LA THEORIE DU NEW URBANISM · 3 Préface Cette étude sur la théorie du New Urbanism rend compte...

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1 MINISTERE DES TRANSPORTS, DE L’EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER DIRECTION GENERALE DE L'URBANISME, DE L HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION CENTRE DE DOCUMENTATION DE L'URBANISME Contrat N° K04.12 (CQ04000045) du 23 Août 2004 LA THEORIE DU NEW URBANISM ________ PERSPECTIVES ET ENJEUX. Synthèse réalisée par Cynthia GHORRA-GOBIN, Directeur de recherche au CNRS Rapport Final Implementation <[email protected]> Juillet 2006

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MINISTERE DES TRANSPORTS, DE L’EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER DIRECTION GENERALE DE L'URBANISME, DE L HABITAT ET DE LA CONSTRUCTION CENTRE DE DOCUMENTATION DE L'URBANISME Contrat N° K04.12 (CQ04000045) du 23 Août 2004

LA THEORIE

DU NEW URBANISM

________

PERSPECTIVES ET ENJEUX.

Synthèse réalisée par Cynthia GHORRA-GOBIN, Directeur de recherche au CNRS

Rapport Final Implementation <[email protected]> Juillet 2006

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S O M M AIRE

Préface 3 Résumé 4 Introduction Appréhender le New Urbanism (NU): une série d'interrogations 7 I- Le courant NU et ses caractéristiques 10 1.1- Genèse et organisation 1.2- La Charte 1.3- NU et urban sprawl II- Les arguments du NU et la défense du rêve américain 23 2.1- De l'échelle métropolitaine 2.2- De la mixité et de la densité 2.3- Un marché immobilier potentiel III- Le NU en débat 34 3.1- Le NU entre ville étalée et mythe de la ville compacte 3.2- Le NU, simple stratégie de marketing au profit d'un "sens des lieux"? 3.3- Le NU, un courant multiculturel made in USA Conclusion 46 Le NU, une théorie en quête d'une vision politique du développement urbain durable Eléments de bibliographie : Le New Urbanism dans le contexte 50 américain Glossaire 61

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Préface Cette étude sur la théorie du New Urbanism rend compte d’un courant architectural et urbain américain, né dans les années 1980, et s’interroge sur sa capacité à renouveler la conception du projet urbain dans une perspective de développement durable. En d’autres termes, le New Urbanism est-il en mesure de se présenter comme une alternative à l’étalement urbain que connaissent les métropoles américaines voire de devenir une théorie universelle ? Ses grands principes sont inscrits dans une charte qui se donne pour objectif de reconfigurer un contexte essentiellement modelé par cet étalement urbain, dénommé « urban sprawl ». Cette expression, largement utilisée par les médias, les professionnels et les chercheurs américains, désigne le processus de métropolisation indissociable de la mondialisation de l’économie : l’urbanisation se poursuit en dehors de toute notion de limite spatiale au détriment de l’environnement naturel et des paysages. Pour réaliser et produire ce dossier documentaire, le Centre de documentation de l’urbanisme de la Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction a demandé à madame Cynthia Ghorra-Gobin, directeur de recherche au CNRS, enseignante à l’Université de Paris IV-Sorbonne et à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, de décrire et de présenter les tenants et les caractéristiques de ce courant architectural ainsi que son impact sur la production urbaine, qui ne se limite pas à une simple question de densité. La première partie décrit et analyse le New Urbanism en établissant de premiers repères bibliographiques. Un second chapitre met en évidence les principaux arguments de cette théorie en faveur de l’échelle métropolitaine, de la mixité et de la densité ainsi que de la dynamique du marché immobilier. Enfin cette démarche est replacée dans le débat contemporain sur l’avenir de l’urbain et de l’aménagement tout en mettant en scène les principales objections formulées à son encontre, dans l’objectif de mettre en évidence l’intérêt que représente le New Urbanism pour notre contexte mais aussi ses limites. En dépit des remarques, voire des critiques formulées aux Etats-Unis à l’égard de cette théorie, la conclusion souligne l’intérêt de ce courant né Outre-Atlantique, mais aux racines européennes, en raison du sens des lieux qu’il véhicule et de la qualité architecturale qu’il revendique. Souhaitons que le New Urbanism alimente les réflexions de tous ceux qui militent pour la qualité de l’espace urbain, et génère de nouveaux progrès dans la façon de « faire la ville » aujourd’hui.

Philippe GRAND Chef du service

de l’aménagement et de l’urbanisme Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction

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LA THEORIE DU NEW URBANISM

PERSPECTIVES ET ENJEUX RESUME (3 pages)

Depuis les années 1980, le New Urbanism (NU) se présente sur la scène architecturale et urbanistique américaine comme une alternative à la faible densité qui accompagne l'étalement urbain et comme un moyen de rendre plus convivial tout lotissement résidentiel –également qualifié ainsi d’ urban village (village urbain). L’adjectif new (nouveau) signifie que le mouvement cherche à instaurer des principes d’urbanisme dans la banlieue et le péri-urbain –qui jusqu’ici en étaient dépourvus-, comme la diversité architecturale, l’espace public, le sens des lieux et à conférer au lotissement une densité supérieure à celle du lotissement conventionnel ainsi qu’une certaine mixité fonctionnelle. Ce courant architectural et urbanistique a réussi à s'organiser en 1994, dans le cadre d'une association (non-profit corporation) intitulée Congress for New Urbanism (CNU) qui regroupe 2.400 membres répartis dans 49 Etats des Etats-Unis et dans 20 autres pays1. Ce qui a contribué à une plus grande visibilité. Le New Urbanism (NU) fait l'objet d'une publicité médiatique non négligeable à l'occasion de son congrès annuel qui réunit architectes, professionnels de l'aménagement, promoteurs, responsables administratifs et élus locaux en quête d'information, d'échanges et de dialogues. Les responsables de l'association CNU se souviennent de la première rencontre qui avait réuni environ cent personnes alors qu'à présent le congrès annuel gère la venue de plus de 1.400 personnes. Le congrès de juin 2004 à Chicago avait pour titre Reforming Sprawl (réformer l'étalement urbain) et celui de juin 2005 à Pasadena (ville située au nord de Los Angeles) avait pour titre The Polycentric City (la ville polycentrique). Cette association regroupe les pères fondateurs qui sont des architectes reconnus comme Andres Duany (le plus célèbre), Elizabeth Plater-Zyberk (son épouse et doyenne de l'école d'architecture de l'université de Miami), Stefanos Polizoides et Elizabeth Moule (couples d’architectes installés à Pasadena), Peter Calthorpe (architecte à San Francisco) et Dan Solomon (université de Californie, Berkeley). Elle a pour président John Norquist, ancien maire de Milwaukee (1988-2003) qui a largement contribué au réaménagement de certains quartiers industriels et à l'amélioration des conditions de vie des populations habitant dans les quartiers difficiles. Elle est dirigée par Hank Dittmar (co-fondateur du CNU) qui n'est pas un architecte mais un spécialiste des transports qui a travaillé pour le ministère fédéral des transports à Washington DC.

1. L’association CNU a un site qui présente de belles photographies de récentes réalisations

http://www.cnu.org. Consulter aussi <http://www.cyburbia.org> qui rend compte du développement de ce courant ainsi que la revue virtuelle New Urban News <http://www.newurbannews.com/>

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Le NU a pour figure emblématique Seaside (en Floride) réalisé par le couple Duany/Plater-Zyberk (DPZ) et Laguna West (à Sacramento en Californie) réalisé par Peter Calthorpe, deux lotissements des années 1980. Il participe de l'avènement d'une architecture post-moderne tout en étant issu du mouvement en faveur de la préservation historique des années 1970 et s'intitule "architecture néotraditionelle" pour bien signifier l’adoption de formes architecturales traditionnelles. Les approches de Calthorpe (côte ouest) et DPZ (côte est) convergent en raison notamment de l'attention portée au dessin d'espaces publics "lisibles" mettant en scène le piéton. Ce n'est toutefois qu’en 1991 que ce réseau d'architectes et d'urbanistes impliqués dans l'architecture néo-traditionnelle (neo-traditional design) et dans la création de quartiers autour d’un transport en commun (transit-oriented development) a inventé l'expression New Urbanism, à l'occasion de la publication d’un document regroupant leurs principes de l’aménagement urbain. Ce premier document qui peut être considéré comme l'ancêtre de la Charte d'Urbanisme publié en 19962, fut pensé comme l'équivalent des principes architecturaux et urbanistiques rédigés dans le cadre du CIAM (Congrès Internationaux d'Architecture Moderne) par Le Corbusier et un groupe d'architectes. Le CNU a largement diffusé les principes NU qui a également concerné des architectes travaillant dans le logement social. Le programme Hope VI du ministère fédéral de l'urbanisme a financé des opérations NU dans les quartiers difficiles. Le NU ne fait pas toujours l'objet d'éloges. Il est par exemple vivement critiqué par des géographes et sociologues qui lui reprochent de ne s'adresser qu'aux classes aisées blanches, de se limiter à une dimension purement esthétique de la nature et d'être largement influencé par une certaine forme de déterminisme spatial. Ils estiment ainsi qu'un lotissement de qualité n'entraîne pas forcément un sentiment d'appartenance à une communauté locale et que ce sentiment proviendrait plus de l'appartenance à une classe sociale et de la défense d'intérêts communs (en tant que propriétaires). Cette critique réduit le NU à une simple stratégie de marketing visant à séduire les classes aisées en proposant un discours « écolo ». Ce point de vue est toutefois contrebalancé par de nombreux articles comme celui de Michael Herbert qui estime que le NU se présente certes comme une alternative à la crise de la ville américaine mais qu'il a de fortes chances de devenir un mouvement international au XXIe siècle, compte tenu de son solide ancrage dans les théories de l'urbanisme : « NU is a specific cultural response to the crisis of the US city and an all-American product in organization and method, but is also deeply informed by international influences, has an exceptional awareness of the global dimension of planning history, and will itself be a significant player in the sequel volume of the twenty-first century” (Herbert, Built Environment, 2003, p.194) Le NU qui propose de créer un sens des lieux (a sense of place) -un objectif ambitieux à l’heure où la dynamique de la société s’organise à partir de flux et de réseaux (Manuel Castells), démontre la capacité de ce courant de répondre aux questions de l’actualité. Le NU tout en étant reconnu comme une alternative à la théorie moderne de l’architecture présente en outre le sérieux avantage de reposer sur l'acquis par ses architectes d'un savoir-faire dans la négociation avec les pouvoirs publics et dans les relations avec le public. Il ne se définit pas comme un dogme que seuls quelques « superstars » seraient en mesure d'imposer

2. La charte est accessible sur le site du CNU .

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(par leurs signatures) mais s'inscrit dans la logique des formes de démocratie locale. Les architectes du NU ont acquis au fil des années une véritable expertise dans la conduite d'opérations (charrettes) avec les associations d'habitants et d'usagers et avec les responsables locaux. En d'autres termes, ils savent travailler en équipe tout en maintenant le rôle de leadership. Duany a déjà été mobilisé pour organiser des réunions de travail publiques dans la région de la Nouvelle Orléans, à la suite de la tragédie de l'automne 2005. Le NU en tant que théorie architecturale et urbanistique ne règle pas la question de la dépendance automobile mais elle participe d’un mouvement de fond en faveur d’un partage de nouvelles valeurs urbaines relevant de cette quête d’un développement urbain durable. Mais pour atteindre cet objectif, il revient au NU de rencontrer un autre courant émanant cette fois-ci de la sphère socio-politique. Face à la métropolisation définie comme un processus (1) d'étalement urbain (2) de restructuration du marché du travail (englobant les banlieues et le périurbain), les deux entraînant de sérieuses inégalités territoriales, des politologues (comme Anthony Downs ou Myron Orfield) revendiquent une régionalisation de l'urbain, soit l'invention d'une démocratie à l'échelle de l'urbain, dépassant en quelque sorte la fragmentation municipale au sein de la ville-région. Le NU qui se positionne en tant que courant rival de l’architecture moderne, ouvre de nouvelles perspectives dans le champ de l'architecture qui, pour paraphraser l'un de nos maîtres Bernard Huet, s'était, il est vrai, un temps « pensée contre la ville ». Mais en tant que théorie architecturale, il ne touche pas vraiment au registre social et économique. Le NU se présente ainsi comme une théorie en quête d’une vision politique du développement urbain durable.

