Le Délit du 6 octobre 2015

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill Mardi 6 octobre 2015 | Volume 105 Numéro 4 Contre l’abstinence depuis 1977 ÉDITION SPÉCIALE ÉLECTIONS FÉDÉRALES

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 6 octobre 2015 | Volume 105 Numéro 4 Contre l’abstinence depuis 1977

ÉDITION SPÉCIALE ÉLECTIONS FÉDÉRALES

É[email protected]

Le seul journal francophone de l’Université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en men-tionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessai-rement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

Volume 105 Numéro 4

2éditorial le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

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publicité et direction générale Boris Shedov

représentante en ventesLetty Matteo

photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux,Geneviève Robert

the McGill daily [email protected]

Niyousha Bastani

Briser son vœu d’abstention De l’utilité de cette édition spéciale.

Un vieux monsieur —Socrate, pour ceux qui n’ouvrent pas autant

de livres qu’ils ne l’ouvrent sur Facebook — a dit: «rien n’est trop difficile pour la jeunesse». Il semblerait que s’enregistrer sur les listes électorales et cocher un bulletin de vote soit tout de même fort complexe pour un grand nombre d’entre nous.

Flemme démocratique?

Moins de 40% des jeunes entre 18 et 24 ans ont voté lors des dernières élections fédéra-les en 2011. C’est tendre la per-che et rendre la critique d’une facilité inouïe pour les médias, pour les politiques et pour les quelques vieillards bien heureux de pouvoir taper sur ces jeunes qui ont encore le fémur résis-tant. On nous dépeint comme des êtres mous et égocentriques (ô fameuse allégorie de la jeu-nesse!), désintéressés, imma-tures, inconscients des enjeux du pays. «Un suicide politique» selon nos ainés les plus sévères.

Quel coup on nous assène là! Nous, grands de demain, utopistes activistes, révoltés de chaque matins, toujours en

ligne de front lorsqu’il s’agit de manifester. Le printemps érable, le combat contre l’austérité, les semaines activistes sur le cam-pus, le journalisme étudiant… ne sont-ce donc pas là des preuves que le jeune est engagé, qu’il est impliqué dans la grande cité canadienne?

Chantal St-Onge, candidate du Bloc Québécois, l’admet en entrevue avec Le Délit: ce n’est pas la jeunesse qui s’éloigne de la politique, c’est cette dernière qui n’avance pas avec elle (p. 12).

Néanmoins il faut admettre que quand vient le temps du dépouillage, la jeunesse ne fait plus entendre ses voix. Le mode de participation classique du scrutin n’est plus son moyen d’expression de prédilection.

Loin des urnes, loin du cœur

Les 18-25 ans sont des ac-teurs politiques, mais pas assez au niveau électoral. Pourquoi fuir les bureaux de vote de la sorte?

Première cause appa-rente, le manque de temps et les difficultés logistiques pour voter dans sa province. McGill y remédie en installant trois bureaux de vote pour un scrutin spécial cette semaine sur le campus (p. 5).

La désertion des bureaux de votes par la nouvelle géné-ration s’explique aussi par le manque d’informations objecti-ves. Comment faire un choix de vote réfléchi quand nos sources d’information se résument à des articles de politique pré-tentieusement complexes, à des publications ultra-orientées sur les réseaux sociaux, et aux dialogues de sourds présentés lors des débats télévisuels? Même les plateformes internet de certains partis ne présentent pas clairement un programme fédéral de campagne.

Ce fut ici notre première motivation: présenter les enjeux de ces élections par des articles d’enquête et d’opinion, expli-quer la position des différents partis par des entrevues avec les candidats, et encourager les étudiants à voter.

Dernier argument pour l’abstention par les plus pessi-mistes, déjà vieux dans leurs cœurs de par leur rationalisme politique: dire que les élections sont déjà faites. «À quoi bon voter si nos voix ne sont pas représen-tées proportionnellement par ce système électoral déséquilibré? Pourquoi remplir ce formulaire Élections Canada s’il faudra se résigner au vote stratégique plu-tôt qu’au vote d’opinion? Voter,

n’est-ce pas accepter que notre gouvernement ne représente souvent qu’une fausse majorité? Quel intérêt si les programmes politiques liés à la jeunesse ne sont que des propositions d’arriè-re-plan peu concrètes?»

Les observations sont véri-diques, mais la conclusion est la mauvaise. Le système électoral canadien a ses défauts, chacun des candidats aussi; mais cela ne démontre en aucun cas l’intérêt vertueux de l’abstention.

Les élections comme nos manifestations printanières reposent sur une même stratégie: la force du nombre pour donner un poids à sa cause. Les 18-35 ans représentent 8 millions d’élec-teurs, soit un tiers de l’électorat canadien. Si ceux-ci votaient en masse, il est assez certain que les futurs programmes politiques s’adresseraient d’autant plus aux enjeux de la jeunesse. Face à notre poids dans la balance élec-torale, de solides propositions pour l’emploi des jeunes seraient une obligation stratégique pour tout parti.

Alors, jeunesse lève-toi, et descend dans les urnes.

(Les opinions exprimées dans nos pages ne représentent pas nécessairement les points de vue de l’équipe éditoriale.) x

JUlia denisLe Délit

Actualité[email protected]

3spéciale fédéralesle délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Le 28 septembre étaient invités tous les étudiants curieux à propos des élec-

tions fédérales de cet automne au salon des arts. Standpoints y a organisé l’évènement Élections pour les nuls (Elections for Dummies, ndlr), prônant l’idée que «tu peux être nul, mais tu n’as pas à le rester». C’est dans une ambiance de discussion de sofa que s’est donc déroulé un face-à-face avec le professeur de politique canadienne Richard Schultz, dont le seul mot d’ordre était la neutralité des échanges. Le professeur invité s’est tout de même exprimé avec moins de retenue que dans ses cours, racontant à l’occasion quelques anecdotes sur les partis en cam-pagne ou disparus.

Une campagne unique

Plus sérieusement, il a insisté sur le fait que la campa-gne électorale est cette année particulièrement fascinante, compte tenu du peu d’écart dans les intentions de votes pour les trois principaux partis. Ces derniers se relaient en tête du classement. Un rien changerait la donne, d’où l’importance de chaque débat et chaque inter-vention publique.

Jusqu’aux dernières élec-tions, premiers ministres libéraux et conservateurs s’échangeaient la tête du gouvernement canadien. Il est donc relativement inédit qu’une campagne électorale soit tripartite – excepté au Québec, où le Bloc Québécois a l’habitude de tenir la chandelle.

Pourtant, les clivages idéolo-giques ne sont pas flagrants entre le Nouveau Parti Démocratique (NPD) et le Parti Libéral du Canada (PLC). En effet, le pro-fesseur Schultz a expliqué que les Canadiens sont peu pola-risés hormis lorsqu’il s’agit du Parti Conservateur (PC). S’il est le premier choix de 30% des électeurs, il est très rarement le deuxième choix des 70% restants. Le parti actuellement au pouvoir est le plus idéologique des trois, dans le sens qu’il se limite à ses lignes directrices sans chercher à séduire ceux dont les opinions s’en écartent. Harper possède un fidèle soutien de près d’un tiers de la population; il s’efforce de le conserver pendant que Trudeau et Mulcair se disputent les indécis.

Selon M. Schultz, les libéraux ont trop longtemps tenu pour acquis leur succès auprès des im-migrants alors que de nombreux membres des communautés eth-niques se sont dirigés vers le PC qui inspire la confiance par son assurance.

Particularités canadiennes

Les divisions politiques ne sont pas aussi enracinées dans la société qu’en France par exemple, a-t-il constaté. D’après lui, les par-tis sont ici des «épiphénomènes» qui n’existent réellement qu’au moment des élections. Avant d’aborder l’histoire récente de ces derniers, le professeur Schultz a rappelé les rouages du système électoral du Canada, qui favorise la partisannerie régionale. C’est notamment un système selon lequel un premier ministre n’a pas besoin de la majorité des votes pour être nommé. Ainsi, Harper a obtenu une forte majorité des siè-ges à la Chambre des Communes en 2011, alors qu’à peine 40% des votants lui avaient donné leur voix. Qui plus est, seulement 60% des Canadiens s’étaient rendus aux urnes cette année-là.

Ce taux médiocre illustre le manque d’intérêt de la population envers ses élus, notamment chez les jeunes. Il est donc pertinent de convier les étudiants à des évènements tels que celui-ci: ils en sortiront plus éclairés que la moyenne des Canadiens sur la démocratie de leur pays, a déploré l’invité. Enfin, le professeur Schultz prédit, au vu des tendan-ces actuelles, que le 19 octobre sera élu un gouvernement conser-vateur minoritaire. x

Campagne 101Standpoints organise un évènement pour informer sur la campagne électorale canadienne.

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4 SPÉCIALE FÉDÉRALES le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

C’est dans un débat bien mené mais sans grande surprise que se sont affron-

tés le 30 septembre dernier cinq candidats locaux aux élections fé-dérales du 19 octobre. Modéré par Sara Sebti, les candidats se sont unanimement prononcés sans surprise en faveur de l’éducation, de l’environnement et de la pros-périté collective. Le débat électo-ral, organisé conjointement par l’Association Étudiante de l’Uni-versité McGill (AÉUM) et la radio CKUT, rassemblait des candidats d’allégeances conservatrice, verte, bloquiste, néo-démocrate et com-muniste. s’est déroulé mercredi dernier à 17h au 3e étage du 3 600 McTavish devant un bon nombre d’électeurs étudiants assoiffés de joutes oratoires épiques. La foule, dont les applaudissements ont trahi un avis nettement favorable au Nouveau Parti Démocratique (NPD), a eu droit à un affronte-ment très civilisé, mais tout de même intéressant. Les enjeux concernant l’éducation et l’envi-ronnement ont attiré davantage l’attention et suscité les plus vifs échanges, l’appel à la prospérité économique suscitant davantage le consensus parmi les candidats.

Tour de table Les problèmes de l’employa-

bilité des nouveaux diplômés et de l’endettement semblent préoccuper tous les partis. Simon Marchand, du Bloc Québécois, et Daniel Green, du Parti vert, prennent position en faveur d’investissements dans les secteurs clés que sont l’envi-ronnement et la science pour sti-muler un marché du travail qui soit jeune et prometteur pour les récents diplômés. William Sloan, du Parti communiste, propose

nationalisations tous azimuts et politique agressive contre l’évasion fiscale. Simon Marchand mise sur des réductions des dépenses militaires pour se donner les fonds nécessaires pour investir dans l’éducation. Mesdames Turner du NPD et Bendayan du Parti libéral du Canada (PLC), sont davantage préoccupées par le développement d’emplois étudiants, pour limiter l’endettement, que par l’investis-sement direct. Une guerre des chif-fres sur les promesses de nombre d’emplois révèle toutefois un NPD

désormais clairement plus à droite que le PLC, en ce que sa candidate insiste sur la nécessité d’atteindre le déficit zéro.

Concernant l’environnement, Rodolphe Husny, du Parti conser-vateur du Canada (PCC), s’est fait attaquer sur tous les fronts et a eu peine à défendre le bilan de son parti étant donné sa politique pétrolière et son retrait du proto-cole de Kyoto. Tous les candidats se sont honorablement défendus, avec mention d’excellence pour Daniel Green du Parti vert (l’inverse eut

été triste). Alors que la seule arme du conservateur contre les attaques de ses adversaires semblait être un appel au réalisme, la question du choix entre le pipeline Énergie-Est et le transport du pétrole par train a suscité l’enthousiasme des candidats, Simon Marchand met-tant admirablement le doigt sur l’essentiel. «Le débat pipeline versus transport ferroviaire est un faux débat», avance-t-il, «l’essentiel de la question consistant à savoir si, oui ou non, on désire augmenter notre production de pétrole bitumineux, l’avènement du projet Énergie-Est ne s’inscrivant aucunement dans une diminution du transport pétro-lier par train.»

La discussion économique a permis aux candidats de mettre en lumière les distinctions entre leurs partis concernant les moyens de faire prospérer notre économie. Sans surprise, le PCC veut baisser les taxes pour les entreprises et miser sur le libre-échange, le NPD veut augmenter le salaire minimum fédéral à 15 dollars par heure, les Libéraux veulent investir dans les transports et l’infrastructure, les verts proposent une deuxième révo-lution industrielle vers les énergies propres, le Bloc veut diminuer les dédoublements administratifs pour mieux investir dans des secteurs clés du Québec et le Parti communiste aimerait abolir le capitalisme. x

Débat et des hautsDébat enjoué à l’AÉUM entre cinq candidats locaux.

CAMpus

inès Léopoldie-duboisdavid lerouxLe Délit

Une vidéo invitant les étu-diants canadiens de McGill à voter, dite vote mob, a été

tournée sur le campus le jeudi 1er octobre. La date de l’événement, organisé par l’AÉUM, avait été changée (il devait initialement se dérouler le mardi 29 Septembre) pour cause de mauvais temps, et peu des personnes étaient présen-tes au rendez-vous. Contrairement à l’édition organisée pour les élec-tions de 2011, au cours de laquelle un groupe d’étudiants plus consé-quent avait joyeusement déambulé à travers le campus en brandissant des panneaux, il a fallu aller cher-cher les participants parmi les étu-diants passant par l’intersection ‘Y’. L’évènement a ainsi principalement consisté à arrêter ces derniers en leur proposant de prendre la pose avec des affiches non-partisanes devant la caméra.

L’importance de voter L’objectif de l’évènement était

assez clair. Comme nous l’a dit

Emily Boytinck, v.-p. Externe de l’AÉUM et organisatrice de l’évè-nement : «le but du vote mob est de rendre les étudiants excités à l’idée de voter». En effet, elle nous expli-que qu’«il est très important que les étudiants aillent voter, car la jeu-nesse est souvent considérée comme apathique (…). Voter est parfois déroutant, mais il a été démontré

que si l’on vote une première fois, on votera pour le reste de notre vie. Et comme beaucoup d’étudiants vote-ront pour la première fois, le vote mob est une super façon d’entrer en contact avec eux.»

Kelly Richmond, étudiante présente à l’évènement, ajoute que le vote mob est important «parce qu’il est facile pour les étudiants

dans leur routine de devenir très passifs (…), donc en envahissant le campus pendant leurs activités habituelles, cela leur rappelle qu’ils devront voter, que le vote arrive et qu’ils ont besoin de penser à ce genre de choses.» En effet, selon elle, «beaucoup d’étudiants n’ont pas accès aux méthodes de publicité traditionnelles comme les journaux

ou la télévision». Pour elle, il est crucial que les étudiants de McGill votent, non seulement parce qu’ils représentent une part de popula-tion importante, mais aussi parce qu’«il est important de rappeler au gouvernement que les étudiants existent à travers tout le pays et que nos intérêts devraient être soutenus par tous nos représentants.»

