wohin “gehört” es ? Raum-konstruktionen der deutschsprachigen

99Grafigéo 2007-33

Bibiographie

Page 100: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Geographie des 19. 20. Jahrhunderts » inPotsdamer Geographische Forschungen,Vol. 23, « Reden über Räume : Region,Transformation, Migration», p. 91-154

SEGERT Dieter, 2002, Die Grenzen Osteu-ropas. 1918, 1945, 1989 – Drei Ver-suche im Westen anzukommen, CampusVerlag, Frankfurt/New York, 339 p.

SMITH Neil, 2003, American empire : Roosevelt's geographer and the preludeto globalization, Berkeley, University ofCalifornia Press, 557 p.

SOLCHANY Jean, 2003, L’Allemagne auXXe siècle. Entre singularité et normalité,PUF, Nouvelle Clio, Paris, 490 p.

SPECTOR Sherman David, 1995, Romaniaat the Paris peace conference, a study ofthe diplomacy of Ioan I.C. Bratianu,Center for Romanian studies, Romaniancultural foundation, collection Roma-nian civilization studies, vol 6, Iasi, ,355 p.

Raumkonstruktionen der deutschspra-chi-gen Geographie des 19. 20. Jahrhun-derts”, in Potsdamer GeographischeForschungen, vol 23, “Reden überRäume : Region, Transformation,Migration”, p. 91-154.

TER MINASSIAN Taline, 1997, « Les géo-graphes français et la délimitation desfrontières balkaniques à la conférence dela paix en 1919 » in Revue d’HistoireModerne et Contemporaine 44, 2, avril-juin, p. 252-286

VIDAL de la BLACHE Paul, GALLOISLucien, 1927-1948, Géographie univer-selle, 15 tomes, Paris, A. Colin

WERNER Michael, ZIMMERMANN Béné-dicte (eds), 2004, De la comparaison àl’histoire croisée, Paris, Seuil, 239.

WOLFF Denis, 2005, Albert Demangeon(1872-1940) : de l'école communale à lachaire en Sorbonne : l'itinéraire d'ungéographe moderne, thèse de doctoratsous la direction de Marie-Claire Robic,Université de Paris 1 Sorbonne, 865 p.

Outils méthodologiques pour la recherchedocumentaire électronique : sites internet etadresse électronique des catalogues debibliothèque consultables en ligne

Base de données en sciences humaines-FRANCIS du CNRS (dont la Bibliogra-phie Géographique Internationale éla-borée à l’UMR PRODIG 8586 du CNRS).Elle est mise au point au CNRS par l’IN-IST (Institut National de l’InformationScientifique et Technique) et elle estconsultable sur CD-Rom et dans lesbibliothèques.

Connectsciences de l’INIST (CNRS) : portailen information scientifique et techniquepermettant de consulter gratuitementl’année en cours de la base FRANCIS(cf. 232)

CYBERGEO, revue européenne de géogra-phie, sur support électronique, éditéepar l’UMR du CNRS Géographie-cités.http://www.cybergeo.eu ouhttp://www.revues.org

Revue électronique arob@se de Y. Richard :http://www.arobase.to/v3_n1/richard.pdf

Moteur de recherche du Karlsruhe Virtuel-ler Katalog : http://ubka.uni.karlsruhe.de/kvk.html

Catalogue en ligne de la bibliothèque uni-versitaire de Dresde http://www.bibo-dresden.de/webOPAC

Catalogue en ligne de la bibliothèque degéographie du Leibniz-Institut für Län-derkunde (www.ifl-leipzig.de) à Leipzighttp://www3.domestic.de

Digitale Bibliotel (DigiBib) http://eris.hbz-nrw.de (en allemand eten anglais) équivalant du SUDOCfrançais.

Site du Comité National Français deGéographie : http://cnfg.univ-paris1.fr

Site de l'Union géographique internationale :http://www.igu-net.org

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Page 101: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

• Français

Ce mémoire de DEA s’inscrit dans un tra-vail sur l’épistémologie de la géographie, etplus particulièrement sur les rapports entre lagéographie allemande et la géographiefrançaise. En portant une attention particu-lière au géographe français Emmanuel deMartonne (1873-1955) et en circonscrivantl’étude à l’Europe centrale (en insistant surl’Allemagne et la Roumanie), différentespistes de recherche ont pu être explorées.

Premièrement, comment E. de Martonnea-t-il incarné le patron de la géographiefrançaise à un moment décisif pour l’histoi-re de la discipline, à savoir quand la géo-graphie française devance la géographieallemande sur la scène internationale ?

Deuxièmement, quel rôle E. de Mar-tonne a-t-il pu jouer en tant que géographe-expert au Comité d’études qui a préparé lesTraités de Paix mettant fin à la PremièreGuerre mondiale ? Ce comité a proposé deschoix pour les nouvelles frontières, en parti-culier pour celles de l’est de l’Europe.Roumanophile, E. de Martonne a beaucoupœuvré en faveur de la Roumanie, qui a ainsidoublé sa superficie et a gagné des habi-tants, d’ailleurs pas tous Roumains.

Troisièmement, l’analyse d’un ouvragede synthèse réalisé par Emmanuel de

Martonne, à savoir le tome 4 de la« Géographie Universelle » intitulé « l’Eu-rope centrale » a permis d’étudier quelquesconcepts-clés comme « Europe centrale »,« frontière », « région », « nationalité ».La filiation qui existe entre les travaux ducomité d’études, l’état d’esprit d’une certai-ne élite intellectuelle française et la positiondu patron de l’école française de géographiepeut ainsi être mieux appréhendée. Parailleurs, la réception de l’ouvrage enAllemagne et les réactions plus ou moinsvirulentes des géographes allemands ont puêtre analysées grâce à deux outils méthodo-logiques : d’une part, le dépouillementsystématique d’un corpus des sept princi-pales revues géographiques allemandes surdeux périodes bien définies, 1915-1925 et1930-1935, et d’autre part, la traduction enfrançais d’extraits d’articles allemands.

• Allemand

Diese Vorarbeit zu einem Promotions-vorhaben entstammt dem Bereich der geo-graphischen Epistemologie und betrifft vor-nehmlich die Beziehungen zwischendeutscher und französischer Geographie. ImZentrum des Interesses stehen der franzö-sische Geograph Emmanuel de Martonne

101Grafigéo 2007-33

Résumés

Résumés

Page 102: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

(1873-1955) und seine Forschungen zurGeographie Mitteleuropas im Allgemeinenund im Besonderen Deutschlands undRumäniens. Verschiedene Implikationen sei-ner Arbeiten werden untersucht.

Erstens wird erörtert, wie E. de Martonnedie Führungsspitze der französischenGeographie in einem für die Geschichte derDisziplin wichtigen Moment verkörpernkonnte, dem Moment, in welchem diefranzösische Geographie auf der Weltbühnegegenüber der deutschen in den Vordergrundtrat.

Zweitens wird die Rolle des spezialisier-ten Geografen E. de Martonne im “Comitéd’études” bei der Vorbereitung der Frieden-verträge nach dem Ersten Weltkrieg hinter-fragt. Besagtes Komitee erarbeitete insbe-sondere die neuen Grenzen Mitteleuropas.E. de Martonnes Rumänienfreundlichkeitbrachte diesem Land mancherlei Vorteil ein.So verdoppelte Rumänien seine Oberflächeund gewann erheblich an Bevölkerung,welche nicht ausschließlich rumänischerAbstammung war.

Drittens beinhalten die Betrachtungen zu„Zentraleuropa“ also dem Band IV von E. deMartonnes Geographie Universelle, dieAnalyse verschiedener Schlüsselbegriffe wie“Mitteleuropa”, “Grenze” und “Nationa-lität”. Die Beziehungen zwischen derPosition des Leiters der französischenGeographie, dem Ergebnis des “Comité d’é-tudes“ und der Geisteshaltung einer gewissenintellektuellen Elite Frankreichs lassen sichhierdurch besser verstehen. Weiterhin wirddie Erforschung der Rezeption des BandesIV in Deutschland und der anschließenden –mehr oder weniger erregten – Reaktionen inzwei Hinsichten methodisch vorangetrieben:zum einen werden die zwischen 1915-1925und 1930-1935 erschienen Ausgaben vonsieben der wichtigsten deutschsprachigenFachzeitschriften systematisch ausgewertetund zum anderen einschlägige Textstellen indie französische Sprache übersetzt

• Anglais

The frame of this study is the epistemolo-gy of geography and it insists on the rela-tions between German geography andFrench geography. In focussing on theFrench geograph E. de Martonne (1873-1955) and in restricting the study to CentralEurope (in insisting on Germany andRumania), different ways of research areexplored.

First, how de Martonne was embodyingthe boss of French geography at a criticalmoment in the history of the discipline, thatis to say when French geography gets aheadof the German one upon the world stage ?

Second, which role has played E. deMartonne as geograph-expert at the “Comitéd’études”, who has prepared the PeaceTreaties at the end of the First World War ?This comitee has suggested choices for thenew frontiers, in particuliar for East Europe.Rumaniaphile, E. de Martonne has made alot for Rumania : this land doubles its super-ficy and wins inhabitants, not all Rumaniansin fact.

Third, the analysis of a synthetic workwritten by E. de Martonne, that is to sayvolume 4 of “Géographie Universelle”entitled “l’Europe centrale”, has allowed tostudy some key concepts such as “CentralEurope”, “Frontier”, “Region”, “nationali-ty”. The relation existing between works ofthe “Comité d’études”, the state of mind ofsuch a French intellectual elite and the posi-tion of the chief of the French geographicalschool can then be better examined. More-over, the reception of this work in Germanyand the more or less violent German reac-tions are analysed thanks to two metho-dological instruments : on one hand, goingthrough a corpus of seven German maingeographical journals corresponding at twoperiods of times, 1915-1925 and 1930-1935,and on the other hand, the translation intoFrench of German article extracts.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33102

Page 103: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

103Grafigéo 2007-33

Résumés

Rezumat

Aceast diserta ie de master este o lucrare care se concentreaz pe epistemologia geografiei i mai ales pe raportul dintre geografia german i geografia francez . Acordând o aten ie deosebit geografului francez Emmanuel de Martonne (1873-1955) i delimitând studiul la Europa central (prin insisten a asupra Germaniei i României), au putut fi explorate diferite piste de cercetare.