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APPREHENDER LE NEW URBANISM :

UNE SERIE D’INTERROGATIONS

Depuis les années 1980, le New Urbanism (NU) en tant que doctrine et pratique professionnelle se présente sur la scène architecturale et urbanistique américaine comme une alternative à la faible densité qui accompagne l'étalement urbain et comme un moyen de rendre plus convivial tout lotissement résidentiel. L’adjectif « nouveau » signifie que le mouvement cherche à instaurer des principes d’urbanisme dans la banlieue et le péri-urbain, comme par exemple la diversité, l’animation urbaine (street life) et l’échelle humaine. Il illustre une (r)évolution en cours au niveau des idées et des réalisations urbaines Outre-Atlantique. Ce courant architectural et urbanistique a réussi à s'organiser en 1994, dans le cadre d'une association (non-profit corporation) intitulée Congress for New Urbanism (CNU) qui regroupe 2.400 membres répartis dans 49 Etats des Etats-Unis et dans 20 autres pays3. Ce qui a contribué à une plus grande visibilité. Compte tenu de sa renommée et de son influence il importe de rendre compte de la genèse de ce courant made in USA, des fondements théoriques, des manifestations et débats qu'il suscite en vue de s'interroger sur sa capacité à reformuler le projet urbain dans une perspective du développement durable (DD) et à lui donner sens en ce début de XXIe siècle. A l'heure actuelle l'urbain européen se qualifie d'"entité urbaine éclatée" dans la mesure il inclut trois types de paysages: (1) une ville compacte et dense illustrant sa dimension historique, (2) un tissu suburbain qui s'est façonné tout au long du XXe siècle mais plus spécialement dans les années 1960 et 1970 et (3) des formes péri-urbaines récentes se différenciant du monde rural composé de bourgs et de villages4. L'expression "ville éclatée" fait principalement référence au manque d'homogénéité de la morphologie et du paysage. Elle n'est pas synonyme de "ville fragmentée" qui met plus l'accent sur la multiplicité de municipalités qui composent l’aire urbaine ou encore sur la fracture sociale qui correspond à la ségrégation sociale et spatiale. En allant très vite, on peut dire que la forme urbaine actuelle suscite un débat entre d'une part les partisans de la "ville émergente"5 qui reconnaissent les qualités d'un étalement urbain de faible densité sans aucune notion de limite et d'autre part ceux qui prônent une politique de renouvellement urbain par le biais d'un aménagement hybride empruntant à la ville et à l'univers suburbain et allant dans le sens d’une entité urbaine plus compacte. Le renouvellement se donne pour objectif de (ré)-investir îlots et quartiers urbains ou suburbains en vue de contribuer à une plus grande esthétique urbaine, une certaine cohérence urbaine tout en répondant à l'injonction de la mixité sociale. 3. L’association CNU a un site qui présente de belles photographies de récentes réalisations http://www.cnu.org. Consulter aussi <http://www.cyburbia.org> qui rend compte du développement de ce courant ainsi que la revue virtuelle New Urban News <http://www.newurbannews.com/>

4. Voir notamment O. Mongin, Vers la troisième ville, Paris, Seuil, 2000. (CDU 33087)

5. « Ville Emergente » est une expression couramment utilisée dans notre contexte national à la suite d’un programme de recherche et d'études du PUCA au Ministère de l'Equipement, sous la direction de Geneviève Dubois-Taine entre 1995 et 2000.

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Aussi la présente étude s'est d’abord forgée une grille d'analyse composée d'une série d'interrogations avant de décrire dans une première partie la genèse, l’organisation et les composantes du NU. La deuxième partie met en évidence les principaux arguments du NU en faveur de l’échelle métropolitaine, de la densité et de la mixité, et de la dynamique du marché, tout en le replaçant dans un contexte caractérisé par le phénomène de l'urban sprawl. La troisième partie fait état du débat autour du NU et présente les principales critiques à son égard.

Rendre compte du New Urbanism (NU) est loin d'être aisé d'une part parce que le NU est un courant complexe composé de différentes facettes et d'autre part parce que l'objectif consiste à évaluer sa pertinence pour renouveler le projet urbain dans notre contexte national et européen. En effet s'il s'agit bien a priori d'une théorie architecturale, certains se demandent si tout compte fait il ne participerait pas d’un mouvement social en mesure de répondre aux défis d'un urbanisme répondant à la seule quête d'une rentabilité immédiate6. D'où la série d'interrogations qui portent sur la genèse du mouvement, son ancrage dans les pratiques Outre-Atlantique et sa capacité à contribuer au renouvellement urbain dans notre contexte, en s’inscrivant dans une perspective de développement durable. Comment se définit le NU? Quelle est sa genèse? Qui sont les fondateurs? Les figures centrales de ce courant sont-elles médiatisées? Quelle est la dynamique de ce courant? Comment se diffuse-t-il? N'intéresse-t-il que les architectes? Quelle place le NU occupe-t-il dans l'ensemble de la production architecturale aux Etats-Unis? Se présente-t-il comme une réponse adéquate aux problèmes posés par l'urbanisation de la deuxième moitié du XXe siècle (urban sprawl)? Peut-il être interprété comme une innovation sur le plan théorique et pratique? Le NU a-t-il réussi à modifier les pratiques des architectes et urbanistes Outre-Atlantique? Dans quel sens? Quel est le point de vue des critiques du NU? Quels sont leurs principaux arguments? Le NU serait-il dénué de toute réflexion sur la question sociale? Comment interpréter le NU ? Est-ce un courant spécifiquement américain ou encore plonge-t-il des racines dans l'expérience urbaine européenne? A-t-on l'équivalent en Europe? Pourquoi? La théorie NU se présente-t-elle comme une alternative à la "ville émergente"? Doit-on, comme le font certains, associer le NU au développement des communautés fermées ou lotissements fermés (gated communities) en vogue dans le péri-urbain américain et dans une certaine mesure dans notre contexte national? N'y a-t-il pas risque d'amalgame entre les deux formes de développement? Quelle est la pertinence du NU pour une démarche de renouvellement urbain? Quel enseignement peut-on retirer du NU? La diffusion de cette théorie présente-t-elle un intérêt pour les professionnels, les associations, les promoteurs et les élus? Pourquoi? Telles sont les principales interrogations que suscite le New Urbanism pour tout professionnel engagé dans une réflexion théorique et pratique sur le projet urbain en France et auxquelles la présente étude se propose de répondre. Le NU répond-il aux exigences du développement durable (sustainable development), soit un développement prenant en compte la vie des générations futures sur la planète terrestre? Ou encore a-t-il tendance à ne se limiter qu'à une simple version "écolo" de l’habitat à l’heure du capitalisme global?7 6. Cette interrogation est clairement exprimée par Michael Hebbert, professeur d'urbanisme à l'université de Manchester "New Urbanism-the movement in context", Built Environment 29 (3), 2003, 193-209. (CDU)

7. Cette question est posée par le géographe de l'université de Wisconsin-Milwaukee, Jeffrey Zimmerman,"The "nature" of urbanism on the new urbanist frontier: sustainable development or defense of the suburban dream?", Urban Geography, 2001, 22 (3), 249-267, qui se montre très critique à l’égard du NU. (CDU 59543)

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Aussi l’étude sur la théorie du New Urbanism se propose de rendre compte de ce courant architectural et urbanistique made in USA et de s’interroger sur sa capacité à renouveler la conception du projet urbain dans une perspective de développement durable. En d’autres termes, le NU est-il en mesure de devenir une théorie universelle et de se présenter comme une alternative à l’étalement urbain ? La première partie décrit et analyse le NU tout en établissant les premiers repères bibliographiques. La deuxième partie met en évidence les principaux arguments en faveur de l’échelle de l’échelle métropolitaine, de la mixité et de la densité ainsi que de la dynamique du marché immobilier. La troisième partie replace le NU dans le débat contemporain au sujet de l’avenir de l’urbain et de l’aménagement, tout en mettant en scène les principales critiques. En dépit des critiques formulées à l’égard du NU, la conclusion souligne l’intérêt de cette théorie made in USA (aux racines européennes) en raison du sens des lieux qu’elle véhicule et la qualité architecturale qu’elle revendique. Le NU présente des éléments de réponse à cette quête du développement durable urbain à condition de s’inscrire dans une démarche politique.

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I- LE COURANT NEW URBANISM

ET SES CARACTERISTIQUES Les principes de la théorie du New Urbanism susceptibles de renouveler les pratiques professionnelles, sont inscrits dans une chartre qui se donne pour objectif de reconfigurer un contexte essentiellement modelé par l’étalement urbain, soit l’urban sprawl.

1.1- Organisation et Genèse Le New Urbanism (NU) fait l'objet d'une publicité médiatique non négligeable à l'occasion du congrès annuel qui réunit architectes, professionnels de l'aménagement, promoteurs, responsables administratifs et élus locaux en quête d'information, d'échanges et de dialogues. Les responsables de l'association CNU dont la fondation remonte à 1994 se souviennent de la première rencontre officielle qui avait réuni environ cent personnes alors qu'à présent le congrès annuel (tous les ans au mois de juin) gère la venue de plus de 1.400 personnes. Le congrès de juin 2004 à Chicago avait pour titre Reforming Sprawl (réformer l'étalement urbain) alors que celui de juin 2005 (le treizième) s’est déroulé à Pasadena (ville située au nord de Los Angeles en Californie) avec pour titre The Polycentric City (la ville polycentrique). Cette association regroupe les pères fondateurs du courant NU qui sont pour la plupart des architectes reconnus comme Andres Duany (le plus célèbre d'entre eux avec Peter Calthorpe), Elizabeth Plater-Zyberk (son épouse et doyenne de l'école d'architecture de l'université de Miami), Stefanos Polizoides et Elizabeth Moule (tous deux architectes à Pasadena), Peter Calthorpe (architecte à San Francisco) et Dan Solomon (université de Californie, Berkeley). Elle a pour président John Norquist, ancien maire de Milwaukee (1988-2003) qui a largement contribué au réaménagement de certains quartiers industriels et à l'amélioration des conditions de vie des populations habitant dans les quartiers difficiles. Elle est dirigée par Hank Dittmar (co-fondateur du CNU) qui n'est pas un architecte mais un spécialiste des transports qui a travaillé pour le ministère fédéral des transports à Washington DC. Dittmar est une personnalité intéressante : il est président de Great American Station Foundation, une fondation dédiée à la rénovation des gares et à leur transformation en un lieu de vie grâce notamment aux commerces. La question des déplacements en milieu urbain fait partie du courant NU sans pour autant occuper une place centrale. NU est un terme utilisé depuis peu pour décrire des pratiques architecturales remontant aux années 1980 avec la réalisation de Seaside (en Floride) par le couple Duany/Plater-Zyberk (DPZ) et Laguna West (à Sacramento en Californie) par Peter Calthorpe. Il participe de l'invention d'une architecture post-moderne tout en étant issu du mouvement en faveur de la préservation historique des années 19708 et s'intitule "architecture néo-traditionnelle" pour bien signifier l’adoption de formes architecturales traditionnelles. A la fin des années 1980 que ce courant architectural et urbanistique fut reconnu par les critiques architecturales et plus tard par les médias. Les approches de Calthorpe (côte ouest) et DPZ (côte est) convergeaient en raison notamment de l'attention portée au dessin d'espaces publics "lisibles" en mesure de mettre en scène le piéton9. Ce n'est toutefois qu'en 1991 qu’un réseau d'architectes et d'urbanistes 8. Ellin N., Postmodern Urbanism, Cambridge, MA, Blackwell, 1996.

9. L'adjectif "lisible" est emprunté au célèbre architecte Kevin Lynch dans son ouvrage de 1960, The Image of the City. (CDU 36515)

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impliqués dans l'architecture néo-traditionnelle (neo-traditional design) et dans la création de quartiers autour d’un transport en commun (transit-oriented development) a inventé l'expression New Urbanism, à l'occasion de la publication d’un document regroupant les principes de l’aménagement urbain. Ce premier document fut l'ancêtre de la Charte d'Urbanisme publié en 199610 et fut pensé comme l'équivalent des principes architecturaux et urbanistiques rédigés dans le cadre du CIAM (Congrès Internationaux d'Architecture Moderne) par Le Corbusier et un groupe d'architectes. A la suite de la création de l'association CNU 11, le courant NU s'est étendu et a cette fois concerné des architectes travaillant dans le logement social ou dans les pays en voie de développement12. C'est d'ailleurs dans le cadre du programme Hope VI que le ministère fédéral de l'urbanisme a financé des architectes se réclamant du NU pour réhabiliter des logements sociaux et en construire de nouveaux situés dans les quartiers difficiles. Les médias13 (quotidien, hebdomadaire et mensuel) comme The Wall Street Journal, Newsweek, Time Magazine, The New York Times et The Atlantic Monthly ont identifié ce courant architectural incarné à ses débuts par la figure du couple Duany/Plater-Zyberk (côte est) et par celle de Calthorpe (côte ouest). Le fameux couple dont l'agence est localisée en Floride intervient essentiellement dans l'univers suburbain alors que Peter Calthorpe dont l'agence est à San Francisco participe plutôt à des opérations de réhabilitation urbaine et plus spécialement dans des projets intersticiels du tissu urbain (infill programs) et comportent, de ce fait, un volet intéressant sur les transports en commun. Dans un article remontant au début des années 1990, le Time Magazine écrivait au sujet du NU "A growing movement to replace charmless suburban sprawl with civilized, familiar places that people love" (un mouvement en pleine croissance qui cherche à remplacer l'étalement urbain sans charme avec des lieux familiers et civilisés que les gens aiment bien)14. La presse professionnelle fait régulièrement état des réalisations du NU comme la revue Preservation du National Trust for Historic Preservation (agence nationale pour la préservation historique). Les médias ont même précisé à l'opinion publique américaine que Andres et Elizabeth (le couple DPZ) étaient nés aux Etats-Unis mais qu'ils appartenaient à des familles issues de l'immigration (Amérique latine et Europe de l'est) ayant été exposées à une expérience urbaine différente de celle de la majorité des Américains. A la suite d'une formation architecturale à l'université de Yale sous la direction de Vincent Scully -architecte et historien connu pour ses ouvrages sur l'histoire de l'architecture américaine et moderne-, le couple a d'abord travaillé pour la célèbre agence Arquitectonica avant de créer la sienne à Miami. Dès les années 1980 des architectes ont proposé de modifier le dessin (design) du lotissement résidentiel, de densifier son tissu et de réhabiliter l'espace public ainsi que la figure du

10. La charte est accessible sur le site du CNU. Elle figure également dans les ouvrages de Peter Katz et de Peter Calthorpe.