En effet, le taux de participa-tion électorale des 18-24 ans est en baisse depuis maintenant plusieurs décennies. Selon elections.ca, dans les années 1960, environ 70% des jeunes votaient pour les premières élections auxquelles ils étaient ad-missibles, contre seulement un peu plus de 30% en 2004. Autres don-nées plus récentes: le taux de parti-cipation des 18-24 ans ne s’élevait qu’à environ 36-37% aux élections fédérales de 2008, et n’avait aug-menté que très subtilement pour passer à 38,8% aux élections géné-rales du 2 mai 2011. Des chiffres quelque peu alarmants puisque les politiques mises en place après ces élections seront celles qui forme-ront l’avenir de notre génération. Canadiens de McGill, prenez votre avenir en main: votez! x

Souriez, vous êtes filmés!Un vote mob pour encourager les étudiants à voter.éléonore nouelLe Délit

ÉLÉONORE NOUEL

5spéciale fédéralesle délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

La dernière ligne droite d’une longue campagne fédérale s’entame. À moins de deux

semaines du vote, les électeurs ont eu droit au déploiement du grand théâtre électoral, orchestré par de discrets mais ô combien impor-tants stratèges dont la créativité s’exprime en concentré à travers les trois débats des chefs.

Rétrospective.

D’abord organisé par The Globe and Mail à Calgary, puis à Montréal par Radio-Canada et TVA, les trois grands débats des chefs ont, cette fois encore, soulevé tantôt lassitude, tantôt amusement, tantôt intérêt sincère du public canadien. La dynamique de la cam-pagne induite par les nombreux sondages a déterminé la teneur et le ton de chacun des trois débats. D’un conventionnel qui annonçait 78 jours fort monotones marqués par une tenace tendance nationale à rejeter sans plus de questions le gouvernement Harper au profit de

l’option néo-démocrate, la campa-gne s’est finalement dynamisée. Au coeur des débats de cette 42ème campagne fédérale, une gradation exceptionnelle dans l’intensité émotive suscitée par les thèmes abordés : économie, déficit zéro, récession, transport du pétrole, niqab, nids de poule mangeurs de voiture et déclaration d’amour de Justin Trudeau à Gilles Duceppe.

Passionnante comptabilité

Le citoyen ordinaire, ne sachant que dire, parle de météo. Le politicien typique, lui, parle de gestion de la comptabilité étati-que et, lorsque le goût du risque s’empare de lui, d’économie. Le premier débat organisé par The Globe and Mail a placé messieurs Trudeau, Harper et Mulcair dans les espaces importants et connus de l’économie et des finances publiques. Harper, sur ce terrain, partait avec une longueur d’avance en n’ayant qu’à défendre un bilan faisant honneur à ses engagements électoraux d’équilibre budgétaire et de baisses de taxes et d’impôts. La seule attaque possible contre

son gouvernement doit se faire en soulignant l’inexactitude de sa pré-tention d’être arrivé à ses fins «sans couper dans les services publics», alors que Radio-Canada/CBC pei-ne à survivre et que moult services scientifiques canadiens sont passés au tordeur budgétaire.

Pour le reste, des positions claires furent énoncées dans ce premier débat. Le Parti Libéral souhaite profiter de la faiblesse historique des taux d’intérêts pour emprunter et investir dans des secteurs clés. Surprise, le Nouveau Parti Démocratique (NPD) se positionne économiquement à droite des Libéraux en insistant sur l’atteinte du déficit zéro, nous rappelant tristement le gouverne-ment Couillard. Fait cocasse: c’est en l’absence de Gilles Duceppe à Calgary, entre trois politiciens qui ne cessent de chanter la mort de l’indépendantisme québécois, que la question nationale s’est le plus longuement fait entendre. Trudeau, Mulcair et Harper se sont alors livrés une longue lutte à savoir qui s’opposerait le plus vigoureuse-ment aux terribles projets des sou-verainistes québécois.

La puissance émotive des enjeux de division

Puis, comme un coup de ton-

nerre dans un ciel sans nuages, est apparu dans le paysage électoral un sombre niqab planant lugubrement devant le soleil des droits et devoirs civiques canadiens. Le vent a tourné, les stratèges conservateurs ont sévi, armés de la puissance surprenante des enjeux de division. Doit-on ou non permettre le vote et l’assermentation de nouveaux citoyens voilés par un niqab? Il n’en fallait pas moins pour déchaîner les passions et changer de bout en bout l’orientation de la campagne électorale et, conséquemment, des débats. Le second débat, organisé par Radio-Canada et modéré par l’effacée Anne-Marie Dussault, s’est avéré prendre la forme d’un échan-ge échevelé entre May, Trudeau, Harper et Mulcair. Gilles Duceppe qui, pourtant, attaquait avec perti-nence et droiture chacun d’eux a été ignoré tout au long de la soirée.

Les thèmes habituels furent abordés sans surprise, les différents partis se démarquant surtout quant

à leurs positions sur le vote voilé - Harper et Duceppe s’y opposant. Les stratégies à adopter dans la lutte contre l’État Islamique ont aussi été débattues. Mulcair, May et Trudeau ont rejeté l’intervention armée, Harper en a fait l’apologie et Duceppe a adopté une position intermédiaire. Le dernier débat opposant Trudeau, Harper, Mulcair et Duceppe a donné lieu aux mêmes affrontements dans un contexte beaucoup plus organisé et intéres-sant.

Outre l’absence de Mme May, qu’elle a attribué au sup-posé machiavélisme de Pierre Karl Péladeau, qui voudrait la censurer, la seule différence observée au débat de vendredi à TVA a résidé dans la quantité de propos étran-ges qui y furent entendus. Justin Trudeau appelant Duceppe «mon amour», Gilles Duceppe soupçon-nant Mulcair de vouloir s’appro-prier l’invention d’internet à force de tordre la réalité à son avantage, Trudeau évoquant les Montréalais qui perdent leur voiture dans des nids de poule… Citoyens, la cam-pagne fût longue. Allez, aux urnes, avant de perdre la raison! x

Comptabilité, niqab et patinage artistiqueLe Délit fait son bilan des débats des chefs.

politique fédérale

david lerouxLe Délit

Comment voter à McGill?campus

théophile vareilleLe Délit

1. S’enregistrer: si vous n’êtes pas déjà inscrit par défaut, comme le sont la majorité des Canadiens, enregistrez-vous pour voter! Procédure facilitée cette année: vous pouvez l’effectuer en ligne via le site Élections Canada. Deux pièces d’identité différentes sont requises.

2. Quand ça? Pour les scrutins spéciaux, afin de voter pour des circonscriptions hors du Québec: à McGill du 5 au 8 octobre, et jusqu’au 12 dans différents lieux de Montréal. Et pour votre circonscription à Montréal le 19 octobre, date officielle des éléctions.

4. Si aucune de ces solutions ne vous convient, il est toujours possible de voter jusqu’au 13 octobre dans un bureau d’Élections Canada — le plus proche de McGill étant au 555 Sherbrooke Ouest — si vous êtes enregistrés autre part qu’à votre résidence mcgilloise.

3. Où ça? Il y a trois bureaux à McGill pour les élections anticipées, et ils sont ouverts à tous, quel que soit votre district de résidence première. Ces trois bureaux ouverts pen-dant trois jours de 10h à 20h, se trouvent au Memorial Hall, à la résidence Carrefour Sherbrooke ainsi qu’à l’Hôtel Plaza (Ace Bar). Les bureaux mcgillois ouverts le 19 octo-bre seront logés aux Centre Étudiant sur McTavish et à nouveau à Carrefour Sherbrooke.

6 spéciale FÉDÉRALES le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

À qui la victoire? Politique Fédérale

Comparativement à un sondage similaire publié par Léger le 24 septembre dernier, le NPD a chuté de 3% dans les intentions de vote et obtient présentement 26% des intentions de vote. Le Parti libéral mène avec 32% des intentions alors que le Parti conservateur suit de près avec 30%.

Sur la question du meilleur Premier min-istre potentiel pour le pays, les Canadiens sont divisés. M. Mulcair et M. Harper inspirent le plus de confiance et obtien-nent un appui de 24% chacun. Il s’agit d’une hausse de 3% pour M. Harper qui était appuyé par 21% de la population en date du 5 septembre selon un sondage Léger.

Bien que la question du niqab semble avoir dominé la campagne dans les dernières semaines, les Canadiens ont identifié l’économie et les finances publiques comme l’enjeu le plus important de la campagne.

Un nouveau sondage Léger pour le compte de TVA et des quotidiens Le Journal de Montréal et Le Devoir indique que le Nouveau Parti Démocratique perd des plumes alors

que le scrutin se rapproche. Le sondage a été effectué entre le 28 et le 30 septembre auprès de 2107 Canadiens.

Réalisé Par matilda Nottage à l’aide de piktochart

7spéciale fédéralesle délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Le Délit (LD): Quelles sont les grandes lignes de votre projet pour le Canada?

Marc Miller (MM): Notre plan est assez concret: pouvoir donner du pouvoir d’achat aux Canadiens pour relancer l’écono-mie au travers d’un investissement historique de 60 milliards, échelon-né sur dix ans. Un des piliers clefs de notre plan est la réduction du fardeau fiscal de la classe moyenne. Pour cela, on va demander à ceux qui gagnent le plus de payer leur juste part. Jumelée à cela, nous proposons une réforme de l’allo-cation familiale: aujourd’hui, des millionnaires touchent ces alloca-tions pour leurs enfants, sans en avoir besoin. Nous allons réformer le système pour donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. L’idée dans tout ça est l’égalité des chan-ces: l’effort recherché est de palier l’écart croissant qui s’est créé entre les revenus.

LD: Le Parti libéral met l’accent sur l’emploi pour les jeunes. Pouvez-vous détailler votre pro-gramme pour favoriser l’accès à l’emploi aux jeunes?

MM: Nous allons essayer de créer 120 000 emplois pour les jeunes sur les trois prochaines années avec un investissement de plus d’un milliard de dollars pour encourager les employeurs à embaucher des jeunes. Nous allons travailler en collaboration avec Emploi-Canada pour aider les jeunes à faire face à la crise professionnelle actuelle.

LD: Le programme du Parti libéral peut sembler à première vue assez similaire à celui du Nouveau Parti démocratique. Qu’est-ce qui vous distingue vraiment des propo-sitions du NPD?

MM: Notre programme vise un résultat immédiat, alors que celui du NPD se base sur une obsession à équilibrer le budget Harper, alors qu’il est déjà périmé. Le NPD ne peut donc pas tenir ses promesses. Il y a également une obsession de tout dicter centra-lement: M. Mulcair veut imposer ses solutions aux provinces, ce qui entraînera sans aucun doute un conflit constitutionnel. Notre pro-jet est plus honnête et courageux en affirmant que nous allons avoir

un déficit mais en proposant des solutions immédiates.

LD: Comment vous êtes-vous engagé en politique?

MM: J’ai commencé la poli-tique en 2008, de façon un peu étrange. En fait, je ne suis pas vraiment une personne partisane: j’aime le Parti libéral parce que j’aime son projet et son leader, Justin Trudeau, que je connais

depuis 31 ans et pour lequel je me suis engagé lors de sa campagne en 2008. Mon entrée en politique était donc d’abord pour aider un ami. Ensuite j’y ai pris goût et j’ai aidé Justin pour sa course à la chefferie du parti, sur le plan du financement et comme conseiller.

LD: Votre formation en Droit et en Sciences Politiques a-t-elle joué un rôle dans votre engagement

politique?MM: Les Sciences Politiques

aident mais il faut vraiment savoir parler aux gens et sortir de sa zone de confort. C’est un talent qui ne s’apprend pas dans les écoles: j’ai vraiment pris goût à la politique en tant que candidat en 2012, lorsque Justin Trudeau s’est engagé pour la présidence du Parti Libéral.

LD: Vous avez servi dans l’armée canadienne de réserve. Cela influence-t-il votre projet en termes de défense canadienne?

MM: Au début je me suis engagé tant par sens du devoir que pour gagner un peu d’argent. Je voulais m’entraîner, comprendre ce que c’est d’être dans l’infante-rie. J’ai beaucoup d’appréciation pour les peacekeepers et je suis fier du rôle que le Canada joue dans le monde, je pense qu’il devrait jouer un rôle accru. Cela m’a donc influencé d’une façon indirecte: je suis conscient du devoir que nous avons envers nos soldats. x

Marc Miller Parti libéral | Ville-Marie — Le Sud-Ouest — Île-des-Sœurs

chloé mour

Le Délit (LD): Pouvez-vous vous présenter brièvement, ainsi que votre parti?

Christine Poirier (CP): J’ai fait mon bac à l’université Laval, puis ma maîtrise et scolarité de doctorat à l’université McGill. Pendant mon doctorat j’ai démarré une entreprise de vêtements d’allaitement, qui s’appelle Momzelle pour aider les mères à se sentir bien avec l’allaite-ment en public. C’est l’entrepreuna-riat qui m’a mené à la politique car j’ai souvent représenté les jeunes entrepreneurs canadiens auprès des ministres fédéraux pour les inciter à investir dans l’entrepreunariat et la jeunesse. J’ai choisi le Parti libéral du Canada parce que c’est un parti d’ouverture, un parti qui promeut l’égalité des chances, qui respecte la dignité, qui prend des décisions basées sur les faits et la science.

LD: La dernière fois que les libéraux étaient au pouvoir dans la circonscription de Laurier—Sainte-Marie c’était en 1989, qu’est-ce qui se-lon vous peut faire la différence cette année et vous redonner le contrôle de cette circonscription?

CP: C’est la première fois cette année que le terrain est ouvert vu

que M. Duceppe n’est plus là, il a déjà perdu, et même s’il se représente, j’ai une chance de gagner. Je fais campa-gne pour cela depuis mai 2014.

LD: Vous venez d’accoucher et vous êtes déjà de retour dans la cour-se! Comment est-ce que vous gérez votre vie de famille, la campagne et votre nouveau-né?

CP: Je dois dire que ça de-mande un niveau d’organisation

supplémentaire. Heureusement j’ai eu le temps de me préparer pendant ma grossesse. Ce n’est pas quelque chose que je pourrais faire seule, et c’est mon conjoint et l’équipe qui font toute la différence. J’ai été réellement absente pendant 9 jours de la campagne, mais pendant ces 9 jours-là, Sophie Grégoire Trudeau, l’épouse de Justin Trudeau est venue faire du porte-à-porte pour moi dans la circonscription avec une

douzaine de candidats officiels de la ville de Montréal et des wenvirons. C’était très touchant. On dit que la politique c’est comme une famille et je sens vraiment ça, ce soutien-là est crucial.