În primul rând, de ce a fost considerat Emmanuel de Martonne patronul geografiei franceze într-un moment decisiv pentru istoria acestei discipline, mai precis când geografia francez o întrece pe cea german pe scena interna ional ?

În al doilea rând, ce rol a putut juca Emmanuel de Martonne ca geograf expert la Comitetul de studii care a preg tit Tratatele de Pace, punând astfel cap t Primului Razboi Mondial ?Acest comitet a f cut propuneri în privin a noilor frontiere, în special în ce prive te frontiera de est a Europei. Românofil, E. de Martonne a ac ionat mult în favoarea României. Aceasta din urm i-a dublat suprafa a i a dobândit noi locuitori, care de altfel nu sunt to i români.

În al treilea rând, analiza unei lucr ri de sintez , realizat de Emmanuel de Martonne, mai precis « Geografia Universal » volumul 4 intitulat « Europa central », a permis studiul câtorva concepte-cheie precum « Europa central », « frontier », « regiune », « na ionalitate ». Asfel, putem întelege mai bine leg tura dintre lucr rile comitetului de studii, starea de spirit a unei anumite elite intelectuale franceze i pozi ia patronului colii franceze de geografie. Pe de alt parte, modul în care aceast lucrare a fost primit în Germania i reac iile mai mult sau mai pu in virulente ale geografilor germani au putut fi analizate datorit metodologiei folosite: pe de o parte, extragerea sistematic de date dintr-un corpus alc tuit din cele apte reviste principale de geografie din Germania, extragere ce s-a f cut luând în considerare dou perioade de timp bine definite, i anume 1915-1925 i 1930-1935; pe de alt parte, traducerea în francez a unor extrase din articolele germane.

Page 104: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33104

Résumé en russe

, , ,

. (1873-1955),

, - , , , .

: - , , .

. - , , .

, (Comité d’études), ,

. , , . , . ,

, , .

- , „l’Europe centrale“ ( „Géographie Universelle“), .

, , « », « », « ».

. ,

. , „Géographie Universelle“

, , , - ,

, , 1915-1925 1930-1935 ., - ,

.

Page 105: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

A N N E X E S

Page 106: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Liste des annexes

Annexe 1 – La définition de l’Europe centrale selon E. de Martonne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

Annexe 2 – Organigramme du fonctionnement du Comité d’étudesréalisé par O. Buirette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

Annexe 3 – Tableau des revues allemandes dépouillées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

Annexe 4 – Quatre cartes des pays appartenant à l’’Europe centrale dans les « Géographie Universelle » de 1810, 1878, 1930 et 1990 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

Annexe 5 – Origine des auteurs de la bibliographie du chapitre sur la Roumaniedans la GU de E. de Martonne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

Annexe 6 – Traduction originale en français de l’article de H. Schmitthenner « Eine französische Geographie von Deutschland » in Geographische Zeitschrift, 1932, Band XXXVI, p. 22-29 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

Annexe 7 – Article en allemand partiellement traduit en français de J. Sölch, « Der zweite Band von E. de Martonne’s Mitteleuropa », in Geographische Zeitschrift, 1933, p. 235-242 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

Annexe 8 – Carte de l’Europe pendant la Première guerre mondialein Duroselle J.-B., L’Europe de 1815 à nos jours, Nouvelle Clio, 1995, p. 178-179 . . . 126

Annexe 9 – Carte de l’Europe après les traités de paix (1919-1923)in Duroselle J.-B., L’Europe de 1815 à nos jours, Nouvelle Clio, 1995, p. 186-187 . . . 127

Annexe 10 – Carte de la formation du territoire roumainin Foucher M. , Fragments d’Europe, Atlas de l’Europe médiane et orientaleParis, Fayard, rééd. 1998, p. 165 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

Annexe 11 – Carte ethnographique d’Emmannuel de Martonne, « La Roumanie et son rôle dans l’Europe orientale » in La Géographie, vol. XXX, 4, 1915, p 241-250 reprise par Palsky G., 2001, p. 79 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

Annexe 12 – Photographies d’Emmanuel de Martonne en Roumanie en 1937, fonds E.H.GO, UMR Géographie-cités, don de Robert Ficheux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

Annexe 13 – Plaques de verre prises par Emmanuel de Martonne en Roumanie,fonds UMR PRODIG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33106

Page 107: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

107Grafigéo 2007-33

Annexes

Annexe 1 – La définition de l’Europe centrale selon E. de Martonne

EEuurrooppee oocccciiddeennttaallee EEuurrooppee cceennttrraallee EEuurrooppee oorriieennttaallee ((RRuussssiiee))

GGééooggrraapphhiiee pphhyyssiiqquuee

morcellement : « morcellement physique caractéristique de l’Europe occidentale », dans les contours des rivages maritimes

+ ou - « le mélange des plaines et des montagnes » (p. 2) qui la divisent en compartiments séparés : « bourrelet des Alpes », « Carpates », « Massifs forestiers de Bohème et de l’Allemagne sud-occidentale »

« massive Russie, encore asiatique par ses immenses plaines» (p. 1) « immensité russe » (p. 2)

FFlleeuuvvee

« à côté des fleuves de l’Europe occidentale, le Rhin et le Danube sont des géants. » (p. 2)

Rhin et Danube

géants nains

« ..mais ils le cèdent de beaucoup aux fle uves russes » (p.2)

CClliimmaatt

océanité « Europe occidentale, qui doit à l’océan des hivers plus doux avec des été plus tempérés » (p. 2)

« L’Europe centrale tient encore du milieu : l’hiver de Prague, très rigoureux pour le parisien est vraiment tempéré pour le Moscovite » + diversité apportée par les contrastes régionaux, différenciation du relief, forte diversité à l’intérieur de l’ensemble Europe centrale

Continentalité « Eloignement de la mer exagère les oscillations du climat » (p. 2)

EElléémmeennttss eetthhnniiqquueess « propre à la fusion des éléments ethniques » (p. 2)

« canalisées dans les couloirs qui s’ouvrent entre les montagnes de l’Europe centrale, les invasions y ont parfois été arrêtées sans parvenir jusqu’à l’Europe occidentale (p. 2), « groupes nationaux d e caractère local » (p. 2),

Les vagues des invasions asiatiques se sont étalées largement dans les immenses plaines russes », « bariolage des types humains » (p. 2)

CCoommmmuunniiccaattiioonn - « lieu de passage et carrefour de routes » (p. 2)

+

PPoolliittiiqquuee « très solide » (p. 3)

instabilité jusqu’au 19 e siècle [Europe centrale] « reste moins solide que l’Europe occidentale, plus organisée cependant que l’Europe orientale » (p. 3)

moins organisée

DDéévveellooppppeemmeenntt ééccoonnoommiiqquuee « synthèse des races » (p. 2)

« états modernes qui ont cherché trop tard à réalis er une synthèse des races » (p. 2)

+ -

Page 108: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33108

Délégations de plénipotentiaires des différents Etats(envoient à la conférence des mémoires, des notes, des ouvrages

sur leurs revendications)

transmettent au

Comité d’études dont le secrétaire est de Martonne(traduit, analyse et fait des synthèses des ouvrages des plénipotentiaires)

qui propose à

André Tardieu : délégué à la conférence de la Paix(préside plusieurs commissions territoriales et transmet les analyses au Comité)

préside et suggère les solutions

aux

commissions territorialesqui font des suggestions souvent acceptées par le Conseil de la Conférence de la Paix

CCoonnsseeiill ddee llaa ccoonnfféérreennccee ddee llaa PPaaiixxPrend et fait appliquer les décisions territoriales

Annexe 2 – Organigramme du fonctionnement du Comité d’études réalisé par O. Buirette

Page 109: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

109Grafigéo 2007-33

Annexes

Les principales revues allemandes de géographie (1918)

Revue Année du premier numéro

Année du dernier numéro

Editeur/ Rédacteur en chef

Réseau et ancrage privilégiés

Commentaires

G J 1866 1983

E. Behm (…1914) H. Wagner (1915-

1929) Ludwig Mecking

(1930-)

Editeur Perthes

Présentations des résultats de recherches les plus nouveaux, très importante à la fin du 19°s, mais concurrencée ensuite

G Z 1895 …

Alfred Hettner (…1934) Heinrich

Schmitthenner (à p. 1935)

Forte empreinte de l’éditeur Hettner

(pour concurrencer les « Petermanns Geographische Mitteilungen »)

Revue primordiale avec public de chercheurs internationaux, d’enseignants, de militaires, d’administratifs

MOgG 1857 …

Franz Foetteble (…1914)

Fritz Machatschek (1915)

Hermann Leiter (1916-…)

Intérêt thématique pour l’échelle

nationale

Revue primordiale pour la géographie scolaire et universitaire

GW Devenue Zeitschrift

fuer Erdkunde

1933

1935 ?

1944

Irmfried Siedentrop Revue grand public pour informer des recherches et réflexions géographiques

G A 1900 1944

Hermann Haack, Heinrich Fischer, Albert Mueller (1915-1923)

Hermann Haack (1924-1944)

Edition Perthes pour les enseignants

Revue primordiale pour la géographie scolaire. Public essentiellement d’enseignants

ZGEB

1866 1944

W. Koner (1866-1914)

Alfred Merz (1915-1918)

Walter Behrmann (1919-1922)

Bernhard Brandt (1923-1929)

Albrecht Haushofer (1930-1944)

Intérêt thématique pour l’échelle

nationale

Revue primordiale avec public de chercheurs internationaux, d’enseignants, de militaires, d’administratifs

Z G 1924 1968 Karl Haushofer (1915-1935)

Tribune des partisans de la géopolitique.