11. L'année 1993 figure sur le site de CNU alors que les auteurs DPZ mentionnent l'année 1994 dans leur ouvrage Suburban Nation.

12. Pour plus de détails voir, K. Falconer Al-Hindi et K.E. Till "Replacing the new urbanism debates: toward an interdisciplinary research agenda", Urban Geography, 2001, 22 (3), p.190. (CDU 59543)

13. Cette information est incluse dans l'article d'Emily Talen, "Sense of Community and Neighborhood Form: An Assessment of the Social Doctrine of New Urbanism", Urban Studies, vol.36, N°8, 1361-1379, 1999, p.1375. (CDU)

14. Cette citation provient de Peter Katz dans l'introduction de son ouvrage.

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piéton. Le prototype de ce début de réaction à l'encontre de l'aménagement traditionnel des lotissements et extensions urbaines fut Seaside, un lotissement de villégiature situé le long de la plage en Floride. Il fut réalisé en 1981 et fut plus tard connu du public grâce au film The Truman Show. Mais si un lotissement de villégiature doté d'une allure de village traditionnel entourant un port de pêche incarne la nouvelle tendance architecturale, celle-ci concerne aussi des lotissements suburbains ainsi que des programmes de rénovation urbaine intitulés infill projects et localisés dans d'anciens quartiers de ville. A l'occasion du congrès de 2004, le CNU a recensé 648 réalisations de type traditional neighborhood development (TND) réparties sur l'ensemble du territoire américain. Ce chiffre -donné par le CNU- ne prend pas en compte tous les lotissements ayant opté en faveur d'une structure urbaine dense et d'une certaine qualité urbanistique et architecturale même si l’architecte ne fait pas partie de l’association, CNU.

1.2- La Charte et les principales caractéristiques 15 Le Congress for New Urbanism (CNU) qui rassemble des architectes, des professionnels de l'aménagement, des élus et des promoteurs et dont le siège se trouve à Chicago repose sur deux concepts fondateurs le "neo-traditional town" (la ville néo-traditionnelle) et le "transit-oriented development" (développement urbain associé aux transports en commun) qui replacent tous les deux le projet dans son contexte régional16. Le premier correspond à la théorie et à la pratique du couple DPZ alors que le second correspond à celle de Calthorpe. Bien que le terme néo-traditionnel17 soit peu associé à une posture progressiste (dont se réclament les architectes du CNU), DPZ estime qu'il est utile de le maintenir pour contrebalancer la racine "urban" du mot urbanisme qui dans le contexte américain fait référence à la pauvreté et à la violence par contraste avec suburban associé à la mainstream America, soit les classes moyennes et aisées. Le néo-traditionalisme (entre le modernisme et le traditionnel) qualifie les projets NU dont l'intention est de créer un environnement de qualité qui répond à des principes environnementaux, sociaux et économiques. Dans cette perspective l'idée de quartier traditionnel s'avère le plus adapté. Aussi pour les membres du CNU, la qualité de vie dépend largement de l'acte prescripteur de formes urbaines et le NU se conçoit comme un ensemble de règles d'urbanisme adaptées au milieu suburbain (suburban) et périurbain (exurban) alors que jusqu'ici elles n’auraient servi qu’à façonner la ville. (L’encadré qui suit présente la Charte du NU en anglais et en français, texte copié à partir du site CNU)

15. Trois ouvrages ont servi de référence à cette présentation du NU: (1) Duany, Plater-Zyberk et Speck (2000) (2) Calthorpe (1994) et Calthorpe et Fulton (2001). Consulter également le site du CNU.

16. Voir Robert Fishman dans l'avant-propos de The Regional City. Le volet transport n'est pas aussi explicite dans la Charte.

17. Ce terme a été choisi par le Standford Research Institute (Suburban Nation p. 259).

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Charter of the New Urbanism The Congress for the New Urbanism views disinvestment in central cities, the spread of placeless sprawl, increasing separation by race and income, environmental deterioration, loss of agricultural lands and wilderness, and the erosion of society’s built heritage as one interrelated community-building challenge. We stand for the restoration of existing urban centers and towns within coherent metropolitan regions, the reconfiguration of sprawling suburbs into communities of real neighborhoods and diverse districts, the conservation of natural environments, and the preservation of our built legacy. We recognize that physical solutions by themselves will not solve social and economic problems, but neither can economic vitality, community stability, and environmental health be sustained without a coherent and supportive physical framework. We advocate the restructuring of public policy and development practices to support the following principles: neighborhoods should be diverse in use and population; communities should be designed for the pedestrian and transit as well as the car; cities and towns should be shaped by physically defined and universally accessible public spaces and community institutions; urban places should be framed by architecture and landscape design that celebrate local history, climate, ecology, and building practice. We represent a broad-based citizenry, composed of public and private sector leaders, community activists, and multidisciplinary professionals. We are committed to re-establishing the relationship between the art of building and the making of community, through citizen-based participatory planning and design. We dedicate ourselves to reclaiming our homes, blocks, streets, parks, neighborhoods, districts, towns, cities, regions, and environment. We assert the following principles to guide public policy, development practice, urban planning and design : The region : Metropolis, city, and town 1. Metropolitan regions are finite places with geographic boundaries de rived from topography, water sheds, coastlines, farmlands, region al parks, and river basins. The metropolis is made of multiple centers that are cities, towns, and villages, each with its own identifiable center and edges. 2. The metropolitan region is a fundamental economic unit of the contemporary world. Governmental cooperation, public policy, physical-planning, and economic strategies must reflect this new reality. 3. The metropolis has a necessary and fragile relation ship to its agrarian hinterland and natural landscapes. The relationship is environmental, economic, and cultural. Farm land and nature are as important to the metropolis as the garden is to the house. 4. Development patterns should not blur or eradicate the edges of the metropolis. Infill development within existing urban areas con serves environmental resources, economic investment, and social fabric, while reclaiming marginal and abandoned areas. Metropolitan regions should develop strategies to encourage such infill development over peripheral expansion. 5. Where appropriate, new development contiguous to urban boundaries should be organized as neighborhoods and districts, and be integrated with the existing urban pattern.

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Non contiguous development should be organized as towns and villages with their own urban edges, and planned for a jobs/housing balance, not as bed room suburbs. 6. The development and re development of towns and cities should respect historical pat terns, precedents, and boundaries. 7. Cities and towns should bring into proximity a broad spectrum of public and private uses to sup port a regional economy that benefits people of all incomes. Affordable housing should be distributed through out the region to match job opportunities and to avoid concentration of poverty. 8. The physical organization of the region should be supported by a frame- work of transportation alternatives. Transit, pedestrian, and bicycle systems should maximize access and mobility through out the region while reducing dependence upon the automobile. 9. Revenues and resources can be shared more cooperatively among the municipalities and centers within regions to avoid destructive competition for tax base and to promote rational coordination of transportation, recreation, public services, housing, and community institutions. The neighborhood, the district, and the corridor 10. The neighborhood, the district, and the corridor are the essential elements of de development and redevelopment in the metropolis. They form identifiable areas that encourage citizens to take re responsibility for their maintenance and evolution. 11. Neighborhoods should be compact, pedestrian friendly, and mixed-use. Districts generally emphasize a special single use, and should follow the principles of neighborhood design when possible. Corridors are regional connectors of neighborhoods and districts; they range from boulevards and rail lines to rivers and park ways. 12. Many activities of daily living should occur within walking distance, allowing independence to those who do not drive, especially the elderly and the young. Interconnected networks of streets should be designed to encourage walking, reduce the number and length of automobile trips, and conserve energy. 13. Within neighborhoods, a broad range of housing types and price levels can bring people of diverse ages, races, and incomes into daily interaction, strengthening the personal and civic bonds essential to an authentic community. 14.Transit corridors, when properly planned and coordinated, can help organize metropolitan structure and revitalize urban centers. In contrast, high way corridors should not displace investment from existing centers. 15. Appropriate building densities and land uses should be within walking distance of transit stops, permitting public transit to become available alternative to the automobile. 16. Concentrations of civic, institutional, and commercial activity should be embedded in neighborhoods and districts, not isolated in remote, single-use complexes. Schools should be sized and lo cat ed to enable children to walk or bicycle to them. 17. The economic health and harmonious evolution of neighborhoods, districts, and corridors can be improved through graphic urban design codes that serve as predictable guides for change.

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18. A range of parks, from tot-lots and village greens to ball fields and community gardens, should be distributed within neighborhoods. Conservation areas and open lands should be used to define and connect different neighborhoods and districts. The block, the street, and the building 19. A primary task of all urban architecture and landscape design is the physical definition of streets and public spaces as places of shared use. 20. Individual architectural projects should be seamlessly linked to their surroundings. This issue transcends style. 21. The revitalization of urban places depends on safety and security. The design of streets and buildings should reinforce safe environments, but not at the expense of accessibility and openness. 22. In the contemporary metropolis, development must adequately accommodate automobiles. It should do so in ways that respect the pedestrian and the form of public space. 23. Streets and squares should be safe, com fort able, and interesting to the pedestrian. Properly configured, they encourage walking and enable neighbors to know each other and protect their communities. 24. Architecture and landscape design should grow from local climate, topography, his to history, and building practice. 25. Civic buildings and public gathering places require important sites to reinforce community identity and the culture of democracy. They deserve distinctive form, because their role is different from that of other buildings and places that constitute the fabric of the city. 26. All buildings should provide their inhabitants with a clear sense of location, weather and time. Natural methods of heating and cooling can be more resource efficient than mechanical systems. 27. Preservation and renewal of historic buildings, districts, and landscapes affirm the continuity and evolution of urban society. For information: Congress for the New Urbanism; 140 S. Dearborn St., Suite 310, Chicago, IL 60603; 312 551-7300 phone; www.cnu.org © Copyright 2001 by Congress for the New Urbanism. Les Principes du Nouvel Urbanisme Le Congrès pour le Nouvel Urbanisme considère la dégradation des centre-villes, l’expansion anarchique et incessante des zones construites, la ségrégation croissante par origines et revenus, la détérioration de l’environnement, la disparition des zones cultivées et des espaces naturels, ainsi que l’oubli de notre héritage culturel, comme étant un seul et unique challenge pour l’avenir de notre société et de son habitat. Nous défendons la restauration des villes et des centres urbains au sein de régions cohérentes, la redéfinition des banlieues informes en un ensemble de quartiers ou de «districts» *, la conservation des espaces naturels et la préservation de notre héritage culturel.

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Nous reconnaissons que seules, les interventions spatiales ne résoudront pas par elles-mêmes les problèmes sociaux et économiques. Cependant, une économie vigoureuse, une stabilité sociale et un environnement de qualité ne pourront être garantis sans la présence d’un cadre spatial cohérent et adapté. Nous plaidons pour l’instauration d’une politique publique et des pratiques d’aménagement qui s’appuient sur les fondements suivants : les quartiers doivent accueillir des populations diverses et proposer des usages variés; les villes doivent être conçues pour faciliter la circulation des piétons, des transports en commun et aussi des véhicules automobiles; leur forme doit être définie par des espaces et des bâtiments publics accessibles à tous ; les espaces urbains doivent être modelés suivant une architecture et un paysage qui mettent en valeur le contexte local quant à l’histoire, au climat, à l’écologie et aux méthodes traditionnelles de construction. Nous représentons un large groupe de citoyens, composé de décideurs du secteur public et privé, d’acteurs sociaux et de membres de diverses professions libérales. Nous sommes attachés à rétablir la relation entre l’art de construire et de bâtir une communauté à l’aide d’une planification et d’une conception spatiales s’appuyant sur une participation des citoyens. Nous nous consacrerons à sauvegarder nos logements, nos îlots, nos rues, nos parcs, nos quartiers, nos « districts », nos villes, nos régions et notre environnement. Nous revendiquons les principes suivants pour guider les politiques publiques, les pratiques en matière d’aménagement, la planification et le projet urbain : La Région : La Métropole, l’Agglomération et la Ville 1. La région métropolitaine est une entité économique fondamentale du monde d’aujourd’hui. Les stratégies économiques et spatiales mises en place par les pouvoirs publics doivent prendre en compte cette nouvelle entité. 2. Les régions métropolitaines sont définies par leurs limites géographiques dérivées de la topographie, des cours d’eau, des bordures littorales, des espaces cultivés et des parcs régionaux. La métropole est constituée de plusieurs centres que sont les agglomérations, les villes et les villages avec leur propre centre et périmètre. 3. La métropole entretient une relation nécessaire et sensible avec l’arrière-pays. Cette relation est à la fois liée à l’environnement, la culture et l’économie. Tout comme la maison a son jardin, les exploitations agricoles et les espaces boisés doivent être considérés comme le verger de la métropole. 4. Les projets de développement doivent prendre en compte les limites de la métropole. La valorisation des terrains ne doit pas ignorer ou effacer les limites de la métropole. Toute reconquête d’espace en quartier existant doit s’effectuer en respectant l’environnement, l’économie et l’héritage social. 5. Là où ils sont appropriés, les nouveaux développements en limite de commune doivent prendre en compte l’existant et s’organiser en quartier et « district ». Au delà de la frange urbaine, les nouveaux développements, doivent s’organiser en villes et villages avec leurs propres limites et un équilibre entre emplois et logements pour ne pas être des cités dortoirs. 6. Le développement et le re-développement des villes doit s’effectuer en respectant les déterminants, la forme et les limites urbaines. 7. Les villes doivent offrir un large champs d’usages privés et publics pour supporter l’économie régionale et répondre aux besoins de toutes les classes sociales. Les logements

