Le Bonbon Nuit 49

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Janvier 2015 - n° 49 - lebonbon.fr

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Janvier 2015 - n° 49 - lebonbon.fr

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C’est presque aussi chiant qu’un rasta blanc qui te traite de Babylonien option sermon sur la société de consommation.Pitié, ta gueule chevreuil. Ton dégueuli de discours à la Tryo sauce Bob Marley m’endort autant que la fumée du oinj’ de pneu que tu me recraches dans la narine. C’est sûrement aussi douloureux qu’un stage pour débutant à la Fistinière, qu’une séance de ballbusting ou que de s’enfoncer une tige en métal froid dans l’urètre. C’est quasi aussi triste qu’un flyer d’une discothèque située à la périphérie de Clermont-Ferrand. Y’avait de l’idée les mecs, mais on sent qu’en cours de route, ben j’sais pas, vous avez perdu la flamme sacrée. C’est carrément aussi fade que de la gastronomie hippie. Rigole pas. Quand ils auront pris le pouvoir, ce sera galettes d’orge et saucisses aux protéines de blé pour tous. Avec du lait de chèvre sans gluten. C’est limite aussi saoulant que les mecs qui te relancent pour financer par crowdfunding leur groupe de musique merdique. Aussi creux qu’un burger-fait-maison-avec-des-ingrédients-frais qui-viennent-du-marché. Aussi ennuyeux qu’un food truck sur un rooftop. Ouais. Être installé dans ses habitudes. Du coup, le Bonbon Nuit fait peau neuve. Et ça, c’est aussi jouissif que de mettre un grand high-kick dans les scléroses du passé.

Bonne année 2015.

MPK

ÉDITO

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OURS

RÉDACTEUR EN CHEF Michaël Pécot-Kleiner

DIRECTEUR ARTISTIQUE Tom Gordonovitch

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jacques de la Chaise

PHOTO COUVERTURE Étienne de Crécy par François Coquerel

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Louis Haeffner

RÉGIE PUBLICITAIRE [email protected]

06 33 54 65 95

CONTACTEZ-NOUS [email protected]

SIRET 510 580 301 00032

SIÈGE SOCIAL 12, rue Lamartine Paris 9

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SOMMAIRE

p. 7 À LA UNE

Étienne de Crécy

p. 13 LITTÉRATURE

Nuit blanche pour encre noire

p. 17 NUIT & CINÉMALes nuits de la pleine lune

p. 19MUSIQUE

Rone

p. 25 PLAYLIST

César Merveille

p. 27 CINÉMA

Le bilan 2014

p. 29 MUSIQUEZaltan

p. 35 LOOKS DE NUITHouse of Moda

p. 37 ART

Milo Moiré

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AGENDA

— WEBRADIO KILL THE VIDEO STAR —Pour célébrer 2015, RADIOMARAIS fait son festival radiophonique. Pendant 15 jours non-stop, en direct de 15 lieux parisiens, ils vont mettre en voix Paris. Deux semaines de fes-tival de musique, de radio, d’art et de culture en compagnie des acteurs de la capitale. 15 concerts, 15 Dj sets, 15 émissions dans 15 lieux.

À partir du 15 janvier sur radiomarais.fm

— EXPO PARIS MAGNUM — Voilà un belle petite expo qui te permettra de voir le quotidien des Parisiens sous différentes époques et sous l’œil des plus grands photo-graphes de l’agence Magnum : Cartier-Bres-son, Capa, Riboud, Parr, Depardon... Avec un peu de chance, tu pourras voir ta grand-mère quand elle était beatnik.

Tout le mois de janvier à l’Hôtel de Ville

DR/

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— ON IRA CLUBBER ICI —My life is a week-end : rien que le nom de la teuf est prometteur. Soirée d’origine montpellié-raine, celle-ci vient s’exporter chez nous avec un line-up aux petits oignons : Andrew Wea-therall, Red Axes, Cardini&Shaw, DJ Sundae… De quoi exciter tes ardeurs. Une chose est sûre, ça ve sentir bon l’Hérault.

Samedi 17 janvier à la Machine

— GRRRRR BY LE BONBON #5 —Venez siroter une bière dès 19h au coté de Dj Meanz. Ce mois-ci, on vous propose d’expri-mer votre créativité via l’Atelier Street : Poscas et bombes seront à votre disposition pour créer une fresque épatante. Et on termine en se rin-çant les yeux sur les oeuvres mélodiques de l’illustrateur Livio Bernardo.

Le 15 janvier à 19h au Panic Room

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T/ MPK P/ FRANCOIS COQUEREL

Étienne de Crécy fait partie de cette géné-ration dorée (Laurent Garnier, I:Cube, Cas-sius...) qui a contribué à l’essor de la French touch dans les années 90. Après avoir vendu un bon paquet de disques, le mec pourrait jouer les nababs, mais ce serait gravement

se planter sur le personnage. Refusant à juste titre d’être institutionnalisé et se qualifiant lui-même d’« éternel apprenant », il revient ce mois-ci avec Super Discount troisième du nom, un disque plutôt badass aux accents G-house.

ÉTIENNEDE

CRECY3E

VOLET

À LA UNE

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JE NE ME SENS PAS DU TOUT COMME UN ARTISTE, J’AI PLUTÔT L’IMPRESSION D’ÊTRE UN TECHNICIEN. JE FAIS UNE MUSIQUE QUI A

UNE UTILITÉ, ELLE DOIT ÊTRE EFFICACE.

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Ton avant-dernier album, False Idols, date d’il y a tout juste un an. On avait d’ailleurs pas mal discuté tous les deux.

Étienne, si les deux premiers Super Discount étaient largement conceptualisés autour de thèmes bien définis (le 1, le mercantilisme, le 2, internet et le téléchargement), je n’ai pas l’impression d’avoir retrouvé cette volonté dans le Super Discount 3. Pourquoi ? Marre de la conceptualisation ? Non. En fait, les noms des titres sont plus durs à choper. Je les ai choisis dans le top 100 des hashtags les plus utilisés sur Instagram.

Bon, ok, j’avais pas capté le truc...Oui, c’était moins évident à capter parce que c’est des noms super généraux. En plus, il y en a un qui ne rentre pas dans cette idée, c’est hashtag my ass. Et en même temps, c’est celui qui résume le tout, la clef pour comprendre les autres. Pour les Super Discount, à chaque époque, j’essaye de trouver les trucs les plus cheap. Voilà, là, c’était les hashtags les plus utilisés, histoire de montrer que la musique se comptait plus en nombre de views et de clics qu’en nombre de ventes.

