Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les … · 2009. 7. 8. · Le...

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CEFI Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs Dossier en ligne sur notre site, dans l’espace réservé : http://www.cefi.org CEFI - 7 Rue Lamennais - 75008 PARIS - Tél : 01 42 89 15 73 - Juillet 2008 9 juillet 2008 Manifestation organisée par le CEFI Réseau CEFI - ECOLES

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    Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs

    Dossier en ligne sur notre site, dans l’espace réservé : http://www.cefi.org

    CEFI - 7 Rue Lamennais - 75008 PARIS - Tél : 01 42 89 15 73 - Juillet 2008

    9 j u i l l e t 2 0 0 8Manifestation organisée par le CEFI

    Réseau

    CEFI -

    ECOL

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    SOMMAIRE

    Introduction : Pourquoi cet intérêt renouvelé pour l’autonomie ? 5

    L’autonomie : une notion complexe 8

    • L’autonomie : un terme d’usage courant dans de nombreux domaines 8• Rappel de l’étymologie du mot 9• L’autonomie chez les philosophes (source : Encyclopoedia Universalis) 10• Quelques dimensions de l’autonomie à travers divers courants 11

    La communication de Jérôme Eneau sera intégrée dans le dossier final en ligne sur notre site

    L’autonomie dans la sphère du travail 13

    • L’injonction d’autonomisation dans le monde du travail. Jérôme Eneau 14• L’autonomie, variable sociable dont on peut mesurer la progression

    (extrait d’un ouvrage réalisé sous la responsabilité de Michel Liu) 16• L’autonomie dans le travail : une notion ambiguë

    (extrait d’une communication de Philippe Perrenoud) 17• L’autonomie dans le travail des cadres (et des ingénieurs (

    (résultats de l’enquête TEQ-Cadres réalisée en 2002 par la CFDT Cadres) 19

    L’autonomie : compétence clé dans les discours sur la société de la connaissance 23

    • Le projet DeSeCo de l’OCDE 23• Les compétences clés recommandées par le parlement et le conseil européens 24

    L’autonomie de l’élève dans la littérature spécialisée 28

    • Sélection d’articles visant à préciser le sens de l’autonomie dans le contexte de l’éducation 28 à 33

    L’autonomie dans les instructions officielles (collèges, lycées, IUT, Classes prépas) 34

    -

    du travail indépendant à l’autonomie érigée en compétence majeure dans le socle

    commun des connaissances et compétences

    Construire la véritable autonomie : un défi pour les éducateurs 41

    • Extrait du petit dictionnaire personnel de Philippe Mérieu

    L’autonomie des étudiants vue par les enseignants 43

    • source : enquête menée à l’université Joseph Fourier

    E

    CLAIRER

    LA

    NOTION

    D

    AUTONOMIE

    L’

    AUTONOMIE

    DANS

    LE

    CHAMP

    DE

    L

    ÉDUCATION

    ET

    DE

    LA

    FORMATION

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    Les pédagogies de l’autonomie dans les formations d’ingénieurs 46

    Comment développer l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs ? 49

    • Laurent Perier Camby, responsable des relations entreprises, Mines de St-Etienne 49• Jacques Fayolle, directeur adjoint, ISTASE St-Etienne 53• Bernard Permanne, directeur de l’enseignement, ISA Lille 58

    Comment coacher l’apprentissage des étudiants ? Comparaison de dispositifs 62

    • Caroline Verzat, Centrale Lille

    La démarche de positionnement : une démarche agissant sur le processus d’autonomisation des élèves 73

    • Morgane Le Goff, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique

    Regard croisé

    La conduite autonome des étudiants dans une école de management : des expressions contrastées 83

    • Alain Bernard, directeur du CFA ESSEC, professeur au département management

    Comment promouvoir l’autonomie en école d’ingénieurs ? 92

    • Caroline Verzat, Rémi Bachelet, Centrale Lille

    L’autonomie chez les futurs ingénieurs : de quelques évidences aux conditions de son développement. Réflexions à partir de l’analyse de réunions de jurys de VAE 103

    • Jean-François Métral, ENESAD Dijon

    Qu’est-ce qu’accompagner les étudiants vers plus d’autonomie ? 110

    • Raphael Bary, ENSGSI Nancy

    La recherche de la flexibilité en formation 117

    • Annie Jézégou, Mines de Nantes

    Le défi pour les enseignants de l’enjeu de l’autonomie individuelle 125

    • Ludovic Bot, ENSIETA

    Le processus d’autonomisation du jeune adulte. Analyse comparée en Europe 130

    • extrait d’un travail de recherche de Cécile Van de Velde

    Les capacités en jeu dans le processus d’autonomisation 132

    • Extraits de communications

    L

    E

    DÉVELOPPEMENT

    ET

    L

    APPRENTISSAGE

    DE

    L

    AUTONOMIE

    DANS

    LES

    ÉCOLES

    D

    INGÉNIEURS

    -

    COMMUNICATIONS

    DES

    INTERVENANTS

    A

    PPORTS

    COMPLÉMENTAIRES

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    OURQUOI

    CET

    INTÉRÊT

    RENOUVELÉ

    POUR

    L

    AUTONOMIE

    ?

    L’apprentissage de l’autonomie, au sens de l’acquisition d’une autonomie personnelle, apparaîtdepuis longtemps comme un impératif pour les formations supérieures, qui visent à préparer leursdiplômés à l’exercice de responsabilités professionnelles de haut niveau, impliquant capacitéd’initiative et esprit critique.

    Cette exigence porte naturellement sur la capacité des futurs diplômés en situation professionnelleà analyser seuls un problème, à acquérir spontanément les nouvelles connaissances apparaissantutiles pour mettre en oeuvre des solutions adaptées et à évaluer l’efficacité de leur intervention.Mais elle s’étend également à la capacité de faire face à des situations inédites, complexes,impliquant une prise d’initiative rapide.

    Les institutions d’enseignement supérieur évoluent aujourd’hui dans un nouveau contexte qui lesincite à revisiter ces objectifs et à s’interroger sur le rôle qu’elles tiennent dans l’autonomisationdes jeunes qui leur sont confiés.

    Cet intérêt nouveau est à rechercher dans plusieurs évolutions majeures :

    Le monde professionnel exprime une attente plus forte d’autonomie de ses ingénieurs et

    cadres en élargissant le champ de leurs responsabilités

    La recherche d’efficience, dans un contexte économique aléatoire, est à l’origine de profondesévolutions dans le monde professionnel (obligation de réactivité, de flexibilité,…) qui impliquentune prise constante d’initiatives en contexte mal connu (missions à l’étranger), et tendent pluslargement à renvoyer à l’individu la responsabilité d’entretenir de manière permanente sonportefeuille de compétences , de prendre son avenir en main (son projet professionnel) et d’assurerau fond son employabilité.

    Une demande plus générale liée au passage à une société de la connaissance où tous les

    acteurs sont appelés à devenir des apprenants autonomes

    Comme le montrent toutes les réflexions prospectives conduites sur le sujet, le grand enjeu duXXIème siècle est de réussir le passage à une société "cognitive", à une société qui saura investirdans l’intelligence, dans laquelle les capacités d’apprendre et la maîtrise des savoirs fondamentauxsitueront de plus en plus les individus par rapport aux autres.

    Cet enjeu, comme le développent les travaux de l’OCDE et de la commission européenne,implique une mobilisation en profondeur de l’individu, plus particulièrement sans doute de ceuxqui appartiennent à la population des "manipulateurs de symboles".

    "Il s’agit de développer au-delà des compétences liées à l’emploi, des attitudes nouvelles demobilisation personnelle, d’autonomie dans le travail, de prise d’initiative, voire de risque. Il fautsurtout démontrer sa capacité à apprendre, et à apprendre par soi-même".

    Tous les acteurs de la vie sociale (individus, organisations) sont appelés à devenir apprenants.

    Le projet d’autonomie s’inscrit ici dans la perspective d’une véritable éducation tout au long de lavie.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs

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    Les étudiants témoignent d’une forte aspiration à une plus grande liberté dans la

    construction de leur parcours de formation alors qu’ils éprouvent des difficultés à

    "penser" leurs choix et leurs décisions

    L’enseignement ne peut faire autrement que de prendre en compte l’aspiration des étudiants à uneplus grande liberté dans la construction de leur parcours de formation; cette aspiration s’inscritdans une logique de développement et d’épanouissement personnel, une recherche de "sens".

    Les institutions doivent donc proposer à leurs élèves de nouveaux cadres pour répondre à leursbesoins de personnalisation et envisager l’autonomie comme le fondement d’un apprentissageconçu sur le développement de l’apprenant en tant que personne.

    Faire de l’autonomie une préoccupation d’apprentissage conduit donc à créer des situations danslesquels l’étudiant sera confronté à des problèmes lui demandant de prendre progressivement deplus en plus d’initiatives et de responsabilités.

    Cette ouverture des formations constitue un changement de paradigme qui nécessite unaccompagnement des étudiants qui ont souvent des difficultés à "penser" leurs choix et leursdécisions,et représente un défi pour les enseignants.

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    E

    CLAIRER

    LA

    NOTION

    D

    AUTONOMIE

    Avant d'aborder les questions concrètes posées par l'objectif de développement de l'autonomie enformation, il nous est apparu nécessaire de tenter d'appréhender cette notion en relevant dans lalittérature quelques éléments susceptibles d’en révéler les nombreuses représentations etdimensions.

    Lors de la manifestation du 9 juillet, Jérôme Eneau, maître de conférence à l’ISPEF, institut dessciences et pratiques d’éducation et de formation, apportera son éclairage tiré de ses travaux derecherche dans le domaine de l’auto-formation et de la formation des adultes.

    Son intervention sera intégrée dans la version finale de ce dossier.