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à loyers modérés doivent être répartis sur la région, au regard du marché de l’emploi et pour empêcher toute concentration de pauvreté. 8. La région doit s’appuyer sur un solide réseau d’infrastructures. Les transports en commun, la marche à pieds et l’usage de la bicyclette, doivent renforcer l’accessibilité et la mobilité dans la région, tout en décourageant l’utilisation excessive des véhicules automobiles. 9. Les ressources et revenus financiers peuvent être répartis plus équitablement parmi les collectivités locales et autres centres d’activités pour éviter toute compétition nuisible et relative à l’implantation d’entreprise, à la perception de la taxe professionnelle et pour promouvoir une coordination des transports, des services publics, des loisirs et du logement. Le quartier, le « district » et le « corridor »* 10. Le quartier, le « district » et le « corridor »sont les éléments essentiels du développement et du développement de la métropole. Ce sont des lieux identifiables qui encouragent les habitants à prendre des responsabilités pour leur maintien et leur évolution. 11. Les quartiers doivent être denses, convivial pour le piéton et composés de logements, de commerces et de bureaux. Les « districts » bien que généralement mono-fonctionnels doivent être organisés comme les quartiers. A l’échelle régionale, les axes d’extension urbaine relient entre eux quartiers et « districts ». Leur conception spatiale doit s’inspirer, si possible, de celle des quartiers. Ils peuvent prendre la forme de boulevards, de voies paysagées, de voies ferrées, et de cours d’eau. 12. La plupart des activités domestiques quotidiennes doit s’effectuer dans un périmètre accessible à pieds, pour assurer l’indépendance de ceux qui ne conduisent pas, comme les personnes âgées et les enfants. Le réseau des voiries doit être dessiné pour encourager la marche à pieds, réduire le nombre et la longueur des déplacements automobiles et préserver l’énergie. 13. Dans un même quartier, il doit y avoir, un large choix de logements et de prix pour encourager la fréquentation quotidienne d’habitants de diverses tranches d’âge, d’origines et de revenus variés, renforçant ainsi les liens entre les individus, nécessaires à une véritable communauté. 14. Les « corridors », quand ils sont bien planifiés et coordonnés, peuvent contribuer à améliorer l’organisation de la métropole et la revitalisation des centres urbains. Ils ne doivent en aucun cas déplacer l’activité des centres urbains existants vers la périphérie. 15. A proximité des gares et stations, une occupation des sols et une densité construite appropriées doivent permettre aux habitants et aux visiteurs d’utiliser les transports en commun comme alternative à l’automobile. 16. Les activités publiques, institutionnelles et commerciales doivent être concentrées dans les quartiers et les districts. L’emplacement et la taille des écoles doivent être définis pour permettre un accès facile aux enfants, à pieds ou à bicyclette. 17. L’équilibre économique et l’évolution harmonieuse des quartiers des districts et des « corridors » peuvent être améliorés par l’élaboration de codes qui guideront leur évolution future. 18. Une variété de parcs, de bacs à sable, de squares, de terrains de football, de jardins communautaires, doit être disséminée dans les quartiers. Les zones d’espaces protégés et

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les terrains vacants devraient être utilisés pour permettre de contenir et de relier entre eux quartiers et districts. L’îlot, la rue et l’immeuble 19. La prise en compte physique de la rue et de l’espace public comme lieux d’échanges est la priorité avant tout projet architectural et toute intervention paysagère. 20. Tout projet d’architecture isolé doit être en relation avec son environnement. Cette préoccupation dépasse le style. 21. La revitalisation des espaces urbains dépend de la sûreté et de la sécurité. Le dessin des voiries et des immeubles doit renforcer la sécurité du lieu, mais pas au détriment de l’accessibilité et de l’accueil. 22. Dans la métropole contemporaine, tout développement doit accommoder au mieux la circulation automobile tout en respectant les piétons et l’espace public. 23. Les rues et les parcs doivent être des lieux sûrs, confortables et accueillant pour le piéton. Dessinés de façon harmonieuse, ils invitent à la promenade et facilitent les relations entre les habitants pour le bien-être de leur communauté. 24. Le dessin de l’architecture et du paysage doit être fidèle au climat, au relief, à l’histoire et aux traditions locales de construction. 25. Le choix d’implantation des bâtiments civils et les lieux publics nécessitent une attention particulière pour renforcer l’identité communautaire et le sens civique de chacun. Contrairement aux autres bâtiments qui constituent le tissu de la ville, ils doivent se distinguer par leur architecture. 26. Tout immeuble doit fournir à ses habitants, la possibilité de se situer dans le temps et dans l’espace. L’utilisation de méthodes naturelles pour climatiser doit permettre de préserver les ressources de l’environnement. 27. La conservation et la rénovation des bâtiments, de « districts », d’aménagements paysagés à valeur historique pérennisent la continuité et l’évolution de la société urbaine. * « districts »: Secteur présentant une mono-activité, comme par exemple un campus universitaire, une zone industrielle, un aéroport… * « corridor »: Couloir d’infrastructures ou coulée verte Pour information : Congrès pour le Nouvel Urbanisme (bureau en Californie), tél 510-665-3100, fax 510-665-3133 Translated by Jean-Maurice Moulène, Moule & Polyzoides, Architects and Urbanists La Charte du NU comprend une introduction et trois parties qui traitent (1) des trois échelles urbaines, la métropole, la ville et le village (2) du quartier traditionnel (neighborhood), district (défini comme un espace monofonctionnel) et corridor (ensemble d'infrastructures) reliant les différentes entités ainsi que de (3) l'îlot (block), la rue et le bâtiment. L'introduction précise les intentions des membres du CNU militant pour un environnement de qualité en vue de bâtir une communauté d'habitants. Elle s'élève contre la dégradation des centre-villes, l'expansion anarchique des zones construites et la ségrégation. Elle se positionne en faveur de la prise en

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compte de l'environnement naturel, de l'héritage culturel tout en s'appuyant sur la participation des habitants. Après l’introduction présentant les objectifs du NU, chacune des trois parties de la charte inclut neuf points prescriptifs. La première partie fait constat de la région métropolitaine comme le cadre privilégié de l'organisation économique de nos sociétés et suggère de prendre en considération les infrastructures, l'environnement naturel, le cadre bâti existant, avant toute opération. Elle est en faveur d'une certaine forme d'équité entre les différentes municipalités de la région métropolitaine. La deuxième partie traite du quartier, de sa densité, de l'impératif de favoriser la marche à pied en offrant des équipements de proximité, que ce soit l'école, les commerces alimentaires ou les loisirs pour les enfants. Elle précise également qu'il faut assurer la mixité sociale en offrant une variété de logements susceptibles de convenir à différentes catégories sociales. La troisième partie s'intéresse au cadre bâti mais précise d'emblée que les concepteurs doivent d'abord prendre en compte l'espace public et l'îlot. La sécurité dépendrait ainsi de la qualité des espaces publics. Le quartier doit être doté d'une identité, ce qui permet de renforcer le sens civique de ses habitants. Certains éléments de la charte ont été précisés et élaborés dans d'autres textes également rédigés par les fondateurs de ce courant architectural qui ont mis l'accent sur la diversité des projets urbains et la diversité de la commande. Le NU s'adresse à différents types de projets urbains: Il concerne la création de nouveaux lotissements, la réhabilitation d'anciens lotissements et la construction dans des espaces urbains interstitiels (infill sites). Il se propose de répondre aussi bien à la demande d'un promoteur qu'à celle d'un élu local, régional ou encore d'un élu ou d'une administration à l'échelle de l'Etat fédéré pour établir un plan de développement. Tout quartier (qualifié de traditional neighborhood) doit comprendre un centre et une périphérie dont la distance ne doit pas excéder 500 mètres pour prendre en compte les déplacements piétons, être délimité et inclure quelques activités (outre la fonction résidentielle). De ce fait, la densité du cadre bâti est supérieure à celle de la majorité des lotissements des banlieues et périphéries. A l'image de Seaside, le quartier est doté d'une allure de village et la superficie des parcelles de terrain est inférieure aux normes habituelles. Il inclut la maison individuelle (single family detached house), la maison de ville (row house) et l'immeuble collectif (deux ou trois niveaux). L'architecture de chacun des bâtiments peut varier et relever ainsi de l'architecture traditionnelle ou moderne. Le lotissement NU se veut une alternative à celui des années 1950 (souvent érigé en modèle) qui disposait rarement de trottoirs (car pensé pour l’usage exclusif de la voiture) et où la maison était localisée au milieu de la parcelle de terrain de manière à maintenir une certaine distance par rapport à la rue et aux voisins. L'aspect le plus intéressant du NU réside, outre la variété de l'habitat, dans l'organisation des rues et des espaces publics qui ont pour vocation de réhabiliter la figure du piéton. On parle de streetscape (paysage mettant en évidence la rue) et de public realm (univers public) au sein duquel prennent place les relations entre les individus. Les espaces publics confèrent une identité au lotissement, comme le démontre Kentlands (Maryland), lotissement réalisé par Duany dans la banlieue de Washington DC, dont l'urbanisme fait de larges emprunts à Georgetown (un beau quartier historique de la ville de Washington DC). Le NU maîtrise l'usage de la voiture et fait en sorte que les parkings soient peu imposants dans le paysage et notamment à partir de la rue. Il inclut aussi quelques fonctions commerciales. Ces services et fonctions commerciales servent à doter le lotissement d'une certaine forme de centralité. Le NU évite de faire d'un lotissement une simple juxtaposition de maisons individuelles et cherche plutôt à lui conférer une identité grâce à l'imbrication étroite entre espaces domestiques et espaces publics. Aussi l'entrée des logements est loin d'être négligée avec l'usage du porche qui se veut un symbole de la socialisation entre voisins alors que dans les banlieues traditionnelles, cette fonction se déroule dans le backyard

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garden (le jardin situé à l'arrière de la maison), loin du regard des voisins. Le NU se veut une réponse à la célèbre critique de la "géographie de nulle part" (geography of nowhere) exprimée par James Howard Kuntler il y a plus de dix ans.

1.3- NEW URBANISM ET URBAN SPRAWL Rendre compte du NU exige de faire référence au contexte urbain américain qualifié d'urban sprawl (US). Dans certaines publications, le NU est présenté comme une alternative à l'US. L'expression américaine urban sprawl se traduit le plus souvent par étalement urbain tout en adoptant une connotation péjorative, celle d'un manque de structure. Mais US est également synonyme de métropolisation (metropolitanization) qui véhicule deux sens. Il signifie d'une part que l'économie globale s'organise grâce à un système de villes et de métropoles et d'autre part que le marché du travail au sein de ces entités urbaines a changé d'échelle pour inclure les banlieues et les périphéries. Il en résulte que la notion d'urban sprawl indique aussi bien une extension spatiale peu dense de l'urbain qu'une décentralisation économique (associée à une restructuration du marché du travail) concernant l'ensemble de la métropole ou la région urbaine (city-region). Le mot suburbanisation (suburbanization) qui renvoie à l'idée d'une extension spatiale de l'urbain sous la forme de banlieues résidentielles est supplanté par l'expression urban sprawl incluant l'Edge city et l'Edgeless city. Le mot city indique bien la présence d'activités économiques en milieu suburbain et périurbain. L'Edge city terme utilisé à la suite de Joel Garreau qui identifia le premier les polarités suburbaines incluant des emplois, diffère de l'Edgeless city, terme utilisé par Robert Lang dix ans plus tard pour désigner une répartition diffuse des emplois dans le périurbain (exurban). L'historien Robert Fishman fut parmi les premiers à faire le constat de la diffusion de la dynamique économique sur l'ensemble du tissu urbain dans son ouvrage intitulé Bourgeois Utopias: The Rise and Fall of Suburbs (Les utopies bourgeoises: l'avènement et le déclin de la banlieue). Aussi le courant New Urbanism peut difficilement s'expliquer indépendamment du contexte d'urban sprawl auquel se réfèrent les urbanistes, les chercheurs, les professionnels et les médias, soit l'opinion publique américaine. Dans son ouvrage Suburban Nation, le couple DPZ présente les principes d'architecture et d'urbanisme du NU en vue d'améliorer le cadre de vie contemporain, mais la déclaration ne concerne que les deux derniers chapitres de l'ouvrage. Les neuf premiers chapitres s'apparentent plus à une analyse critique de l'urban sprawl, comme l'exprime clairement le sous-tire The rise of Sprawl and the Decline of the American Dream. Les auteurs prennent acte de l'avènement d'une société suburbaine -attestée par le recensement de 1990- mais ils se montrent extrêmement critiques à l'égard de l'urbanisation en cours remontant aux années 1940. Cette urbanisation principalement pensée pour la voiture, aurait en quelque sorte laissé de côté, pour ne pas dire nier toute idée d'espace public (public realm) au profit de l'espace privé. L'architecture domestique est également critiquée. Le mot McMansion qui fait référence à la version fast-food du rêve américain symbolisé par la maison individuelle (single-family house) exprime les limites d'une architecture qui part du principe que plus la maison est grande, plus elle est belle et plus elle correspond aux besoins de chacun des membres de la famille. Tout en dénonçant les effets négatifs de cette urbanisation sans aucune notion de limites, aucune critique n'est en réalité adressée aux promoteurs immobiliers qui, d'après les auteurs, se seraient uniquement pliés aux exigences des codes d'urbanisme des municipalités. L'ensemble des réglementations qui régissent l'aménagement urbain sont ainsi critiquées au profit de celles de la Charte du NU. L'ouvrage de Duany et de Plater-Zyberk n'aborde pas vraiment la question des causes profondes de l'étalement urbain mais -comme l'indique le chapitre 7- s'intéresse aux victimes de l'urban sprawl, les enfants

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Cynthia Ghorra-Gobin

Les espaces publics PLAYA VISTA (Californie) Vaste opération immobilière à proximité de l'aéroport de Los Angeles ayant emprunté un certain nombre de principes du New Urbanism. On distingue la chaussée pour les voitures, la rangée d'arbres, le cheminement piéton et la végétation abondante devant le bâtiment. Pour accéder à l'intérieur de l'immeuble, il faut disposer d'un code.

