Le Délit du 22 mars 2015.

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill Mardi 22 mars | Volume 105 Numéro 17 Le Délit est Vierge ascendant Cancer epuis 1977

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 22 mars | Volume 105 Numéro 17 Le Délit est Vierge ascendant Cancer epuis 1977

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Le seul journal francophone de l’Université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en men-tionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessai-rement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

Volume 105 Numéro 17

2éditorial le délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

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contributeursCharlie, Miruna Craciunescu, Anna Dory, Luce Engérant, Miray Eroglu, Sarra Hamdi, Marion Hunter, Morgane Jacquet, François Legras, Magdalena Morales, Paul Pieuchot, Louisane Raisonnier, Dior Sow, Louis-Philippe Trozzo, Laurie Vandevelde, Anne-Marie Zaccaria, Matteo ZamariacouvertureMahaut Engérant et Vittorio Pessin

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

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publicité et direction générale Boris Shedov

représentante en ventesLetty Matteo

photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux,Geneviève Robert

the McGill daily [email protected]

Niyousha Bastani

Le lundi au soleil

«Éditorial: article de fond, commentaire, signé ou non, qui exprime, selon le cas, l’opinion d’un journaliste ou celle de la direction ou de la rédaction du journal,

de la radio ou de la télévision. (Abréviation familière: édito).» Sans pour autant en dire plus sur la substance d’un «édito», Le Larousse souligne qu’il s’agit là d’une opinion du conseil de rédaction. Dans le journalisme étudiant, il est généralement attendu que cette opinion soit contestatrice. Le Délit s’accorde bien souvent à ce précepte: dénoncer les coupes budgétaires de l’Université, railler avec amertume la désintégration de l’AÉUM, crier contre les actes terroristes perpétrés en France, demander un véritable accord contraignant pour la COP21, se plaindre de la façon dont McGill traite la santé mentale de ses étudiants ou sou-lever des doutes quant à la volonté d’augmenter les frais scolaires des étrangers… Nous n’aurions donc pas manqué à notre rôle cette année?

Mais en écrivant cet éditorial un lundi ensoleillé, au lende-main du 20 mars – premier jour du printemps et journée interna-tionale de la francophonie – je ne trouve pas d’objet à ma protesta-tion hebdomadaire.

Pourtant, cher lecteur avide de mon encre acide, la volonté y était! J’ai creusé chacun de nos sujets de diatribes habituels: combat pour la francophonie, austérité gouvernementale pesant sur les universités, déconnexion entre administration de McGill et étudiants, grand capharnaüm de l’AÉUM. Bien. Ça a l’air d’aller. Aujourd’hui je ne me plaindrai pas.

Le parler français? Merci Dimanche, l’Organisation Internationale de la Francophonie

(OIF) célébrait la journée internationale de la francophonie. Le monde entier y est allé de son tweet. L’UNESCO célèbre la fran-cophonie comme nous unissant tous, Michaëlle Jean – première femme canadienne secrétaire générale de l’OIF – loue le français comme langue de résistance, Justin Trudeau glorifie les relations étroites entretenues grâce à la francophonie, Philippe Couillard parle d’un héritage et d’une fierté à promouvoir, McGill nous in-

vite encore une fois à découvrir son «French Side»… Tous s’accor-dent donc, en 140 caractères, avec notre éternel combat? Le soleil ne se couche pas sur l’empire du français.

Le gouvernement? Ça passe

À la même époque, l’année dernière, l’éditorial du Délit por-

tait sur les grèves étudiantes contre l’austérité. Cette semaine, le gouvernement Couillard présentait un budget se «concen-trant» sur l’éducation (p10). Madame la ministre de l’économie, Dominique Anglade, s’est entretenue avec Le Délit à propos de sa vision «audacieuse» des investissements dans l’économie qué-bécoise (p16). Les critiques peuvent toujours fuser, «Pas encore assez» peut-on dire (p8). Une éclaircie tout de même sur la rela-tion entre gouvernement et étudiants.

L’administration? La détente

«Il nous appartient de faire contrepoids aux pouvoirs en place et nous sommes conscients de notre influence sur la com-munauté universitaire», affirme la Déclaration de Principes du Délit. Tradition et devoir veulent donc que l’éditorial soit aussi un moyen de rappeler l’intérêt des étudiants dans les kiosques du Pavillon James de l’administration de l’Université. Cette semaine nous laisserons Suzie dormir: rien à déclarer, nous allons plutôt boire une bière avec le vice-président aux affaires exécutives de l’administration de McGill qui tenait ce lundi ses «heures de bureau» à Gerts. Ça dégivre entre James et Shatner.

L’AÉUM? Mûrie

Dernière cause sur laquelle frapper du poing lors d’une sèche-

resse de sujets: l’AÉUM, sa désorganisation et sa petite politique. Il faut cependant reconnaître que les dernières élections ont été sur-prenantes, de par l’absence de scandales et d’attaques personnelles par réseaux sociaux interposés. À part la tentative de désordre par le fidèle Simakov et un certain manque d’informations offertes par SSMU Elections, pas d’orage sur les élections cette année.

Le soleil brille en ce lundi soir dans le bureau sous-terrain du Délit. x

julia DenisLe Délit

Les opinions de nos contributeurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’équipe de la rédaction.

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Actualité[email protected]

3actualitésle délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

campus

matilda nottageLe Délit

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4 actualités le délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Donner des nuits pour les sans-abris L’équipe de «5 jours pour l’itinérance» mène une campagne réussie à McGill.

campus

«On a eu plusieurs nuits sous la pluie, mais malgré les

difficultés on garde le sourire! Après tout, ça fait partie de l’expé-rience» s’exclame Thomas, un des participants de «5 jours pour l’itinérance». L’événement, qui a eu lieu du dimanche 13 au ven-dredi 18 mars, a réuni plusieurs étudiants de McGill qui ont dormi à la belle étoile en face de la bibliothèque McLennan. Leur but: sensibiliser les étudiants aux problèmes des sans-abris et collecter des fonds pour deux organisations locales: Chez Doris et Dans la Rue.

L’histoire d’une campagne

La branche de McGill de «5 Jours pour l’ Itinérance», (5 Days for the Homeless, ndlr), fait partie d’une plus large campagne, présente dans diverses écoles de commerce à travers le Canada. En effet, l’organisation non-gou-vernementale (ONG) a été fondée par des étudiants de commerce de

l’université d’Alberta, qui avaient identifié l’itinérance comme un problème social important et qui voulaient redonner à leur com-munauté. Depuis sa création en 2005, l’ONG a récolté plus de 1 600 000 dollars canadiens pour la cause.

La singularité de la campa-gne? Au lieu d’être affiliée à une seule ONG, chaque école choisit de donner à des organisations locales qui travaillent sur l’iti-nérance. À Montréal, McGill et l’école de commerce John Molson de Concordia ont uni leurs forces pour donner les fonds récoltés à Dans la Rue et Chez Doris, qui viennent en aide aux femmes et jeunes en situation de précarité.

Résultats des dons?

C’est un pari réussi pour 2016. Meghan Bottomley — étudiante en troisième année en science politique et études canadiennes — co-organisatrice de la campagne, nous explique: «Notre but était de gagner 15 000 dollars canadiens et nous en avons récolté plus de 16 000!». Cette année, la plupart des dons

ont été effectués en ligne — une différence par rapport à l’année dernière, que Meghan explique par le nombre réduit des béné-voles. «Nous étions à peu près moitié moins cette année, donc moins pour le canvassing (récolte de dons au sceau auprès des pas-sants, ndlr)».

Une campagne controversée Mais alors qu’on pour-

rait fêter les résultats de la campagne orange-tonique, un nuage surgit à l’horizon. Cette année encore, la campagne n’a pas été libre de toute critique. Certains s’offensent de ce qu’ils considèrent comme un «jeu de mauvais goût», où les étudiants privilégiés jouent à être des sans abris. L’année dernière, une professeure de l’univer-sité de UBC (Université de la Colombie Britannique) Litsa Chatzivasileiou avait écrit un ar-ticle cinglant, «Homelessness is not a choice» («L’itinérance n’est pas un choix», ndlr), qui a refait surface cette année. Elle dénon-ce en particulier une campagne «pseudo-altruiste», qui aide les entreprises à nettoyer leur nom de marque en l’associant à une ONG. Une campagne qui perpé-tue aussi le projet colonial, car elle manque de reconnaître que l’itinérance affecte dispropor-tionnellement les autochtones et que la campagne a lieu sur des terres appropriées. Enfin, l’auteur critique l’appropriation du problème par les étudiants, qui, dès lors, taisent la voie des premiers affectés: les sans-abris.

Les organisateurs sont au courant de ces critiques et d’après Meghan ce sont des argu-ments «valables et importants à discuter pour la campagne». La

co-organisatrice dénonce par contre quelques accusations mal-fondées. Cette année par exemple, «5 Jours McGill» n’a reçu aucune donation d’entre-prise: «nous ne sommes donc pas une avenue par laquelle les com-merces peuvent faire leur auto-promotion». Elle explique aussi que le but essentiel de la cam-pagne est de faire une collecte de fonds pour ces organisations qui font un travail exceptionnel: Chez Doris et Dans la Rue. Cent pour cent des donations leur sont reversées. En plus, «cette année nous avons fait un effort pour travailler plus proches d’el-les et faire plus de volontariat en plus de la levée de fonds».

Qu’en est-il des commentai-

res qui reprochent aux étudiants de «jouer la comédie»? Thomas, un participant, se défend: «Nous sommes conscients que pour nous, après une semaine, nous retournons à la maison et ne faisons pas face aux réalités constantes que représente la vie dans la rue: la solitude, les trou-bles mentaux et la marginalisa-tion extrême. Là n’est pas notre but. Nous amenons les étudiants à se questionner». Il explique aussi que «notre mouvement est rempli d’empathie»: d’une part par l’expérience, qui donne un aperçu de la difficulté physique de vivre par manque de sommeil, mais aussi par les rencontres faites au cours de la semaine.

Rencontrer et apprendre

En effet, au cours de la semaine, les étudiants n’ont pas seulement dormi à la belle étoile, mais ont aussi rencontré plusieurs acteurs principaux. Mercredi, les participants on reçu la visite de Dans la Rue et leur service de pre-mière ligne: La Camionnette (The Van). Elle parcours la ville cinq fois par semaine et distribue des chien-chauds aux jeunes en situation de précarité. Les volontaires qui ont rencontré l’équipe de McGill expli-quent que c’est ici que beaucoup de jeunes itinérants entendent parler de Dans la Rue pour la première fois, et des services qui pourraient les aider.

Le jeudi soir, les participants de McGill et de Concordia sont aussi allés partager leur nourriture avec les sans-abris dans la ville. Un moment de rencontres émouvantes d’après une participante qui raconte avoir été touchée par sa rencon-tre avec Terry, qui est Objiwé, de Barrie, Ontario: «Il nous a parlé du Mouvement Occupy Winnipeg auquel il a participé».