LD: Le taux d’abstention chez les jeunes était très haut lors des élec-tions de 2011, avec seulement 38% des 18-24 ans ayant voté. Comment comptez vous encourager les jeunes d’aujourd’hui à voter, et pourquoi voteraient-ils pour le Parti libéral du Canada?

CP: Les jeunes font partie de notre plateforme électorale. Laurier—Sainte-Marie doit être l’une des circonscriptions les plus jeunes avec plusieurs universités aux alentours. Je pense qu’on a le meilleur programme pour les jeunes parce qu’on veut investir dans le futur, comme dans les infrastruc-tures ou les technologies vertes. On veut aussi remettre des program-mes pour que les jeunes puissent travailler auprès du gouvernement ainsi que des programmes d’emplois pour donner une chance aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail et qui font face à des taux de chô-mages plus élevés que la moyenne. On essaye de répondre aux préoc-

cupations des jeunes, c’est quelque chose que Justin Trudeau tient bien à cœur.

LD: Avez-vous un dernier com-mentaire à faire, une dernière chose à dire à nos lecteurs, un dernier mes-sage à faire passer ?

CP: Il y a des choses qu’on ne réalise pas tout le temps mais les partis politiques préparent leur plateforme en fonction des gens qui ont voté aux élections précédentes. Donc si on veut que nos voix se fas-sent entendre, que la voix des jeunes se fasse entendre c’est important de voter. Ca peut changer la donne complètement! Donc le 19 octobre c’est important de sortir aux urnes et d’aller voter.

LD: Vous étiez à McGill pour votre maîtrise, ainsi que votre docto-rat, vous lisiez Le Délit?

CP: Je lisais Le Délit (rires). Je n’ai malheureusement pas été journaliste pour Le Délit mais je le lisais. x

Propos recueillis parInès Léopoldie-Dubois

Le Délit

Christine PoirierParti libéral | Laurier — Sainte-Marie

Inès Léopoldie-Dubois

Propos recueillis parAntoine Duranton

les candidats autour du campus

8 spéciale fédérales le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Le Délit (LD): Pouvez-vous brièvement présenter la pers-pective du NPD, sur l’échelle

fédérale mais aussi sur celle de votre circonscription, Laurier?

Hélène Laverdière (HL): Il y a beaucoup de défis comme les inéga-lités sociales, un problème mondial, mais aussi spécifiquement cana-dien. Elles ont grandi tant sous les libéraux que sous les conservateurs depuis des décennies. Il y a la ques-tion de l’économie; en ce moment elle n’est pas assez diversifiée, il y a eu beaucoup de pertes de bons emplois. Il y a des enjeux globaux qui résonnent dans la circonscription: la lutte contre la pauvreté, l’accès au logement, l’enjeu de la sécu-rité ferroviaire (on est entouré de

voies ferrées dans Laurier - Sainte Marie), renverser les coupes faites à Radio Canada… Autre enjeu, on a posé six différents projets de loi et motions pour défendre les droits LGBT (Lesbienne, Gays, Bisexuels et Transgenres, ndlr) et notamment les droits des personnes trans.

LD: Le programme du NPD pro-met la création de débouchés sur le marché du travail pour 40 000 jeunes Canadiens. Quelle est votre stratégie?

HL: Il y a maintenant sous le règne — c’est un beau lapsus (rires) — le gouvernement Harper, à peu près 60 000 emplois pour les jeunes qui ont disparu. On propose d’en créer 40 000, pour permettre aux jeunes d’acquérir une expertise, car

c‘est difficile en commençant avec un CV presque blanc. Il s’agit par exemple d’avoir des quotas pour l’emploi des jeunes. Il y a aussi notre appui aux PME: c’est elles qui créent 80% des emplois. On veut pour les entreprises de juridiction fédérale hausser le salaire minimum à 15 dollars. Ma collègue Laurin Liu a essayé de faire passer un projet de loi pour la protection des stagiaires non rémunérés, avec les mêmes lois de norme et sécurité au travail que les travailleurs rémunérés.

LD: Le programme insiste sur l’importance du développement du-rable: avez-vous des projets concrets pour votre circonscription?

HL: On est vraiment prêts à mettre l’effort pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Les Libéraux étaient allés à Kyoto mais ont admis qu’ils n’avaient aucune intention d’atteindre leurs objectifs, les conservateurs ont été encore pires et nous ont retirés de Kyoto. Il faut investir dans les infrastructu-res, dans les transports en commun, transférer une partie de l’argent de

la taxe sur l’essence pour la remettre aux municipalités. Mon autobus de campagne, c’est l’autobus 45 qui fait l’avenue Papineau, et j’en suis très fière (rires).

LD: La question de la santé mentale des jeunes canadiens est abordée dans le programme du NPD. Ce sujet n’est pas commun — il n’est d’ailleurs pas abordé par le Parti libéral ni par le Parti conser-vateur. Pourquoi pensez-vous qu’il est important d’agir au sujet de la santé mentale?

HL: C’est essentiellement de travailler en amont, sur la préven-tion. Quand on travaille du côté de la santé mentale auprès des jeunes on évite beaucoup de problèmes à l’âge adulte qui perdurent ou s’accentuent. Il y a 1,5 million de Canadiens de moins de 24 ans qui souffrent de problèmes de santé mentale, c’est quand même pas marginal. On veut avec un fond d’innovation de 100 millions tra-vailler avec les Premières Nations, avec les organismes communautai-res, avec les institutions publiques.

LD: L’Institut du Nouveau Monde dénonce le problème de l’abs-tention chez les jeunes électeurs, décriant un “suicide politique”. Lors des élections de 2011 seulement 38,8% des 18-24 ans ont voté. Les voix des jeunes et des étudiants ont-elles une importance particulière pour le NPD?

HL: C’est un point qui me tient particulièrement à coeur. Hier je suis allée participer à un débat dans une école secondaire; il faut com-mencer très tôt. Souvent les adultes, j’essaie de les convaincre de voter NPD. Quand je parle à des jeunes je dis: “Votez pour qui vous voulez, mais s’il-vous-plaît, votez”. J’utilise toujours une histoire qui vient de Rick Mercer, qui dit: “Est-ce que vous laisseriez vos grand-parents choisir vos amis? Vos vêtements? Votre musique?” La réponse est toujours non. “Alors, pourquoi est-ce que vous les laissez choisir votre gouvernement et votre avenir?” x

Hélène LaverdièreNouveau Parti démocratique | Laurier — Sainte-Marie

entrevues

Le Délit (LD): Alors est-ce que vous pouvez brièvement nous présenter les ambitions du

NPD à l’échelle fédérale et à celle de votre circonscription?Allison Turner (AT): Le NPD a le plan solide pour faire le travail nécessaire pour remplacer M. Harper, mener le Canada sur la bonne voie et réparer les dommages qui ont été causés par le gouvernement actuel. Le NPD veut une démocratie transparente, une économie équilibrée, juste et équi-table et un environnement propre.

Sur le plan local, le NPD a comme priorité l’augmentation des emplois, on veut implémenter un plan pour le logement abordable et

social. L’infrastructure ensuite: on veut investir dans l’infrastructure qui inclut les ponts et les routes, donc il faut que les municipalités aient l’argent nécessaire pour maintenir l’infrastructure et spécifiquement la question, sur le plan local, de la sécurité des voies ferrées. On a vu plusieurs déraillements depuis quel-ques années alors c’est une situation qui nécessite un plan sérieux.

LD: À propos de la loi C-51 (loi sur le renseignement, ndlr) et l’héri-tage du «règne Harper», est-ce que le NPD compte mener une politique de déconstruction de cet héritage s’il l’emporte?

AT: La loi C-51, c’est quelque chose d’extrêmement sérieux et dan-gereux pour les Canadiens et c’est pour ça que le NPD veut abroger cette loi, point-barre.

C-51 n’est que pour augmenter les pouvoirs de services de rensei-gnement et de sécurité canadiens sans que cela soit nécessaire, sans

qu’il y ait une surveillance du travail de cette agence. Cette absence de surveillance démontre que le gou-vernement ne tient pas compte des droits fondamentaux des Canadiens. Le risque est trop grand, tous les experts sont unanimes sur cela (des anciens juges de la Cour Suprême du Canada, l’Association du Barreau canadien, les Commissaires de la vie privée des Canadiens), tous sont d’accord sur le fait que la loi est dan-gereuse.

LD: Quel est l’intérêt, pour les étudiants de Ville-Marie (qui compte McGill, l’UQAM, Concordia et cer-tains Cégeps, ndlr) de voter pour vous?

AT: C’est d’abord le NPD qui s’est battu pour les étudiants en tant qu’«opposition officielle»

au Parlement pour mettre fin à la pratique abusive des stages non-rémunérés. C’est aussi le NPD qui s’engage à créer 40 000 emplois pour les étudiants spécifiquement parce que nous savons que les étudiants s’endettent parfois beaucoup pour terminer leurs études. Je pense que le NPD est le seul parti qui veuille

améliorer le sort des étudiants qui terminent leurs études avec des det-tes épouvantables.

Il y a aussi une étudiante de McGill a qui a proposé le Programme de Délégué de Jeunesse (Youth Delegate Program, ndlr). Il s’agit d’un programme qui existe déjà ailleurs dans le monde où on fait en sorte qu’un représentant de la jeunesse siège dans les délégations interna-tionales. Le NPD appuie un tel projet pour s’assurer que la jeunesse ait une voix dans notre démocratie et dans nos affaires étrangères.

LD: Vos deux années de service au Conseil des Montréalaises mon-trent entre autres vos préoccupations pour la justice sociale. Comment celles ci sont-elles traduites dans votre programme?

AT: Dans un premier temps, le NPD est le seul parti qui veuille la parité entre femmes et hommes. On veut atteindre 50% de femmes au Parlement. C’est une priorité pour le NPD, pour s’assurer que les femmes participent à parts égales dans notre système démocratique.

En général, j’ai toujours tra-vaillé pour donner une voix à celles et ceux qui n’avaient pas une voix ou pas suffisamment de voix. Et pour moi le NPD, c’est le parti qui veut bien représenter tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.

LD: Et votre modèle politique? Vous n’avez pas le droit de dire Mulcair, ça serait trop facile.

AT: (Rires) Je pense que Tommy Douglas est un très bon mo-dèle pour le Canada et on n’a pas vu beaucoup de personnages politiques qui aient la personnalité engageante, qui personnifient la justice sociale comme lui. Mais je pense que Tom Mulcair, c’est sûr, c’est le chef le plus fort, qui a les valeurs de la justice sociale et qu’on a vu à maintes repri-ses défendre pendant qu’il était le chef de l’opposition officielle. x

Allison TurnerNouveau Parti démocratique | Ville-Marie — Le Sud-Ouest — Île-des-Soeurs

Propos recueillis parmatilda nottage

Le Délit

Propos recueillis paryves boju

Le Délit

éléonore Nouel

matilda nottage

«Quand je parle à des jeunes je dis: “Votez pour qui vous voulez, mais s’il-vous-plaît, votez”»

«Le NPD est le seul parti qui veuille la parité entre femmes et hommes.»

9spéciale fédéralesle délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Cyrille GiraudParti vert du Canada | Laurier — Sainte-Marie

entrevues

Le Délit (LD): Tout d’abord, pourriez-vous m’expliquer vos principales propositions

en tant que candidat du Parti vertÉDaniel Green (DG): Le Parti

vert est un nouveau parti, ce qui lui donne l’occasion de proposer de nouvelles choses. Aussi, comme, il y très peu de chance que l’on forme le prochain gouvernement, cela nous permet d’innover, d’éviter l’électoralisme. Nous pouvons pro-poser des idées et espérer que les autres partis vont nous les voler. Le Parti vert est plus qu’un parti environnemental, la vision verte est une vision sociale, équitable et démocratique. Concrètement,

nous avons une population qui vieillit, qui aura besoin de plus en plus de médicaments. On propose un système pour augmenter la gratuité des médicaments. Un pro-gramme fédéral, avec le pouvoir d’achat fédéral, pourrait bonifier les programmes provinciaux. Nous avons aussi un déficit au niveau du logement social. Ce n’est pas la seule solution à l’itinérance mais il faut augmenter l’offre. C’est pourquoi j’ai proposé de regarder

ce qu’on peut faire avec l’hôpital pour enfants de Montréal qui est maintenant vide. Pourquoi ne pas le transformer en logement social? Voilà une solution concrète, on a un édifice, cet édifice peut être converti rapidement, il suffit de s’y mettre.

LD: Qu’est-ce que vous pro-posez pour répondre aux problé-matiques environnementales propres aux grands centres comme Montréal?

DG: Nous sommes entou-rés d’eau à Montréal et quand il pleut, cette eau est contaminée.

Voilà pourquoi nous avons un programme d’infrastructures. On parle d’un investissement majeur pour remettre à niveau des services essentiels. Ce sont des mesures vertes oui, mais aussi des mesures qui répondent à un pro-blème d’infrastructures qui nuit au développement de l’archipel de Montréal. Au delà de protéger l’environnement, on améliore l’offre économique de Montréal.

LD: Vous avez déclaré avoir un intérêt particulier pour la question de l’itinérance inuit dans la cir-conscription, un sujet peu discuté, pourriez-vous nous en parler un peu plus?

DG: Ici dans le comté, on a une itinérance particulière, une itinérance inuit. Ce n’est pas parce que c’est des gens qui n’ont pas d’argent ou de moyens. Ce sont des gens qui quittent le Nord à cause du manque de logement, du manque d’espace dans les loge-ments fédéraux, de la violence, etc. Il faudra régler le problème dans le Nord, mais en attendant,

il faut les aider. Ces gens tombent dans les craques de l’aide comme ils ne sont pas des Premières Nations, n’ont pas la même lan-gue, ni la même culture. Ils sont ici pour des soins, et l’offre de logement n’est pas adéquate. À l’intérieur même de mon projet pour l’hôpital, nous pourrions avoir un centre communautaire pour ces gens. Leur offrir un lit, du support, les aider à participer à la

société.

LD: Qu’est-ce que vous avez à répondre à ceux qui craignent qu’en votant vert, ils ne fassent que diviser le vote et faciliter la victoire des conservateurs?

