Le Concept de Démocratisation de l'Institution Scolaire

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  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

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    P. Merle

    Le concept de dmocratisation de l'institution scolaire : une

    typologie et sa mise l'preuveIn: Population, 55e anne, n1, 2000 pp. 15-50.

    Citer ce document / Cite this document :

    Merle P. Le concept de dmocratisation de l'institution scolaire : une typologie et sa mise l'preuve. In: Population, 55e anne,

    n1, 2000 pp. 15-50.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_2000_num_55_1_7096

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_pop_780http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_2000_num_55_1_7096http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_2000_num_55_1_7096http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_pop_780
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    Rsum

    Merle Pierre.- Le concept de dmocratisation de l'institution scolaire : une typologie et sa mise

    l'preuve Le concept de dmocratisation de l'institution scolaire a fait l'objet d'une rflexion incomplte

    eu gard aux enjeux sociaux, et notamment politique, dont le terme est investi, tout particulirement en

    France. Les termes actuellement utiliss pour dfinir les modalits de la dmocratisation sont en effet

    partiels. L'objet de cet article est de montrer que la dmocratisation d'une institution scolaire peut tre

    apprhende travers trois modalits dsignes par les termes : dmocratisation galisatrice, uniforme

    et sgrgative. L'tude de la situation de l'enseignement du premier cycle au niveau national et du

    second cycle dans l'acadmie de Rennes constitue une application de la typologie prcdemment

    dfinie. Selon les variables et cycles retenus, l'auteur conclut une dmocratisation uniforme ou

    sgrgative de l'institution scolaire sur la priode tudie.

    Abstract

    Merle Pierre.- The concept of democratization of the school system: elaboration and application of a

    typology The concept of democratization of the school system has not received thorough intellectual

    scrutiny considering the social and especially political importance that is attached to the notion,

    particularly in France. The terms currently used to define the modalities of democratization are in effect

    partial. This article sets out to show that democratization of the school system can be analyzed by

    applying three modalities, qualified as equalizing, uniform and segregative. The typology thus

    defined is then applied in a study of the teaching of the first educational cycle at the national level and of

    the second educational cycle in the Academy (education region) of Rennes. Depending on the variables

    and cycles selected, the author concludes for a uniform or segregative democratization of the school

    system during the period under review.

    Resumen

    Merle Pierre.- El concepto de democratizacin en la institucin escolar: una tipologa y su puesta en

    prctica El concepto de democratizacin de la institucin escolar y de sus implicaciones sociales y

    polticas han sido objeto de una reflexion incompleta, particularmente en Francia. Los trminos que seutilizan actualmente para dfinir las modalidades de democratizacin son parciales. El objetivo de este

    articulo es mostrar que la democratizacin de una institucin escolar puede entenderse segn trs

    modalidades, designadas con los trminos democratizacin igualadora, uniforme y segregativa. El

    anlisis de la situacin de la enseanza de primer ciclo a nivel nacionl y de segundo ciclo en la

    academia de Rennes constituye una aplicacin de la tipologa citada. El autor concluye que, durante el

    periodo de anlisis, ha habido segregacin uniforme segregativa, dependiendo de las variables

    consideradas y los ciclos estudiados.

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    Le

    concept

    de dmocratisation

    de

    l institution

    scolaire

    :

    Une typologie et sa mise l preuve

    Pierre Merle*

    L'institution scolaire fait l'objet de recherches rcurrentes qui abordent,

    de faon plus ou

    moins

    centrale et avec des modalits diverses, la question

    de

    la

    dmocratisation de l'enseignement' [\ Paralllement

    ces recherches em

    piriques

    se sont

    dveloppes

    des analyses centres

    sur

    les indicateurs de me

    sure des ingalits dans le champ scolaire(2). Ces deux objets de recherche,

    en partie interdpendants,

    n'ont

    que partiellement

    cherch caractriser

    les

    transformations

    de

    l'enseignement

    franais

    au

    cours du

    temps, avec le

    projet

    d'en tirer

    des

    claircissements

    sur

    les modalits de la

    dmocratisation. Celles-ci

    demeurent,

    en quelque sorte,

    sous-conceptualises

    eu gard aux enjeux so

    ciaux

    et notamment

    politique,

    dont le

    terme

    est

    investi, tout particulirement

    en

    France

    (Cuin, 1993)(3).

    A. Prost

    (1986) est

    l'un

    des

    premiers

    auteurs

    avoir

    propos une

    typologie

    des formes de dmocratisation en distinguant les

    dmocratisations

    quantitative et

    qualitative

    . Le premier sens renvoie l'acception

    usuelle

    du terme.

    Il

    en

    va

    de la dmocratisation de l enseignement comme

    de l'accs aux autres

    biens

    tels

    que

    l'automobile, les vacances, l'ordinateur

    ou le

    tlphone

    portable : un bien se

    dmocratise,

    qu'il

    soit ducatif

    ou

    non,

    si

    le taux d'accs ce bien s'accrot. Cette

    premire

    dfinition de la

    dmocratisation

    assimile

    donc

    celle-ci l'acquisition

    plus

    frquente

    de d

    iplmes (CAP, , bac, Deug, BTS, licence, etc.),

    directement

    lie l aug

    mentat ion

    des

    taux

    de scolarisation

    par

    ge.

    De

    ce

    point

    de

    vue,

    la

    dmocratisation

    est incontestable. titre d'exemples, indiquons que le

    taux

    de scolarisation

    * IUFM

    de

    Bretagne

    et

    Universit Rennes II, Lessor.

    (l)

    Notamment :

    Bourdieu

    et Passeron (1964), Baudelot et Establet (1971), Boudon

    (1973), uvrard (1979),

    Cherkaoui

    (1982), Prost (1986), Briand et Chapoulie (1992),

    Duru

    et Mingat

    (1992),

    Merle et

    Mear (1992),

    Langouet

    (1994), Euriat

    et

    Thlot (1995),

    Merle

    (1996), Goux

    et Maurin (1995,

    1997), Duru-Bellat

    et Merle

    (1997),

    Duru-Bellat

    et Kieffer (1999),

    Duru-Bellat

    et Merle

    (

    paratre).

    (2>

    Notamment

    : Combessie (1984), Barbut (1984),

    Prvost

    (1984),

    Merlli

    (1985),

    Vallet

    (1988).

    (3)

    II faut noter qu'en France, le terme dmocratisation est associ celui d'institution

    scolaire depuis,

    semble-t-il,

    la fin

    de

    la premire guerre mondiale (F. Pcaut, 1919, cit par

    Briand

    et

    Chapoulie, 1992, p. 408).

    Population, 55 (1), 2000, 15-50

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    16

    P. MERLE

    18 ans

    est

    pass de

    66,6

    83,4 entre

    1988-1989

    et

    1996-1997,

    et

    que

    le

    taux de scolarisation 20 ans est pass de

    31,2

    56,4

    sur

    la

    mme

    priode (MEN, 1990, p. 19; MEN, 1998, p. 23); paralllement, la

    propor

    tion

    e bacheliers et de diplms

    du

    suprieur a

    sensiblement augment.

    Le

    second

    sens

    du terme

    -

    la

    dmocratisation

    qualitative

    -

    est

    centr

    sur

    la

    diminution des

    ingalits

    sociales

    de parcours

    scolaires telle

    qu'elle peut

    tre

    mesure,

    par exemple,

    travers

    le

    rapprochement

    des trajectoires

    sco

    laires moyennes des enfants de cadres

    et d'ouvriers(4)(5).

    Ces

    deux

    usages

    du

    terme

    dmocratisation permettent

    d'viter une

    confusion ordinaire

    entre

    l'avnement de la scolarisation de masse propre

    la seconde moiti

    du

    XXe sicle et l'galisation des conditions d'accs

    aux tudes

    quelle que

    soit

    l'origine

    sociale. Toutefois, la

    distinction

    opre

    par Prost devient problmatique lorsqu'il prcise que la

    dmocratisation

    quantitative, i.e. l'lvation des taux de scolarisation par ge, ne supprime

    pas les

    ingalits

    sociales;

    elle

    les

    dplace

    seulement

    (1986,

    p.

    12).

    Si

    le

    propos convient

    la

    rgion

    orlanaise, et plus largement sans doute

    la

    priode analyse

    par A. Prost, cet nonc ne peut tre

    gnralis.

    Dans

    la perspective d'une

    dfinition conceptuelle,

    qui se doit de dpasser la connais

    sance

    istorique

    d'une

    situation donne,

    rduire

    les

    modalits

    de la

    dmocratis

    ationdes aspects quantitatif ou

    qualitatif

    ne recueille pas

    l'adhsion

    :

    l'accroissement

    des taux de

    scolarisation par

    ge -le quantitatif- ne s'oppose

    pas

    forcment au qualitatif,

    c'est--dire la diminution des ingalits sociales

    des parcours

    scolaires.

    Pour

    cette

    raison, les

    modalits

    de dmocratisation pro

    poses

    par

    A. Prost ne permettent pas de nommer de faon

    satisfaisante

    des

    situations scolaires dans lesquelles l'accroissement des taux de scolarisation

    peut

    se

    combiner,

    de

    faon

    variable,

    avec

    la

    diminution ou l'augmentation

    des carts

    d'accs

    selon

    les

    groupes sociaux. Mme s'il est possible, en

    s'inspirant

    d'A. Prost, de

    distinguer

    une

    dmocratisation quantitative

    et qua

    litative d'une dmocratisation quantitative non qualitative, ces combinaisons

    ne

    permettent

    pas toujours de

    dsigner

    de

    faon suffisamment prcise

    les

    mod

    alits

    de

    la dmocratisation

    de

    l'institution

    ducative.

    Plus

    rcemment,

    M.

    Duru-Bellat et A. Mingat (1992) ont cherch

    sparer

    les effets du changement du recrutement

    social

    lis

    l'ouverture

    quantitative

    de l'institution

    scolaire de

    ceux qui

    pourraient rsulter

    d'une

    mod

    ification dans ses modes de

    fonctionnement.