Revue créée par la jeune génération de géographes de l’époque. Public de scientifiques mais aussi public plus large. Thème privilégié de l’interprétation spatiale sous l’angle géopolitique.

Annexe 3 - Tableau des revues allemandes dépouillées

Page 110: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33110

Annexe 4 - Quatre cartes des pays appartenant à l’Europe centrale dans les « Géographie Universelle» de 1810, 1878, 1930 et 1990

Page 111: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

111Grafigéo 2007-33

Annexes

Page 112: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33112

CChhaappiittrree

NNoommbbrree ttoottaall

DDoonntt eenn

aalllleemmaanndd

DDoonntt eenn

ffrraannççaaiiss

DDoonntt eenn

aannggllaaiiss

DDoonntt eenn

rroouummaaiinn AAuuttrreess

XXLLIIVV « L’Etat et les populations »

4 0 de M :

2 1

0 1 0

XXLLVV « La Roumanie carpatique : Massif transylvain -banatique, Massif de Bucovine, Carpates moldaves »

21 5 de M :

4 3

0 9 0

XXLLVVII « La Roumanie carpatique : Transylvanie et Bihor »

18 5 de M :

2 2

0 9 0

XXLLVVIIII « Collines et plaines danubiennes de la Valachie»

16 0 de M :

2 4

0 10 0

XXLLVVIIIIII « La plate-forme moldave et la Dobrogea »

27 7 de M :

2 3

0 16 1

(russe)

XXLLIIXX « La vie économique »

14 1 8 1 4 0

TToottaall 100 18

21 de M1

1

1 48 1

Annexe 5 – Origines des auteurs de la bibliographie du chapitre sur la Roumanie dans la GU

Page 113: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

C’EST POUR nous géographes alle-mands d’un grand intérêt de voirl’Europe centrale et l’Allemagne

avec les yeux de notre collègue français, quioccupe la célèbre chaire de la Sorbonne. Laréputation et le pouvoir que la personnalitémarquante de Vidal de la Blache a donnée àla chaire, E.de Martonne a su la récupérer.Le présent ouvrage n’est donc pas l’œuvred’un quelconque érudit français, mais celuidu chef de file de l’école française de géographie.

Dans leur évolution, les géographiesfrançaise et allemande sont très proches.L’indépendant Elysée Reclus a suivi les pasde Karl Ritter à Berlin. A Nancy, qui a tou-jours su garder une certaine indépendanceculturelle par rapport à Paris, Vidal de laBlache a plus tard repris les idée de Ritter etles a prolongées à sa façon. Dans ses jeunesannées, E de Martonne est allé auprès deRichthofen à Berlin, auprès de Penck àVienne et auprès de Ratzel à Leipzig ; Entant que son élève, de Martonne s’est distin-gué par une contribution à la mémoire deson professeur allemand Ratzel. Par consé-quent il connaît l’Allemagne depuis sa jeu-nesse et aussi par de multiples voyages réa-lisés ensuite. Et même plus, il se sent chezlui dans les Alpes et au sud est de l’Europecentrale, car il a entrepris des travaux derecherche de grande valeur en Valachie.Pendant la guerre, il a été chargé (et on leressent partout) dans le cadre des « Travauxdu Comité d’études » du rapport sur la zonerhénane, le Banat, la Transylvanie, la Bessa-rabie, et la Dobroudja. Dans ces conditions,la géographie allemande a le droit de jugercet ouvrage à l’aune d’une échelle scienti-fique stricte.

Avant tout, un regard sur l’articulation deson propos nous donne une idée de laméthode d’analyse régionale.

Après une explication introductive sur leconcept d’Europe centrale, le livre propose

une vue d’ensemble. Le climat, le relief,l’eau, la flore et la faune, sont abordés suc-cessivement et sont dans le fond étudiéscomme dans la géographie allemande. Est-ce cependant pertinent de commencer par leclimat ? On peut le contester et se deman-der si dans une analyse régionale moderne,un chapitre général et indépendant sur lessols ne serait pas plus nécessaire. Mais detels débats n’ont pas lieu d’être ici. La géo-graphie humaine n’est pas étudiée de lamême façon que dans la géographie régio-nale allemande. Comme dans la successiondes chapitres des autres tomes de laGéographie universelle, la population (etson évolution) et les nationalités, les Etats etles groupes économiques ne sont étudiésque dans deux chapitres généraux. De façondélibérée, les généralités sur la géographiedes populations sont incomplètes. Il se peutque dans le second volume les différentsphénomènes de géographie humaine soientrépétés sous forme de résumé. C’est ainsique Sion a procédé dans les deux volumessur l’Asie des Moussons. Mais en principe,les éléments portant sur l’occupationhumaine, l’économie, les transports, la cul-ture sont laissés à l’appréciation de chacunqui ensuite les ordonne librement.

Dans l’analyse régionale de l’Allema-gne, qui suit les généralités, se trouve enpremier lieu un chapitre général sur lepeuple et l’Etat. Ensuite viennent immédia-tement les différents paysages, à vrai direnon les petites entités qui correspondent aux« pays » de Vidal de la Blache, mais desblocs de paysages qui se subdivisent ensous-unités. On trouve successivement lespays rhénans du sud, le pays rhénan dunord, l’espace industrialisé de Westphalie, lepays souabe et la Franconie, les Alpes et leplateau subalpin, les bordures de Bohême(la forêt bavaroise et bohême, le Palatinatsupérieur et la Fichtelgebirge – les montsMétallifères et la plaine de Saxe –, lesSudètes et la plaine de Silésie), la Thuringeet le pays de la Weser, la grande plaine du

113Grafigéo 2007-33

Annexes

Annexe 6 – Traduction originale en français de l’article de H. Schmitthenner « Eine französische Geographie von Deutschland » in Geographische Zeitschrift, 1932,

Band XXXVI, p. 22-29

Page 114: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

nord de l’Allemagne et enfin, ses ports etses grandes villes.

Les conditions climatiques, les reliefs etla structure géomorphologique, l’eau et lacouverture végétale, déjà vus dans les géné-ralités, sont appréhendés dans leurs spécifi-cités, à l’occasion de quoi l’accent est missur la géomorphologie. Une grande atten-tion est apportée aux conditions anthro-pogéographiques. L’implantation humaineet l’économie, les mouvements de popula-tion, les transports et les villes sont plus oumoins mentionnés en détail et sont à l’occa-sion caractérisés par une image unique, et enparticulier là où les paysages sont très struc-turés, ils sont présentés sous forme aphoris-tique pour la clarté de l’exposé, sans soucid’exhaustivité. La grande économie alle-mande et le phénomène urbain allemandsemblent beaucoup intéresser le Français.D’où une présentation de la Ruhr particuliè-rement détaillée ; les villes sont aussi trèsminutieusement et longuement analyséesdans un paragraphe.

Des chapitres généraux constituent la finde la présentation, comme dans la plupartdes études régionales françaises depuisVidal de la Blache, et deux paragraphes trai-tent de l’agriculture et de l’industrie, ducommerce et du transport.

Cet agencement place l’Etat et le peupleen premier ou comme résultat des généra-lités. Au contraire, l’économie et les trans-ports semblent être la résultante des considé-rations précédentes. Par cette façon deprocéder, la présentation de chaque paysagegagne en vivacité et les paragraphes récapi-tulatifs peuvent être plus descriptifs qu’explicatifs et analytiques, parce que larecherche et les causes originelles se trou-vent dans la description du paysage. Mais ilme semble qu’ainsi la causalité géogra-phique n’y gagne pas. Les relations des faitsanthropogéographiques les unes avec lesautres et avec la nature de l’espace dans saglobalité sont souvent estompées. Le cha-pitre sur le peuple et l’Etat apparaît commeune condition préalable et on ne retrouveplus les causes profondes. Le chapitre sur la

vie économique et les transports devient par-fois presque un cours d’économie. Il estrésolument plus approprié de placer lesgénéralités de la géographie humaine (quandcelle-ci n’apporte rien pour la récapitulation,dans le résumé) dans les grands sous-ensembles, en l’occurrence ici l’Allemagne,dans les causes géographiques, et de seule-ment ensuite les introduire dans l’analysedes paysages spécifiques. C’est seulementainsi que l’écrivain et le lecteur sont obligésd’examiner à fond les causalités géogra-phiques. Avec un tel agencement, il ne seraitplus possible de mettre la densité de popula-tion comme une condition, une hypothèsedans l’introduction à l’Allemagne et de pou-voir échapper à une analyse politique et géo-graphique du Reich et des régions.

Dans une étude régionale, la présentationde l’espace en paysages caractéristiques doitêtre claire et doit reposer sur un principeunique. Mais la répartition que suit l’auteurn’est pas claire. La base pour différencier lespaysages est la tectonique. Dans la réuniondu piedmont alpin et des Alpes, elle est déjàmontrée au bénéfice de la continuité spatia-le. Mais le plus grave, c’est qu’ avec lesMonts Métallifères et les Sudètes qui sontdécrits comme paysages de bordures de laBohême, les plaines de piedmont soient aus-si mentionnées comme paysages de bor-dures de la Bohême, de même qu’en Alle-magne centrale, la marge de Bohême soitétendue jusqu’à Bitterfeld-Golpa. Dans larépartition spatiale, les monts Métallifères, laplaine de Saxe, les Sudètes et la plaine deSilésie sont en effet des unités paysagiques.Mais selon une répartition tectonique, celaest impossible. De plus, Breslau et Leipzigne sont pas détaillées ici, mais le sontcomme villes de la grande Plaine du Nord.