Qu’est-ce qui différencie un concept marketing d’un concept plus artistique ?

Cette question-là m’interpelle vachement. J’ai beaucoup de mal à définir ce qu’est un concept artistique. C’est tellement protéiforme... Je ne me sens pas du tout comme un artiste, j’ai plutôt l’impression d’être un technicien. Je fais une musique qui a une utilité, elle doit être efficace : tu la mets dans un club, si les gens ne dansent pas, ta musique n’est pas bonne. J’ai donc besoin de règles et de contraintes, et de faire danser les gens maintenant. Du coup, c’est obligatoirement marketing parce qu’il faut que ma musique soit vendue et que les Dj’s la joue.

Tu n’as donc pas le complexe du musi-cien de 40 piges tapées qui fait danser

les gens. Genre, « il faut maintenant que je fasse de la ‘‘ vraie musique’’ ... »

Non, je n’ai pas du tout la frustration de ne pas être un « vrai musicien ». La pop, le rock, c’est super. Mais nous, dans la musique élec-tronique, notre fonction c’est d’inventer autre chose avec d’autres outils. Je n’ai pas non plus le complexe de la reconnaissance des insti-tutions. Je viens de la rave, et c’est ça qui me plaît. Je ne veux pas être une institution, je pré-fère rester un outsider.

Au niveau musical, comment Super Dis-count 3 se situe-t-il par rapport aux deux autres ?

Y’a un principe sur les Super Discount que j’applique depuis le début : je vais assez vite, j’essaye de ne pas trop réfléchir et je me mets des deadlines bien tendues. Du coup, tout se fait dans l’urgence et dans l’instinct. Le Super Discount 3, je le ressens maintenant avec du recul comme le mix des deux premiers. Il y a le côté mélodique house du premier et en même temps les boîtes à rythmes et les synthés du deuxième.

Niveau prod, il y a une ligne de bass/synthé assez efficace dans 40% de tes morceaux. Tu peux m’en parler un peu ?

Oui, en fait c’est un Juno 60 qui fait cette basse-là. Et cette basse, elle est à double-croches. Ça, ça marche super bien, et à chaque fois que j’étais bloqué sur un morceau, j’enchaînais sur cette ligne de basse. En même temps, c’est vrai que je l’ai utilisée et ré-utilisée à chaque fois en me disant que ça donnait une couleur à l’album. Même avec des tempos lents, ces doubles-croches accélèrent le truc. Cette ligne de basse est badass, elle sent la sueur.

Dans quel délire est rentré Baxter Dury sur le morceau Family ? C’est clairement le track pour faire des levrettes claque main gauche sur fesse droite...

C’est assez marrant parce que j’ai pris le top 10

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des morceaux les plus écoutés dans mon spo-tify. J’ai contacté leurs auteurs, et certains ont refusé. Baxter, c’est l’un des premiers à m’avoir immédiatement répondu positivement. Sur ce morceau, il s’est glissé dans le personnage d’un poète un peu ringard, c’est hyper second degré. Par exemple, les paroles parlent de loups qui n’ont pas de canines, etc… C’est un peu un délire façon cut-up à la Burroughs.

La French touch, ça a l’air de revenir fort ces derniers temps, non ?

Ouais, c’est le retour des cycles de 20 ans. J’ai vachement de mal à me rendre compte en quoi la French touch peut trouver un écho aujourd’hui. Je n’ai jamais vraiment eu l’impression que cette French touch ait été

enterrée, je la vois plutôt se perpétrer dans un continuum.

Si tu devais cartographier la scène élec-tronique française, tu te situerais où ?

Pour moi, la scène électronique, c’est un grand magma.

Tu n’as pas l’impression qu’il y a deux grandes branches, l’une French touch tendance versaillaise et l’autre plus pul-pienne ?

J’ai l’impression que tout se mélange plutôt pas mal. Euuhhh (pensif ).

Par exemple, quels rapports tu entre-tiens avec la French touch 2.0, Pedro Winter, Ed Banger, Justice, etc... ?

Pour moi, Pedro il est 1.0, et il est 2.0 et sera 3.0 parce que c’est un bon DA. J’ai un certain lien avec son label parce qu’il a réveillé la musique électronique quand elle est devenue chiante. Si tu veux, en 95, quand je faisais de la techno, cette musique était hyper branchée et hyper cool. Après, au tout début des années 2000, avec les Strokes et les White Stipes, la musique électronique est devenue vraiment ringarde. En même temps, tous les disques de house

étaient chiants. Avec les sons du Pulp et d’Ed Banger, il y a eu un vrai retour de la techno et à ses fondamentaux en France. Moi, par rapport à tout ça, je ne sens aucune paternité. C’est plutôt l’inverse : tous ces courants ne cessent de m’inspirer, je suis un éternel apprenant. Par exemple, ces derniers temps, j’ai été vache-ment influencé par toute la nouvelle vague G-House...

À partir de maintenant, cette interview risque un peu de partir en couilles. Étienne, aimes-tu les asperges ?

J’adore. Asperges vinaigrette, je suis fan.

Quel est ton deuxième prénom ?Bernard.

La bataille de Crécy est-elle un de tes aïeux ?

Non, aucun, en fait ma famille ne vient pas de Crécy, lieu de cette célèbre bataille. L’origine de mon nom est en fait Crécey. Le « e » a dis-paru mais je ne peux pas te dire quand.

As-tu gagné plus de combats que tu n’en a perdus ?

Le problème, c’est qu’il y a des combats que tu crois avoir gagné alors qu’en réalité, ils ont été perdus. Ce truc-là, ce n’est que sur ton lit de mort que tu le sais.

As-tu déjà été déconcerté par le méca-nisme de ton pénis ?

Non. Jamais. Son mécanisme me semble extrêmement simple.

Super Discount, est-ce que c’est comme Le Seigneur des anneaux ? Une trilogie et puis c’est tout ?

Ah non, il y aura un 4, un 5, etc... En vrai, le truc qui peut m’arrêter, c’est les couleurs de l’album. Quand les couleurs sortiront de la gamme grande distribution, ce sera compli-qué.

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Super Discount 3— Dispo le 19 janvier.

