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Janvier 2015 Lait : opportunités et stratégies gagnantes Marie-Cécile HéNARD-DAMAVE

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Janvier 2015

Lait : opportunités et stratégies gagnantes

Marie-Cécile Hénard-daMave

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Le monde du lait a changé et la filière française a de nombreux atouts pour saisir les opportunités actuelles. Nous sommes passés d’un système administré, protégé par divers outils de régulation de la Politique Agricole Commune, à un système économique. Le moteur n’est plus l’offre nationale ou européenne, mais les demandes française et européenne d’abord, (les plus élevées de la planète) et celle des pays émergents en forte croissance. Notre industrie laitière, qui se porte bien et occupe le deuxième rang des industries agro-alimentaires françaises en terme de chiffre d’affaires, est déjà exportatrice nette ; elle est surtout orientée vers l’Union européenne (UE). La filière laitière française a les capacités de répondre aux besoins des pays émergents, en ajustant son offre à leur demande, en s’appuyant sur la diversité et le dynamisme de nos territoires. C’est en allant chercher ces sources de croissance que nous pourrons continuer à dynamiser et rendre plus compétitifs les outils de production et de transformation de nos régions françaises. Saisissons cette chance !

Cette note est issue du groupe de travail mis en place par saf agr’iDées sur le thème “La production laitière : peut-on concilier économie et territoires ?” qui a auditionné de nombreux acteurs de la filière laitière tout au long de l’année 2014. Elle contient notamment 11 propositions de notre think tank réunies à la fin de ce document.

Résumé

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Résumé ....................................................................................................... 3

Introduction ............................................................................................... 5

Des choix de politique laitière en évolution ................................... 6

Politique laitière : avant, pendant et après les quotas ............. 6

Politique laitière française : la primeur aux territoires ........... 6

maintenir la force des territoires .................................................... 8

Transformation laitière : stratégies de fabrication et opportunités à l’export ..................................................................... 12

s’appuyer sur une industrie solide .............................................. 12

Tirer profit d’une consommation intérieure structurellement élevée ................................................................. 13

Gérer la volatilité des prix : outils d’intelligence économique et marchés à terme .................................................. 13

Développer les exportations vers les pays émergents .......... 16

Production laitière : pour une meilleure compétitivité économique des exploitations ........................................................... 20

Tirer profit de l’ancrage territorial des élevages ..................... 20

s’agrandir et prendre une main d’œuvre salariée ................... 20

Renforcer le pouvoir de marché des producteurs : prix du lait différencié et contrats ................................................ 21

Raisonner le prix de l’aliment ....................................................... 24

utiliser les différentes technologies disponibles .................... 26

Conclusion ............................................................................................... 28

Les 11 propositions de saf agr’iDées ............................................... 30

sommaIRe

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INTRoDuCTIoN

La force principale de la France laitière est sa taille : elle est le deuxième pays producteur et transformateur de lait dans la région du monde qui est leader en production et en consommation à l’échelle mondiale : l’Union européenne (Ue). notre industrie laitière est une des pépites de notre agro-alimentaire, représentant plus de 27 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 3,6 milliards d’euros d’excédent commercial en 2013. Sa structure est une pyramide très aplatie, avec à sa pointe quelques grands groupes de rayonnement international, et à sa base de très nombreuses PMe et un socle de 70 000 éleveurs répartis sur l’ensemble du territoire. La collecte et la transformation laitière se répartissent entre deux types d’unités : les coopératives, qui collectent plus de la moitié du lait, mais dont la transformation n’équivaut qu’à 1/3 du chiffre d’affaires total, et les entreprises privées.

Contrairement à d’autres matières premières agricoles, le lait est une denrée périssable, non stockable, difficile à transporter, qui doit être transformée en flux continu, quels que soient les niveaux des facteurs extérieurs (économiques, logistiques, réglementaires…). La transformation laitière est sous l’influence de deux marchés distincts. d’une part, celui des produits de grande consommation (PGC) dont la valeur ajoutée et les prix sont élevés, à destination du marché intérieur et de l’Ue, dont la demande est élevée mais stable. d’autre part, les produits industriels (PI), qui sont essentiellement des ingrédients alimentaires, aux prix unitaires plus bas, davantage tournés vers le marché mondial et en particulier les pays émergents, dont la demande est en pleine expansion. aujourd’hui, environ 70 % de la collecte laitière française est transformée en PGC, et 30 % en PI. Les évolutions actuelles des marchés et des politiques publiques vont-elles faire évoluer ces proportions ?

Une spécificité du lait est sa teneur en deux éléments différents : la matière protéique et la matière grasse. Si le lait contient à peu près toujours les mêmes taux de chacun de ces deux éléments, ils entrent à parts très variables dans les produits finis. résoudre l’équation laitière n’est donc jamais aisé, car les tendances de chacun de ces deux marchés ne sont pas toujours orientées de la même façon. On peut faire le parallèle avec les graines oléagineuses, leurs produits de transformation et leurs marchés respectifs.

Face à des contraintes structurelles importantes au niveau des exploitations (charge de travail, investissements élevés en équipements), la politique laitière européenne a été historiquement protectrice pour les producteurs et le marché intérieur, isolant le secteur laitier européen du marché mondial. Cependant, depuis 1999, les outils de gestion de marché ont été allégés voire démantelés peu à peu, jusqu’à la sortie des quotas de production en avril 2015. Parallèlement, les politiques en France ont utilisé cette filière comme un outil d’aménagement territorial, encourageant la production dans toutes les régions, même les moins productives.

Il n’est jamais simple de changer ses habitudes : passer d’un système en flux poussés, où la “paie de lait” était assurée, à un système en flux tirés, guidé par les lois du marché, n’est pas évident, et chaque maillon de la filière s’interroge sur sa stratégie propre pour atteindre ses objectifs. La crise laitière de 2008/2009, qui a vu les cours s’effondrer après s’être envolés en 2007/2008, est dans tous les esprits. Il existe toute une panoplie de leviers pour des stratégies gagnantes afin de relever les défis actuels. Le premier est d’avoir pleine conscience de nos atouts collectifs et individuels pour surmonter les craintes des impacts des aléas du marché, et en particulier de la volatilité des prix.

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Des ChoIx De PoLITIqueLaITIèRe eN évoLuTIoN

Politique laitière : avant, pendant et après les quotas

L’Organisation Commune de Marché (OCM) lait a été créée en 1968, intégrée dans la politique productiviste de l’après-guerre, qui s’est avérée très efficace, générant les excédents que l’on sait dans les années 1980. d’où la mise en place des quotas de production en 1984. La politique laitière reposait sur un dispositif de gestion du marché, avec des prix administrés : régulation de l’offre avec les quotas, stockage public des excédents (intervention), aides aux exportations (restitutions) et à la consommation. Ce système était favorable aux producteurs, mais déconnectait la production laitière européenne des marchés mondiaux : le prix payé aux producteurs était deux fois plus élevé en europe que le prix mondial.

en 1999, la PaC a réduit les niveaux de soutien du marché intérieur (baisse du niveau de l’intervention), compensée par l’aide directe laitière (adL). en 2003, les prix d’intervention sont à nouveau diminués, la fin des quotas est décidée et l’aide unique est découplée des productions et des prix (les droits à paiements uniques ou dPU).

Le bilan de Santé de la PaC de 2008 anticipe la fin des quotas laitiers en accordant une augmentation de quota de 1 % par an à partir de la campagne 2009/2010 et jusqu’à 2014/2015, dernière campagne sous quotas1, pour un “atterrissage en douceur” (ou “soft landing”).

après avoir atteint des sommets en 2007/2008, et pas seulement en europe, dans un contexte de démantèlement des outils européens de

gestion de marché, le prix du lait s’effondre en 2008/2009 : c’est une crise laitière mondiale. Un “paquet lait” est finalement adopté en 2012 par les autorités européennes, favorisant la contractualisation entre organisations de producteurs (OP) et collecteurs de lait.

La PaC de 2013 appliquant le principe de subsidiarité, les états-membres font des choix différents, en particulier pour le niveau de recouplage des aides directes. Le démantèlement progressif des différents outils de gestion de marchés depuis 1999 a connecté la production et la transformation européenne avec les marchés mondiaux. On est passé d’une économie administrée à une économie essentiellement liée aux marchés.

Politique laitière française : la primeur aux territoires

application du système des quotas laitiers au sein du système européen des quotas de production, la France a fait le choix des territoires, en morcelant les outils de production et de transformation2 afin que l’ensemble du territoire national soit couvert par la production et la transformation laitière. Contrairement aux autres pays européens, en France les quotas laitiers ne peuvent être vendus entre producteurs de lait et les transferts de quotas ne se font qu’à l’occasion de transferts fonciers. Cela a favorisé l’émergence d’élevages, coopératives et entreprises de transformation laitière de taille moyenne, généralement inférieure à ceux des principaux autres pays européens producteurs laitiers. de plus, la localisation de la production a peu évolué comparativement à d’autres états-membres européens3.