La semaine terminée, malgré le froid, les participants en garde-ront un souvenir positif. Thomas explique: «Le plaisir est contagieux et comme chaque année, c’était le meilleur moment du semestre: nouveau amis, nouvelles expérien-ces, nouveaux échanges». Mais le problème de l’itinérance à Montréal continue et demandera de nouveaux efforts. On espère que les critiques de cette année susciteront des conversations constructives pour l’amélioration continue de la cam-pagne pour l’année prochaine. x

vittorio pessin

luce engérantLe Délit

L’assemblée générale annuelle de laSociété des publications du Daily (SPD),

éditeur du McGill Daily et du Délit, se tiendra

le jeudi 31 mars 2016 à 17h30au Pavillon McConnell de génie,

Salle 204

Les membres de la SPD sont cordialement invités.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

«Nous amenons les étudiants à se questionner»

C’est un pari réussi pour 2016

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5actualitésle délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Le Printemps érable revisité Retour sur les qualités et les revers du mouvement étudiant.

conférence

Mercredi 16 mars der-nier se tenait un atelier intitulé Aujourd’hui! La

grève continue: leçons du Printemps érable. Il était organisé par le comité des affaires externes de l’AÉUM et l’association McGill contre l’austé-rité. Les deux animateurs, Kevin et Becca, étaient des étudiants à McGill lors du Printemps érable, ayant dévoué la majorité de leur temps à ce mouvement étudiant.

Rétrospective d’un mouvement marquant

Le Printemps érable est la réponse étudiante au plan du Parti Libéral du Québec, annoncé le 18 mars 2011, d’augmenter de 1625 dol-lars sur cinq ans les frais de scolarité universitaire. Ce mouvement débute le 13 février 2012 et se termine offi-ciellement le 7 septembre 2012.

En février, quelques associa-tions départementales commencent à voter des mandats de grève, mais la grève débute seulement lorsque 20 000 étudiants votent pour cel-le-ci. De semaines en semaines,

le mouvement de grève prend de l’ampleur. Le 7 mars 2012, lors d’une manifestation devant Loto-Québec, un étudiant perd un œil aux mains de la police, ce qui marque la pre-mière grande blessure du printemps. Le 22 mars, 400 000 personnes défilent dans les rues. Tous croient que le gouvernement commencera bientôt les négociations. En vain.

Commence alors une campagne de perturbation économique: les étu-diants bloquent des ponts, des ports et des réunions de banques, dans l’espoir de pouvoir négocier avec le gouvernement.

C’est seulement après une ma-nifestation devant le salon du «Plan Nord» que le gouvernement décide de négocier avec les fédérations

d’associations étudiantes. Après une entente qui tombe à l’eau, plusieurs manifestations sont organisées sous le nom de «une manif par soir, jusqu’à la victoire». Au mois de mai, le gouvernement libéral passe une loi spéciale mettant fin aux sessions universitaires, rendant illégal le blocage des entrées de cours et récla-mant qu’un itinéraire soit donné pour tout rassemblement de plus de cinquante personnes.

Puis, l’été diminue l’ampleur du mouvement, et celui-ci finit par s’essouffler complètement suite à l’élection du Parti Québécois au mois de septembre. Pauline Marois annule le projet d’augmentation des frais de scolarité, mais instaure leur indexation sur l’inflation.

Et la morale de l’histoire?

L’atelier se termine par une dis-cussion sur les points forts, les lacu-nes et les leçons à tirer de ce mouve-ment social. La majorité des acquis reposent sur la taille du mouvement, le développement de compétences concrètes et de relations.

Cependant, le mouvement contenait beaucoup de lacunes, par-ticulièrement au niveau des dyna-

miques à l’intérieur des sphères organisatrices. Celles-ci souffrirent d’un manque accru de diversité, très largement composées de per-sonnes blanches et masculines. Les rapports au sein de ces sphères sont souvent misogynes et racistes. Le regroupement d’étudiants Students of Colour Montréal a donc soumis une motion anticolonialiste et antiraciste à la CLASSE (Coalition large de l’ASSE, une des fédérations d’associations étudiantes). Celle-ci a été acceptée, mais aucun change-ment concret n’a été ressenti.

Les conférenciers affirment que les différences de points de vue des groupes ayant participé au mouvement et l’obligation des votes de grève en assemblée générale ont causé la fin abrupte du mouvement. Ils dénoncent aussi le culte de la personne qui s’est développé autour des dirigeants des fédérations d’as-sociations, ainsi que l’opportunisme politique de ceux-ci.

En bref, bien que le Printemps érable ait été pour certains une réussite, tant par son ampleur que par ses répercussions, les organi-sateurs de l’atelier affirment qu’il faudra à l’avenir ne pas en répéter les erreurs. x

anne-marie zaccarin

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6 ACTUALITÉS le délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

SLASummit: un sommet pour la soutenabilité en Amérique Latine

conférence

Promouvoir un nouvel entrepreunariat social à McGill.

matteo zamaria

sarra hamdi

Les initiatives étudiantes décollent en Amérique Latine.

Haïti, Mexique et Pérou. Trois pays visés par le SLASummit en cette édi-

tion 2016.Afin de remporter 5000

dollars canadiens et trois billets d’avion pour implanter leur projet dans la communauté visée, les trois équipes finalistes, toutes compo-sées d’étudiants, ont présenté leurs

idées aux juges le 19 mars dernier. La première proposition visait

le village mexicain de Chepeginio et suggérait l’installation d’un sys-tème de collection de la brume. Cet endroit, dépendant lourdement de l’agriculture en matière de reve-nus, souffre d’un manque d’eau propre malgré sa haute altitude et le système de collection d’eau de pluie déjà implanté. Les villageois, aux prises avec divers problèmes de santé, liés à la consommation d’eau souillée, profiteraient gran-dement de ce projet intégratif. En effet, cela les amènerait à s’occuper eux-mêmes des filets et à récolter l’eau pure récoltée au travers de la brume. Des projets similaires ont déjà été réalisés au Chili et au Pérou, prouvant l’efficacité de ce système.

La seconde proposi-tion concernait le village de Parobamba, au Pérou. Fidèles à leur culture, les femmes de la communauté ont pour source de revenus la vente de textiles tradi-tionnels teints. Malheureusement, les plantes utilisées pour la tein-ture se raréfient du fait de mau-vaises techniques d’utilisation des terres et d’un manque de cochons d’Inde qui servent de fertilisants. Proposant de construire un jardin écologique communautaire et éducatif, d’augmenter la popula-tion de cochons d’Inde ainsi que

celle d’abeilles qui polliniseraient les plantes, ce projet peu coûteux aurait d’importantes retombées sur le village et particulièrement sur les femmes. Il permettrait de maintenir l’utilisation des plantes employées dans la fabrication de teinture et, ultimement, des vête-ments traditionnels péruviens.

La troisième et dernière pro-position s’intéressait au village haïtien de La Digue. La source d’eau la plus proche se situant à 2,5 kilomètres, ce sont les femmes qui portent le fardeau d’aller chercher de quoi boire pour leur famille. Suggérant l’installation d’une infrastructure qui collecterait l’eau de pluie localement, complétée par l’achat de filtres d’eau en cérami-que, ce projet créerait de l’emploi pour les femmes qui seraient en charge de la location des filtres. De plus, l’infrastructure construite aurait un espace suffisant pour abriter, par exemple, une salle de classe ou un espace de réunion.

C’est finalement le projet du jardin écologique au Pérou qui a remporté le grand prix de 5000 dol-lars canadiens, avec une avance de quatre points parmi les neuf juges. C’est sa simplicité, son implication des gens de la communauté ainsi que ses retombées culturelles et économiques qui ont permis que cette idée deviendra réalité d’ici les prochains mois. x

matteo zamaria

magdalena moralesLe Délit

«Inverser la rhétorique»: voici les mots clés du SLASummit. Le

Sommet pour le Développement Durable en Amérique latine (Sustainability in Latin America Summit, ndlr) qui s’est déroulé du 17 au 20 mars 2016, se concentre prioritairement sur une approche durable au changement social. Ce projet d’envergure pose une ques-tion toute bête: comment changer la vie d’une communauté avec 5000 dollars canadiens?

Deux jours: c’est le laps de temps que vingt équipes compo-sées chacune de cinq étudiants ont pour plancher sur un plan de développement spécifique à une communauté d’Amérique latine. Mais le SLASummit est avant tout un événement international, réunissant des étudiants de 150 établissements d’Amérique du Nord et des experts de l’Amérique du Sud. Le but est d’allier pers-pectives sociale et économique. «On ne veut pas proclamer que l’on va éradiquer la pauvreté en Amérique latine» rapporte Constance, une des organisatri-ces, «on veut juste proposer un modèle de développement pour une communauté de 20 à 30 per-sonnes». Le projet est concret et ciblé: limité en ampleur et en financement, il est par ailleurs encadré par des associations caritatives et des organisations non-gouvernementales. Cette approche, qui pourrait paraître au premier coup d’œil verticale et hiérarchisante, est en fait un nouveau modèle de développe-ment qui met l’accent sur les besoins de la communauté. En

essayant d’inverser la rhétorique, le SLASummit marque une nou-velle approche, plus horizontale cette fois-ci, au développement durable.

Cette deuxième édition du sommet a été couronnée de succès. Grâce à une équipe sur-motivée et une organisation sur le pied-de-guerre, le SLASummit s’est déroulé sans encombre. Projet d’une année, le sommet parvient à tenir ses promesses.

Premièrement, il a permis de proposer un projet qui s’inscrit dans la logique de durabilité à une communauté spécifique d’Améri-que latine.

Ensuite, il a réussi à met-tre des étudiants d’horizons et de spécialisations diverses (Développement international, génie civil, sciences et ressources humaines, etc.) en collaboration.

D’autre part,il a facilité l’échange entre étudiants et ex-perts grace à des intervenants et des coaches pour chaque équipe.

Par ailleurs, il a rendu pos-sible une transmission bilatérale et horizontale entre participants et locaux par le biais des associa-tions non-gouvernementales.

Enfin, il a mené une lutte contre le «volontourisme» ou l’attitude de touriste durant un engagement bénévole dans une région défavorisée.

Du networking à la session de clôture, les participants auront travaillé d’arrache-pied pour prendre à corps et à cœur la cause de la communauté dans laquelle ils œuvraient. «L’important pour nous, c’est que le changement intervienne, et qu’il intervienne vite» nous dira Camila, une des coordinatrices de l’événement. x

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7actualitésle délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

TEDxMcGill: de l’inspiration à l’action Des présentations qui ébauchent une révolution conceptuelle.

conférence

«B ousculer le statu quo et soulever des questions»: tel était l’objectif du

TEDx McGill 2016 qui a eu lieu samedi 19 mars au Salon 1861, une ancienne église sulpicienne conver-tie en auditorium. Huit intervenants de marque, tous aussi passionnés qu’originaux, nous ont présenté tour à tour leurs projets, idées, créations artistiques ou encore découvertes scientifiques, qui viennent défier les paradigmes dominants.

Place à la jeunesse et aux commu-nautés

Comme le veut la tradition TED talk, chaque présentation avait pour but de faire passer un message clair, simple et à allant l’encontre de nos préconceptions.

À l’issue des conférences, il ne fait aucune doute que l’acteur prin-cipal de la révolution conceptuelle du 21e siècle est la jeunesse. «Le monde a toujours évolué grâce aux jeunes», affirme Thione Niang, en citant des figures politiques comme Malcom X ou Martin Luther King, qui dès leur plus jeune âge ont rejoint des mouvements activistes.

Le parcours de Thione Niang lui-même est exemplaire. Quittant la pauvreté de son village sénégalais pour rejoindre les États-Unis avec vingt dollars en poche, il devient

en moins de cinq ans président du Mouvement national des étudiants démocrates (Young Democrats for America College Caucuses, ndlr) — mouvement stratégique de la campagne électorale de Barack Obama. Il ne s’arrête pas là. À la tête de plusieurs projets — dont Give1 Project, implanté dans 32 pays — Niang s’efforce désormais de fournir aux jeunes l’opportunité

de devenir des membres actifs de leur communauté.

La jeunesse à la tête de pro-jets innovants, c’est également le modèle incarné par Salima Visram.