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NU

ITS

BLAN

CH

ES

ET E

NC

RE

NO

IRE

T/ TARA LENNART LITTÉRATURE

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Blanche comme une page, la nuit s’inscrit aux abonnés absents. Pas de marchand de sable à l’horizon ni de pilules magiques pour baver dans les bras de Morphée. Ne cherchez plus,

lisez. Et dans votre lit, c’est encore mieux ! Vous aurez une bonne raison de ne pas dor-mir…

Point Dume de Dan FanteÉditions du Seuil

Fiston Fante revient. On lui connaissait des personnages égratignés par la vie, des chauf-feurs de taxi alcooliques et bordeline, englués entre rehabs et réunions aux alcooliques anonymes. Ici, on rencontre JD, un ancien vendeur de voitures, ancien détective privé,

ancien alcoolique qui vit chez sa mère et va faire de drôles de rencontres aux AA, jusqu’à se retrouver dans un engrenage pas joli joli. C’est drôle, grinçant, brutal, parfois carrément trash, mais la plume bien affûtée de Dan est là, son style limpide et captivant, aussi. Et l’effet sur le sommeil ou toute activité sociale s’avère redoutable : impossible de lâcher ce livre avant de l’avoir fermé et d’avoir le fin mot de la fin!

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ContactsÉditions International Neighborhood

La nuit, parfois, on pense à sa carrière, à ce qu’on pourrait inventer pour briller un peu. À qui contacter pour parler de notre nouveau pro-jet culturel artistique. Le pote du copain qui a une cousine qui ? Ou alors, on ouvre ce guide et on tire des plans sur la comète. À la fois œuvre artistique, petite bombe politique et incitation au canular téléphonique, ce livre vous offre des contacts (réels) par dizaines, glanés pendant des années. S’il y a beaucoup de contacts ger-

maniques et sans doute quelques-uns obso-lètes, on va peut-être passer un coup de fil à la directrice du développement culturel du Centre Pompidou…

Les Fantômes Voyageurs de Tom DruryÉditions Cambourakis

On le connaît mal, en France, ce journaliste devenu écrivain, ce type salué à la fin des années 90 par Granta (LA revue littéraire amé-ricaine de référence) comme un talent promet-teur. Et prometteur, il l’est, la preuve avec ce roman hybride, entre naturalisme, observation et description de situations souvent loufoques ou pour le moins étranges. Sur le fil, toujours, comme si le décor pouvait basculer d’un ins-tant à l’autre.

Les Blondes de Emily SchultzÉditions Asphalte

Ceci n’est pas un livre de blagues, ni un livre de littérature « chick-lit » (dont la seule idée file une féministose foudroyante à certaines…), mais une espèce de road movie barré, pas loin du film d’horreur revisité avec une bonne dose de dérision. Une épidémie frappe les blondes et les transforme en monstres assoiffés de sang et Hazel, notre narratrice, entreprend de

partir se cacher dans une cabane au Canada. Et, franchement, la balade ne sera pas de tout repos.

Correspondance de Jack Kerouac & Allen GinsbergÉditions Gallimard

Que dire devant les lettres échangées par ces géants des lettres contemporaines ? On reste muet, on admire les échanges vifs et percu-tants de ces deux cinglés toujours en train de refaire le monde, d’écrire, d’écrire, de lire, de chercher l’inspiration plus que la respiration. C’est magique et porteur, une vraie bouffée d’air qui change des polémiques « littéraires » actuelles et à venir.

Marcel Duchamp : Entretiens avec Pierre CabanneÉditions Allia

C’est le genre de livre qui, bien en vue sur la table basse, permet - à condition de l’avoir lu - de briller un peu en société. Si Duchamp est devenu une icône pop presque mainstream au yeux d’un certain public, il reste l’un des plus grands artistes français du XXe siècle et le lire en entretiens, le découvrir à travers ses mots, c’est un peu comme s’il se tenait devant nous, prêt à parler ou à disputer une partie d’échecs dans notre salon.

Stardust de Nina AllanÉditions Tristram

En six histoires pas tout à fait reliées mais pas tout à fait étrangères non plus, on part sur les traces de Ruby Castle, une actrice célèbre pour ses rôles dans des films d’épouvante. Six his-toires et six personnages, toutes et tous reliés à cette personne (réelle ou fantasmatique ?) qui laissent planer un délicieux malaise.

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24 € – 978-2-907681-93-3

Nina AllanStardust

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LES NUITS

DE LA PLEINE

LUNEAvec Les Nuits de la pleine lune, Eric Rohmer embarque dans le Paris nocturne de 1984 et découvre un phénomène curieux : l’émotion. « Le premier choix de mes films est un choix assez abstrait, mathématique ». Ainsi parle Eric Rohmer à propos de son « premier jet ». De là découle une œuvre au style souvent sec, dépourvue de naïveté ou de lyrisme, une œuvre au classicisme que d’aucuns trouvent ennuyeux. Mais les choses sont évidemment plus complexes. Cinéaste réputé conservateur, Rohmer aimait à dire qu’il détestait les Modernes, au pro-fit des Anciens. Mais tout dans les films et la vie de ce cinéaste issu de la Nouvelle Vague montrait aussi l’inverse. Il suffit de regarder la façon dont il aborde l’architecture : il feint de n’aimer que le Paris historique, mais n’hésite pas à faire également évoluer ses personnages à Cergy-Pontoise ou au parc de la Villette fraî-chement construit. Et surtout à faire en sorte qu’ils prennent du plaisir à jouer avec ce décor,

même si c’est à travers une certaine moque-rie. Dans Les Nuits de la pleine lune, l’action se passe d’ailleurs en partie dans une ville nou-velle, Marne-la-Vallée. C’est là que Louise la Parisienne emménage, afin de rejoindre son ami Rémi. Mais la jeune femme décide de garder un pied-à-terre à Paris, et de faire une nuit blanche par semaine dans la capitale, pour s’amuser et s’adonner à diverses mondanités. « Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison », tel est le proverbe qui ouvre ce film, et le concept qui le fonde. À la manière d’un compositeur, Rohmer part donc d’un postulat abstrait pour construire son œuvre, un postulat à partir duquel il crée des variations. De cet écheveau de variations résultent des vérités implacables sur la nature humaine et les sentiments. Mais cette archi-tecture glaciale est ici ébranlée par la présence de Pascale Ogier dans le rôle de Louise. Elle apporte une touche peu courante chez Roh-mer : une émotion palpable, non sous-jacente.