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prisonniers de leur environnement suburbain, les femmes qui doivent consacrer une partie de leur budget-temps pour accompagner les enfants, les adolescents qui s'ennuient, les personnes âgées qui ne peuvent plus conduire ainsi que tous ceux qui n'ont le choix que de se déplacer qu'en voiture. L'étalement urbain pose problème dans la mesure où il participe de la déqualification des anciens territoires urbanisés et se fait le plus souvent au détriment des espaces naturels des espaces agricoles. Il est, en outre, perçu comme responsable de la pollution de l'air et des embouteillages dans les réseaux routiers et autoroutiers. Dans ce contexte d'étalement urbain, la voiture individuelle est devenue le seul mode de déplacement, ce qui pose un sérieux défi à tous ceux qui n'ont pas accès à la voiture (non-motorized people) et qui vivent principalement dans les anciens quartiers de la ville centre de la métropole (inner-city neighborhoods). Ces personnes, le plus souvent au chômage sont en effet victimes d'une restructuration du marché du travail qui propose des emplois peu qualifiés en milieu suburbain (suburban) ou périurbain (exurban). Les chercheurs en sciences sociales parlent de "spatial mismatch" (décalage spatial) pour dénoncer les dysfonctions de cette nouvelle échelle urbaine. Al Gore, l'ancien vice-président a tenté d'en faire un thème privilégié sur la scène politique dans les années 1999 et 2000 en proposant une politique de "smart growth" (croissance intelligente) aux Etats fédérés. Mais cette notion fait plus référence à la préservation des terres agricoles et de l'environnement naturel ainsi qu’aux questions relevant des infrastructures de transports, de la qualité de l'air et de l'eau. Il est vrai que tout au long de la deuxième moitié du XXe siècle, l'Etat fédéral américain a consacré des budgets impressionnants pour la construction d'un vaste réseau autoroutier (Interstate) et a complètement négligé la question du transport en commun. Le courant NU s'inscrit dans un contexte où des responsables des administrations locales, des professionnels, des associations de citoyens et des chercheurs ont pris conscience des coûts sociaux et environnementaux liés à l'étalement urbain et à sa faible qualité architecturale et urbanistique. Il propose des outils en faveur d'une sérieuse alternative et certains d'entre eux comme Peter Calthorpe est reconnu pour sa capacité à imaginer et à concevoir des quartiers autour des nouvelles stations de métro en milieu urbain. Le NU inclut aussi bien des TNDs (traditional neighborhood designs) que des TODs (transport- oriented designs). Le spécialiste des transports de l'université de Californie, Berkeley, Robert Cervero parle de "transit villages" pour indiquer les lotissements et quartiers organisés autour d'une station de transport en commun. Le NU s'inscrit dans un contexte qui explique l'étalement urbain non comme une simple résultante des forces du marché mais plutôt comme le produit d'une connivence entre acteurs privés et publics, sur la base de principes d'aménagement jugés dépassés et inadéquats par rapport aux besoins actuels. Il propose une alternative.

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II- LES ARGUMENTS DU NU

et LA DEFENSE DU REVE AMERICAIN Le New Urbanism repose sur un certain nombre de principes (comme l’indique la Charte) qui présentent un réel intérêt pour le débat sur la politique de renouvellement urbain. Il s’inscrit dans une démarche originale qui prend en compte l’échelle métropolitaine, - tout en se donnant l’objectif de poursuivre le « rêve américain », (soit l’accession à la propriété et à un cadre de vie idéal)- et qui prône la mixité et la densité. L’analyse souligne la présence d’une demande croissante pour des opérations de type NU ainsi que la disponibilité de financements n’exigeant pas une rentabilité immédiate.

2.1- De l’échelle métropolitaine, de la résidentialisation et de la participation Certes la Charte du NU indique de manière explicite l’impératif de prendre en compte simultanément dans la pratique urbanistique les échelles de la métropole, de la ville et du niveau local. C’est toutefois l’ouvrage de Peter Calthorpe et de William Fulton (The Regional City) qui argumente le mieux en faveur d’une pratique professionnelle s’inscrivant dans le contexte de la région urbaine ou encore de la métropole. L’économie globale est ancrée dans un réseau de villes-régions et c’est désormais à cette échelle qu’il convient de réfléchir tout en élaborant un programme de type NU. Les villes qui étaient autrefois industrielles sont désormais des régions métropolitaines construites autour d’une ville centre et des agglomérations de banlieues qui peuvent s’étendre sur plusieurs kilomètres et inclure de nombreuses municipalités. Mais alors que les villes industrielles présentaient l’inconvénient d’être denses en activités humaines et en populations, les régions métropolitaines actuelles se caractérisent par l’étalement de la population et des activités et par une dégradation de l’environnement naturel. Les villes industrielles devaient faire face à la pollution de l’air et à la pollution de l’eau, un problème qui continue de sévir mais de manière plus insidieuse et moins visible. Quant à la pauvreté, elle est peut-être moins importante mais elle est aussi plus isolée sur le plan spatial et plus aliénante. Aussi prendre comme point de référence l’échelle métropolitaine s’avère pertinent pour rendre compte des coûts sociaux et environnementaux de l’étalement urbain ainsi que des problèmes liés aux quartiers difficiles. En effet on est en mesure de dire combien ces deux aspects (le social et l’environnemental) sont liés. L’étalement urbain participe de l’éclatement de la société et de l’abandon de certains territoires, comme les quartiers de l’habitat social (également qualifiés de quartiers sensibles). Il entraîne la dégradation de l’environnement naturel ou encore la perte de terrains agricoles (souvent riches) tout en posant des questions d’équité sociale. Aussi l’intérêt de la démarche du NU provient du fait que ce mouvement établit une connexion entre les problèmes sociaux et les problèmes environnementaux. Comme le souligne Robert Fishman dans l’introduction de l’ouvrage de Calthorpe et de Fulton, les auteurs ont réussi à établir des relations entre le transport et l’usage des sols, les espaces verts et les espaces publics, l’intérêt d’une limite à l’étalement urbain (boundary) pour prendre en considération la dégradation des quartiers délaissés par l’investissement public et privé. Ils participent d’une vision « régionale » (regional design) qui présente l’intérêt de mettre ensemble des paramètres dépendant de disciplines diverses, comme l’économie, l’écologie, le social et l’esthétique. Cette vision régionale n’est pas entièrement neuve

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mais plonge ses racines dans un courant qui a également existé au début du XXe siècle, le Regional Planning Association of America (RPAA) avec des figures aussi célèbres que Lewis Mumford, Clarence Stein, Henry Wright et Benton MacKaye. Cette dimension régionale donne un nouvel espoir pour tous ceux qui se préoccupent de l’appauvrissement des quartiers laissés pour compte : la question de la répartition du logement social à l’échelle métropolitaine devient ainsi centrale. La concentration de la pauvreté est ainsi corrélée à la concentration de l’habitat social dans certaines municipalités alors que des municipalités dites « gagnantes » attirent des entreprises et des ménages aux revenus élevés. On doit alors envisager le principe d’une redistribution fiscale entre la ville centre et les municipalités (tax-sharing), une répartition autre de l’habitat social, une relance des transports en commun et instaurer une limite à l’urbanisation afin de faciliter de nouvelles formes de réinvestissement dans les anciens quartiers. D’où l’intérêt de dessiner et de créer des quartiers répondant à des normes architecturales et esthétiques, et soumis à l’injonction de la mixité des fonctions et de formes d’habitat. Il est ainsi question de mixité sociale. Il s’agit de créer ou encore de réaménager des quartiers suburbains en leur donnant une dimension humaine à l’échelle du piéton alors qu’ils auraient été principalement conçus en fonction de l’usage de la voiture pour tous. On parle de programme de « résidentialisation » des quartiers suburbains. Un programme de résidentialisation revient à façonner une certaine centralité dans les quartiers résidentiels en (1) y implantant des activités commerciales par exemple, (2) en réintroduisant les espaces publics conçus pour le piéton et pour la marche et (3) en densifiant la construction tout en attachant une certaine considération à la façade des maisons et bâtiments dans la mesure où ils participent de la qualité de l’espace public. Le programme de résidentialisation n’est pas uniquement conçu sur un simple point de vue esthétique mais se veut une condition pour bâtir une certaine « community of place » (esprit du lieu) qui évite au lotissement de n’être qu’une « community of interests » (communauté d’intérêts), une caractéristique de la gated community. Il concerne aussi bien les quartiers aisés que les quartiers difficiles, comme le démontre le programme fédéral Hope VI qui a servi à revitaliser des quartiers de ghettos dans différents localités. Le NU véhicule cette idée que gérer le « capital social » est indissociable de la pratique d’une certaine esthétique urbaine. L’ouvrage the Regional City se termine d’ailleurs par une présentation du programme Hope VI du ministère du logement et de l’aménagement urbain (Department of Housing and Urban Development). Le programme a pour objectif de réhabiliter les logements sociaux et de rétablir l’ordre et la sécurité dans des quartiers difficiles. Il n’a concerné que 60.000 logements dans 129 sites en l’an 2000 mais peut être pris pour modèle. Une tour peut ainsi être démolie pour être remplacée par des petits immeubles logeant des ménages mixtes (n’ayant pas tous les mêmes revenus) avec pour objectif de conférer une dimension humaine à la rue. Celle-ci ne se présente plus comme un simple résidu de l’aménagement urbain mais est pensée comme un élément de l’identité du quartier, tout en incluant la dimension sécuritaire. Tout aménagement NU (notamment dans les programmes de renouvellement urbain) repose également sur un processus de participation des habitants non simplement pour le logement mais aussi pour l’implantation d’activités économiques et de services urbains, comme les crèches, les centres sociaux, les programmes para-scolaires (allant jusqu’à donner une formation professionnelle). L’esprit NU incite également les responsables de logements sociaux à travailler avec des responsables publics pour discuter de l’implantation de logements sociaux à dose homéopathique dans d’autres quartiers ou d’autres municipalités sous la forme d’ « infill housing » (dents creuses). Cette mesure exige que les « nouveaux » locataires soient sélectionnés sur la base de critères précis. Il est également prévu que les locataires posant problème peuvent être renvoyés. Les Américains parlent de « screening » et d’ « eviction ». Le quartier d’habitat social Techwood Homes dans la ville d’Atlanta est souvent donné en exemple. Il remonte aux années 30 et a été entièrement financé par l’Etat fédéral dans le cadre du New

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Deal. Mais un demi-siècle plus tard, ce quartier situé non loin du campus de Georgia Tech et du siège social de Coca-Cola, fut délaissé par une partie de ses habitants tant les conditions de vie étaient déplorables. En 1996 alors que la ville d’Atlanta accueillait les Jeux Olympiques, l’Etat fédéral a accordé à la ville un financement de 42,5 millions de dollars dans le cadre du programme Hope VI. Ce premier montant a incité les promoteurs publics et privés locaux à intervenir dans le programme de réhabilitation : 1.100 logements ont été démolis, pour être remplacés par un programme de 900 logements accueillant des ménages aux revenus divers. Les promoteurs privés ont investi dans ce programme parce qu’ils pouvaient bénéficier d’ un crédit d’impôt : federal Low Income Housing Tax Credit program. Aussi 40% des logements sont sociaux, 20% sont disponibles à des ménages aux revenus modestes alors que 40% des logements sont attribués aux prix du marché, soit entre 500 et 900 dollars par mois. En l’an 2000, la moitié des résidents du quartier ont un revenu supérieur à 35.000 $ par an et un ménage sur cinq a un revenu supérieur à 55.000$ par an. Le quartier abrite toujours des pauvres. Ce réaménagement du quartier a également été l’occasion de créer des équipements culturels et sportifs ainsi qu’une agence bancaire et un hôtel, une crèche et d’assurer la sécurité grâce aussi à des équipes de police circulant à bicyclette. La bibliothèque (qui datait du début du XXe siècle) et le centre social (remontant aux années 40) ont également été rénovés. La réussite de l’opération Techwood Homes provient de la localisation du quartier à proximité du centre d’Atlanta, de la coordination entre une multiplicité d’acteurs publics et privés mais aussi de la politique du promoteur social qui a exigé que ses résidents travaillent au moins à mi temps ou soient engagés dans un programme de formation professionnelle. Cette opération a entraîné un renouvellement de la population et l’entrée de ménages moins pauvres : elle peut être qualifiée de « gentrification » , renouvellement de la population d’un quartier en fonction de la dynamique du marché. En prenant pour référence l’échelle régionale, le NU démontre qu’il ne se limite pas uniquement à un simple courant d’architecture ou de design urbain faisait référence à la « petite ville traditionnelle » (small traditional town) mais qu’il s’inscrit dans un cadre plus vaste prenant en compte l’organisation du marché du travail et des réseaux économiques. Son originalité provient de sa capacité à mettre en relation des éléments de l’aménagement urbain qui sont souvent dissociés. En effet le NU part du principe que la question sociale ou encore la question des quartiers en difficulté est indissociable de l’étalement urbain (urban sprawl) que connaissent les agglomérations et que tant qu’on n’aura pas établi une limite physique à cet étalement urbain, on ne peut réorienter les investisseurs publics ou privés en direction des quartiers délaissés. Il présente également l’avantage de prendre aussi bien en compte les coûts sociaux liés à l’étalement urbain que les coûts environnementaux qui sont repris par la critique environnementale tout en s’inscrivant dans la dynamique du marché. En effet il ne s’agit pas par exemple d’éliminer la voiture comme mode de déplacement mais d’orienter dans la mesure du possible les investissements publics vers le réaménagement de lignes de transports en commun et surtout de prendre le piéton comme référence majeure de l’aménagement urbain à l’échelle du quartier. Le New Urbanism fait ici de larges emprunts à la thèse des années 60 de l’urbaniste Jane Jacobs qui a plaidé en faveur de la rue et de son aménagement comme condition première d’une animation urbaine elle –même garant de l’ordre public. C’est pratiquement cette échelle urbaine qui est revendiquée au travers du slogan de la « petite ville ». L’aspect design de tout aménagement urbain est perçu comme une condition de la viabilité d’un quartier. Cette référence à l’échelle régionale qui se retrouve dans la Charte indique bien l’intérêt de prendre en compte les trois échelles que sont la région, le quartier et le bâtiment. Le NU se présente comme un courant ayant un vaste registre puisqu’il concerne aussi bien le dessin des trottoirs et des espaces piétons que la limite à imposer à l’étalement urbain ou encore l’intérêt de la mixité des fonctions économiques et de la mixité sociale à l’échelle du quartier urbain. Les

