Le cas technique Supply Chain & NDBI · Evénement naturels sans dommages (nuage de cendres...

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4 octobre 2017 Perspectives L’expertise SIACI SAINT HONORE Le cas technique Supply Chain & NDBI Focus Le cas Recticel L’œil de l’expert Perception d’un risk manager des risques de Supply Chain Le retour d’expertise La gestion d’un sinistre CBI

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n°4octobre2017Perspectives

L ’ e x p e r t i s e S I A C I S A I N T H O N O R E

Le cas techniqueSupply Chain & NDBI

Focus

Le cas Recticel

L’œil de l’expert

Perception d’un risk manager des risques de Supply Chain

Le retour d’expertise

La gestion d’un sinistre CBI

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Édito

Stanislas Chapron Directeur Général en charge de l’IARDT et de l’international Le cas technique

page 4Supply Chain et ND_BI

Sommaire

Directeur de la publication : Stanislas Chapron Responsable éditorial : Frédéric Durot Rédacteur en chef : Naguib Boudjellal Coordination éditorial : Alexandra Maquenne Rédaction : Nathalie Cheysson-Kaplan, Frédéric Durot, Franck Balzano, Philippe Onteniente, Michel Josset, Magali Testard Création graphique : Roger Mendonca - Impression sur du papier certifié FSC : C2Print

Tous droits de reproduction réservés

Les événements de ces dernières semaines ont remis en lumière, avec une forte exposition médiatique, l’importance des catastrophes naturelles («cyclones Harvey, Irma et Maria avec fort effet de submersion côtière, tremblement de terre» au Mexique…) et leurs impacts tragiques sur les populations de nombreux pays. Ils ont aussi remis en lumière l’importance des dommages induits sur de nombreux actifs industriels, mais aussi des ruptures des organisations de production de grands groupes avec des pertes d’exploitation qui peuvent toucher fortement des secteurs industriels dans le monde.

Même si le sinistre «Recticel» évoqué dans ce quatrième numéro de Perspectives peut paraître limité au regard de l’importance des événements de ces dernières semaines, ce sinistre n’en demeure pas moins l’archétype de l’effet papillon à l’échelle de la Perte d’Exploitation. Un incendie sur quelques milliers de m2 sur un site en République Tchèque a paralysé les principaux acteurs européens de l’industrie automobile.

Ce sinistre met clairement en exergue l’importance croissante des interdépendances industrielles amplifiées par la mondialisation et la pertinence pour les risk managers des groupes industriels d’étudier les expositions de leur «Supply Chain» et de mettre en place des couvertures d’assurance adaptées aux spécificités de ces expositions.

Les spécialistes de SIACI SAINT HONORE, tant du côté analyse des expositions que de la structuration de solutions d’assurance et de la gestion des sinistres, ont dans ce numéro de Perspectives cherché à partager avec vous leurs analyses du sujet complexe et passionnant du risque de «Supply Chain» et de la Perte d’Exploitation sans dommage matériel.

Je tiens finalement à remercier chaleureusement Michel Josset, Risk Manager du Groupe Faurecia d’avoir accepté de partager avec nous son expérience et son analyse du sinistre Recticel et des impacts importants qu’il a induit. Je salue également l’éclairante contribution de Magali Testard de Deloitte.

Bonne lecture et au plaisir de pouvoir en parler prochainement avec vous.

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Les impacts tragiques des catastrophes naturelles ont aussi remis en lumière l’importance des dommages induits sur de nombreux actifs industriels… Focus

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L’œil de l’expert

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Une autreperspective

page 16Vu d’ailleurs

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Cadre général de l’assurance «DD PE» (Dommages matériels directs et Pertes d’exploitation consécutives)

L’assurance des «Pertes d’exploitation» a émergé en France dans la branche Dommages au début des années 80. Elle se développa pour les Grands Comptes durant cette décennie avec un relai pour les PME/PMI dès le début des années 90. Certains se souviendront du spot de publicité TV de l’UAP, alors «numéro 1 oblige», mettant en avant en 1990 les risques de Pertes d’ex-ploitation pour les PME, destruction en cascade à l’appui d’une chaine industrielle d’embouteil-lage d’eau minérale. Dans le fracas des bouteilles, une «voix off» expliquait d’un ton lénifiant que la couverture «pertes d’exploitation» proposée par ce géant de l’assurance, qui n’était pas AXA pour quelques années encore, était «la solution» pour traiter les conséquences financières d’un tel sinistre.