T/ NICOLAS MAGENHAM NUIT & CINÉMA

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À partir d’un simple choix de casting, Rohmer s’est laissé malmené dans sa bulle de cinéaste sec et froid. Car Ogier n’est pas seulement actrice, elle a aussi conçu la décoration des dif-férents lieux du film, les costumes, et imposé Elli et Jacno pour la musique. En dévergondant Rohmer dans la farandole du Paris festif des années 80, elle parvient à craqueler sa cara-pace, renversant ainsi l’idée selon laquelle Rohmer serait le Pygmalion de ses « Rohme-riennes ». Ogier met littéralement de la cou-leur au milieu des teintes grises qui dominent le film, et emmène le cinéaste dans un monde d’objets curieux, de musiques pop, dans une ville qui s’amuse avec classe et insouciance. Prenons la scène emblématique de la pre-mière fête, dans un appartement bourgeois. Toute la plastique visuelle et sonore de cette scène respire l’air du temps, à commencer par

la chanson d’Elli et Jacno, Les Tarots. En plans-séquences, Rohmer filme longuement les corps qui s’agitent et les changements symbo-liques de partenaires de danse. La chanteuse Elli Medeiros apparaît furtivement au détour d’un plan, mais on pourrait, pourquoi pas, voir surgir également Gainsbourg en train de pré-parer un Gibson, ou Mikado entonner La Fille du soleil. Eric Rohmer ne craint pas, pour une fois, d’aborder de front la société de son temps. À la manière de Blake Edwards qui décrivait l’Amérique des années 60 à travers le désordre burlesque de la fête, Eric Rohmer filme quant à lui le désordre amoureux des jeunes gens de 1984, dans leurs nuits légères. Une fois n’est pas coutume, grâce à son actrice, Rohmer s’éloigne d’un style classique indémodable, pour prendre le risque de faire vieillir son film. Mais de le faire vieillir bien.

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T/ ARNAUD ROLLET P/ TIMOTHY SACCENTI

RONE

IN WONDER-

LAND

MUSIQUE

Le temps de digérer son Tohu Bohu onirique de 2012 que Rone se rappelle déjà à notre bon souvenir. Avec Créatures, son troisième album, le sosie lointain de Harry Potter livre une galette où la frénésie des dancefloors s’estompe pour laisser place à de malicieuses chansons entonnées par des guests bien

sentis. Il faut dire que Rone a quitté le brou-haha berlinois pour composer au calme (et avec sa petite famille) à Dreux. Forcément, ça change. De retour sur Paris pour on ne sait combien de temps, le prodige cause pater-nité, insomnie et rencontres. De musique finalement.

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On évoque souvent l’enfance pour décrire ton univers alors qu’on ne sait presque rien de la tienne. Tu as grandi où ?

J’ai passé les trois premières années de ma vie au Maroc sans en avoir de souvenir. Ensuite ma famille est rentrée en France, à Paris, où j’ai passé toute mon enfance : je suis donc un vrai titi parisien ! (rires)

À quel âge as-tu commencé à t’intéres-ser à la musique ?

Je me suis vite rendu compte que produire du son me rendait heureux et, avant même l’adolescence, j’étais déjà intéressé par la musique. On avait un piano à la maison, un truc tout pourri. J’adorais en faire en auto-

didacte. Un peu plus tard, j’ai réussi à avoir un saxo entre les mains. Je ne savais pas comment en jouer : je soufflais, du bruit sortait et j’étais content ! Il y a aussi eu les platines, lors de l’âge d’or du hip-hop français : je faisais des scratchs, des potes rappeurs passaient enregistrer des cassettes qu’on faisait tourner au lycée... Tout a vraiment basculé quand j’ai découvert qu’on pouvait faire de la musique sur ordi. Là, un monde s’est ouvert : j’ai commencé à passer des nuits blanches à essayer de comprendre comment cela fonctionnait. Et puis tout s’est enchaîné. J’ai acheté une première machine, un synthé, une boîte à rythmes…

Le nom de ton album, c’est pour ton côté « créature nocturne » ?

Ces créatures sont mes créations, de petits êtres vivants qui sortent de mes machines et que je n’ai parfois pas l’impression de contrô-ler. Mais c’est vrai que j’ai été longtemps insomniaque : je passais une bonne partie de la nuit à sortir et l’autre à faire du son. Plutôt que de regarder la télé, c’est comme ça que j’occu-pais mes nuits. C’est ce qui me rendait heu-reux, en tout cas à l’adolescence. J’ai toujours cette image du soleil qui se lève à la fenêtre et moi qui arrête de faire du son pour m’écrouler.

La nuit a eu une grande place dans mes débuts en musique.

Tu fais encore des nuits blanches ?Beaucoup moins même si cela m’arrive encore de travailler tard. Maintenant, parce que j’ai une vie de famille et un bébé, j’ai décalé ça très tôt le matin. En fait, les meilleurs moments, c’est quand je ne réfléchis pas, quand je suis dans un état second. J’ai réussi à retrouver cette sensation le matin… et c’est beaucoup plus sain ! Prendre une douche, un café, faire de la musique dans un état de semi-conscience…

Voir ses morceaux comme des êtres vivants quand on est jeune papa, c’est plutôt drôle.

C’est clair. Il y a une vraie analogie. Mon pro-gramme, c’est faire un album, un bébé, un album, un bébé, etc. (rires)

La paternité a-t-elle changé ta musique ?Avec le recul, quand j’écoute l’album, je me dis qu’il a dû se passer quelque chose même si j’ai aussi réussi à insuffler une énergie nouvelle sur certains titres. En fait, il y a plus de morceaux doux et beaucoup moins de morceaux dance-floor. Je m’en suis éloigné mais j’y reviendrai peut-être : je ne me suis pas transformé en musicien pop. Le fait d’être dans une « dou-ceur permanente », d’avoir mon bébé à quatre pattes qui passait entre mes jambes pendant que je composais, je pense que ça a incon-sciemment influencé mes recherches sonores.

Ton ami Vladimir Mavounia-Kouka expliquait s’inspirer d’Alice au pays des merveilles pour illustrer ton uni-vers. C’est pour ça que tu as décidé d’ap-peler ta fille Alice ?

Je ne peux pas mentir : ça m’évoque tout de suite Alice au pays des merveilles. Mais ce prénom m’a aussi plu pour sa sonorité très douce et mélodique. En tant que musicien, ça compte !

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LE FAIT D’AVOIR MON BÉBÉ À QUATRE PATTES QUI

PASSAIT ENTRE MES JAMBES A INCONSCIEMMENT

INFLUENCÉ MES RECHERCHES SONORES.

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Tu as justement fait le très bon Calice Texas où, en plus de la voix de Bachar Mal-Khalifé, on retrouve celle d’Alice.

Je me disais déjà que ce serait un morceau pour elle, une berceuse. Pendant la création, elle était vraiment à côté de moi, en train de faire des petits gazouillis. J’ai sorti un micro, l’ai enregistrée puis intégrée dans ma compo-sition. J’ai utilisé ma fille comme un synthé !