DG: Oui, dans certains cas, le vote vert pourrait enlever de l’un et de l’autre. Par contre, ce qui divise réellement le vote, c’est les libéraux et le NPD. On a peu d’influence au niveau du vote. Nous disons au gens voter vert par conviction, de votez vert par coeur et par tête. C’est vraiment dommage que l’on soit rendu au Canada, pendant une élection fédérale, de voter contre quelque chose plutôt que pour quelque chose. Moi je dis à ceux qui veu-lent voter vert, faites-le. Nous aimerions avoir assez de députés verts pour donner la balance des pouvoirs au Parti vert si le gou-vernement est minoritaire. Voter vert n’est pas un vote jeté, voter vert avance la cause et reverdit un peu le gouvernement. Après tout, pour que les autres partis puis-sent voler nos idées, il faut pou-voir les apporter au Parlement. x

Daniel GreenParti vert du Canada | Ville-Marie - Sud-Ouest - Île-des-Soeurs

Le Délit (LD): De manière succincte, pouvez-vous nous expliquer les grandes

propositions du Parti vert aux niveaix fédéral et municipal?

Cyrille Giraud (CG): Les grandes lignes du parti au niveau fédéral bien sûr c’est porté sur l’économie verte, et j’insiste sur cette notion-là. On a beau être un parti vert, on ne parle pas que d’environnement. Tous les liens qu’on fait par rapport à l’environ-nement se rapportent à l’écono-mie. Bien sûr, on est opposé aux projets de pipelines d’Enbridge et TransCanada: économi-

quement parlant ça ne va rien apporter au pays ni au Québec quand on voit ce qui est fait en terme d’évitement fiscal par les sociétés pétrolières. On est aussi présent sur tous les domaines de compétences. On parle de l’assurance-emploi, on parle de Postes Canada et Radio-Canada, des coupures qui y sont faites. Donc je ne veux pas être catalo-gué comme un parti simplement vert, d’autant plus que ma forma-tion je l’ai faite en finance. Dans un monde idéal, on n’aurait pas besoin d’un ministère de l’envi-ronnement, il faudrait qu’il y ait

de l’environnement dans tous les ministères.

LD: Le Parti vert entend ré-duire à zéro les frais de scolarité postsecondaires et professionnels au niveau canadien d’ici 2020.

Comment envisagez-vous ce vira-ge sachant que l’éducation relève du domaine provincial?

CG: Pour ce qui est du lien entre le provincial et le fédéral il y a toujours moyen d’aider les provinces par le système de péréquations. Je pense que c’est un rôle important du fédéral de financer le plus possible tout ce qui relève de l’accès à l’éducation et que l’argent ne soit jamais un frein pour y avoir accès. Aux États-Unis l’endettement pra-tiquement handicapant auquel fait face la majorité des étudiants n’est pas un modèle à suivre. Par contre, d’autres pays s’engagent sur la voie de la gratuité scolaire, pourquoi pas nous? Pour ce qui

est du financement, je reviendrai à ma campagne locale et au sujet des paradis fiscaux. Au Canada, au bas mot, c’est 170 milliards de dollars qui sont en circulation dans les paradis fiscaux que les grosses sociétés font sortir du

pays pour ne pas payer d’impôt. Donc, de l’argent pour l’éduca-tion il y en a. Ça va aussi être sur le long terme, il ne faut pas se le cacher.

LD: La question de la mari-juana est un petit enjeu dans cet-te campagne, mais elle intéresse néanmoins. Où se situe le Parti vert par rapport à cela?

CG: Le parti vert est clai-rement pour la dépénalisation du cannabis et la taxation du cannabis sur l’exemple de ce qui se fait déjà dans certains états de nos voisins du Sud. Au départ, le cannabis a été interdit majo-ritairement à cause de ses effets secondaires, mais si on prend le

temps de rechercher un peu, on se rend compte d’une foule autre de propriétés bénéfiques notam-ment au niveau thérapeutique. Quant aux compagnies pétroliè-res, elles préfèrent qu’on évite de faire des biocarburants à partir

de cette plante pour que les gens continuent à acheter du pétrole dit conventionnel qui pollue plus et qui leur apporte plus d’argent. D’un autre côté, le cannabis représente aussi un potentiel en terme de taxation et donc de source de revenu pour le fédéral, le provincial et le municipal. Il y a tout un enjeu autour de cela qui fait que ce qui était impensable il y a 50 ans est aujourd’hui fai-sable. C’est un peu à l’image de l’évolution du mariage gai dans la communauté. Ça évolue. x

«Dans un monde idéal, on n’aurait pas besoin d’un ministère de l’environnement; il faudrait qu’il y ait

de l’environnement dans tous les ministères.»

Propos recueillis parjulien beaupré

Le Délit

Propos recueillis parlaurence nault

Le Délit

éléonore Nouel

«Voter vert n’est pas un vote jeté, voter vert avance la cause et reverdit un peu le gouvernement.»

éléonore Nouel

Le Délit: Les conservateurs s’adressent surtout aux fa-milles, aux propriétaires, aux

aînés... Où sont les jeunes?Steve Shanahan: Les jeunes

sont d’abord des citoyens à part en-tière et sont préoccupés par des en-jeux qui ne touchent pas uniquement la jeunesse. Nous avons des mesures comme l’accès à l’achat de maison et des programmes d’apprentis dont ils sont les principaux bénéficiaires, mais avant tout nous proposons un gouvernement qui va maintenir une économie forte qui créera des oppor-tunités et des emplois de qualité dont les jeunes peuvent profiter.

LD: Les Universités McGill et Concordia se trouvent sur la circons-cription de Ville-Marie. Est-ce que cela a un impact sur la manière de faire campagne? Sur la politique que vous comptez mener?

SH: La plateforme du parti conservateur s’adresse et bénéficie à tous les Canadiens, nous avons un seul message et disons la même chose en français et en anglais, au Québec comme en Alberta. Il n’est

pas nécessaire de refaire le message pour les étudiants, car notre pro-gramme tient compte de leurs préoc-cupations.

LD: Quelles solutions locales pour résoudre les problèmes liés à l’emploi et aux logements des jeunes?

SH: La majorité des program-mes liés au logement sont financés par Ottawa, mais administrés par Québec, une économie solide permet à la fois de créer des emplois de qua-lité, mais aussi d’assurer des budgets

équilibrés et le maintien du finance-ment de ses programmes.

LD: Pourquoi passer du niveau municipal (Steve Shanahan est conseiller à la ville de Montréal pour le district Peter-McGill, ndlr) au niveau fédéral? Quelle est l’influence de votre expérience municipale sur votre vision fédérale?

SH: Mon travail comme conseiller municipal m’a mis en contact avec les préoccupations des gens et me permet de comprendre

toute l’importance d’un budget équi-libré. J’ai été impressionné par le leadership du gouvernement conser-vateur qui permet une économie forte. McGill et les autres universités au Québec font présentement les frais de politiques d’austérité qui sont la conséquence des déficits à répétition alors que le gouvernement conservateur est revenu à l’équilibre budgétaire un an plus tôt que prévu.

LD: Mélanie Joly qui était la tête de liste de votre parti aux municipa-les se présente pour les libéraux aux fédérales. Pourquoi avoir choisi les conservateurs? Cela veut-il dire que conservateurs et libéraux peuvent être d’accord?

SH: Les enjeux fédéraux et municipaux sont très différents, j’ai beaucoup de respect pour Mélanie Joly, mais je crois qu’elle fait une er-reur en choisissant un parti qui veut replonger le Canada dans les déficits. J’ai choisi le Parti Conservateur parce que malgré des circonstances économiques difficiles, ce gouverne-ment a produit des résultats comme la baisse de la TPS (Taxe sur les

Produits et Services, ndlr), la recon-naissance du Québec comme nation au sein du Canada et la baisse de la criminalité. Je suis convaincu que Montréal et son économie bénéficie-raient d’être enfin représentés par des élus conservateurs.

LD: Étiez-vous déjà engagé en politique à 20 ans? Si oui, quel type de jeune militant étiez-vous?

SH: J’étais président de mon association étudiante au Cégep et même à cette époque les associa-tions étudiantes faisaient des grèves contre l’augmentation des frais de scolarité. J’avais alors choisi une approche différente en organi-sant une rencontre publique avec l’association étudiante nationale qui proposait la grève et un député qui représentait le gouvernement. À la lumière du débat, notre association avait finalement rejeté la grève, ce qui à mon avis était une importante victoire à l’époque. x

Propos recueillis parjulia denis

Le Délit

Steve ShanahanParti conservateur | Ville-Marie—Le Sud-Ouest—Îles-des-Sœurs

Entrevues

Le Délit: Pouvez-vous faire une brève présentation de vous-même, ainsi que du

programme du parti?Rodolphe Husny: Je suis

comptable de formation, j’ai 33 ans, je me présente à Outremont pour les conservateurs contre Thomas Mulcair pour la deuxième fois. Durant les quatre dernières an-nées, j’ai été en poste au Ministère du Commerce International à Ottawa où j’ai travaillé sur des accords de libre échange.

Pour le parti, on a réussi à avoir un budget équilibré même sans diminuer les transferts en santé et en éducation. Les libéraux avaient coupé les transferts aux provinces, et nous avons priorisé deux éléments: garder les impôts bas, pour les individus comme pour les entreprises. Tous les ex-perts assurent que le Canada sera en croissance l’année prochaine. On croit fortement en la baisse des taxes pour préserver la compétiti-vité du marché canadien.

Vous, les étudiants, votre priorité est de trouver un emploi en sortant de l’université: vous avez besoin d’un gouvernement qui ne va pas augmenter la paperasse, qui va diminuer les impôts pour s’assurer que les entreprises aient la marge de manœuvre pour vous embaucher!

LD: Vous avez travaillé au Ministère du Commerce International à Ottawa, comment votre expérience au niveau fédéral vous aidera pour vos projets dans votre circonscription ? Qu’est-ce qui vous donne l’avantage ?

RH: Je connais les petites et moyennes entreprises, je connais les grandes entreprises, j’ai tra-vaillé avec elles, j’ai fait 50 mis-sions économiques du Canada à l’étranger. J’avais une double mis-sion: accompagner les entreprises pour qu’elles puissent exporter puis attirer les investissements au Canada. Ce que je propose dans le programme de mon parti, j’y ai tra-vaillé pendant quatre ans.

LD: Quelles sont vos propo-

sitions pour améliorer l’économie montréalaise? Aussi, avez-vous un plan pour créer de l’emploi dans votre circonscription, particulière-ment pour les jeunes?

RH: Attirer les investisse-ments, retenir nos entreprises, exporter. Un emploi sur cinq au Canada dépend de l’exportation, il faut que nos petites et moyennes entreprises exportent, et pas seu-lement vers les États-Unis. Je veux surtout que Montréal soit compé-titif du point de vue fiscal pour atti-rer les entreprises mais aussi les retenir. Ça serait mes trois mots:

attirer, retenir et exporter, pour Montréal.

LD: Oui absolument, et donc pour revenir sur cette thé-matique des jeunes: pourquoi un étudiant voterait pour le Parti Conservateur?

RH: C’est vraiment la ques-tion de votre avenir, parce que les gens savent que le déficit d’aujourd’hui sera simplement vos impôts demain. C’est bien beau de promettre un déficit, mais à la fin il va falloir le payer.

C’est vous qui faites le choix en disant: «est-ce que je trouve qu’on est tellement en difficulté financière qu’on doit faire un défi-cit?» Quand j’entends des partis qui disent qu’ils veulent fermer 20% de notre économie, qui est le secteur énergétique, moi ça me fait peur parce que on est à McGill ici, et à McGill il y a quoi? Il y a des ingénieurs, des chercheurs, des techniciens, tout ça là, notre économie en est dépendante. Il y a des ingénieurs québécois qui fournissent des services à l’indus-

trie pétrolière et gazière. On peut pas juste comme ça dire on ferme ça. Ça aura un impact: il y a des comptables, des avocats, il y a toute une industrie de services ou manufacturière qui travaille aussi pour notre secteur énergétique des sables bitumeux.

LD: La question de la musi-que: à 11h du soir, vous devez nous réveiller, nous redonnez de l’énergie, qui mettrez-vous ?

RH: Stromae, c’est toujours lui qui me boost.

LD: Avez-vous un dernier com-mentaire, un message à faire passer à nos lecteurs ?

RH: Allez voter, renseignez-vous, c’est votre avenir, c’est vous qui allez en subir les conséquences, je sais que tout le monde essaie de faire le pitch pour le changement, mais le changement apporte aussi des risques. Qu’ils regardent les deux car les partis peuvent pro-mettre monts et merveilles mais il y a aussi des risques. C’est facile d’attaquer quand on n’est pas au pouvoir. x

Propos recueillis parEsther Perrin Tabarly & Inès Léopoldie-Dubois

Le Délit

Rodolphe HusnyParti conservateur | Outremont

éléonore nouel

10 Spéciale fédérales le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Éléonore Nouel

11spéciale fédéralesle délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Le Délit (LD): Dimanche 27 septembre, les élections régio-nales en Catalogne ont donné

vainqueurs les partis indépendan-tistes, pensez-vous que l’indépen-dance de la Catalogne pourrait redonner de la vigueur à l’élan sou-verainiste au Québec?

Gilles Duceppe (GD): Je pense qu’il est toujours heureux de voir des nations lutter pour ce qu’elles sont, afin de se donner les moyens de s’épanouir. C’était le cas en Écosse: ils n’ont pas gagné leur référendum mais ils ont fait un excellent score à Westminster par la suite. Là, ils ont gagné en termes de sièges, ce qui est intéressant. Aussi, lorsque les chefs des autres partis, durant le débat en français, disaient que la souveraineté est une «question dépassée», je crois qu’ils devraient appeler Madrid pour considérer si c’est une question qui se pose, et appeler Cameron à Westminster pour savoir quel est son avis.

LD: Au-delà même de la souve-raineté, en quoi les positions du Bloc Québécois sont-elles actuelles et sus-ceptibles de toucher la population étudiante?

GD: Regardez, moi je pense à la question de l’environnement, en premier lieu. Les jeunes sont parti-culièrement sensibles à cette ques-tion là. Or, on se rend compte que les trois partis fédéralistes sont pour l’oléoduc d’Énergie-Est et pour le train de transport de pétrole allant au Nouveau Brunswick. C’est 240 wagons par jour qui traverseraient le Québec —du même type de ceux qui ont déraillé à Lac-Mégantic—, pour du pétrole qui n’est ni conser-vé, ni raffiné au Québec! Comment peut-on prétendre vouloir défen-dre l’environnement comme M. Mulcair et M. Trudeau l’ont dit, et appuyer ces projets? Il est vrai que M. Mulcair —Thomas au Québec—, laisse entendre qu’il veut reconsidé-rer les choses, mais Tom au Canada anglais, au Woodrow Wilson Centre a été très clair là-dessus: la priorité c’est Énergie-Est. Donc Tom et Thomas n’ont pas le même discours selon qu’ils parlent au Canada ou au Québec.