    Entreprise

    pour

    la France

    sur

    les panels 1962 (Girard

    et Bastide, 1970),

    1973

    et

    1980 (panels du

    ministre

    de

    l'ducation

    nationale

    suivant

    des

    lves

    entrs

    en

    6e

    ces

    deux dates), la

    dmarche

    prsente

    l'intrt

    vident de montrer

    que

    les dif

    frenciations

    sociales qui

    ne

    tiennent

    pas

    l'ouverture quantitative

    de

    l in

    stitution scolaire

    sont approximativement constantes sur les

    vingt dernires

    annes.

    La tendance

    serait

    plutt,

    mutatis

    mutandis, une

    accentuation des

    (4> Sur

    les

    modalits diverses de

    mesure

    de ce rapprochement, le

    lecteur peut se rfrer

    aux

    recherches cites dans

    la note 2.

    (5> Quand

    il est

    question des mthodes

    d'investigation sociologique, le

    terme qualitatif

    renvoie

    notamment

    l'enqute par entretien. Dans l'expression dmocratisation

    qualitative

    et dans la suite de l'article, l'adjectif qualitatif

    prend

    un tout autre sens : il a pour objet de

    dsigner

    une

    proprit sociale,

    celle de l'galit

    des

    chances scolaires.

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    CONCEPT DE

    DMOCRATISATION

    DE L'INSTITUTION SCOLAIRE 1 7

    ingalits

    sociales. La

    limite

    de la

    dmarche, comme

    le

    signalent d'ailleurs

    les auteurs, tient l indicateur retenu : l'accs au bac,

    sans

    distinction de

    sries, n'a

    pas

    une pertinence parfaite

    tant

    donn la hirarchisation des

    sries

    gnrales,

    technologiques

    et

    professionnelles.

    Les remarques

    prcdentes

    montrent la ncessit de dfinir la divers

    it ossible des transformations sociodmographiques de l'institution sco

    laire,

    en

    recourant des indicateurs

    de

    diffrenciations qualitatives des

    cursus

    (tels

    que le niveau de

    comptences

    scolaires ou la srie

    de

    bac)

    et,

    partir de ceux-ci, en

    caractrisant

    les

    diverses

    modalits de la

    dmocrat

    isation e l enseignement

    (I).

    Une telle dmarche typologique, relativement

    abstraite,

    ne prend

    totalement

    son sens

    que

    dans

    l'analyse

    concrte

    des

    transformations de l enseignement

    secondaire

    franais (II).

    I.

    -

    Construction

    des

    donnes

    et

    typologie

    des

    formes

    de

    dmocratisation

    L'objectif poursuivi

    est d'laborer une

    typologie

    des formes

    de

    d

    mocratisation

    de

    l enseignement

    en fonction d'indicateurs de diffrencia

    tionsualitatives des trajectoires scolaires. Une telle entreprise passe

    ncessairement

    par

    la rsolution

    pralable

    d'un

    certain

    nombre de ques

    tions

    :

    quelle dfinition

    de la dmocratisation

    recourir, quels groupes so

    ciaux pertinents d'lves

    faut-il

    comparer,

    quelles

    units

    d'enseignement

    retenir, quels

    indicateurs

    statistiques utiliser?

    C'est

    partir de ce

    cadre

    d'analyse

    des

    donnes

    que

    seront

    dfinies

    trois

    modalits

    de

    dmocratisat

    on

    e l enseignement. La dmarche se

    limite la situation

    de l'institution

    scolaire franaise en

    raison

    des difficults de comparabilit des donnes

    et,

    surtout,

    de

    leur

    caractre dj lacunaire

    au

    niveau national.

    Les modalits

    de construction des

    donnes

    Quelle

    dfinition

    de la

    dmocratisation

    de l'cole ?

    Bien

    que dans un certain nombre de recherches anglo-saxonnes, la

    question

    de

    la

    dmocratisation

    soit

    pose

    partir

    de

    critres

    varis

    (sexe,

    origine gographique ou

    nationale), les tudes franaises se sont surtout

    focalises

    sur la seule

    origine

    sociale des lves.

    Une telle

    dfinition ne

    va

    pas de

    soi

    et, dans la

    prsente

    dmarche, l'tude des modalits de la

    dmocratisation

    sera

    galement fonde

    sur

    les trajectoires

    scolaires

    selon

    le sexe.

    L'largissement de l'analyse, limit

    cette seule variable

    suppl

    mentaire, a une

    justification

    simple. Le terme dmocratisation est issu du

    vocabulaire

    des sciences

    politiques :

    dmocratiser a pour

    objet de ren

    dre

    dmocratique.

    Or, si l'mergence du

    citoyen, au

    sens moderne du

    terme, est

    passe

    par

    l'abolition du

    suffrage censitaire en

    vigueur

    en

    France

    jusqu'aux

    mouvements rvolutionnaires

    de 1848, la question de

    l'galit

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

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    18 P. MERLE

    formelle des droits n'a t rgle que par la reconnaissance, un sicle plus

    tard, du droit de

    vote des femmes. Fidle

    cette tradition historique du

    terme dmocratiser, l'tude des

    transformations sociales

    des publics

    sco

    laires

    n'a aucune

    raison

    de

    se

    focaliser

    sur

    la

    seule

    reprsentativit

    des

    taux d'accs selon le groupe socioprofessionnel. Le

    point

    de vue adopt

    consiste penser

    que

    l'galit

    des genres,

    dans

    l'institution

    scolaire comme

    dans les autres

    institutions, notamment

    politiques, n acquiert toute sa s

    ignific tion que si les pratiques sociales n'apportent

    pas

    un dmenti aux

    droits formellement accords aux deux sexes. Une telle considration im

    plique que

    le

    taux de

    fminisation

    des

    diffrentes filires

    de l'enseignement

    constitue

    un

    des

    indicateurs de la dmocratisation de l'institution scolaire(6).

    Le choix de catgories sociales

    agrges pertinentes

    La

    construction

    des

    donnes ncessite

    aussi

    de

    dlimiter

    des groupes

    sociaux jugs

    pertinents afin

    de comparer

    l'volution

    de

    leurs

    places

    res

    pectives un niveau

    d'tudes

    considr.

    Il

    est assez usuel de limiter

    l i

    nvestigation

    la

    modification de la part des

    enfants

    de cadres

    et

    d'ouvriers

    (par exemple, Boudon, 1973 ; Euriat

    et

    Thlot, 1995). Ce choix de mthode

    tient au fait que

    ces

    deux groupes sont relativement homognes -

    en

    par

    ticulier par rapport aux groupes 1 (agriculteurs) et 2 (artisans,

    com

    merants,

    chefs

    d'entreprise)- et

    qu' maints gards,

    ils

    occupent

    des

    positions

    opposes dans l'chelle sociale

    (en termes de

    revenu et

    de

    niveau

    moyen d'annes

    d'tudes

    notamment).

    Pour ces

    raisons, une moindre

    r

    eprsent tion des

    enfants de cadres et/ou

    une

    meilleure

    reprsentation des

    enfants

    d'ouvriers

    sont

    censes

    constituer

    des

    indicateurs

    pertinents de

    la

    dmocratisation.

    Cette

    faon

    de procder

    n'est toutefois

    pas

    sans

    poser problme. La

    transformation

    de

    l'organisation

    productive

    a affaibli

    continment

    l'impor

    tance umrique du groupe ouvrier depuis

    1975

    (Seys, 1996). Or,

    il

    serait

    erron d'en

    dduire

    une diminution de mme ampleur des situations pro

    ltaires.

    Ainsi, les recherches

    portant

    sur

    le

    groupe social des

    employs

    ind

    iquent un rapprochement des conditions de vie de cette catgorie de

    celle des

    ouvriers (Chenu,

    1994).

    Par ailleurs, les tudes portant

    sur

    les trs

    bas

    sa

    laires

    montrent

    que

    leur

    part

    a augment sensiblement

    de

    1983 1997,

    de

    5 10 environ, et le

    mme

    constat vaut pour la

    proportion

    des bas

    salaires (Concialdi

    et

    Ponthieux,

    1999).

    Se

    limiter

    au

    seul groupe

    des

    ou

    vriers en tant

    que reprsentant

    emblmatique des situations populaires risque

    donc d'entraner

    un

    biais de

    reprsentation statistique, et le

    fait de ne

    retenir

    que deux

    catgories

    extrmes aboutit

    amplifier

    la mesure des ingalits

    de cursus. Ces remarques

    incitent

    prfrer des comparaisons englobant

    l'ensemble

    des situations

    professionnelles

    des

    parents

    des

    lves

    ou tu-

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    7/38

    CONCEPT DE

    DMOCRATISATION

    DE L'INSTITUTION SCOLAIRE 1 9

    diants scolariss.

    Ce

    type

    de

    construction est, par

    ailleurs, plus adapt aux

    comparaisons

    dans le

    temps

    et dans l'espace.

    Quelles catgories constituer? Comme l indiquent les

    tables

    d homo-

    gamie

    selon

    la

    profession

    et

    les

    tables

    de

    mobilit

    sociale (Desrosires

    et

    Merlli, 1988; Merlli et Prvost, 1991),

    les

    groupes

    socioprofessionnels

    5

    et

    6 ( employs

    et

    ouvriers

    ) entretiennent des

    relations

    de proximit

    dans l'espace

    social.

    Ainsi, la catgorie ouvrire tant essentiellement mas

    culine, cette

    catgorie

    est

    voisine de celle

    des employs,

    groupe

    social

    f

    minis

    prs de 80 , qui

    compte

    assez frquemment dans ses

    rangs

    les

    mres des lves dits enfants

    d'ouvriers.

    Par ailleurs, les pres emp

    loys

    ont

    frquemment

    pour conjointes

    des

    pouses appartenant au groupe

    5

    et moins souvent aux groupes

    3

    et 4 (cadres et

    professions intellectuelles

    suprieures, professions

    intermdiaires).

    Ces donnes,

    qui

    rappellent

    tout

    simplement

    que les parents des

    lves

    forment des

    mnages,

    plaident

    pour

    un

    rapprochement

    des

    groupes

    ouvriers

    et

    employs

    dans

    la

    dfinition

    les

    catgories populaires(7).

    Bien

    qu'il

    ne

    soit

    pas

    le seul envisageable et soit

    l'objet de dbats, ce type de

    regroupement

    constitue un

    dcoupage

    pertinent

    de l'espace social pour mener des tudes empiriques

    (par

    exemple, Jeantheau

    et Murt, 1998)(8).