La couverture des «Pertes d’exploitation» («PE») dans sa forme orthodoxe vise à assurer la «marge brute» que l’assuré ne réaliserait pas du fait de la survenance d’un dommage matériel garanti par la police dommages. Comme décrit dans le schéma

ci-après, un dommage matériel garanti est la résultante des 3 conditions suivantes (voir schéma ci-après) :

Survenance d’un événement non exclu ;

Altérant un bien lui-même non exclu ;

Phénomène aléatoire.

La «marge brute assurance» correspond aux postes suivants :

Charges dites fixes dans le contexte d’un sinistre paralysant toute ou partie de l’activité : charges de personnel, dotations aux amortissements et aux provisions, impôts fixes, abonnements pour la fourniture d’énergies et fluides divers,…

Résultat d’exploitation si l’entreprise est bénéfi-ciaire.

Le cas technique

«SUPPLY CHAIN» & «ND_BI» (Pertes d’Exploitation sans dommage)Un «miroir aux alouettes» ou un véritable marché émergeant ?

Frédéric Durot Directeur département Dommages,

SIACI SAINT HONORE

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Perspectives 4 octobre 2017 page 7

Extensions de garanties «Pertes d’exploitation sans dommage matériel» Depuis le début des années 2010, avec une accentuation depuis 2015, on voit apparaître la demande, mais aussi, l’offre pour couvrir :

Les «PE» que subiraient l’assuré suite à un événement aléatoire l’affectant mais sans que des dommages matériels aient été causés. Cette problématique est adressée en France par la «Branche 16» d’assurance («Pertes pécuniaires di-verses»). Elle est délivrée depuis de nom-breuses années au moyen de solutions portées par des captives d’assurance ou de réassurance et/ou selon des garanties structurées («ART»). Les couvertures de «PE sans dommages» (ou «ND_BI» pour «Non Damage Business Interruption») visent à répondre à cette problématique dans le cadre d’un transfert aux assu-reurs de la Branche Dommages.

Les «PE» que subiraient l’assuré suite à un événement aléatoire affectant ses fournisseurs ou prestataires quel que soit leur rang, à savoir que ce fournisseur soit direct ou indirect (fournisseur du four-nisseur et ainsi de suite). Cette forme de couverture est nommée «Supply Chain Insurance». Elle se propose de couvrir globalement les PE que cet événement chez le fournisseur ait ou non causé des dommages matériels chez le four-nisseur ou prestataire. Les couvertures «carences» faisant partie de ce qu’on nomme les «CBI» (Contingency Business Interruption), on parlera de «ND_CBI» pour les «ND_BI» résultant d’un événe-ment ayant affecté un fournisseur ou prestataire sans lui avoir causé de dom-mage matériel. A ce jour, ce type d’exten-sion «ND_CBI» ne se trouve pas pour les «carences de clients».

Extensions de garanties à l’assurance «PE» L’assurance «PE» s’est peu à peu développée en proposant des «extensions» au sein du contrat «DDPE» pour couvrir :

Certains postes de pertes hors «marge brute d’exploitation» :

- de charges exceptionnelles comme des pénalités contractuelles, des pertes de subvention...

- ou des charges variables mais pouvant devenir «fixes» en cas de sinistre tels qu’engagements d’achats par certains industriels de l’agroalimentaire auprès des agriculteurs (filières des légumes et de la betterave sucrière).