LD: À McGill, chaque année au début de septembre, on a une semaine des Premières Nations, et il se trouve selon nous, on a peu parlé d’elles durant la campagne. Pourquoi selon-vous, et quels sont vos positionnements à ce sujet?

GD: Aux débats, ce n’est pas nous qui décidons des questions, ce sont les journalistes. Pour ma part, j’ai rencontré Ghislain Picard, le chef des Premières Nations du Québec, j’ai parlé aux représentants Inuits également, qui ne se considè-rent pas comme Premières Nations, mais comme une nation distincte. Il faut se rappeler que c’est seule-

ment au Québec que les Premières Nations sont reconnues comme telles, depuis 1985 sous René Lévesque. Il n’y pas d’autre législa-tion au Canada qui ait passé de loi pour les reconnaître comme tels. Et le meilleur traité qui existe à l’échel-le de la planète avec les Premières Nations, c’est certainement la Paix des Braves (entente signée entre le Québec et la nation Crie en 2002, ndlr). Or, pour moi, il faudrait consi-dérer le fait qu’il faut investir dans le logement pour les Premières Nations, parce qu’il y a un taux de naissance vraiment très supérieur à la moyenne canadienne et québé-coise. Il faut qu’il y ait une enquête sur la disparition et l’assassinat de plusieurs femmes autochtones. Enfin, il faut faire en sorte que le Canada accepte de signer la décla-ration des Peuples Autochtones aux Nations Unies.

LD: Votre position sur le port de niqab diffère de celles du NDP et du Parti Libéral.

GD: Et des conservateurs aussi!

LD: Il semble que nous touchons là à une différence majeure entre deux visions du vivre-ensemble, celles du multiculturalisme et de l’inter-culturalisme, que vous reven-diquez.

GD: Nous, c’est depuis l’an 2000 que l’on discute cette question, bien avant qu’elle se pose dans cette campagne. Nous avons fait des re-

commandations à Bouchard-Taylor (Commission de consultation sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles créée en 2007, ndlr) qui les a repri-ses. Les positions de Bouchard-Taylor étaient celles du Bloc, à savoir les personnes qui représen-tent l’État, l’autorité ou un pouvoir de coercition ne doivent avoir aucun signe religieux ostentatoire: les policiers, les juges, les gardiens de prison, les greffiers et ainsi de suite. Et ça doit toujours être à visage découvert. Or, les conservateurs dans un seul cas, celui de l’asser-mentation, s’opposent à ce qu’elle se fasse à visage couvert. Mais cela arrive une fois dans la vie ça. Ils sont pour le vote à visage couvert et pour l’exercice de la fonction publique à visage couvert. En fait, on se rend compte que l’immense majorité des Québécois et des Québécoises,

93%, y est défavorable. Ça va contre la motion unanime de l’Assemblée Nationale et contre l’avis des Maires de Montréal, Québec et Saguenay, donc il y a rupture entre les conser-vateurs, les libéraux, les néo-démo-crates, et l’opinion des Québécois et des Québécoises. Il faut être clair sur ces questions: il s’agit de la place de la femme dans notre société. Il ne faut pas que les femmes s’effacent de l’espace public.

LD: Le 20 septembre, vous avez proposé d’augmenter de 182 à 300 millions de dollars le budget

du Conseil des arts. Pourquoi selon vous la culture doit redevenir une priorité?

GD: Parce que je vous dirais que c’est l’âme et l’expression d’un peuple. Vous savez, ce que j’ai en-tendu de plus beau en cette matière, c’est Winston Churchill durant la Deuxième Guerre Mondiale. Les an-glais manquaient d’argent bien sûr, et devaient faire des sacrifices pour s’opposer au nazisme. Lorsqu’on lui a proposé de couper en culture, il a refusé en disant “si on coupe en culture, pourquoi ferions-nous la guerre alors?” Ça en dit long ça!

D’autre part, l’argent investi en culture rapporte plus que dans la plupart des secteurs économi-ques. Dans le cinéma par exemple, ce n’est pas seulement des acteurs, c’est également des menuisiers, c’est le transport, c’est la nourriture, c’est énormément de gens. Je pense qu’il est bon de préserver sa culture et de comprendre qu’il faut la déve-lopper. C’est important pour l’affir-mation de toute nation, de la nation canadienne autant que la nation québécoise et c’est important égale-ment pour l’économie.

LD: On va revenir un peu dans le temps. Vous étiez directeur du Quartier Latin, le journal étudiant de l’ UdeM, de 1970 à 1971. Que retirez-vous de cet engagement étu-diant?

GD: Pour moi, vous savez, c’était les premiers engagements. J’étais président de mon collège au Mont-Saint-Louis et j’ai lutté pour la création des cégeps. Je suis le premier membre fondateur du Cégep du Vieux-Montréal. J’ai lutté pour la création de l’Université du Québec à Montréal. J’ai mené des luttes dans le mouvement étudiant avec Claude Charon, Louise Harel, Jean Doré, Bernard Landry, tous ces gens qui étaient là à l’époque, et je pense que c’est un excellent apprentissage à l’éducation sociale et politique.

LD: Justement en 1966, l’Union générale des étudiants du Québec, dont vous fûtes vice-président en 1967, plaidait pour la gratuité sco-laire. Est-ce que vous êtes toujours de ces combats-là, pour l’accessibi-lité aux études, à l’éducation?

GD: J’étais pour la gratuité à une condition cependant: un ser-vice civil obligatoire de deux ans. On remettait ainsi au contribuable l’argent qu’il devait investir en édu-cation. Moi je suis pour la gratuité, à condition que ce soit repris par cette forme d’éducation.

LD: De la même manière qu’il y a des francophones à McGill (envi-ron 21% de natifs et plus de 50% de bilingues), il y a des francophones dans le reste du Canada. Que comp-tez vous faire pour eux si vous êtes élu?

GD: Je vous dirais que les franco-canadiens et les Acadiens ont reconnu par le passé que le Bloc est le parti qui défendait le mieux leurs intérêts, même si nous n’avons pas de candidat dans le reste du Canada. Cela étant dit, on ne peut que constater le fait qu’il y a une assimilation fulgurante parmi les franco-canadiens et même parmi les Acadiens. À plusieurs reprises, j’ai fait le tour du Canada et je les ai rencontré. Ils ne rêvent que d’avoir les mêmes conditions que les anglo-québécois au Québec. Parce qu’on ne vit pas dans les mêmes condi-tions là bas. Ici, les anglo-québécois, et c’est à l’honneur du Québec, disposent d’un réseau universitaire, culturel, de réseaux sociaux, d’un réseau hospitalier. Mais le Canada a toujours refusé d’accorder la réci-procité aux franco-canadiens et aux Acadiens. C’est très triste. Je crois qu’on devrait attribuer les mêmes droits aux Acadiens et aux franco-canadiens que ceux auxquels ont droit les anglo-québécois.

Portrait:

Votre mot préféré: Liberté

Le mot que vous détestez: Oppression

Votre drogue favorite: L’endorphine. C’est gratuit et légal.

Quand on fait de l’exercice, cette drogue se dégage du cerveau.

Le son, le bruit que vous préférez: Un rire d’enfant

Le son, le bruit que vous détestez: Les cris de douleurs de quelqu’un

que l’on persécute comme Raif Badawi.

Votre juron, gros mot ou blasphè-me favori: J’ai une vague collection

de mots qui ne se révèlent pas.

L’homme ou la femme à mettre sur un billet de banque: On pour-rait mettre les travailleurs et les

travailleuses de différentes origi-nes qui ont construit le pays.

Le métier que vous n’auriez pas aimé faire: Chauffeur de camion,

de gros camion.

La plante, l’arbre ou l’animal dans lequel vous aimeriez être

réincarné: Je ne crois pas à la réin-carnation.

Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous qu’il vous dise après votre mort: Je

n’ai pas d’espérance autre que ma vie sur cette planète. x

Gilles DuceppeBloc Québécois | Laurier — Sainte-Marie

entrevue

frédérique lefort

Propos recueillis parjoseph boju

Le Délit

Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois et député de la circonscription de Laurier.

12 spéciale fédérales le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Le Délit (LD): Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parti brièvement?

Chantal St-Onge (CSO): Je m’appelle Chantal St-Onge, je suis enseignante et je me présen-te au parti du Bloc québécois aux fédérales pour défendre les inté-rêts et préoccupations de tous les Québécois et Québécoises.

LD: Comment définissez vous ces préoccupations?

CSO: Le gouvernement fédéral ne répond pas nécessai-rement à toutes les attentes et intérêts des gens ici au Québec. Ici, on n’a pas les mêmes intérêts que le gouvernement fédéral, c’est pour ça qu’il est important que le Québec devienne un pays. Le Québec doit pouvoir décider des meilleurs investissements pour leurs impôts. Il faut avoir le plein contrôle de notre argent pour pouvoir investir là où on en a besoin au Québec.

LD: Ville Marie est l’une des plus jeunes circonscriptions, elle englobe notamment les Universités McGill, Concordia et L’ÉTS: Quelles mesures proposez-vous pour les étudiants?

CSO: Justement, le gou-vernement fédéral n’a pas à dire son mot sur les étudiants et sur l’éducation au Québec. C’est de l’ingérence.

LD: Les moins de 25 ans ont un fort taux d’abstention. Comment expliquez vous ce désin-térêt et comment pensez-vous mobiliser les jeunes?

CSO: Les jeunes se désin-téressent peut-être de la poli-tique, mais moi j’ai vu avec le printemps érable les étudiants qui sont montés au front, qui ont fait des manifestations monstres à Montréal pour défendre leurs droits d’étudiants. Je pense que le désintéressement est de moins en moins présent.

Il faut amener les politiciens à rejoindre les étudiants sur les

réseaux sociaux, à leur offrir une plateforme, une tribune d’expres-sion, les informer… Mais surtout, il faut expliquer l’histoire du Québec, expliquer nos racines. Ils (les étudiants, ndlr) vont d’avan-tage comprendre les enjeux aux niveaux économiques et politi-ques au Québec. En connaissant notre histoire on est capable de comprendre ce qu’il se passe au niveau politique. Il y a quelqu’un qui a dit: «si tout le monde savait l’histoire du Québec telle que nos ancêtres l’ont vécue, on serait indépendants depuis longtemps.»

LD: Comment votre expérien-ce d’enseignante impacterait-elle votre mandat?

CSO: Je suis enseignante et le premier rôle de l’enseignante, c’est d’être à l’écoute de ses élè-ves. Être à l’écoute des enfants ou être à l’écoute des citoyens, c’est prendre le pouls des gens. C’est être à l’écoute de leurs besoins et surtout défendre les intérêts de tous et chacun. Ne pas prioriser l’un plutôt que l’autre. Chaque personne a des besoins spécifi-ques et dans une société il faut essayer d’accorder la même atten-tion à chacun.

LD: Pouvez-vous me parler de votre expérience en politique en tant que femme?

CSO: C’est vrai qu’il y a moins de femmes, nous sommes quatre candidates sur l’île de Montréal. Ça a toujours été com-me ça en politique, ça a toujours été un milieu d’hommes, je trouve ça dommage. Les femmes ont une vision des choses qui est diffé-rente de celle des hommes. Moi, je pense que les femmes devraient un peu plus s’impliquer en politi-que. Ce n’est pas évident car c’est un monde d’hommes et il faut faire sa place. Au Bloc Québécois, je vois un grand respect envers les femmes, je ne me sens pas mise à l’écart, je fais partie de l’équipe et je me sens bien.

Il faut avoir du courage. En politique, pour les hommes com-me pour les femmes, il faut avoir le courage de ses convictions. Je ne suis pas carriériste, je n’ai ja-mais voulu faire carrière en poli-tique. Mais je me suis dit, je veux rester debout car il est temps que l’on prenne notre destin en main au Québec. Moi, citoyenne ordi-naire, si je le fais cela va peut-être inspirer d’autres gens comme moi qui ne font pas carrière en poli-tique mais qui veulent vraiment que le Québec avance. x

Chantal St-OngeBloc Québécois | Ville-Marie — Le Sud-Ouest — Île-des-Sœurs

entrevue

chloé francisco

Un Français à Montréalchronique visuelle

paul pieuchot

Propos recueillis parchloé francisco

Le Délit

13spéciale fédéralesle délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Le Délit (LD): Dans un monde en pleine laïcisation, quelle est la place de la reli-

gion dans la politique? Ses prin-cipes peuvent-ils être à la base de nos projets de lois? Est-elle encore d’actualité?

Norman Cornett (NC): Je crois que dans un premier temps on peut contester l’idée que la reli-gion ne joue plus un rôle primor-dial en politique. Évidemment, dans l’Occident, suite à l’âge des Lumières, il y avait une volonté de séculariser la société et même la politique. On peut aujourd’hui se demander si le projet du sécularis-me n’a pas échoué. On voit de plus en plus, dans l’Occident, une popu-lation vieillissante. L’Occident a absolument besoin des gens venus d’ailleurs, l’immigration est de rigueur. Au Canada, le Québec a la population la plus vieille. En tant qu’Occidentaux, on a fait l’erreur d’évacuer la chose religieuse de l’espace public: on se rend compte que ce n’est pas la même chose ailleurs. En ce moment même, le pape est en visite aux États-Unis, il s’adresse aux couloirs du pouvoir américain! Alors quand on dit qu’en Occident la religion et la politique sont séparées, je crois qu’on peut questionner cette conclusion. J’appelle ça une fausse dichotomie: la condition humaine est entière, elle est organique. On ne peut pas faire des divisions her-métiques entre la pensée politique et la pensée religieuse.

LD: Quelle est l’importance de la thématique religieuse dans la campagne actuelle?