1 Rapportd’informationduSénataunomdelacommissiondesAffaireseuropéennessurleprixdulaitdanslesEtatsmembresdel’Unioneuropéenne,2008/2009:http://www.senat.fr/rap/r08-481/r08-4811.pdf

2 http://www2.dijon.inra.fr/cesaer/fichiers/pagesperso/trouve/Tome%203.pdf3 VincentChatellier,BaptisteLelyon,ChristophePerrot,GérardYou(2014),Trajectoiresdusecteurlaitierfrançaisàlaveilled

elasuppressiondesquotas,JournéeNormandeVétérinaire.http://prodinra.inra.fr/record/272201

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Les pouvoirs publics ont contribué à freiner la production laitière nationale, cherchant à éviter avant tout les pénalités de dépassement. résultat, la France est en sous-réalisation chronique de son quota depuis de nombreuses années4 (figure 1) et jusqu’à cette dernière campagne laitière sous quota de 2014/2015. Certains états-membres, situés pour la plupart dans le nord de l’europe, ont choisi une autre voie, libérant leur production (en remplissant, voire en dépassant, leurs quotas) pour aller conquérir de nouveaux marchés de manière agressive, prenant ainsi une avance déterminante par rapport à leurs concurrents français sur les marchés à l’exportation. Il s’agit en particulier de répondre à la demande croissante des pays émergents, à laquelle répondent essentiellement les productions néo-zélandaise et américaine.

application de la PaC de 2013 – implications pour la filière laitièreLa France garde sa position de principal bénéficiaire des paiements directs5 sur la période 2014-2020, période d’application de la dernière réforme de la PaC. La convergence des aides, même si elle reste limitée en France à 70 % en 2019, semble pénaliser les élevages les plus intensifs. La sur-dotation aux premiers hectares et la création d’une prime couplée à la vache laitière atténuent les effets de cette convergence et devraient être favorables aux exploitations laitières de zones défavorisées, surtout en zones de montagnes, mais défavorables aux exploitations des zones de plaines 6 7.

La France a fait le choix d’un niveau de couplage important par rapport aux autres états-membres de l’Ue, notamment pour les producteurs laitiers, au bénéfice du lait

Source:FranceAgriMer

FIGUre 1-BILan de CaMPaGne en FranCe

4 FranceAgriMer(décembre2014).ÉvolutiondesstructuresdeproductionlaitièreenFrance–laitdevache.http://www.franceagrimer.fr/content/download/35368/323720/file/ETU-LAI-Évolution+des+structures+de+production+laitière+en+France.pdf?from=newsletter&date=13-12-2014&nl_edition=

5 VincentChatellier,INRA(2014).L’agriculturefrançaisefaceàlavolatilitédesprix,laPACetl’internationalisationdesmarchéshttp://www.bretagne.synagri.com/ca1/PJ.nsf/46b50bbadf2cf901c1256c2f0041b9a7/59938d78601f6e29c1257d9d00328128/$FILE/Defis-du-secteur-laitier-fran%C3%A7ais-%20Diaporama-session-CA29-21-11-2014.pdf

6 Institutdel’élevage(2014).UnePACcomplexeettransitoirehttp://idele.fr/recherche/publication/idelesolr/recommends/une-pac-complexe-et-transitoire-dossier-economie-n-448.html

7 VincentChatellier,INRA(2013).LeseffetsdistributifsdesdécisionsfrançaisesrelativesàlaPACport2015

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de montagne (aide couplée préexistante conservée) et du lait de vache (premier bénéficiaire du renforcement des aides couplées). Outre le choix national historique de l’aménagement du territoire par l’élevage, la décision d’une prime couplée plafonnée sur tous les troupeaux est la conséquence de la non remise en cause des soutiens historiques au moment du bilan de santé de la PaC et de la volonté de ne pas trop pénaliser les producteurs de lait suite à la convergence nationale des aides.

maintenir la force des territoires

La filière laitière rassemble 250 000 emplois répartis sur tout le territoire. C’est un acteur essentiel du tissu économique local. Le rôle des coopératives dans la répartition de la production laitière dans les régions, même les moins compétitives, est primordial. À l’échelle européenne, la France occupe une situation intermédiaire (figure 2) entre les états-membres de la partie nord et

continentale de l’Ue (essentiellement les pays exportateurs) où les coopératives dominent nettement la collecte laitière, et les états-membres du sud de l’Ue où dominent le secteur privé (part des exportations plus faible, mais importance des signes de qualité).

Les coopératives collectent plus de la moitié du lait produit en France (54 %). elles ont l’obligation de collecter, valoriser et rémunérer tout le lait produit par ses associés coopérateurs, alors que les volumes collectés par les transformateurs privés sont déterminés par contrat8. elles jouent donc un rôle très important pour maintenir un tissu économique dynamique dans les zones rurales. La plus grande coopérative laitière française est Sodiaal, qui avec 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 14 000 producteurs de lait répartis sur 71 départements français, est la 5e coopérative laitière mondiale et la 3e à l’échelle européenne.

8 Fédérationnationaledescoopérativeslaitières:http://www.fncl.coop/cooperatives-laitieres/quest-ce-qui-differencie-les-cooperatives-laitieres-des-autres-entreprises

Source:Fédérationnationaledescoopérativeslaitières(FNCL)

FIGUre 2-Part de La COLLeCte Par LeS COOPératIveS en 2009

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Les régions du Grand Ouest (Bretagne, nor-mandie, Pays de la Loire) appartiennent aux régions laitières les plus productives en europe (figure 3). elles totalisent à elles seules presque la moitié de la collecte française. On trouve ensuite les principales autres régions laitières (formant le “croissant laitier”) au

nord, à l’est et au centre, où se trouvent beau-coup de zones de montagne (figure 4).

Ce sont dans ces régions que se trouvent déjà les “dépasseurs” de quotas et que les variations de production sont les plus réactives aux évolutions de marché9.

FIGUre 3 -PrOdUCtIOn de LaIt de vaCHe danS LeS réGIOnS eUrOPéenneS en tOnneS Par kM2

Source:Eurostat

9 FranceAgriMer(décembre2014).ÉvolutiondesstructuresdeproductionlaitièreenFrance–Laitdevachehttp://www.franceagrimer.fr/content/download/35368/323720/file/ETU-LAI-Évolution+des+structures+de+production+laitière+en+France.pdf?from=newsletter&date=13-12-2014&nl_edition=

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Ces régions devraient intensifier leur production laitière avec la sortie des quotas10, au détriment de la production de viande bovine.

Le Grand Ouest a de nombreux atouts et en particulier, une météo favorable à l’herbe, une ambiance laitière bien présente et une industrie amont (fabricants d’aliments composés) et aval (laiteries, abattoirs) bien implantée. Ces régions ont une proximité des côtes atlantiques, où se situent des ports en eaux profondes, ce qui est idéal pour les importations d’aliments et pour les exportations de produits laitiers. en Bretagne, on observe que les cheptels bovins se spécialisent peu à peu en vaches

laitières aux dépends du nombre de vaches allaitantes.

des craintes de déprise laitière sont souvent formulées dans le cadre de la connexion aux marchés et des impératifs de compétitivité des acteurs de la filière. et effectivement, on constate une déprise dans les régions du Sud-Ouest, dont le troupeau laitier s’est divisé par deux depuis 30 ans. Les zones qui ne font pas partie des plus productives (surtout en montagne) devraient s’en sortir mieux en valorisant leur production laitière, notamment par des signes de qualité. Il existe 175 fromages, beurres et crèmes reconnus aOP dans l’Ue (figure 5), dont 50 aOP produites en France, pays leader en nombre d’aOP mais pas en volumes produits sous aOP : l’Italie détient le record. Les produits laitiers français sous indication géographique (aOP, IGP) pèsent près de 12 % du chiffre d’affaires des PGC des entreprises laitières françaises et sont produits par 20 000 éleveurs (soit presque un tiers des éleveurs laitiers). La répartition des producteurs de produits laitiers vendus sous signes de qualité montre la prépondérance des zones de montagne (figure 6).

dans les zones de montagne qui ne parviennent pas à très bien valoriser leur production laitière, l’élevage de veau de lait de 3 à 5 mois pourrait être développé. Il serait un atout en particulier dans les zones menacées par la déprise laitière, pour lesquelles aucune mesure spécifique de recouplage n’a été décidée.

Source:CNIEL

FIGUre 4-réPartItIOn deS PrOdUCteUrS de LaIt Par réGIOn en 2013

PRoPosITIoN 1 : développer les volumes de production française de produits sous aOP ou IGP, en particulier à l’exportation vers des pays dont une partie de la population possède un pouvoir d’achat élevé, permettrait d’accroître la valeur ajoutée de la filière laitière, d’augmenter les excédents commerciaux et de renforcer l’activité laitière dans les régions hors Grand Ouest.

PRoPosITIoN 2 : développer l’élevage du veau de lait dans les zones de montagne qui ont du mal à valoriser leur production laitière.

10 FranceAgriMer(décembre2014).Ladynamiquedestroupeauxlaitiersfrançaisàl’approchedelafindesquotashttp://www.franceagrimer.fr/content/download/22294/183352/file/SYN-LAI-1-Sortie%20des%20quotas%20laitiers.pdf

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Source:Conseilnationaldesappellationsd’originelaitières

FIGUre 5-aOP LaItIèreS danS L’UnIOn eUrOPéenne

Source:CNIEL

FIGUre 6-Carte deS PrOdUCteUrS de LaIt, FrOMaGeS, BeUrreS et CrèMeS SOUS SIGne d’IdentIFICatIOn de La qUaLIté et de L’OrIGIne

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Produit carné répondant à un segment de marché bien spécifique, la production de veau de lait pourrait valoriser jusqu’à 10 % de la production laitière française.