    Une question tout

    aussi essentielle

    a trait

    au

    nombre de catgories

    sociales agrges souhaitables

    pour mener bien

    l'analyse. Faut-il

    retenir

    une partition binaire

    de l'espace

    social

    (milieu populaire

    versus moyen et

    suprieur) ou ternaire

    (populaire/moyen/suprieur)? Comment

    choisir? Le

    choix d'un

    dcoupage

    ternaire rend plus dlicate la

    dfinition

    d'une typo

    logie

    des

    situations

    de

    dmocratisation

    de

    l enseignement. En

    ayant

    recours

    trois

    catgories

    sociales agrges, il est

    ncessaire

    de mener trois

    types

    de comparaisons (catgories populaires versus

    catgories

    moyennes ; cat

    gories populaires versus catgories suprieures ;

    catgories

    moyennes ver

    sus catgories suprieures)

    pour

    lesquelles les

    rsultats

    ne sont pas

    forcment

    convergents.

    La recherche

    mene

    par Euriat et Thlot (1995)

    sur le recrutement social de quatre grandes coles (ENA, ENS,

    et

    X) exemplifie

    ce type

    de situation : les

    auteurs constatent

    assez souvent

    une

    dmocratisation de ces coles en comparant les

    situations

    respectives

    des

    milieux

    suprieurs et populaires, et parviennent au rsultat inverse

    en

    comparant les situations des milieux suprieurs

    et

    moyens. Quel

    est

    le mou

    vement

    le

    plus significatif?

    Les

    auteurs

    sont

    enclins

    mettre en

    avant

    le

    (7> On

    trouvera

    dans Chauvel (1998)

    une

    analyse

    voisine de

    la structure sociale et

    une

    argumentation

    plus dveloppe de

    cette position.

    (8> Certaines

    recherches

    (Goux et Maurin, 1997) largissent

    les

    catgories populaires

    aux agriculteurs. Ce choix est valid notamment

    par

    le destin social du groupe (les enfants

    d'agriculteurs qui ne restent pas dans l'exploitation agricole deviennent assez frquemment

    ouvriers). Cependant, de par le capital

    possd et

    leur

    statut

    d'indpendants, les agriculteurs

    sont proches

    du groupe 2

    (artisans, commerants

    et

    chefs

    d'entreprise), et ce

    rapprochement

    est d'autant plus

    pertinent

    que le nombre des petites

    exploitations diminue

    continment (la

    pertinence

    d'un

    regroupement

    de CSP dpend videmment de

    l'poque

    d'investigation).

    Les

    pouses

    des agriculteurs (ce groupe est

    trs masculin)

    appartiennent aussi plus

    souvent

    aux

    professions

    intermdiaires

    que les

    pouses des

    ouvriers. En

    ce sens

    galement, les enfants

    d'agriculteurs,

    et plus

    prcisment les enfants

    des familles

    dont le

    pre

    est

    agriculteur,

    sont

    plus proches

    des catgories

    moyennes

    que des

    catgories

    populaires.

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    8/38

    20

    P. MERLE

    mouvement de dmocratisation, mais

    leurs arguments

    ne sont pas dcisifs

    et

    l'aporie de

    la

    mthode

    n'est

    pas leve. Bien

    que

    simplificatrice, une par

    tition binaire (catgories

    populaires

    versus catgories moyennes et sup

    rieures)

    prsente

    l'intrt

    d'obtenir

    des

    rsultats

    toujours

    interprtables

    de

    faon univoque et de s'appliquer des niveaux fins

    du

    systme d ense

    ignement - une srie, une option -,

    puisque

    ces

    catgories sont,

    hormis

    quel

    ques rares exceptions, reprsentes de

    faon

    significative quel

    que

    soit

    le

    niveau scolaire

    envisag(9).

    Le

    champ de l'tude

    Une

    troisime

    difficult

    relative la

    construction des donnes concerne

    les

    units d'enseignement qui

    doivent

    faire l'objet

    de

    l'analyse. Le

    second

    cycle

    du

    secondaire et l'enseignement suprieur constituent

    des

    catgories

    administrat

    ives

    suelles

    dont

    l'intrt

    est,

    notamment,

    de

    prsenter

    de

    faon

    gnrale

    et

    simplifie l'organigramme de

    l'institution scolaire. Toutefois,

    ces niveaux de sco

    larisation

    renvoient

    une multitude de

    sries

    de bac et de filires universitaires

    aux savoirs disciplinaires et aux spcificits socio-dmographiques trs

    marqus, qu'il

    s'agisse du

    rapport

    garons-filles, de l'origine sociale et scolaire

    des

    lves

    ou

    de

    la dure

    normale de

    leur cursus. Ces

    sries de

    bac et

    ces

    filires, trs diffremment classes dans

    les

    hirarchies

    scolaires,

    offrent galement des dbouchs trs diffrents en termes de cursus sco

    laires ultrieurs, de chances de

    russite

    dans l enseignement suprieur

    et

    d'insertion

    professionnelle

    (par exemple,

    Duru

    et Mingat, 1988;

    Yahou

    et

    Raulin, 1997; Eckert, 1999). Pour toutes

    ces raisons,

    il

    est

    ncessaire

    de

    prendre

    en

    considration ces

    hirarchies

    scolaires

    si

    la

    perspective

    retenue

    est

    celle d'une analyse de l'accs aux tudes et aux diplmes comme l

    ment

    de classement scolaire et, in

    fine,

    de types

    d'insertion

    professionnelle.

    L'importance de

    ces

    filires est conforte par le fait qu'elles se retrouvent,

    pour

    l enseignement destin aux

    lves

    de plus de

    15 ans,

    dans

    la quasi-

    totalit

    des pays

    de

    l'OCDE

    (OCDE-CRIE,

    1995). En ce sens,

    les

    modalits

    d'analyse

    de la

    dmocratisation

    de l'institution scolaire

    prsentes

    plus

    loin

    valent au-del de l'espace national(10).

    L'ide qui

    guide notre

    dmarche consiste donc

    prendre en

    compte

    les

    considrations ordinaires

    des acteurs de l'institution

    ducative

    (profes

    seurs,parents, lves) qui attachent une place

    centrale

    la trs

    forte

    hi

    rarchisation

    des

    filires

    de l'enseignement.

    Les

    travaux

    portant sur

    les

    modalits

    de la scolarisation

    des lves ont

    frquemment introduit cette

    (9) Les

    statistiques du ministre de l'ducation

    nationale

    sollicites

    dans

    la seconde

    partie de l'article font tat d'une catgorie autres.

    Cette

    catgorie regroupe trois sous-

    catgories aux effectifs rduits : enfants de

    la

    DASS et PND (professions

    non

    dclares),

    retraits et autres inactifs.

    Cette

    catgorie autres regroupe des effectifs

    gnrale

    ment

    odestes.

    Ils sont toutefois d'autant plus importants qu'il s'agit de

    classes

    terminales

    dans lesquelles les groupes

    5

    et

    6 sont

    surreprsents. Pour cette raison, cette catgorie a

    t assimile aux

    catgories

    populaires.

    Cette

    modalit de classement de la catgorie au

    tres est

    usuelle

    (Jeantheau

    et Murt, 1998).

    (1) La hirarchisation

    des filires

    existe

    parfois ds

    le

    premier

    cycle de l'enseignement

    secondaire. L'exemple de

    l'Allemagne est

    connu :

    il

    existe,

    dans la plupart

    des Lander,

    quatre

    filires aprs l'cole lmentaire (Hauptschulen, Realschulen, Gymnasien, Gesamtchulen).

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    9/38

    CONCEPT DE

    DMOCRATISATION

    DE L'INSTITUTION SCOLAIRE 2 1

    dimension de l'institution ducative

    (par

    exemple, Bourdieu

    et

    Passeron,

    1964; Girard et Bastide, 1970; Cherkaoui, 1982;

    Bulle,

    1999).

    C'est

    aussi

    cette aune

    que

    s'est historiquement pose, ds le dbut du sicle, la ques

    tion

    de

    la

    dmocratisation

    de

    l enseignement

    (Briand

    et

    Chapoulie, 1992).

    Est-ce dire

    qu'au

    niveau

    du collge,

    caractris par

    l'absence de

    f

    ilires la question de la dmocratisation se rduit celle des diffrences d'accs

    selon

    l'origine

    sociale ou le

    sexe?

    En fait,

    la cration du collge unique en

    1975 n'a

    pas forcment mis fin

    aux

    clivages qui

    sparaient

    les

    diffrentes

    sections

    du collge d'enseignement

    secondaire

    institu en 1963.

    Il

    faut en

    effet

    viter

    d'assimiler

    d'emble des

    modifications

    d'organisation des tran

    sformations effectives des

    diffrences

    de cursus

    scolaires.

    De mme, sur la der

    nire dcennie,

    comme

    l'indiquent M.

    Duru-Bellat

    et A. Van Zanten (1999,

    p.

    44),

    les carts

    sociaux

    dans les scolarits au

    collge

    ont chang

    d'allure

    :

    des

    ingalits

    dans

    le

    fait de

    rester ou

    non au collge

    pendant

    tout

    le

    premier

    cycle

    se sont

    substitues

    des

    ingalits plus qualitatives

    de

    russite

    (probabilit

    ingale de

    redoubler) et d'orientation la sortie

    du collge (accs

    ou

    non

    un

    second cycle

    gnral ou technologique). Au niveau

    du

    collge,

    en l'absence de filires, l'analyse doit

    prendre

    en

    compte

    des diffrences qual

    itatives comme la

    frquence

    des

    redoublements selon

    l'origine

    sociale et

    les

    ingalits de

    comptences scolaires

    telles

    qu'elles

    peuvent tre mesures

    lors

    des valuations

    nationales

    ralises par la

    DP&D

    (Direction de la program

    mationt du dveloppement du ministre de l'ducation nationale).

    Les

    pre

    mires comme les

    secondes

    constituent

    des

    indicateurs pertinents de

    l'insertion et de la russite scolaires prsentes et

    ultrieures.