Fraîchement diplômée de McGill, Salima dirige aujourd’hui The Soular Backpack — sa société d’entrepreu-nariat social qui compte délivrer plus de 5000 sacs à dos accumula-teurs d’énergie solaire à des enfants pour qui l’éducation est souvent freinée par la pauvreté.

Tout comme Salima, mettre les communautés et leurs besoins au premier plan des débats sociaux et

politiques est la solution envisagée par Henry Mintzberg, professeur émérite de gestion ayant beaucoup écrit sur l’entrepreunariat social. Selon lui, il faut se débarrasser de la dichotomie réductrice entre privé (entreprises) et public (institutions) et venir la balancer avec un troisième secteur crucial, mais négligé: le sec-teur «pluriel», qui comprend associa-tions, mouvements sociaux, etc.

Toujours plus loin, toujours plus créatif

Du haut de ses 17 ans, Panayotis Pascot répète avec détermination la citation de Xavier Dolan: «Je pense que tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais.» En effet, tout paraît possible pour ce jeune humoriste, qui, il y a peu de temps encore, peinait à faire décol-ler les vues sur ses vidéos YouTube. C’est en contactant de manière incessante les personnes qui l’ins-pirent qu’il réussit à décrocher en septembre 2015 une place au «Petit Journal» — émission française très appréciée tant par la jeunesse que par les autres générations.

«Rêver et oser»: Moon Ribas, elle aussi, épouse cette idée. Son rêve est ambitieux et singulier: être connectée à notre environnement,

non pas en le modifiant, mais en nous modifiant grâce à la techno-logie. En effet, Moon possède des implants dans son corps, qui lui font ressentir les vibrations terrestres et lui permettent d’être en symbiose avec la nature. Elle se définit comme cyborg et défend le «cyborgisme»: une philosophie respectueuse de l’environnement, qui entrevoit un futur avec des êtres humains tech-nologiques qui seraient capables de s’éclairer ou voler, sans recourir aux technologies actuelles, fortes consommatrices d’énergie. Elle se projette même plus loin que la Terre, en travaillant actuellement sur un projet qui lui permettrait d’être en connexion sismique avec la Lune.

L’espace était aussi le thème de la dernière présentation, don-née par Dr. David Shoemaker. Cent ans après les prédictions d’Einstein sur l’existence de trous noirs, l’équipe scientifique du Dr. Shoemaker a réussi en 2015 à détecter pour la première fois des ondes gravitationnelles.

Cette découverte sans pré-cédent ébranle les théories scien-tifiques et suggère qu’explorer le cosmos, le comprendre, et l’intégrer à nos problématiques actuelles, c’est aussi contribuer au «changement de paradigme». x

inès léopoldie-dubois

chloé mourLe Délit

A.G.M. ou Athlètes génétiquement modifiés

Une véritable bombe a explosé dans le monde du sport professionnel plus

tôt ce mois-ci: la tsarine du tennis mondial, Maria Sharapova, est déclarée positive à un test de dopage à l’occasion de l’Open d’Australie, le premier Grand Chelem de la saison. Pour de nombreux amateurs de sports professionnels, c’est presque inconcevable pour l’athlète qui est devenue une icône incontestée du sport féminin à travers le monde.

Une annonce renversante

Portant le noir du deuil, c’est la star du tennis féminin elle-même qui en a fait l’annonce lors d’une conférence de presse à laquelle elle avait convié plusieurs journalistes du milieu sportif. Incriminée pour avoir consommé du meldonium, Maria Sharapova a spécifié qu’elle ignorait que ce produit avait tout récemment (le 1er janvier 2016) été ajouté à la liste des substances interdites. Aux dires de la principale

concernée, elle n’aurait pas pris le temps de lire le courriel que l’Agence mondiale antidopage lui avait en-voyé et de vérifier si le meldonium figurait parmi les nouveaux produits prohibés du circuit. Admettant néanmoins qu’elle avait commis une «grave erreur», elle s’est défendue en affirmant qu’elle consommait cette substance depuis près de 10 ans pour traiter des problèmes de diabète et d’arythmie cardiaque récurrents dans sa famille.

Suspendue provisoirement par la Women’s Tennis Association (WTA), la quintuple championne en Grand Chelem risque une sus-pension de deux à trois ans pour son contrôle positif. Autres sanctions majeures: le constructeur auto-mobile Porsche, l’équipementier américain Nike et l’horloger suisse Tag Heuer ont tous les trois annoncé qu’ils suspendaient leurs activités avec l’athlète féminine la mieux payée de la planète.

Quoi que l’on en pense, il est tout de même étonnant qu’une ath-lète du calibre de Sharapova, entou-rée comme elle l’est d’entraîneurs, de médecins, de conseillers et d’avo-

cats, n’ait pas été avertie qu’une substance qu’elle consomme régu-lièrement vienne d’être classifiée «produit dopant». Est-ce vraiment légitime pour la septième raquette mondiale de plaider l’ignorance? Il est difficile d’y croire…

Le circuit de la WTA en danger ?

Comme l’annonce d’un contrôle positif va vraisemblable-ment priver Sharapova de tennis au cours des prochaines années, le circuit de la WTA se retrouve avec un énorme vide à combler en son absence, d’autant plus que le tennis féminin peinait déjà à enthousias-mer les amateurs de sport autour du monde. La WTA fait effective-ment face à un problème colossal puisque, à l’exception de Serena Williams qui demeure la maîtresse incontestée des courts, aucune nouvelle championne ne semble véritablement émerger du circuit. Sharapova était effectivement l’une des seules joueuses de tennis du circuit féminin à remplir les stades match après match.

Recours aux produits dopants: les motivations

Maria Sharapova n’est cer-tainement pas la première vedette du monde sportif à être reconnue coupable de dopage. Sans trop se remuer les méninges, on pense rapi-dement à Alberto Contador, Lance Armstrong et Ben Johnson, trois autres grands noms du sport pro-fessionnel qui ont vu leur carrière et leur réputation ternies par un contrôle positif.

Si les risques courus sont si grands, pourquoi des athlètes de haut niveau ont-ils alors recours à de tels produits? Parce qu’ils sont

animés d’un désir insatiable de gagner? Dans certains cas, certes, mais présenter le dopage comme une simple tricherie ne suffit à ren-dre compte de la réelle complexité du phénomène.

Dans une ère où les exigen-ces du sport de haut niveau sont excessivement élevées et où les per-formances sont récompensées de primes de plus en plus généreuses, l’athlète est constamment soumis à des pressions insistantes de la part de groupes qui ont un réel intérêt à le voir réaliser des performances. Entraîneurs, commanditaires, grou-pes médiatiques, supporters — tous nourrissent cette nécessité pour l’athlète de devoir gagner à tout prix. Il semble donc évident que le recours à des substances illicites s’avère être une réponse au stress quasi insoutenable que ressent l’ath-lète. De plus, la surcharge du calen-drier et la multiplication du nombre d’entraînements épuisent l’athlète et laissent très peu de place à la récupération. Les produits dopants apparaissent donc également com-me un moyen de maintenir la forme tout au long de la saison. x

louis-philippe trozzoLe Délit

Page 8: Le Délit du 22 mars 2015.

8 société le délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Société[email protected]

Leitão, le défi de l’éducationEst-ce suffisant d’augmenter les fonds consacrés à l’enseignement?

opinions

Le 17 février dernier Carlos Leitão, ministre des Finances du gouvernement québécois,

a présenté son nouveau «Plan pour la réussite en éducation», remettant ainsi sur la table un sujet que les années d’austérité avaient mis en marge. Sur une période de trois ans le gouvernement promet donc de réinvestir près de 1,2 milliard de dollars dans le secteur afin de réno-ver les infrastructures et favoriser la réussite scolaire. Un plan ambitieux qui veut se poser comme la bouée de sauvetage d’un système en déclin mais qui laisse les syndicats et les commissions scolaires dubitatifs.

Des bâtiments en fin de vie

En effet, au cours des dernières années pour la province, force a été de constater que la décadence du parc immobilier d’écoles québécoi-ses devait être traitée de manière urgente. Or en début d’année, le journal La Presse dévoilait que pres-que 80% des établissements de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) obtiennent la pire note

possible en terme de vétusté et ce malgré le fait que le problème ait été soulevé dès 2014. Pour répon-dre à cela, le budget Leitão prévoit d’investir près de 700 millions de dollars, dont 200 cette année, dans la rénovation et la reconstruction des écoles québécoises, une somme qui reste insuffisante aux yeux de la Commission. La présidente de cette dernière a confié à Radio Canada qu’«avec 200 millions pour l’ensem-

ble du Québec, là, c’est environ une dizaine ou une douzaine de projets dans l’ensemble du Québec de reconstruction totale». Un nombre dérisoire lorsque l’on sait que dans la seule ville de Montréal 82 établis-sements devraient normalement faire l’objet d’une reconstruction ou d’une réhabilitation majeure tandis que 134 autres sont dans un état «préoccupant». Si le gouvernement Couillard dit consacrer ses efforts

à l’éducation, il semblerait toujours que cette dernière soit reléguée au second rang au profit du finance-ment de la dette publique.

Les universités continuent d’être livrées à leur propre sort

Mais la rénovation des écoles n’est pas le seul domaine lésé par ce plan économique. Effectivement, ces investissements dans l’éduca-tion adressent de manière minime les demandes du milieu universi-taire. Pour la Centrale des syndi-cats du Québec (CSQ), «la hausse des budgets à 1,7 % en 2016-2017 ne répondra pas aux besoins du réseau», un réseau qui a particu-lièrement souffert ces dernières années des coupes budgétaires — qui ont été de 72 millions de dollars en 2015, de 200 millions en 2014 et qui pourraient bien continuer en 2016. Toutes les universités de la ville de Montréal ont dû réduire le choix des cours proposés aux élèves et certaines, par exemple l’Univer-sité de Laval, ont dû concentrer leurs efforts dans des campagnes de financement extensives, au détriment de la vocation éducative de leurs institutions. Augmenter

les subventions de fonctionnement des universités québécoises est aujourd’hui nécessaire si la pro-vince désire conserver son rayon-nement fédéral et international, mais l’investissement intensif dans l’éducation que le gouvernement a fait miroiter durant ces derniers mois n’est en réalité que très limité.

Une rhétorique confuse

Les mesures prises n’auraient sûrement pas fait l’objet de tant de critiques si elles n’avaient pas été vendues de la sorte par le minis-tre. Les associations dénoncent aujourd’hui un manque de clarté de la part du gouvernement. La Centrale des syndicats du Québec ne comprend pas comment la pro-vince peut augmenter le budget du financement de la dette publique de 42%, celui de l’éducation de 3%, et dire dans son discours que ce dernier est la priorité phare de 2016. Les mesures prises sont un signe optimiste que le Québec est peut-être bien en train de sortir de sa phase d’austérité. Le gouverne-ment a décidément fait un pas dans la bonne direction, mais la route est encore longue. x

dior sow

Croissance, mort ou durabilitéLa minute écolo | Esther Perrin Tabarly

Au vu de tous les avertis-sements des experts et climatologues, le fin mot

de l’histoire est que nous devrons adapter nos modes de vie, nos comportements, nos choix idéolo-giques et politiques à la nouvelle réalité. Celle des pluies acides, de la sécheresse, des inondations, des maladies, de l’extinction pro-gressive de membres de la chaîne alimentaire… On en passe et des meilleurs. Lorsque la communauté internationale parle d’adaptation, de résilience ou de transition, c’est dans l’optique modérée d’intégrer

ce défi à la machine. Comme une plante verte au coin d’un bureau.

Peut-on conjuguer capitalisme et durabilité?