Un agencement clair des paysages etgéographiquement incontestable présuppo-se que l’espace le plus étendu à ordonnersoit parfaitement clair et géographiquementcaractérisé. Mais l’auteur ne donne déjàdans son introduction générale aucune défi-nition du concept d’Europe centrale. C’estsimplement pour lui une somme d’entités

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33114

Page 115: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

étatiques. Une définition de l’espace alle-mand est alors dans une telle conceptionaussi inutile, car l’Allemagne est simple-ment le Reich allemand dans les frontièresde 1919. En procédant de cette façon parmanipulation, il est inévitable que tout prin-cipe géographique de répartition échoue.Ainsi dans le livre on évite soigneusementde poser la basse plaine du Rhin supérieurcomme une unité et les Vosges et la forêtnoire comme une construction jumelle, cequ’elles sont et comme les a déjà décritesElie de Beaumont. C’est aussi ainsi quecommence le profil à travers la zone hercy-nienne en bordure gauche avec la montée dela Forêt Noire en laissant de côté la plainerhénane et les Vosges. Ce n’est que dans lacarte (qui est dessinée d’après l’auteurBernegg) que l’Alsace est comprise. L’unitédu Rhin supérieur est tout simplementrepoussée avec cette remarque, elle n’aqu’une signification historique. Quand lesbordures de la Bohême sont réunies ettraitées dans un unique chapitre de la plusgrande hétérogénéité, mais que la Bohêmeintérieure, qui constitue le socle de l’organi-sation du paysage, sorte comme uneconstruction de l’Etat autonome, quand àcette occasion ce territoire est séparé de lamoyenne montagne saxonne et de la basseplaine de Leipzig au bénéfice du bassin deThuringe et qu’à d’autres endroits, on men-tionne que la Prusse orientale est commeune île lointaine d’une colonie allemande,que le corridor polonais et même Dantzig nesont pas traités, là ce sont des preuves quel’ajustement à la politique induit l’auteur enerreur, ce qui ne peut échapper au lecteurcritique. Comme l’analyse régionale décritl’Allemagne dans les frontières du Reich, ilaurait été logique de renoncer aussi dans ledétail de l’agencement du texte à présenterles paysages naturels et de s’en tenir àl’unique description des frontières adminis-tratives. C’est comme si le texte revenait àla manière de voir que la science allemandea depuis longtemps dépassée au cours d’unsiècle de travail méthodique qui s’étend dela parution des « Fondements de la géogra-phie » de Gatterer (1775) à celle du premiervolume sur la Chine de Richthofen.

L’auteur se targue de façon catégorique dese tenir sur le sol de la science moderne etcependant en renie l’ esprit et lui fait violen-ce. Les erreurs logiques qui en résultent nesont pas d’origine inconsciente, mais sontparfaitement conscientes et se déplacent defaçon douteuse vers les sphères morales.

Avec ce débat, on a touché une des pagesles plus fâcheuse de tout l’ouvrage. C’estl’art et la manière de voir comment dans celivre l’économie et la politique sont indisso-ciables et comment l’auteur sous couvertd’objectivité scientifique se livre à une pro-pagande politique et poursuit un but poli-tique sans jamais laisser tomber le masqueet sans dire un mot sur la politique alorsqu’elle est immanente dans chacun de sesmots. Les comptes-rendus de FriedrichMetz et de Norbert Krebs ont déjà montréles grandes déformations et leurs arrière-plans politiques. Ici, il s’agit de l’aspectscientifique et je n’entrerai qu’à contre-cœur dans les débats suivants, qui ne doi-vent cependant pas être occultés.

Dès la lecture de l’introduction sur « lanotion d’Europe centrale », le lecteur atten-tif est surpris. S’il a la vue d’ensemble géné-rale derrière lui, il sait que le livre est uneconstruction géographique soutenant lestraités de paix (dictats de Versailles). Cen’est pas seulement dans l’organisation dutexte mais aussi même jusque dans lesconsidérations morphologiques et tecto-niques les plus anodines qu’on peut releverles aspects politiques.

Le plus clair est le procédé scientifique-ment insoutenable qui se traduit dans lesparagraphes d’anthropogéographie.Les deux paragraphes généraux concernésse réduisent à justifier la formation des Etatsde 1919. Une des étapes est le profil de « lasituation au début de l’ère chrétienne ». Lepoint de départ de l’époque romaine est pré-senté comme le recul des Barbares, ce quien découle et les peuples actuels en sont nés.Mais la contribution culturelle des Alle-mands au Moyen âge, la colonisation alle-mande, la christianisation de l’Est et lescombats sur le front turc sont donnés

115Grafigéo 2007-33

Annexes

Page 116: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

comme une conséquence de la vague cultu-relle romaine (latine comme il est dit).L’idée de la Confédération du Rhin se trou-ve en arrière-plan alors que la partie orienta-le allemande est caractérisée comme éloi-gnée du terreau fertilisé par les Romains auSud et à l’Ouest, et quand l’esprit prussienest caractérisé comme une invasion orienta-le de la culture ouest et sud allemande repo-sant sur des racines latines. Les répercus-sions de l’époque romaine sont sans aucundoute indéniables. Mais au fil de sa pensée,l’auteur fait preuve de révisionnisme.Quand ça lui convient, il y a anguille sousroche. A propos du Rhin supérieur, il écritpage 52 l’affirmation tendancieuse, fausseet mille fois démaquée, démentie par lemonument de pierre de la cathédrale deStrasbourg : « Le Rhin n’a pas été, commeon aurait pu s’y attendre après l’occupationromaine, un lien entre les peuples vivant surses rives ».

Le désaccord illogique de sa méthodescientifique et son univocité politique sontéclairés par les exemples suivants. Au sud-ouest, la cohésion avec l’Alsace ne peut pasêtre passée profondément sous silence, maisdans la Bavière orientale, en Saxe et enSilésie, l’arrimage au bloc bohémien n’estpas assez souligné et pas assez étendu. Carce n’est pas dans les intérêts de la politiquefrançaise de mentionner les réalités de laparenté naturelle et originelle (ethnique) dusud-ouest de l’Allemagne avec l’Alsace.C’est par contre tout à fait dans son intérêtde repousser tout proche de la Tchéco-slovaquie la Saxe et la Silésie en tant queterritoires que la colonisation allemandeaurait séparées du corps ethnique slave.C’est assurément une des grandes tendancesdu livre de présenter l’unité de la masse dupeuple allemand comme un danger pour lespeuples slaves de l’Ouest non homogènes.Dans la Sarre le droit supérieur français surle charbon allemand est détourné de façondissimulée par le fait que Napoléon Ier et sesingénieurs auraient porté beaucoup d’atten-tion au charbon : en fait, les populationsconnaissaient ce charbon déjà depuis dessiècles. L’attribution de la part du lion à la

Pologne du charbon de haute Silésie origi-nellement ouvert à l’exploitation par lesAllemands est cependant une évidencejuste, parce que cela correspondrait à untracé de frontière respectant les nationalitéset au résultat d’un plébiscite. Il s’agit làd’une contre-vérité, d’un cynisme.

Après cela, on ne peut s’attendre qu’à ceque le traitement des Allemands de l’étran-ger suive cette méthode qui correspond àl’esprit du livre. Il ne peut y avoir qu’uneidée politique dans l’introduction sur lesmigrations allemandes vers les Etats-Unis etles pays tempérés d’Amérique latine, il estdit : « jamais pareil chiffre n’a été enregis-tré dans les colonies allemandes elles-mêmes », car le géographe doit être cons-cient qu’il pose l’un à côté de l’autre deschoses incomparables. Et c’est avec un pointde vue politique que le texte poursuit ensui-te en jetant un œil sur le sud du Brésil, le seulterritoire allemand d’outre mer à pouvoirêtre « à juste titre » considéré comme unecolonie. Pourquoi le paragraphe passe soussilence les relations économiques du Reichavec l’étranger autre qu’autrichien, si cen’est avec un arrière plan politique. Il est évi-dent que l’esprit national est dénié auxAllemands hors du Reich et que l’idée natio-nale n’est arrivée en Allemagne qu’à partirde 1870. Pour l’auteur, « idée nationale » et« construction de l’Etat » sont des conceptsidentiques. Ainsi il n’y a simplement aucuneidée allemande avant la constitution duReich allemand.

Le Français est dans son droit de voir etde juger les choses typiquement allemandesde son point de vue. C’est une évidence.Mais pour un scientifique, cela ne va pas desoi que le regard, la représentation et lejugement ne reposent pas sur les connais-sances mais sur le politique. L’auteur n’apurement et simplement rien compris àbeaucoup de choses. Mais il a compris com-ment tirer un profit politique de ses incom-préhensions. Il fait face de façon embar-rassée aux villes allemandes. Cela ne lui estpas venu à l’esprit que leur pluralité provientde la pluralité du territoire qui a toujours fait

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33116

Page 117: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

naître des centres politiques, économiques etculturels à des endroits différents alors quel’organisation de l’espace français s’est cen-tralisée autour de Paris il y a déjà plusieurssiècles et que là pour ainsi dire les villesanciennes et les nouvelles sont bâties à lamême place. Les exigences élevées desvilles allemandes en ce qui concerne la cul-ture de l’hygiène et de la technique provien-nent du développement moderne de la villeallemande, qui est devenue importante seu-lement avec les techniques modernes, repo-sant avant sur des conditions naturelles peufavorables. Cela n’est jamais clairement dit.Mais les remarques insérées font comme siles villes avec leurs châteaux et leurs coursanciennes, leurs hôtels de ville imposants,leurs théâtres, leurs musées et leurs garesétaient à expliquer de façon complètementa-géographique, par la propension alleman-de à se donner de grands airs. Mais les arriè-re-pensées sont claires quand on mentionnetoujours à propos des villes construites defaçon dispendieuse ; on se souvient que ducôté français, on a toujours affirmé quel’Allemagne pouvait facilement payer lesréparations de guerre. L’affirmation quel’Allemagne s’est consolidée en interne parla séparation d’avec les peuples étrangers –le silence délibéré sur les dégâts catastro-phiques causés par le démantèlement duReich à l’Est et qui sont cependant répandusdans l’opinion publique et travaillés defaçon géographique, poursuivent le mêmebut.