C’est aussi la première fois que tu as de « vraies chansons françaises » avec Daho (Mortelle) et François Marry de Frànçois & The Atlas Mountains (l’ex-cellent Quitter La Ville). C’était une réelle volonté ?

Je ne me suis pas « battu » pour avoir de la chanson française, il s’agissait plus de belles rencontres. Daho était venu vers moi pour que je remixe son morceau En Surface à l’époque où je commençais l’album. Je m’étais alors pro-mis de me focaliser uniquement sur le disque et de refuser le reste, parfois à contre-cœur. Mais quand il m’a contacté, j’ai accepté. Dans la foulée, je lui ai demandé de chanter sur mon album. Ça s’est fait simplement, comme avec François. Par contre, je dois quand même l’avouer : j’avais ce petit fantasme au fond de moi, étant passionné de Gainsbourg, de faire une belle chanson française. Là, ça s’est concrétisé grâce à eux.

Avec Daho, il y a quand même un uni-vers commun assez romantique, voire mélancolique, et surtout cette appa-rente innocence qui vous caractérise.

C’est peut-être notre point commun, d’autant que je vois très bien ça chez lui : ce côté sucré, pop, mais avec parfois beaucoup de noirceur. Je n’avais jamais fait le rapprochement avec moi, mais c’est possible : on voit souvent le petit bonhomme rigolo avec des lunettes rondes et des petits clips colorés, mais parfois il y a un peu de noirceur. La vie, c’est le contraste. Un jour tu es déprimé, c’est la merde et, le lende-

main, tu vois un pote, tu repars super heureux. C’est important pour moi d’avoir une musique contrastée : je n’aimerais pas être complète-ment dark ou, à l’inverse, une espèce de David Guetta « gnégné » tout le temps.

Revenons-en au titre avec François. Paris, Berlin, Dreux, puis à nouveau Paris... Quitter La Ville, c’est un peu toi.

Je me suis complètement approprié son texte, c’est vrai. Je pense qu’il s’agit d’une coïnci-dence mais c’est ça qui est drôle. En même temps, j’avais déjà fait Bye Bye Macadam ! (rires)

Qu’est-ce qui t’a justement poussé à revenir en France ?

J’avais l’impression d’avoir fait mon temps à Berlin. J’y étais allé pour faire un disque et je l’ai fait. D’autant que j’avais quitté Paris pour casser ma routine. Or, en trois ans passés là-bas, j’avais justement créé d’autres repaires. Mon petit plaisir, c’est de faire chaque disque dans un lieu différent. Le premier (Spanish Breakfast), c’était à Paris, le second à Berlin et le troisième à Dreux, à la campagne. Main-tenant, je me réinstalle à Paris sans savoir exactement combien de temps je vais y rester. C’est marrant : j’avais quitté la ville parce que j’avais envie d’autre chose et là, je suis excité par l’idée d’y retourner. En plus, j’ai l’impres-sion que tout a pas mal changé, ce qui est très agréable car je me sens complètement largué ! J’arrive presque dans les mêmes conditions qu’à mon arrivée à Berlin. C’est stimulant et étrange à la fois : c’est ma ville d’enfance et, en même temps, une ville que je dois redécouvrir.

Creatures— Sortie le 9 février

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CÉSAR MERVEILLE

T/ RACHEL THOMASP/ PAULA G. VIDAL

PLAYLIST

Ce Parisien de naissance basé à Berlin a du goût pour l’art, le jazz et le vin, et sa palette musicale est tout aussi raffinée. En bon vivant, il traverse tous les styles : de la house à la techno, en passant par la funk tribale et latino. En témoignent son édifiante track Chocopop Jazz ou encore son morceau plus downbeat Maayancholy.

Ce pilier du label Cadenza est également signé sur Safary Electronique ou encore Pri-vate Gold et a sorti sur Visionquest son album DRM co-écrit avec son accolyte Ryan Cros-son… La musique de César est toujours en évolution, fait tourner les têtes et devient plus puissante chaque année.

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Talking Heads This Must Be The Place

Un hommage à mon tres bon ami Derren Smart qui nous a quittés le mois dernier, notre mor-ceau préféré à tous les deux. À voir : la vidéo de l’album Stop Making Sense. Cette chanson représente mes 10 ans passés à Londres.

Brigitte FontaineComme à la radio

Ce fabuleux morceau au goût avant-gardiste aura valu à Brigitte Fontaine le grand prix du disque de l’académie Charles Cros en 1970. Merci à Ricardo Villalobos de me faire decou-vrir la musique francaise !

Sun Ra Sleeping Beauty

Voila un magnifique album assez lounge du mystique et génial Sun Ra, à écouter à la mai-son sans modération.

Ricardo Villalobos Quizas

En parlant de ce dernier, difficile de choisir un seul morceau de ce surdoué de la musique électronique, mais 11 ans plus tard celui-ci reste indémodable. Il a repris les paroles d’une chanson du compositeur cubain Osvaldo Farres « quizas, quizas, quizas » qui fut un hit en 1949.

Burnt Friedman & Jacki Leibzeit Secret Rythms 1 to 5

Je vous laisse choisir parmi ces 5 albums du même nom celui qui vous plaira le plus. Je les aime tous les uns autant que les autres. Per-cussions minimales de l’ex-batteur du groupe Can et synthé de Jacki Leibzeit pour un rendu sophistiqué et une esthétique unique.

Gemini At That Cafe

Un de mes plus grands classiques d’after de ce producteur ultra prolifique.

Funkadelic Maggot Brain

12 mins de guitare absolument sensation-nelles, d’une grande émotion.

Black MerdaWindsong

Ne pas se fier au nom de ce groupe de rock de Detroit des années 70, qui nous livre ici un superbe morceau de rock psychédélique.

Fazil Say BlackEarth

Ce morceau est une prodigieuse performance qui vaut la peine d’être vue en vidéo.

Pole Pferd (Melchior Production Zodiac Mix)

Une magnifique production de Melchior, deep, minimale et classy qui me rappelle mes débuts dans la musique électronique.

Hombre OjoLa Musica

Les débuts de mon label préféré Perlon, un track deep et acoustique que j’affectionne tout particulièrement.

Merveille & Crosson feat. Arthur SPending

Une collaboration avec Ryan Crosson et Arthur Simonini au piano aux influences de Chick Corea.

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Y’A QUOI AU CINÉ ?