Favorite parmi les théma-tiques qui poussent comme des mauvaises herbes au pied de nos dirigeants, est la question de la viabilité du capitalisme dans ce nouveau modèle. Entendons par là: si l’on compte réellement opé-rer un changement et léguer aux générations futures ne serait-ce qu’un peu d’air frais. Pied de nez au réalisme désabusé, le raisonne-ment a un intérêt purement philo-sophique, et pas qu’un peu jouissif. Nombre de théoriciens se sont déjà penchés sur la question. En 2009, David Schweickart, de l’Université Loyola de Chicago, s’interroge sur le postulat du système capitaliste: la croissance ou la mort. «Une éco-nomie capitaliste» écrit-il, «doit croître pour rester en santé parce que le capitalisme repose sur les investisseurs privés.» Si les profits stagnent, ou pire, diminuent, les capitaux se désintéressent, et «leur pessimisme devient une prophétie

auto-réalisatrice»: chômage, baisse de la consommation, baisse de la demande globale. Dans la suite logi-que, les gouvernements ont moins de revenus et sont donc incapables d’assurer les services sociaux.

Évidemment, en période de récession, les émissions de gaz à effet de serre chutent. Inversement, dans l’équation économique, plus de CO2 dans l’atmosphère, c’est aussi un PIB en croissance. La création d’emploi nécessaire au nettoyage suite à une marée noire comptera positivement dans le pro-duit intérieur brut.

C’est la loi du marché qu’on a pu observer jusqu’ici dans le com-portement des entreprises face aux régulations environnementales imposées par les gouvernements. Sous sa forme actuelle, l’économie est imperméable aux nouvelles formes d’énergie et de consomma-tion, parce qu’elles sont plus chères et donc moins rentables.

Démocratiser l’économie

Schweickart poursuit en se posant la question suivante: «pouvons-nous concevoir une

alternative économique au capi-talisme qui soit a) économique-ment viable, b) indépendante de la croissance pour rester stable, mais c) qui conduise à l’innova-tion entrepreneuriale dont nous aurons besoin pour surpasser la crise actuelle?» Il conçoit dans sa recherche le projet d’un nouveau modèle économique qu’il qualifie de «démocratique». Celui-ci est basé sur une direction élue par les travailleurs, et le remplace-ment des salaires par des parts de profits, afin que chacun ait un intérêt direct à participer active-ment au succès de l’entreprise. L’investissement aussi serait repensé. Substitué par la taxation des capitaux, chacun paierait alors pour ce qu’il consomme en production. Schweickart dessine par la suite une méthode propor-tionnelle de redistribution des revenus publics, donc «le fonds d’investissement est généré par les taxes». Ces fonds publics restent locaux, et peuvent être réinvestis dans des initiatives et innovations plus vertes. En bref, le modèle démocratique cherche à soutirer le futur de l’environnement au

courtier en bourse, et le replacer entre les mains de l’individu. Il ne rejette pas le capitalisme puisqu’en soi, plus de profits serait synonyme de plus de taxes, donc plus de revenus, et plus de potentiel d’investissement.

Conclusion

Le modèle décrit ci-dessus est une incitation à la réflexion. Il découle de mes lectures de vacan-ces plus que de mes convictions personnelles. Mais il est intéres-sant parce qu’il soulève les ques-tions qui font partie du chemin de pensée nécessaire, en fin de comp-te (et de chronique, à un progrès) dans notre mentalité. Devons-nous nous arrêter aux règles éco-nomiques que l’on nous a léguées? Le client est-il véritablement roi, ou consomme-t-il pour répon-dre à la loi de l’excès, du profit? Pouvons-nous, et voudrons-nous repenser le monde dans lequel nous allons travailler, dépenser, vieillir et procréer? Il reste vital de remettre en cause ce que nous savons déjà, et de mettre en valeur ce que nous apprenons. x

chronique

Page 9: Le Délit du 22 mars 2015.

9sociétéle délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Sur la route 66Récit d’une odyssée en terre conservatrice.

Prose d’idée

Étudiante en échange au Canada, j’ai profité des va-cances de Noël pour migrer

vers le Sud, en quête d’émotions fortes et de quelques degrés sup-plémentaires. En tandem avec mon amie Zoé, j’ai parcouru en autostop les premières centaines de miles de la route 66, qui débute dans la ré-gion du Midwest étasunien. Au fil de la route, j’ai tenté de tirer le portrait de ce petit bout d’Amérique et de tisser dans la trame des paysages le motif culturel, économique et social que j’ai pu reconstituer. Cependant, malgré le caractère véritablement humain de cette expérience et l’emploi pour mes photographies d’une focale résolument mobile du fait des modalités de notre voyage, je sais n’avoir capturé des lieux que nous avons traversés qu’un instantané, lacunaire et contingent, sinon arbitraire. La réalité que j’ai cru percevoir est irrémédiablement modelée par l’angle de vue que j’ai adopté, ainsi que par le regard de Zoé et de tous ceux qui se sont arrê-tés sur notre route.

Sans prétendre asséner de vérité, ce récit entend donc modes-tement rendre compte, par une intrication entre topographie et sensations, d’une expérience qui a été autant esthétique qu’instruc-tive. On y trouvera notamment un aperçu du conservatisme qui se manifeste aujourd’hui à des niveaux multiples, et prend sa source dans le malaise de certaines catégories so-ciales. Curieux musée à ciel ouvert, la route 66 offre un condensé de mythe et d’histoire, mais aussi un aperçu des malaises de notre temps.

Voyage sur le pouce de Saint Louis à Miami

Comment mieux raconter un périple en autostop au cœur de la Bible Belt, le long des premières centaines de miles de la route 66, que par l’abolition des plans fixes et le choix d’une matière brute déroulée en panorama? Si la tâche semble difficile, c’est pourtant ce à quoi j’aimerais prétendre: une des-cription autostoppeuse et nomade, humaine et modelée par un itiné-raire — le nôtre, qui s’est déployé entre Saint Louis et Miami, dans l’Oklahoma.

Sorte d’hybride entre le pèle-rinage et le rite initiatique, notre voyage sur la Mother Road n’était pas simplement un moyen de mor-dre un bon coup dans notre propre rêve américain — celui-ci s’avérant d’après ce que j’en ai vu être un peu amoché. Nous voulions aussi nous confronter, un peu par défi mais surtout par curiosité, à une différence culturelle plus radicale que celle que nous avions pu appré-hender lors de notre voyage dans la région des Adirondacks, dans l’État

de New York, en septembre dernier. Dépaysées, nous l’avons été bien au-delà de ce que nous aurions pu anticiper, car le Midwest s’approche de ce que d’aucun serait tenté de qualifier sans la moindre hostilité d’«Amérique profonde», où pulse sous un épiderme économique et social à vif une effervescence reli-gieuse et idéologique assez décon-certante.

Les paysages mythiques d’une ins-titution qui perdure

Le décor a vite été planté. Les bords de route expriment toujours une banalité tout à fait singulière, ils sont des non-lieux qui germent en autonomie, des interfaces façonnées au gré des trajectoires culturelles, économiques et sociales à l’œuvre dans les centres qu’ils relient. En bout de chaîne, souvent délaissés, les coteaux, les aires autoroutières et les zones périur-baines sont les manifestations les plus résiduelles mais aussi les plus honnêtes de leur temps, même si un certain phénomène d’inertie est à observer. Interface entre deux époques, les bas-côtés qui bordent le tracé historique de la route 66

sont parsemés de drôles de fossiles déglingués et biscornus: néons cas-sés et ferraille rouillée, carcasses de voitures, marchés aux puces déser-tés, motels d’époque à la modernité fanée, ou encore vieilles stations services dont le compteur, qui affiche encore le prix du litre d’es-sence, a cessé de tourner depuis des décennies. Pourtant, tout cela n’est qu’un bien pâle sanctuaire en com-paraison avec Threece, une petite

agglomération fantôme à la sortie de laquelle nous avons joué du pouce pour fausser compagnie aux deux illuminés, probablement sous

acide, avec lesquels nous étions montées. L’ancienne bourgade a été abandonnée il y a des années, et on trouve dispersés dans les bâtiments effondrés les vestiges de la vie des anciens habitants. La route 66 n’est presque plus empruntée à cet en-droit précis qui est au moins aussi glauque qu’il est fascinant. Malgré le charme indéniable de l’endroit, j’étais franchement soulagée quand une voiture et son chauffeur affable

se sont arrêtés à notre hauteur pour nous en éloigner, et nous emmener dans la chambre proprette et rassu-rante d’un motel autoroutier.

L’envers du décor, un contexte socio-politique tourmenté

Les images que j’ai choisies de livrer sont emblématiques. Pourtant, pour compléter le tableau, il me faudrait pouvoir retranscrire le sentiment d’étran-geté, ou plutôt de moi étrangère, qui ne m’a pas quittée une seule seconde. Ce voyage m’a laissé la sensation d’un milieu fermé et en

proie à une crispation identitaire, probablement liée à la vulnérabilité économique qui touche une large portion de la population. Le quoti-dien lui-même semble revêtir un fort potentiel d’aliénation, même si le bonheur est ici un business lucra-tif qui se décline à l’infini, depuis les rayons «santé» des supermar-chés aux services de réfection de sourire. Les paysages du Midwest rural sont eux-mêmes marqués par une ferveur religieuse surprenante: on trouve sur les bords de route des panneaux immenses à l’effigie de Jésus qui côtoient des publicités pour des gun shows (expositions d’armes à feu, ndlr), ainsi que tout un éventail de banderoles aux slo-gans plus ou moins tendres, allant du presque subtil «life’s a gift» («la vie est un cadeau») au plus ouverte-ment haineux «sodomy is a sin» («la sodomie est un péché»). Bien que la liberté de culte soit sacralisée ici, l’athéisme est le point aveugle du pluralisme et je ne compte pas les prêcheurs de bonne parole que nous avons trouvés sur notre chemin, avec intérêt, ou parfois tristesse, quand ils se livraient à des sermons réchauffés à partir d’un quelconque programme de «Church TV», ou encore qualifiaient le Coran de «rivière de sang».

Quelques mois après ce voyage, la question reste en sus-pens: doit-on formuler un lien de cause à effet entre ces pressions économiques, religieuses et socia-les et un conservatisme politique de plus en plus décomplexé dans certaines régions d’Amérique du Nord? Je vous laisse juges, puisque je suis devenue partie après avoir été témoin de l’ardeur avec laquelle les armes peuvent être ici érigées en droit bien plus fondamental que celui à l’avortement. xphotos par laurie vandevelde

Laurie Vandevelde

«Il me faudrait pouvoir retranscrire le sentiment d’étrangeté, ou plutôt de moi étrangère»

Page 10: Le Délit du 22 mars 2015.

10 économie le délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Le Big Data, Eldorado du 21e siècleAnalyse et explications des bénéfices et défis posés par les mégadonnées.

D’après Eric Schmidt, ex-PDG de Google, plus de données sont

aujourd’hui créées en deux jours, qu’entre le début de l’histoire de l’humanité et 2003.

Ces larges quantités don-nées apparaissant sous plusieurs formes (vidéo, audio, “J’aime”…) nécessitaient autrefois un vaste déploiement de ressources et de temps pour être traitées, conser-vées et analysées, et produisaient souvent des résultats imprécis. Les outils de gestion et les entrepôts de données classiques leur sont en effet peu adaptés.

Le Big Data

Les récentes avancées techno-logiques en matière de puissance de processeurs, de stockage et de logiciels, permettent de mieux exploiter ces énormes agrégats de données plus rapidement et plus efficacement.