NC: Regardons ce qui se passe avec le niqab: il faut voir de près tout le parcours politico-religieux de Stephen Harper, que je suis depuis le début. Au tout début, il faisait partie de ceux qu’on appelait les theocons (théo-conser-vateurs, en anglais dans le texte, ndlr), des conservateurs qui se basaient sur une idée religieuse. Les conseillers les plus proches de Stephen Harper sont des évangé-liques. Le parti conservateur a les pieds ancrés dans la religion! […] On est dans une ère post-moderne, on aurait cru qu’on a fait une sépa-ration entre la chose religieuse et politique, mais Stephen Harper a créé le Bureau de Religion sur le site du Gouvernement du Canada en 2013, lié avec plusieurs dépar-tements de l’administration. C’est un renversement de la tendance à la laïcisation, il ramène le giron politique du Gouvernement du Canada dans un cadre religieux. On est très loin d’une vision sécu-laire de la politique, au contraire on intègre la religion dans la politique. Selon Preston Manning (fondateur du Parti réformiste du Canada, devenu le Parti conser-vateur en fusionnant avec le Parti progressiste-conservateur en

2003, ndlr), «il faut que la reli-gion prenne sa place dans la place publique». Et quand on regarde la campagne électorale actuelle, Stephen Harper fait appel direc-tement au sentiment religieux. Autrefois on parlait de commu-nautés culturelles, ethniques, linguistiques, le premier ministre

sortant les appelle communautés religieuses. Il les encourage à affi-cher, à vivre, à revendiquer leur identité religieuse.

LD: Nous orientons-nous donc vers un sécularisme de plus en plus multiculturel, plutôt que strictement laïque?

NC: Comment s’y prendre,

effectivement, quand on a des laïques, des bouddhistes, des sikhs, des musulmans, des catho-liques, des chrétiens orthodo-xes… Stephen Harper se sert de la question du niqab pour réaliser son projet de société, c’est-à-dire l’établissement de la religion civile, qui n’est pas dogmatique

et qui ne relève pas d’une ins-titution spécifique. Il y a des valeurs qui servent de dénomi-nateur commun entre toutes les religions. La question du niqab a rassemblé les Canadiens et les Québécois, elle a une réelle valeur politique parce qu’elle touche à nos valeurs communes. Les sondages indiquent que 90%

des Québécois sont d’accord avec l’apport en appel la question du niqab jusqu’à la Cour Suprême, et 82% des Canadiens dans le reste du pays. Nous partageons foncièrement des valeurs qui constituent la religion civile. Le Premier ministre sortant tient à définir la «famille canadienne».

LD: Mais alors, dans une société basée sur ce concept de reli-gion civile, quelle est la place des non-croyants?

NC: Les athées ont autant de mœurs et de croyances, autant de convictions! Elles ne sont pas théo-logiques, mais tout être humain a un sens éthique, moral. Il y a en fait une unité au fond du Québec et du

Canada, dans un corpus commun de valeurs. Cette religion civile ne se place pas dans un contexte chré-tien ou autre: c’est un phénomène social, la société est d’accord avec ces valeurs là. Du même coup, il fait appel aux féministes, s’il y a bien une question qui a divisé les féministes c’est bien celle de la charte des valeurs. Au XXIe siècle, qui aurait le droit de dicter à une femme ce qu’elle peut porter ou ne pas porter? C’est un grand thème de la campagne, et le défi est de taille pour les partis.

LD: C’est une question qui a fait polémique lors du débat des chefs…

NC: Le défi est de taille pour les partis: il faut trouver un terrain d’entente, on le voit très bien puis-que les sondages le reflètent claire-ment. Quand Steven Harper prône l’idée que le niqab est à démar-quer de l’espace publique on voit qu’il miroite l’avis de la majorité des gens. Alors que la charte des valeurs du Parti québécois tentait de faire passer un programme com-plet sur des questions comme celle du niqab, Stephen Harper, en fin stratège politique, procède plutôt au cas par cas pour atteindre un but semblable et du même coup en tirer pleinement profit dans la campagne fédérale partout au Canada. La dis-sidence dans les rangs de Mulcair et Trudeau démontre clairement que la question du niqab est un enjeu primordial dans la campagne.

LD: Si un autre candidat est élu, quelle sera la nouvelle place de la religion?

NC: La position de Trudeau, et en grande partie celle de Mulcair, est la suivante: ils prônent les droits de l’individu et ces droits priment. Il n’existe que des lois qui protègent l’individu. Ce que Harper est en train de dire c’est que, la collectivité, la communauté, la société, priment. Elles reflètent ces valeurs communes et l’emportent sur le droit individuel. Trudeau dit que dans aucun cas on ne peut enchâsser des lois collectives, il n’y a que la pierre de touche, et c’est l’individu. Or, par le biais de la religion civile, par les valeurs cana-diennes, Stephen Harper change la donne, c’est un changement de pa-radigme. Il dit non: il y a les droits de la majorité, de la collectivité, de la société, qui priment sur les droits de l’individu. Est-ce qu’on parle de liberté de religion, d’expression, de l’individu? Stephen Harper dit non, il faut encadrer, voire soumettre les droits de l’individu et même d’une quelconque conviction religieuse aux valeurs de la collectivité. S’il est réélu, il établira les lois de la majorité. x

«Le projet séculariste a échoué»Norman Cornett parle au Délit de la relation entre politique et religion.

entrevue

joachim dos santos

Propos recueillis paresther perrin tabarly

Le Délit

Norman Cornett est un ancien professeur de religion de l’Université McGill, licencié en 2007, probable-ment à cause de ses méthodes d’enseignement non conventionnelles. Depuis, il tient ce qu’il appelle des séances «dialogiques» publiques à Montréal pour promouvoir le dialogue et l’épanouissement.

«Il y a les droits de la majorité, de la collectivité, de la société, qui priment sur les droits de l’individu.»

14 spéciale fédérales le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Lorsque Pierre Elliott Trudeau s’est lancé en politique dans les années

1960, la frénésie qui entourait son personnage était sans précédent. Cet intellectuel et défenseur du cosmopolitisme a marqué toute une génération et son pays, notamment grâce à sa défense du multiculturalisme, du bilinguis-me, et des droits des minorités. Aujourd’hui, son fils aîné Justin Trudeau est chef du Parti et à deux semaines de son potentiel sacre en tant que Premier ministre.

C’est le 14 avril 2013 que Justin Trudeau est officiellement devenu le chef du Parti libéral du Canada. En prenant ce poste, M. Trudeau a hérité d’une dure tâche: relever le parti après sa cuisante défaite à l’élection de 2011, lors de laquelle il n’a capturé que 34 sièges. Depuis deux ans et demi, Justin Trudeau travaille avec acharnement pour mener son par-ti à la victoire le 19 octobre 2015,

et il semble être sur la voie de la réussite. Il a su être rassembleur, a démontré sa détermination, et surtout, il a un plan ambitieux.

Une équipe diverse

Parlons de sa nature rassem-bleuse. Justin Trudeau a su réu-nir des candidats incomparables, des militants dévoués, et somme toute, une équipe soudée. Les candidats proviennent de tous types de professions (avocats, entrepreneurs, activistes, scien-tifiques), sont de tous âges et de toutes communautés ethniques. L’équipe de bénévoles compte des personnes de toutes les généra-tions, d’origines diverses et sont actifs, que ce soit sur le terrain ou sur les réseaux sociaux. Lorsque la candidate Christine Poitier de Laurier Sainte-Marie a finale-ment donné naissance à sa fille en pleine campagne, un bon nombre de candidats sont allés donner du temps dans sa circonscrip-tion pour du porte-à-porte. Cet évènement, parmi tant d’autres,

démontre que l’équipe libérale est unifiée.

Ambitieux et déterminé

Le programme de M. Trudeau repose sur trois piliers: plus d’ar-gent dans les poches de la classe

moyenne en réajustant les impôts, des investissements historiques en infrastructure, et restaurer la réputation du Canada à l’inter-national en réinstaurant son rôle de pacificateur. Justin Trudeau croit, contrairement à Harper, que le Canada est plus fort non

pas en dépit de ses différences, mais grâce à celles-ci.

Finalement, il y a sa déter-mination. Comme si la pression du renom de son père n’était pas assez, M. Trudeau a aussi dû af-fronter les critiques d’adversai-res très expérimentés: le Premier ministre sortant Stephen Harper et Tom Mulcair, tous deux des politiciens de longue date. Justin Trudeau dit que son père ne l’a jamais poussé à exercer le même métier que lui. Justin Trudeau a fait le choix par lui-même, porté par la vision d’un Canada qui est une terre d’opportunité, un pays progressif, et un modèle à suivre pour les autres nations.

Sur les réseaux sociaux, les mots-clics «#changerensem-ble», «#GenerationTrudeau» et «#ÉquipeTrudeau» sont abon-dants. Le chef a par ailleurs dé-montré, dans les débats et dans des rassemblements à travers le pays, qu’il est prêt à l’empor-ter le 19 octobre. Somme toute, il semblerait qu’une nouvelle «Trudeaumania» soit née. x

#GénérationTrudeauLe Parti libéral véhicule les valeurs canadiennes.

opinions

luce engérant

ronny al-nosirLe Délit

Le Canada a trois candi-dats potentiels au poste de Premier ministre.

M. Trudeau se distingue par l’accumulation de promesses électorales qu’il veut mettre sur notre carte de crédit: les trois pre-miers budgets proposés seraient déficitaires et le premier déficit pourrait atteindre 35 milliards de dollars.

Quant à M. Mulcair, il pos-sède l’expérience politique et les compétences pour un Premier ministre mais peut-on se fier à quelqu’un qui change d’idéologie pour faire avancer sa carrière? M. Mulcair, lorsqu’il était au gouver-nement libéral du Québec, dénon-çait l’implication de l’État dans le programme de tarification des garderies. Il propose maintenant un programme transcanadien de garderies à 15 dollars. S’il change drastiquement d’idée sur ce sujet, comment peut-on avoir confiance en ses promesses?

Avec M. Harper, nous savons à quoi nous attendre. C’est un can-didat qui a fait ses preuves et tient à ses convictions. Les autres can-didats ne sont pas assez qualifiés pour le poste ou bien ont changé

d’idéologie pour l’avancement de leur carrière.

Un débat qui n’a pas lieu d’être

MM. Trudeau et Mulcair ac-cusent M. Harper de vouloir divi-ser sur la question du niqab qui fait les manchettes depuis main-tenant une quinzaine de jours. C’est une petite erreur pour ces

candidats au poste de Premier ministre: jamais la population du Québec et du Canada n’aura été aussi unie contre le niqab. Un sondage Léger démontre très bien l’état de l’opinion canadien-ne, en soulignant que 82% des Canadiens seraient contre le port du niqab. C’est aussi au Québec, le pain et le beurre du Nouveau Parti Démocratique (NDP), que

la population est la plus réfrac-taire alors que plus de neuf Québécois sur dix sont opposés à ce voile intégral. Lorsqu’on entend Trudeau ou Mulcair dire l’interdiction du port du niqab lors de l’assermentation divise la population, on réalise à quel point ils sont entêtés à gagner le vote de certaines communautés ethniques. Cela démontre encore une fois que ces messieurs sont complètement déconnectés de la réalité des Québécois.

Une politique externe claire

Un autre débat important lors de la campagne est celui des réfugiés syriens et de la guerre contre l’État Islamique (EI). Les réfugiés syriens sont dans le besoin et il est de notre devoir de leur procurer toute l’aide que nous sommes capables de fournir. M. Harper a proposé une approche réfléchie et sécuritaire, tandis que Mulcair et Trudeau se sont lancés dans une suren-chère émotionnelle. En Europe, plusieurs dirigeants avaient la même approche que les deux chefs d’opposition et sont en train de le regretter. Les pays d’Europe ferment leurs frontiè-res, mettent fin à la libre-circula-

tion et s’accusent mutuellement de ne pas gérer la situation de façon appropriée.

De plus, M. Harper est le seul candidat qui combattra l’État Islamique au Moyen-Orient. La nécessité de com-battre l’EI est, selon moi, une évidence. Lorsqu’un groupe ter-roriste déclare la guerre à l’Occi-dent, donc au Canada, il serait complètement stupide et irres-ponsable de ne pas le combattre pour assurer notre sécurité. Harper est le seul candidat qui défendra notre liberté contre les terroristes tandis que Trudeau, lui, s’amène à la défense de ces mêmes terroristes: «le parti libéral croit que les terroristes devraient garder leur citoyen-neté canadienne […] parce que je le crois. Et je suis prêt à affronter quiconque n’est pas de la même opinion» a-t-il déclaré en Juillet dernier, propos rapportés par le Huffington Post.

S’aligner avec le Parti conservateur du Canada est un choix éclairé. Les conservateurs sont la formation politique qui représentera le mieux les valeurs des Québécoises et Québécois et qui pourra assurer leur sécurité sur le long terme tout en gérant un budget de façon équilibrée. x

Un choix éclairéHarper est le seul candidat qui tienne la route.

luce engérant

samuel beauchamp

15Spéciale fédéralesle délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

«Si le Nouveau Parti Démocratique a pu devenir l’opposition

officielle, il le doit principalement à sa victoire historique au Québec. […] Sa bonne performance s’est faite essentiellement au détriment du Bloc Québécois, qui est presque rayé de la carte électorale. Avec quelque 43% des voix, la formation de Jack Layton a réussi à faire élire 58 députés […] Le Québec a fourni au NPD près de 60% de sa députa-tion.» Telles sont les statistiques publiées sur le site internet de Radio-Canada au lendemain des élections fédérales précédentes, le 3 mai 2011. À l’époque, le Nouveau Parti Démocratique du Canada (NPD) a déferlé sur le Québec à l’image d’un «tsunami orange».

«Droit comme une barre devant Stephen Harper»

Depuis 2011, en plus d’être l’opposition officielle à Ottawa, le parti a dû voir partir son charisma-

tique chef Jack Layton et se res-tructurer sous le ministre entrant Thomas Mulcair, d’Outremont. Depuis, ce parti, qui était autrefois constamment relayé à la troisième ou quatrième place à la Chambre des communes de 1961 à 2011, a réussi une percée et forme depuis l’opposition officielle.

Pour résumer succinctement, le NPD semble avoir comme mandat premier de tenir tête aux conservateurs de Stephen Harper; comme l’a souligné Thomas Mulcair suite aux élections de 2011: «Je suis triste de voir les conservateurs y aller avec une majorité parce que je sais ce que

ça peut vouloir dire au plan social. Cependant, il y a une formation politique qui va se tenir debout, droite comme une barre devant Stephen Harper.»

En chute libre dans les sondages

Toutefois, à près de trois semaines des élections du 19 octobre, les forces néo-démo-crates semblent en chute libre. Le bastion orange qu’est la belle province commence à s’effriter et à passer entre les doigts du parti qui au début des élections marquait près de 47% des inten-tions de vote, selon l’article du 30

septembre 2015 de la Gazette de Montréal. Le NPD, qui se présen-tait autrefois comme un mur, se laisse traverser par les intentions de vote en refusant de riposter aux attaques incessantes du Bloc et des conservateurs. L’honnêteté et la bienveillance sont de bien belles qualités, certes, mais devant une remontée impensable des troupes de Stephen Harper dans les son-dages, le NPD devrait rejoindre ses adversaires dans le combat de boue que sont devenues ces inter-minables élections. Le message socialiste des néo-démocrates semble dernièrement s’être perdu dans ce faux débat sur le niqab qui n’est qu’en réalité qu’une simple distraction des vrais enjeux: enjeux climatiques, politiques étrangères, dialogue avec les provinces, et l’économie.