Des «pertes d’exploitation» qui ne fe-raient pas suite à un sinistre garanti, mais qui seraient consécutives à un dommage

matériel survenu chez un fournisseur («carence de fournisseur»), chez un pres-tataire de services d’énergie ou fluide («carence de service»), ou chez un client («carence de client») voire à un voisin proche («impossibilité d’accès»). Dans ce cas, l’assureur procède par analogie en cherchant à restaurer le triptyque : «Aléa x Evénement non exclu x Bien de l’agent économique tiers tel que ce bien eut été assuré si le tiers avait fait partie des assu-rés de la police». Ces types d’extensions sont connus désormais sous leur nom anglais de «Contingency Business Inter-ruption» ou «CBI».

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Les BIENS des tiers (fournisseurs, pres-tataires, clients et/ou voisins proches sont forcément exclus => il faut donc insérer une «extension de garantie» au contrat DDPE («CBI»)

Le cas technique«SUPPLY CHAIN» & «ND_BI»

Forme ND_BI

Forme SUPPLY CHAIN «ND_CBI»

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Le cas technique«SUPPLY CHAIN» & «ND_BI»

Etant difficile de se doter d’une vision chirurgicale de chaque fournisseur, prestataire ou client, ni de connaître tous les scénarios «ND_BI» pouvant affecter un agent économique donné, les clés pour avancer sont à notre avis :

Investir dans les approches «méthodologiques» telles que «risk assessment» de la «business resilience», la mise en œuvre de dispositifs d’analyse de risque mais aussi d’outils holistiques «Early Warning System» par génération de scénarios (outil stochastique) mais aussi par une surveillance en temps réel des «signaux faibles» de dérive;

Mettre en œuvre des Plans de Continuité d’activité intégrant la Supply Chain comme recommandé par la norme ISO 22301 de 2012 ;

Accepter l’idée d’un cadre de transfert nécessitant des budgets de prime au niveau des enjeux, tout en restant évidemment raisonnables et négociables.

Thèmes « ND_BI » (PE sans dommages) « Supply Chain Insurance»

Existence d’offres avec transfert assureurs ?

Oui, mais cela reste limité à 2 ou 3 assureurs sur le marché qui ont bâti des solutions.Depuis 2015, les grands comptes sont progressivement équipés de petite extensions de « ND_CBI » (quelques millions d’euros maxi).

Oui pour les « CBI » (garanties « carences… »)

Les contrats dédiés « excess Supply chain » permettent d’accéder à des capacités jusqu’à 100 M€ en « carences indirectes de fournisseurs dénommés », mais aussi à des « ND_CBI ».

Capacité du marché (hors solutions structurées et captivées)

150 à 200 M€ concentré essentiellement sur deux assureurs (AGCS et MUNICH RE_CIP)

Estimée à 300 à 400 M€. Il existe 4 à 5 solutions sur le marché dont celle de S2H en partenariat avec AGCS et le Cabinet DELOITTE.

Les principaux scénarios pouvant être couverts par certaines solutions du marché

Ralentissement ou arrêt de l’activité de l’Assuré suite à :

Risques politiques ;

Injonction des autorités administratives ou militaires ou impossibilité physique d’accès suite à un événement n’ayant pas forcément entrainé de dommages (nuage de cendres volcaniques, risque sanitaire localisé c’est-à-dire hors pandémie ou épizootie);

Choc psychologique suite à attentat, me-nace d’attentats, acte d’un assaillant;

Perte d’agrément pour l’industrie pharmaceutique.

Carence de fournisseurs/prestataires(/client) suite à :

Dommages matériels.

Grève & Lock out chez les fournisseurs ou prestataire;

Blocage de ports ou d’aéroports suite à des phénomènes aléatoire (violences politiques, événements naturels, risques sanitaires hormis pandémie ou épizootie..);

Evénement naturels sans dommages (nuage de cendres volcaniques, enneigement ou inondation des voies de communication…) ;

Défaillance économique d’entreprise.

Le tableau ci-après, présente un panorama du marché de l’assurance Dommages en regard de la «Supply Chain Insurance» («CBI» et «ND_CBI») et des PE sans dommages (« ND_BI »).

Adversité du marché de l’assurance pour les «CBI» et les «ND_(C)BI» Les garanties «Supply chain insurance» et «ND_BI» (et a fortiori «ND_CBI») font l’objet d’une forte adversité vis-à-vis du marché de l’assurance dommages.