Nous pouvons donc dire à regret qu’unscientifique de haut rang tourne le dos à larecherche de la vérité, au minimum déformeles faits, réalise des buts politiques encontradiction avec la science et commet deserreurs de logique. L’auteur a pris le masquede la science pour exprimer l’esprit deVersailles et s’occupe de politique sous cou-vert de contribution scientifique.

Mais voyons maintenant comment seprésente le contenu (la matière) qui ne repo-se pas sur cette manière de voir. Il semblerester tout de même encore beaucoup dechoses qui correspondent vraiment à la réa-lité. Cependant même dans ces parties, le

lecteur allemand est à peine satisfait. Déjàdans le paragraphe climatique des généra-lités, il manque l’accent sur la zone clima-tique du nord ouest de l’Allemagne. Lesbases bibliographiques de la description duclimat sont parfaitement incomplètes et enpartie vieillies. Dans le chapitre introductifconcernant la morphologie et la tectonique,il manque le plissement saxon. Il est men-tionné plus tard dans la montagne westpha-lo-saxonne sous le concept de « relief appa-lachien ». Mais cela ne suffit pas àexpliquer sa signification d’ensemble.

Avec les considérations morpholo-giques, l’auteur entre dans un domaine quilui est familier. On y trouve quelquesbonnes remarques, mais aussi beaucoup delacunes et d’erreurs. Les controverses scien-tifiques ne sont jamais mentionnées ou indi-quées. Tous les problèmes sont évacués.C’est peut-être un principe de la GéographieUniverselle, mais c’est un principe qui n’estpas tout à fait correct pour la Mitteleuropa.C’est particulièrement vrai pour la descrip-tion particulière et en première ligne l’évo-cation des moyennes montagnes alle-mandes. Ni les surfaces de piedmonts, queles recherches les plus récentes ont pu véri-fier, ni les constructions modernes à proposde l’origine des Stufenlandschaft (paysageen gradins) ne sont mentionnées. Partoutl’auteur évoque une surface d’aplanisse-ment, sans la définir vraiment. A l’occasion,il explique aussi que la pénéplaine tertiairerecoupe la surface d’aplanissement desmontagnes anciennes. Mais ensuite, il insis-te à nouveau et c’est à mon avis un pas deplus contre nos spécialistes des péné-plaines : la topographie plane de nos sur-faces d’aplanissement dans les moyennesmontagnes serait cependant en fin de comp-te un dérivé de l’ancienne surface d’érosiondu permocarbonifère révélée. Les petitescartes de la Forêt noire et de la Souabe p 143sont incompatibles avec la constructiond’une pénéplaine recouvrant chaque pierre.Comment est-il possible que la topographieplane des différentes parties d’une seule etmême pénéplaine s’arrête au pied de la sériedu jurassique et du buntsandstanien. On peut

117Grafigéo 2007-33

Annexes

Page 118: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

utiliser ces cartes, presque comme ça, pourillustrer ma construction des paysages étagés(Stufenlandschaft) : en effet les terrassessont soulignées comme étant une unité. Lesparagraphes morphologiques sur les Alpes etles Carpates sont parfaitement réussis.L’auteur est d’autant plus incertain sur lagrande Plaine du nord de l’Allemagne.Concernant les subtiles différences morpho-logiques, qui déterminent ici un espace géo-graphiquement étendu, il avoue presque,comme à la page 280, ne pas les com-prendre. Sa connaissance des plaines, et audemeurant aussi d’une partie des montagnesd’Allemagne, est inégale. Les gisement desel dans les Zechstein du nord de l’Allema-gne lui sont inconnus. Seule une carte desressources du sous-sol en Allemagne p 337,qui copie un peu un modèle allemand, donneles gisements de sel. Mais dans le texte,même dans la description de l’économie desterritoires concernés, on ne trouve pas unmot sur la potasse et le sel gemme. Mais lemodeste gisement de sel d’Heilbronn et l’in-dustrie qui repose dessus sont mentionnés.De façon très générale et floue, il est enfinécrit lors du traitement de l’industrie chi-mique p 344 : « L’Allemagne possède etexploite des réserves importantes de sels,chlorure de sodium et potasse… »

Dans le chapitre récapitulatif relative-ment développé sur l’eau, l’auteur ne trouvepas de place pour l’englacement et ladébâcle des fleuves, phénomènes géogra-phiques si faciles à mentionner. Parmi lesfleuves particuliers qui sont évoqués, ilmanque l’Oder, dont l’individualité, la parti-cularité n’est même pas non plus abordéedans la partie « Allemagne ».

Dans le chapitre sur la flore, il manque lesrésultats de la bibliographie la plus récente.L’ouvrage d’introduction à la géographie desplantes de l’Allemagne de H. Walters de1927, et le livre de Gams et Nordhagen da-tant déjà d’une dizaine d’années ne sont pasutilisés. Parmi les caractéristiques des plan-tes, il oublie de mentionner dans ce chapitreinsuffisant la mention du houx Stech (Ilex).

Pour ce qui concerne la géogaphiehumaine, on a suffisamment et clairementmontré plus haut combien la science et lapolitique étaient intimmement mêlées. Maisje dois encore mettre le doigt sur de nom-breuses erreurs, qui proviennent d’une ignorance délibérée : ainsi à propos de l’af-firmation que la frontière bavaro-wurtem-bourgeoise suivrait la limiteethnique des peuples de Franconie et deSouabe et séparerait des espaces différen-ciés ; ainsi de la mine de potasse oubliée,qui a déjà été mentionnée plus haut ; ainside la phrase récapitulative à la fin du cha-pitre sur les Alpes dans le cadre du Reich :« les Préalpes bavaroises restent une sortede parc national plutôt qu’une pièce essen-tielle de l’organisme économique del’Allemagne ». Je pourrais encore continueravec ce genre d’inexactitudes, comme parexemple la longue mention de l’économiede Reutberg dans la Forêt noire et le silenceconcernant l’économie d’une montagneanalogue, mais bien plus importante dans leSiegerland et dans le massif de l’Eifel, et laliste n’est pas close. Mais assez de cela.

Dans un survol général, on ne peut exi-ger que l’utilisation de la bibliographie soitpartout égale et complète. Mais d’après cequ’on a suffisamment dit plus haut, elle estincomplète. Les indications bibliographi-ques sont placées à la fin des chapitres cor-respondants. Souvent le choix semble dû auhasard et à l’occasion pour un débat particu-lier, c’est le travail qui présente le moinsd’intérêt qui est choisi. Mais quand dans undomaine dans lequel l’auteur est dans sonélément, des travaux de base comme le livrede Friedrich Metz sur les pays du Rhinsupérieur et les travaux des Journées géo-graphiques allemandes de 1927 à Karlsruhesont passés sous silence, ce n’est pas unhasard, c’est une tendance politique. Mêmepour la haute Silésie, le choix de la biblio-graphie relève de cet esprit. Le lecteur doitprincipalement être mis en garde contre labibliographie proposée, car elle montre lesnouveaux tracés des frontières de l’Europecentrale comme un non-sens géographique.

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33118

Page 119: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Les figures sont presque tout le tempstrès bien choisies de même que la présenta-tion de l’ouvrage dans l’ensemble. La des-cription est vivante et claire, le style léger,diplomate et tout à fait particulièrementpropre à surmonter les difficultés et à dissi-muler les chausses-trappes et sauts-de-loupspolitiques pour les âmes inoffensives. Lepoison politique se montre tout à fait appé-tissant.

Le livre de E. de Martonne se tourne au-delà des frontières françaises et s’adresseaux inombrables lecteurs des autres nations.Il est évident que les critiques de l’étrangersont peu nombreux à posséder les connais-sances indispensables sur l’espace différen-cié de l’Europe centrale, pour ne pas suc-comber à la forme. Quand un Australiennomme dans « Geographical review » lelivre comme un ouvrage de référence, nouspouvons comprendre que notre individu

situé aux antipodes le juge ainsi pour desraisons externes. Mais quand le « géo-graphe suisse » Vosseler sonne du cor etloue par-dessus tout le livre de de Martonne,en fait la renommée en opposition avecquelques études régionales allemandes de laplus stricte objectivité, cette erreur de juge-ment ne tient pas à l’éloignement ou à desfrontières étatiques mais s’expliquent seule-ment par une abscence consciente d’espritcritique scientifique.

Faire le compte rendu d’un tel livre defaçon vraiment critique et devoir ainsi s’op-poser à un homme qui possède un passéscientifique riche, est une activité ingrate etdifficile. Ce que nous regrettons de devoirdévoiler n’est pas seulement pour des rai-sons de justesse et de correction scienti-fiques, mais aussi par devoir national d’auto-défense.