Une vague d’espoir

Ne soyons pourtant pas pessi-mistes. Devant les prévisions d’un probable gouvernement conserva-teur minoritaire, il est important de rappeler que les sondages ne

reflètent que les intentions d’une mineure partie de l’électorat et que nous pouvons encore être surpris. C’est arrivé par le passé. Thomas Mulcair continue d’affluer dans des secteurs où les autres partis restent timides, comme en ce moment au Nunavut où le NPD questionne les dangers que court la région en vue des changements climatiques et de l’impact du musellement de la com-munauté scientifique.

Vous entendrez prochaine-ment plusieurs commentateurs, tant à la radio que dans les jour-naux, parler du vote stratégique. Après environ dix années de gou-vernance sous le gouvernement Harper, le vote stratégique est peut-être la seule option de voir s’opérer un réel changement au Canada. Toutefois, l’important lors d’une élection est d’abord d’utiliser sa voix de citoyen démocratique, mais surtout de voter selon ses convictions. Je retrouve mes convictions à tra-vers le NPD. Fédéraliste, peut-être. Mais c’est le seul parti en qui je vois un réel espoir pour la communauté canadienne. x

Allez, Tom, allez!Le NPD représente l’espoir du changement.

luce engérant

vincent morreale

Il est facile d’être favorable au Parti vert. Qui pourrait s’opposer à la protection de

l’environnement, la promotion de la culture, le virage vers une économie verte et durable, la chasse aux paradis fiscaux et une éducation accessible à tous?

Le vrai défi est de voter pour eux. D’abord parce que la priorité, pour beaucoup, est que Stephen Harper ne revienne pas au pouvoir. Ceux-là ne jurent que par le vote stratégique: un vote pour le Parti vert c’est un vote de moins pour le Nouveau Parti Démocratique (NPD) ou le Parti libéral du Canada (PLC), seuls prétendants crédibles au pro-chain gouvernement.

Des promesses utopiques?

Ensuite, certains diront que les promesses du Parti vert sont utopiques, sans véritables assi-ses économiques, et qu’elles ne tiennent pas la route. Là-dessus, certaines analyses leurs donnent raison. Déjà, sur le plan environ-nemental, le Parti vert entend

diminuer de 20% les émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada d’ici 2020 en taxant les entreprises et les activités polluantes. Si l’objectif semble ambitieux, c’est surtout la mé-thode qui sème le doute puisque certaines entreprises pourraient décider de payer des amendes au lieu de diminuer leurs émissions.

Il est tout à fait légitime de critiquer l’approche du parti pour empêcher l’évasion fiscale qui, somme toute, n’est pas très détaillée, mais promet pourtant des milliards aux Canadiens. Un optimisme qu’on retrouve d’ailleurs jusqu’à la promesse de légalisation de la marijuana.

Voter vert pour ses idées

Pourtant, critiquer le Parti vert pour son programme est un non-sens. Aujourd’hui, le Parti vert ne possède qu’une seule députée, Elizabeth May, dans sa circonscription de Saanich-Gulf Islands en Colombie-Britannique. Ses chances de réélection sont bonnes et le parti vise l’élection de quelques nou-veaux députés au pays. En étant réaliste, on peut s’attendre à un nombre en dessous de 5, et ce,

sur 338 députés: la proportion est infime. Voilà pourquoi il est permis de suivre la campagne des verts sans être trop pointilleux vis-à-vis de leur programme, qui soit dit en passant n’est pas tel-lement pire qu’un autre. Voter ou appuyer les verts c’est un choix idéologique et non économique,

ce que les conservateurs ne conçoivent peut-être pas. Le par-ti ne se prétend pas encore apte à gérer le pays, il n’oserait même pas y rêver, mais il réclame des positions solides du point de vue de la durabilité, qu’elle soient économiques, environnementa-les ou culturelles.

Lutter contre le bipartisme

Dans un système démocra-tique, on ne saurait se passer de différents points de vue pour prendre les meilleures décisions. Malheureusement, notre mode de scrutin favorise le bipartisme, tripartisme depuis 2011, duquel s’ensuit un certain mutisme de la part de candidats aux opinions peut-être divergentes. Quelques députés verts de plus au Parlement c’est donner plus de poids, et donc de légitimité, au seul parti encore libre de s’affirmer dans sa totalité. Aussi, on raconte que le Parti vert est très proche du NPD du point de vue social et environnemental; comme si les deux s’équivalaient en tout point. Rappelons donc, que le Parti vert est le seul à s’opposer au projet Énergie-Est et l’expansion proposée de l’oléoduc Kinder Morgan qui relie l’Alberta à Vancouver. Dans cette foulée militante, le Parti vert est peut-être le seul suffisamment motivé par l’instauration d’une économie verte réaliste et à l’échelle du pays. Dans un monde qui fait face aux changements climatiques et à une importante crise pétrolière, tout le monde gagne à élire plus de verts au Parlement d’Ottawa. x

Pour quelques sièges de plus«Voter vert est un choix idéologique, non économique.»

luce engérant

julien beaupréLe Délit

16 spéciale fédérales le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

À deux semaines des élec-tions, les apparitions des candidats, les communi-

qués de presse, et les entrevues avec les représentants des partis se font de plus en plus fréquen-tes. Les attaques des candidats sont de plus en plus virulentes. On ne cesse de nous répéter que l’économie est au centre de cette campagne. Mais les points forts de chaque candidat en matière de relance économique sont-ils aus-si profitables pour le Canada que ce que M. Trudeau, M. Harper, ou encore M. Mulcair essaient de nous le faire croire?

Parti libéral

Avec un investissement chiffré à cinq milliards de dollars pour chacun des deux prochains exercices budgétaires annuels, il est évident que le développement de l’infrastructure est un des points majeurs du Parti libéral. M. Trudeau propose ainsi de subven-tionner un plan de logement moins cher et la création de nouvelles garderies pour enfants. De plus, il s’engage à financer des structu-res «vertes» en améliorant celles existantes et en construisant des centres de traitement d’eaux usa-gées. Il propose aussi d’améliorer les infrastructures de transport au Canada.

Les bienfaits d’une politique de relance économique par le développement infrastructurel ne sont plus à démontrer. Le modèle économique d’Aschauer explique ainsi qu’il y a une corrélation posi-tive et significative entre l’inves-tissement dans l’infrastructure et la croissance économique.

Mais est-il bien sage de s’engager dans un déficit alors que le pays est déjà en récession? Après les deux crashs pétroliers de cette année, un déficit budgétaire pourrait ajouter à la méfiance des investisseurs étrangers alors que le pays est en grand besoin de placements afin de pallier au large recul du marché pétrolier. On peut ajouter qu’investir dans l’infras-tructure c’est bien, mais encore

faut-il que cette infrastructure ait une utilité quelconque. Il faudra d’ailleurs l’entretenir par la suite.

En conclusion, un plan de relance économique au travers d’un investissement infrastructu-rel est viable, mais encore faut-il que la potentielle administration Trudeau agisse avec diligence raisonnable et ne se contente pas de simplement dépenser l’argent du contribuable par amour d’une politique keynésienne coûteuse.

Parti conservateur

Le gouvernement Harper se cache à outrance derrière une

philosophie économique du mar-ché libre, alors qu’on en est très loin dans les faits.

Le Premier ministre sortant a été, est, et restera le plus fer-vent supporteur de l’exploitation des sables bitumeux d’Alberta, et à plus grande échelle de l’éco-nomie de l’énergie fossile. Si M. Harper veut minimiser le rôle de l’État dans l’économie canadien-ne, il faudra qu’il arrête de ven-dre l’Alberta comme le nouvel El Dorado pétrolier. Son engage-ment pour le succès économique de cette région n’a fait qu’ampli-fier l’impact des fluctuations des cours pétroliers.

Friedman expliquerait clai-rement que si c’est en les mar-chés libres que croit M. Harper, il faut qu’il laisse les marchés décider du sort de l’économie canadienne. On peut tout de même saluer l’entrée du Canada dans l’Accord de Partenariat TransPacifique (plus connu sous le sigle PTP, ndlr) orchestré par le gouvernement sortant (et vi-vement critiqué par M. Mulcair). On souhaite maintenant avoir plus de détails sur les impacts réels de «ce marché de 800 mil-lions de clients» en Asie et en Amérique du Nord qu’affirme ouvrir ce nouvel accord.

Nouveau Parti Démocratique

M. Mulcair a quant à lui publié les très attendus détails de son plan économique le mois dernier seulement. On a pu remarquer que certaines de ses promesses de début de campagne étaient passées à la trappe. Le Nouveau Parti Démocratique (NPD) n’augmentera pas l’aide au développement international du Canada comme M. Mulcair l’avait promis en mai dernier.

M. Mulcair a promis de nombreuses aides sociales, no-tamment aux femmes sans abris, aux seniors, et aux familles que son administration financera substantiellement au travers d’une augmentation de la taxe sur les entreprises. Mais cette augmentation se traduira soit en augmentation pour le prix final pour le consommateur soit en des restructurations au sein des entreprises (i.e. des licencie-ments).

Il faut saluer les bonnes in-tentions de la publication des dé-tails du plan économique de M. Mulcair; si elles sont véritable-ment mises en place comme le parti les a décrites, elles auront un véritable impact positif sur les communautés canadiennes. Mais le manque de financements risque de compliquer la tâche au gouvernement Mulcair s’il est élu. M. Mulcair promet certes un surplus en plus de toutes ces réformes sociales, mais cela sup-pose un prix du baril de pétrole bien supérieur au consensus actuel sur les futurs prix du baril. Il est donc important de lire entre les lignes du plan économique du NPD: quel est le plan B de M. Mulcair? Réduire la portée des ses réformes sociales ou assumer un moindre surplus budgétaire, voire un déficit bud-gétaire afin de soutenir toutes ces réformes sociales?

L’exercice de cet article n’était pas d’inciter le lecteur à choisir un parti plus qu’un autre mais plus à l’inciter à essayer de mieux comprendre les grands points économiques de chaque candidat afin de faire un choix plus informé le 19 octobre prochain. x

Déficits & CompagnieLes revers économiques des programmes électoraux.

opinion

Matilda Nottage

sami meffreLe Délit

Si M. Harper veut minimiser le rôle de l’État dans l’économie canadienne, il faudra qu’il arrête de vendre l’Al-

berta comme le nouvel El Dorado pétrolier.

17Culturele délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Il existe toutes sortes de jazz. Le jazz généraliste, le jazz expérimental, le jazz pleur-

nichard, le jazz qui swing, le jazz que l’on ne comprend pas… Mais pour faire court, on retiendra ici que les musiciens qui se risquent à frôler ces double-croches gagnent leur pari lorsqu’ils arrivent à nous prendre par surprise tout en res-pectant une mouvance bien défi-nie. Le Gypsy Quartet du Français Biréli Lagrène, ne manque pas à l’appel lorsqu’il s’agit de relever ce défi. Considéré comme le Django Reinhardt des temps modernes, le guitariste virtuose est réputé pour l’extraordinaire fluidité de son jeu et sa capacité à combiner une gran-de variété de styles musicaux. À la grande joie du public du Club Soda, en ce vendredi 2 octobre.

Peu après l’arrivée des musi-ciens, une certaine magie ne tarde pas à naître. On est vite frappé par le contraste entre le visage grave de Biréli Lagrène, et ce qui se passe un petit peu plus bas. La souplesse avec laquelle s’enchaînent les pin-cements de cordes transmet des émotions pétillantes, jets toniques que le public reçoit en pleine face.

Bouche ouverte, regard concentré, rien n’y fait: les longues mains du guitariste ont toujours un train d’avance sur notre vigilance. Chaque vibration que renvoie la caisse boisée nous fait l’effet d’un saut dans le vide, Biréli ne se contente pas de jouer: il raconte une histoire où se mêlent douceur, suspense et rebondissements. Le doigté de son jeu a ses raisons, que la raison ne connaît point.

Réussir à émettre des sons que l’on n’a pas l’habitude d’en-tendre, casser le rythme habituel, nous emmener loin… Voilà com-ment le jazz du quartet parvient à nous toucher. Une impression de confusion nous saisit, le saxo-phoniste (Franck Wolf ) serait donc lui aussi maître dans l’art de simuler la perte de contrôle de son instrument? Son appareil cuivré semble prendre vie, et quand il monte dans les aigues, on croirait que sa tête va exploser. Heureuseument, l’harmonie que le quatuor parvient à conserver et la lourdeur de la contrebasse –jouée par l’étudiant mcgillois Ethan Cohen– nous aident à gar-der un semblant de sérénité.

Il est rare que la musique fas-se rire. Et pourtant, pas facile de garder les lèvres serrées lorsque,

à cheval sur une suite de refrains classiques, Biréli s’amuse à re-prendre des airs connus comme la rengaine de Roll over Beethoven, l’air tragique du Parrain de Francis F. Coppola ou encore le jingle de Batman. Il lève les yeux et nous lance: «Je suis sûr que pendant deux secondes vous avez cru que c’était du sérieux». Sacré Biréli. C’est facile de se moquer quand on a dix petits génies à la place des doigts et que l’on gratte plus vite que son ombre. Mais on n’a pas le temps de lui en vouloir car stupeur: un morceau doux arrive.

Nous accorderait-on le privi-lège d’être émus sans honte, par le seul biais noble et apaisant de la musique? Le tempo de la contre-basse ralentit et le saxophone glisse maintenant sur des pistes plus sentimentales. On se sent lourd et léger à la fois. La guitare et le saxophone, tels deux vieux sages, se livrent à un dialogue pai-sible et argumentent lentement, avant de tomber d’un commun accord. On assiste à l’osmose qua-si-totale des deux musiciens et quand Biréli présente son acolyte au public, il précise qu’ils tra-vaillent ensemble depuis le début de ce «bordel».