Pour les «CBI» les raisons en sont les suivantes :

Manque de maîtrise des expositions dans l’espace et dans le temps inhérente au manque de connaissance des fournis-seurs, prestataires, clients. Comment maîtriser la connaissance de multiples agents économiques dont on ne sait pas forcément l’organisation de la produc-tion, de la «business resilience» (plans de continuité d’activité, «back up», redon-dances entre usines et/ou entre lignes de production, stocks de sécurité..) ni de la prévention et protection contre les prin-cipaux périls (incendie, explosion, bris de machines, phénomènes géologiques et/ou climatiques).

Du Cumul possible en cas de four-nisseur, prestataire ou client com-mun à plusieurs assurés du porte-feuille de l’assureur. Cette exposition à un cumul est renforcée dans le cas des Evénements naturels, même si le sinistre «Recticel» (cf. focus ci-après) rappelle qu’un incendie sur quelques centaines de m² peut induire un impact sur la filière Automobiles aux consé-quences financières lourdes;

Empreinte sur le marché de sinistres significatifs en Carence venus cor-roborer les craintes dans un passé récent : attaques terroristes du

World Trade Centre 09/2001, Oura-gan Katrina en aout 2005, Tsunami à Fukushima (mars 2011), Inondations en Thaïlande (T4 2011), incendie chez «Evonik» dans le secteur chimique en avril 2012, «Superstorm Sandy» dans la région de New York en octobre 2012, ex plosion de produits chimiques en Chine à Tianjin en aout 2015 ayant impacté des stockages portuaires, en janvier 2017 le sinistre «Recticel» (voir par ailleurs) et, last but not least, l’impact inédit des événements naturels majeurs survenus en aout et septembre 2017.

Pour les «ND_(C)BI», les raisons en sont les suivantes :

Possibilité de cumuls non maîtrisés : les scénarios pouvant générer une inter-ruption sans survenance de dommage matériel sont pour partie des phénomènes pouvant frapper simultanément de nom-breux assurés (risques sanitaires, violences politiques, fraude, attaque «Cyber», phé-nomène climatique, pollution de l’air,…) ;

Les assureurs Dommages sont réticents à l’incorporation de nouveaux risques, qu’ils ont du mal à appréhender (tarif, maîtrise, cumul) et qui pourraient dégrader les résultats et/ou les équilibres de leurs portefeuilles.

Ground Zero - New-York - 11/09/2001

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Sinistre «RECTICEL» ou…Comment un incendie dans un bâtiment en République Tchèque

a pu impacter lourdement le secteur Automobiles ?

Focus

RECTICEL est un plasturgiste qui fabrique dans cette usine des éléments de revêtement de planches de bord et de garnitures de portes de différents fabricants automobiles. Il s’agit d’un fournisseur pouvant être de rang 2 ou 3 par rapport au fabricant d’automobiles («rang 2» signifie que RECTICEL fournit directement l’équipementier du constructeur d’automobiles).

L’incendie a détruit un des bâtiments de cette usine dans lequel se trouvaient stockés les moules nécessaires à la fabrication, moules dont la valeur unitaire (> 1 M€) et la technicité faisait qu’il s’agissait d’outillage unique, et dont le délai de fabrication est de quelques mois.

Chaque moule étant spécifique à un modèle de véhicule donné, la production de nombreux véhicules a ainsi été impactée chez les princi-paux grands constructeurs d’automobiles et équipementiers concernés du secteur. Les stocks d’en cours sont faibles dans cette industrie gérée depuis plus de 30 ans selon les principes du «Juste à temps».

Selon des informations marché encore non consolidées, l’impact global de ce sinistre, majoritairement en Carences de fournisseurs, serait de plus de 500 MEUR et pourrait atteindre 1 milliard d’euros.

Un sinistre majeurde plus de 500 M€

Le dimanche 22 janvier 2017, un incendie dans l’usine de Most, ville située en Répu-blique Tchèque de la Société RECTICEL a généré une carence impactant de nombreux acteurs de l’industrie Automobiles tant fabricants, équipementiers que sous-traitants.