    L’autonomie, une notion complexe 8

    L’autonomie dans la sphère du travail 13

    L’autonomie compétence clé dans les discours sur la société de connaissance 23

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 8

    L’autonomie: une notion complexe

    1 L’autonomie: un terme d’usage courant dans de nombreuxdomaines

    Quelques définitions tirées de dictionnaires révèlent l’extrême diversité de sens attachée à ceterme.

    • Petit Larousse

    "Indépendance d’un individu, possibilité qu’il a de disposer librement de soi."

    • "Grand Dictionnaire des Synonymes et des Contraires" de Larousse

    Les synonymes de l’autonomie sont : "Capacité à être indépendant", "indépendance, liberté,souveraineté".

    Les contraires sont : "asservissement, dépendance, soumission".

    • Grand dictionnaire terminologique :

    Administration publique:

    autonomie: Faculté de s'administrer librement dans un cadre déterminé. Ex.: Autonomiefinancière, universitaire.

    autonomisation: Processus par lequel des employés d'une organisation acquièrent la maîtrise desmoyens qui leur permettent de mieux utiliser leurs ressources professionnelles et de renforcer leurautonomie d'action.

    Economie:

    autonomie: Type d'économie dans laquelle la production d'un pays (ou d'une région) suffit à laconsommation de ses habitants.

    Education:

    autonomie: Organisation scolaire telle que les écoliers participent, dans une mesure plus ou moinsgrande, au choix des matières enseignées et à la discipline générale de l'école, de manière àapprendre à se gouverner eux-mêmes.

    Gestion:

    autonomie: Régime sous lequel un établissement d'enseignement ou une autorité locale disposedu pouvoir maximal d'initiative pédagogique ou de gestion.

    autonomisation: Fait de conférer à une personne ou à un groupe de personnes (collectivité ouorganisation) le pouvoir et la respectabilité nécessaires pour agir avec autonomie dans unesituation donnée.

    Psychologie:

    autonomie

    Ensemble des habiletés permettant à une personne de se gouverner par ses propres moyens, des'administrer et de subvenir à ses besoins personnels.

    Capacité et droit d'une personne à choisir elle-même les règles de sa conduite, l'orientation de sesactes et les risques qu'elle est prête à courir.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 9

    Comportement d'un individu qui n'obéit qu'aux lois qu'il s'est données lui-même, ou aux loisdont il a compris et accepté la valeur.

    Sociologie:

    autonomie: Possibilité pour une personne, d'effectuer sans aide les principales activités de la viecourante, qu'elles soient physiques, mentales, sociales ou économiques, et de s'adapter à sonenvironnement.

    autonomisation: Le processus par lequel une personne, ou un groupe social, acquiert la maîtrisedes moyens qui lui permettent de se conscientiser, de renforcer son potentiel, et de se transformerdans une perspective de développement, d’amélioration de ses conditions de vie et de sonenvironnement.

    Travail

    autonomie: Degré de liberté que possède une personne, une organisation

    Degré auquel un handicapé est capable de s'occuper seul de ses propres affaires, et qui, parconséquent, aide à déterminer le degré auquel il pourvoira seul à son autonomie fonctionnelle,sociale et économique

    • Dictionnaire de la langue philosophique

    A. Condition d’une société politique s’administrant elle-même. L’autonomie absolue constitue lasouveraineté.

    B. Condition des individus, des collectivités, ou des institutions jouissant d’une certaineindépendance vis-à-vis de l’autorité extérieure ou de l’autorité centrale. L’autonomie financière dela commune. Tout détenteur de l’autorité doit avoir une certaine autonomie.

    C. Autonomie de la volonté (morale Kantienne) : caractère de la volonté qui se détermine par purrespect de la loi édictée par la raison pratique et indépendamment des intérêts de ce que la loiordonne. Contraire: hétéronomie (ne s’emploie qu’au sens moral).

    Cette introduction fait apparaître la grande difficulté de l’abord de la notion d’autonomie, quiimplique de toujours bien préciser à la fois le contexte mais aussi les activités dans lesquels il yest fait référence.

    2 Rappel de l’étymologie du mot

    Face à la profusion de sens et d’usages de l’autonomie, rappelons l’étymologie du mot.

    Il est formé à partir de deux racines grecques: "auto" qui signifie "soi-même et" "nomos" quisignifie "loi" ou "règle".

    D’après son étymologie, ce mot signifie donc "qui se donne lui-même ses lois".

    Si l’autonomie est le fait de se conduire d’après une loi venue de soi, il faut, pour être autonome d’unepart, avoir fait l’expérience de la loi (nomos) et, d’autre part, s’être constitué un “soi-même” (autos)(Aline Giroux, la crise éducative: trajectoires de renouvellement).

    "C'est le terme nomos qui donne tout son sens au terme et au projet d'autonomie. Etre autonome, pourun individu ou une collectivité, ne signifie pas faire ce que l'on désire ou ce qui nous plaît sur l'instant,mais se donner ses propres lois." (Castoriadis, 1997:1998).

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 10

    3 L’autonomie chez les philosophes (source: EncyclopoediaUniversalis)

    La notion d’autonomie trouve son origine dans la politique où elle signifie le droit pour un Etatde se régir d’après ses propres lois.

    "C’est le sens que lui ont donné les historiens grecs: Thucydide parle d’un peuple qui se soulèvepour obtenir son indépendance et Xénophon des béotiens qui cherchaient à se rendre autonomespar rapport aux Thébains".

    Ainsi qualifiée cette notion ne se confond pas avec la souveraineté mais doit être rapprochée de lasuffisance ou de l’autarcie (idée basée chez Platon sur le contraste qu’il établit entre les cités qui sesuffisent à elles-mêmes et celles qui dépendent en toutes choses des autres…).

    C’est de la philosophie que nous vient la notion d’autonomie appliquée au "sujet", à la "personnehumaine".

    • autonomie et bonheur aristotélicien

    Avec Aristote, la notion, qui jusqu’ici ne s’applique qu’à des relations politiques, concernel’individu humain et l’objet que les individus visent dans la recherche du bonheur: le Bien qui "estce qui par soi seul rend la vie digne d’être vécue et délivre de tout besoin" (rend autonome).

    • autonomie et liberté stoïcienne

    C’est dans la pensée stoïcienne que l’autonomie prend son expression la plus achevée, basée sur ladistinction entre les choses qui sont "en notre pouvoir" et celles qui "n’en dépendent pas".Pour lesstoïciens, l’autonomie du sujet se situe au niveau du jugement, si l’on entend ainsi la capacité deprévoir et la capacité de choisir.

    "À partir de cette double capacité, chacun peut construire sa propre personnalité, qui constitue ledernier et le plus solide retranchement, le for intérieur. Ayant ainsi conquis la libre disposition desoi, le "sujet", selon Épictète, ne prend ses consignes et ne rend de comptes qu’à lui-même: il estdonc, au sens littéral, autonome.

    Cette indépendance, que nous pouvons atteindre par l’usage que nous pouvons faire de notrecapacité de juger, ne doit pas être confondue avec l’absence de toute détermination..."

    • autonomie de la volonté et respect kantien

    "Avec le mouvement des lumières l’autonomie s’enrichit d’un apport: le sage se rendait autonomedans la mesure où il parvenait à se soustraire aux contraintes extérieures, pour se placer lui-même,et par une décision de son propre jugement, sous l’autorité de la loi naturelle (confondue avecDieu lui-même, ou bien présentée comme un ensemble de dispositions psychologiques)".

    La loi est un donné devant lequel doit s’incliner la volonté individuelle.

    L’autonomie kantienne est d’abord obéissance dans la mesure où le sujet n’accède à l’autonomiequ’à la condition d’être premièrement respectueux de la loi.

    "l’autonomie de la volonté est le principe unique de toutes les lois morales et des devoirs qui y sontconformes... "

    "Mais la réflexion sur cette loi qui nous prescrit d’être libres, qui nous ordonne de nous affranchirde toutes les déterminations nous enseigne que la loi et la liberté sont une seule et même chose.

    La pensée rationaliste nous enseigne à distinguer bonnes et mauvaises lois: les premières étantvoulues par et pour des sujets libres, tandis que les secondes sont des moyens d’oppression, parlesquelles les forts cherchent à abuser des faibles.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 11

    L’autonomie apparaît alors non plus seulement comme la capacité d’agir selon loi, ou par lerespect de la loi mais de se donner soi-même sa propre loi, retrouvant ainsi l’idée relevée chez leshistoriens grecs".

    Selon Kant, face à une situation donnée, un individu est autonome, si, réfléchissant à sa conduite,il choisit volontairement et librement de se comporter de la façon qu’il juge être universellementla meilleure.

    Dans tout autre cas (si, par exemple, il suit les ordres qu’il a reçus, s’il obéit à la loi, s’il se conformeà son désir, etc.), il se comporte de façon hétéronome.

    4 Quelques dimensions de l’autonomie à travers divers courants

    • L’autonomie sociale: une autonomie conçue dans la relation aux autres

    La notion d’autonomie est également présente en sociologie.

    Cette question est traitée notamment par Durkheim dans son rapport à la morale.

    Selon Durkheim, l’éducation morale est la contrainte la plus efficace de la société sur ses membresmais loin d’être un dressage, elle doit faire appel à l’autonomie de la volonté, mais une autonomiequi, loin d’être exclusivement fondée sur l’individu (cf. Kant), relève d’une exigenced’intériorisation des raisons pour lesquelles l’individu est attaché au groupe.

    Plus récemment, Alain Touraine intègre implicitement l’autonomie dans la définition qu’il donne,en 2005, du sujet: "Ce que je nomme sujet, est l’affirmation, dont les formes sont changeantes, de laliberté et de la capacité des êtres humains de se créer et de se transformer individuellement etcollectivement".