TRaNsfoRmaTIoN LaITIèRe :sTRaTéGIes De fabRICaTIoNeT oPPoRTuNITés à L’exPoRT

s’appuyer sur une industrie solide

L’Ue est le premier producteur mondial de lait, totalisant 24 % de la collecte de lait de vache. À ses côtés, les autres principaux fournisseurs mondiaux sont l’Océanie (nouvelle Zélande et australie), et dans une moindre mesure, les états-Unis. Même si son marché intérieur est mature, et quasi saturé en produits laitiers, l’Ue n’en demeure pas moins l’une des rares zones solvables de la planète et grande consommatrice de PGC. La France est le deuxième plus grand pays producteur de lait dans l’Ue après l’allemagne, avec presque 23 milliards de litres collectés (17 % de la production européenne).

aujourd’hui, la tendance de l’offre mondiale de produits laitiers est haussière : +5 % sur les 9 premiers mois de 2014 dans l’Ue, +4 % en australie, +12 % en nouvelle Zélande et +2 % aux états-Unis11. La collecte européenne reste dynamique en 2014 sous l’effet de conditions climatiques favorables et de niveaux de prix qui restent relativement élevés. La France est l’un des pays où la collecte est en plus forte progression12. L’essentiel de l’augmentation de la production laitière européenne est à destination des exportations vers les Pays tiers, et en particulier les pays émergents (Brésil, russie, Inde, Chine, afrique du Sud, ou BrICS), la demande intérieure de l’Ue étant stable.

dans notre pays, le secteur laitier génère un chiffre d’affaires de 27 milliards d’euros13. Moteur de l’économie française, la filière laitière affiche un excédent de 3,6 milliards euros en 2013. dans son observatoire financier des entreprises agro-alimentaires14, le Crédit agricole constate que les Iaa laitières sont essentiellement des PMe, 65 % d’entre elles réalisant moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. elles sont pour la plupart implantées dans les bassins traditionnels de montagne (Franche Comté, alpes, Pyrénées), produisant pour beaucoup des produits laitiers à haute valeur ajoutée, souvent sous aOP. La puissance économique de la filière s’appuie sur une dizaine de groupes leaders au chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros, qui cumulent 90 % de la filière.

Les entreprises multi-produits (industriels et de grande consommation) représentent 63 % du chiffre d’affaires de la filière. Il s’agit de groupes leaders (ventes annuelles excédant 500 millions d’euros) implantés dans plusieurs bassins de production et à l’étranger. Lactalis, premier groupe laitier français avec 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et Sodiaal, premier groupe coopératif laitier, sont dans cette catégorie.

La seconde catégorie est celle des fabricants de fromages, qui représente 23 % du chiffre d’affaires de la filière (mais 80 % des entreprises, dont beaucoup de PMe). Le groupe privé Bongrain est leader de cette catégorie. viennent ensuite les fabricants de PGC hors fromage (11 %), dont les 3 premières entreprises réalisent 65 % des ventes. enfin, les spécialistes (poudres et ingrédients) représentent 3 % du chiffre d’affaires.

Les leaders multi-produits n’ont cessé de développer leur présence à l’international, où la demande est plus dynamique qu’en France.

11 CNIEL,notedeconjonctureau20novembre201412 CNIEL,L’Économielaitièreenchiffres,édition201413 http://www.maison-du-lait.com/fr/chiffres-cles/filiere-laitiere-francaise-en-50-chiffres14 http://www.credit-agricole.com/Financer-l-economie-reelle/L-agriculture-et-l-agroalimentaire

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Tirer profit d’une consommation intérieure structurellement élevée

Les Français sont parmi les plus gros consommateurs de produits laitiers au monde, avec une consommation plus de trois fois supérieure à la moyenne mondiale par habitant : 109 kg par an en équivalent lait, dont les records de 26 kg de fromages et 7 kg de lait. La consommation intérieure demeure à des niveaux élevés, notamment grâce aux innovations et au dynamisme de l’industrie, et pour des raisons historiques et culturelles : le fameux “repas à la française”.

Par contre, la consommation de lait liquide est faible en France, par rapport aux pays anglo-saxons et ce marché pourrait être davantage développé, par exemple en segmentant davantage avec des laits aromatisés ou des conditionnements plus variés. Un autre segment de marché actuellement dynamique est celui des fromages ingrédients : il pourrait être plus développé et diversifié face à la montée en puissance de la prise des repas hors foyer et de la consommation plats préparés types pizzas et gratins.

Le marché français, aussi important et essentiel qu’il soit à notre industrie, est pourtant saturé et ce n’est pas là que les industriels trouveront de la croissance. La croissance de la consommation de produits laitiers est liée à l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages. en europe, c’est donc chez les états-membres qui ont rejoint l’Ue le plus récemment que se trouve le potentiel de croissance de consommation le plus important. Mais les stratégies des groupes laitiers français sont davantage dans les investissements sur place, exportant le savoir-faire, la technicité, l’image de la qualité “France” mais utilisant le lait produit localement.

Gérer la volatilité des prix : outils d’intelligence économique et marchés à terme

volatilité des prix des matières premières agricolesdepuis la flambée des prix des matières premières agricoles en 2007-2008 à l’échelle mondiale, les décideurs politiques ont pris conscience de la dimension stratégique de la sécurité alimentaire. C’est ainsi que le G20, sous présidence française en 2011, a ajouté pour la première fois un volet agricole à la réunion ministérielle, qui a adopté un “Plan d’action sur la volatilité des prix alimentaires et sur l’agriculture” dans une déclaration commune15. en marge de cette réunion ministérielle, les producteurs agricoles du monde se sont réunis et ont également fait des propositions pour faire face à la volatilité des prix16.

depuis, la gestion de la volatilité des prix agricoles est demeurée une priorité politique et économique au plus haut niveau17.

avec l’habitude d’une gestion très administrée de la production laitière aux niveaux français et européen et le souci de maîtriser la production en ne remplissant pas le quota, croire en la fin des quotas (pourtant connue depuis 2003), l’accepter, puis la préparer, a été un processus de longue haleine dans notre pays. résultat, la prise de conscience de la connexion aux réalités des marchés se fait tardivement alors que d’autres en europe l’ont anticipé depuis plusieurs années. Ce manque de culture de marché dans l’amont, ce sentiment de ne produire que pour le marché national se traduisent souvent par des interrogations profondes sur les choix à faire pour les années à venir, dans un système sans quotas. Il s’agit de choix économiques ou techniques à l’échelle de chaque exploitation, à intégrer dans un système d’économie de marché mondialisée.

15http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/2011-06-23_-_Action_Plan_-_VFinale.pdf16http://www.foodsecurityportal.org/sites/default/files/m_torero_presentation_francais.pdf17 Voirlecompte-rendudelaseconderéunionministériellesurlescoursmondiauxdesdenréesalimentaires,quis’esttenue

àlaFAOenoctobre2013:http://www.fao.org/docrep/019/i3519e/i3519e.pdf

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Les aléas des marchés tels que le récent embargo russe (qui n’impacte que 3 % de la production laitière européenne) sur les produits européens ont donc tendance à déstabiliser un certain nombre de producteurs. L’émergence de leaders de l’amont de la filière, avec une vision stratégique et transversale pour les différents bassins de production permettrait aux producteurs de reprendre confiance et d’avoir une vision plus claire de leur avenir et de leurs objectifs.

une filière particulièrement sensible à la vola­tilité des prixen 2012, le pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPaMe) a fait un certain nombre de recommandations18 pour gérer la volatilité des prix des matières premières agricoles.

L’industrie agro-alimentaire est une des industries qui connaît le plus de difficultés face à ce phénomène, devenu structurel : d’une part, la loi de l’offre et de la demande répond à l’explosion de la demande mondiale, poussée par la croissance d’une classe moyenne dans les pays émergents ; d’autre part, les outils réglementaires de stabilisation des marchés sont peu à peu démantelés. Face à cette volatilité accrue des prix des matières premières agricoles, les prix des produits agro-alimentaires finis sont plutôt stables et les industriels sont donc pris en tenaille. L’industrie laitière est une des industries agro-alimentaires les plus sensibles à la volatilité des prix, illustrée par l’indice FaO depuis 2007 (figure 7).

actuellement, on se situe donc dans un creux, qu’il est utile de comparer aux variations précédentes : le creux est net mais pas aussi bas qu’en 2009, année de profonde crise laitière

qui avait suivi deux années de prix records. On remarque également que les indices bas actuels suivent une période de presque deux ans d’indices très élevés.

La volatilité des prix sur les marchés mondiaux s’est répercutée sur les prix du lait payés aux producteurs depuis 2007 (figure 8).

en France et ailleurs, les fortes variations du prix du lait ont entrainé des restructurations de la filière, comprenant des achats, faillites ou démantèlements d’entreprises en difficulté : par exemple, la reprise d’entremont par Sodiaal en 2010.

mettre en place des outils efficaces d’intelli­gence économiqueLa mise en place d’outils d’intelligence économique a été l’une des premières actions concrètes de cette prise de conscience19 20. La FaO publie deux fois par an des “Perspectives de l’alimentation” 21, où les tendances des marchés mondiaux des produits laitiers sont analysées.