Annexes

Page 120: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

[…] Si l’on fait abstraction de tels « cou-rants modernes » dans la géographie alle-mande, dans l’ensemble règne donc unefaçon assez homogène d’établir les tâchesde géographie et en particulier dans l’étuderégionale. Par contre si on suit le dévelop-pement de notre discipline chez d’autrespeuples, bien des différences se font jourdans la détermination de nos tâches et denos objectifs, un fait très regrettable car ainsil’inégalité et l’insécurité qui en découlentsont défavorables à l’appréciation de la géo-graphie en tant que science. Exposer endétail les différentes tendances n’est pas icile but. Par exemple dans la géographie bri-tannique, la géographie économique (ausens large du terme) a pendant longtempsoccupé le devant de la scène ; la morpholo-gie n’est encore aujourd’hui que peu étu-diée par les géographes, elle est beaucoupplus l’affaire des géologues, aussi loin queces derniers veulent bien s’en préoccuper.Toujours est-il que ces deux dernièresdécennies ont été publiés bien des travauxde géographie régionale qui ne s’éloignentpas autant que les anciens de notre manièreallemande de concevoir les objectifs de lagéographie. Bien plus importants ont été lesrapports entre les géographies allemande etfrançaise – ils mériteraient un jour une ana-lyse de fond. Les nombreuses productionsrécentes de grande valeur, particulièrementsur la géographie de la France elle-même,suivent la plupart du temps un cheminementtout à fait semblable à celui de nos travauxallemands d’analyse régionale. Ils expri-ment naturellement les revendications del’époque et les préférences en vigueur d’unauteur. La grande Nouvelle Géographie uni-verselle, qui compte déjà sept volumes,s’exprime à cet égard avec un langage trèsclair. Dans ce qui suit, j’aimerais fairequelques remarques critiques à propos d’undes derniers tomes, celui de E. de Martonnesur l’Europe centrale (volume 2). Je peuxd’autant faire court que le volume 1 a déjàété l’objet d’un compte-rendu pertinent par

H. Schmitthenner (in GeographischeZeitschrift, 1932, p. 22). Voir aussi F. Metz,in Zeitschrift der Gesellschaft für Erdkunde,1931, p. 305).

Pour résumer, on retrouve dans le secondvolume les mêmes parts d’ombre et delumière que Schmitthenner a relevées dansle premier volume. Pas de doute, il s’agitd’un t ravai l important , dont onpeu t apprendre beaucoup. Ainsi parexemple nous n’avons actuellement pas denouvelle description de la Roumanie quipuisse être comparée à celle de E. deMartonne en terme d’ampleur, de traitementet de valeur. De Martonne est probablementun des meilleurs, si ce n’est le meilleurconnaisseur de la géographie de la Rou-manie ; il ne lui consacre pas moins de110 pages dans son livre. Seules 87 pagessont dévolues à la Tchécoslovaquie, 78 à laPologne, 69 à la Suisse, et seulement81 pages – ce qui n’est pas innocent – à l’en-semble Autriche et Hongrie. Le découpagesuit la carte politique, ce qui a ses avantageset ses inconvénients. On n’a pas besoinensuite de se casser la tête à chaque foispour savoir quels pays font partie del’Europe centrale ; la Roumanie en faitnaturellement partie, la Yougoslavie aussi.Les unités naturelles, quand elles recoupentles frontières politiques, ne sont donc pasrespectées dans la présentation (montsMétallifères, Monts des géants, etc.). Maispeut-être l’auteur suit-il à ce propos un itiné-raire propre jusqu’à un certain degré.

Chacun des États est étudié selon le sché-ma suivant : une vue d’ensemble sur l’Étatet la population, les principaux paysages, lavie économique. L’accent est mis à cetteoccasion sur les paysages principaux – uneorgnisation plus fine fait défaut à cetterègle : ce qui est déterminant pour la réparti-tion, c’est le critère géomorphologique (parexemple la Suisse alpine, la Suisse des col-lines, le Jura suisse). Mais pour la

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33120

Annexe 7 – Article en allemand partiellement traduit en français de J. Sölch,« Der zweite Band von E. de Martonne’s Mitteleuropa »,

in Geographische Zeitschrift, 1933, p. 235-242

Page 121: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Tchécoslovaquie, on trouve à la place unedivision historique : la Bohême, la Moravie,la Silésie, et en plus la Slovaquie et la« Russie subcarpatique » ; E. de Martonnes’occupe principalement de façon relative-ment détaillée de la richesse des formes dupaysage, il a lui-même avant tout principale-ment travaillé dans les Alpes et dans lesCarpates de Transylvanie roumaine, encadrépar F. v. Richthofen et A. Penck ; à cet égard,il sort nettement de la présentation géomor-phologique que donne A. Demangeon dansle traitement des îles britanniques. En ce quiconcerne la largeur de vues du projet, le styleet avant tout la fiabilité, j’aimerais cependantaccorder ma préférence au livre deDemangeon de la même collection. On nepeut évidemment pas reprocher au collabo-rateur d’un projet si varié et si étendu qu’il nepuisse lire mais seulement citer tous lesouvrages importants pour éclairer uneunique parution géographique. Mais labibliographie fournie à la fin de chaque cha-pitre laisse très fortement une impression dehasard ou d’arbitraire, où on n’arrive pas àdéterminer ce qui relève du hasard et ce quirelève de l’arbitraire. Est-ce par exemple parhasard ou volontaire qu’un ouvrage si impor-tant que “Tschechoslovakei” de H. Hassingerne soit pas cité ? Nous aimerions Presquesupposer le dernier cas pour des raisons quiseront examinées plus loin en détail (p. 240).Pour le moins dans l’information donnéedans un ouvrage de référence sur un domai-ne, un auteur ne peut absolument pas êtreexhaustif et consciencieux ; la fiabilité doitcependant, en tout premier lieu chez un émi-nent géographe, se retrouver jusque dans lesmoindres détails. Certes chacun d’entrenous peut passer sur une erreur d’impression,mais le lecteur instruit ne doit pas à chaquepage trouver de telles bévues et de tellesnégligences, sans vraiment avoir à couriraprès. Personne ne me reprochera d’en fairela preuve à propos de la présentation del’Autriche qui est ma petite patrie et un demes principaux domaines de recherche. Làon peut tenir maintenant un superbe florilègeet à partir de cette expérience, on ne peutqu’être particulièrement méfiant vis-à-vis dela présentation des autres domaines que l’on

ne connaît pas aussi bien personnellement. Ilest clair que pour nous Allemands (et pas quepour nous), le contrôle soit particulièrementdifficile et que de Martonne préfère large-ment les nouveaux noms géographiques auxanciens noms allemands. Assez rarement etde surcroît de façon irrégulière, les anciennesdénomminations allemandes sont jointesmême dans les lieux où la population alle-mande est prépondérante et où elle estconnue de façon internationale sous ce terme.Le nom de Marsch (Marche) par exemple estau moins une fois appliqué pour l’Autriche,mais pas sans que le terme tchèque Morawasoit précisé entre parenthèses. Naturellement,E. de Martonne ne considère pas nécessaired’ajouter à l’inverse pour le lecteur du para-graphe sur la Tchécoslovaquie le nom alle-mand derrière le nom tchèque. Cela devientassez savoureux quand on trouve un Saint-Jean au bord du Danube. Peut-être que lesTchèques par mesure de représailles vontdans le futur appeler Sv. Wawrinec à la placed’un Saint Laurent.

Si on fait maintenant abstraction de cetype de défauts, il en reste cependant enco-re beaucoup d’autres à relever. Cela vautmême pour la morphologie même si l’au-teur fait autorité en la matière. On peut déjàélever une objection contre le traitement desAlpes autrichiennes : la dénommination« Préalpes panoniennes » n’est pas trèsheureuse. Du moins, cela ne correspond pasà mon goût d’appliquer le terme de « pla-teaux et crêtes appalachiennes » à la partiecentrale de la Bohême. Les fondements his-toriques de la présentation sont très souventlacunaires – malgré cependant de rares maisexcellentes remarques – ; on en apprendtrop peu sur l’origine des paysages culturelset sur leurs mutations au fil du temps.Cependant bien que je considère l’ouvragecomme une production marquante, j’aime-rais, comme on dit, être bien conscient deslourdes difficultés que présente justement cereproche. Par contre, je dois avec toutel’acuité nécessaire, faire connaître un autreversant de l’œuvre de de Martonne, à savoirsa position politique, pour que au moinschaque cercle dans lequel cette revue est lue

121Grafigéo 2007-33

Annexes

Page 122: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

soit mis en garde contre un jugement partial,biaisé et injuste.

Pas plus tard qu’au début de cette année(1932), A. Demangeon a affirmé à proposdes nouvelles parutions allemandes de géo-graphie politiques qu’elles ne sont riend’autres que de la « géopolitique », « uneentreprise nationale de propagande d’ensei-gnement ». Elles ne devraient pas avoir laprétention de porter le titre de scientifique(cf. Annales de Géographie, 1932, p. 27).C’est vrai qu’on ne peut pas nier qu’un cer-tain nombre d’écrits, qui paraissent sous letitre de « géopolitique », soit en effet par-faitement unilatéral, superficiel et pétris d’er-reurs ; mais Demangeon n’est pas en droitde considérer de la même manière et decondamner en bloc les nombreuses contribu-tions de valeur en géographie politiquecomme des œuvres de propagande de bassequalité. En tout cas, nous ne devons pasrenoncer à professer que notre peuple reposele plus solidement possible sur les interac-tions entre Etat et peuple d’une part etd’autre part entre Etat et espace. Mais com-ment est-ce que cette même affaire se retrou-ve dans la géographie française ? N’enten-dons-nous pas justement chez elle le nom descience très souvent là où se trouve de lapolitique ? Pour ne citer qu’un exemple par-ticulièrement connu, c’est ce qu’on trouve engrande quantité dans les ouvrages deBrunhes et Vallaux. Mais le livre d’E. deMartonne signifie en même temps carrémentun modèle du genre. A vrai dire, le travail deE. de Martonne n’est pas aussi lourd comme peut l’être celui de nombreuxauteurs allemands. Il cherche beaucoup plusà influencer le lecteur qui ne connaît pas larégion en passant de l’ombre à la lumière, enréduisant, en forçant le trait et en passantsous silence, en montrant tout dans le miroirdes vues ou des souhaits français. Maisceux-ci atteignent des sommets nouveaux, etcomme toujours de façon très claire (le planTardieu !), dans un résumé économique etpolitique des états d’Europe centrale sansl’Allemagne mais sous la houlette de laFrance. A savoir, après l’éclatement de l’an-cienne monarchie austro-hongroise, il aurait

pu y avoir la possibilité (très dangereuse auxyeux des Français) d’une unification entre leReich allemand et l’Autriche et donc un ren-forcement d’une entité germanique. Si aucontraire, on réussissait à incorporer l’Autri-che dans cette association d’états et en mêmetemps à en exclure l’Allemagne, cela rassu-rerait beaucoup de Français. Les diverses etfunestes créations des dictats de la Paix deVersailles sont à présent entièrement vala-bles et adéquates pour de Martonne. Ellescomporteraient certes partout des difficultéséconomiques, mais le plus grave serait déjàsurmonté, un certain équilibre serait déjàatteint, conforme aux nouvelles frontières,même l’Autriche et la Hongrie seraient desorganismes viables : oui, ces pays auraientgagné les uns après les autres leur unité inter-ne, presque toute nationalité étrangère ayantété écartée ; l’essentiel serait que l’Autrichen’ait pas d’arrière-pensées (l’annexion àl’Allemagne !). Si Vienne renonçait à sesambitions politiques, elle pourrait devenirune métropole économique et culturelled’Europe centrale (p. 496).