LE BILAN

2014

T/ PIERIG LERAYCINÉMA

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1 mois, 4 films, 4 avis. Le problème ? On ne les a pas vus ! Tops, flops et heure de vérité pour nos prévisions hautement subjectives, souvent brillantes, parfois réac’, toujours de mauvaise foi.

On a vu (carrément) juste Annoncé comme un four indigeste avant Cannes, The Search est bien la daube vomi-tive de l’année, nous pouvons annoncer avec prétention les foirades imaginées et bien réa-lisées (Lucy, Palo Alto, Transcendance, Res-pire, Samba, bon trop facile...), la réussite à court terme loin d’être évidente de Mommy (car soyons clairs, ça trotte dans la tête 2 jours et ça passe), et un obscur Mange tes morts qui retourne le ventre.

On s’est (un peu ) plantés Parler de Under the Skin comme d’un SF idiot et vide de sens fût une belle boulette ; percu-tant, dérangeant, et d’un minimalisme saisis-sant. Trasher même avec douceur le Gone Girl de Fincher était exagéré et immérité, viandage croisé entre le dérapage annoncé d’Adieu au langage de Godard qui finalement est l’une des plus belles réussites de l’année (même si Pasolini l’a déjà fait et ce 30 ans avant et sans la 3D), et Maps to the stars dont la réussite est bien plus relative qu’escomptée et finalement à la limite de la cagade.

Place aux récompenses !

Le (vrai) film de l’année Still the water de N. Kawase

La pire daube de l’annéeThe Search de M. Hazanavicius

Pire acteur 2014Tahar Rahim dans Le père Noël et Samba

Meilleure espoir, mais putain qu’elle gère bien sa carrière

Giulia Salerno dans L’incomprise de A. Argento

Top 3 des films qu’ils faut avoir vu pour ne pas passer pour un inculte dans une discussion sérieuse

Timbuktu de A. Sissako, Eau argentée de W. S. Bedirxan et U. Muhammad, Le Paradis de A. Cavalier

Top 3 des films irregardables, sauf malade sous une couette en streaming

La planète des singes l’affrontement, Hun-ger games la révolte, Edge of Tomorrow

Le film first-date réussi Her de Jonze et Mommy de Dolan

La B.O. la plus prétentieusement réussieWrong cops de Q. Dupieux

Le film pour parigot, par des parigots, encen-sés par des enfants de parigots payés par une industrie d’uber-bobos à claquer

Eden de M. Hansen-LoveLe film pour lequel on est vachement motivé mais quand on voit sa durée, on renonce pour aller voir un autre film aussi long mais bon, faut bien trouver une excuse

Winter Sleep de N.B. CeylanLe documentaire de la vraie vie de l’année

Le sel de la terre de W. WendersLe pire film d’anticipation de l’année, avec un sex symbol en pixels et des acteurs de séries minables

Transcendance de W. PfisterLe film qui balance tout dans sa bande-annonce donc plus aucun intérêt d’aller le voir

Exodus de R. Scott

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MUSIQUE

ZALTANL’ANTI-DOTE

T/ MPK P/ IRWIN BARBÉ & CHECK MORRIS

Digger reconnu, Dj supra créatif, co-fondateur du label Antinote (premier label français a avoir été nommé label du mois par Resident Advisor en mai 2013), Zaltan est devenu en quelques

années l’une des coqueluches de la sphère hypo-underground parisienne. On a rencontré ce passionné aux goûts aussi pointus qu’ouverts.

Zaltan, quel a été l’acte fondateur du label Antinote ?

C’est ma rencontre avec Gwen Jamois aka Iueke. Je l’ai rencontré dans un cercle familial au moment où il jouait pour Black Devil Disco Club. En papotant un peu avec lui, j’ai compris qu’il avait fait beaucoup de techno fin 80 début 90 et qu’il avait une boîte à chaussures blindée de cassettes de l’époque. Je l’ai tanné un

peu et il a fini par me faire tourner une tape qui m’a direct sauté aux oreilles. Ce truc, je me suis dit qu’il fallait abso-lument le sortir. Cette cassette digitali-sée et gravée sur vinyle a été la première release du label. Donc voilà, on a lancé le label autour de ce projet d’archive. C’était ça la motivation : faire en sorte que les archives de Iueke voient le jour parce que ça faisait quand même 25 ans qu’elles étaient dans un placard.

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J’AIME QUAND LA MUSIQUE

EST MÉTISSÉE, SPONTANÉE

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Cette édition d’une vieille cassette oubliée de techno n’a pas été un acte isolé. Comment as-tu voulu t’inscrire dans la continuité ?

Après cette release, Tsugi est venu nous voir et on a fait une interview. Claire-ment, ce qui ressortait, c’est qu’on allait faire que des éditions de vieux trucs unreleased en house et techno. On voulait suivre le même schéma que le label Minimal Wave en fait, où Vero-nica Vasicka sort que des tapes de synth wave/cold wave des eighties mais en version techno. Sauf que 2 mois après, j’ai mon pote Antoine Kogut du groupe Syracuse qui m’a appelé, je suis passé chez lui, il m’a fait écouter des débuts de démo et j’ai décidé de sortir sa musique sur le label. À partir de ce moment-là, j’ai lâché l’idée d’archives et je me suis recentré sur mon réseau de potes.

Au sens large, quelle est ta concep-tion de la musique ? Et plus parti-culièrement, celle de ton label ?

Moi, je collectionne les disques depuis assez longtemps. Le délire, c’est de ne pas avoir de barrière : j’ai des disques de reggae, d’afro, d’ambient, de techno, d’italo, des trucs sérieux ou complète-ment déconne, classes ou pas classes, mélodiques ou non... Le mot d’ordre, c’est surtout de ne pas avoir de frontière et de favoriser le mélange des genres. Ce que j’aime, c’est un reggae où il y a du vocoder et une ligne de basse acide, ou bien quand c’est des punks qui font de la funk... J’aime quand la musique est métissée, spontanée. C’est quelque chose que j’essaye de faire ressortir sur Antinote.

Qu’est-ce que t’entends par « spontanée » ? Une première intention ? Une fraîcheur ?

Exactement. Et je me mets en danger là-dessus. Je ne signe que des artistes inconnus, je travaille donc sur un déve-loppement. Forcément, le type qui n’a rien sorti avant, il donne tout, c’est le moment où il est le plus frais, il ne se pose pas de question. J’ai aussi brouillé les pistes très vite parce que la première release de Iueke était une techno super frontale et Syracuse, la seconde sortie, était hyper mélo, laid-back, vacances, psyché avec des notes de bossa. On a pas mal déstabilisé notre auditoire.