Le Gypsy Quartet de Biréli l’aura compris: l’intérêt du jazz c’est aussi cette impression de désordre, ce manège de sons qui goûte à tout, doute, prend de l’as-surance et détourne chaque note

en leur offrant un sens nouveau. C’est donc debout, les mains en l’air que l’auditoire montréalais a baissé son chapeau, après une bonne dose d’extase acoustique. À quand la prochaine? x

Extase acoustiqueLe guitariste manouche Biréli Lagrène ramène son jazz à Montréal.

musique

céline fabreLe Délit

Le lancement de la seizième édition de l’Off Jazz de Montréal a eu lieu jeudi

dernier au Lion d’Or, cabaret his-torique du centre de Montréal. À cette occasion, l’Orchestre National de Jazz de Montréal interprétait «Dans la forêt de ma mémoire», une pièce de Marianne Trudel composée spécialement pour l’orchestre montréalais. Des compositions de Christine Jensen, Maria Schneider, Satoko Fuji et Carla Bley ont aussi été présen-tées au public, lors d’une soirée donnant le ton pour le reste du festival.

Créé en 1999 par un petit groupe de jazzmen montréalais, le festival Off Jazz de Montréal s’est donné pour mission de promouvoir la scène locale année après année. Si le peu de moyens du début ont laissé place aux subventions du Conseil des Arts et des Lettres du Québec et autres Patrimoine Canada, la

vocation du festival reste inchan-gée. Cette année encore, les artistes québécois sont bien représentés dans la programmation: ce mercredi vous pourrez écouter le quatuor du célèbre Jean Derome, Jean Derome et les Dangereux Zhoms au Lion d’Or et le trio de Jean-Nicolas Trottier au Résonance Café.

Si la plupart des concerts sont payants —à des prix tout de même raisonnables— l’Off Jazz offre également des spectacles à contri-bution volontaire, l’occasion idéale pour faire de bonnes découvertes. Le Délit recommande vivement le concert du Gabriel Lambert Quartet au Résonance Café vendredi à 17h, une musique exigeante qui a des airs de Maessian. Le lendemain, rendez-vous encore une fois au Résonance Café pour écouter le qua-tuor montréalais JAGG, qu’on a déjà pu voir à L’Escalier ou au Festival International de Jazz de Montréal.

Loin des quatuors et des cuivres, une soirée de récital se tiendra à la Chapelle historique du Bon-Pasteur vendredi. Marianne Trudel ouvrira le bal avec ses Jeux en clair-obscur

avant de laisser le clavier au pianiste franco-américain et professeur à la faculté de musique de l’Université McGill Jean-Michel Pilc et ses varia-tions sur «What is this thing called love?» de Cole Porter. Son jeu et ses talents d’improvisation sont loués dans les grands médias internatio-naux comme le New York Times et le Guardian ainsi que dans la presse spécialisée. Une performance à ne pas rater.

La seizième édition de l’Off Jazz de Montréal s’annonce déjà comme un succès. Avec une pro-grammation variée et cohérente du meilleur du jazz d’ici et d’ailleurs, le festival remplit sa mission.

Si vous ne pouvez pas vous déplacer en ces temps de mi-ses-sion, il vous reste toujours les on-des de nos confrères de CKUT (90.3 fm), partenaire officiel du festival, qui devrait faire la part belle au jazz cette semaine. x

Un festival qui résonnePrésentation des concerts de l’OFF Jazz qui s’emparent de Montréal.

hermann de heutz

[email protected]

JC. POUJET

Festival OFF JazzJusqu’au 10 octobre 2015

18 Culture le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Après avoir été présenté en sélection officielle au Festival International du

Film de Cannes 2015, le nouveau thriller du réalisateur québécois sortait au Québec ce vendredi 2 octobre. Denis Villeneuve propose un film lourd d’action sur les cartels mexicains et leur relation avec les services de sécurité américains. Une œuvre de plus sur les trafiquants de cocaïne avec un angle de vue nord-américain qui ne permet qu’un seul aspect innovant: le rôle central d’une femme comme agent d’inves-tigation. On suit alors l’histoire de Kate (interprétée par la charmante Emily Blunt), recrue du FBI envoyée à Ciudad Juárez pour gérer la guerre entre deux cartels.

Bien que soutenu par une solide distribution d’acteurs (Benicio Del Toro, Josh Brolin), une atmosphère constamment tendue par la vio-lence du scénario et une précision admirable, le film n’est pas parvenu à esquiver des allures de grosse production hollywoodienne. Cela explique certainement pourquoi le long-métrage est reparti bredouille de Cannes. Qualifié du «film le plus accompli de Denis Villeneuve sur le plan technique» par La Presse, Sicario laisse cependant Télérama dubitatif: «avait-on vraiment besoin

d’un film de plus sur les cartels mexi-cains?».

Il semble que Denis Villeneuve ait tenté de justifier son choix thé-matique par un équilibre entre des scènes violentes saturées par une tension lancinante et des scènes de conflit psychologique marquées par les dilemmes moraux et éthiques des agents américains, surtout incarnés par Kate, la femme forte mais sen-sible, flic innocente au milieu des pourris. Pour nous toucher, le réali-sateur a eu raison d’inclure, tout au

long du film, des plans qui montrent le quotidien d’une famille de Ciudad Juárez dont le père est policier et la mère inquiète toute la journée. Leur jeune fils baigne dans une atmosphère de violence perpétuelle. Il trouve un jour le revolver de son père, qui le lui reprend immédiate-ment. C’est l’annonce que la vie du fils sera la même que celle du père: impregnée de la guerre des cartels, du sang versé par le trafic de drogue et finalement de la méfiance envers les Américains. Le plan qui clôt le

film est un tableau qui dépeint le petit Mexicain en train de jouer au football sous un tonnerre lointain de fusillades. L’immersion dans la guerre des cartels est totale dans ces plans de vie journalière, plus qu’elle ne l’est lors les scènes d’intervention sensationalistes du FBI.

Le rôle du FBI, d’ailleurs, est entaché par la corruption, la manipulation pour que la guerre des cartels mexicains tourne à son avantage. On comprend vite que les services américains ne sont pas

présents au Mexique pour faire ces-ser la violence, mais pour contrôler l’état de l’économie illégale. Mieux vaut le bon vieux monopole sous l’emprise d’un seul cartel plutôt que le chaos d’une guerre civile entre deux monstres.

Le jeu de Benicio Del Toro dans le maintien du suspens et de la tension est remarquable, bien meilleur que celui de Josh Brolin. Tout au long du film, mais en parti-culier lors d’une scène de filature en pleine autoroute bondée, le calme ressemble à du cristal qui menace de rompre en éclats au moindre coup de feu. Les voitures roulent au pas, le 4x4 blindé du FBI quelques mètres à la droite du véhicule rempli de sicarios (main d’oeuvre des cartels), leurs regards se croisent plusieurs fois puis les yeux de l’un des agents se posent sur l’arme mal dissimulée d’un Mexicain: feu d’artifice!

Somme toute, Denis Villeneuve a su enchaîner les explosions sans les rendre (trop) insupportables au public bien assis dans son fauteuil. C’est un thriller sans plus, et en même temps une œuvre marquante par sa rigueur formelle. On y entre

amandine HamonLe Délit

Medellín à MontréalSicario: Denis Villeneuve s’incruste à la frontière mexicaine.

CInéma

Le 1er octobre 2015, l’Ancien Cinéma ONF ouvrait ses portes pour la projection

du film Thina Sobabili: The Two Of Us. Cette œuvre indépendante sud-africaine faisait partie de la large sélection cinématographi-

que proposée par la 11e Édition du Festival International de Film Black de Montréal. Elle commence par un ralenti ou l’on voit hommes, femmes et enfants courir affolés vers un lieu qui se révèle être une scène d’horreur. Un jeune homme allongé s’étouffe, la bouche et le visage remplit de sang, tandis que la foule s’attroupe autour de lui et que

deux femmes pleurent et crient face à cette scène. Le ton du film est tout de suite donné.

Thina Sobabili retrace l’histoire d’un frère et une sœur. Thulani et Zanele vivent dans un des quartiers les plus pauvres d’Afrique du Sud qu’une simple route sépare de l’un des quartiers les plus riches. Thulani apparaît, au début du film, comme un frère excessivement protecteur, attentionné mais intransigeant avec sa sœur Zanele. Cette dernière, jeu-ne adolescente studieuse et obéis-sante, ne tardera pas à vouloir se frayer un chemin à travers les murs de l’autorité et à expérimenter ce qui lui est interdit. L’omniprésence et l’agressivité permanente de Thulani se révèlent plus tard être les consé-quences d’un passé sombre et trau-matisant. Puis, on se retrouve devant un bébé qui pleure à chaudes larmes, un homme rebouclant sa ceinture et deux femmes qui crient d’effroi et s’en prennent à l’homme. Un jeune garçon regarde ce spectacle à travers l’embrasure de la porte. Zanele ne le

sait pas, mais elle a été sexuellement abusée par le sugar daddy de sa mère. Des années plus tard, la bou-cle se referme lorsque l’on se rend compte de l’identité de celui qui a abusé d’elle, alors plus jeune.

Thina Sobabili réunit en une heure trente un condensé de sujets tabous, dépeignant ainsi une triste réalité non seulement en Afrique du Sud, mais également dans un grand nombre de pays africains. Il met en exergue les contrastes trop importants entre pauvres et riches, la pauvreté et l’absence de perspec-tives comme moteurs poussant des jeunes filles à se donner à des hom-mes âgés et aisés, afin de tenter de sortir de la misère et d’être assurées d’une certaine sécurité financière. Celles-ci se retrouvent ainsi à la merci de ces hommes sans morale, qui n’hésitent pas à abuser verba-lement et physiquement d’elles. La scène de l’enfant qui pleure ainsi que celle où la mère de Zanele se fait violenter en pleine nuit en guise de «punition» sont très dures à regar-

der, mais font d’autant plus mal car elles sont vraies.

Le film n’exhorte pas le spec-tateur à prendre les personnages en pitié, mais met plutôt à jour ce que beaucoup ne savent pas, ou ce qui est passé sous silence. «Le film a été montré aux enfants du quartier et beaucoup d’entre eux me disaient “C’est moi là!”» nous rapporte Ernest Nkosi, réalisateur du film. Les jeunes du quartier rêvent de belles voitures et de cos-tumes, mais sont contraints à être des arnaqueurs et à vandaliser des maisons: seule alternative qu’ils trouvent pour se sortir de la misère. L’extrême violence de Thulani témoigne non seulement des conditions de vie dans ces espèces de «ghettos», mais également des séquelles psychologiques que des traumatismes d’enfance peuvent laisser. La qualité du montage et des images est d’autant plus appréciée lorsque l’on apprend que tout a été filmé en seulement sept jours. Un film poignant, mais très beau. x

Sandra Klemet-N’GuessanLe Délit

Thina Sobabili: The Two Of UsLe Festival de Film Black nous plonge au cœur d’un ghetto sud-africain.

SicarioPar Denis VilleneuveAu cinéma Excentris Depuis le 2 octobre.

ricard foreman

19Culturele délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

Le 14 août dernier Straight Outta Compton du réalisateur américain F. Gary Gray sor-

tait au cinéma. Produit par Ice Cube, Dr. Dre –deux des parrains de la scène hip-hop– et la veuve d’Eazy E, Tomica Woods-Wright, le film a pour projet ambitieux de raconter l’his-toire du groupe légendaire N.W.A (Niggaz Wit Attitude). Ce groupe de

rap américain créé en 1986 par Dr. Dre, Ice Cube, Eazy E, Mc Ren, et Dj Yella est l’un des principaux précur-seurs du genre musical gangsta rap.

Le film retrace les débuts des N.W.A, son ascension, la tournée nationale, mais aussi le déclin du groupe et enfin sa séparation. Il pré-sente aussi les carrières solo d’Ice Cube et Dr. Dre, ainsi que les problè-mes personnels de chacun, avant de finir sur la mort d’Eazy E en 1995. Straight Outta Compton parvient à raconter non seulement l’histoire du groupe et de ses membres, mais

aussi le contexte social dans lequel ils ont évolué.

Straight Outta Compton, c’est plus qu’un film sur la musique. C’est aussi un film de société, qui montre le quotidien de jeunes hommes noirs vivant dans une communauté défa-vorisée aux États-Unis à une époque où le racisme était omniprésent seulement 20 ans après l’abolition de la ségrégation officielle du pays. En effet, le long-métrage raconte l’histoire d’une Amérique divisée, où la brutalité policière est une réalité

pour beaucoup trop de jeunes. On pense à la scène marquante où Ice Cube, en rentrant chez lui, se fait menotter très violement devant ses parents. Son crime? Être de la mauvaise couleur de peau et sortir dans la rue au moment où la police décide de faire une descente dans le quartier de Compton. Le film évolue autour de ce thème récurrent de la violence policière avec comme point culminant les émeutes de 1992 à Los Angeles.

L’organisation chronologique du film nous permet vraiment de

suivre le fil de l’histoire, ce qui donne le temps de nous attacher aux per-sonnages, de les comprendre. Ils nous font rire et pleurer, on a peur pour eux, on les soutient, et on dé-couvre le point de vue de personnes régulièrement effacées de la sphère médiatique. Le film donne une voix aux Afro-Américains, une voix qu’on leur a trop souvent enlevée.

La bande son du film est essen-tiellement composée de l’album Straight Outta Compton, premier et seul album de N.W.A: une raison de

plus de voir ce film biographique! En effet, à une époque où le rap était vu comme une musique de gang, une musique peu sérieuse qui glorifie la violence et les drogues, N.W.A brisait les codes et sortait des textes francs, violents et de qualité. Chaque chan-son raconte une histoire. Le specta-teur comprend comment la chanson «Fuck Tha Police» a été imaginée, la symbolique de «Straight Outta Compton», ou encore la façon dont Eazy E est passé de promoteur à l’un des rappeurs emblématiques du groupe. Mais tout ne s’arrête pas là:

le film met aussi en scène des chan-sons emblématiques des années 90 produites par Dr. Dre telles que «Just a G thing» avec Snoop Dogg, ou encore «California Love» avec Tupac.

Straight Outta Compton n’est donc pas seulement un film pour les amateurs de rap, mais un film qui utilise la musique pour rappeler aux

spectateurs que la lutte contre la brutalité policière continue toujours aujourd’hui. Ce long-métrage reste un moyen de parler de problèmes qui touchent encore une grande part de la population, car ce que Dr. Dre, Ice Cube et Eazy E dénonçaient il y a plus de vingt ans est malheu-reusement toujours condamnable aujourd’hui. x

Inès Léopoldie-DuboisLe Délit

Fuck Tha PoliceÉvolution de trois calibres du rap américain avec le film Straight Outta Compton.

cinéma

Une Amérique divisée, où la brutalité policière est une réalité pour beaucoup trop de jeunes

20 spéciale fédérales le délit · mardi 6 octobre 2015 · delitfrancais.com

matilda nottage & esther perrin tabarly