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Frédéric Durot Directeur département Dommages,

SIACI SAINT HONORE

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Franck Balzano

Directeur Indemnisation Dommages,

SIACI SAINT HONORE

co-réassureurs et client central de manière à avoir la maitrise de la bonne application du contrat. Cela étant, il faut également avoir un expert local qui va récupérer l’information et récolter la matière. Mais le dossier doit être coordonné en France par quelqu’un qui va superviser le travail fait localement.

Une gestion du sinistre en «mode projet» nous semble également indispensable. Cela suppose une implication très étroite entre le client, l’expert, l’assureur, le courtier. Puis de poser des jalons pour la remise des rapports d’expert, le paiement des acomptes et la définition

de plan d’actions. Ensuite de programmer régulièrement des réunions avec les parties prenantes. Et enfin de réaliser un «reporting» en temps réel pour le «risk management» et de participer aux réunions de « Commissions de coassurance » auxquelles bien que les courtiers ne soient pas traditionnellement conviés nous sommes toujours parvenus à participer dans l’intérêt de nos clients.

La gestion d’un sinistre CBI représente-t-elle un défi particulier ?

La gestion d’un sinistre «CBI» consécutif à un dommage matériel survenu chez un fournisseur («carence de fournisseur/ service»), que ce fournisseur soit direct ou indirect, ou chez un client («carence client») ayant entrainé une rupture dans la chaine d’approvisionnement constitue un défi important pour plusieurs raisons. D’abord parce que l’assuré n’a pas la main sur le processus de réparation, de remplacement et/ou de remise en état des installations de son fournisseur ou de son client défaillant dont les désordres ont perturbé voire paralysé son activité. Ensuite, parce que les parties prenantes dans la gestion du sinistre (l’assureur, l’expert, le courtier) n‘ont généralement pas de contact direct avec l’assureur du fournisseur et/ou du client défaillant et encore moins accès aux informations contenues dans son dossier de sinistre «Pertes d’exploitation» qui pourraient pourtant leur être utiles pour apprécier l’étendue des pertes financières : calendrier de réparation, autorisation de reconstruire, contraintes techniques ou administratives diverses, causes même du sinistre dans certains cas. Enfin, le manque de visibilité de l’assuré sur sa chaine d’approvisionnement au-delà des fournisseurs de rang 1 et l’absence de lien contractuel avec les fournisseurs de rang 2,3, … sont un facteur supplémentaire de complexité.

Avez-vous l’expérience de la gestion de tels sinistres à l’étranger ? Nous avons acquis l’expérience de la gestion de ce type de dossiers sur des sinistres lourds. Lors du tremblement de terre et du Tsunami de Fukushima en mars 2011, nous sommes intervenus pour de nombreux industriels tant en «carence client» qu’en «carence fournisseur». Plus récemment, nous sommes intervenus à la suite d’un incendie survenu dans une usine située en république Tchèque qui fabrique des peaux en mousse de polyuréthane ; ce sinistre a eu d’importantes répercussions sur l’ensemble des acteurs de l’industrie automobile française (pertes de plusieurs centaines de millions d’euros)

Quel sont les facteurs clés pour la gestion de ce type de sinistre ? Le choix d’un expert «premium» dont l’expertise est incontestée est déterminant pour la gestion de ce type de dossier. Pour les sinistres internationaux, il est préférable que le dossier soit instruit depuis la France, au plus près des décisionnaires, apériteur,

Une gestion du sinistre en «mode projet» nous semble

également indispensable.