    Autre faon de

    dire

    que

    l'accs un niveau

    d'tudes

    ne prend totalement son sens que s'il

    est

    associ

    un

    certain

    niveau

    de

    comptences

    scolaires

    (Duru-Bellat

    et

    Merle,

    1997), et que l'analyse des modalits

    de dmocratisation du

    collge

    ne

    peut faire

    l'conomie de telles

    variables

    qualitatives.

    La

    mesure

    statistique de la

    dmocratisation

    de l'enseignement

    Enfin, le

    dernier problme

    relatif

    la constitution

    des

    donnes

    concerne

    la

    mesure

    des

    carts

    de

    cursus

    scolaires

    entre groupes sociaux. Il existe

    sur

    cette

    question

    une

    littrature

    abondante (cf. note 2). Un problme largement

    dbattu

    a

    t

    de savoir si les

    diffrences

    des

    taux

    d'accs un

    niveau

    donn

    de

    scolarisation

    constituaient

    une

    mesure plus

    pertinente

    des

    ingalits

    de cursus

    que

    les

    rapports

    des

    taux.

    Ces

    deux

    types

    de

    mesure prsentent

    l'inconvnient

    de donner des rsultats ventuellement

    contradictoires

    et d'tre sensibles au

    n

    iveau

    des taux de

    scolarisation

    de chaque groupe social. Dans une

    priode

    d aug

    mentation diffrencie de taux de

    scolarisation par

    groupes sociaux initialement

    trs disperss, ces indicateurs sont

    donc d'un

    usage dlicat0 1}. C'est pour

    cette

    (ll) La

    rflexion

    a pris

    initialement

    appui

    sur

    les donnes suivantes :

    soit

    un

    taux d'accs

    l'enseignement long passant de 37 % 62 % pour

    les

    enfants

    des

    professions

    librales, cadres

    et personnels

    de

    direction, et un

    taux

    passant de 1% 10% pour les enfants d'ouvriers

    semi-qualifis et non qualifis, l'ingalit des

    chances

    a-t-elle augment ou

    diminu ?

    (Boudon,

    1973; Combessie, 1984). La comparaison des coefficients multiplicateurs

    (62/37=1,7

    et

    10/1

    = 10) permet de

    conclure une

    diminution des ingalits

    alors

    que

    la comparaison

    des

    diffrences

    des

    taux

    d'accs

    aboutit

    une

    conclusion

    inverse

    :

    (62

    -

    37) >

    (10-

    1).

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    10/38

    22 P. MERLE

    raison

    qu'une partie

    des

    tudes a recours au calcul

    de

    Vodds ratio, qui est

    le

    rapport

    des chances d'tre scolaris

    plutt

    que non scolaris aux

    deux

    dates

    de la comparaison. En comparant des

    proportions

    leur

    complmentaire,

    Yodds

    ratio prend

    en

    compte

    le

    fait

    que

    les

    proportions

    sur

    lesquelles

    sont

    tablies les comparaisons

    sont comprises entre

    0

    et 100 , alors que les

    indicateurs usuels sont plus

    ou moins sensibles aux

    effets de

    plafond

    selon les proportions compares (Vallet, 1988)(12).

    Cette faon

    de procder

    n'est pas la

    seule

    possible.

    Dans le

    cadre

    de comparaisons

    moyen

    et

    long

    termes, la mesure statistique de la

    dmocratisation

    de l enseignement

    prend

    gnralement en compte

    la transformation

    de

    la structure

    de la

    po

    pulation active

    (ou celle des

    jeunes gens) quand

    celle-ci

    est d'une

    forte

    amplitude.

    Certains

    auteurs (par exemple Euriat et

    Thlot,

    1995) ont

    ainsi

    fond leurs comparaisons des ingalits des chances scolaires sur la part

    des

    enfants

    de

    chaque

    groupe social dans l'institution scolaire relativement

    leur

    part

    dans

    la

    population

    active,

    de

    faon

    prendre

    en

    compte

    les

    transformations de la structure sociale. C'est une

    dmarche

    de ce type qui

    inspire

    principalement le calcul des

    indicateurs

    prsents dans la seconde

    partie.

    Une typologie des formes

    de

    dmocratisation

    En centrant l'analyse sur les diffrences qualitatives des cursus sco

    laires

    selon

    l'origine sociale, il

    est

    possible

    de

    dfinir des types

    de

    dmo-

    cratisation(13).

    Ces types reposent sur des

    indicateurs

    diffrents pour le

    collge

    et

    le

    lyce. Pour

    le

    collge,

    les

    indicateurs qualitatifs

    utiliss

    sont

    notamment

    la

    frquence des

    redoublements

    et le

    niveau de comptences

    scolaires.

    Pour le

    lyce,

    l'analyse

    se

    fonde sur

    les

    diffrences

    sociales de

    recrutement selon les sries de bac. Ces deux approches sont convergentes :

    l'accs socialement diffrenci aux

    diffrentes

    sries

    traduit, pour

    une

    grande

    part,

    l'effet

    des

    modalits de scolarisation

    au

    collge telles

    qu'elles

    peuvent

    tre apprhendes par les

    indicateurs qualitatifs

    prcits.

    Les

    types de dmocratisation prsents sont envisags dans

    le

    cadre

    d'une augmentation

    continue des taux de

    scolarisation

    par ge

    qui

    carac

    trise la situation franaise jusqu'en 1995. L'tude prcise aussi les modal

    its

    spcifiques

    de

    la

    dmocratisation

    lorsque

    les

    taux

    globaux

    de

    scolarisation

    par

    ge sont

    stables ou dcroissants(14).

    Les

    indicateurs

    proposs

    ultrieurement

    sont censs

    tre suffisamment

    reprsentat

    ifses

    diffrences

    qualitatives de cursus. Il

    aurait

    t possible d'insrer d'autres indicateurs

    tels que

    la rpartition sociale

    des lves selon le choix

    des

    options

    (langue vivante I ,

    latin,

    russe, etc.) pour autant que

    les donnes ad hoc

    soient

    disponibles.

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    11/38

    CONCEPT

    DE DMOCRATISATIONDE L'INSTITUTION

    SCOLAIRE

    23

    Trois

    types

    de dmocratisation (taux

    de scolarisation

    par ge croissants)

    Un premier cas de figure correspond l'observation simultane d'une

    augmentation gnrale des taux de

    scolarisation

    par

    ge

    et

    d'une

    diminution

    des

    carts

    de

    taux

    d'accs

    selon l'origine

    sociale

    dans

    les

    diffrentes

    sries

    de

    terminale. Dans cette situation, la croissance de la part des catgories

    populaires est plus rapide dans les filires fermes socialement (i.e. les

    filires bourgeoises

    telles

    que la terminale scientifique) que dans

    les

    filires les plus ouvertes socialement (les plus populaires )(I5).

    Il

    s'agit

    d'une

    situation

    que

    l'on peut

    qualifier

    de

    dmocratisation

    galisatrice : il

    existe

    une galisation des

    conditions sociales d'accs aux

    diffrentes

    sries

    de

    bac. L'expression

    dmocratisation galisatrice

    s'applique

    aussi

    au niveau

    du

    collge.

    ce

    niveau, marqu

    par l'absence formelle

    de

    filires et une

    scolarisation

    proche

    de 100 d'une classe d'ges, une diminution des carts

    de

    taux

    d'accs

    selon l'origine

    sociale

    n'a pas

    la

    mme signification

    que

    celle qui

    pourrait

    tre observe

    entre

    les

    filires

    des

    lyces.

    Dans le

    cas

    du

    collge, un mouvement

    de dmocratisation galisatrice est

    l'uvre

    si

    les diffrences qualitatives des cursus scolaires (frquence des

    redouble

    ments, iveau de comptences

    scolaires) diminuent.

    Le second type de dmocratisation

    correspond

    une situation inverse

    de la prcdente : l'accroissement des taux de scolarisation

    par

    ge est as

    soci

    une

    augmentation des carts sociaux d'accs dans les

    diffrentes

    filires considres. Les

    milieux

    populaires

    peuvent

    en

    effet

    amliorer leur

    position

    dans

    toutes

    les sries,

    mais

    une telle observation peut laisser dans

    l'ombre

    une partie

    de l'essentiel : les catgories

    populaires

    amliorent-elles

    leur position dans

    les

    filires

    bourgeoises

    un rythme

    plus

    lev,

    ou

    moins

    lev, que

    dans

    les

    filires populaires ?

    Dans

    le

    cas d'une

    croissance

    moins

    leve, la dynamique des transformations sociodmographiques

    est quali

    fie e dmocratisation sgrgative : les sries de

    bac

    connaissent

    une

    sorte

    de mouvement de

    spcialisation

    sociale. La part

    des

    catgories

    populaires

    est,

    globalement

    et dans

    chaque

    filire, croissante,

    mais

    cette croissance

    est beaucoup plus vive dans les filires populaires, si bien que les carts

    sociaux de recrutement

    augmentent

    de

    faon

    relative. La dmocratisation

    sgrgative

    peut tre de type relatif ou absolu (cf. infra). Ces

    deux

    premiers

    types de

    dmocratisation,

    galisatrice et sgrgative, renvoient donc l h

    omognis ation sociale ou non des diffrentes sries de bac. De nouveau,

    cette

    expression

    convient au

    niveau

    du

    collge.

    L'augmentation

    gnrale

    de

    la

    scolarisation peut

    en

    effet accrotre

    la

    comptition

    entre

    les

    groupes

    sociaux, mme en l'absence de filires : lorsque l'entre en 6e

    n'est

    plus

    un

    lment distinctif, celui-ci peut tre recherch dans

    le

    choix de l t

    ablissement de l'option, voire de la classe considrs comme les meilleurs

    et les plus profitables. Ces stratgies scolaires distinctives, qui voluent

    dans le temps, ne

    peuvent

    tre mesures facilement de

    faon

    diachronique ;

    (15>

    Dans la

    suite

    du

    texte,

    on

    emploiera

    l'expression

    filires

    bourgeoises pour viter

    la

    priphrase

    filires scolarisant principalement les lves

    d'origine moyenne

    ou suprieure.

    L'emploi de ce terme

    est une

    simple commodit de langage.