Ta « famille » musicale à Paris, ton réseau ?

Quand je suis arrivé à Paris à 18 ans, j’ai de suite monté un duo de Dj’s avec Raphaël Top Secret. On s’habillait en fluo avec des vestes de ski débiles, on était en petit couple et on passait des skeuds d’italo, d’acid house, et un peu de new-wave post punk. La première personne qu’on a rencontrée, c’est Patrick Vidal. Il est venu nous écouter et il a vachement parlé de nous autour de lui. La deuxième rencontre, c’est Darshan Jesrani de Metro Area. Quand il est venu à Paris, on a passé toute la journée avec lui. Le soir, il n’est pas allé au resto avec son promo-teur, il est resté chez nous à écouter des disques. Et quand on est arrivés au gig, son promoteur s’est dit : «Pourquoi Dar-shan a préféré rester avec ces deux petits gars plutôt que de bouffer avec nous ? » Du coup, il s’est intéressé à nous, il nous a fait faire un warm-up à une de ces teufs quelques semaines après et c’est là qu’on a croisé Gilb’r. Apparemment, on lui a mis une bonne claque parce qu’il nous a

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ensuite invités au Versatile Music Box au Nouveau Casino : Joakim faisait le warm-up et nous, on assurait le Big Time. Ça a donc commencé comme ça. J’ai ensuite pas mal fréquenté la sphère Versatile. Après, j’ai fait la connaissance de Cosmo Vitelli pendant la grande époque de la Flèche d’Or. Ça a clairement été l’une de mes meilleures expérience de Dj. Et puis il y a aussi la famille Antinote, car on traîne tout le temps ensemble.

Si tu devais voir un psy pour lui expliquer ton fétichisme du disque, tu lui dirais quoi ?

On peut parler des casseroles que tu traînes durant ta vie, des trucs hyper lourds qui te sont arrivés, etc., et j’ai comme l’impression que ta collection de disques vient matérialiser tous ces moments. Elle est un double matériel de ta folie, de tes angoisses, de tes peurs, de tes joies...

Tu vois ta collection de skeuds comme un journal intime ?

Grave. Tes disques racontent ta vie. Et il n’y a pas forcément que les disques en eux-mêmes, mais il y a aussi leur états, la manière dont tu les conserves. Il y a des disques qui sont tout clean alors que tu les a écoutés des milliards de fois, d’autres qui sont déglingués alors que tu les a peu utilisés... Ça porte réellement les marques de ta vie...

Le digging est-il un snobisme ?

Non, c’est une discipline comme une autre. Bon, j’ai l’impression qu’il y a maintenant une petite mode par rapport à ça. Il y a énormément de vide-greniers un peu partout et c’est vrai que tu vois

de plus en plus de gens qui cherchent des disques. En tout cas, si ces objets peuvent avoir une seconde vie, tant mieux. Non, je ne vois vraiment pas ça comme un snobisme.

Tu es aussi connu pour être un Dj singulier et hors-pair. Ta ligne édito pour un bon mix ?

J’aime bien laisser les morceaux assez longtemps. Le premier truc quand t’es Dj, ce n’est pas d’avoir des platines ou de savoir mixer, c’est d’avoir des bons disques. Il y a une époque, je laissais les disques très peu de temps, maintenant, je me concentre sur ma sélection afin de faire respirer les morceaux. Il faut vrai-ment avoir une entière possession et un contrôle maximum de sa sélection. Si tu mets tel ou tel disque, c’est parce que tu l’as senti, je préfère fonctionner au fee-ling immédiat… Ça passe par un mix tou-jours en adéquation entre deux disques. Par exemple, je ne superpose jamais 2 lignes de basse, sinon, on ne comprend plus rien. Idem pour les nappes, sauf si elles se répondent. Clairement, ça passe par un mix dans les breaks, c’est-à-dire les moments moins intenses, plus épu-rés. On est donc sur des calages assez courts. Je vais rarement faire des grosses montées d’une minute ou deux avec des disques qui tournent ensemble. Ça peut arriver parce que j’ai aussi des Dj’s tools, mais ces derniers ne constituent que 5% de mon sac. Je considère vraiment un mix de house ou de techno comme un mix de funk ou de disco.

Ta technique contre la gueule de bois ?

Faire dodo. Ensuite manger léger. Boire de la Badoit citron. Et faire l’amour.

ANTIN

OTE.N

ET

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— Le 31 janvier au Batofar avec Syracuse Live, Iueke Live,

D.K. DJ Set & Nico Motte DJ Set

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HO

USEO

FMO

DA

P/ VALENTIN FABRES/ RENO T/ CRAME

LOOKS DE NUIT

A : Mariska côté pile est régulièrement collée pour excès de make-up aguicheur, mais rien ne l’atteint du moment qu’elle conserve sa domination sur le clan des jupette tartan.B : Mariska côté face est connue des com-merçants du centre-ville pour chaparder tout ce qui est noir. Elle a le diable en elle jusqu’au bout de ses cheveux fourchus.

C : Léo-Paul côté pile n’a pas encore mué que déjà tout est vain, sombre et douloureux. Les clous ici ou là sont ses stigmates.D : Léo-Paul côté face passe des heures au téléphone avec ses « best friends for ever », que des filles. Ses looks retroussés sont pop comme un clip de Wham!, pétillants comme un soda de chez Tang Frères.

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A

B

C

D

House Of Moda dans l’âge ingrat — Le 31 janvier à minuit à la Java houseofmoda.tumblr.com

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LEGROG

T/ ROGER DE LILLE P/ JACOB KHRIST

COCKTAIL

Médicament contre le rhume et le scor-but aussi réconfortant qu’un chocolat chaud face à la cheminée en hiver.

Edward ‘Old Grog’ Vernon était un amiral anglais surnommé ainsi à cause de sa veste en grogram, un mélange de laine et de soie dont il ne se séparait jamais. Mais Edward était aussi un peu rapiat, et pour faire en sorte que ses équipages picolent moins, il eut l’idée en 1740 de rajouter un litre d’eau chaude à chaque quart de litre de rhum que l’on distribuait à ses marins. Les premiers à trinquer furent d’abord ses troupes, puis il fut suivi dans toute la Royal Navy. À ce mélange fut adjoint du jus de citron en raison de ses propriétés contre le scorbut. On nomma ce mélange « grog » en référence au surnom de l’amiral.