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emplois ne devraient plus être relégués dans les office parks (zone de bureaux) mais dans des quartiers intégrés. Le NU n’est pas un courant nostalgique d’une certaine époque mais prend en compte la situation actuelle qui fait de la région, l’ancrage de l’organisation économique à l’échelle globale tout en ne négligeant pas les coûts sociaux liés à l’étalement urbain. Il peut paraître par moment comme ambitieux mais il connaît ses limites en précisant régulièrement que le design des espaces publics ou encore de l’habitat n’est pas un garant de la dynamique économique et sociale mais une condition parmi d’autres. Il s’oppose à cette idée d’une planification urbaine (urban planning) ayant pris ses distances avec tout ce qui concerne les questions de design pour se limiter aux programmes sociaux et économiques. Avec le NU il y a une tentative pour relier la dimension esthétique et matérielle, sociale, environnementale et économique.

2.2- De la mixité et de la densité Le New Urbanism peut paraître à certains égards comme un courant romantique dans la mesure où il s’inspire de la réalisation d’anciens quartiers comme Georgetown à Washington DC, Back Bay à Boston, le centre-ville de Charleston (Caroline du sud), ou encore Germantown à Philadelphie. En fait il propose de revenir à des principes d’urbanisme qui ont pratiquement disparu du champ professionnel pendant plus d’un demi siècle. Le NU plaide pour une prise en compte explicite des espaces publics comme les rues, les squares et les parcs, pour la mixité des fonctions et des catégories sociales des habitants et en faveur d’une organisation spatiale autorisant tout résident à pouvoir se déplacer à pied. Le rêve américain qui remonte au XIXe siècle au moment où le pays s’industrialisait est indissociable de la figure de la maison individuelle (single-family house) à proximité de la nature. Aussi pour les tenants du NU, il ne s’agit pas du tout de remettre en cause ce mythe qui s’est largement diffusé avec la révolution des transports (train, tramways et plus tard la voiture individuelle) et avec l’intervention de l’Etat fédéral par des mesures en faveur de l’accession à la propriété et par des financements en faveur du réseau autoroutier. Il faut tout simplement repenser le lotissement résidentiel (qu’il se situe en banlieue en périphérie ou encore en ville) en mettant le piéton au centre et non la voiture individuelle. Les architectes du NU critiquent ces lotissements où les garages (des maisons) sont devenus l’élément le plus important du paysage alors qu’autrefois c’était la façade de la maison qui dominait la rue. Les banlieues et périphéries urbaines ont permis de s’affranchir des nuisances des villes industrielles qui étaient très denses (crowded) et où les conditions de vie étaient souvent peu agréables. Le développement suburbain et périurbain s’est fait sur le principe d’un zonage rigide (éliminant toute forme de mixité) et de la voiture individuelle pour tous. Cet aménagement serait à l’origine de problèmes qualifiés d’ « untractable » (comme l’urban sprawl) pour lesquels il est difficile d’entrevoir une solution. Les coûts de l’urbanisation (qu’ils soient pris en charge par les acteurs publics ou par les acteurs privés) sont élevés :le temps passé en voiture ne fait que s’allonger au détriment de la vie sociale. Les enfants et les personnes du troisième âge sont de plus en plus dépendants des adultes pour leurs déplacements alors que par ailleurs la population vieillit. Pour le NU tout lotissement doit faire prévaloir les valeurs de l’espace public sans pour autant remettre en cause les valeurs de la sphère domestique. Un équilibre doit être retrouvé entre les deux sphères. Aussi tout quartier doit s’organiser (1) autour d’une certaine forme de centralité symbolisée par un espace public, un bâtiment public et des commerces et (2) à partir de la mixité des fonctions et des formes architecturales. La voiture n’est certes pas bannie du NU mais elle n’est plus mise en scène de la même manière. Aussi par exemple les garages ne doivent pas occuper une place centrale dans le paysage urbain et les rues doivent être aménagées de manière à permettre au piéton de circuler. Quant aux bâtiments ou aux maisons, ils ne doivent pas être conçus comme de simples objets posés sur une parcelle de terrain mais prendre en

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Cynthia Ghorra-Gobin

La densité et la mixité fonctionnelle PASADENA (Californie) Vue d'un imposant bâtiment en cours de construction qui inclut des bureaux, des commerces, des restaurants et des logements et répond aux principes de la mixité fonctionnelle.

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compte le voisinage immédiat tout en s’inspirant de l’architecture de la région. Au sein du mouvement NU figurent deux tendances : l’une qui avec l’agence d’urbanisme DPZ met l’accent sur l’usage de l’architecture traditionnelle et l’autre qui avec l’agence Calthorpe insiste sur l’articulation à instaurer entre le lotissement et les modes de déplacements. Ces deux tendances plaident en faveur d’une plus forte densité de construction. Comme l’écrit Todd W.Bressi, sur une superficie de 120 acres un lotissement conventionnel ne comprend que 720 maisons individuelles alors qu’un lotissement NU peut inclure 2.000 logements ainsi que des équipements publics comme des écoles et des commerces18. Le NU parle ainsi d’urbanisme compact et non dilué qui intéresse aussi bien les promoteurs que les élus (à l’échelle municipale ou encore régionale) dans la mesure où il réduit les coûts de l’urbanisation et répond aux exigences du mouvement environnementaliste qui plaide pour la protection des espaces naturels et agricoles. Le NU n’est pas un courant philosophique mais est à présent ancré dans les pratiques professionnelles de certains architectes et urbanistes dont les réalisations font l’objet d’évaluations et d’analyses critiques par des chercheurs en sciences sociales, notamment en ce qui concerne la densité. Aussi David Gordon et Shayne Vipond de l’université de Queens à Kingston (Ontario) ont mené une étude sur la municipalité de Markham dans l’Ontario et ont comparé les densités (brute) de lotissements conventionnels et de lotissements qualifiés NU19. Les élus de Markham (208.000 habitants et 120.000 emplois en 2001) avaient en effet décidé au début des années 1990 de mettre fin à l’urbanisation des années 1970 et 1980 et de faire appel à des architectes et des promoteurs favorables à une urbanisation plus compacte. Ils avaient été influencés par la Province dont les dirigeants étaient en faveur d’une urbanisation dense. Aussi en 1992 sur un terrain qui avait été réservé pour un futur aéroport (980 hectares), les élus ont lancé un appel à idées et ont retenu la candidature de l’agence d’urbanisme DPZ de Miami. Les architectes ont fait un plan d’aménagement qui a exigé de la municipalité qu’elle revoie son plan de zonage et d’urbanisme pour autoriser la création d’un lotissement de type NU. Il fallait permettre la mixité des fonctions et prévoir une plus grande variété de voies (plus petites et plus grandes que les normes du plan). Ce changement de philosophie dans l’aménagement a incité la municipalité à lancer un second appel à idées pour le centre de Markham sur un site de 506 hectares. Les élus et la population ont non seulement adopté les principes du NU mais ils ont également été fort intéressés par les méthodes de travail du cabinet DPZ qui inclut la participation des habitants. Les architectes réalisent les premiers sketches en prenant en considération le point de vue des habitants. Puis ils les mettent en forme grâce aux outils informatiques avant de représenter le dessin aux habitants qui sont ravis de constater que certaines de leurs idées ont été prises en compte par les experts20.

18 T.W. Bressi, « Planning the American Dream » in P. Katz, The New Urbanism: An Architecture of Community, 1994. 19 D. Gordon & S. Vipond, « Gross Density and New Urbanism : Comparing Conventional and New Urbanist Suburbs in Markham, Ontario », Journal of the American Planning Association, vol. 71, N°1, Hiver 2005, 41-54. (CDU) 20 On peut en effet regretter que peu d’articles mettent ainsi l’accent sur les méthodes de travail des professionnels du NU.

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Superficie (ha) Nombre Logements Population/densité Lotissement conventionnel

1 .411

15.725

51.710 11,1

Lotissement NU

1.393

27.275

84.919 19,6

Différence

76%

Densité Brute= nombre de logements à l’hectare. (Tableau emprunté à D. Gordon, dans JAPA) Le projet NU a une densité (nombre d’unités par hectare) de 76% supérieure à celle du lotissement conventionnel. Cette croissance de la densité s’explique principalement par la variété des logements : 25% (au lieu de 9%) de maison de villes, 16% (au lieu de 10%) d’appartements. Les maisons individuelles continuent de représenter la majorité des habitations. Cette variété de logements permet d’obtenir une plus grande diversité de populations en raison du prix d’accès au logement mais aussi de l’âge de la population. Les besoins d’une famille comprenant de jeunes enfants ne sont pas équivalents aux besoins d’un couple de retraités. Les lotissements NU démontrent que tout compte fait on peut obtenir un plus grand nombre d’unités d’habitations tout en ayant une haute qualité architecturale et un cadre de vie agréable. L’argument en faveur de la densité et de la mixité des fonctions (indissociable de la mixité sociale) participe du courant du New Urbanism mais il est aussi revendiqué par des intellectuels comme James Howard Kunstler21 qui depuis le début des années 1990, n’a cessé de dénoncer le paysage urbain américain pour sa faible qualité esthétique et surtout son incapacité à véhiculer un sens des lieux. Dans son ouvrage Home from Nowhere Kunstler dénonce cette perte de l’échelle humaine des banlieues américaines ainsi que le manque de toute connectivité chronologique de l’architecture et du paysage. Or la connectivité chronologique donne sens et dignité à nos vies humaines : nous avons besoin de sentir que nous appartenons à l’univers et que nous avons un lien avec les générations passées tout en abordant le futur. Ce processus de déconnexion avec le passé et l’avenir sans aucun sens du lieu est appauvrissant pour notre civilisation. Kunstler rappelle ainsi que dans de nombreux bâtiments de bureaux, il est quasi impossible d’ouvrir les fenêtres. Les bâtiments sont conditionnés, ce qui est très frustrant pour la personne. La raison principale de cette perte d’enracinement local provient des règlements d’urbanisme et de construction. Tout ce que l’on sait faire, c’est pratiquement reproduire une nouvelle version du cadre urbain de Los Angeles : impossible d’avoir des « Main street » (axe commercial et central) et des « Elm street » (rue d’ormes faisant référence aux quartiers résidentiels). Les bâtiments construits n’accordent aucune plus-value aux espaces publics, ces derniers ne sont souvent pensés qu’en termes de superficies de stationnement ou encore en parkings. La réglementation ne permet pas d’imaginer un processus d’urbanisation différent de l’étalement suburbain. Kunstler estime que seule la voie du NU autorise à envisager de nouvelles perspectives plus intéressantes pour l’aménagement urbain. Aussi il revient aux professionnels engagés dans le NU de

21 Kunstler est un auteur qui a fait paraître en 2005 un ouvrage intitulé The Long Emergency où il souligne l’instabilité de toute société organisée sur le principe de la dépendance automobile et de l’usage de l’essence.

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Cynthia Ghorra-Gobin

La densité et la mixité fonctionnelle PASADENA (Californie) Imposant bâtiment en cours de construction au niveau d'une station du tramway (la ligne Gold Line, gérée par MTA, Metropolitan Transit Authority) reliant le downtown de Los Angeles à Pasadena. Le bâtiment qui inclut des bureaux, des commerces, des restaurants et des logements répond aux principes de la mixité fonctionnelle.

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convaincre les responsables publics de l’impératif de modifier les règles d’urbanisme et les normes de construction. En prônant la densité et la mixité, le NU se présente comme un outil pertinent pour un développement compact de la ville et pourrait ainsi renforcer toute stratégie de «croissance intelligente » (smart growth)22. Cette expression donnée aux initiatives de certaines municipalités qui (sous la pression de leurs habitants) choisissent de faire face à la croissance économique en optant pour la densification du tissu urbain et en limitant le nombre de permis de construire accordés tous les ans.