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    12/38

    24 P.

    MERLE

    on se limitera aux effets

    qu'elles

    sont susceptibles de

    produire en

    termes

    de

    diffrences

    de

    comptences

    scolaires(16).

    Enfin, un troisime

    type de

    dmocratisation renvoie une

    situation

    i

    ntermd i ire

    et

    correspond

    une

    sorte

    de statu

    quo

    des

    positions

    de

    chaque

    catgorie sociale. Dans ce cas de figure, l'largissement de

    l'accs

    au

    second

    degr ne

    modifie

    pas, l'intrieur de chaque

    filire,

    les

    parts respectives

    de

    chaque

    groupe

    social.

    L'expression dmocratisation uniforme, propose

    dans un cadre

    d'analyse

    diffrent par D. Goux et . Maurin (1995), a l'intrt

    de spcifier cette situation scolaire concrte. Rappelons que

    ces

    auteurs,

    partir

    de l tude de

    l'volution des niveaux

    relatifs de diplme de plusieurs

    gnrations

    (Enqutes sur la formation et la qualification

    professionnelle

    de 1970

    1993), montrent

    que les

    lves

    poursuivent

    en moyenne leurs

    tudes plus

    longtemps,

    obtiennent des diplmes plus levs, mais

    que

    cette

    volution concerne de

    faon

    peu prs identique

    tous

    les milieux sociaux

    (bien

    qu'il

    existe

    quelques

    dviations

    par

    rapport

    ce

    modle

    standard).

    L'analyse de Goux et Maurin, qui conclut une

    dmocratisation

    uniforme,

    est d'un

    intrt

    indiscutable ; elle

    ne clt

    cependant pas le

    dbat relatif au

    type de

    dmocratisation qui caractriserait

    l'institution

    scolaire,

    et tout par

    ticul irement

    au niveau

    du

    second degr,

    parce

    que les

    auteurs

    utilisent

    une nomenclature

    agrge

    des diplmes en quatre ou six

    degrs

    avec, au

    mieux,

    deux niveaux pour l'enseignement

    suprieur (bac

    et

    bac

    plus deux ans)

    qui ne

    permet

    pas

    une tude

    fine de

    la dynamique

    du

    recrutement

    social

    par

    sries

    de

    bac

    ou filires

    universitaires.

    On peut par exemple

    faire l'hypothse

    qu'un diplme d'ingnieur a plus de valeur scolaire et professionnelle qu'un

    DEA

    en

    sciences

    humaines(17). Autrement

    dit,

    les analyses globales

    laissent

    chapper

    d'ventuelles dynamiques

    sociales

    internes,

    qu'elles

    soient

    sgrgat

    ives

    u galisatrices, alors mme

    que

    les

    voies

    empruntes

    chaque

    niveau

    d'tudes sont statistiquement lies aux carrires scolaires

    ultrieures

    et aux

    modalits

    de

    l'insertion professionnelle.

    Finalement,

    pour

    rendre

    compte

    de

    toutes

    les situations relatives

    la

    dmocratisation de

    l'institution

    scolaire,

    il est

    ncessaire de

    distinguer

    les dmocratisations galisatrice,

    uniforme et

    sgrgative.

    Ces trois modal

    its de dmocratisation

    ne

    sont

    pas

    forcment

    exclusives

    les unes des

    autres,

    puisque les

    analyses n'ont

    de sens

    que

    rapportes

    des niveaux

    de scolarit

    donns.

    Une dmocratisation

    galisatrice peut

    spcifier la s

    ituation

    du

    collge,

    le

    second cycle

    ou l'enseignement suprieur

    se

    carac-

    *16' On sait

    que

    la

    scolarisation

    dans les meilleures

    classes permet des

    progressions

    scolaires un peu plus rapides et, surtout,

    qu'une

    telle organisation

    entrane

    l'existence de

    classes

    de

    niveaux

    moyen

    et faible qui limite le rythme

    d'acquisition

    des lves en difficult

    (Duru-Bellat

    et Mingat, 1997).

    (17) II serait galement peu pertinent de considrer comme identique en termes de

    dmocratisation de l'enseignement la scolarisation

    dans une

    filire telle que les IEP, filire trs

    reconnue

    de

    l'enseignement

    suprieur,

    et

    une

    scolarisation dans

    une

    filire AES, relativement

    dvalorise. Or,

    dans

    la premire,

    88,2

    % des tudiants sont d'origine moyenne et suprieure

    (IEP

    de Rennes) et dans la seconde (universit Rennes II), seulement 43,1% ont

    cette

    mme

    origine

    sociale

    (Merle,

    1997).

    Ces carts de recrutement social de filires plus ou moins valo

    rises expliquent

    en

    grande partie

    la diffrence

    de

    niveau

    d'insertion professionnelle

    selon

    l or

    igine

    sociale

    niveau

    de

    diplme

    dit

    quivalent

    (MEN,

    1998, p. 29).

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    13/38

    CONCEPT DE

    DMOCRATISATION

    DE L'INSTITUTION SCOLAIRE

    25

    trisant

    par

    une dmocratisation sgrgative. Seules

    des

    recherches syst

    matiques sur

    ces

    diffrents

    niveaux d'enseignement

    peuvent permettre

    de

    nommer

    prcisment les transformations passes

    et

    en cours.

    Il

    ne

    faut

    toutefois

    pas

    s'interdire

    une

    synthse

    des

    rsultats

    obtenus

    des

    niveaux

    diffrents de scolarit. Le schma qui suit constitue une

    reprsentation

    sim

    plifie

    des

    trois types de

    dmocratisation ainsi

    dfinis (figure

    1).

    Modalits

    de la

    dmocratisation

    taux de scolarisation

    par ge constants ou dcroissants

    La stabilisation des taux de scolarisation

    par

    ge, voire

    leur

    diminut

    ion,e constitue pas

    un

    cas de figure atypique ou peu vraisemblable : la

    situation dans le

    second

    degr

    l'indique

    manifestement. Le taux de bachel

    iers

    en

    effet

    augment de faon exponentielle depuis le dbut

    du

    sicle

    (Mear

    et

    Merle,

    1991);

    il

    a

    atteint

    un

    maximum

    en

    1995

    (62,9 ),

    avant

    de

    dcrotre et

    de stagner

    depuis

    cette

    date.

    En

    1999, 61,1

    % d'une gn

    ration

    est titulaire

    du

    bac (Saboulin, 1999).

    S'il

    est

    dlicat

    de prdire

    l av

    nement

    d'un nouveau

    rgime

    de dmographie scolaire, la rcente baisse

    du taux de bacheliers dans

    une

    gnration

    et

    la moindre propension

    des

    bacheliers gnraux

    et technologiques

    poursuivre

    des

    tudes

    aprs le bac

    (Couet, 1998)

    sont

    autant

    d'indices de comportements

    scolaires

    nouveaux

    et

    de

    l'actualit

    de

    l'hypothse d'une stabilit des taux

    de

    scolarisation.

    En dehors de ce contexte propre la

    fin

    des annes quatre-vingt-dix, une

    partie trs rduite

    des formations

    de l'enseignement suprieur scolarise,

    de

    puis

    longtemps

    dj, une part trs

    stable d'une

    gnration, peine sup

    rieure

    0,1

    %,

    comme

    en

    tmoigne

    la

    situation

    des

    quatre

    grandes

    coles

    ENA, ENS,

    et

    X (Euriat et Thlot, 1995).

    taux de scolarisation constant, la dmocratisation de l'enseignement,

    si elle a lieu, implique

    par

    dfinition une augmentation de la part des catgories

    populaires

    au niveau

    de

    scolarit considr. Dans cette

    situation de stabilit

    des taux de scolarisation, la dmocratisation sgrgative se ralise de faon

    spcifique :

    l'augmentation

    de la part des

    catgories

    populaires s'observe seu

    lement

    dans les

    filires

    populaires;

    paralllement, leur

    part baisse dans les

    filires

    fermes, si bien que celles-ci s'embourgeoisent

    encore

    davantage.

    Dans

    l'hypothse de taux globaux de scolarisation par ge constants, un

    mouvement

    de

    dmocratisation sgrgative est

    en effet ncessairement absolu : la dmoc

    ratisation

    des

    filires

    populaires

    a pour contrepartie

    inluctable

    l'embourgeoi

    sement

    es

    autres filires. Ce n'est gnralement

    pas

    le

    cas

    avec

    des

    taux de

    scolarisation

    croissants, puisque

    toutes

    les filires peuvent se

    dmocratiser

    s

    imu l t a n ment

    mme si

    ventuellement

    seules les filires les plus ouvertes so

    cialement

    se

    dmocratisent sensiblement. Il est donc

    possible de

    distinguer

    une dmocratisation sgrgative relative - les filires les plus populaires s'ouvrent

    plus

    rapidement

    que les filires fermes

    -

    d'une

    dmocratisation

    sgrgative

    absolue dans laquelle

    le mouvement

    de proltarisation des

    filires

    populaires

    se

    double

    inluctablement d'un

    mouvement

    d'embourgeoisement

    des filires

    fermes. Jusqu'en 1995,

    l'existence

    de taux de scolarisation

    croissants

    a

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    14/38

    26

    P. MERLE

    Une dmocratisation galisatrice les carts sociaux de recrutement

    intersries

    se rduisent

    Pourcentage d lves d origine

    populaire

    Ent,

    Pourcentage d lves d origine

    populaire

    Ent2

    TS

    Une dmocratisation

    uniforme

    :

    les

    carts

    sociaux

    de

    recrutement

    intersries sont

    stables

    Pourcentage d lves d origine

    populaire

    Ent,

    Pourcentage

    d lves d origine

    populaire

    Ent2

    Une dmocratisation sgrgative de type absolu : les carts sociaux de recrutement

    intersries

    augmentent

    Pourcentage

    d lves

    d origine populaire

    Pourcentage d lves

    d origine populaire

    Ent,

    TS 006 00

    Figure 1.

    - Reprsentation schmatique des trois types

    de dmocratisation

    taux

    de scolarisation croissants

    N.B.