E. de Martonne met constamment l’ac-cent sur les différences entre les Allemands(les Allemands du Reich) et les Autrichiens.Au cours de ses excursions dans le Zillertal,il a sûrement vu de nombreux blonds auxyeux bleus, mais il oppose le « brunTirolien » au « pur » Bavarois. (p. 470).Comme type de différence entre d’un côtéun Viennois et de l’autre un Allemand duReich, même entre un bavarois et un Rhénandu Sud : plus de jovialité et d’esprit d’ou-verture, autant de joie au travail et de ponc-tualité ! (Comme tout natif de Vienne, je doisdonc moi aussi me sentir agréablement tou-ché par cette présentation ?). Vienne neserait véritablement pas une ville allemande,même s’il y a « bien entendu » l’influencegermanique : aucune ville allemande n’aaussi peu d’esprit prussien (on rejoue encoreune fois sur les vieilles oppositions), c’est encela une ville cosmopolite avec une certainetouche orientale. Nous autres remarquonsnaturellement l’intention, mais pas le lecteurnon averti. Si sur de telles différences unpoids doit être posé selon la force des fron-

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33122

Page 123: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

tières d’état, pourquoi les compatriotes dede Martonne n’ont-ils pas pris en considéra-tion lors des dictats de la paix les réellesfrontières linguistiques, pourquoi des mil-lions d’Allemands ont-ils été placés sousune domination étrangère !?

A vrai dire, on remarque la préoccupa-tion de l’auteur : cette dangereuse Autrichedevrait être encore plus resserrée. LaYougoslavie pourrait faire valoir ses« droit » sur Marburg par exemple, maison ressent une certaine tristesse à ce qu’ellen’y ait pas tout à fait trouvé son compte enCarinthie – on peut supposer alors que« l’Europe centrale » se serait arrêtée aubassin de Klagenfurt, c’est-à-dire quel’Europe balkanique du Sud-Est se seraitétendue si de Martonne avait pu le faire.Notre auteur donne aussi parfois des infor-mations dont la partialité ou l’ambiguïté nepeut être interprétée que dans le sens où ilveut réduire la signification du caractèreallemand et des influences allemandes oudes valeurs n’importe comment. Ou alors cesont simplement des erreurs de négligence ?Pourquoi n’est-il mentionné à proposd’Innsbruck que l’étroite relation avecl’Italie, comme si la bourgeoisie de la villeétait italienne (p. 461) ? Pourquoi affirme-t-on que la colonisation allemande deszones forestières n’a commencé qu’auXIIIe siècle (p. 478), alors qu’en réalité ellea eu lieu dès le XIe siècle et même dans desrégions inhabitées ? Que signifie l’affir-mation (p. 486) que les Tchèques « au-delàdu Danube » constituent un quart de lapopulation du bassin de Vienne (ce qui estévidemment complètement faux !) ? parailleurs, il est tout à fait incorrect d’affirmerque les régions du piedmont alpin n’au-raient pas été des champs de batailles – ceserait mettre cela uniquement sur le comptedu pouvoir et de la politique de l’Etat impé-rial. Que l’impérialisme français gagne icidu terrain de façon répétée et que Aspern (etmalheureusement aussi Wagram) se trou-vent dans la banlieue de Vienne, cela esttranquillement passé sous silence, de mêmeque la manière dont les Français à l’époquese sont conduits envers la Suisse, est hon-teusement retranscrite. (p. 382).

Si déjà l’Autriche doit être courtisée (s’ilelle doit aussi être considérée comme une« quantité négligeable » comme la Hongrie,alors ces deux-là seraient deux postesavancés très importants pour l’Allemagne),alors à plus forte raison, ces états doiventêtre traités par la France avec clémence etdélicatesse, et cela n’est naturellement pos-sible qu’aux dépens des Allemands ou desmagyars. Les frontières étatiques à l’inté-rieur de l’Europe centrale d’après E. deMartonne ne sont-elles pas conformes auprincipe des nationalités, même si ça et làdes anomalies pour assurer les « besoinsvitaux » des nouveaux états ont été pro-posées ? Le remarquable couloir qui partde la Tchécoslovaquie jusque dans lesCarpates roumaines doit bien correspondreà de tels « besoins vitaux » ; ou alors l’in-corporation des Sudètes allemandes dansl’état tchécoslovaque ; la tête de pont dePressburg au bord du Danube ; cela corres-pond aussi à l’organisation de l’état libre deDantzig et du corridor de la Vistule, à pro-pos desquels le débat tout compte fait a étéretiré du volume sur l’Allemagne ? Il estcomplètement faux de comparer la positionde Dantzig avec les ports libres deHambourg et Brême ! Dantzig n’aurait audemeurant par ses liens économiques avecle Pologne que des avantages, elle seraitviable uniquement comme « satellite écono-mique de la Pologne » ; Gdingen (Gdynia)n’aurait que le devoir de le soulager en tantque collaborateur (p. 681, 682, 695) ! Etensuite à nouveau le retour de la menace : àvrai dire la Pologne devrait avoir une libertéde mouvement à Dantzig, sinon le rôle deGdingen (Gdynia) pourrait encore croître !

Il n’est après tout pas étonnant que toutesces mesures en Pologne, en Tchéco-slovaquie et en Roumanie, qui s’érigent enpremière ligne contre les minorités alle-mandes (ou magyares) soient esquissées defaçon biaisée. Elles sont présentées soitcomme une réaction juste et nécessairecontre l’ancienne prédominance des tenta-tives de germanisation et de magyarisation,soit comme une nécessité économique.Mais par ailleurs aucun mot sur le fait

123Grafigéo 2007-33

Annexes

Page 124: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

qu’elles auraient dû a vrai dire selon la loiconcerner des circonscriptions déterminées,cependant unilatéralement tournées contreles Allemands. Ou alors elles sont pré-sentées comme les conséquences du fait quela germanité devrait être conçue en touslieux comme en régression, au vu de la fer-meture de nombreuses écoles allemandes.De Martonne oublie d’indiquer que rien necontribue plus à ce recul que la politiquebrutale des citoyens dominants. L’éradi-cation programmée du caractère allemanddans l’actuelle Pologne est à ce proposcomme on sait le chapitre le plus funeste.

Ou alors on pose le plus grand poids[…]. Le versant ethnographique est àconnaître comme si on ne devait perdre à cepropos qu’un seul mot. Mais la page cultu-relle est aussi tellement clairement tenacequ’elle ne peut pas être entièrement passéesous silence de la part de de Martonne ; ellen’est pas non plus exposée avec toute lalumière souhaitable. Il ne s’agit en aucuncas de la question de la représentation par deMartonne d’un gradient économique pré-pondérant, mais d’un gradient complète-ment général, autant spirituel que matériel.La différence n’est pas soulignée avec laconfrontation entre états agricoles et étatsindustriels. Certes le gradient n’est pas par-tout aussi fort et la différence s’oppose de lamanière la plus frappante quand on établitune comparaison entre le nord-ouest et lesud-est, y compris à propos des phé-nomènes naturels de l’espace centre-européen. Mais que partout, la vie culturel-le, qui est plus élevée au-delà de la limiteculturelle d’abord retenue par Hanslik etensuite explicitée par Hassinger, soit liée àl’efficacité du peuple allemand, aux îlotsallemands plus ou moins importants ouencore à l’ancienne culture du sol allemand,cela est une réalité. Même de Martonne estobligé de le voir, comme le fait ressortir çaet là une petite remarque apparemment insi-gnifiante. Cependant il ne lui vient pas àl’esprit de rendre hommage à la puissanteculture allemande de l’espace danubien. Aquoi bon aussi ? Ni le lecteur français ni lelecteur neutre n’a besoin de le savoir, cela

risquerait peut-être de rendre leur jugementplus favorable envers la puissance alleman-de ou faire briller ça et là un grain de raisonpour les difficultés allemandes. C’est pour-quoi manifestement d’excellentes représen-tations allemandes, qui pourraient entraînerla même chose (par exemple l’ouvrageTchechoslovakei de Hassinger) sont toutsimplement passées sous silence.

En liaison avec tout cela, on trouve enfinla carte en couleur sur les nationalités(p. 540/541). Si elle rend aussi les situationsréelles un peu moins esthétiques, comme lecritiquait F.Metz pour la petite carte duvolume 1, la zone habitée par les Slovènesen Carinthie est surreprésentée, quand elleenglobe Villach avec le lac d’Ossiach etatteint vers le nord le lac de Wörther. Lesîlots linguistiques allemands en Yougoslaviene sont par contre absolument pas relevés.Le caractère allemand en Pologne apparaîtinsignifiant, le « corridor » est entérinécomme une bande transversale largementpolonaise, alors que le caractère allemandde la Prusse orientale est caractérisé commeune petite île allemande dans l’illustrationde la carte (qui est très semblable à une cartedes densités). De meme, le sud de la Prusseorientale est tout simplement représentécomme un territoire de parler polonais ; lecaractère polonais en Silésie apparaît de lamême façon sur un sol allemand, comme sicela correspondait à la réalité. Par- dessustout, cette carte s’arrête de telle façon àl’Ouest que le caractère allemand del’Alsace-Lorraine reste hors du cadre.