18 PIPAME(2012).Enjeuxetperspectivesdesindustriesagro-alimentairesfaceàlavolatilitédesprixdesmatièrespremièreshttp://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/1106etu_cle08121f.pdf

19 http://www.fao.org/giews/english/gfpm/index.htm20 http://www.amis-outlook.org/amis-monitoring/monthly-report/en/21 Dernièreédition,enfrançais,d’octobre2014:http://www.fao.org/3/a-i4137f.pdf

Source:FAO

FIGUre 7-IndICe de PrIx deS PrOdUItS LaItIerS, FaO

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Les services de la Commission européenne ont lancé en avril 2014 un nouvel outil d’intelligence économique des marchés laitiers, qui rassemble sur son site internet de nombreuses données de l’Union européenne. Cet observatoire du marché du lait22 s’inscrit dans un plus grand souci de transparence statistique au service des opérateurs économiques et des décideurs politiques sur les marchés agricoles et

agro-alimentaires. L’Observatoire européen des marchés laitiers n’a été lancé qu’un an avant la fin annoncée des quotas laitiers23, et encore, toutes les informations sont en langue anglaise, ce qui limite leur diffusion et utilisation par les opérateurs.

FranceagriMer publie régulièrement des situations de marchés et de prix sur son site internet, pour de nombreuses filières, dont celle des produits laitiers24. dans son rapport d’activités paru en septembre 2014, l’établissement souligne ses principaux axes stratégiques, mettant notamment l’accent sur son rôle d’aide aux acteurs économiques français dans leurs démarches à l’exportation25. de son côté, l’interprofession laitière (CnIeL) diffuse régulièrement ses analyses de la situation économique de la filière26. Malheureusement ce sont davantage les acteurs de l’aval qui ont le réflexe d’utiliser ces différents outils, pas toujours visibles ni adaptés aux besoins des acteurs de l’amont qui auraient besoin d’outils plus fins d’analyses de données.

22 http://ec.europa.eu/agriculture/milk-market-observatory/index_en.htm23 Marie-CécileHénard-Damave(mai2014).ObservatoiredulaitproposéparlaCommissioneuropéenne:unnouveloutil

statistiquepourrenforcerlapositionfrançaisedeleaderàl’export,analysesafagr’iDéeshttp://www.agriculteursdefrance.com/fr/ContenuArchive.asp?article=7&Num=7979

24 http://www.franceagrimer.fr/filiere-lait25 Marie-CécileHénard-Damave(2014):FranceAgriMer:unsoutienàl’activitééconomiquedesfilièrespourunemeilleure

compétitivité,notammentàl’export:http://www.agriculteursdefrance.com/fr/ContenuArchive.asp?article=7&Num=813926 http://infos.cniel.com/filtre/rubrique/economie.html

PRoPosITIoN 3 : rendre disponible, pour les opérateurs économiques de l’amont et de l’aval, l’analyse fine des données de marchés, aujourd’hui indispensables en tant qu’outils d’aide à la décision.

Source:CommissionEuropéenne,MilkMarketPrices,11décembre2014

FIGUre 8-evOLUtIOn deS PrIx dU LaIt À La PrOdUCtIOn danS L’UnIOn eUrOPéenne

utiliser les marchés à termeactuellement, les marchés à terme (Mat) sont assez peu utilisés dans le secteur agricole en France et en europe et presque exclusivement sur les produits céréaliers et oléagineux. alors que les Mat sont nés en 1874 aux états-Unis, le MatIF n’a été créé en France qu’en 1986, et les marchés à terme sur les matières premières agricoles n’ont

été autorisés qu’en 1993. La première échéance cotée fut celle du colza en 1994, suite à la première réforme de la PaC, qui a réduit les instruments de régulation des marchés et exposait donc les agriculteurs au risque prix. Ces outils pâtissent d’un manque d’habitude des producteurs et aux opérateurs ; ils ont mauvaise presse à cause des risques de spéculation abusive.

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en France, différentes instances se sont déjà penchées sur la faisabilité et l’utilité de construire un marché à terme sur le lait et les produits laitiers27.Ce rôle est joué souvent aujourd’hui par les enchères de Fonterra, grande coopérative néo-zélandaise qui exporte sur les marchés mondiaux. Ce serait finalement organiser la transmission du prix tout au long de la filière, dans un but de sécurisation financière des différents opérateurs. Ces outils permettent aux vendeurs (producteurs, transformateurs) de se couvrir contre la baisse (ou la hausse) future des prix et de s’assurer un prix plancher (ou plafond). Les marchés à terme ne peuvent bien fonctionner que si les liquidités sont importantes, impliquant un grand nombre d’opérateurs et des volumes importants

pour que les prix reflètent bien une situation concurrentielle.

euronext l’a bien compris, annonçant fin novembre 2014 le lancement d’une gamme de contrats à terme et d’options couvrant le beurre, la poudre de lait écrémée et la poudre de lactosérum au printemps 201528.

notons que les opérateurs de la filière laitière américaine utilisent couramment les marchés à terme sur la Bourse de Chicago29. de plus la nouvelle loi-cadre agricole américaine30, adoptée en février 2014, a instauré un système d’assurance-marge qui déclenche des aides publiques lorsque la différence entre le prix du lait et le coût de l’aliment passe sous un niveau plancher pendant deux mois consécutifs31.

27 Ministèredel’agricultureetdelapêche,Directiongénéraledespolitiqueséconomiqueseuropéenneetinternationale(2008).LesmarchésàtermeagricolesenEuropeetenFrancehttp://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/nee080330A4.pdf

28 http://www.pleinchamp.com/elevage/bovins-lait/actualites/euronext-relance-les-marches-a-terme-sur-les-produits-laitiers29 CMEGroup(2013).IntroductiontoHedgingwithDairyFuturesandOptionshttp://www.cmegroup.com/trading/agricultural/files/

AC-226_DairyProductBroch_final.pdf30 Analysesafagr’iDées(avril2014).LeFarmBill20014:quoideneuf?Cequichange…etcequinechangepas.

http://www.agriculteursdefrance.com/fr/EtudesEtPropositions.asp?ThemePage=4&Rubrique=2&Num=15631 Analysesafagr’iDées,novembre2014:Productionlaitièreaméricaine:poidséconomique,outilsdepolitiqueagricole,

etarbitragedeséleveurshttp://www.agriculteursdefrance.com/Upload/Travaux/Fic-1_1344.pdf32 http://www.oecd-ilibrary.org/agriculture-and-food/perspectives-agricoles-de-l-ocde-et-de-la-fao-2014_agr_outlook-2014-fr33 Marie-CécileHénard-Damave(juillet2014).PointsclésdunouveaurapportOCDE/FAOsurlesperspectivesagricoles2014-2023,

analysesafagr’iDéeshttp://www.agriculteursdefrance.com/fr/ContenuArchive.asp?article=7&Num=8108

PRoPosITIoN 4 : Mettre en place un système de marchés à terme sur les produits laitiers permettrait de mieux lire le marché, qui manque aujourd’hui de prix directeur, et permettrait plus de visibilité et d’anticipation possible de la part des acteurs de l’amont et de la transformation.

Développer les exportations vers les pays émergents

Réponses de la production européenne à l’explosion de la demande des pays émergentsSelon le dernier rapport OCde/FaO sur les perspectives agricoles 32 33, la consommation de produits laitiers par habitant devrait augmenter pendant cette décennie de plus de 13 %, passant de 135 à 154 kg par habitant et par an en équivalent lait à l’échelle mondiale. L’Ue demeure la zone où la consommation par tête est la plus élevée, avec 350 kg/hab/an, mais elle devrait peu augmenter.

À l’inverse, les marges de progressions sont très importantes dans la zone asie/Pacifique avec seulement 134 kg/hab/an et en afrique sub-saharienne avec 45 kg/hab/an.

en effet, les pays émergents (les fameux BrICS) dans ces zones se caractérisent par une forte croissance démographique, des revenus en hausse et une occidentalisation des modes de consommation alimentaire, dus en particulier à l’émergence d’une classe moyenne de taille sans précédent dans ces pays. Leur demande en produits laitiers a commencé à

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augmenter de manière significative il y a déjà plusieurs années (figure 9). La FaO prévoit que la demande internationale sur l’ensemble de l’année 2014 devrait se concentrer sur l’asie, avec une progression des achats de la Chine34, mais aussi de l’Indonésie, de la Malaisie et de la thaïlande.

en réponse à cette demande en forte hausse, l’OCde et la FaO prévoient que l’Ue devrait occuper un rôle crucial dans les exportations de fromages, où elle occupe une position dominante. Ses exportations devraient en effet augmenter de 40 % en dix ans. Les dernières prévisions de la Commission européenne35, à horizon 2024, sont dynamiques : la collecte laitière devrait progresser de 7 % d’ici 2024, et le prix du lait payé aux producteurs devrait rester ferme à 350 €/tonne. La croissance de la demande intérieure en fromages et la progression de la demande internationale en poudres sont les principaux facteurs de croissance de la collecte laitière européenne. Concernant plus spécifiquement la France, la

Commission prévoit une croissance totale de la collecte de 2,3 % entre 2014 et 2024, soit la croissance la plus importante dans l’Ue après l’allemagne, mais devant la Pologne et les Pays-Bas.