Les solutions et techniques développées pour le traitement de ces données sont appelées Big Data (mégadonnées, ndlr). Le volume, la vélocité (fréquence de création, collecte et partage, ndlr) et la variété des données traitées sont ainsi considérablement aug-mentés.

Les analyses de la Big Data permettent notamment de renfor-cer «l’intelligence client» (analyse des détails et des activités des clients, ndlr) en comprenant plus précisément les besoins, percep-tions et attentes de ces derniers. En récoltant les données à partir des réseaux sociaux, blogues, et appareils mobiles, les compagnies obtiennent une idée plus précise

des comportements et réactions de chaque consommateur et peuvent donc proposer des produits plus adaptés à chacun. Par exemple, certaines compagnies développent maintenant des produits bancaires et des rabais personnalisés, qui vont attirer de nouveaux clients et les fidéliser.

Un rapport de Capgemini explique ainsi qu’en moyenne, les banques utilisant le Big Data pour comprendre les pertes de clients ont une avance de 12% en terme de parts de marché face aux banques ne l’utilisant pas.

Les institutions financières à la conquête du Big Data

Les institutions financières ont besoin de gérer un énorme volume de données pour concevoir des algorithmes divers, utiles au Trading haute-fréquence (THF) par exemple. Des algorithmes plus précis peuvent maintenant être développés en étant testés et vali-dés sur des volumes de données plus larges et plus variées, ce qui

rend les investissements plus sûrs et rentables.

De même, les banques d’in-vestissements et les gestionnaires d’actifs utilisent le Big Data afin de réaliser des analyses plus per-tinentes à partir de données de meilleure qualité. De leur côté, les assurances et fonds de pen-sion peuvent avoir accès à des informations plus précises sur des politiques et des déclarations pour une meilleure gestion de leurs risques. Les risques sur les dettes et les assurances peuvent être également réduits, grâce à une meilleure observation du client et de ses habitudes.

Ainsi, le Big Data permet d’améliorer les connaissances des firmes sur leur industrie, leurs

opérations et leurs clients. En conséquence 63% des institutions financières auraient au moins un projet relatif au Big Data en pro-duction, d’après un rapport de New Vantage Partners.

Des institutions plus globales peuvent améliorer leur capacité à opérer sur différents marchés aux données disparates en comprenant mieux, et surtout à un coût large-ment réduit le fonctionnement, et les spécificités de chaque marché.

Enfin, le Big Data permettrait à usage interne d’améliorer l’analy-se de la conformité des opérations avec les régulations et les attentes publiques, ce qui augmente leur transparence. Les organisations peuvent aussi prendre des déci-sions stratégiques et faire des ef-forts relatifs au recrutement et à la conservation de leurs effectifs, ce qui rend possibles d’importantes réductions de coûts.

Aujourd’hui, selon Forbes, seul 0,5% des données sont ana-lysées ou utilisées. En d’autres mots, seule une infime partie du potentiel du Big Data est exploitée, et pourtant de nombreux défis se présentent. Des questions d’inté-grité des données se posent face aux atteintes à la vie privée et il reste difficile pour les firmes de prévoir si de tels investissements onéreux seraient utiles, et com-ment ils devraient être appliqués. Certaines compagnies, distantes du Big Data, pourraient manquer un réel tournant.

En conclusion, le Big Data est souvent comparé à la ruée vers l’or du XXIe siècle, mais en vérité, au vu des défis et des coûts impo-sés par ce secteur, il semble plus s’apparenter à l’exploration des grands fonds marins: largement inconnus et sources des rêves les plus fous. x

Paul Pieuchot

Mamoun Alami Idrissi

é[email protected]

«Les banques utilisant le Big Data pour comprendre les pertes de clients ont une avance de 12% en terme de parts de marché face aux banques ne l’utilisant pas.»

«63% des institu-tions financières auraient au moins un projet relatif au Big Data en production»

Page 11: Le Délit du 22 mars 2015.

Historiquement les plus grosses dépenses du gou-vernement, les budgets

de l’éducation, et de la santé et des services sociaux représenteront

respectivement 17,2 milliards de dollars et 33,7 milliards de

dollars de dépenses lors de la prochaine année fiscale.

Ainsi, le budget de l’éducation augmentera de 3% cette année. En comparaison, il avait augmenté d’un maigre 0,9% au cours de l’exer-

cice dernier. Il permettra une augmentation de 1,7%

du budget accordé aux uni-versités. Deux fonds seront

également débloqués. Le pre-mier, d’une valeur de 200 millions

de dollars sera principalement uti-lisé pour rénover des écoles, tandis que le second, d’une valeur de 164 millions de dollars, aura pour but de lutter contre le décrochage scolaire.

Si cette augmentation est saluée, elle ne satisfait pas tout le monde. Jacques Létourneau, prési-dent de la Coalition Avenir Québec,

expliquait que le gouvernement ferait mieux d’investir le surplus budgétaire dans l’éducation des jeunes Québécois plutôt que de le placer dans le fonds des généra-tions, destiné à réduire le poids de la dette québécoise.

De son côté, le ministère de la Santé verra son budget augmenté de près de 2,4% en 2016-2017. Mais la nouvelle est loin de faire l’unanimité. En effet, seulement 88 millions de dollars du budget supplémentaire seront destinés aux usagers tandis que 454 millions de dollars iront aux hausses salariales. Selon les mots de Pierre Blain, por-te-parole du Regroupement des co-mités d’usagers, «on a l’impression que les travailleurs se sont mis les mains dans le pot de bonbons». De leurs côtés, les unions pro-gratuité de la Santé, telle que la Coalition solidarité santé, dénoncent le fait que les augmentations promises cette année ne suffiront même pas à «maintenir le niveau de service de l’an dernier, qui ne maintenait pas lui non plus le niveau de l’année précédente!»

11économiele délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Un budget équilibré est de nouveau au menu cette année. En effet, jeudi dernier, M. Leitão, ministre des Finances du gouvernement Couillard, a présenté son nouveau bud-get pour l’année fiscale 2016-2017 et sans surprise, l’équilibre budgétaire était de mise. Mieux, le budget de cette année devrait permettre de dégager un surplus de deux

milliards de dollars. M. Leitão se félicitait ainsi d’avoir «remis la maison en ordre». Des services sociaux et de santé aux entreprises, en passant par l’éducation, de nouvelles infrastructures, et un nouveau bouclier fiscal, ce troisième exercice budgétaire semble toucher à tout. Le Délit décortique pour vous ce budget tout neuf.

Si l’éducation et la santé représentent une partie importante des augmen-

tations budgétaires, ce ne sont pas les seules mesures à avoir été présentées jeudi dernier. M. Leitão a dévoilé jeudi dernier son nouveau bouclier fiscal. Ce der-nier, après implémentation, de-vrait alléger la facture fiscale des petites et moyennes entreprises (PME) de pas moins de 280 mil-lions de dollars au cours des cinq prochaines années. Ce bouclier semble être la réponse du gouver-nement Couillard aux nombreu-ses accusations de l’opposition. En effet, cette dernière accuse le

gouvernement libéral d’avoir tué la croissance économique et la consommation des Québécois au travers de ses nombreuses mesu-res d’austérité.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a favorablement accueilli le nou-veau budget Leitão. Elle a notam-ment souligné l’importance de ce bouclier fiscal en tant que moteur de croissance. Selon elle, ce cré-dit d’impôt va permettre d’inciter les Québécois au travail. Elle sou-ligne aussi que ce nouveau budget répond à leurs attentes dans les secteurs de l’agroalimentaire, du tourisme et de l’accès à l’énergie.

Pour autant, cette dernière initiative pourrait devenir sujette à controverse au cours des pro-chains mois. En effet, elle offrira un rabais sur la facture d’électri-cité aux grandes entreprises ma-nufacturières ou dans le domaine de la transformation de ressour-ces naturelles. Ainsi jusqu’à 40% des coûts d’un projet d’investis-sement pourront être remboursés par le biais de cette initiative.

Si elle est saluée par ses bénéficiaires et va certainement déclencher une nouvelle vague d’investissement dans l’ensem-ble de ces secteurs, cette clause du budget pourrait passer de

travers auprès des détracteurs du gouvernement. Il y a un mois, l’investissement du gouver-nement auprès des séries C de Bombardier avait déjà déclenché une vague protestataire dans la population de la province. Beaucoup se plaignaient du fait que le gouvernement privilégiait les grandes multinationales eau lieu des petites entreprises loca-les.

En matière d’investissement, M. Leitão a bien souligné l’impor-tance de Montréal au Québec puisque la ville récoltera près du tiers du budget infrastructures du gouvernement provincial.

Cela permettra d’alléger celle-ci du poids de ses dernières larges dépenses telles que les nouvelles rames de métro. Le gouverne-ment du Québec devrait ainsi aider la ville de Montréal à finan-cer ses nouvelles rames de métro ainsi qu’à maintenir et rénover ses infrastructures routières.

Le nouveau budget semble, ici encore, mettre l’accent sur un gouvernement plus proactif envers les pôles majeurs de son économie. x

Lors de la présentation de l’exercice budgétaire, le gouvernement Couillard a

annoncé la mise en place du pro-gramme RénoVert. Ce programme, ayant un coût évalué à 175 millions de dollars pour le prochain exer-cice fiscal, vise à encourager les Québécois et les Québécoises à rénover leur maison de façon éco-responsable. Au travers de ce pro-gramme, les citoyens de la Belle Province recevront 20% de leurs dépenses de rénovation sous la forme de crédit d’impôt à la condi-tion que les matériaux utilisés soient certifiés «écoresponsables». Avec un plafond de 10 000 dollars, ce programme est une aubaine à la fois pour les producteurs de matériaux «verts» et pour les avo-cats d’un Québec plus sensible à la cause environnementale.

Le nouveau budget ne s’arrête pas là puisqu’il prévoit aussi une accélération de la décontamina-tion des sites miniers québécois. De nouveau, le gouvernement es-saie ici de faire un investissement à la fois économique et écologi-

que. À ce jour, le Québec compte presque 500 mines abandonnées dont un certain nombre sont à ciel ouvert. Leur réhabilitation de-vrait permettre un retour de la faune et de la flore dans ces milieux complète-ment défrichés. Mais si ce programme répond à des considérations environnementales, il apporte aussi un second souffle à ces régions durement touchées par le ralen-tissement de l’activité minière au Québec.

En accélérant la ca-dence, le gouvernement provincial prévoit d’avoir réhabilité au moins 80% des sites miniers abandonnés au Québec d’ici 2021.

En résumé, ce nouveau budget semble s’inscrire dans l’optique d’un Québec plus vert au cours des prochaines années, même si, pour les plus scepti-ques, ces programmes ne sont pas encore suffisants.

Cette prochaine année fis-cale s’annonce être l’année des records. En effet, ce ne

sont pas seulement les revenus, mais aussi les dépenses de la Belle Province qui passent la barre des 100 milliards de dollars. Denis Coderre a annoncé sa satisfaction envers le nouveau budget provin-cial, mais tout le monde n’est pas du même avis. En effet, cet exercice budgétaire a déclenché moult réac-tions auprès des partis d’opposi-tion, ces derniers le jugeant encore beaucoup trop austère pour le contexte de ralentissement écono-

mique actuel. Cela s’explique par le fait que seulement certains pro-grammes, tels que RénoVert, seront financés par des programmes exis-tants, comme la taxe carbone payée à la pompe à essence. D’autres pro-grammes, comme la rénovation des écoles, seront financés partielle-ment par une réallocation de fonds. Cependant, une augmentation des fonds injectés dans les programmes gouvernementaux signifie soit une hausse des recettes du gouverne-ment, soit une réduction de ses dépenses. Et pour l’exercice fiscal 2016-2017, les deux seront de mise.