    Pour Edgar Morin "L'autonomie n'est plus une liberté absolue émancipée de toute dépendance, maisune autonomie qui dépend de son environnement, qu'il soit biologique, culturel ousocial…l'autonomie est possible non pas en termes absolus mais en termes relationnels et relatifs"

    "Sur le plan social, la question de l’autonomie touche à toute l’organisation de la société en posant leproblème des rapports de l’individuel et du collectif et celui de l’équilibre à établir entre intérêt etréussite individuels et responsabilités collectives".

    Ces définitions de l’autonomie conçues dans la relation aux autres se distinguent del’indépendance.

    • L’autonomie affective

    Sur le plan psychologique, la question de l’autonomie recoupe celle de la construction de lapersonnalité "adulte".

    Certains auteurs (Hoffmans-Grosser, Moyne, Guindon) ont défini le concept d’autonomieaffective pour caractériser l’autonomie. Pour ces auteurs, l’affectivité donne à l’autonomie le statutspécial qui distingue l’être humain: son indépendance vis-à-vis des objets qui l’entourent est coloréepar sa sensibilité.

    Le concept d’autonomie affective s’appuie sur une vision très élargie suivant laquelle les affects liés à lanotion d’autonomie sont en rapport étroit avec les structures mentale et affective qui influencent notrefaçon d’aborder les choses de la vie et de faire retour sur elles.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 12

    Cette autonomie ne se limite pas aux émotions et aux sentiments, mais intègre d’autres attributs telsque la confiance en soi.

    L’autonomie est donc bien plus qu’une simple indépendance décisionnelle; c’est aussi la confiancequi accompagne l’exercice de nos décisions.

    Moyne attribue à l’autonomie affective la capacité de créer des liens et d’établir des relations sansdépendance. Dans cette optique, l’autonomie serait la formation de la personnalité autant affectiveque cognitive et, sans cet équilibre, on ne pourrait parler d’autonomie.

    • L’autonomie cognitive

    L’approche socio-constructiviste de l’apprentissage s’est intéressée à un aspect de l’autonomie quiest devenu un enjeu essentiel du système éducatif: la construction du savoir, son appropriation parle sujet.

    La dimension cognitive de l’autonomie renvoie à la liberté laissée aux "apprenants" de rechercher,sélectionner, exploiter des informations ou procéder à des expérimentations pour construire sonsavoir.

    L’autonomie intellectuelle consiste en ce qu’Angers (1990), à la suite de Lonergan (1958), appellel’appropriation personnelle de la capacité de penser, c’est-à-dire, la responsabilité personnelle de sessavoirs. Il s’agit d’une élaboration réfléchie et critique de soi-même, élaboration qui a pris le tempsd’établir les connaissances acquises sur des raisons communicables et qui, de ce fait, est ouverte à ladiscussion avec les autres (Angers, 1990).

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 13

    L’autonomie dans la sphère du travail

    Dès lors que les écoles d’ingénieurs ont pour mission de former des professionnels pourl’entreprise (au sens large), il nous semblait intéressant de mieux comprendre à quellesdéfinitions de l’autonomie renvoyait le milieu professionnel à travers plusieurs contributions.

    - une contribution de Jérôme Eneau analysant le faisceau de circonstances qui

    fondent un discours managérial appelant à plus de liberté d’action couplée à

    une responsabilité plus grande des salariés

    - une recherche-action sur l’utilisation du concept d’autonomie qui propose

    une définition de l’autonomie en tant que variable sociale et une mesure de la

    progression de l’autonomie

    - une communication de Philippe Perrenoud qui relève les sources

    d’ambiguïté de la notion d’autonomie dans le travail

    - les résultats d’une enquête réalisée en 2002 par la CFDT Cadres auprès de

    6500 cadres qui analyse, entre autres questions, la perception que les cadres

    ont de l’autonomie dans l’exercice de leur fonction.

    L’injonction d’autonomisation dans le monde du travail -

    Extrait de l’ouvrage de Jérôme Eneau: "La part d’autrui dans la formation de soi"

    14

    L’autonomie, variable sociable dont on peut mesurer la progression

    Extrait d’un ouvrage écrit sous la responsabilité de Michel Liu: fondements et pratiques de la recherche action

    16

    L’autonomie dans le travail: une notion ambiguë

    Extrait d’une communication de Philippe Perrenoud: "L’autonomie au travail: déviance déloyale, initiative vertueuse ou nouvelle norme?"

    17

    L’autonomie dans le travail des cadres (et des ingénieurs)

    Résultats de l’enquête TEQ-Cadres réalisée en 2002 par la CFDT Cadres

    19

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 14

    1 L’injonction d’autonomisation dans le monde du travail

    Source: "La part d’autrui dans la formation de soi: autonomie, autoformation et réciprocité encontexte organisationnel" paru aux éditions l’Harmattan - 2005 - Jérôme Eneau

    En situation de travail, l'injonction "soyez autonome" trouve une réponse croissante dans desperspectives d'autoformation valorisant l'individualisme et le "chacun pour soi". Prenant lecontre-pied de cette vision réductrice de l'autoformation, Jérôme Eneau introduit la notion deréciprocité comme voie alternative d'une autonomie qui se construirait "par et avec les autres".

    Avant de développer sa théorie, il analyse les circonstances à la fois conjoncturelles, managérialeset technologiques qui fondent un discours managérial appelant à plus de liberté d'action pour lessalariés mais également à une responsabilité plus grande de chacun dans la prise en charge de sonévolution.

    Jérôme Eneau, relève ainsi trois évolutions majeures appelant à cette demande croissanted'autonomie.

    • Le renouvellement accéléré des savoirs et des compétences

    La préoccupation du renouvellement accéléré des savoirs et des compétences a profondémentchangé la place de la formation dans la gestion des ressources humaines.

    La formation visant l'adaptation progressive aux changements par une simple transmission decontenus à l'échelle de l'organisation a été supplantée par le besoin d'un apprentissage permanent,à travers le défi d'une demande de formation continue tout au long de la vie.

    Aujourd'hui, ce processus est largement dévolu à l'individu lui-même, en termes de responsabilitésur sa propre employabilité, et fait peser un poids nouveau sur les épaules d'individus qui n'ontsouvent pas été formés ou préparés à porter cette responsabilité d'être ainsi toujours "adaptés" auxbesoins du marché du travail.

    En parallèle, au niveau collectif, cet impératif d'une gestion globale des connaissances se reflètenotamment à travers les notions "d'organisation apprenante", "d'organisation intelligente" ouencore de "gestion prévisionnelle des compétences".

    • Les changements au niveau managérial

    L'accent mis sur l'adaptabilité et la flexibilité des structures en réponse à la complexité croissantedes situations de travail demandant réactivité, créativité et capacité d'initiative, introduit desbouleversements dans l'organisation elle-même tant au niveau des structures que du rôle desacteurs.

    Les nouvelles politiques de management entraînent la diminution des niveaux hiérarchiques et laréorganisation du travail autour d'équipes autonomes et de projets en réseaux coopératifs, ce quisuppose en retour, au niveau individuel, la décentralisation des responsabilités et uneautonomisation accrue des individus et des équipes.

    Cette adaptabilité des structures s'accompagne d'un déplacement des formes classiques decontrôle, incitant les salariés à plus d'implication, de participation dans les décisions, et donc àplus de prise de risque, d'initiative et d'innovation, mais aussi d'appropriation des contraintes del'organisation au niveau de chacun.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 15

    Ce processus d'autonomisation n'est pas exempt de dangers pour l'individu lui-même. Portant lesgermes d'un stress plus grand et d'une intériorisation plus forte du contrôle, cette vision del'autonomie ne signifie donc pas nécessairement "desserrement des contraintes".

    Aujourd'hui, une nouvelle approche de l'autonomie s'inscrivant dans une vision "autonomie-coopération" (au contraire d'une vision "autonomie-indépendance") tente de relever le défi d'uneautonomisation et d'une responsabilisation réussies. Selon plusieurs études en gestion et ensociologie du travail, elle nécessiterait:

    - un enrichissement véritable des tâches

    - l'octroi d'un plus grand périmètre de décision

    - une plus grande confiance dans la capacité individuelle et collective à résoudre les problèmes

    - enfin, une capacité de coopération accrue de la part de l'ensemble des acteurs.

    • Les changements au plan technologique

    Les évolutions technologiques ayant accompagné les changements au plan managérial ontmodifié, tout au long des dernières décennies, la conception de l'autonomie des acteurs. Elles ontmême renforcé le changement de paradigme, en gestion, passant d'une vision stratégique del'autonomie (comme liberté "à la marge" du système), à une vision managériale de cetteautonomie (cette autonomie devenant un "facteur de succès").

    De manière schématique, le partage des responsabilités techniques s’est fait:

    - en partant, dans les années 70, d'une structure pyramidale, avec contrôle hiérarchique et faibleautonomie des salariés, reflétée par la centralisation des gros ordinateurs

    - en acceptant au cours des années 80 un déplacement progressif de l'exercice du contrôle et del'autonomie au niveau individuel, avec l'apparition de la micro-informatique et des premiersréseaux locaux

    - en allant enfin dans les années 90, vers une autonomie et une interdépendance croissantes, avecl'arrivée d'Internet, Intranet et la mise en réseau (interne et externe) des individus et desressources. Cette évolution implique donc aujourd'hui de nouvelles manières de mutualiser lesconnaissances, de partager le savoir et de travailler ensemble.

    Ces trois niveaux de changements interagissent et se renforcent conjointement, nécessitant à la foisune autonomie croissante des individus pour l'acquisition des savoirs comme pour l'exercice dutravail, mais aussi de nouvelles manières de construire collectivement l'apprentissage del'organisation toute entière.