Le retour d’expertise

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Comment percevez-vous les risques de Supply Chain ?Tout événement extérieur, tel qu’un incendie chez l’un de nos fournisseurs ou chez un de nos clients ou encore une catastrophe naturelle est susceptible de perturber notre Supply Chain et d’entrainer des pertes d’exploitation. Nous avons été fortement impacté par des sinistres majeurs comme celui de Fukushima, même si nous n’avons pas d’activité industrielle au Ja-pon car la catastrophe a entrainé l’arrêt de la production chez certains de nos fournisseurs et de nos clients, qui eux-mêmes ont été impactés par leur propres fournisseurs. Plus récemment, un incendie survenu au début de l’année 2017 dans une usine en République Tchèque a eu de fortes répercussions sur l’ensemble du secteur automobile européen, de nombreux construc-teurs et équipementiers ayant été affectés par la carence de leur fournisseur. Cela tient à la complexité de la Supply Chain automobile qui fait que nous avons de nombreux fournisseurs et très peu de stocks.

La moindre perturbation sur la Supply Chain, même mineure, peut entraîner l’arrêt de la production et la perte de véhicules, même si on arrive parfois à rattraper les choses en met-tant en place des back-up. On cherche donc à protéger notre bilan en trouvant des garanties adaptées. Or pour les assureurs, les choses sont très compliquées car ils ne connaissent pas l’étendue du risque à assurer.

Quelles sont les actions prioritaires que vous allez mener ? Pour nous, il est primordial de mieux connaître notre Supply Chain pour pouvoir mieux maitriser les risques en amont et en aval de la chaine. C’est la raison pour laquelle nous allons lancer une étude en coopération avec nos assureurs pour identifier les sites dangereux chez nos fournisseurs et qui sont mal protégés, l’objectif étant bien évidemment de parvenir à réduire les risques. C’est notre service « achat » qui va conduire l’étude puisqu’il connaît bien les fournisseurs. En tant que Risk Manager, nous al-lons les aider à mettre cette étude en place pour les sensibiliser sur des sujets qui ne sont pas familiers pour eux, comme la sécurité en cas d’incendie, les risques naturels, … L’objectif étant de mieux « nous » connaître pour mieux maitriser nos risques. Nous al-lons travailler main dans la main avec nos assureurs en leur demandant de valider notre étude étape par étape. Cela de manière à les aider à nous proposer des garanties mieux adaptées à nos besoins et des tarifs plus compétitifs.

Comment garantir la continuité de l’activité ?En complément de cette étude, nous allons égale-ment mettre en place un plan de continuité de l’acti-vité pour permettre à nos usines de savoir comment elle doivent s’organiser quand survient un événe-ment non souhaité, qui perturbe ses fonctions vi-tales, qu’elles soient humaines, matérielles ou finan-cières … Il s’agit de définir les réactions à adopter en cas de sinistre et les back-up à mettre en place pour assurer la continuité de l’exploitation, et éviter de trop lourdes pertes.

D’une manière générale, il s’agit d’une préoccupa-tion qui est commune à l’ensemble des entreprises du secteur. Nous échangeons beaucoup autour de ces sujets au sein de l’AMRAE (Association pour le Mana-gement des Risques et des Assurances de l’Entreprise) via des présentations techniques, des conférences.

3 questions à Michel Josset, Risk Manager de Faurecia

L’œil de l’expert

Il est primordial de mieux connaître notre Supply Chain pour pouvoir mieux maitriser les risques.

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Qu’est ce qui a conduit Deloitte à se positionner sur les problématiques de Supply Chain ?

Nous ne sommes pas le seul cabinet à travailler sur ces sujets mais nous sommes les seuls à avoir eu l’idée de travailler sur l’assurance des risques de la Supply Chain, car nous avons à la fois une activité spécialisée en Supply Chain et une ac-tivité spécialisée en assurances. Or nous nous sommes aperçus que ces risques n’étaient pas forcément bien appréhendés, et donc pas bien assurés.