Dans un premier temps, cer-tains ministères continueront leur régime minceur lancé lors du précédent budget. Par exemple, la Direction des poursuites crimi-nelles et pénales verra son budget amputé de plus de cinq millions de dollars. Dans un second temps, le gouvernement Couillard a renou-velé son ambition de simplifier et alléger le complexe administratif québécois.

Sur le plan des recettes, le gouvernement continue de capi-taliser sur ses monopoles gou-vernementaux: Loto-Québec et

la Société des alcools du Québec (SAQ). En effet, cette année, la SAQ a rapporté dix millions de dollars de recettes supplémentai-res par rapport à l’an passé, et ce chiffre devrait doubler au cours de l’année qui vient. En tout, ces deux entités ont rapporté 48 millions de dollars de recettes supplémen-taires au cours de l’année passée, et cette croissance ne devrait pas s’arrêter au cours des prochaines années.

De son côté, la dette augmen-tera de 5 milliards pour atteindre les 213 milliards l’année prochai-

ne. Ceci s’explique en partie par l’investissement provincial dans les Séries C de Bombardier.

Le service de la dette pro-vinciale devrait alors coûter pas moins de 10 milliards de dollars aux habitants de la province. Mais tout n’est pas noir de ce côté puisque grâce au fonds des géné-rations, le ratio dette-PIB québé-cois devrait se maintenir autour des 55%. M. Leitão a ici aussi réitéré son intention de réduire ce ratio autour des 50% d’ici à la fin du mandat du gouvernement Couillard.

L’éducation, la santé et les services sociaux

Bouclier fiscal et nouvelles infrastructures

Aide à la consommation verte et réhabilitation de mines

Des chiffres sur des mots

Sami MeffreLe Délit

Page 12: Le Délit du 22 mars 2015.

12 Culture le délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

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Le théâtre n’est qu’attenteL’éternité de Godot se fait sentir au Théâtre du Nouveau Monde.

théâtre

Actuellement joué au Théâtre du Nouveau Monde, En attendant Godot de Samuel

Beckett est adapté par François Girard et met en scène Benoît Brière dans le rôle d’Estragon et Alexis Martin dans celui de Vladimir. Les seconds rôles de Pozzo et Lucky sont joués par Pierre Lebeau et Emmanuel Schwartz, tous deux stupéfiants dans leurs rôles respec-tifs. En Attendant Godot, écrit en 1949 après les traumatismes de la Seconde Guerre mondiale, est l’une des pièces les plus interprétées et adaptées de Samuel Beckett, célèbre pour son caractère absurde — même si Samuel Beckett se distancie lui-même du mouvement du théâtre de l’absurde. La pièce traite prin-cipalement de la perte de sens de l’existence, présentant notamment une humanité détruite en quête de raison d’être.

La pièce met en scène deux vagabonds inséparables, Estragon et Vladimir, qui atten-dent, durant les deux heures trentre de spectacle, Godot,

un personnage mystérieux, connu de tous et en même temps de personne, dont l’exis-tence même reste incertaine. Personnification d’un espoir de salvation inatteignable, Godot apparaît comme l’objet central de la pièce, supposé donner un sens à la vie absurde et vide que mènent les personnages, sans pour autant jamais apparaître. Les acteurs donnent vie aux per-sonnages de Beckett de façon im-pressionnante. Leur performance

est très juste et fidèle au texte, rajoutant sur quelques aspects un caractère comique plus poussé. Le jeu de Pierre Lebeau dans le personnage du tyran narcissique de Pozzo est particulièrement bluffant et apporte une dimen-sion plus grotesque à la pièce.

La mise en scène permet très justement la mise en avant du caractère absurde et répétitif de la pièce. Le décor prend l’apparence d’un sablier géant sur lequel les personnages jouent, le sable cou-lant au début et à la fin des deux actes, avec un renversement du sablier au moment du deuxième acte. François Girard réussit à nous faire ressentir le désespoir grandissant face à l’attente infi-nie à laquelle sont confrontés les personnages. Il réussit également à accentuer l’incapacité des per-sonnages à avancer, à prendre des initiatives autres que celle de l’attente de Godot et à finalement donner un sens à leur vie. Ceci est certainement rendu possible par la longueur de la pièce elle-même; en tant que spectateurs, on se sur-prend à vouloir qu’elle se termine, parce qu’on finit nous-mêmes par se sentir enfermés dans cet uni-vers étouffant. Après un entracte

qui permet d’en sortir, le deuxième acte nous replonge immédiate-ment dans une deuxième journée, qui s’avère être identique à la pre-mière, cette dernière paraissant finalement n’avoir jamais eu lieu — et les personnages eux-mêmes en sont persuadés. Les jours dénués de sens se répètent infiniment et seule la mort semble pouvoir sau-ver les personnages de cet infernal tourment qu’est l’existence, tou-jours dans l’attente de Godot.

Malgré la longueur de la pièce, cette dernière présente une très bonne interprétation de l’œu-vre de Beckett, avec un jeu par-ticulièrement juste et réussi des acteurs. En plus de la dimension historique tragique de la pièce dans le contexte de l’après-guerre et des camps de concentration qui appelle à une remise en question de l’humanité face aux horreurs commises, En Attendant Godot a toujours une résonnance actuelle: le spectacle permet une réflexion sur nos aspirations et attentes, car finalement, il semblerait que nous attendions tous un Godot qui ne viendra probablement jamais. x

yves renaudmorgane jacquetLe Délit

Une «école» de tangoL’ensemble Romula Larrea vulgarise sa cadence au théâtre Outremont.

danse

Avec leur nouvelle produc-tion, Tango : la passion d’une vie, le but avoué

du maestro Larrea — qui n’a pas hésité à abandonner son bando-néon pour se prononcer — est de continuer à faire connaître à travers le monde cette part incon-tournable de l’héritage artistique argentin, qui est tout à la fois une musique, une danse, une poésie et une manière de vivre. Sa réparti-tion tripartite entre les arrange-ments pour orchestre, les pièces chantées et les numéros de danse, témoigne de la volonté de mettre à profit la beauté de chacune de ces disciplines. Quelques-unes (on pense ici à la musique plus parti-culièrement) tendent pourtant à passer en arrière-plan lorsque l’on offre aux spectateurs la possibilité de voir regroupés sur scène des danseurs, des musiciens, ainsi qu’une chanteuse de talent.

Mais ici, qu’on se le tienne pour dit: aucun risque d’oublier l’orchestre, dont la taille et la

répartition sont telles que les musiciens occupent pratiquement toute la scène. Ce choix marque une différence importante entre ce nouveau spectacle et Un siècle de tango qui leur a valu de jouer plusieurs soirs à guichets fermés à Broadway et dont la tournée dura trois ans. Comme l’indiquait son titre, ce spectacle avait été conçu dans une perspective historique, qui permettait de comprendre l’évolution du tango par le biais du répertoire musical bien sûr, mais aussi du décor, des costu-mes, voire même de l’attitude des danseurs, dont le comportement demeure aujourd’hui encore soumis à des codes très précis dans le cadre des soirées appelées milonga.

Écho instructif

Une telle approche leur avait permis de faire comprendre à quel point l’histoire du tango était, bien entendu, imbriquée dans celle du 20e siècle, en particulier en ce qui concerne la libéralisa-tion des mœurs. Il était amusant

de constater, à cet égard, que les hommes débutants du début du siècle devaient pratiquer avec des balais, faute de pouvoir trouver une partenaire désirant appren-dre une danse indécente (à ses débuts confinée aux quartiers les plus mal famés de Buenos Aires). L’évolution du tango parut aller de pair avec un certain embourgeoi-sement de la discipline, dont la traditionnelle rose entre les lèvres dominait déjà les salles de bal des soirées chic dans les années 1980.

Il semblerait que cette absence de mise en récit se fasse durement ressentir dans La pas-sion d’une vie. Il y avait certes des éléments qu’un public non-averti était susceptible d’apprécier au même titre que des mordus du tango. Comme c’était le cas de manière générale pour la voix mémorable de Verónica Larc, dont l’interprétation du Soledad de Gardel et de Viejo Tortoni de Blázquez étaient réellement re-marquables, ou encore pour quel-ques chorégraphies particulière-ment réussies d’Ana Padrón et de Carlos Cañedo. On peut toutefois

se demander jusqu’à quel point un regroupement thématique des best of du tango est susceptible de familiariser le grand public avec la culture argentine, voire de lui transmettre la «passion» du tango. Le choix de juxtaposer les pièces d’une telle manière (orchestre/chant/danse) créé

certes de la variété mais génère un «effet catalogue» qui présente l’inconvénient de ne faire ressor-tir du tango, en fin de compte, que les éléments les plus stéréotypés. Cela demeure toutefois un specta-cle agréable, à découvrir pour les curieux, mais encore plus si l’on est déjà amateur. x

courtoisie théâtre outremont

miruna craciunescuLe Délit

«Le décor prend l’apparence d’un sablier géant sur lequel

les personnages jouent»

Page 13: Le Délit du 22 mars 2015.

13Culturele délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

My funny Chet BakerUne nouvelle légende du jazz passe à travers les fils d’Hollywood au Cinéma du Parc.

musique

Quand on évoque le jazz, on pense évidemment à Miles Davis, Duke Ellington, ou John Coltrane. On

aurait tort, il semblerait, d’y omettre Chet Baker. Trompettiste, bugliste, et chanteur sans précédent, il fut un musicien hors-norme, au profil plus qu’atypique. Quoi de mieux, donc, que de se rendre au Cinéma du Parc de Montréal un jeudi après-midi pluvieux et morne, pour y voir Born To Be Blue, long-métrage consacré à l’artiste?

Trompettes et prisons

Birdland Club, New York, 1954. Chet Baker et sa trompette bavardent avec l’atmosphère. Dans la fumée de cigarette et l’obscurité, on écoute, on contemple. On ressent la peine, puis la mélancolie, enfin l’amour: les passions s’entrechoquent. Il fait gris ce soir, à New York.

Accro à l’héroïne durant presque toute sa carrière, il fut arrêté plusieurs fois en possession de drogue, et c’est d’ailleurs dans la prison de Lucques, en Italie, que débute le film. Baker y est merveilleuse-ment interprété par l’acteur américain

Ethan Hawke: précis et authentique, il a lui même repris plusieurs refrains du chanteur, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est admirable.

Après plusieurs années passées en Europe, dont deux en détention, Chet re-vient aux États-Unis. Bien que sa noto-riété ne soit plus la même que lors de son apogée dans les années 1950, il est décidé à reprendre le travail. Seulement, un événement va bouleverser son existence: en 1966, à San Francisco, il est lâchement agressé par un groupe de dealers qui lui fracassent la mâchoire. Celle-ci constitue le socle de son art, d’abord parce qu’elle lui permet de chanter, mais aussi car il l’utilise pour jouer de son instrument. Méprisé par son père, délaissé par les mai-sons de disque, Baker va consacrer de longs mois de sa vie à se

rétablir et tenter de retrouver son niveau initial. Pour cela, son addiction à l’héroïne doit cesser, et c’est grâce à la rencontre

d’une nouvelle femme, d’un nouvel amour, Jane, sub-

tilement interprétée par l’actrice Carmen Ejogo, que Baker va préparer son grand retour.