Les importations chinoises de produits laitiers se développent tout particulièrement, surtout pour les produits secs et le lait UHt. d’après l’USda36 37, les importations chinoises de produits laitiers sont principalement composées de poudre grasse (680 000 tonnes en 2014), poudre de lactosérum (420 000 tonnes), lait de consommation (300 000 tonnes) et poudre maigre (285 000 tonnes). Selon l’Institut de l’élevage, les importations chinoises de poudre de lait infantile s’élèvent à 110 000 tonnes.

du côté de l’offre mondiale, les principales zones de production et d’exportation sont peu nombreuses : l’Union européenne et la nouvelle Zélande, en hausse dans les deux cas en 2014. Les états-Unis arrivent en troisième position.

Source:CNIEL/Comtrade

FIGUre 9-IMPOrtatIOnS de PrOdUItS LaItIerS Par LeS PayS éMerGentS de 2000 À 2013

34 http://ec.europa.eu/agriculture/milk-market-observatory/pdf/market-situation-presentation_en.pdf35 EuropeanCommission,AgricultureandRuralDevelopment(2014).ProspectsforEUagriculturalmarketsandincome2014-2024

http://ec.europa.eu/agriculture/markets-and-prices/medium-term-outlook/2014/fullrep_en.pdf36 USDA/ForeignAgriculturalService(décembre2014)Dairy:WorldMarketsandTradehttp://apps.fas.usda.gov/psdonline/circulars/dairy.pdf37 USDA/FAS/People’sRepublicofChina(juin2014)DairyandProductssemi-annualhttp://gain.fas.usda.gov/Recent%20GAIN%20

Publications/Dairy%20and%20Products%20Semi-annual_Beijing_China%20-%20Peoples%20Republic%20of_6-18-2014.pdf

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Même si la conjoncture laitière s’est récem-ment dégradée avec l’embargo russe et le tas-sement de la demande chinoise, la tendance haussière de la demande mondiale sur le long terme n’est pas remise en cause.

quelles exportations pour la france ?La balance commerciale française est excédentaire en produits laitiers, et se concentre surtout sur l’Ue (70 %), région du monde à portée de main qui est la plus grande consommatrice de produits laitiers à haute valeur ajoutée, mais dont la demande stagne, car elle est saturée. Une chance pour la France est d’être entourée d’états-membres européens importateurs nets de produits laitiers : royaume-Uni, espagne, Italie. La France est le troisième pays exportateur de produits laitiers en europe, et les fromages représentent 45 % de la valeur de ses exportations. Les autres segments de marché les plus dynamiques sont le lait

infantile, les poudres de lait, les yaourts, la poudre de lactosérum et la crème.La croissance des exportations françaises vers les pays émergents est d’ailleurs supérieure à celle des ventes sur le marché intérieur. Il existe une véritable dynamique d’investissements (figure 10) en europe, et en particulier en France (dont 50 % en produits secs), par des entreprises asiatiques (surtout chinoises). de plus, l’image de la France est bonne en particulier dans ces pays, en termes de qualité des produits.

Les stratégies des différents groupes laitiers français à l’international varient : investissements étrangers en France, français à l’étranger, exportations françaises. Si les entreprises privées ont évidemment des stratégies individuelles, les groupes coopératifs pourraient davantage se coordonner pour “chasser en meute” et créer des synergies à l’international afin de développer les

Source:CNIEL

FIGUre 10-InveStISSeMentS danS Le SeCteUr LaItIer, jUIn 2014

PRoPosITIoN 5 : renforcer nos exportation de produits adaptés à la demande des pays émergents, notamment la Chine : fromages, poudre de lactosérum, poudre de lait et poudre de lait infantile en particulier.

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exportations des transformations du lait produit en France. C’est toute la difficulté de notre pays où les acteurs économiques sont plus morcelés que dans nos principaux concurrents à l’export, où les coopératives sont souvent en position dominante (ara au danemark, Friesland Campina aux Pays-Bas, valio en Finlande). Ces choix ont permis le développement agressif des exportations sur les marchés internationaux. et, comme nous l’avons souligné, les enchères Fonterra en nouvelle-Zélande font office de référence à l’échelle mondiale pour les prix de la poudre de lait écrémé.

notons les opportunités que représentent les accords commerciaux bilatéraux négociés ou en cours de négociation pour les exportations françaises. C’est le cas de l’accord récemment signé avec le Canada (Ceta) et des négociations avec les états-Unis (ttIP), où les indications géographiques représentent des enjeux économiques stratégiques pour les produits laitiers français.La France s’est clairement positionnée comme leader à l’export sur les marchés des pays émergents, et en Chine en particulier : poudre de lait infantile et de lactosérum en particulier. La poudre de lait infantile38 est une spécialité française à haute valeur ajoutée et exportée notamment vers le marché chinois très porteur, notamment

suite aux différentes crises de santé publique dans ce pays39. L’intérêt de la Chine pour la qualité de la production française de poudre de lait infantile apparaît non seulement dans les exportations françaises mais aussi dans les investissements chinois en France. depuis 2013, la coopérative Isigny-Sainte-Mère40 investit et développe ses capacités de production et de commercialisation de poudre de lait infantile en partenariat avec la société chinoise Biostime. aujourd’hui, la France est le deuxième fournisseur de la Chine41 avec 14 % de parts de marché.Le lactosérum42, sous-produit de la fabrication de fromages, était autrefois de faible valeur et utilisé uniquement sous forme liquide en alimentation porcine. La valeur du lactosérum en poudre a doublé de 500 €/tonne dans les années 2 000 à 1 000,00 €/tonne en 2013. Cette production est une véritable force et spécificité française : alors que l’Union européenne concentre la moitié de la production mondiale, la France est le premier exportateur européen et 60 % des flux sont tournés vers les pays tiers. Le lactosérum français est bien positionné sur le marché chinois, mais les états-Unis restent le principal fournisseur.

38 Analysedesafagr’iDées(30mai2014).Rôlecentraldesproduitslaitiersdanslespaysémergentsasiatiques:uneopportunitépourlaFrancehttp://www.agriculteursdefrance.com/fr/EtudesEtPropositions.asp?ThemePage=4&Rubrique=2&Num=168

39 http://gain.fas.usda.gov/Recent%20GAIN%20Publications/France’s%20Dairy%20Market%20Situation%20and%20Perspectives%20on%20EU%20Policy%20_Paris_France_8-9-2013.pdf

40 http://www.isigny-ste-mere.com/FR/actualites.php41 Analysedesafagr’iDées(30mai2014).Rôlecentraldesproduitslaitiersdanslespaysémergentsasiatiques–Uneopportunité

pourlaFrance.http://www.agriculteursdefrance.com/fr/ContenuArchive.asp?article=7&Num=802242 http://www.franceagrimer.fr/content/download/26218/220370/file/SYN-LAI-2-Lactos%C3%A9rum.pdf

PRoPosITIoN 6 : Organiser des systèmes d’économie circulaire de bassin par des réseaux de producteurs laitiers et de grandes cultures dans les régions de forte ambiance laitière.

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43 RGA,traitementInstitutdel’Elevage44 http://www.franceagrimer.fr/content/download/30034/266868/file/Plan_strategique_filiere_lait.pdf

PRoPosITIoN 7 : augmenter la taille des exploitations pour réaliser des économies d’échelle, en particulier grâce au salariat et aux compétences managériales des chefs d’entreprises agricoles, et jusqu’à l’émergence de grands troupeaux au système économique et environnemental rationalisé et optimisé.

PRoDuCTIoN LaITIèRe :PouR uNe meILLeuRe

ComPéTITIvITé éCoNomIqueDes exPLoITaTIoNs

Tirer profit de l’ancrage territorial des élevages

Si l’isolement des exploitants est souvent un frein à l’installation, à la reprise et au maintien de l’activité agricole, il existe dans certaines régions une “ambiance laitière” (figures 4 et 6), par la densité des acteurs de la production et de la transformation.

Ces associations peuvent ainsi créer des systèmes de polyculture-élevage où les productions végétales des uns peuvent être fertilisées par les effluents d’élevage des autres, les céréales et oléagineux récoltés par les uns peuvent être les matières premières des aliments composés des autres, et où différents éleveurs laitiers peuvent se regrouper pour alimenter une unité de méthanisation leur apportant une bonne autonomie énergétique. Ces démarches collectives pourraient prendre la forme de groupement d’intérêt économique et environnemental (GIee) par exemple, mis en place avec la loi d’avenir. de tels systèmes permettent de rationaliser les coûts de production entre producteurs en profitant de leur répartition dans les territoires. Un maillage territorial serré permet aussi aux laiteries d’optimiser le coût de la collecte pour éviter le “mitage” des outils de production et le regroupement des ateliers est à ce titre un élément qui sera prépondérant dans les années à venir, avec

la baisse du nombre des exploitations et leur agrandissement.

s’agrandir et prendre une main d’œuvre salariée

La grande majorité des exploitations laitières françaises sont familiales. Plus de la moitié des exploitations laitières sont de type individuel et sans salarié permanent. elles sont aujourd’hui 70 000, mais leur nombre devrait baisser fortement à 40 000 tout au plus dans les 20 prochaines années43. On est donc en pleine logique d’agrandissement, pour des raisons d’économies d’échelle, de confort de travail et pour mieux gérer les ressources (eau et énergie) et les effluents d’élevage. L’agrandissement n’est pas une fin en soi mais un moyen d’atteindre un objectif à affiner pour chaque exploitation, pour optimiser le prix de revient. À cette fin, l’exploitation doit saturer ses outils de production, augmenter la productivité du travail, et s’appuyer sur les compétences en gestion des chefs d’entreprise. Les économies d’échelle réalisées sont surtout dues aux facteurs de travail (productivité, intensification).