2.3- Le marché : la demande et le financement Les professionnels du NU s’interrogent sur la dynamique du marché immobilier et ont financé des études pour mieux saisir la demande (potentielle) en faveur des programmes NU (Myers &Gearin 2001) ainsi que les attentes des financeurs (fonds de pensions) par rapport aux opérations de type NU (Gyourko & Rybcynski 2000). Les chercheurs Dowell Myers et Elizabeth Gearin s’interrogent non pas vraiment sur la demande actuelle en faveur de quartiers NU mais sur la croissance (future) de la demande en faveur de « quartiers traditionnels » (TND, traditional neighborhood development). Les quartiers NU qui se définissent comme différents des quartiers conventionnels caractérisés par une faible densité et organisés en fonction de l’usage de la voiture et du principe de la maison individuelle, sont également qualifiés de « walkable neighborhoods » (quartier où l’on marche). Ils peuvent s’inscrire dans un programme de renouvellement urbain ou d’ « infill » (dent creuse) en ville ou en banlieue ou encore dans un programme péri-urbain. Cette interrogation est pertinente quand on sait que les Américains ont toujours préféré habiter dans une maison individuelle entourée par un jardin et localisée en banlieue, comme le confirme l’enquête menée par la National Association of Home Builders (NAHB association nationale des promoteurs). En 1999, 83% des Américains préfèrent vivre en banlieue (plutôt qu’en ville) même si cela implique un temps plus long pour le trajet domicile-travail. Toutefois en dépit de cette demande pour la maison individuelle et un environnement peu dense, il est possible d’identifier une demande -certes limitée mais en pleine croissance- en faveur de la maison de ville (town house) qui représente 17% de personnes interviewées par la NAHB (alors que ce chiffre n’était que de 15% pour l’enquête menée en 1995 par Fannie Mae National Housing Survey). L’enquête note par ailleurs que 33% des personnes interrogées étaient d’accord pour que leur quartier soit connecté au reste de l’agglomération par un mode de transport en commun. D’autres enquêtes (Eppli & Tu, 1999) estiment que des ménages sont prêts à acquérir un logement dans les quatre lotissements NU les plus réputés : (Kentlands à Gaithersburg (Maryland), Habor Town à Memphis (Tennessee), Laguna West à Elk Grove (Californie) et Southern Village à Chapel Hill (North Carolina)), même s’il faut payer un montant (allant de 5.000$ à 30.000$) supérieur aux prix pratiqués dans les banlieues voisines. Mais si la majorité des Américains sont favorables à la banlieue conventionnelle, les chercheurs concluent que ce point de vue peut varier en fonction de l’âge. Les ménages dont l’âge est supérieur à 50 ans, préfèrent les logements de taille raisonnable, les parcelles de terrains et les jardins de taille réduite ainsi qu’un accès facile et aisé aux commerces. Une enquête menée par l’American Association of Retired Persons en 1996 souligne que les Américains à la retraite souhaitent diminuer leur dépendance à l’automobile : 71% sont en faveur de la proximité d’un mode de transport en commun, 49% souhaitent avoir accès à des commerces alimentaires sans 22 . Voir le site <htpp://www.smartgrowth.org/>

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avoir recours à la voiture et 53% souhaitent avoir accès à leurs médecins sans utiliser la voiture. Le point de vue des ménages d’un certain âge est d’autant plus intéressant que la pyramide des âges est en train d’évoluer. En effet si au cours de la décennie 1990-2000, le pourcentage des ménages entre 55 et 64 ans est passé de 13,5% à 13,2%, ce pourcentage est susceptible d’atteindre 17,4% dans les années 2000, compte tenu du vieillissement de la population. A l’heure actuelle on enregistre tous les cinq ans une augmentation de 3 millions de ménages entre 55 et 64 ans. Aussi il parait logique d’en déduire que, compte tenu des préférences de cette tranche d’âge en faveur d’un d’habitat dense, l’offre est en mesure d’y répondre. La demande en faveur d’un logement dans un quartier dense augmente en raison du vieillissement de la population mais aussi de la prise de conscience (1)des difficultés de la circulation routière et autoroutière, (2) de la diminution de la criminalité en milieu urbain , (3) de l’exemple donné par les « ethnic enclaves » (enclaves ethniques ou quartiers habités par des populations récemment immigrées se caractérisant par une dynamique économique et par une certaine animation urbaine) et (4) de l’influence croissante de la culture des cafés. En effet Starbucks qui compte 3.238 cafés dans les villes et banlieues américaines en 1999, participe d’une certaine réaffirmation de la culture des espaces publics. Se rendre dans un café signifie parfois vivre à proximité. La théorie NU émerge à un moment où la société américaine est en train de changer et de montrer une certaine préférence pour des quartiers plus denses, plus animés et reliés par un mode de transport en commun. Difficile toutefois de quantifier avec certitude la demande potentielle en faveur de quartiers de type NU : en effet si 17% des personnes de l’échantillon de l’enquête NAHB de 1999 a choisi un logement de type maison de ville et si ce pourcentage s’élève à présent à 19%, il est difficile de chiffrer les conséquence sur le marché du logement. Au sein de cette clientèle potentielle, les experts américains distinguent les « compact-city home buyers » (futurs propriétaires) des « compact-city lifestyle renters » futures locataires. Les Américains distinguent dans la catégorie « locataire », les personnes et ménages qui n’ont pas les moyens de s’acheter un logement des personnes et ménages qui choisissent d’être locataires alors qu’ils disposent de revenus annuels supérieurs à 40.000$. Aussi si les « lifestyle renters » (locataires par choix) ne représentent que 12% de la population totale de locataires en quête d’un logement en 2000, les locataires dont l’âge est supérieur à 45 ans, représentent 20,6% de cette population. Cette tranche d’âge représente une demande non négligeable auprès de promoteurs spécialisés dans l’offre d’appartements dans des immeubles. Quant aux propriétaires de maisons en quête d’un nouveau logement, ils ne représentent que 0,65% de la population annuelle en quête d’une maison. Toutefois ce chiffre atteint 2,41% pour les propriétaires de plus de 45 ans. Comme le nombre de personnes en quête d’un logement (en tant que locataire ou en tant que propriétaire) ne fait qu’augmenter dans la tranche d’âge des personnes au dessus de 45 ans, on peut en déduire qu’il existe une demande potentielle pour une alternative aux quartiers suburbains conventionnels. Mais si les personnes en quête d’un logement de type maison de ville correspondent aux 17% de l’enquête de la NAHB, utile de souligner que l’offre de logements en copropriété (de type maison de ville ou appartement) ne représente que 10% de l’offre totale de logements alors que l’enquête NAHB signalait une demande potentielle de l’ordre de 17%. Les professionnels du NU s’interrogent par ailleurs sur la disponibilité de financements bancaires ou encore de fonds de pensions pour des projets immobiliers de type NU et ils ont demandé au centre pour la promotion immobilière (Real Estate Center) de l’Ecole de commerce de l’Université de Pennsylvanie, la Wharton School de mener une étude sur ce sujet. Aussi deux professeurs de cet établissement Joseph E. Gyourko et Witold Rybcynski ont choisi d’interviewer 55 professionnels (incluant des promoteurs et des financiers). Seules 23 personnes ont répondu à ce questionnaire : 22 ont indiqué qu’elles connaissaient le concept de NU mais n’avaient aucune expérience dans le domaine contre 18 qui en avaient une. Il leur a été demandé si les projets urbains dits « complexes » -car s’adressant à une pluralité d’usagers (multiple-use projects)- et

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notamment les projets NU étaient considérés plus risqués et donc plus chers que la construction de quartiers traditionnels. Le caractère « mixte » d’un lotissement ou encore la pluralité de ses usagers potentiels est en fait considéré comme une opération risquée par les financiers et, de ce fait, elle coûte plus chère. Les risques sont perçus limités quand il s’agit d’un urban infill, dans un tissu urbain ancien. Toutefois les risques sont considérés comme étant plus élevés quand il s’agit d’une construction en milieu suburbain ou encore périurbain. Aussi dans le cas de projets complexes, les financiers préfèrent de loin les grandes agences immobilières qui ont déjà l’expérience de ce type d’opérations plutôt que les petites. D’après Schleimer (1995), les réalisations de type NU sont plus chères que les réalisations conventionnelles : à Kentlands (Maryland), le prix des logements s’élevait à 138 dollars par square foot contre 105 dollars dans les quartiers voisins. Une enquête menée en 1989 auprès de 2.000 personnes en quête d’un logement (home buyers) dans le sud et l’ouest du pays a démontré que 34% d’entre eux préféraient vivre dans un quartier mixte. D’une manière générale on peut dire que les projets de type NU sont environ 10% plus chers que les projets conventionnels mais cette caractéristique ne représente pas un obstacle majeur pour le financement des projets NU. Les programmes urbains de type NU exigent d’une part des promoteurs expérimentés (sachant gérer des programmes complexes) et d’autre part des financements à moyen terme qui correspondent par ailleurs aux fonds de pensions. Mais les financiers sont dans l’ensemble plus favorables aux réalisations de type infill (renouvellement urbain) qu’aux réalisations en périurbain sur les greenfields. L’exemple de Celebration, (ville de l’entreprise Disney) est souvent citée pour mettre en évidence les coûts de ce type d’investissement. En effet créer une centralité commerciale pour les seuls besoins d’un lotissement n’est pas jugé une démarche satisfaisante alors que l’insertion de commerces dans les quartiers urbains sert une population plus vaste. Aussi les chercheurs en déduisent que les opérations de type NU en milieu suburbain ou encore périurbain exigent l’intervention du secteur public sous la forme de garanties et peut-être d’aide financière. Pour qu’il y ait intervention publique, il faut toutefois être en mesure de démontrer que la mixité des fonctions ou encore la prise en compte de l’environnement naturel dans le projet urbain permet de réduire la pollution, la circulation et offrir des occasions de promenades. Compte tenu du nombre croissant de réalisations de type NU, les chercheurs suggèrent au CNU de rassembler des données afin de démontrer que les réalisations de type NU ne sont plus aussi risquées qu’elles ne l’avaient été dans un premier temps et qu’elles apportent une sérieuse plus-value à tout projet urbain. Le NU n’est pas un simple discours tenu par quelques architectes soucieux de revendiquer une meilleure prise en compte de l’esthétique dans le projet urbain mais il s’inscrit dans une démarche globale renouant avec les principes de la diversité fonctionnelle et sociale ainsi que de la densité. Les tenants du NU sont attentifs à l’évolution de la pyramide des âges dans la société américaine et à la complexité des projets urbains de type NU qui se traduit par une hausse des coûts.

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III- LE NEW URBANISM EN DEBAT Le courant urbanistique NU qui remonte à la fin des années 1980 a été l'objet d'études et de publications dans des revues de sciences sociales anglaises et américaines largement diffusées, comme Urban Studies, Urban Geography, Built Environment et Journal of The American Planning Association au début des années 2000. Il est au centre d'un débat concernant les sociologues, les géographes et les aménageurs où certains sont plutôt critiques à son égard pendant que d'autres lui reconnaissent un certain nombre de qualités en fonction des représentations qu'ils se donnent de l'urbain. Ces dernières oscillent entre deux pôles: l'image de la ville étalée et celle de la ville compacte, issue de la métropolisation. Aussi si un premier groupe continue de mettre en évidence les avantages la ville étalée, un deuxième souligne les limites du NU pendant qu'un troisième reconnaît un plus grand respect des lotissements NU pour l'environnement ainsi que leur contribution à un sens des lieux. Les critiques ont porté sur (1) les insuffisances de la doctrine environnementale du NU pour répondre aux exigences du développement durable et à la quête d'une ville compacte et sur (2) la prétention de sa doctrine sociale en faveur de l'émergence d'un sens de la communauté par le design. Ces deux critiques (qui ont souvent un fondement néo-marxiste) reprochent en effet au NU de ne pas proposer d'alternatives à l'étalement urbain et de ne déployer qu'une simple stratégie de marketing au sein du marché immobilier en attirant une clientèle aisée et a priori sensible aux arguments "écolo" en faveur de la nature et de la prise en compte de l'échelle humaine dans le dessin du lotissement. Mais ces deux principales critiques ne réussissent pas pour autant à remettre en cause les fondements théoriques du NU, une théorie architecturale américaine mais qui a bénéficié d'une influence européenne.

3.1- Le NU entre ville étalée et mythe de la ville compacte Le NU se présente souvent comme une alternative à la ville étalée (urban sprawl, US) soit la ville touchée par la métropolisation. On entend par métropolisation (1) étalement urbain (2) la restructuration spatiale du marché du travail (englobant désormais les territoires suburbain et périurbain) suite à la stratégie spatiale des entreprises directement concernées par la mondialisation de l'économie et (3) la rivalité entre des municipalités voisines pour accueillir des emplois et des ménages aisées. Une ville concernée par la métropolisation est ainsi identifiée par le vocable "ville-région" (city-region) ou encore la "ville-région mondiale" (world city-region) si elle se situe au sein du système de villes dans lesquelles sont ancrées23 les réseaux de l'économie globale. Mais si le NU participe de cette quête pour un urbain plus compacte, force est de reconnaître qu'il n'y a pas un consensus sur cette vision.

