L’Anesthésie-Réanimation en France : des origines à 1965

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 6 515 l’évaluation était effectuée à partir du niveau inguinal, sur la ligne mamelonnaire, de bas en haut, d’abord avec le Neurotip ® (touche et pique), à gauche puis à droite, puis avec l’éthyl chlo- ride (touche et froid). Le niveau supérieur correspondait au métamère situé juste en dessous du premier métamère où la sensation était perçue. Aucune différence n’a été retrouvée entre les valeurs médianes de tous les paramètres d’un côté par rapport à l’autre. Autrement dit, l’extension du bloc était comparable des deux côtés. Les niveaux supérieurs déterminés pour le toucher à l’aide du Neurotip ® et de l’éthyl chloride étaient également comparables (autour de D4-D5) et situés plus bas que les niveaux déterminés par le froid (médiane autour de D2) et la piqûre (autour de D3). La différence de niveau entre la piqûre et le toucher par Neurotip ® dépassait trois derma- tomes pour 24 % des patientes et quatre dermatomes pour 9 % d’entre elles. La différence entre le froid et le toucher par l’éthyl chloride était de plus de trois dermatomes pour 34 % des patientes et de quatre dermatomes pour 18 % d’entre elles. Quatre patientes ont ressenti une douleur lors de l’intervention, trois avaient un niveau à la piqûre ou froid à D4, une à D5, et toutes les quatre avaient un niveau au toucher inférieur à D6. Cette étude clarifie les contradictions apparentes des études précédentes : il existe une différence médiane de deux métamères entre le niveau du bloc sensitif évalué au toucher par rapport au froid ou à la piqûre mais, chez un individu donné, il est impossible de prédire le niveau du bloc « au toucher » à partir du bloc « au froid » ou « à la piqûre ». Autrement dit, si l’on considère que la techni- que de référence est l’évaluation du bloc par le toucher, il existe avec les autres techniques un biais de 2 métamères surestimant l’extension du bloc, mais l’imprécision est de l’ordre de 3 métamères. Les auteurs recommandent donc d’évaluer l’extension du bloc par le toucher et d’obtenir un niveau D6 avec cette modalité pour garantir l’absence de douleur peropératoire. Andréa PASSARD Hôpital Saint-Antoine, Paris. L’Anesthésie-Réanimation en France : des ori- gines à 1965 Marie-Thérèse Cousin, éditions l’Harmattan 2005 (2 tomes, 689 pages, 63 E). Ce livre en 2 tomes (1 pour l’anesthésie, 1 pour la réanima- tion) retrace les conditions dans lesquelles la spécialité d’Anesthésie-Réanimation s’est développée en France. Il s’agit non pas d’un simple catalogue chronologique émaillé d’histoires de chasse et d’anecdotes pittoresques, mais « d’une histoire de la formation, de la déformation et de la rectification des concepts » (G. Canguilem). Cette approche souligne les origines de difficultés ou de débats toujours actuels, du faible investissement dans la recherche dont se plaint Claude Bernard, au dynamisme allemand puis améri- cain et au retard français jusque dans les années 1970, en passant par les relations avec le corps des chirurgiens bien sûr et la place des auxiliaires puis infirmiers anesthésistes. Chaque classe d’agents anesthésiques est abordée tour à tour, ce qui donne un développement à peu près chronolo- gique. Des intermèdes bienvenus rappellent entre ces cha- pitres la toile de fond historique, sociale et économique des découvertes et des applications médicales décrites. La prise en charge de la douleur et l’anesthésie obstétricale et pédia- trique sont traitées à part en tant que telles ; ainsi, la lecture des dialogues entre les Professeurs Lassner, Vour’ch et Kern soulignent, loin de toute caricature, l’importance des débats dans la communauté anesthésique elle-même. La « réanimation » des noyés et le maintien en survie des animaux de laboratoire ont permis l’avènement de la réani- mation moderne dont la date de naissance est précise et déterminée par la ventilation d’une jeune fille décédant de poliomyélite le 27 août 1952 par B Ibsen, anesthésiste convaincu que les patients de cette terrible épidémie danoise mouraient d’acidose respiratoire. Le rôle que la transfusion à joué dans la conception de la réanimation et le développement de la réanimation extra- hospitalière est également décrit en détail. Deux chapitres sont consacrés aux progrès techniques des matériels et appareillages qui ont accompagné les progrès scientifiques. La lecture du chapitre consacré à l’émergence des premiers professionnels du milieu du XX e siècle, souvent résistants, évadés, exilés, ayant acquis par nécessité une expérience anglo-américaine, est émouvante ; l’histoire des syndicats et sociétés savantes et de l’élaboration du statut hospitalier clôt l’ouvrage. Au total, cet ouvrage est très intéressant ; on peut regretter la qualité médiocre de l’impression qui altère la lisibilité des nombreuses illustrations et reproductions de documents d’époque : éditeurs, encore un effort… Catherine SPIELVOGEL Hôpital S t -Antoine, Paris.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 6 515l’évaluation était effectuée à partir du niveau inguinal, sur laligne mamelonnaire, de bas en haut, d’abord avec le Neurotip®