    L'apprenant, en situation de travail, se trouve ainsi placé face à de nouveaux défis, sommé deconstruire lui-même son propre avenir professionnel et sa propre employabilité, tant en étant co-responsable de l'apprentissage de l'organisation dans son ensemble et co-gestionnaire du savoir dela collectivité.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 16

    2 L’autonomie, variable sociable dont on peut mesurer la progression

    Source: Fondements et pratiques de la recherche action - Michel Liu - L’Harmattan - 1997

    Dans cet ouvrage qui consacre un chapitre à l’étude par un groupe de chercheurs-acteurs del’utilisation du concept d’autonomie par un groupe d’ouvrières, nous avons relevé plusieursdéfinitions susceptibles d’éclairer notre compréhension.

    • une définition de l’autonomie qui se rapporte aux conditions objectives del’exercice de l’autonomie

    Une référence est ainsi faite à Turner et Lawrence qui définissent l’autonomie au poste de travail àtravers les possibilités pour l’employé de choisir sa méthode de travail, la séquence de ses tâches,sa cadence, ses déplacements hors du poste de travail etc...

    Une référence également à Dubois, Durand, Chave, Lemaître qui définissent de mêmel’autonomie ouvrière à travers des indicateurs tels que l’influence sur la qualité, la liberté dans leshoraires, la liberté à l’égard du commandement etc...

    Il s’agit là d’une autonomie octroyée ou au moins déterminée par les contraintes de la situation,telles que la technologie, les structures ou l’organisation.

    • une définition de l’autonomie en tant que variable sociale

    L’autonomie d’une personne ou d’un groupe est alors définie comme la capacité d’une personneou d’un groupe à prendre en charge son évolution propre à travers la réalisation des objectifs qu’ilse fixe, compte tenu des ressources et des contraintes présentes dans la situation où il se trouve.

    • une mesure de la progression de l’autonomie

    Faisant le constat que la mesure de l’autonomie en terme de comportement terminal étaitinsuffisante (en considérant qu’un individu ou un groupe qui réussit à atteindre un objectif qu’ils’est fixé fait preuve d’autonomie), le groupe de chercheurs a alors défini trois critèresd’accroissement d’autonomie

    - la prise en compte de la durée: un groupe est d’autant plus autonome qu’il est

    capable de poursuivre des objectifs dont la réalisation est plus lointaine dans le

    temps

    - la prise en compte de la complexité: un groupe est d’autant plus autonome qu’il

    est capable de mettre en oeuvre un nombre de facteurs plus élevé pour obtenir un

    résultat

    - l’acceptation d’un risque plus grand: un groupe fait preuve d’une autonomie

    d’autant plus grande qu’il accepte d’engager des actions comprenant un risque

    plus élevé

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 17

    3 L’autonomie dans le travail: une notion ambiguë

    Extrait d’une communication de Philippe Perrenoud - "L’autonomie au travail: déviance déloyale, initiative vertueuse ou nouvelle norme?"

    Version intégrale: http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2000/2000_02.html

    S’inspirant de son analyse du métier d’enseignant, Philippe Perrenoud tente de montrer quel’autonomie dans le travail est partout une source d’ambiguïté, et relève plusieurs raisons de cetteambiguïté.

    Perrenoud adopte tout d’abord la définition de Chatzis de l’autonomie dans le travail.

    "L’autonomie dans le travail est la capacité d’un sujet (individuel ou collectif) de déterminer librementles règles d’action auxquelles il se soumet, de fixer, à l’intérieur de son espace d’action, les modalitésprécises de son activité, sans qu’un extérieur (ici l’organisation formelle) ne lui impose ses normes".

    Il rappelle ensuite que l’autonomie est pour une part conquise contre l’organisation, en étant enmême temps une condition de son fonctionnement, citant une nouvelle fois Chatzis

    "L’autonomie des acteurs se loge dans l’écart constaté

    - entre la norme (imposée par l’organisation) et l’action située de l’opérateur (et de

    l'équipe),

    - entre travail prescrit (travail prédéfini par l’ingénieur-concepteur) et travail réel".

    Perrenoud relève alors plusieurs sources d’ambiguïté autour de la notion d’autonomie dans letravail

    • Le travail salarié, une dépendance concédée à regret

    La première raison de l’ambiguïté fondamentale de l’autonomie dans le travail est qu’elle divise lesacteurs dès lors que s’affrontent, dans l’organisation du travail comme dans son exercicequotidien, stratégies d’autonomisation et stratégies de contrôle.

    • Le rapport entre autonomie et expertise

    La seconde source d’ambiguïté est le rapport entre autonomie et expertise.

    Les professionnels qui se réclament d’un certain niveau d’expertise, se réclament également d’uncertain niveau d’autonomie.

    La difficulté est que le juste rapport entre le degré d’autonomie et le degré d’expertise est l’enjeu decontroverses dans le monde du travail. C’est d’autant plus vrai que le problème est de moins en moinsréglé par l’échelle des qualifications, compte tenu des transformations rapides des méthodes deproduction et de la tendance à une gestion des ressources humaines en fonction des compétencesindividuelles plus que des diplômes et des classements

    • Jouer avec les règles pour atteindre les objectifs

    Une troisième source d’ambiguïté tient au double message qu’envoient la plupart des organisations àleurs salariés : il faut respecter les règles… aussi longtemps que cela ne nuit pas au rendement.

    On "sait gré" aux salariés de jouer parfois avec des prescriptions, écrites pour le meilleur desmondes.

    • Autonomie, identités et sens de la vie

    Une autre source d’ambiguïté est que, dans notre société, la valeur humaine se mesure à la part de

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 18

    création qu’on assume et qu’il faut à cette fin disposer d’une certaine autonomie dans le travail etêtre reconnu comme sujet capable de penser par soi-même et de décider, en connaissance de cause, dumeilleur cours à donner à l’action.

    A ces conditions, le travail peut être source d’identité et de sens de la vie.

    Comme le montrent Clot (1995) et Jobert (2000 b), "c’est dans l’écart entre le travail prescrit et letravail réel que se manifeste la " présence humaine " dans le travail, la part d’individualité et decréativité de la personne, son caractère irréductible aux procédures et aux machines, ses compétences,son " intelligence au travail ".

    • L’autonomie prescrite, un paradoxe

    La dernière source d’ambiguïté est l’émergence de nouvelles formes d’autonomie accompagnantles évolutions - récentes - de l’organisation du travail.

    L’autonomie dans le travail est transformée en mot d’ordre: "Soyez autonome".

    Dans un contexte d’affaiblissement de la part prescrite du travail dans certains secteurs et pourcertains niveaux de qualification (niveau exécutant), on passe ainsi, dans une partie des tâches,d’une autonomie conquise par les salariés comme écart au travail prescrit:

    - à la prescription paradoxale de l’autonomie et de l’initiative assignée par

    l’organisation du travail qui leur dit, en quelque sorte " Débrouillez-vous ! "

    - à une autonomie qui ne passe pas par l’isolement, l’autarcie, mais au contraire la

    mise en réseau et la coopération (Zarifian, 1999).

    L’obligation de résultats (en qualité et quantité) se substitue à l’obligation de moyens.

    Le point focal du changement est que les entreprises ne demandent pas seulement aux salariés demieux s’auto-organiser, de prendre en charge des régulations que la hiérarchie est mal placée pouropérer, de combiner de manière souple des tâches dont la coordination est difficile à programmer, bref,de mettre de l’huile et de l’intelligence dans le déroulement technique des tâches. Elles leur demandentaussi et surtout de s’impliquer autrement, de s’engager dans le travail, et particulièrement dans letravail collectif, coopératif, c’est-à-dire - en général - de modifier leur attitude à l’égard de celui-ci.(Weltz, 1999, p.17-18).

    4 L’autonomie dans le travail des cadres (et des ingénieurs)

    Source: enquête TEQ-Cadres réalisée en 2002 par la CFDT Cadre

    Le diplôme d’ingénieur atteste d’un niveau de compétences qui permet à ses titulaires de bénéficier

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 19

    d’une certaine liberté d’action dans l’exercice de leurs fonctions (au sens du premier niveau decompétences défini par Perrenoud p. 122).

    Mais quelle perception les ingénieurs ont-ils de cette autonomie? Quelle forme prend-elle?

    Deux documents de la CFDT Cadres apportent quelques éléments de réponse à ces questions:

    - une enquête réalisée en 2002 auprès de 6 500 cadres1

    - un livre2 tiré de cette enquête qui comporte notamment une exploitation de ces

    résultats pour la population ingénieur.

    • Les questions relatives à l’autonomie

    Le questionnaire est tout d’abord révélateur de l’angle sous lequel la notion d’autonomie estabordée en situation de travail.

    Ce questionnaire comporte en effet trois parties.

    Les questions relatives à l’autonomie au travail sont regroupées au sein de la première partieintitulée "Organisation, temps et charge de travail". Cet angle renvoie donc aux conditionsobjectives d’exercice de l’autonomie.

    La troisième partie "Responsabilité, citoyenneté" aborde la notion d’autonomie à travers d’autresnotions qui lui sont traditionnellement liées: les notions de responsabilité (à travers l’implicationdans les choix de l’entreprise), et les notions de liberté (à travers la liberté d’expression).

    On ne relève pas de questions sur l’auto-formation et l’engagement personnel des cadres dans ledéveloppement de leurs compétences.

    4.1. Autonomie des cadres dans l’exercice de leur fonction

    Selon l’enquête TEQ, les personnes interrogées se disent très majoritairement autonomes:

    - pour organiser leur travail (88%)

    - gérer leur temps (85%)

    - organiser le travail de leurs collaborateurs (60%)

    En revanche, elles disposent d’une bien moindre autonomie dans la définition du cadre de cetteorganisation, qu’il s’agisse de définir leurs objectifs (38% seulement se disent majoritairementautonomes sur ce volet), les moyens dont elles disposent (28%), ou le choix de leurs collaborateurs(21%).

    L’analyse complémentaire fait le constat d’une autonomie relativement supérieure des ingénieurs parrapport à la moyenne, pour définir leurs objectifs (+ 4 points), comme leurs moyens (+ 3 points), etpour organiser leur travail (+ 4 points) à l’exception notable de l’autonomie pour développer sescompétences (- 3 points).