Quels sont les facteurs d’évolution de la Supply Chain ?La nature même des flux est en train de chan-ger. Les Supply Chain se complexifient et se di-gitalisent. Elles se transforment en un monde d’éco-système maillé avec des fournisseurs de plus en plus nombreux souvent localisés à l’autre bout du monde. Ce nouveau type d’organisation, notamment la digitalisation de la Supply Chain, permet de capter plus d’informations en temps réel et plus rapidement. Le développement des nouvelles technologies telles que les capteurs intégrés dans des machines ou tout au long de la chaine de valeur ont ainsi permis le dévelop-

pement de ce qu’on appelle l’Internet des objets. En rendant visibles les informations, ces objets connectés créent des données supplémentaires qui peuvent être compilées et analysées. Cela permet à l’entreprise d’avoir une vision globale des événements ayant lieu au sein de sa chaine logistique, malgré l’éloignement géographique et l’augmentation du nombre des partenaires qui la composent. C’est un véritable progrès. Mais cela comporte aussi plus de risques. Car la multiplicité des connexions avec des partenaires externes créée de nouvelles vulnérabilités. De sorte que le maillon le plus faible peut mettre à mal l’ensemble de la chaine …

Quels sont les enjeux pour les entreprises ? Si la plupart des entreprises est consciente des risques liés à la Supply Chain et de l’impact qu’une rupture de leur chaine d’approvisionne-ment peut avoir sur leur chiffre d’affaires, elles sont encore assez peu nombreuses à avoir mis en place des actions concrètes pour renforcer la résilience de leur chaine logistique. Aujourd’hui, bon nombre d’entre elles veulent avoir une meil-leure visibilité sur les risques de rupture de leur Supply Chain et pouvoir trouver des polices d’as-surance qui leur permettent de mieux couvrir ces risques.

Que leur proposez-vous ? Nous avons mis en place plusieurs outils permet-tant aux entreprises de cartographier leur Sup-ply Chain, c’est-à-dire de visualiser de manière précise la localisation de l’ensemble des acteurs de la chaine, d’identifier les relations de dépen-dance qui peuvent éventuellement exister entre certains d’entre eux, ou encore de les classer selon leur niveau de risques. Cela leur permet d’acquérir une meilleure connaissance de leurs réseaux de partenaires, de prendre conscience de certaines situations à risque et ainsi de ré-duire leur vulnérabilité. Nous avons également développé un outil d’analyse et de prédiction qui nous permet de détecter les signaux faibles parfois situés très en amont de la chaine des opé-rations. Cet outil appelé « Early Warning System » nous permet de modéliser les risques grâce à des capteurs implantés tout au long de la chaine logistique. Nous utilisons des algorithmes pour modéliser les flux, prédire et détecter les risques en fonction de différents scénarii : baisse ou montée de production, survenance événements climatiques, … Nous travaillons dans tous les secteurs d’activité et essentiellement dans le secteur automobile, l’aéronautique et l’agroali-mentaire.

Quel retour d’expérience tirez-vous de plusieurs années de pratique au côté des entreprises ? Avec cet outil, nous allons au-delà d’un simple diagnostic ou d’une cartographie des risques tra-ditionnels. Nous permettons aux entreprises de détecter plus facilement des risques potentiels et nous leur donnons la capacité d’y remédier avant qu’ils ne deviennent des problèmes. C’est à la fois un outil d’aide à la prise d’action pour les opérationnels car cela leur donne de la visibilité en temps réel. Mais c’est aussi un outil d’aide à la décision car cela permet d’identifier les risques et au final de renforcer la capacité de résistance de leur Supply Chain.

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Par Magali Testard,Responsable de la ligne de service Supply Chain Management,Deloitte Conseil

Une autre perspective

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La logistique au secours de la constructionLe secteur de la construction se carac-térise à la fois par un niveau de renta-bilité peu élevée sans rapport avec la complexité de l’activité et par une forte proportion d’accident du travail même si ceux-ci ont fortement diminué au cours des 30 dernières années.

Pour lutter contre ce double constat, les acteurs du BTP ont d’abord concentrés leurs efforts sur les procédés de construc-tion et les matériels associés, dans le but d’améliorer les tâches de production directe.

La gestion des activités du chantier du point de vue de la logistique peut s’avérer également un axe d’améliora-tion économique et humain de l’activité de construction.

Les principaux bénéficiaires d’une meilleure logistique sont les artisans et les petites entreprises qui ne peuvent intervenir individuellement sur l’organi-sation générale d’un chantier.

Les coordinateurs santé sécurité dont l’un des rôles consistent à favoriser la mise en place de moyen communs ne peuvent être qu’une partie prenante d’un telle démarche.