    : On considre un

    systme ducatif

    rduit

    deux

    types de classes

    terminales

    :

    les

    terminales

    scientifiques (TS) et

    les terminales professionnelles

    (TP). La dmocratisation de

    ce

    niveau

    d'tude peut s'oprer selon

    les

    trois modalits ci-desssus. De ti t2 la

    dmocratisation est assure, selon la modalit considre, par l'augmentation du

    taux

    de

    scolarisation

    en TS

    ou

    en

    TP.

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    15/38

    CONCEPT

    DE DMOCRATISATIONDE L'INSTITUTION SCOLAIRE 27

    pu occulter la

    dynamique des transformations sociodmographiques

    : les

    analyses fines, en

    mettant

    en vidence une dmocratisation de telle ou telle

    filire ferme

    au

    niveau de l enseignement secondaire

    et suprieur,

    ont pu

    conclure une

    dmocratisation

    globale de

    l enseignement,

    alors

    mme

    qu'une

    logique

    sgrgative pouvait

    tre

    l'uvre,

    de

    faon relative, d'une

    filire l'autre.

    IL -

    La

    situation de l'enseignement

    secondaire

    de 1985 1995 :

    quelle dmocratisation?

    Priode, cycles d'tude, mthode

    Le

    choix

    de

    la

    priode d'investigation

    s'est

    port

    sur

    la dcennie

    1985-1995 marque par une croissance continue et

    soutenue

    de la popul

    ation

    scolarise

    aussi bien dans le premier

    que

    dans le second cycle de

    l enseignement secondaire. Ainsi,

    dans le premier cycle, la comparaison

    des cursus scolaires des lves entrs en 6e en

    1980

    et

    en

    1989

    indique

    que le

    pourcentage d'entre eux qui

    ont accompli un cycle complet au col

    lge

    est

    pass de 71 94 (Coffic, 1996). Dans

    le

    second cycle,

    sur

    la priode

    1985-1995, le taux

    de bacheliers

    au sein

    d'une gnration est

    pass de

    30,0 62,9 . Cette

    priode

    constitue

    donc

    un moment

    dcisif

    de la

    massification

    de l enseignement secondaire.

    Prendre

    en

    compte

    des

    annes plus rcentes

    au cours

    desquelles le taux de bacheliers d'une g

    nration

    est

    rest

    approximativement

    constant aurait abouti

    modifier

    sen

    siblement le contexte sociodmographique de l tude et fait courir le

    risque

    de ne

    pas

    mesurer les

    effets propres

    de l'allongement

    de

    la

    scolarit

    sur

    le

    recrutement

    social des diffrentes

    sries de baccalaurat.

    Les

    donnes

    complmentaires prsentes plus

    loin,

    portant

    sur la

    priode

    1995-2000,

    confirment la situation

    spcifique

    des

    annes

    1985-1995 et

    l'intrt du

    d

    coupage ralis. Le choix de cette priode s'impose donc

    pour

    sa spcificit

    dmographique

    mise

    en vidence

    par plusieurs

    auteurs

    (Prost,

    1998; Chauvel,

    1998). Finalement,

    l'institution ducative,

    sur

    une

    priode trs

    courte, a

    fait

    plus

    que

    doubler sa production de bacheliers (de 30 d'une gnration

    en

    1985

    63 en 1995) et ralis en seulement dix annes le chemin par

    couru

    en

    quatre-vingt-cinq ans

    depuis

    le

    dbut

    du

    sicle

    (environ

    1

    %

    des

    sortants

    de l'institution scolaire taient

    bacheliers

    en 1900). Le

    choix

    de

    cette

    priode

    se justifie

    pour

    deux autres raisons. La

    premire

    relve

    de

    la politique scolaire : la loi de

    programmation

    de l'enseignement technique

    et

    professionnel de 1985

    a prvu la cration

    d'un nouveau diplme (le

    bac

    professionnel)

    et la

    gnralisation

    de la scolarisation dans le

    second

    degr,

    avec

    l'objectif de 80 % d'une classe d'ges

    atteignant le

    niveau du

    baccal

    aurat.

    Il s'agit

    d'une rupture essentielle,

    et fixer le

    dbut de la priode

    d'tude

    1985

    permet de saisir pleinement l'effet de cette

    modification

    de

    l'offre ducative sur les formes de la

    dmocratisation.

    La seconde

    raison

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    16/38

    28 P. MERLE

    est technique : la

    nomenclature

    des CSP a t modifie

    en

    1982,

    et

    la

    com

    paraison des recrutements sociaux des

    sries de

    bac

    avant

    et aprs 1984-

    1985, anne de mise en uvre de la nouvelle

    nomenclature,

    est

    entache

    d'imprcisions(18).

    L'tude

    porte

    sur

    les

    premier et

    second

    cycles

    de l enseignement

    se

    condaire.

    Elle s'appuie sur

    les panels

    des

    lves

    entrs

    en 6e en 1980 et

    1989 qui fournissent

    des

    informations centrales (origine

    sociale, frquence

    des

    redoublements, rapport garons-filles, etc.)

    sur

    les

    lves

    scolariss

    dans le premier cycle

    au

    cours des priodes 1980-1984

    et

    1989-1993 ; l ana

    lyse est complte

    par

    quelques donnes issues des tests de comptences

    scolaires. Pour le

    second

    cycle,

    tant

    donn le nombre trs important de

    sries

    de baccalaurat,

    l investigation est centre sur les sries S, L,

    ES,

    STT, STI et professionnelles,

    qui

    reprsentent

    respectivement

    93,2 et 92, 4

    %

    des

    effectifs de l'ensemble

    des terminales

    en

    1984-1985 et 1994-1995.

    En

    raison

    de l'importance

    des

    effectifs

    scolariss

    en

    ,

    ceux-ci

    ont

    t

    pris

    en

    compte

    afin de comparer la

    transformation

    du recrutement social de

    cette

    formation

    professionnelle

    courte

    celle des classes

    terminales.

    Pour

    le

    second

    cycle, faute de

    disposer

    des statistiques nationales

    d

    tailles sur la

    priode

    considre, les effectifs tudis

    sont

    ceux de l'acadmie

    de

    Rennes.

    Sans

    pouvoir

    considrer

    qu'il

    s'agisse

    d'un chantillon

    strictement

    reprsentatif,

    rien

    ne permet de penser

    que

    la rgion Bretagne, qui

    accueille

    environ 3

    %

    de l'ensemble des lves de terminale, se

    diffrencie

    significative-

    ment de l'ensemble du

    territoire

    national quant l'volution du recrutement

    social

    de chaque srie de

    bac.

    Depuis

    la mise en place

    de

    la carte scolaire et

    la premire

    explosion des

    effectifs

    scolariss

    dans les

    annes

    soixante, la go

    graphie

    de

    l'cole

    se

    caractrise

    en

    effet

    par

    un

    rapprochement

    des

    offres

    de

    formation et des taux

    de scolarisation (MEN,

    1995). Sur

    la priode tu

    die, l'augmentation

    des effectifs des classes

    de

    terminale est

    de

    48,1

    % en

    Bretagne

    et

    de

    46,9 au niveau

    national

    (Casabianca, 1990; Robin, 1996),

    soit une progression globale trs voisine(19).

    Enfin, une des difficults classiques dj voque,

    lie aux

    transfo

    rmations du

    recrutement

    social de

    l'institution

    ducative,

    tient

    la

    modifi

    cation

    de la

    structure socioprofessionnelle

    de

    la population

    active.

    Pour

    cette

    raison, l'analyse repose,

    d'une

    part, sur la comparaison de l'origine

    *18)

    On

    sait

    par

    ailleurs que la dclaration d'une

    profession

    fait l'objet d'une incertitude

    forte

    (Merlli,

    1983

    ;

    Desrosires

    et

    Thvenot,

    1988)

    et

    on

    peut

    penser

    que

    l'allongement

    des priodes de comparaison aboutit

    augmenter les imprcisions

    des

    dclarations, en

    raison

    du changement des significations associes ordinairement aux noms des professions. Sur

    les

    dclarations des professions,

    il

    faut

    indiquer

    aussi que

    dans les

    enqutes

    FQP

    sollicites,

    les

    biais de dclaration de la profession ne sont vraisemblablement pas

    les

    mmes que

    dans les

    statistiques du

    ministre de l'ducation

    nationale, qui

    se

    fondent

    sur

    les

    dclarations des

    lves

    ou des parents

    : celles-ci

    sont

    soumises un travail

    de

    figuration face au matre

    et l'administration scolaire (Merle, 1994).

    ce

    sujet,

    voir

    aussi les Notes

    de

    recherche

    de

    C. Souli

    et de

    D. Merlli

    prsentes

    dans

    ce mme

    numro.

    (19>

    Une

    des

    limites

    de l'approche tient au fait que

    malgr

    l'homognisation des taux

    de

    scolarisation et des offres de formation,

    subsistent

    des diffrences

    de

    dveloppement des

    sries

    technologiques,

    professionnelles et gnrales. Il faut noter enfin que l'existence

    d'un

    enseignement

    priv important dans la rgion Bretagne est

    susceptible de crer

    des spcificits

    locales bien qu'aucune donne statistique facilement disponible ne

    permette de

    les

    connatre

    prcisment

    sur la

    priode tudie.

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    17/38

    CONCEPT

    DE DMOCRATISATIONDE L'INSTITUTION SCOLAIRE 29

    sociale des lves

    de

    telle ou telle srie l'origine sociale

    de

    l'ensemble

    des

    jeunes

    (ce

    qui permet de

    savoir, par exemple, si la terminale S s'est

    dmocratise)

    et,

    d'autre part, sur une comparaison synoptique des diff

    rentes

    sries. Cette dmarche

    permet

    de dterminer, compte tenu

    des

    tran

    sformations

    de

    la

    structure

    sociale,

    comment

    le

    recrutement

    social

    de

    chaque

    srie a t affect par la massification de

    l'enseignement.

    Une telle m

    thodologie de comparaison

    intersries

    a dj t mise en

    uvre

    d'autres

    niveaux d'enseignement (Bourdieu

    et

    Passeron, 1964;

    Baudelot et

    Establet,

    1971

    ; Euriat

    et

    Thlot,

    1995).