    Toujours selon l’enquête TEQ, il apparaît que la proportion de cadres à forte autonomie est plusélevée dans le secteur privé que dans le secteur public (30% contre 25%), avec un véritable seuilqualitatif, dans le secteur privé, entre:

    1. Enquête TEQ-Cadres 2002. La population enquêtée travaillait pour 53% dans une entreprise privée et pour 45% dans une administration ou une entreprise publique. Téléchargeable: http://www.cadres-plus.net/bdd_fichiers/02_Teq_cadres_2002.pdf

    2. Les cadres au travail. Les nouvelles règles du jeu Sous la direction de Anousheh KARVAR, Luc ROUBAN. Avant propos de François FAYOL La Découverte, Collection Entreprise & société (05/2004), 324 pages. 25 €

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 20

    - les entreprises qui gèrent très bien leurs cadres où 54% des cadres bénéficient

    d’une autonomie forte,

    - et celles qui, les gèrent seulement bien où la proportion de cadres fortement

    autonomes tombe alors à 34%.

    Cette autonomie apparaît fortement corrélée à une surcharge de travail: il serait intéressantd’analyser la corrélation avec l’engagement et la motivation des individus.

    4.2. Autonomie et implication des cadres dans les choix stratégiques de l’entreprise

    Le degré d’implication dans les choix stratégiques de l’entreprise apparaît relativement faible qu’ils’agisse des choix écologiques (81% des cadres disent peser très faiblement ou pas du tout), deschoix économiques et financiers (76,4%) ou des choix sociaux (74,2%).

    L’implication des cadres est plus forte au niveau du service ou de l’établissement, notamment dansles choix d’organisation et les choix technologiques.

    Les ingénieurs diplômés ne participent pas davantage que les autres cadres du privé au choix de gestionde leur entreprise ou tout simplement de leur service, sinon au niveau des choix technologiques.

    L’autre fait marquant réside dans leur faible participation aux choix organisationnels: ils se trouventà deux points d’écart par rapport à la moyenne des cadres (31 contre 33%) au niveau de leur entrepriseet à égalité au niveau de leurs équipes de travail (57%).

    La contribution des cadres à la politique de l’entreprise est également modeste.

    Selon les auteurs de l’enquête, pour les cadres, la mise à distance des choix stratégiques peut êtreconsidérée comme un moyen de protéger leur autonomie dans le travail et de laisser la

    Enquête TEQAutonomie plutôt ou très importante

    Peu ou pas d’autonomie

    Je ne suis pas concerné(e)

    nr

    Organiser votre travai l 88,1 6,8 0,2 4,9

    Gérer votre temps 84,5 11,2 0,4 3,9

    Organiser le t ravai l des collaborateurs

    44,1** 24,4 25,9 5,6

    Faire évoluer vos compétences

    48,5 43 2,6 5,9

    Définir vos object i fs 37,6 55,8 1,7 4,9

    Définir vos moyens 28,2 64,7 2,8 4,3

    Choisir vos collaborateurs 16,6* 57,2 21,1 5,1

    * 21% des personnes concernées - * * 60% des personnes concernées

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 21

    responsabilité de choix qu’ils ne contrôlent pas, soit aux conseils d'administration, soit augouvernement interne de l'entreprise.

    Cela éviterait également de se retrouver pris dans des logiques divergentes, entre ce gouvernementde l'entreprise et les collaborateurs qu'ils doivent gérer.

    Cette faible implication dans les choix stratégiques s’inscrirait dans une forme de "contrat moral"au sein de l'entreprise sur le domaine de compétence et de responsabilité des uns et des autres.L'autonomie paraît alors constituer une réponse de nature stratégique et protectrice.

    4.3. Liberté d’expression des cadres

    Toujours selon l’enquête TEQ, trois quarts des cadres interrogés ont déjà ressenti le besoin des’opposer à une consigne de leurs supérieurs.

    Ils sont 80% à avoir exprimé des divergences de vue avec leur hiérarchie principalement dans dessituations où leur éthique personnelle est mise en questions: conditions de travail dangereuses,harcèlement moral, discrimination syndicale, raciale ou sexuelle....

    Dans 49% des cas, la hiérarchie a tenu compte de leur avis.

    Dans une étude réalisée en 2004 pour la CFDT Cadres, deux grands niveaux de prise de positionsont définis:

    - l’initiative et la critique (limite: obligation de loyauté)

    - l’opposition et l’alerte (limite: conscience, éthique)

    L’esprit d’initiative et la capacité de savoir formuler des critiques - dès lors qu’elles sontconstructives pour la bonne marche de l’entreprise - sont liés à l’exercice de la fonction deresponsabilité ou d’expertise des cadres: cette latitude et cette autonomie devraient les différencierdes autres salariés.

    Pourtant l’exercice de cette liberté d’expression n’est pas si simple:

    Enquête TEQPeu ou pas

    d’autonomieAutonomie plutôt ou très importante

    Je ne suis pas concerné(e)

    nr

    Choix écologiques 81,3 7,1 4,7 6,9

    Choix économiques et financiers

    76,4 16,6 2,7 4,4

    Choix sociaux 74,2 16,7 3,2 6

    Choix technologiques 65 26,7 2,6 5,8

    Choix d’organisation 57,8 33,6 2,3 6,2

    Enquête TEQ% de cadres estimant avoir un rôle

    important ou très important

    Définit ion de la pol i t ique 4%

    Contribution à la déf ini t ion de la pol i t ique 7%

    Mise en oeuvre de la pol i t ique 29%

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 22

    - d’une part, parce qu’il existe plusieurs catégories de cadres ayant chacune un

    degré spécifique d’implication, d’identification et par voie de conséquence

    d’obligation de loyauté vis-à-vis de la direction interdisant toute forme

    d’expression publique autonome sur la vie de l’entreprise

    - d’autre part, parce que le salarié est lié à l’entreprise par un contrat de travail qui

    intègre une clause de discrétion ou de confidentialité, obligation reposant sur une

    confiance réciproque.

    L’alerte dans le cas d’activités illégales est d’une autre nature. C’est au plus profond de saconscience personnelle que le cadre peut ici décider de ce qu’il doit faire.

    La liberté d’expression s’exerce dans un jeu de contraintes auxquelles le salarié ne peut échapper.

    L’autonomie, dans le milieu du travail, est mise en relation avec l’efficience, et liée à destermes tels que compétence, engagement, responsabilité, et non avec le sujet

    De nouvelles formes d’autonomie apparaissent aujourd’hui marquées par une évolution

    - d’une vision stratégique de l’autonomie (où l’autonomie se logeait dans

    l’écart constaté entre travail prescrit et travail réel - intelligence de la tâche

    qui donnait sens),

    - à une vision managériale de l’autonomie (cette autonomie devient "facteur

    de succès"; elle est transformée en mot d’ordre: "Soyez autonome").

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 23

    L’autonomie: compétence clé dans les discours sur la société de la connaissance

    Tous les organismes supranationaux ont fait du passage à une société cognitive ("une société quisaura investir dans l’intelligence") l’enjeu du XXIème siècle.

    Trois circonstances sont régulièrement invoquées pour expliquer ce passage:

    - le développement de l’information et des TIC

    - la mondialisation des échanges

    - l’expansion de la connaissance scientifique et technique

    Selon le livre blanc de la communauté européenne "ce seront les capacités d’apprendre et la maîtrisedes savoirs fondamentaux qui situeront de plus en plus les individus les uns par rapport aux autresdans les rapports sociaux".

    Dans ce contexte, l’autonomie est devenue un thème d’actualité, mise en avant comme unecompétence clé renvoyant aux capacités d’initiative et d’adaptation nécessaires à chaque individupour vivre, se "réaliser" et évoluer dans cette société de la connaissance.

    1 Le projet DeSeCo de l’OCDE (définition et sélection decompétences clés)

    Le projet DeSeCo (définition et sélection de compétences clés) de l’OCDE (1997-2003), piloté parle bureau fédéral suisse des statistiques, a réuni divers experts pour dresser des "états de l’art" duconcept de compétences, confronter les définitions, établir des convergences et lister une série decompétences clés pour le développement des sociétés et des individus, ayant bien évidemmentvocation à constituer des objectifs majeurs de l’éducation.

    Trois grandes catégories de compétences clés, ont été construites à partir de la littératurespécialisée et d’une approche interdisciplinaire. Ces compétences s’inscrivent dans la perspectivede l’éducation tout au long de la vie, et à ce titre ne sont pas circonscrites aux curriculums scolaires,même si elles les englobent.

    "Agir de façon autonome" est l’une de ces trois grandes catégories avec comme point focall’autonomie relative et l’identité.

    Voici la définition donnée

    "Agir de façon autonome implique deux idées essentielles étroitement liées:

    - le développement de l’identité personnelle

    - et l’exercice d’une autonomie relative, au sens de décider, de choisir et d’agir dans

    un contexte donné.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 24

    Il s’agit de rendre les individus autonomes et capables de développer et d’exprimer un sentimentde soi, d’exercer leurs droits et de prendre des responsabilités dans les différentes sphères de la vie.

    Pour exercer cette autonomie, la personne doit avoir une orientation tournée vers l’avenir, êtresensibilisée à son environnement et comprendre ce qu’il inclut, comment il fonctionne et quelleest la place qu’elle occupe en son sein.

    Agir de façon autonome ne signifie pas le faire dans l’isolement social. Cela signifie au contraireque les individus gèrent leur vie de façon qu’elle ait du sens en maîtrisant leurs conditions de vieet de travail et en jouant un rôle actif dans ce qu’est leur propre vie.

    Pour agir de façon autonome, les compétences clés suivantes sont pertinentes:

    • la capacité de défendre et d’affirmer ses droits, ses intérêts, sesresponsabilités, ses limites et ses besoins

    Cette compétence clé permet à l’individu de se mettre en avant comme une personne avec qui ilfaut compter et de faire des choix en tant que citoyen, membre d’une famille, travailleur,consommateur, etc.