On considère que la production moyenne par exploitation doublera d’ici dix ans44 avec des différences importantes par région et par système. Une des conditions de réussite de l’agrandissement est la mise en place d’une nouvelle organisation du travail, en sortant du modèle de l’éleveur isolé aidé de travailleurs familiaux non rémunérés, pour aller vers un modèle basé sur le salariat avec des tâches clairement définies ou chaque atelier a un responsable spécifique. L’association

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d’exploitants s’inscrit dans ces évolutions, par exemple sous forme de Sociétés Civiles Laitières (SCL).

Les grands troupeaux (en particulier la ferme dite “des mille vaches” dans la Somme) sont sujets à un débat de société aujourd’hui, car ils ne correspondent pas à l’image archaïque que les urbains se font souvent de l’agriculture. C’est pourtant un modèle qui est amené à se développer dans les années à venir, avec la concentration des exploitations laitières, sans qu’il devienne majoritaire. dans les grands troupeaux, les éleveurs changent de statut et, en tant que chefs d’entreprise agricole, deviennent des gestionnaires de salariés et de capitaux plus que d’animaux. Ces tailles d’exploitation permettent également de raisonner les unités de biogaz et le recyclage des effluents d’élevage de manière rationnelle, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays du nord et de l’est de l’europe ou aux états-Unis par exemple.

Une des conditions de réussite de l’agrandis-sement des exploitations est l’adoption du salariat. Pour l’instant, ce modèle est moins développé en France que chez ses concurrents européens et la main-d’œuvre familiale, peu ou pas rémunérée, est encore courante dans nos élevages. Pourtant, le salariat peut rendre le travail plus attractif pour les éleveurs en allégeant la charge de travail du chef d’exploitation. La répartition du travail grâce au salariat, avec des tâches bien définies et des responsabilités précises par atelier, peut sortir l’éleveur de son isolement et augmenter la productivité des élevages laitiers français, pour l’instant inférieure à celle des élevages des états-membres européens concurrents.

enfin, regrettons que depuis le 1er juillet 2014, les sommes perçues au titre du contrat de travail à salaire différé par l’héritier qui a continué à travailler sur l’exploitation familiale, soient

devenues imposables. L’élevage laitier est particulièrement touché car, fort gourmand en main-d’œuvre, les enfants du chef d’exploitation s’impliquent souvent aux côtés de leurs parents et ne touchent un salaire que quelques années plus tard. Ce système avait permis de maintenir des exploitations familiales.

Renforcer le pouvoir de marché des producteurs : prix du lait différencié et contrats

Le prix du laitUne spécificité nationale réside dans le calcul du prix du lait : le secteur laitier a vécu dans un système de prix administrés pendant de nombreuses années, non seulement au niveau européen, on l’a vu, mais ce système était renforcé par des pratiques nationales. C’est pourquoi on parlait de “la paye de lait” pour les éleveurs, compensation à leurs conditions difficiles de production : contraintes fortes en termes d’organisation du travail et de charges fixes notamment. au final, le prix du lait pour les producteurs a été longtemps considéré comme un dû et non comme le résultat de stratégies industrielles et des forces de l’offre et de la demande sur les marchés. C’est aujourd’hui cette conception qui doit être modifiée.

en France, de 1997 à 2008, l’interprofession laitière (CnIeL) a communiqué des recomman-dations trimestrielles de prix qui servaient de référence aux éleveurs et collecteurs. Cette pratique relative aux règles de la concurrence a été condamnée par la direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes (dGCCrF) en 2008 et remplacée par un dispositif d’indices de tendance des prix du lait, inscrit dans un article du code rural. L’autorité de la concurrence avait constaté dans un avis de 2009 un mauvais fonctionnement concurrentiel du marché de la collecte de lait45.

45 Autoritédelaconcurrence(2009).Avisn°09-A-48du2octobre2009relatifaufonctionnementdusecteurlaitierhttp://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/09a48.pdf

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Marie-Cécile Hénard-daMave - Lait : opportunités et stratégies gagnantes

Source:Commissioneuropéenne,MilkMarketSituation,11décembre2014

FIGUre 11-PrIx dU LaIt aU PrOdUCteUr Par état MeMBre en SePteMBre 2013 et SePteMBre 2014

Le nouveau système mis en place depuis 2008 comprend des indices de tendance. Ceux-ci sont constitués des prix des produits industriels, des fromages export, des indicateurs mixtes de produits français exportés, de la différence entre le prix du lait en France et en allemagne, et d’un indicateur de coût de production du lait (ratio coût de l’aliment/prix du lait).

aujourd’hui, malgré la notification de la dGCCrF de 2008 et l’avis de l’autorité de la concurrence de 2009, les opérateurs sont toujours dans une habitude de prix unique et les conclusions de l’autorité restent d’actualité dans de nombreuses situations. Le système de lissage des prix actuel est devenu inadapté et

ne nous a pas permis de profiter pleinement des hausses de prix des années précédentes, et a conduit les éleveurs à considérer être moins bien rémunérés que leurs homologues des principaux pays comparables. Pourtant il n’en est rien, comme le montre la figure 11.

Les contratsLa contractualisation, rendue obligatoire par décret46 du 30 décembre 2010, a été mise en place depuis le 1er avril 2011 dans le secteur laitier. Cette obligation nationale a anticipé le Paquet lait européen de 2012 qui allait dans le même sens de la contractualisation entre producteurs et transformateurs.

46 Décretn°2010-1753du30décembre2010prispourl’applicationdel’articleL.631-24ducoderuraletdelapêchemaritimedanslesecteurlaitierhttp://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023335184&categorieLien=id

PRoPosITIoN 8 : renforcer la connexion du prix du lait payé au producteur avec les tendances de marchés, sans lissage ni décalage dans le temps, comme dans les principaux pays producteurs et exportateurs européens.

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Ces contrats écrits s’inscrivent dans un contexte d’affaiblissement des moyens de la PaC en matière de régulation et de protection des marchés agricoles. Ils font suite à la profonde crise laitière de 2008-2009, qui a révélé la fragilité économique du maillon amont de la chaîne de valeur : le producteur, face à son collecteur. Les contrats visent à renforcer le pouvoir de marché des producteurs pour rééquilibrer leurs relations économiques avec leurs collecteurs, en anticipation de la sortie du système de production garanti par les quotas laitiers. Le rapport de 2009 de l’autorité de la concurrence, précité, considérait que “la concentration et la contractualisation contribuent à orienter les prix, en modifiant le rapport de force entre producteurs et transformateurs et en limitant la volatilité, sans méconnaître les règles de concurrence”.

d’après le CGaaer47, “le contrat mis en œuvre présente de nombreux avantages pour la fi-lière et le renforcement de la protection des producteurs. Il permet d’améliorer le réé-

quilibrage et la transparence de la négocia-tion entre les éleveurs et les entreprises, il s’inscrit nettement dans la durée, il favorise le partage des informations sur le marché”. Un rapport48 du Sénat a, quant à lui, émis des réserves sur la contractualisation : “les contrats ne régleront ni la volatilité et le niveau des prix, et ils n’empêcheront ni les restructu-rations ni la concurrence européenne, voire mondiale, qui ne peut que croître dans un contexte de libéralisation des marchés ”.

d’après un document de la Commission européenne49, la France est l’état-membre qui a fait le choix de la durée la plus longue des contrats (5 ans contre 6 mois dans la plupart des états-membres) et seulement 11 % de la collecte était vendue sous contrats en 2013, contre 33 % en allemagne. Les Organisations de Producteurs (OP) permettent de renforcer le poids des producteurs, morcelés face à un des outils de transformation et de distribution concentrés.

PRoPosITIoN 9 : Clarifier le rôle des Organisations de Producteurs de lait et opter pour les OP avec transfert de propriété, pour mieux défendre les prix des producteurs pendant les négociations avec les opérateurs de la transformation.

47 Conseilgénéraldel’alimentation,del’agricultureetdesespacesruraux(juillet2012).Rapportsurlacontractualisationdanslesecteuragricole(articleL631-24duCoderuraletdelapêchemaritime)http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport-Contractualisation-Vdef-2_cle8169a5.pdf

48 Sénat(2011-2012).Rapportd’informationfaitaunomdelaCommissiondesaffaireseuropéennessurlerôledesorganisationsdeproducteursdanslanégociationduprixdulaithttp://www.senat.fr/rap/r11-721/r11-721.html

49 EuropeanCommission(2014).ReportfromtheEuropeanCommissiontotheEuropeanParliamentandCouncil:Developmentofthedairymarketsituationandtheoperationofthe“MilkPackage”provisionshttp://ec.europa.eu/agriculture/milk/milk-package/com-2014-354_en.pdf

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Raisonner le prix de l’aliment

environ 10 à 15 % du chiffre d’affaires des exploitations laitières sont mobilisés pour acheter de l’aliment50. La figure 12 montre combien les charges opérationnelles ont pesé jusque fin 2013 sur les producteurs laitiers : leurs indices étaient plus élevés que ceux du prix du lait jusque fin 2013, mettant sous pression les résultats des exploitations (coûts élevés de l’aliment et de l’énergie). depuis, la situation s’est inversée. en France, l’Institut de l’élevage calcule l’indice des prix d’achat des moyens de production agricoles (IPaMPa). Selon cet indice, les prix des intrants ont augmenté de 35 % en moyenne entre 2005 et 2013.