(touche et pique), à gauche puis à droite, puis avec l’éthyl chlo-ride (touche et froid). Le niveau supérieur correspondait aumétamère situé juste en dessous du premier métamère où lasensation était perçue. Aucune différence n’a été retrouvéeentre les valeurs médianes de tous les paramètres d’un côté parrapport à l’autre. Autrement dit, l’extension du bloc étaitcomparable des deux côtés. Les niveaux supérieurs déterminéspour le toucher à l’aide du Neurotip® et de l’éthyl chlorideétaient également comparables (autour de D4-D5) et situés plusbas que les niveaux déterminés par le froid (médiane autour deD2) et la piqûre (autour de D3). La différence de niveau entrela piqûre et le toucher par Neurotip® dépassait trois derma-tomes pour 24 % des patientes et quatre dermatomes pour 9 %d’entre elles. La différence entre le froid et le toucher par l’éthylchloride était de plus de trois dermatomes pour 34 % despatientes et de quatre dermatomes pour 18 % d’entre elles.Quatre patientes ont ressenti une douleur lors de l’intervention,trois avaient un niveau à la piqûre ou froid à D4, une à D5, ettoutes les quatre avaient un niveau au toucher inférieur à D6.Cette étude clarifie les contradictions apparentes desétudes précédentes : il existe une différence médiane dedeux métamères entre le niveau du bloc sensitif évalué autoucher par rapport au froid ou à la piqûre mais, chez unindividu donné, il est impossible de prédire le niveau dubloc « au toucher » à partir du bloc « au froid » ou « àla piqûre ». Autrement dit, si l’on considère que la techni-que de référence est l’évaluation du bloc par le toucher, ilexiste avec les autres techniques un biais de 2 métamèressurestimant l’extension du bloc, mais l’imprécision est del’ordre de 3 métamères. Les auteurs recommandent doncd’évaluer l’extension du bloc par le toucher et d’obtenir unniveau D6 avec cette modalité pour garantir l’absence dedouleur peropératoire.

Andréa PASSARD

Hôpital Saint-Antoine, Paris.

L’Anesthésie-Réanimation en France : des ori-gines à 1965Marie-Thérèse Cousin, éditions l’Harmattan 2005 (2 tomes, 689 pages,63 E).Ce livre en 2 tomes (1 pour l’anesthésie, 1 pour la réanima-tion) retrace les conditions dans lesquelles la spécialitéd’Anesthésie-Réanimation s’est développée en France. Il

s’agit non pas d’un simple catalogue chronologique émailléd’histoires de chasse et d’anecdotes pittoresques, mais« d’une histoire de la formation, de la déformation et de larectification des concepts » (G. Canguilem). Cette approchesouligne les origines de difficultés ou de débats toujoursactuels, du faible investissement dans la recherche dont seplaint Claude Bernard, au dynamisme allemand puis améri-cain et au retard français jusque dans les années 1970, enpassant par les relations avec le corps des chirurgiens biensûr et la place des auxiliaires puis infirmiers anesthésistes.Chaque classe d’agents anesthésiques est abordée tour àtour, ce qui donne un développement à peu près chronolo-gique. Des intermèdes bienvenus rappellent entre ces cha-pitres la toile de fond historique, sociale et économique desdécouvertes et des applications médicales décrites. La priseen charge de la douleur et l’anesthésie obstétricale et pédia-trique sont traitées à part en tant que telles ; ainsi, la lecturedes dialogues entre les Professeurs Lassner, Vour’ch et Kernsoulignent, loin de toute caricature, l’importance desdébats dans la communauté anesthésique elle-même.La « réanimation » des noyés et le maintien en survie desanimaux de laboratoire ont permis l’avènement de la réani-mation moderne dont la date de naissance est précise etdéterminée par la ventilation d’une jeune fille décédant depoliomyélite le 27 août 1952 par B Ibsen, anesthésisteconvaincu que les patients de cette terrible épidémiedanoise mouraient d’acidose respiratoire.Le rôle que la transfusion à joué dans la conception de laréanimation et le développement de la réanimation extra-hospitalière est également décrit en détail.Deux chapitres sont consacrés aux progrès techniques desmatériels et appareillages qui ont accompagné les progrèsscientifiques.La lecture du chapitre consacré à l’émergence des premiersprofessionnels du milieu du XXe siècle, souvent résistants,évadés, exilés, ayant acquis par nécessité une expérienceanglo-américaine, est émouvante ; l’histoire des syndicats etsociétés savantes et de l’élaboration du statut hospitalier clôtl’ouvrage.Au total, cet ouvrage est très intéressant ; on peut regretterla qualité médiocre de l’impression qui altère la lisibilité desnombreuses illustrations et reproductions de documentsd’époque : éditeurs, encore un effort…

Catherine SPIELVOGEL

Hôpital St-Antoine, Paris.