    • la capacité de concevoir et de réaliser des plans de vie et des projetspersonnels

    Cette compétence clé permet aux individus de conceptualiser et d’actualiser des buts qui ont dusens dans leur vie et qui sont conformes à leurs valeurs.

    • la capacité d’agir dans l’ensemble de la situation/le grand contexte

    Cette compétence clé signifie que les personnes comprennent le fonctionnement du contextegénéral, leur position dans ce contexte ainsi que les enjeux et les conséquences possibles de leursactions, et qu’elles prennent ces facteurs en compte lorsqu’elles agissent".

    En savoir plus sur ce travail: http://www.portal-stat.admin.ch/deseco deseco_doc_strategique.pdf

    2 Les compétences clés recommandées par le parlement européen etle conseil

    Initiée en 2002 lors du conseil européen de Lisbonne, la réflexion sur les compétences clés estdevenue une aire de travail officielle du domaine d’action "Education et formation 2010" del’Union européenne.

    S’appuyant sur les travaux de l’OCDE, une "recommandation du parlement européen et duconseil sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie" estfinalement adoptée le 16 décembre 2006. Elle propose un cadre de référence autour de 8compétences clés.

    Le terme autonomie n’est pas explicitement utilisé mais une compétence clé souvent liée auconcept d’autonomie est définie: "apprendre à apprendre".

    • Compétence clé: apprendre à apprendre.

    Définition:

    Apprendre à apprendre est l'aptitude à entreprendre et poursuivre un apprentissage, à organisersoi-même son apprentissage, y compris par une gestion efficace du temps et de l'information, à lafois de manière individuelle et en groupe.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 25

    Cette compétence implique de connaître ses propres méthodes d'apprentissage et ses besoins, lesoffres disponibles, et d'être capable de surmonter des obstacles afin d'accomplir son apprentissageavec succès.

    Cette compétence suppose d'acquérir, de traiter et d'assimiler de nouvelles connaissances etaptitudes, et de chercher et utiliser des conseils.

    Apprendre à apprendre amène les apprenants à s'appuyer sur les expériences d'apprentissage et devie antérieures pour utiliser et appliquer les nouvelles connaissances et aptitudes dans diverscontextes: à la maison, au travail, dans le cadre de l'éducation et de la formation. La motivation etla confiance dans sa propre capacité sont des éléments fondamentaux.

    Connaissances, aptitudes et attitudes essentielles correspondant à cette compétence:

    Si l'apprentissage est orienté vers un emploi particulier ou des objectifs de carrière, l'individudevrait connaître les compétences, les connaissances, les aptitudes et les qualifications requises.Quoi qu'il en soit, apprendre à apprendre exige que l'individu connaisse et comprenne quelles sontses stratégies d'apprentissage préférées, quels sont les points forts et faibles de ses aptitudes etqualifications, et il devrait être capable de rechercher les offres d'éducation et de formation et lesorientations et/ou aides disponibles.

    .../Cela exige une gestion efficace de son apprentissage, de sa carrière et de son activitéprofessionnelle, et notamment l'aptitude à persévérer dans l'apprentissage, à se concentrerpendant des périodes de temps prolongées et à réfléchir de manière critique sur l'objet et la finalitéde l'apprentissage.

    .../L'individu devrait être capable de consacrer du temps à apprendre de façon autonome et enfaisant preuve d'autodiscipline, mais aussi de travailler en équipe dans le cadre du processusd'apprentissage, de tirer les avantages de sa participation à un groupe hétérogène et de partager cequ'il a appris.

    .../L'individu devrait être capable d'organiser son propre apprentissage, d'évaluer son propretravail et, le cas échéant, de chercher des conseils, des informations et de l'aide.

    .../Une attitude positive suppose motivation et confiance pour poursuivre et réussirl'apprentissage tout au long de la vie. L'apprentissage lui-même et la capacité de l'individu àsurmonter les obstacles et à changer procèdent d'une attitude positive orientée vers la résolutionde problèmes. Les éléments essentiels d'une attitude positive sont le désir d'exploiter lesexpériences d'apprentissage et de vie antérieures et la recherche avide d'occasions d'apprendre etd'appliquer les acquis dans diverses situations de la vie.

    En savoir plus: http://eur-lex.europa.eu/

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 26

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 27

    L’AUTONOMIE DANS LE CHAMP DE L’ÉDUCATION ET DE LA FORMATION

    Pour éclairer le sens de l’autonomie dans le domaine de l’éducation, nous avons regroupé dans cechapitre

    - des extraits d’articles repérés dans la littérature spécialisée

    - un regard sur la référence à l’autonomie dans les instructions officielles encadrant

    les programmes des collèges et des lycées

    - un texte de Philippe Mérieu

    - les résultats d’une enquête menée par l’université Joseph Fourier après des

    enseignants invités à définir ce qu’est, de leur point de vue, l’étudiant autonome

    L’autonomie de l’élève dans la littérature spécialisée

    Sélection d’articles

    28

    L’autonomie dans les instructions officielles (collèges, lycées)

    Source: ouvrage (le travail autonome), décrets ministériels, site du ministère

    34

    Construire la véritable autonomie: un défi pour les éducateurs

    Extrait d’une communication de Philippe Mérieu

    41

    L’autonomie des étudiants vue par les enseignants

    Source : résultats d’une enquête menée par l’université Joseph Fourier

    43

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 28

    L’autonomie de l’élève dans la littérature spécialisée

    Les préoccupations et les recherches sur l’autonomie se sont accélérées dans les années 70 dans lamouvance des applications à la didactique des travaux de Jean Piaget et de l’apparition de lapsychologie cognitive, domaine qui a connu depuis des développement importants.

    Ces recherches ont mis en cause l’idée que l’apprentissage soit nécessairement un apprentissagepar enseignement où l’enseignant répartit les rôles et les tâches et l’apprenant reste passif, etmontré que le savoir était construit par l’apprenant.

    Différents termes sont utilisés dans la littérature anglaise pour désigner l’élève autonome oul’objectif d’autonomisation.

    Voici une sélection d’articles visant à préciser le sens de l’autonomie dans le contexte del’éducation, et les notions qui lui sont traditionnellement liées.

    1 Les trois composantes associées au concept général d’autonomiedans l’éducation. Hélène Gravel, Ph.D., Raymond Viennau, Ph.D.

    Source: Au carrefour de l’actualisation de soi et de l’humanisation de la société : plaidoyer pour unepédagogie de la participation et de l’autonomie - Faculté des sciences de l'éducation, Université deMoncton, (Nouveau-Brunswick), Canada - http://assoreveil.org/peda_actu_5.html

    Dans cette communication, les auteurs, après avoir rappelé que l'autonomie n'est pas de l'ordredes acquis mais plutôt un processus dynamique, définissent - en s’appuyant sur la littératurespécialisée principalement de langue anglaise - trois composantes du concept d’autonomie.

    • Autonomie sociale: autodétermination

    La première composante du concept d’autonomie est l'autonomie sociale qui trouve son fondementdans l'expression d'autodétermination désignant la capacité d'agir comme acteur principal de sa vieet d'effectuer ses choix et ses décisions de vie sans influence indue ou interférence externe (Wehmeyer(1996)).

    Selon Wehmeyer, une action est dite « auto-déterminée » si elle rencontre les quatre caractéristiquesessentielles suivantes :

    - (1) l'individu agit de manière autonome;

    - (2) la régulation des comportements est effectuée par la personne;

    •autonomous learners

    •autonomous learning, empowered student

    •student empowerment, self-regulated behavior

    •self-determination.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 29

    - (3) la personne est psychologiquement en contrôle lorsqu'elle initie ou répond aux

    événements;

    - (4) la personne agit de manière à favoriser son actualisation.

    • Autonomie affective: responsabilisation

    Le second concept véhiculé dans la littérature spécialisée réfère à l'idée de la responsabilisation del'élève qui renvoie au domaine affectif et cognitivo-affectif étant donné son impact sur la perception desoi en tant qu'apprenante ou apprenant, et sur le désir d'apprendre et les attentes de succès.

    Les auteurs lient le concept de responsabilisation de l'élève à celui du locus de contrôle introduit parRotter (1966). Il désigne "la croyance qu'ont les individus dans leur capacité à influencer et à maîtriserce qui leur arrive d'agréable et de désagréable dans leur vie (Dubois (1987)".

    Dans le milieu scolaire, le locus de contrôle prend la forme d'une mesure de croyances permettant dedistinguer:

    - les élèves qui se caractérisent par un locus de contrôle externe, c'est-à-dire par la

    tendance à attribuer leurs succès et leurs échecs à une source externe à eux-mêmes

    (p. ex. la chance ou la malchance...)

    - des élèves affichant un locus de contrôle interne, caractérisés par leur tendance à

    s'attribuer la source de leurs succès (p. ex. attribuables à leurs efforts) et de leurs

    échecs (p. ex. causés par un mauvais choix de stratégies, un manque de travail).

    Il semblerait que des pratiques qui encouragent l'autonomie, la prise en charge personnelle et laresponsabilité, favorisent le développement de la capacité de s'attribuer la croyance en un locus decontrôle interne.

    Le concept de responsabilisation des élèves permet d'aborder la troisième composante du conceptgénéral d'autonomie, l'autonomie cognitive.

    • Autonomie cognitive: dimension intellectuelle

    La troisième composante du concept général d'autonomie est la composante cognitive. Celle-ci est trèsprésente dans les diverses définitions du concept d'apprenante et d'apprenant autonomes. Par exemple,selon Mulcahy (1991), l'élément clé qui caractérise l'élève autonome est sa capacité de contrôler lui-même ses ressources et ses activités cognitives et affectives.