Pourtant, les élevages laitiers français produisent plus de 80 % de l’alimentation de leurs troupeaux, ce qui est supérieur à la moyenne européenne51. Selon une étude CnIeL/Institut de l’élevage/FranceagriMer, les systèmes laitiers français sont autonomes en fourrages mais assez peu autonomes en concentrés. dans les systèmes à base de maïs, l’autonomie protéique en concentrés reste faible. Les systèmes à base d’herbe sont plus autonomes mais livrent moins de lait52. Cette autonomie relative leur permet de ne pas subir autant les fluctuations des cours des matières premières entrant dans la composition de l’aliment (soja et maïs notamment, dont les prix ont été très élevés en 2012-2013).

La luzerne déshydratée s’intègre dans cette logique de régularité de qualité et de quantité de l’aliment : une large gamme de produits (environ 30) stockables, en haute teneur en oméga 3. L’incorporation de luzerne déshydratée dans la ration des vaches laitières peut répondre à certains cahiers des charges de qualité du lait en fonction des produits de transformation escomptés : critères de “tartinabilité” du beurre, de “fromageabilité” , de ration oméga 6/oméga 3 par exemple53.

Le “plan protéines végétales” annoncé par le ministère de l’agriculture en décembre 2014 est une aide à l’autonomie fourragère des élevages, en finançant une aide couplée à la production de protéagineux. Il succède à divers autres plans protéines mis en place depuis plusieurs décennies mais ne sont pas parvenus à réduire la dépendance française aux importations de tourteaux de soja produits sur le continent américain.

50 Ministèredel’économieetdesfinances,Ministèredel’agriculture,del’agroalimentaireetdelaforêt,FranceAgriMer(éditionmai2014).Observatoiredelaformationdesprixetdesmargesdesproduitsalimentaires,RapportauParlement2013https://observatoire-prixmarges.franceagrimer.fr/Lists/Liste%20des%20etudes%20autres/Attachments/120/Rapport%20parlement%202013_v18%20TOUT.pdf

51 VincentChatellier,INRA,DGAGRI-RICA(novembre2014).http://www.bretagne.synagri.com/ca1/PJ.nsf/46b50bbadf2cf901c1256c2f0041b9a7/59938d78601f6e29c1257d9d00328128/$FILE/Defis-du-secteur-laitier-fran%C3%A7ais-%20Diaporama-session-CA29-21-11-2014.pdf

52 CNIEL(2014).L’autonomiealimentaire,unatoutpourlafilièrelaitièrefrançaiseaprèslesquotas.http://infos.cniel.com/actualite/lautonomie-alimentaire-un-enjeu-pour-la-filiere-laitiere-francaise-apres-les-quotas.html

53 CoopdeFrancedéshydratation(2010).Effetdelaluzernedéshydratéesurleprofilenacidesgrasdulaitdevachehttp://www.luzernes.org/sites/default/files/2010_JTCoop_Acides-gras.pdf

Source:Commissioneuropéenne

FIGUre 12-PrIx dU LaIt, CHarGeS OPératIOnneLLeS et MarGe Par tOnne de LaIt danS L’UnIOn eUrOPéenne

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FIGUre 13-COLLeCte de LaIt de vaCHe danS PLUSIeUrS PayS de L’UnIOn eUrOPéenne

Le tourteau de soja reste le plus concentré en protéines. Le type de concentré consommé dans chaque exploitation est un complément dans la ration de l’herbe produite sur place. n’oublions pas le souci pour l’industrie laitière d’être approvisionnée en quantité et qualité régulières, notamment pour la fabrication de produits ultra-frais, ce qui est possible en partie grâce à une ration de composition régulière, d’où l’intérêt du tourteau de soja par rapport à l’herbe pâturée. Parfois, ce que l’on gagne en coût de l’aliment sera perdu en valeur de la production laitière, d’un meilleur rendement avec des concentrés et de qualité plus régulière qu’en cas de pâturage.

valoriser le lait produit par des animaux nourris à l’herbe peut permettre à la production laitière de s’ancrer dans les territoires, d’être source de revenus grâce à une meilleure visibilité pour le consommateur. Mais le pâturage est aussi synonyme de saisonnalité de la production, ce qui peut être une contrainte pour la fabrication de certains produits, en particulier les produits frais.en fait, la saisonnalité de la collecte laitière est d’autant plus marquée que les systèmes d’éle-vage sont dépendants du pâturage : d’un côté, le

cas extrême de l’Irlande, qui s’appuie exclusive-ment sur l’herbe, et avec les variations les plus importantes. À l’opposé, Les productions laitière aux Pays-Bas et au danemark sont les plus in-dépendantes de l’herbe et les moins fluctuantes (figure 13).

Le nouveau cadre qui s’ouvre avec la sortie des quotas laitiers doit conduire à raisonner sur la marge et non plus uniquement sur le prix du lait payé au producteur (illustré sur la figure 13). La tendance qui s’amorce à l’heure actuelle est à la baisse sur le prix du lait pour 2015, en raison du ralentissement actuel de la demande face à l’augmentation de la production, à l’échelle mondiale. d’autre part, soulignons la très forte baisse des prix du pétrole et la réduction des prix de l’aliment (baisse des prix des céréales et oléagineux en raison de très bons niveaux de récoltes mondiales en 2014). La baisse du prix du lait attendue en 2015 ne sera donc pas nécessairement suivie d’une baisse des marges de production.

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utiliser les différentes technologies disponibles

Les progrès de la génétique ont permis au troupeau laitier français (comprenant 65 % de Prim’ Holstein, 17 % de Montbéliardes et 11 % de normandes) d’obtenir des gains importants de productivité : +30 % ces vingt dernières années pour le rendement moyen des cheptels au contrôle officiel (67 % du cheptel national) pour atteindre 9 800 kg de lait par lactation en 201054. Le sexage des semences permet d’augmenter le taux de femelles nées, alors que le taux de fertilité de la race Prim’ Holstein a diminué ces dernières années.

Une nouvelle organisation du travail est également possible grâce au robot de traite, qui est déjà présent dans plus de 3 000 élevages55. développer et rationaliser l’utilisation de cet outil peut contribuer à rendre le métier d’éleveur plus attractif pour les jeunes, car la contrainte de la charge de travail liée à la traite est un frein à l’installation. L’utilisation du robot de traite permet également une gestion plus fine de l’élevage, avec une alimentation de précision, un meilleur suivi sanitaire de chaque animal, et donc une optimisation des coûts de production. toutefois, cet investissement ne peut se concevoir qu’à partir d’une taille minimale du troupeau, de 60 à 70 vaches.

La moitié de la production laitière bovine est située en zone vulnérable pour la gestion de l’azote, mais tous les élevages sont concernés par la maîtrise des consommations d’énergie fossile, d’eau et les consommations de gaz à effet de serre et d’ammoniac56. différentes options existent pour maîtriser les émissions d’azote (gestion des effluents par le compostage, pilotage de la fertilisation, recours à la prairie longue durée et légumineuses).

L’allemagne, premier pays européen producteur de biogaz, compte presque 8 000 unités, contre 250 en France et les avantages économiques de la production de biogaz pour les agriculteurs allemands sont souvent qualifiés en France de “compétition déloyale”. en France, la production de biogaz est issue prioritairement de déchets verts et non de cultures agricoles et les unités collectives sont privilégiées, tandis que les petites unités à la ferme sont le modèle le plus courant en allemagne57. Ceci est la conséquence de politiques de production d’énergie différentes.

Le programme Phénofinlait58 de recherche et de développement de phénotypage et génotypage pour la compréhension et la maîtrise de la composition du lait a été conduit de 2008 à 2013 pour étudier la composition fine (en acides gras et protéines) des laits des populations françaises et leurs facteurs

54 http://fr.france-genetique-elevage.org/Filiere-bovine-laitiere.html55 http://idele.fr/recherche/publication/idelesolr/recommends/le-robot-de-traite-impact-sur-les-systemes-laitiers-synthese-des-

resultats.html56 https://inra-dam-front-resources-cdn.brainsonic.com/ressources/afile/250903-be523-resource-filieres-laitieres-bovine-caprine-et-ovine.html57 Marie-CécileHénard-Damave(septembre2014).Forcesetfaiblessesdel’agricultureetdel’agro-industrieenFranceeten

Allemagne,notesafagr’iDéeshttp://www.agriculteursdefrance.com/Upload/Travaux/Fic-1_1322.pdf58 http://www.phenofinlait.fr/

PRoPosITIoN 10 : raisonner les charges liées à l’alimentation en fonction des demandes de la transformation, qui pourraient faire l’objet de contrats spécifiques en fonction des produits finis : systèmes basés sur le pâturage et l’autonomie alimentaire si la saisonnalité de la production laitière n’est pas une contrainte (fabrication de produits stockables types poudres, beurres et fromages), ou peu ou pas de mise à l’herbe et importance des concentrés pour une production de qualité et de volumes plus réguliers (fabrication de produits laitiers frais).