Inévitable rechute

Semaine après semaine, Chet va rega-gner confiance – mais l’avait-t-il vraiment perdue? Même lorsque Miles Davis, pleine-ment incarné par Kedar Brown, l’observe d’un œil menaçant au Birdland en 1954, il reste imperturbable et réalise une presta-tion stupéfiante. Dans le début des années 1970, il est de nouveau prêt à monter sur scène; mais les vieilles habitudes perdu-rent. De retour à New York pour un nou-veau concert, Chet va retomber dans ses travers liés à l’héroïne. Il perd donc Jane, pourtant enceinte, mais enchaîne les per-formances et retrouve l’Europe pour une nouvelle tournée.

Selon le Guardian, «Born To Be Blue est un curieux mélange de réalité et de fiction, de cliché et d’originalité, de style et d’émotion.» À l’heure où la parole est à Leonardo Dicaprio et Les Revenants, il est un film à ne pas manquer, certainement – à bon entendeur, salut. x

Charlie

françois legrasLe Délit

Merveilles musicalesLe nouveau film musical de Carlos Saura époustoufle au Centre Phi.

cinéma

Dans le cadre du Festival Venice Days (volet indé-pendant de la Mostra de

Venise), le Centre Phi présente une série de dix films coups de cœur, à la frontière entre cinéma d’avant-garde et cinéma grand public.

Après Flamenco et Tango, le cinéaste espagnol Carlos Saura nous propose un nouveau film musical. Il se concentre cette fois-ci sur ce qui est communé-ment appelé le «folklore», c’est à dire l’ensemble des pratiques culturelles des sociétés tradi-tionnelles, d’Argentine. Son film met donc en scène danseurs, chanteurs et musiciens argentins professionnels jouant des chants et sons traditionnels, surtout indigènes.

Zonda n’est que musique. Pendant une heure et demie, des artistes argentins nous présen-tent différents morceaux d’origi-

nes diverses, allant d’homma-ges rendus à des musiciens argen-tins connus, comme Mercedes Sosa ou Atahualpa Yupanqui, à des chants traditionnels s’appa-rentant très peu à ce que nous aurions pu connaître jusqu’alors. Chanteurs, danseurs et musiciens nous livrent une performance artistique parfaite par la beauté et l’émotion qu’ils transmettent. Bien que le sens des chansons reste majoritairement opaque

pour un non-hispano-

phone, l’intensité émotionnelle, la puissance et la douceur des chants et danses nous touchent et nous font découvrir la culture indigène argentine.

Montrer un pays, une culture, une histoire, un peuple, voilà, selon Carlos Saura, le but de Zonda. Le réalisateur offre un voyage dans un monde à la fois passé et futur qui met en scène des pratiques artistiques

ayant l’âge des peuples argentins originels, mais qui ne cessent d’influencer les pratiques argen-tines présentes et influenceront les pratiques futures. Ce mélange de traditionnel et de moderne est présent dans le film grâce, notam-ment, à la mise en scène mais aussi aux artistes. Bien qu’ils interprètent des danses et chants vieux de plusieurs centaines d’années, ils portent sur eux la marque de la modernité: on aper-çoit, par exemple, des cheveux teints en rose, des piercings et des tatouages.

Bien que les chants et danses soient pour beaucoup dans la réussite du film, la mise en scène de Carlos Saura est particulière-ment réussie. Tous les morceaux sont présentés sur une même scène donnant un côté théâtral

au film, ceci a pour effet de nous transporter de notre salle de ciné-ma jusqu’à Buenos Aires (il fallait contenir, à la fin de chaque mor-ceau, une forte envie d’applaudir). De plus, des jeux d’ombres et de lumière, ou la projection d’ima-ges sur une toile tirée derrière la scène, subliment les chants et danses en leur apportant une cer-taine magie et mysticité. Il en est de même de l’alliage justement dosé entre danse et chant. Carlos Saura met ainsi parfaitement en valeur le folklore argentin.

Pour tous ceux qui n’ont pas pu partir en échange en Argentine, ou ont simplement besoin de changer d’horizon même si l’hiver n’est pas trop dur cette année, -10 et la neige ça va un moment: il faut aller voir Zonda: folclore argentino. x

luce engérant

anna doryLe Délit

Born to be Blueau cinéma du Parc

«Le réalisateur offre un voyage dans un monde à la fois passé et futur»

Page 14: Le Délit du 22 mars 2015.

14 Culture le délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Poésie pour Al-MutanabbiLa professeure Rula Jurdi prête ses mots à une esquisse brûlante du patrimoine irakien.

littérature

Au creux de la rue Milton, par un humide mercredi 16 mars, le libraire Brendan

King-Edwards a accueilli une réci-tation de poèmes en hommage à la rue Al-Mutanabbi, à Bagdad. Entre les étagères de la boutique The Word, étudiants, auteurs et professeurs ont redonné vie à la plume de grands poètes, en mémoire de l’attentat qui a frappé les libraires et artistes d’Al-Mutanabbi le 5 mars 2007. Écrivaine, poétesse et professeure d’Histoire islamique à McGill, Rula Jurdi prend cette soirée-lecture comme point de départ vers de plus amples réflexions.

Le Délit: Comment est née l’idée d’une soirée poésie, sachant que les attentats ont eu lieu il y a près de dix ans?

Rula Jurdi: C’est mon collè-gue Prashant Keshavmurthy que nous devons remercier pour cette initiative, il a fait le lien avec le libraire Beau Beausoleil, éditeur de l’anthologie Al-Mutanabbi Street

Starts Here parue en 2007. L’idée était de faire circuler ce recueil et de commémorer le bombardement de la rue des libraires de Bagdad, cette même année.

Prendre part à cet événement était une façon de réfléchir aux nom-breuses tragédies qui ont touché les Irakiens, mais aussi, plus pré-cisément, à la perte des lecteurs et livres qui en ont été victimes. Notre sentiment d’existence est attaché à des endroits précis, Al-Mutanabbi a façonné ce sentiment chez un grand nombre de Bagdadis, selon différents chemins de vie. Dans ses cafés, — notamment le Shabandar Café, détruit lors de l’explosion — les livres prenaient un autre vie, deve-naient l’objet de discussions, débats publics ou simplement sources de distraction.

Les événements de 2007 sont toujours pertinents lorsque l’on pen-se au désastre que connait le patri-moine irakien: d’abord pillé en 2003 à la suite de l’invasion des États-Unis avant d’être ensuite détruit, sans mentionner les exécutions

de centaines de poètes, écrivains, libraires, artistes et conservateurs de musées entre les mains de l’État Islamique et autres militants sala-fistes. Les agitations politiques et déplacements qui ont touché l’Irak et la Syrie durant cette décennie sont d’une magnitude comparable à une éruption volcanique.

En tant que poète et femme arabe ayant vécu la Guerre Civile du Liban (1975-1990) ainsi que l’inva-sion du Liban par l’État israélien, je vois ce genre d’événement un peu comme une thérapie. Même si je ne suis pas convaincue de leur impact politique.

LD: Dans quelle mesure est-ce que vous considérez la poésie (en comparaison avec d’autres modes d’expression), comme un moyen de toucher, d’exprimer l’inexprimable?

RJ: La poésie, je veux le croire – bien que je n’en sois pas sûre – affecte les gens de façon inattendue. Elle permet une prise de risque, une compréhension ou sympathie envers celui que les médias d’actua-

lité présentent souvent comme «l’autre». Ce soir-là, j’ai choisi de lire certains passages de Dead Trees par The Narcicyst ainsi que certains de mes poèmes extraits de mon recueil Like Layla or the Five Cities.

Il est vrai que je m’attache à ces moments magiques, lorsque je me trouve en train de lire et qu’une

connexion se crée avec l’auditoire. Une larme, un rire ou une personne qui m’écrit pour m’expliquer son interprétation d’une imagerie. Ces moments me redonnent foi en l’idée que la poésie peut faire l’effet d’une métamorphose intérieure pour l’auditeur attentif.

L.D: Comment décrire l’impor-tance de la rue Al-Mutanabbi pour les habitants de Bagdad?

R.J: Les Irakiens ne prennent

pas le temps de se poser la ques-tion, c’est organique. Pour certains, c’était une ligne sur la carte de leur ville. Pour d’autres, c’est l’oxygène, l’espace de transmission d’idées nouvelles, le sentiment qu’ils sont entourés d’âmes familières. Mais après l’explosion, cette rue a pris un sens nouveau. Commémorer l’im-portance de cette rue, c’est insister sur la place de Bagdad dans l’histoi-re des grandes idées, grands poèmes, grandes musiques. C’est refuser d’être effacée de l’Histoire, en tant que ville du savoir, de la façon dont les humains ont été déplacés et éliminés par l’invasion américaine ainsi que les militants salafistes. x

Opini-art-reLe Vieux Montréal donne une impression éternelle de l’histoire vivant avec le présent.

— Miray Eroglu

Propos recueillis et traduits par

céline fabreLe Délit

«La poésie, je veux le croire, affecte les gens de façon inattendue»

En collaboration avec le département d’enseignement de la langue française de McGill. À l’occasion de la journée inter-nationale de la francophonie, des étudiants apprenant le français nous ont envoyé une photo représentant le visage francophone de Montréal.

Page 15: Le Délit du 22 mars 2015.

15Culturele délit · mardi 22 mars 2016 · delitfrancais.com

Un débat sans âgeL’histoire entre les Québécois et les Autochtones pour l’Upop de Montréal.

conférence

L’Upop est une organisation montréalaise qui offre des cours universitaires gratuits

dans des lieux publics au sein de Montréal. Chaque semaine, l’organi-sation explore différents thèmes. Le Délit vous raconte le premier cours sur «Le Québec et les Autochtones».

Serge Bouchard a présenté, pour cette première session, une nouvelle approche à l’histoire des relations entre Québécois et ceux qu’il appelle encore les «Indiens». Il a commencé par souligner l’évo-lution du terme; les Autochtones eux-mêmes ne comprennent pas vraiment comment autant de noms ont pu leur être attribués. Beaucoup de personnes dans la salle se souve-naient de leurs parents les nommant les «sauvages», sans jugement,

simplement parce que c’était leur nom. On se pose alors la question si ce que l’on considère politiquement correct de nos jours ne sera pas vu comme un système d’exclusion par nos enfants.

Remise en question

Bouchard a déconstruit le my-the des Français coloniaux. Il racon-te l’histoire des nobles appauvris qui sont partis du continent européen, ont bravé les mers pour trouver un nouveau mode de vie. À l’origine, les Français ne venaient pas pour coloniser mais pour s’échapper. On découvre alors au travers des mots de Bouchard un siècle d’histoire de métissage entre les Français-canadiens et les Autochtones, contrastant avec les Anglais. Le discours d’une terre partagée où les deux partis sont gagnants, avec des

hommes français qui redécouvrent les joies de la nature, nous fait rêver. Les rapports entre Québécois et Autochtones sont, en conséquence, très complexes.

Avec facilité et humour, Bouchard nous a permis de passer quatre-vingt-dix minutes à rire, ré-fléchir et repenser l’histoire. En effet si les origines des relations entre Francophones et Autochtones sont plutôt paisibles, nous n’oublions pas les grandes périodes historiques de conflits, où les Autochtones sont repoussés dans leurs réserves pour favoriser l’exploitation de la nature. Finalement, ce rendez-vous est aussi l’occasion de comprendre le point de vue d’autres générations qui ont vécu dans les années 1960, les années charnières et histori-ques de changement. Bouchard nous rappelle le caractère de Pierre Elliott Trudeau qui a initié la créa-

tion du livre blanc, engendrant les rébellions et la mise en lumière des conditions dans les réserves autochtones. On remercie donc la maladresse du ministre en 1969, qui a entraîné le changement de l’his-toire et donné jour à plus d’égalité.