    Palinscar, David, Winn et Stevens (1991) définissent pour leur part l'élève autonome comme celle oucelui qui utilise avec flexibilité trois principaux types de connaissances :

    - la connaissance de stratégies pour effectuer des tâches d'apprentissage spécifiques;

    - la connaissance méta cognitive lui permettant d'adapter ces stratégies à la tâche

    poursuivie;

    - et la connaissance générale du monde qui l'entoure (real world knowledge).

    Aujourd'hui, l'autonomie cognitive est probablement la composante la plus souvent associée auconcept général d'autonomie.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 30

    2 L’autonomie des élèves sous l’angle des approches socio cognitiveet psychosociale

    Différentes approches sont utilisées pour examiner l’autonomie des élèves,

    - les approches sociologiques, didactique, psychologique (Ravestein, 1999)

    - l’approche socio cognitive (Deci et Ryan, 1985)

    - l’approche psychosociale (Greenberger, 1982)

    • L’approche socio cognitive: l’autonomie sous l’angle de la motivation

    Source: La motivation des étudiants à l’université: mieux comprendre pour mieux agir -Rolland Viau,université de Sherbrooke, Canada

    De nombreux travaux, basés sur l’approche socio cognitive, ont étudié l’autonomie sous l’angle del’autorégulation, voire de la motivation de l’apprenant dans les activités d’apprentissage.

    Dans une étude menée à l’université de Sherbrooke, Rolland Viau définit la motivation à l’égardd’une activité pédagogique comme un état dynamique qui prend sa source dans trois perceptionsque l’étudiant a de l’activité pédagogique qui lui est proposée et qui l’incitent à s’y engager et àpersévérer dans son accomplissement

    - les perceptions de soi comme le concept de soi, l’estime de soi, le sentiment de

    compétence ou d’auto-efficacité

    - la perception du lieu de contrôle qui renvoie les succès aux efforts investis et aux

    stratégies utilisées (voir 1.)

    - la perception de la valeur d’une activité par rapport aux buts d’apprentissage et

    aux buts futurs de l’élève

    Dans cette même étude, il énonce les dix conditions les plus importantes pour qu’une activitépédagogique suscite la motivation des étudiants

    version intégrale accessible à l’adresse suivante: http://www.erudit.org/revue/RSE/2004/v30/n1/011775ar.html

    - Être signifiante aux yeux de l'étudiant

    - Être diversifiée et s'intégrer aux autres activités

    - Représenter un défi pour l'étudiant

    - Être authentique

    Les auteurs définissent donc le concept général d'autonomisation comme un processuscontinu, s'étendant de la naissance à la mort, et qui se traduit par le développementgraduel de la capacité de l'individu d'assumer la pleine actualisation de son potentielhumain,

    - tant dans sa dimension intrapersonnelle et interpersonnelle (autonomie

    affective)

    - que dans sa dimension intellectuelle (autonomie cognitive),

    - et sa dimension sociale et planétaire (autonomie sociale).

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 31

    - Exiger un engagement cognitif de la part de l'étudiant

    - Responsabiliser l'étudiant en lui permettant de faire des choix

    - Permettre à l'étudiant d'interagir et de collaborer avec les autres

    - Avoir un caractère interdisciplinaire

    - Comporter des consignes claires

    - Se dérouler pendant une période de temps suffisante

    • L’approche psychosociale: l’autonomie sous l’angle de la maturité psychosociale

    D’autres auteurs ont choisi d’examiner l’autonomie sous l’angle de la maturité psychosociale.

    Selon le modèle de Greenberger - qui intègre perspectives sociologiques et psychologiques de lapersonne - "l’autonomie ou la capacité à fonctionner d’une façon autonome représente unecomposante importante de la maturité psychosociale au même titre que la capacité à agirefficacement avec les autres et la capacité à contribuer à la cohésion sociale".

    L’autonomie (composante de la motivation) se décline elle-même selon trois dimensions:

    - l’orientation vers le travail qui englobe la persévérance, le sens de l’effort; le désir

    de relever des défis, et le plaisir ressenti d’un travail bien fait

    - l’indépendance qui s’attache à l’initiative, au droit à l’erreur, au sentiment de

    contrôle, à la perception de la confiance en ses propres capacités qui se manifeste

    par l’absence de dépendance excessive à l’égard des pairs

    - l’identité qui inclut le concept de soi (perception qu’une personne a de ses

    valeurs, de ses préférences), l’estime de soi, la confiance en soi (jugements d’ordre

    affectif qu’une personne porte sur elle-même).

    Le développement de ces composantes serait lié à un ensemble de facteurs allant descaractéristiques personnelles (par exemple le sexe) au milieu familial.

    3 L’autonomie des apprenants comme construction sociale située (oùl’on retrouve le rapport entre les prescriptions et l’activité)

    Source: l’autonomie des apprenants comme construction sociale située. G. Dieumegard, J. Méard(2004)

    Dans cette communication, les auteurs distinguent tout d’abord trois approches de l’autonomiedes apprenants basées sur les théories suivantes:

    • Premier ensemble de théories: l’autonomie résulte de caractéristiques dudispositif

    Tâches proposées, formats d’interaction, médias utilisés. Cette conception est la plus ancienne, ellerepose sur l’idée qu’autonomie et interaction avec autrui sont antinomiques. Dans l’enseignementscolaire, l’enseignement programmé envisageait ainsi un «face-à-face» élève-ressources éducatives,sans interactions directes enseignant-élève ni élève-élèves.

    L’idée d’une autonomie liée au dispositif est présente en formation ouverte et à distance, oùl’autonomie des apprenants s’exerce en fonction de ce qui est mis en place par le formateur pour

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 32

    préparer, exécuter et évaluer les apprentissages à distance.

    • Deuxième ensemble de théories: l’autonomie provient d’une dispositionrelativement stable des apprenants.

    Pour les enseignants et les formateurs, l’autonomie est souvent considérée à la fois comme un objectifet comme un pré-requis: pour que l’élève travaille de manière autonome, il faut… qu’il «soitautonome»...

    Cette approche de l’autonomie en termes de disposition est centrale dans les théories de l’apprentissageauto- dirigé (Carré, Moisan & Poisson, 1997; Carré & Moisan, 2002). Ces auteurs distinguent bientrois niveaux de contrôle de l’apprentissage (psychologique, pédagogique et sociologique).

    Mais ils estiment qu’il existe une prévalence du «contrôle psychologique», appréhendé en termesd’habiletés méta cognitives et de motivation pour l’apprentissage. Cette optique a donné lieu à laconception de tests visant à évaluer le degré d’autonomie pour l’apprentissage d’une personne (commepar exemple le SDLRS, cf. Gugliermino, 1997).

    • Troisième ensemble de théories: l’autonomie procède d’une constructionsociale complexe entre apprenants et éducateurs, au sein du rapportinstitutionnel qui caractérise tout dispositif éducatif formel.

    Les théories socio-constructivistes (Vygotski, 1978) conduisent à envisager l’autonomie dansl’enseignement scolaire comme une intériorisation progressive de règles sociales (Méard & Bertone,1998). .. Garrison et Baynton (1987) proposent la notion de contrôle, qui résulte d’un équilibredynamique entre trois composantes:

    - la possibilité de choisir quoi, quand, comment, et où apprendre;

    - la disposition psychologique à l’autonomie;

    - le soutien, c’est à dire les ressources, y compris l’aide d’un formateur, auquel

    l’apprenant à accès.

    Cet équilibre dynamique se construit dans l’interaction entre l’apprenant et le formateur.

    Ils développent alors une idée selon laquelle:

    - l’«autonomie» correspond au jugement, du point de vue des éducateurs, du rapport

    établi par un apprenant entre les prescriptions qui lui sont adressées et son activité: il

    s’agit alors d’une construction sociale

    - l’apprenant exerce toujours une autonomie réelle dans son activité d’apprentissage, à

    travers le rapport qu’il établit entre les prescriptions et son activité.

    Cette autonomie réelle correspond, ou non, à l’autonomie attendue par l’éducateur.

    Cette idée est importante pour l’action des enseignants qui peuvent

    - chercher à développer chez les apprenants une autonomie dont ils présupposent

    qu’elle est quantitativement insuffisante, trop faible ou inexistante: l’accent est alors

    mis sur la mesure de l’autonomie des apprenants et la recherche de moyens pour

    l’accroître,

    - ou bien chercher à articuler l’autonomie réelle des apprenants avec l’autonomie

    attendue: l’accent est alors mis sur la négociation, entre apprenants et formateurs,

    des règles et de leur signification, et sur les moyens de rendre explicite cette

    négociation.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 33

    4 L’apprenant autonome

    4.1. Le concept d’apprenant autonome selon Etienne Bourgeois, Gaëtane Chapelle

    Selon ces auteurs, l’autonomie dans l’apprentissage, définie comme la capacité de prendre encharge son propre fonctionnement intellectuel, comporte au moins trois dimensions eninteractions constantes.

    • se connaître soi-même

    L’apprenant doit acquérir des connaissances sur les facteurs qui affectent la qualité de sesapprentissages et notamment apprendre à se connaître lui-même.

    • être capable d’auto-réguler ses apprentissages

    La capacité d’auto-régulation apparaît fortement liée à la volonté de l’apprenant de s’engager dansune entreprise d’"apprentissage auto régulé (sa motivation) et à la connaissance des stratégies àutiliser pour atteindre les objectifs:

    - stratégies cognitives,

    - stratégies méta-cognitives

    - et un troisième type de stratégies: celles qui régulent la motivation à s’engager ou à

    persévérer dans la tâche.

    • savoir reconnaître les caractéristiques et les conditions qui font qu’unestratégie est utile

    Connaître ces trois types de stratégies ne suffit pas pour être autonome dans ses apprentissages. La miseà profit des connaissances ou des stratégies acquises -en vue d’une autorégulation efficace - exige unautre niveau de connaissance appelé le "savoir conditionnel": la reconnaissance des caractéristiques etdes conditions qui font qu’une stratégie est utile et appropriée dans une situation donnée.