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de variation. La base de données obtenue permettra d’identifier les facteurs de variation de la composition du lait permettant d’apporter des solutions santé aux consommateurs. de plus, l’interprofession laitière travaille actuellement à l’image de la filière.Les innovations technologiques sont aussi à l’origine de la valorisation du lait en aval. Si elles sont bien développées chez les industriels, il y a encore peu d’habitudes de partenariats public/privé en France dans le secteur laitier. Citons pourtant la “Milk valley”, qui se développe dans le Grand Ouest

en tant que cluster spécialisé dans la filière laitière, avec l’implication d’acteurs de la transformation et des autorités locales59. Les Pays-Bas affichent clairement la recherche en sciences et technologies laitières comme une priorité stratégique, avec l’Université de Wageningen60 qui concentre un grand nombre de projets de recherche sur la composition des produits laitiers. aux états-Unis, le lien entre chercheurs, producteurs et industriels est par exemple assuré par les Universités de Cornell61 et du Wiscosin62.

59 http://www.inra.fr/Entreprises-Monde-agricole/Nos-partenariats-nos-projets/Toutes-les-actualites/Milk-Valley60 http://www.wageningenur.nl/en/Research-Results/Projects-and-programmes/Dairy.htm61 http://www.ansci.cornell.edu/dm/index.html62 http://www.uwex.edu/ces/ag/teams/dairy/

PRoPosITIoN 11 : Utiliser les outils technologiques disponibles pour améliorer la rentabilité économique des élevages en amont (génétique, robots de traite) et en aval (unités de biogaz pour une meilleure autonomie énergétique des exploitations), et mieux valoriser les produits laitiers issus de la transformation.

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CoNCLusIoN

La France est un grand pays laitier, un des leaders économiques à l’échelle mondiale. elle est l’un des rares états à être capable de répondre aux exigences de volumes et de qualité des produits laitiers chez les pays émergents : leurs besoins explosent aujourd’hui, en raison de la croissance sans précédent de leur classe moyenne. Les investisseurs ne s’y trompent pas, et la France est un des états d’europe où les investisseurs chinois investissent le plus aujourd’hui. La poudre de lait infantile et la poudre de lactosérum fabriquées en France se distinguent déjà sur certains marchés asiatiques très demandeurs, mais il est possible d’accroître davantage nos exportations et nos investissements à l’international, sur la poudre de lait écrémée ou sur les fromages par exemple. Pour répondre à cette demande, il devient nécessaire de développer notre production de produits industriels, qui ne représentent que 30 % de la collecte nationale aujourd’hui. La diversification des fabrications par les transformateurs leur permet déjà de sécuriser leur chiffre d’affaires, grâce au “mix-produit”, et davantage d’industriels devraient faire le choix du multi-produit (il pèse aujourd’hui plus de 60 % du chiffre d’affaires de la filière).

Pour conquérir des marchés qui ont besoin de nous, de notre savoir-faire, de nos spécificités, de notre image de qualité, nous devons faire face à une rude concurrence sur les marchés mondiaux. La convergence des prix du lait dans ces différents pays et les restructurations graduelles de notre industrie laitière, rendent nos produits de plus en plus compétitifs et attractifs pour les importateurs. Il manque une ambition, une volonté collective, une prise de conscience de la belle carte à jouer dans le contexte actuel. Certains de nos concurrents directs se sont déjà positionnés pour répondre à la demande mondiale. Cette volonté peut faire l’objet d’une stratégie collective (on parle de “chasse en meute”), qui réunit les structures coopératives, en complément des entreprises privées, déjà bien implantées à l’international, que ce soit en termes d’investissements ou d’exportations.

C’est en ayant une bonne visibilité des tendances de marché, grâce à des outils accessibles de prospective et d’analyse fine des données de marchés, et à des nouveaux outils de gestion de la volatilité des prix (marchés à terme), que l’on pourra adopter des stratégies gagnantes et sources de croissance économique. Ces outils prennent aujourd’hui tout leur sens, ont toute leur place, avec la fin des quotas laitiers et le bas niveau de l’intervention dans l’Ue.

Ce choix est celui de la croissance, assise sur le socle solide d’une production et d’une consommation nationale et européenne de haut niveau, mais qui stagne. Choisir le repli sur soi est possible, et ne continuer à produire essentiellement que pour le marché intérieur est un choix, mais il ne permettra pas de maintenir une densité laitière importante dans les territoires. aujourd’hui nous sommes entrés dans une économie de marché, alors apprenons à raisonner à partir de la demande, en système “pull” et non plus en “push”. La filière laitière est riche de la diversité de nos territoires, source de valeur ajoutée, bassin d’emplois dans tout le pays, tissu économique dense et divers par comparaison aux autres grands pays laitiers. nourrissons-nous de ces atouts pour répondre à la demande mondiale, ce qui permettra alors à nos territoires riches de leur ambiance laitière d’être actifs.

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Pour cela, et nous savons très bien le faire car notre filière laitière est bien organisée et comporte des leaders de taille internationale, travaillons à la compétitivité de chaque maillon de la filière, en commençant par les exploitations laitières, en leur permettant d’actionner les leviers que sont les économies d’échelle, les outils technologiques, la rationalisation des charges, les organisations de producteurs et les contrats pour négocier le prix du lait, au cas par cas, selon les conditions de chaque bassin de collecte, selon la diversité et la dynamique de nos territoires.

Les organisations internationales nous font confiance pour jouer un rôle déterminant, au sein de l’Ue, dans l’économie laitière mondiale, pour répondre aux défis mondiaux actuels. alors apprenons, nous aussi, à nous faire confiance !

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LaIT : oPPoRTuNITés eT sTRaTéGIes GaGNaNTesLes 11 PRoPosITIoNs De saf aGR’IDées

1. développer les volumes de production française de produits sous aOP ou IGP, en particulier à l’exportation vers des pays dont une partie de la population possède un pouvoir d’achat élevé, permettrait d’accroître la valeur ajoutée de la filière laitière, d’augmenter les excédents commerciaux et de renforcer l’activité laitière dans les régions hors Grand Ouest.

2. développer l’élevage du veau de lait dans les zones de montagne qui ont du mal à valoriser leur production laitière.

3. rendre disponible, pour les opérateurs économiques de l’amont et de l’aval, l’analyse fine des données de marchés, aujourd’hui indispensables en tant qu’outils d’aide à la décision.

4. Mettre en place un système de marchés à terme sur les produits laitiers permettrait de mieux lire le marché, qui manque aujourd’hui de prix directeur, et permettrait plus de visibilité et d’anticipation possible de la part des acteurs de l’amont et de la transformation.

5. renforcer nos exportations de produits adaptés à la demande des pays émergents, notamment la Chine : fromages, poudre de lactosérum, poudre de lait et poudre de lait infantile en particulier.

6. Organiser des systèmes d’économie circulaire de bassin par des réseaux de producteurs laitiers et de grandes cultures dans les régions de forte ambiance laitière.

7. augmenter la taille des exploitations pour réaliser des économies d’échelle, en particulier grâce au salariat et aux compétences managériales des chefs d’entreprises agricoles, et jusqu’à l’émergence de grands troupeaux au système économique et environnemental rationalisé et optimisé.

8. renforcer la connexion du prix du lait payé au producteur avec les tendances de marchés, sans lissage ni décalage dans le temps, comme dans les principaux pays producteurs et exportateurs européens.

9. Clarifier le rôle des Organisations de Producteurs de lait et opter pour les OP avec transfert de propriété pour mieux défendre les prix des producteurs, pendant les négociations avec les opérateurs de la transformation.

10. raisonner les charges liées à l’alimentation en fonction des demandes de la transformation, qui pourraient faire l’objet de contrats spécifiques en fonction des produits finis : systèmes basés sur le pâturage et l’autonomie alimentaire si la saisonnalité de la production laitière n’est pas une contrainte (fabrication de produits stockables types poudres, beurres et fromages), ou peu ou pas de mise à l’herbe et importance des concentrés pour une production de qualité et de volumes plus réguliers (fabrication de produits laitiers frais).

11. Utiliser les outils technologiques disponibles pour améliorer la rentabilité économique des élevages en amont (génétique, robots de traite) et en aval (unités de biogaz pour une meilleure autonomie énergétique des exploitations), et mieux valoriser les produits laitiers issus de la transformation.

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IdéesImpacter

DéveloppementIn�uencer

Débats

Dialogue

ImaginerInnover

DéfisDemain

Laboratoire d’idées pour les secteurs agricole, agro­alimentaire et agro­industriel, le think tank saf agr’iDées travaille sur les conditions du fonctionnement et du développement des entreprises composant ces filières.

Dans une volonté de concrétisation du rôle stratégique de ces secteurs, saf agr’iDées, structure indépendante et apolitique, portée par ses valeurs d’humanisme et de progrès, est attachée à des avancées souples et responsabilisantes, permettant aux acteurs d’exprimer leurs talents et potentialités.

Tout au long de l’année, saf agr’iDées organise différents formats d’événements et groupes de travail destinés à produire et diffuser des idées, propositions et questionnements pour accompagner les évolutions indispensables des filières agricoles en ce début de 21e siècle.

marie­Cécile héNaRD­Damave, Ingénieur agronome et Responsable innovations et marchés à saf agr’iDées, économiste agricole à l’ambassade des états­unis à Paris (usDa) jusqu’en 2013.

saf agr’iDées8 rue d’Athènes 75009 Paris+33 (0)1 44 53 15 [email protected]

www.agriculteursdefrance.com

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