Les maitres d’ouvrages et les maitres

d’œuvre sont les premiers concernés car la maîtrise de toute opération de construction demande qu’ils prennent, dès la conception, un ensemble de décisions relatives à l’organisation du chantier.

Logistique et valeur ajoutéAu-delà de l’attention portée aux moyens de la logistique de l’installation du chantier, de la gestion des approvision-nements et des déchets, en passant par la disponibilité des outils de manutention et de levage, l’objec-tif est de mener un process global en associant l’ensemble des pratiques et de démarches auparavant séparée et donc fondée sur des missions transver-sales.

La logistique de chantier se focalise sur la sécurisation des prestations et de l’optimisation des délais.

Le pilotage logistique devient un service «à valeur ajoutée» avec une convergence d’intérêt pour l’ensemble des acteurs du projet. Le pilotage logistique vise à modifier les cadres traditionnels des techniques et de l’organisation du tra-vail en chantier. Il entend faire évoluer

les anciennes relations inter-entreprises de nature trop strictement prescriptive, en de nouvelles modalités de coordina-tion inter-activités.

Un chantier est un ouvrage «en construc-tion», il n’y a pas une, mais «des» logistiques adaptées à ses différentes phases, de plus les entreprises sont a priori organisées pour traiter «leurs» besoins logistiques.

Le pilotage logistique n’est pas une fonc-tion isolable de l’activité de construction, mais il représente au contraire une com-posante pleine et entière de l’organisa-tion du chantier.

L’organisation logistique vise à planifier dans le temps et dans l’espace l’utilisa-tion des ressources du chantier, en calant le tout sur le déroulement des tâches à réaliser.

Son objectif est de permettre un fonc-tionnement interactif en phase avec la vie réelle du chantier et d’intégrer des alertes en cas de disfonctionnement surtout dans les phases de chevauche-ments critiques.

Par Philippe Onteniente,Directeur de la Construction, SIACI SAINT HONORE

Vu d’ailleurs

Digitalisation et SUPPLY CHAINAvec l’essor de la numérisation et des produits de construction en 3D, on pro-duira à la demande en fonction des propriétés indispensables pour la mise en chantier et des qualités finales pour l’ouvrage réalisé. Il s’agit d’intégrer de nouveaux usages, de nouvelles activités, de nouveaux modes de circulation et de stockage. Le supply chain sur les chan-tiers devient un outil d’optimisation et de qualité des ouvrages.

L’amélioration des conditions d’appro-visionnement des chantiers passe avant tout par des mesures d’organisation col-lective telles que définir suffisamment tôt les produits et s’assurer de leur dis-ponibilité, aménager les enchaînements de tâches (décaler certaines parties d’ou-vrage ou en accélérer d’autres), rendre accessibles les aires de déchargement et les ouvrages par tout temps, program-mer les livraisons, mettre en place des moyens de manutention communs, or-ganiser l’évacuation des déchets, …

Beaucoup de ces mesures devraient être arrêtées dès la phase de conception du projet, au plus tard pendant la phase de préparation de chantier. Pendant les tra-vaux, maîtrise d’œuvre, coordonnateur de sécurité et entreprises ne devraient

plus à avoir qu’à contrôler la pertinence des choix retenus et gérer les aléas.

La logistique demande de savoir re-mettre en cause des habitudes bien établies et d’intéresser à l’organisation des chantiers des partenaires nouveaux comme les fabricants de produits. Elle n’est pas de nature à entraîner une dimi-nution des tâches à réaliser mais conduit à une baisse significative d’actions inu-tiles et donc à des gains importants de productivité.

Ces apports sont plus importants que de simples gains financiers puisqu’ils se traduisent par une forte réduction des risques d’accidents, par une meilleure qualité de l’ouvrage fini et donc une amélioration de l’image de marque des intervenants.

3 questions à se poserComment préparer les conditions de la coopération inter-activités ?

Comment coordonner les logistiques ?

Comment faciliter et réguler l’expression des enjeux logistiques ?

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