    4.2. Les conditions de développement de l’attitude d’apprenant autonome

    Source: http://www.enfa.fr/autoformation/rub-pres/pcarre.pdf

    S’interrogeant sur le discours sur la société cognitive et la formation tout au long de la vie, etl’injonction à la responsabilité de l’individu, Carré tente de définir les dispositions favorables àl’acte d’apprendre "qui ne relève pas d’un décret".

    Il s’approprie le terme d’apprenance (introduit par H. Bouchet et H. Trocmé) comme chaînonmanquant à tous les discours sur l’apprentissage tout au long de la vie, qu’il définit comme "unensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives, favorables à l’acte d’apprendre, danstoutes les situations formelles ou informelles, de façon expériencielle ou didactique, auto dirigée ounon, intentionnelle ou fortuite".

    Et relève trois conditions semblant régir le développement de cette attitude d’apprenantpermanent, compétent et autonome (Carré 2005)

    - le développement de motivations à l’engagement

    - la multiplication des occasions et des ressources pour apprendre dans le cadre

    d’une véritable «écologie» de l’apprenance

    - le perfectionnement des pratiques d’autoformation.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 34

    L’autonomie dans les instructions officielles

    1 Du travail indépendant à l’autonomie érigée en compétencemajeure dans le socle commun des connaissances et compétences

    Sources: le travail autonome. Comment aider les élèves à l’acquisition de l’autonomie? VincentLiquète, Yolande Maury - Armand Colin - 2007 - site du ministère

    En France, les recherches sur l’apprentissage ont inspiré depuis plusieurs dizaines d’années et avecsuccès les réformes dans l’enseignement primaire et la mise en oeuvre de dispositifs renvoyant tousà des formes de méthodes actives.

    Dans le secondaire, la mise en oeuvre de pratiques pédagogiques visant le développement del’autonomie a été progressive, prenant place dans le système sous des appellations diversesreflétant "une forme de représentation de l’autonomie nourrie par le souci de préparer les individus -et donc les élèves - à s’adapter en permanence à une société en développement continu, marquée parla place croissante de l’information".

    A partir des années 1970 la notion de "travail indépendant", née aux Etats-Unis sous le nomd’Independant Study, se développe en France en recouvrant un ensemble d’expérimentationspédagogiques (individualisation de l’enseignement, méthodes de la pédagogie active, travail dirigéorienté vers l’acquisition de méthodes personnelles de travail).

    La circulaire du 27 mars 1973 du MEN met ainsi au service du travail indépendant dans les lycées etcollèges 10% de l’horaire annuel.

    En 1975, la notion de "travail autonome" se substitue à celle de travail indépendant sous l’influencedu conseil de l’Europe. Ce dispositif vise "l’éducation à l’autonomie et une participation responsableet non plus passive de l’élève à sa formation, à l’élaboration de son savoir".

    La logique de projet apparaît au début des années 80, avec la création des projets d’action culturelleet éducative (PACTE) devenus par la suite les projets d’action éducative (PAE) visant l’ouverturedes élèves sur leur environnement par le biais d’activités interdisciplinaires conçues suivant cettelogique (circulaire 26 juin 1989).

    La notion de différenciation apparaît dans le cadre de la réforme des lycées de 1992, avec lesmodules institués sous la forme d’activités différenciées avec comme objectif de permettre unemeilleure prise en compte des besoins des élèves, l’acquisition de méthodes de travail et ledéveloppement de l’autonomie. (note de service du 25 mai 1992)

    La fin des années 1990 constitue un nouveau tournant avec la généralisation et l’encadrement -sous l’impulsion des pouvoirs publics - de pratiques pédagogiques qui font d’une certaineautonomie accordée aux élèves un "levier pour (re) donner du sens aux activités scolaires et (re)mobiliser les élèves sur les apprentissages".

    A la suite de la consultation de 1998, trois dispositifs ont ainsi été impulsés, subissant desévolutions diverses au fil des années: les itinéraires de découverte en collège (IDD), les TPE(travaux personnels encadrés) en lycée général, et les PPCP (projets pluridisciplinaires à caractèreprofessionnel) en lycée professionnel.

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 35

    L’élan institutionnel pour mettre en place ces dispositifs pédagogiques dits novateurs est viteretombé : en 2004/2005, les TPE ont été supprimés en terminale ; la réduction des moyens aconduit à l’abandon pur et simple des itinéraires de découverte dans de nombreux collèges ; lecaractère pluridisciplinaire des PPCP se révèle, à la longue, très aléatoire.

    Aujourd’hui pourtant, le socle commun de connaissances et de compétences publié en 2006 (BOn° 29 du 20 juillet 2006) fait la part belle aux compétences liées à l’autonomie et à l’initiative desélèves en leur consacrant l’ensemble d’un chapitre (7ème).

    Dispositifs Forme Objectifs Caractère

    Itinéraires de découverte Inscrits dans une démar-che projet associant au moins 2 disciplines et débouchant sur une pro-duction

    Donner davantage de sens aux contenus d'enseigne-ment et développer l'auto-nomie des élèves dans leur travail scolaire;Contribuer à la valorisa-tion des goûts et aptitudes des élèves...Elargir l'espace d'initiative des équipes pédagogiques à travers la conception des thèmes et sujets d'étude ainsi que le suivi et l'éva-luation des travaux des élèves

    Introduits en 2002 pour les 5ème, en 2003 pour les 4èmesFacultatifs depuis 2004 en cinquième et quatrième2 h/semaine

    Education civique juridi-que et sociale

    Débats argumentés con-duits à partir de maté-riaux fournis par l’actualité

    Développer la capacité à intervenir ou même sim-plement à oser intervenir dans la citéFormer des citoyens auto-nomes et responsables

    Obligatoire au lycée de la seconde à la terminaleIntroduit en 2000

    Travaux personnels enca-drés ou TPE

    Choix d’un sujet à partir de thèmes définis au niveau nationalTravail collectifExposé final, évaluation individuelle

    Développer les capacités d’autonomie et d’initiative des élèves (notamment dans la recherche et l’exploitation de docu-ments en vue d’un produc-tion)Diversifier les modes d’appropriation des conte-nus des programmes en prenant appui sur une démarche interdiscipli-naire

    Expérimentés en 1999Obligatoires en classe de première des séries géné-rales Supprimés en terminale en 2005 Faisant l’objet depuis 2006 d’une épreuve anticipée obligatoire au baccalauréat

    Brevet Informatique et Internet (B2I)

    Apprentissage individuali-sésEvaluation continue et contextualisée sur la base d’une grille par niveau

    Parmi les 5 compétences attendues:Adopter une attitude res-ponsable (connaître et res-pecter les règles élémentaires du droit rela-tif à sa pratique, protéger sa personne et ses don-nées, faire preuve d’esprit critique face à l’informa-tion et son traitement, par-ticiper à des travaux collaboratifs en connais-sant les enjeux et en res-pectant les règles

    1997 dans le cadre du plan d’action gouvernemental pour la société de l’infor-mationObligatoire depuis 2006 au lycée et collège: arrêté du 14 juin 2006 définit les con-naissances et capacités exi-gibles pour le B2iPris en compte dès 2008 dans le diplôme national de brevet

  • Le développement et l’apprentissage de l’autonomie dans les écoles d’ingénieurs - page 36

    Pour la première fois depuis les lois scolaires de Jules Ferry, un socle commun de connaissances etde compétences a été défini par décret (Décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006), constituant laréférence pour la rédaction des programmes d'enseignement de l'école primaire et du collège.

    Le socle commun ne se substitue pas aux programmes de l'école primaire et du collège. Il en fondeles objectifs pour définir ce que nul n'est censé ignorer en fin de scolarité obligatoire.

    Il aborde quelques principes fondamentaux jusqu’alors absents des textes officiels en érigeantl’autonomie (liée à l’esprit d’initiative) au rang de compétence majeure et en rappelant "quel’autonomie ne relève pas du seul domaine de l’école mais bien d’une intention sociale quidéborde sur tout le secteur professionnel et le monde du travail".

    Chacune de ces grandes compétences est conçue comme une combinaison de connaissancesfondamentales, de capacités à les mettre en oeuvre dans des situations variées et aussi d'attitudesindispensables tout au long de la vie (grille de référence).

    Une grille de référence a été conçue pour chaque niveau de formation: fin du cycle 3 (CM2), findu cycle d’adaptation (6ème), fin du cycle central (4ème), fin du cycle d’orientation (3ème).

    Les programmes comportent des repères annuels permettant aux élèves de situer leur progressiondans l'acquisition du socle. Les premiers programmes les incluant ont été publiés au cours del'année scolaire 2006-2007 pour une application à la rentrée 2007.

    Un livret personnel de compétences est établi pour chaque élève selon un modèle national fixé pararrêté du ministre chargé de l'éducation nationale.

    Voici la grille de référence de la compétence "autonomie et esprit d’initiative" du cycled’orientation (3ème)(eduscol.education.fr/D0231/Grille_pilier7.pdf)

    Objectifs:

    Ce 7ème pilier est essentiel car l’éducation aurait manqué son but si elle ne parvenait pas à former desêtres autonomes, c’est-à-dire capables de juger par eux-mêmes, de se prendre en main. Ils pourrontainsi transposer les savoirs du domaine scolaire à des situations différentes et profiter de la culturescolaire pour toute leur vie. L’autonomie et l’esprit d’initiative leur permettront enfin de concevoir desprojets, de les mettre en oeuvre, et d’innover. Dans un monde où l’innovation incessante est le moteurdu progrès, ils auront de bons atouts pour leur vie professionnelle.

    Le socle commun de connaissances et compétences organisé en7 compétences

    •la maîtrise de la langue française;

    •la pratique d'une langue vivante étrangère;

    •les