Peut-être Bouchard abordera-t-il la question d’inégalité contemporaine dans les rapports entre Québécois et Autochtones jeudi prochain? x

dior sow

marion hunterLe Délit

Opini-art-reLe vendredi 19 mars, au Centre

Phi de Montréal, était projeté Lolo, comédie réalisée par

Julie Delpy et présentée dans le cadre du Venice Days Film Festival.

C’est à Biarritz, que Violette (incarnée par Julie Delpy), mère célibataire aux portes de la cinquan-taine, rencontre le timide Jean-René (Dany Boon), à qui tout semble l’op-poser. En effet, parfait stéréotype de la femme parisienne: sophistiquée, stressée et quelque peu coincée, elle représente l’antonyme de celui qui est la personnification du «quadra-génaire de campagne». Pourtant, elle se laissera attendrir et succombera à son charme, et ils se rejoindront à Paris, nid de leur amour naissant.

Mais ceci est sans compter sur la présence de Lolo (Vincent Lacoste), son fils de 19 ans, qui est rongé par un complexe d’Œdipe plus qu’intrusif. Entre poil à gratter, sabo-tage informatique et coup de para-pluie, il est prêt à tout pour détruire ce nouveau couple et ainsi conserver son titre «d’unique homme» dans la vie de Violette.

Le film, dont l’inspiration découle à la base d’une plaisanterie, illustre plusieurs tranches d’âges et met en scène des personnages auxquels l’on pourrait s’identifier, fidèles à la réalité. Il joue sur les relations hommes-femmes ou encore sur le caractère instable des adolescents, qui d’après Ariane, la meilleure amie de Violette (Karin Viard), «sont tous autistes à cet âge-là». Il touche également au principal cliché français, à savoir «Paris et le reste», «la province ».

La thématique des enfant-rois est au centre de Lolo. Ces enfants qui sont aujourd’hui devenus étudiants ou jeunes adultes se sentent débous-solés loin des bras de Maman, à cau-se du manque d’autorité reçue dans leur éducation. D’après Dany Boon, l’idée principale serait de dénoncer ce phénomène, qui incite à éduquer un enfant sans lui donner la notion des limites.

Bien qu’il ne s’agisse pas du plus grand succès de Julie Delpy, cette comédie remporte tout de même deux récompenses, et offre un grand moment de détente: fous rires garantis! x

Louisiane Raisonnier

Quitter le nidLolo, la nouvelle comédie de Julie Delpy ironise au centre Phi.

Informations supplémentaires sur l’événement facebook

Prochain cours, Jeudi 19h, Librairie Zone Libre

magdalena morales

cinéma

Page 16: Le Délit du 22 mars 2015.

16 entrevue le délit · mardi 22 mars 2016· delitfrancais.com

Entrevue«Je me définis absolument comme féministe»Le Délit a rencontré Dominique Anglade, ministre de l’Économie, de la Science, de l’Innovation et

du Numérique du Québec.

Fille de parents féministes, sans aucun complexe, la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation du

Québec n’hésite pas à se définir comme tel. Pour cette femme au parcours chargé et excep-tionnel, l’avenir du Québec passe d’abord par l’innovation et l’entrepreneuriat. Politique d’investissements, burger préféré, parcours professionnel, implication dans la presse étu-diante francophone, projets audacieux pour son ministère, musique pop, diversité au gou-vernement… Madame la ministre Dominique Anglade a su prendre le temps d’en discuter avec Le Délit, à quelques jours de l’annonce du budget par le gouvernement Couillard.

Cette entrevue a été réalisée le lundi 14 mars, soit trois jours avant l’annonce du budget par le gouvernement québécois.

Le Délit (LD): Parlez-nous un peu de votre parcours…

Mme la ministre Dominique Anglade (DA): Je suis née à Montréal et j’y ai grandi jusqu'à l’âge de quatorze ans. Ensuite j’ai pas-sé trois ans en Haïti — je suis d’origine haï-tienne. J’ai fait le cégep Marie de France puis je suis allée à Polytechnique. J’ai toujours été impliquée à la fois dans le milieu social, com-munautaire, para-professionnel en même temps que j’étais étudiante et en même temps que je travaillais durant ces années-là. J’ai fait des études en Ontario, travaillé aux États-Unis, travaillé pour McKinsey pendant sept ans. J’ai aussi vécu à Vancouver durant quelques années. J’ai enfin été présidente de la CAQ (Coalition Avenir Québec) et j’ai également fait partie du Parti Libéral fédéral. Après ça j’ai été à Montréal International (comme PDG) et puis maintenant je fais de la politique active! Et puis je suis aussi maman de trois enfants (rires)!

LD: Vous êtes diplômée en génie industriel

de Polytechnique Montréal, comment expli-quez-vous ce «transfert» que vous avez effectué du génie industriel à la politique?

DA: Le génie industriel ressemble beau-coup à la politique en fait, car c’est des «real people, real products». Je travaillais en génie industriel, certes, mais je gérais (dans diffé-rentes applications) des personnes dès que j’ai entamé ma carrière. Ce que je veux dire par là c’est que tu travailles dans des usines avec des gens et tu es obligée de trouver des solutions aux problèmes techniques avec tes équipes. C’est un peu ça la politique aussi! C’est très orienté vers les individus, c’est très concret.

LD: Vous avez mentionné avoir été très

impliquée dans la vie étudiante, dans quelles organisations ou causes étiez-vous investie?

DA: J’étais présidente de l’Association des étudiants à Polytechnique. J’étais aussi impliquée au Polyscope qui est l’équivalent du Délit à Polytechnique. J’ai fait des compéti-tions québécoises et canadiennes d’ingénierie

dans différentes catégories; j’ai participé au Conseil Jeunesse de Montréal (CJM, ndlr); j’ai fait le Parlement de la Jeunesse du Québec (PJQ, ndlr)… Il n’y avait pas grand-chose que je n’ai pas fait! (rires) J’étais vraiment très impli-quée et très active en tant qu’étzudiante.

LD: Vous avez déjà co-présidé une confé-rence du parti libéral du Canada. Pourquoi avoir choisi la politique provinciale plutôt que fédérale?

DA: Ce sont simplement des contextes. Je n’ai jamais dit que j’étais plus intéressée par l’un ou par l’autre (gouvernement fédéral ou provincial, ndlr). C’est justement ça la politi-que: ce sont des circonstances et des opportu-nités qui se présentent, auxquelles tu réfléchis ou pas. Pour mon cas, c’est le comté de Saint-Henri-Sainte-Anne qui compte énormément, car il représente vraiment ce qu’est Montréal: c’est un microcosme de la région de Montréal qui en représente tous les enjeux et toutes les forces. C’est un microcosme que je connaissais et dans lequel j’avais déjà évolué. Donc tout cela favorisait le fait que je m’implique au niveau provincial. Et puis, par la suite avec des discussions avec le premier ministre (Philippe Couillard, ndlr) j’en ai conclu que ce serait une bonne opportunité [d’entrer au gouvernement québécois].

LD: Votre défunte mère, Mireille Neptune, était une féministe engagée qui avait notam-ment travaillé pour l’Organisation des Nations Unies pour surveiller le statut de la femme en Haïti. Vous définissez-vous comme étant fémi-niste?

DA: Absolument! Je me définis absolu-ment comme féministe. Premièrement j’ai été

élevée par une mère et un père féministes très impliqués et très engagés. Le féministe c’est avant tout des valeurs d’égalité entre les hom-mes et les femmes; et même si c’est vrai qu’il y a eu du chemin qui a été parcouru notamment au Canada, et notamment au Québec, il reste encore du chemin à faire. Mais surtout on se doit d’être un modèle pour le reste des sociétés qui souffrent. On le voit surtout en période de crise et en période de guerre. Je le voyais encore cette fin de semaine: au Soudan du Sud il y a des crimes de guerres qui visent particu-lièrement les femmes et des viols qui sont per-pétrés… C’est d’une tristesse, d’une aberration, d’une violence qu’il faut sans cesse condamner. Et nous avons un rôle à jouer comme modèle en tant que société. C’est fondamental.

LD: En tant que ministre de l’économie, pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos de votre vision économique? Que souhaitez-vous réaliser pour le Québec?

DA: D’abord je décrirais cette vision-là sous le terme de l’«audace». Au Québec, il faut qu’on se réapproprie ce mot: il faut oser! Il y des éléments importants comme les ex-portations. On est une société exportatrice; il faut absolument qu’on renforce nos capa-cités à exporter et celle des investissements directs à l’étranger. L’entrepreneuriat social mais l’entreprenariat de manière plus large en général, la relève entrepreneuriale… Cela va être très important. Et puis il y a des sec-teurs d’avenir sur lesquels il va falloir viser: on parle beaucoup de l’aéronautique ces temps-ci, mais il y a les sciences de la vie, il y a le big data et plus encore. Ce sont différents secteurs sur lesquels il va falloir que l’on table. Ces éléments-là vont être des piliers

pour la croissance. En somme, la stratégie du numérique va être extrêmement importante pour l’avenir économique du Québec.

LD: Justement dans le domaine de l’inves-tissement dans le capital risque (start ups), est-ce que vous pensez que le Québec pourrait faire mieux?

DA: C’est sûr qu’on peut faire mieux. S’assurer que nos entreprises aient tout le capital dont elles ont besoin dans toutes les étapes de croissance: c’est important. Et puis il y a une réflexion à avoir pour trouver quels sont les bons leviers pour le faire. Comment peut-on utiliser l’ensemble des outils qui sont à notre portée? Nous avons Investissement Québec c’est certain, et il y a évidemment la Caisse de dépôt et placement du Québec qui joue son rôle, mais il y a aussi le fond de la FTQ (Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ndlr) et beaucoup d’autres joueurs. Il faut donc coordonner nos efforts avec ceux de ces différents joueurs. Au Québec on est «pe-tits», on représente 0,1% de la population mon-diale. Donc il faut au moins qu’on se serre les coudes pour essayer de trouver des solutions qui font en sorte que chaque geste que l’on pose en tant que gouvernement viennes renforcer ce que font les autres acteurs. Tout doit être lié et concerté jusqu’à un certain point. On a certes des mandats différents mais il reste qu’il faut une cohérence. Et cette cohérence là il faut la mettre en place et la structurer pour atteindre nos objectifs.

LD: Vous êtes la première ministre d’origi-ne haïtienne à siéger au cabinet. Est-ce que vous pensez qu’un jour, Québec pourra voir sa ou son premier/ère ministre issu(e) de l’immigration?

DA: Je souhaite que cela arrive un jour (rires)! Je crois à la diversité de tous les genres, toutes les formes, toutes les forces. La diversité homme-femme mais aussi la diversité au sens plus large. Et quand on voit ce que le maire de Calgary (Naheed Nenshi, ndlr), qui est un mai-re musulman, parvint à accomplir, cela donne de l’espoir! Qui aurait cru cela il y a vingt ans? Il y a des opportunités qui se présentent et de nouvelles générations qui peuvent y aspirer!

LD : Dernier question… Classique du Délit! C’est un lundi soir, vous êtes en train de tra-vailler sur un projet de loi, le moral de vos trou-pes est vraiment à plat, quelle musique met-triez-vous pour remonter le niveau d’énergie?

DA : (rires) Alors… Waka Waka! [Mme la ministre Dominique Anglade et les deux jour-nalistes du Délit finissent par chanter l’hymne de Shakira en chœur.] x

Propos recueillis parjulia denis & Ikram mecheri

Le Délit

«L’audace. Au Québec, il faut

qu’on se réapproprie ce mot: il faut oser!»

gracieuseté du cabinetde mme la ministre

«On parle beaucoup de l’aéronautique ces temps-ci, mais il y a

les sciences de la vie, il y a le big data et plus

encore»