Aussi, pour préparer cette belle boisson et devenir ainsi un vrai loup de mer, versez quatre centilitres de rhum dans une chope. Certains vous diront blanc, d’autres ambré. Pressez un demi citron jaune, complétez avec l’eau bouil-lante, sucrez avec du sucre liquide ou du miel, décorez votre breuvage d’une belle rondelle de citron qui avec le temps aura pris le temps d’in-fuser, buvez quand vous ne vous brûlerez plus. La bonne proportion c’est un quart de rhum trois quarts d’eau. S’il n’y a pas de chope dans votre bar, prenez une tasse. Niveau variantes, c’est assez sportif et ça se divise en deux camps : le camp des épices et le camp des liquides.

On peut remplacer l’eau par du lait chaud, auquel cas l’utilisation de miel est propice. On peut épicer au clou de girofle, à la cannelle, à la vanille, remplacer le rhum – sans compter le fait qu’on n’est pas tous d’accord sur celui à utiliser au départ entre ambré, blanc, agri-cole, épicé et tous ceux qui s’ensuivent – par du cognac, du whisky, du calvados ou du cidre, certains rajouteront un trait de triple sec, et il existe même une variante avec un trait de crème de vanille. On peut aussi en faire sans alcool, mais ça s’appellera une infusion : une tisane ou encore un thé.

Comme d’habitude les enfants, les variantes c’est chic mais ça se maîtrise, que j’en attrape pas un me faire un plan cidre - lait fraise - je-ne-sais-quoi - clou de girofle.

Recette phare de l’hiver au même titre que le vin chaud, remède de grand-mère luttant effi-cacement contre les symptômes du rhume – comme la codéine : ça ne soigne pas mais ça soulage – le grog sera le cocktail de vos rêves quand il neigera dehors. Dégustez-le de préfé-rence en robe de chambre - oui, même dans les bars – dans un vrai fauteuil. C’est réconfortant comme un chocolat chaud ou l’amour d’une mère.

Merci au Scandale de nous avoir prêté le bar pour la photo du Moscow Mule le mois dernier et au Pigalle Country Club pour la photo de ce mois-ci.

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BURRITO

BOB L’ÉPONGE

T/ P/ AGATHE SUAREZCASSE-DALLE

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Santa Monica , Noël. Il fait 20 degrés. Les gens sont heureux, healthy et contents de vous rencontrer.

J’ai rejoint des copains à Venice qui surfaient. On se jette deux trois Buds, 4-5 Margarita.Ils connaissent ma passion pour les couchers de soleil. On se refait une mise en pli vite fait, on s’extirpe de cet Happy hour perpétuel, sur fond de salsa, direction le Casa del mar, the place to be.

Chic, cosy, raffiné.

Le plus beau lounge sur la seashore.

Vue imprenable. Les lumières du coucher de soleil sur le Pacifique sont fabuleuses.

Un bloody Mary, quelques Mint Julep et encore quelques Margarita.

Il est minuit. Je ne tenterais pas la grande roue de Pacific Park, pas plus que le karaoké mexi-cain où ils veulent me traîner.

Un Deli (épicerie fine, ndlr) d’ouvert sur mon chemin du retour. Un can de haricots noir, du guacamole et des tortillas pour vous présenter le Burrito Bob l’éponge.

INGRÉDIENTS

— 1 blanc de poulet grillé— 1 boîte de haricots noirs— 1 verre à moutarde de riz complet— Du cheddar râpé— Guacamole— 1 grande tortilla— Des tortilla chips— Piments oignons tomates coriandre

PRÉPARATION

Faire cuire le riz, réchauffer les haricots, saler poivrer mélanger avec le cheddar râpé.

Rouler dans la première moitié du Burrito. Laisser réchauffer dans une poêle ou au four quelques minutes pour faire dorer la tortilla.

Dans la seconde moitié de tortilla, disposer le poulet le guacamole et les tomates roulées.

Pour la sauce, écraser quelques haricots noirs tomates et oignons. Ajouter du piment du vinaigre blanc et du sel.

Déguster avec des tortilla chips et un Mint Julep glacé.

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LES NUITS DE JACOB KHRISTNIGHTPIX

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BLANK LIFE AND DEATH À LA CITÉ DE LA MODE ET DU DESIGN

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VENDREDI 2 JANVIER —

23h30 La Machine 12/17€Fuck New Year’s Eve w/ Adam X, Silent Servant & Abstract Division23h Concorde Atlantique 8/12€

PPG 01 w/ Grego G, Psykoloco, Master Seb, Marwan Sabb, Jerome Pacman

SAMEDI 3 JANVIER —

23h30 Zig Zag 17/20€ We Want Dance w/ Richy Ahmed,

Russ Yallop, Phil Dark

VENDREDI 9 JANVIER —

00h Batofar 13/15 €Vertikal w/ Rrose live, As patria, Refund

23h30 La Machine 12/17€Encore x Mamie’s w/ Shed, Dasha Rush,

Bleak & La mamie’s

SAMEDI 10 JANVIER —

00h Rex Club 12/15€Get Underground w/ Conforce live,

Didier Allyne, Phil Weeks23h Point Ephémère Gratuit

10 ans du Point F w/ Sano, Dj Moulinex

JEUDI 15 JANVIER —

00h Rex Club 6/8 €Les disques de la mort w/ Ivan Smashe,

Michael Mayer

VENDREDI 16 JANVIER —

20h Concrète 15 €Margaret Digas All Night Long

23h Glazart 7€ après 1h Container x Glazart #2 w/ Dims, NTOGN,

Le Parlement, Illnurse

SAMEDI 17 JANVIER —

00h Batofar 13/15€Classic as Fuck w/ Kobosil,

Lewis Fautzi, Doubleffe

JEUDI 22 JANVIER —

00h Rex Club 12/15€Hold Youth Residency

w/ Seuil & Le Loup, The Mole Live

VENDREDI 23 JANVIER —

23h Electric 22/25€Moodyman & Kenny Dope

All Night Long

DIMANCHE 25 JANVIER —

7h Concrete 20€Four Tet, Floating Points,

Jeremy Underground Paris, S3A, La Mamie’s

VENDREDI 30 JANVIER —

00h Batofar 10/14€La Fête Triste w/

Das Ding, Femminielli, Moyö00h La Gaîté Lyrique 16/20€

Scratch Massive, Optimo, The Hacker

23h Electric 18/20€Bloc #11 w/ Luke Slater, Lucy,

Talismann, Anetha

SAMEDI 31 JANVIER —

23h Espace Pierre Cardin 25€ Haiko #13 w/ Âme Live,

David August Live

JANVIER 2015AGENDA

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TOUS LES CHEMINS MÈNENT AU BONBON !

le Bonbon.fr

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