    Les modalits

    de

    la dmocratisation

    de l'enseignement

    secondaire

    La

    situation du

    premier

    cycle

    Les

    modalits de la dmocratisation du collge sont tudies, d'une

    part, en fonction du rapport

    garons-filles

    et,

    d'autre

    part, en fonction de

    l'origine sociale. Au collge, la

    massification

    de la

    scolarisation

    a

    modifi

    le devenir scolaire des lves des deux sexes dans le sens

    d'une

    rduction

    des diffrences de cursus (Coffic, 1996). L'indicateur le plus gnral en

    est

    la

    probabilit

    pour

    les

    lves des

    deux

    sexes

    de

    raliser un cycle

    comp

    let au collge.

    Alors

    que la diffrence selon le

    sexe tait sensible

    pour

    les

    collgiens

    scolariss en 6e en 1980 (respectivement 64

    des

    garons

    et

    78

    des filles

    ralisaient

    un

    cycle complet), cette diffrence s'est att

    nue

    pour

    les lves

    inscrits

    en 6e en

    1989 (respectivement

    91

    %

    des

    gar

    ons

    et

    96

    des

    filles).

    cette

    aune,

    il

    est

    clair qu'un mouvement

    de

    dmocratisation galisatrice caractrise les annes

    collge

    : les carts de sco

    larit

    selon le

    sexe se

    sont rduits sensiblement. Encore

    qu'un tel constat repose

    sur

    un indicateur partiel de la dmocratisation

    des

    destins

    scolaires

    selon le

    sexe

    :

    il

    serait

    par exemple souhaitable de connatre

    l'volution

    des

    diffrences

    de

    comptences scolaires

    des garons et des filles. Or, sur ce point, les donnes

    totalement appropries

    font

    dfaut. On sait cependant

    que

    la moindre

    sous-

    reprsentation

    des garons au

    collge

    a t acquise au

    prix

    de redoublements

    plus frquents au cours de leur scolarit (respectivement 29 et 36 des

    garons entrs en

    6e

    en 1980 et en 1989) alors que le taux de redoublements

    a

    baiss

    trs

    lgrement

    pour les

    filles

    sur

    la mme

    priode

    (de

    31

    30 ).

    Eu

    gard cet

    indicateur

    qualitatif des

    diffrences

    de

    scolarisation,

    dont on

    connat

    l'importance lors

    des

    dcisions d'orientation

    en

    fin

    de 3e

    et pour

    la

    scolarit aprs le

    bac, l'existence d'un

    mouvement

    de

    dmocratisation

    gali

    satrice selon le sexe reste

    dmontrer.

    Si

    l'on

    considre aussi

    que

    les diff

    rences de taux de redoublements constituent une approximation, mme

    grossire, des diffrences de

    comptences

    scolaires, un

    mouvement

    de

    dmoc

    ratisation

    galisatrice

    selon le sexe semble finalement incertain.

    Qu'en est-il du type de

    dmocratisation selon

    l'origine sociale

    au

    niveau

    du

    premier

    cycle de

    l'enseignement secondaire?

    Une

    premire approche,

    tout

    fait

    classique, consiste

    se rfrer

    aux carts

    sociaux

    des cursus

    scolaires.

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    18/38

    30

    P. MERLE

    Sur cette question,

    les donnes statistiques sont bien connues : la

    proportion

    d'enfants d'ouvriers ralisant un cursus complet au

    collge

    est passe

    de

    58

    %

    parmi les lves

    entrs

    en 6e en 1980 91 parmi ceux entrs en 6e en

    1989 (Coffic, 1996). Comme,

    par

    ailleurs, les proportions

    des enfants

    de

    cadres ralisant

    des

    cursus

    complets

    au

    collge

    sont

    restes

    quasi

    stables

    sur la

    priode (respectivement

    96 et 99 ), un

    mouvement

    de dmocrat

    isation galisatrice semble

    acquis.

    De nouveau, une telle conclusion est

    discutable

    pour

    deux raisons.

    La

    premire,

    classique, tient

    au

    fait

    que

    la construction statistique

    est une reprsentation

    et

    une activit sociale

    que

    le sociologue ne peut

    considrer

    sans

    rserve

    et investigations complmentaires ventuelles

    (Briand, Chapoulie

    et

    Peretz,

    1979). Or, les

    donnes tires

    des panels

    1980

    et

    1989 relatives aux cursus scolaires selon

    l'origine sociale ne

    portent

    pas

    sur des

    organisations

    scolaires vritablement

    comparables. Au

    cours

    des

    annes

    quatre-vingt, l'orientation

    en

    fin

    de

    5e

    a t

    progressivement

    supprime et, partir de la rentre 1986-1987, des 4e

    et

    3e technologiques

    ont t mises en place. Ces

    transformations

    organisationnelles ont affect

    les parcours scolaires des collgiens : parmi les

    entrants

    en

    6e

    en 1989,

    11 sont passs

    par

    des classes de 4e

    et

    3e

    technologiques.

    Or,

    il s'agit

    trs majoritairement d'un public d'origine populaire auparavant scolaris

    dans les classes prprofessionnelles de niveau

    (CPPN) et

    les prparations

    au CAP en trois ans.

    De telles

    prcisions limitent

    sensiblement

    la pertinence

    des

    donnes

    statistiques

    relatives

    la dmocratisation des cursus scolaires

    au cours

    du

    premier cycle, puisque les parcours

    effectivement

    raliss par

    les

    lves des

    panels 1980

    et

    1989

    ont,

    de fait, t diffrents.

    Les

    donnes

    relatives au rapprochement

    social

    des

    trajectoires

    sco

    laires

    des lves

    ont

    une

    signification discutable

    pour une

    seconde

    raison

    qui est une consquence de la premire. La cration des 4e et 3e

    techno

    logiques implique en effet d'tablir des comparaisons des cursus scolaires

    partir d'indicateurs qualitatifs, en considrant

    que

    l'accs aux biens du

    catifs

    n'est davantage

    dmocratique que si les carts de comptences

    entre

    lves diminuent (Duru-Bellat et

    Merle,

    1997). Il faut ds lors

    solliciter

    les valuations

    de

    comptences ralises par la DP&D. Ainsi dfini, le

    type

    de dmocratisation qui caractrise

    l'institution

    scolaire

    devient un

    ob

    jet de

    recherche

    mme

    lorsque tous

    les

    lves

    sont

    scolariss. Autrement

    dit,

    pour tre certain de

    l'existence d'une dmocratisation

    galisatrice au

    collge,

    il ne

    suffit

    pas

    de

    montrer

    que

    les

    carts

    sociaux

    de

    cursus

    se

    rduisent formellement et que le niveau moyen de

    scolarisation

    monte

    - ce

    qui

    est acquis (Baudelot et Establet, 1988) -, il faut aussi montrer

    que

    les carts de

    comptences scolaires

    entre les groupes sociaux diminuent.

    Or,

    les donnes disponibles indiquent

    que

    les

    performances

    des lves n'ayant

    pas dpass le niveau de la classe de 5e ont

    lgrement

    baiss

    au

    cours des

    quinze dernires annes (MEN, 1997)(20), et les donnes complmentaires re-

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    19/38

    CONCEPT

    DE

    DMOCRATISATION

    DE L'INSTITUTION SCOLAIRE 3 1

    latives

    l'origine

    sociale

    des non-diplms indiquent qu'il

    s'agit massive

    ment

    'enfants d'origine populaire. Cela incite penser que, pour le

    pre

    mier cycle, l'hypothse d'une

    dmocratisation

    galisatrice n'est pas

    rel-lement

    valide

    si

    celle-ci

    est

    apprhende

    en

    termes

    de

    rapprochement

    des

    compt

    ences

    scolaires

    selon l'origine

    sociale'2

    4

    Une telle analyse

    est

    conforte

    par

    les valuations nationales ralises

    en

    CM2

    ou en 6e. Celles-ci prsentent

    essentiellement les scores moyens

    des

    lves,

    et l tude

    diachronique

    de la dispersion des scores selon l'origine

    sociale n'a pas, notre connaissance, fait l'objet

    d'investigations

    systmat

    iques.

    Quand

    de telles mesures sont ralises, mme partiellement, elles

    incitent douter

    du caractre galisateur de

    la

    scolarisation

    au niveau

    du

    premier

    degr (Serra

    et

    Thaurel-Richard,

    1994; Baktavatsalou et

    Pons,

    1998).

    Les valuations

    ralises en

    fin

    de 3e en 1985, 1990 et 1995 n'ont

    pas fait l'objet

    quant

    elles d'exploitations

    dtailles

    qui permettraient de

    savoir

    si

    les

    carts

    de

    comptences

    selon

    l'origine

    sociale

    ont

    diminu

    sur

    les priodes tudies(22).

    On

    sait

    toutefois que

    les carts de comptences

    entre les

    lves

    de 3e

    gnrale et

    ceux de

    3e technologique

    sont sensibles,

    au

    dtriment de ces

    derniers

    (Dessus et al., 1996a), et

    que le

    dveloppement

    des

    3e

    technologiques a entran une augmentation

    de

    la dispersion des

    comptences

    entre

    collgiens.

    Il

    est aussi possible

    de

    montrer que l'hypo

    thse

    d'une dmocratisation

    galisatrice du premier cycle est

    peu

    probable

    en se

    rfrant la situation des lves la fin

    de l'cole lmentaire,

    telle

    qu'elle

    peut tre apprhende partir des valuations ralises en

    classe

    de 6e : les

    valuations

    nationales menes

    ce

    niveau montrent

    que

    les carts

    de comptences entre

    enfants

    de cadres

    et d'ouvriers

    ont

    plutt

    tendance

    crotre

    (tableau

    1).

    Il

    faut noter

    que

    ces estimations

    des

    comptences

    des lves

    soulvent

    des

    problmes

    mthodologiques

    qui imposent d'interprter

    avec

    prudence

    les donnes recueillies.