Pour résumer brièvement, on peut direque le livre de de Martonne est pour nous unexemple riche d’enseignement sur la maniè-re dont on doit faire de la géographie poli-tique pour répondre aux attentes et auxrevendications de A. Demangeon ; car nous ne pouvons guère accepter queA. Demangeon ne soit pas d’accord sur cepoint avec la production de de Martonne. Làoù commence la politique, pour tous ceuxqui tiennent à la mauvaise paix deVersailles, la science s’arrête ; et ensuite onpeut tout justifier, tout contester, on adapte

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33124

Page 125: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

le mot qui convient à l’époque qui convient,« là où se trouve la politique ou l’économie,il n’y a plus de morale » – cette maxime estaussi valable pour l’Europe centrale de de

Martonne. Par ailleurs, son groupement d’é-tats d’Europe centrale exepté l’Allemagneest très significatif comme la Mitteleuropadu Tchèque Roucek. »

Annexes

Page 126: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33126

Annexe 8 – Carte de l’Europe pendant la Première guerre mondialein Duroselle J.-B., L’Europe de 1815 à nos jours, Nouvelle Clio, p. 1995, p. 178-179

Page 127: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

127Grafigéo 2007-33

Annexes

Annexe 9 – Carte de l’Europe après les traités de paix (1919-1923)in Duroselle J.-B., L’Europe de 1815 à nos jours, Nouvelle Clio, 1995, p. 186-187

Page 128: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33128

Annexe 10 – Carte de la formation du territoire roumainin Foucher M. , Fragments d’Europe,Atlas de l’Europe médiane et orientale

Paris, Fayard, rééd. 1998, p. 165

Page 129: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

129Grafigéo 2007-33

Annexes

Annexe 11 – « Carte ethnographique d’Emmannuel de Martonne »,in La Géographie, vol. XXX, 4, 1915, reprise par Palsky G. (2001), p. 79

Page 130: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 131: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

131Grafigéo 2007-33

Photographies

PHOTOGRAPHIES

Page 132: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 133: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

133Grafigéo 2007-33

Photographies

Annexe 12 - Huit photographies d’Emmanuel de Martonneprovenant toutes du fonds E.H.GO, UMR Géographie-cités, don de Robert Ficheux

Les huit clichés ont tous été pris lors d’un séjour de recherche en Roumanie en 1937. E. de Martonne est recon-naissable à sa posture de géographe de terrain et de géographe-photographe : il porte un béret, une cape et desguêtres (bandes molletières) et ne se sépare pas de son appareil-photographique. [E. de Martonne est signalépar une flèche pleine et Robert Ficheux par une flèche en pointillés.]

Page 134: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33134

Page 135: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

135Grafigéo 2007-33

Photographies

Page 136: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33136

Page 137: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Annexe 13 - Plaques de verre prises par E. de Martonne en Roumanie, dessins et bloc-diagramme sur la Roumanie (fonds UMR PRODIG).

Trois postures d’Emmanuel de Martonne sont présentées ici : 1. Le géographe dans la cité : organisateur d’excursions en Roumanie, parfaitement intégré dans le pays

(plaques EU357 (008), EU357 (015), EU 3551 (003), et EU 3562 (063). 2. Le géographe, professeur en Sorbonne : 2 dessins, 1 diagramme et 1 bloc-diagramme réalisés par

E. de Martonne à des fins d’enseignement (plaques EU350 (040), EU350 (042), EU350 (036), EU350 (012). 3. Le géographe de terrain, chercheur aux centres d’intérêt variés : la géomorphologie, les paysages,

l’ethnographie, les types d’habitat, les activités économiques comme les marchés, les aménagements hydrauliques et industriels (plaques EU3562 (025), EU3562 (004), EU3562 (041), EU357 (011), EU354 (011), EU3562 (057), EU353 (007), EU3512 (024), EU354 ( 11) et EU357 (007).

TTableau récapitulatif des plaques de verres du fonds PRODIG prises par E. de Martonne et présentées ci-dessous

Numéro de plaque

numérisée Légende

Numéro de plaque numérisée

Légende

EU357 (008) Anies, groupe en excursion à Anies

EU3562 (025)

Trascan (région), bordure Est du massif du Bihor, gorge issue du bassin de Trascan

EU357 (015) Ascension à Pietrele Doamnei

EU3562 (004) Remete, paysans de Remete

EU3551 (003)

Hatseg (Bassin), au pied du Retezat, bordure du bassin Hatseg

EU3562 (041) Cacova, Bihor oriental, village de Cacova

EU 3562 (063) Réception à Remete EU357 (011) Maramures, paysannes authentiques à Borsa

EU350 (040)

Carpates méridionales, trois panoramas, dessin E. de Martonne (v. Evol. Alpes Transylva.)

EU3562 (057) Alba Julia, marché à Alba Julia

EU350 (042)

Mont Boresco, Carpates méridionales, deux panoramas : Boresco (haut) et mont du vulcan (G.). Dessins E. de Martonne

EU3512 (024)

Munténie, collines subcarpatiques de Munténie, sonde (à pétrole) en éruption, chantier de …

EU350 (036)

Carpates, Transylvanie, diagramme de la formation des percées fluviales

EU354 (11) Turcs à Ortakioi

EU350 (012)

Roumanie, ressources comparées de l’ancienne Roumanie, de la Transylvanie, du Banat, de la Bessarabie

EU357 (007) Rodna (Maramuros) vers 1921

L’UMR PRODIG possède un fonds de 10 000 plaques de verres quasi complètement numérisées dont environ 270 d’entre elles ont été prises par E. de Martonne lors de ses séjours de recherche en Roumanie.

137Grafigéo 2007-33

Photographies

Page 138: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

EEUU 335577 ((000088))

EEUU 335577 ((001155))

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33 138

Page 139: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

139Grafigéo 2007-33

Photographies

EEUU 33556622 ((006633))

EEUU 33555511 ((000033))

Page 140: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33140

EEUU 33555511 ((000033))

EEUU 335500 ((004422))

Page 141: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

141Grafigéo 2007-33

Photographies

EEUU 335500 ((003366))

EEUU 335500 ((001122))

Page 142: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33142

EEUU 33556622 ((002255))

EEUU 33556622 ((000044))

Page 143: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

143Grafigéo 2007-33

Photographies

EEUU 335577 ((000077))

EEUU 33556622 ((004411))

Page 144: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Grafigéo 2007-33144

EEUU 335544 ((1111))

EEUU 335577 ((001111))

Page 145: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

145Grafigéo 2007-33

Photographies

EEUU 33556622 ((005577))

EEUU 33551122 ((002244))

Page 146: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale
Page 147: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

147Grafigéo 2007-33

Table des matières

Préface de Marie-Claire Robic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Chapitre 1 • Sources et bib l iographie sur Emmanuel de Martonne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

BI B L I O G R A P H I E D ’E M M A N U E L de M A RTO N N E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15ÉC R I TS S U R E M M A N U E L de M A RTO N N E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Par ses contemporains en France et en Allemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25Dans la recherche actuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Chapitre 2 • Emmanuel de Martonne (1873-1955), chef del ’École française de géographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

UN « PAT RO N » D E L A G É O G R A P H I E F R A N Ç A I S E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27Sa formation : agrégation et thèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27Son enseignement : géomorphologie et cartographie . . . . . . . . . . . . . . . 28Ses terrains pr iv i lég iés de recherche : Roumanie et Europe centrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28La « Géographie Universel le » : couronnementd’une carr ière universitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29Son rô le institutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29Son rô le pol it ique de « géographe traceur de frontière » . . . . . . . . . . 29

. . . DA N S U N C O N T E X T E I N T E R N AT I O N A L T E N D U . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Deux écoles de géographie concurrentes :l ’a l lemande et la française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Table des matières

Page 148: Le géographe Emmanuel de Martonne et l'Europe centrale

Emmanuel de Martonne et l’Europe centrale

Les transferts réciproques entre les deux écoles de géographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32Les affrontements sémantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33L’ impact des guerres franco-al lemandes de 1870-1871et 1914-1918 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33Le c l imat d ’ostracisme par rapport aux géographes al lemands sur la scène géographique internationaledans l ’entre-deux-guerres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

E X P E RT-G É O G R A P H E E T CA RTO G R A P H E AU S E RV I C ED E S T R A I T É S D E PA I X (1919-1920) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

E. de Martonne, expert-géographe au Comité d’études . . . . . . . . . . . . . . . . . 34La cartographie au service de la politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38La Roumanie et ses frontières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Chapitre 3 • L’Europe centrale et sa réception en Al lemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

LA GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE (GU) : LE COURONNEMENTD’UNE ŒUVRE UNIVERSITAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

La genèse et la structure de la GU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46Une œuvre très bien reçue en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

L’ANALYSE THÉMATIQUE DU TOME 4 DE LA « GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE » . . . . . . . . . . . . . . . 50Le concept d’Europe centrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50La définition d’Europe centrale pose toujours problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Le concept de frontière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54Le concept de région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58Le concept de peuplement et de nationalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58La cartographie dans la GU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

LA RÉCEPTION DU TOMME 4 DE LA GU EN ALLEMAGNE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67Une méthode : l’analyse bibliométrique d’un corpusde revues allemandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67Les résultats : points de contacts et points de conflits . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Résumés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

Dépôt légal - Décembre 2007