    Un des

    problmes essentiels

    tient au

    fait

    que

    les

    tests ont

    ventuellement

    une

    sensibilit

    variable dans le temps, si bien

    que

    l'augmentation de la dispersion des performances

    entre

    lves peut certes

    provenir

    d'carts

    de

    comptences

    plus accentus, mais aussi du manque

    de fiabilit

    de

    l'instrument de mesure(23). Cependant, l'accroissement des

    carts de comptences

    scolaires selon l'origine

    sociale

    l'entre

    en

    6e est

    (2I>

    Les

    donnes publies

    par

    le

    ministre

    relatives

    l'volution

    des

    carts

    de

    com

    ptences

    des

    conscrits peuvent parfois sembler contradictoires, notamment si

    on

    compare

    celles

    relatives

    aux

    rapports interdciles

    qui suggrent

    une

    rduction

    des

    carts et celles

    relatives aux

    niveaux

    scolaires (de NSI

    NS9).

    Les donnes dtailles

    sont

    les plus per

    tinentes

    notamment

    parce

    que

    le rapport interdcile

    (D9/D1) masque

    le niveau effectif

    des

    comptences

    scolaires

    propres

    aux situations extrmes, tout particulirement pour

    les

    NSI

    et NS2.

    (22)

    En

    fin de

    3e, les

    comparaisons

    de

    performances entre les

    10% des lves

    les

    plus

    faibles et

    les

    10%

    les

    plus forts indiquent selon

    les

    disciplines

    tantt une baisse des carts

    de performances, tantt

    un

    maintien, tantt

    une

    hausse des carts (MEN,

    1997).

    Par

    ailleurs,

    les

    valuations

    en classe de 2nde ne sont pas

    utilisables

    pour connatre la dispersion

    des

    comptences

    des lves en fin

    de

    3e

    puisqu'elles ne concernent que les lves admis en 2nde

    gnrale ou

    technologique.

    (23> Sur

    les problmes

    soulevs

    par les

    comparaisons temporelles des valuations

    sco

    laires,

    on

    peut

    notamment

    consulter

    Dessus

    et

    al.

    (1996a).

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    20/38

    32 P.

    MERLE

    Tableau 1. - Russite aux items de franais et de

    mathmatiques

    l'entre en 6e selon l'origine sociale en 1994 et 1997

    % de russite aux

    items

    Enfants de cadres

    suprieurs

    et

    assimils

    (1)

    Enfants d'ouvriers (2)

    cart (l)-(2) (en points)

    Rapport (l)/(2)

    1994

    Franais

    73,2

    60,0

    +

    13,2

    1,22

    Maths

    70,5

    58,2

    +

    12,3

    1,21

    1997

    Franais

    72,1

    55,5

    + 16,6

    1,30

    Maths

    65,2

    49,1

    + 16,1

    1,33

    Lecture :

    les

    enfants

    de

    cadres

    suprieurs

    et

    assimils

    d'une

    part,

    et

    les

    enfants d'ouvriers

    d'autre part, ont russi respectivement

    73,2

    et 60 des items

    au test

    de comptences

    en

    franais en

    1994, soit

    un

    cart moyen

    de russite de

    13,2 points

    en 1994

    (16,6

    points en

    1997).

    Source:

    Repres

    et

    Rfrences statistiques,

    1995

    (p.

    127)

    et

    1998

    (p.

    123).

    probable. En effet, sur

    la

    priode tudie, l'cole lmentaire a accueilli

    avec

    constance

    la

    presque

    totalit des lves

    -

    bien que ceux

    qui sont

    sco

    lariss dans l'enseignement non ordinaire

    soient

    de moins en moins

    nombreux

    -

    alors

    que le

    collge

    a accueilli

    de nouveaux

    lves dont le

    niveau scolaire trs faible les excluait antrieurement de l entre en 6e.

    Or, il

    n'y

    a gure

    de raisons de

    penser que le collge,

    en

    accueillant un

    public

    nouveau

    et difficile, a

    fait

    mieux, l o l'cole

    lmentaire

    n'a

    que moyennement russi (Serra et

    Thaurel-Richard,

    1994; Baktavatsalou

    et

    Pons,

    1998)

    face

    des

    difficults

    d'apprentissage

    familires

    et

    spcifi

    ques

    une

    petite

    minorit

    d'lves.

    Autrement

    dit, l'absence de dmocrat

    isation galisatrice de l'cole lmentaire

    claire en partie la situation

    du

    collge.

    Il

    faut ce sujet avoir en mmoire

    que

    les tudes anglo-saxonnes

    sur

    l'efficacit de l enseignement (school effectiveness studies) montrent

    qu'un

    des facteurs dterminants des progrs des lves est, ceteris

    paribus,

    leur niveau initial (Merle, 1998a, b). Autrement

    dit,

    si les carts de

    com

    ptences

    scolaires

    se sont accrus en

    dbut

    de 6e

    sur

    la priode considre,

    la

    probabilit

    est grande pour

    que ces

    carts

    se

    soient

    galement

    accrus

    en

    fin de 3e. Les pratiques pdagogiques n'ont en effet

    pas

    connu de transfo

    rmations

    notables sur

    la priode : la sgrgation scolaire

    est

    grosso

    modo

    stable

    ou

    en

    augmentation

    modre

    (Trancart,

    1998)

    et

    le recours, de faon

    peu

    prs

    constante,

    des

    classes

    de

    niveau tend

    augmenter les

    carts

    de

    per

    formances des plus forts

    et

    des plus faibles (Duru-Bellat

    et

    Mingat, 1997)(24).

    (24> Le

    fait que

    les donnes prsentes dans le tableau 1 portent

    sur la priode

    1994-

    1997,

    en

    raison de l'absence de

    donnes dtailles

    comparables publies

    par le

    ministre sur

    les

    annes

    antrieures, ne

    nous parat pas affaiblir l'analyse tant

    donn

    qu'il n'existe pas

    de ruptures pdagogiques ou organisationnelles susceptibles d'introduire sur ce point

    une dif

    frence

    entre

    les priodes 1985-1994 et 1994-1997.

    Les innovations

    pdagogiques rcentes

    favorables l'quit, par

    exemple

    les tudes diriges (DEP,

    1996), auraient plutt

    d tendre

    diminuer,

    sur

    la priode

    1994-1997,

    les

    carts de comptences

    entre les catgories

    extrmes.

  • 7/21/2019 Le Concept de Dmocratisation de l'Institution Scolaire

    21/38

    CONCEPT DE

    DMOCRATISATION

    DE L'INSTITUTION SCOLAIRE

    3 3

    Finalement, le mouvement de dmocratisation galisatrice mis en vidence

    par le

    rapprochement des cursus

    scolaires selon

    l'origine sociale

    ayant une

    s

    ignific t ion

    incertaine, il

    faut

    plutt

    conclure

    une dmocratisation uniforme ou

    sgrgative en

    prenant

    en compte un indicateur

    plus qualitatif des

    scolarits

    tel

    que

    le

    niveau

    des

    comptences scolaires.

    L'analyse

    des

    modalits

    de

    la

    dmoc

    ratisation dans

    le second cycle permet

    de complter

    cette

    premire

    approche.

    La situation du second cycle

    Au

    niveau de l'enseignement

    secondaire,

    deux sources peuvent

    tre

    sol

    licites pour

    connatre

    la place des lves des

    deux

    sexes : la statistique des

    prsents

    au

    baccalaurat (Laulh

    et

    Raulin, 1998)

    et

    la comparaison

    des

    cursus

    scolaires des lves

    tels

    qu'ils

    sont connus grce aux panels

    des

    inscrits en 6e en 1980 et 1989 (Coffic, 1996). Ces deux sources montrent

    - ce rsultat est

    classique

    -

    que la reprsentation de chaque

    sexe est trs

    ingale

    selon

    le

    type

    de

    baccalaurat.

    Les

    filles

    sont

    majoritaires

    dans

    les

    sries gnrales

    (58 en 1997); elles

    sont

    peine plus

    nombreuses

    que

    les

    garons

    dans les sries technologiques, et minoritaires dans les sries

    professionnelles. Cette

    diffrenciation

    majeure

    se dcline en ingalits de

    reprsentation

    plus marques

    l'intrieur

    de ces

    trois grands

    types de

    sries,

    avec des

    oppositions

    bien

    connues

    au sein des terminales

    gnrales (la

    sec

    tion L accueille en

    1998 81,5

    de filles et la terminale S

    seulement

    41,7 ),

    entre les

    terminales

    STT (sciences

    et

    technologies

    tertiaires)

    qui

    sont essentiellement fminines,

    et

    les terminales STI

    (sciences et techno

    logies

    industrielles)

    et professionnelles

    majorit masculine.

    Comment

    la

    forte

    croissance

    du

    nombre

    de

    bacheliers

    au

    cours

    des

    quinze

    dernires

    annes a-t-elle

    modifi

    ces rapports garons-filles? Les

    deux sources statistiques prcites sont concordantes : l'cart de reprsen

    tationes deux sexes dans

    chaque

    srie est

    plutt

    marqu

    par la

    stabilit.

    La surreprsentation des

    filles

    dans

    les sries

    littraires et tertiaires de

    meure

    tout autant que leur sous-reprsentation dans les sries scientifiques

    et

    industrielles.

    Cette situation caractrise une dmocratisation uniforme :

    le

    nombre de

    filles et

    de garons qui

    accdent aux classes terminales a

    augment, sans

    modification sensible de

    la

    rpartition

    des lves selon le

    sexe.

    Toutefois, partir de

    donnes

    limites l'accs la srie scientifique,

    l'hypothse

    d'une

    dmocratisation

    sgrgative

    peut tre avance, bien

    qu'elle

    ne

    puisse

    tre

    suffisamment

    valide.

    Ainsi,

    parmi

    les

    lves

    entrs

    en 6e en 1980, 12 des filles et 14 des garons sont parvenus en lre

    scientifique;

    ces pourcentages

    sont respectivement de 17 et 22

    pour

    les lves du panel de 1989 (Coffic, 1998). Le rapport des taux d'accs

    comme

    l'cart des taux d'accs

    indiquent

    une

    augmentation

    des

    ingalits

    selon le sexe(25). Indicateur plus

    gnral d'une

    dmocratisation

    sgrgative,

    la place des filles dans le second cycle

    professionnel

    a

    dcru

    sur la

    priode

    (25) Le

    rapport

    des taux d'accs des garons celui des filles passe de

    1,17

    pour le

    panel 1980

    1,29

    pour le panel 1989; l'cart des taux d'accs des garons et des filles passe

    respectivement de

    2

    points

    5 points.

  • 7/21/2019 Le Concept de