23. Cette notion de ville-région mondiale est analysée dans l'ouvrage publié sous la direction d' A.J.Scott, Global City-Regions: Trends, Theory, Policy, Oxford University press, 2001. (IA 43180)

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Cynthia Ghorra-Gobin

Les espaces publics RAINTREE (Californie) Escalier conduisant du trottoir à l'entrée d'une "town house". Ce lotissement situé à Culver City à proximité de Los Angeles et remontant à la fin des années 70 est antérieur au New Urbanism, mais ses caractéristiques sont assez proches de celles développées par le New Urbanism. On peut, a posteriori, le qualifier d'opération "New Urbanism".

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Dans son numéro de l'hiver 1997 (vol. 63 N°1), le Journal of The American Planning Association s'est interrogé sur ce mythe de la ville compacte. Les principaux arguments s'organisent, à la suite de l'article de deux chercheurs de l'Université de Californie du sud (USC, University of Southern California) Peter Gordon et Harry W. Richardson favorables à l'étalement urbain (urban sprawl, US). Ces auteurs affirment que (1) l'US ne pose pas de véritable problème pour l'agriculture américaine compte tenu de l'échelle du pays, (2) qu'il résulte d'un choix explicite des Américains pour un quartier résidentiel à faible densité (single-family detached home) et que la corrélation entre des lotissements construits sur le principe d'une certaine densité et le nombre de kilomètres par déplacement (vehicle miles traveled) n'est pas établie. Ce qui signifie que pour eux, la diffusion de lotissements de type NU n'induit pas forcément une diminution de la consommation d'essence et du nombre de déplacements en voiture pas plus qu'il ne contribue à augmenter l'efficacité d'un système de transports en commun. Il n'est ainsi pas prouvé que des lotissements de type NU sont en mesure de réduire les problèmes de la circulation automobile dans les réseaux routiers et autoroutiers. Au cours des deux dernières décennies, les temps de transports pour les trajets domicile-travail n'ont pas augmenté même si les distances ont augmenté. L'accent est également mis sur les technologies de communication comme facteur contribuant à la décentralisation économique ou à la restructuration du marché du travail. Pour ce qui concerne les questions relevant de l'équité, les chercheurs estiment que pour le moment on ne dispose pas de sérieux indicateurs démontrant des formes d'équité spatiale dans les territoires denses. Ils mettent en évidence le fait que le choix de vivre dans un lotissement NU est limité à un faible pourcentage de la population, compte tenu des prix. Gordon et Richardson sont perplexes vis-à-vis du NU et de vue de tous ceux qui, à la suite de Larry Bourne, défendent une vision plus compacte du développement urbain24. En s'appuyant sur une riche bibliographie (deux colonnes de sept pages), Reid Ewing de l'université internationale de Floride -qui se demande si tout compte fait le style d'étalement de Los Angeles est vraiment désirable et doute sérieusement de sa valeur d'exemple- réagit aux arguments de Gordon et Richardson25. Il estime que le NU ne remet pas en cause le désir des Américains de vivre dans une maison en banlieue et qu'il ne s'attaque pas à la suburbanisation mais au gâchis de l'espace qu'entraîne l'urbanisation actuelle. Aussi si la croissance concerne les banlieues, il vaut mieux que cela se fasse sous la forme d'un développement compact: "It is not suburbanization per se, but the wasteful form it often takes that most critics of sprawl attack. The most ardent New Urbanists reason that if growth is going to the suburbs anyway, better it be in the form of compact development" (Ewing p.108). Etudier l'étalement revient à mesurer la faible accessibilité pour toutes les destinations (travail, loisirs, courses, visites aux médecins) en dehors de l'usage de la voiture et à rendre compte du manque d'espaces ouverts fonctionnels (lack of functional open space). Certes les habitants sont habitués durant leurs trajets en voiture à voir de nombreux terrains vacants (non utilisés par l'agriculture et probablement dans l'attente d'être urbanisés) mais ils n'ont pas accès aux espaces publics, sous la forme de jardins ou de parcs. Ewing note également que l'étalement urbain ne résulte pas de la dynamique du marché (préférence des consommateurs et développement des technologies de communication) mais de solides subventions du secteur public en faveur du développement autoroutier notamment. Pour l'auteur si les automobilistes devaient payer l'ensemble des coûts qu'entraîne l'usage de la voiture (incluant la pollution de l'air,

24. L.Bourne est professeur de géographie à l'université de Toronto où il dirige une équipe de chercheurs, "Self-fulfilling prophecies? Decentralization, Inner City Decline, and the quality of urban life", Journal of The American Planning Association, 1992, 58,4:509-513.(CDU)

25. R. Ewing, "Is Los Angeles-style sprawl desirable?" Journal of the American Planning Association, Hiver 1997, 107-126.(CDU)

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le parking et autres coûts externes) ils opteraient certainement pour un habitat beaucoup plus dense. Ewing estime aussi que les tenants de la ville étalée comme Gordon & Richardson ne prennent pas véritablement en compte l'impact négatif de ce processus désordonné d'urbanisation - qui ignore les questions de la gestion de l'écoulement de l'eau, le contrôle de la pollution de l'eau ou encore la biodiversité. L'urban sprawl est non seulement responsable de la fragmentation de l'habitat humain mais aussi de la fragmentation des écosystèmes naturels. Ewing réaffirme également le principe d'une corrélation entre un développement péri-urbain (soit des investissements immobiliers faits en faveur de quartiers résidentiels, de bureaux ou encore d'équipements dans la périphérie urbaine) et la dégradation de certains quartiers centraux. Il termine son article en mettant l'accent sur les coûts psychiques. Les habitants du péri-urbain sont privés de l'esthétique et de la diversité des formes urbaines traditionnelles et ne font pas l'expérience de ce sentiment d'appartenance à un lieu. D'où l'idée d'un urbanisme de type NU prenant en considération le gâchis d'espaces naturels et la disparition de biens publics en prônant une certaine qualité environnementale et une certaine qualité du cadre bâti. Face à ces deux positionnements, l'un favorable à l'étalement urbain (et critique du NU) et l'autre favorable à la ville compacte et au NU, un article (rédigé par deux chercheurs Frans Dieleman et Michael Wegener26) insiste pour replacer le NU dans un cadre politique. Ils notent que des politiques publiques fondées sur le principe de la ville compacte et de la mixité fonctionnelle en Europe et des politiques en faveur du NU et de la croissance intelligente (smart growth) sont en mesure de se présenter comme des sérieuses alternatives à l'étalement urbain, à l'usage de la voiture et à la disparition d'espaces naturels. Leur point de vue est fondé sur une analyse prenant en compte les expériences de Portland (Oregon) et de la Randstad aux Pays-Bas. Pour les deux chercheurs les coûts de l'étalement urbain se traduisent par (1) un désinvestissement des territoires centraux, (2) par l'usage exclusif de la voiture responsable des problèmes de la circulation et de la pollution de l'air et par (3) la disparition d'espaces naturels et vues scéniques à proximité des grandes métropoles. Ces deux auteurs sont certes conscients du fait que l'urban sprawl participe de la métropolisation des villes américaines de ces deux dernières décennies, mais ils confirment que pour certaines villes comme Portland (510.000 habitants) dans l'Oregon, l'Etat s'est mobilisé pour mettre en oeuvre des alternatives. Dès 1973, l'Etat a introduit le principe d'une limite à l'urbanisation, (urban growth boundary) protégeant l'agriculture. En 1979, à la suite d'un référendum, un gouvernement métropolitain (réunissant trois comtés et 24 municipalités) a été créé. Ce gouvernement métropolitain directement élu par les habitants a la responsabilité du transport et de l'affectation des sols et sa réflexion est largement stimulée par une association d'environnementalistes "1000 Friends of Oregon" (1.000 amis de l'Oregon) et par les orientations du NU. La région a facilité le développement de lotissements de type TOD (transit-oriented development) suite à l'implantation d'un métro léger (light-rail transit), d'un réseau de bus et d'une concentration d'emplois, de services et de logements à proximité des stations du métro. La première ligne du métro a été inaugurée en 1999 (Metropolitan Area Express, MAX) et depuis cette date les déplacements effectués par transports en commun ont augmenté de 60%. Aujourd'hui la forme urbaine de Portland est nettement plus compacte que celle d'autres villes-régions des Etats-Unis, et le centre-ville ne connaît pas de dégradation. Certains affirment que les prix des logements ont été sérieusement revus à la hausse, pendant que d'autres font le constat d'une hausse raisonnable. En s'appuyant sur les travaux de l'historien Carl Abbott, Dieleman &

26. F. Dieleman & M. Wegener "Compact city & urban sprawl", Built Environment vol. 30 N°4, 2004, 308-323. (CDU)

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Wegener rappellent que Portland peut servir de modèle -y compris pour les villes européennes -même si les déplacements à pied et en bicyclette sont limités compte tenu des distances à parcourir. Ils soulignent toutefois l'intérêt d'une échelle politique métropolitaine qui a évité la rivalité et la compétition entre les différentes municipalités de la ville-région pour attirer les entreprises et les ménages à haut revenus. Abbott parle d'"efficacité régionale"27. La Ranstad hollandaise (qui inclut Amsterdam, Rotterdam, La Haye et Utrecht) peut également servir de modèle pour sa politique favorisant la forme compacte de l'urbain. Ici il n'a pas été question de créer un gouvernement métropolitain mais c'est l'Etat néerlandais qui est intervenu dans les procédures de planification. Cette politique a commencé à la fin des années 1970 et s'est prolongé dans les années 1980 sous la forme de création d'aires de développement également qualifiées de "concentrated deconcentration". Puis dans les années 1990, suite au constat d'une perte d'investissements à l'égard des anciens territoires urbanisés, l'Etat a mené une politique de re-développement des friches industrielles. La réussite de l'expérience hollandaise provient du fait que l'autorité de l'Etat a pu s'imposer en dépit de la fragmentation municipale de la région-urbaine. L'action de l'Etat a par ailleurs été rendue possible parce que seuls 17% des revenus des municipalités proviennent de la fiscalité locale alors que 83% relèvent de l'Etat. Cet article souligne l'utilité des modèles d'urbanisme favorables au développement de la ville compacte (comme le NU) mais il met également en évidence l'impératif d'une volonté politique à l'échelle de la ville-région en vue de fonder des alternatives à l'étalement urbain. Au delà de la simple polémique entre les tenants de la ville compacte et ceux de la ville étalée, force est de reconnaître que le courant NU ne peut à lui seul présenter une alternative à l'étalement urbain, il ne peut qu'être un instrument au profit d'une vision politique. 3.2- Le NU : simple stratégie de marketing au profit d'un sens des lieux? Le NU qui propose une certaine qualité architecturale, s'est également donné pour objectif de véhiculer une image de communauté et un sens des lieux. Cet objectif (que l'on retrouve dans le cinquième article de la Charte) est dénoncé par la sociologue de l'université du Texas à Dallas, Emily Talen28. Cette dernière soumet à la critique un des principes du NU ou "traditional neighborhood design" (TND). Elle s'interroge ainsi sur la pertinence du principe selon lequel le design est en mesure de susciter une appartenance à une communauté. Utile de préciser ici que la notion de communauté est extrêmement valorisante dans le contexte américain. Tout lotissement de type NU aspire en effet à véhiculer ce sentiment à ses habitants. Il est vrai que le NU n'est pas uniquement un courant architectural mais il prône aussi des valeurs sociales. L'architecte Duany vante les qualités du porche (à l'entrée de chaque maison) comme un espace de la communication entre voisins et propose une certaine proximité entre la rue et l'entrée de la maison (contrairement à la majorité des banlieues américaines où la maison est en retrait par

27. Abbott C., "The Portland region: where city and suburbs talk to each other and agree", Housing Policy Debate 8, 1997, 11-49. (CDU)

28. Emily Talen est régulièrement citée dans les publications ayant trait au NU. L'analyse qui suit s'appuie sur deux articles: "Sense of community and neighborhood form: an assessment of the social doctrine of New Urbanism", Urban Studies, 36, 1999, 1361-1379 (CDU) et "Traditional urbanism meets residential affluence: an analysis of the variability of suburban preference" Journal of the American Planning Association, 67 (2), 2001, 199-216 (CDU). Consulter également "NU and the culture of criticism", Urban Geography, vol.21, 2000, 318-341.

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rapport à la rue). Duany suggère également la présence d'espaces publics sous la forme de parc ou de centre civique. En s'appuyant sur des recherches menées sur Seaside en Floride qui ont mis en évidence l'existence de relations amicales entre les habitants, Talen estime que si le dessin de l'espace public a certainement influencé la qualité des relations sociales dans un lotissement donné, ce sentiment de communauté est plus véhiculé par le sentiment d'appartenance à une même classe sociale ainsi qu'au partage d'intérêts communs en tant que propriétaires, que par le seul dessin architectural. Pour Talen le NU a intérêt à nuancer son propos en disant que le dessin architectural renforce la "probabilité" d'un sens d'appartenance à une communauté qui repose sur le partage de valeurs et d'intérêts communs. L'analyse faite par Hollie Lund sur le lien entre la forme urbaine des lotissements NU et la dynamique sociale est plus nuancée que celle d'Emily Tallen29. Lund part du principe que le NU répond bien à la critique majeure de Jane Jacobs qui, dès 1961, regrettait la disparition de l'espace public dans l'urbanisme contemporain (pour sa capacité à susciter l'animation urbaine et véhiculer un sentiment de sécurité). Aussi l'auteur a étudié huit quartiers (4 quartiers centraux et 4 quartiers suburbains incluant chacun entre 150 et 200 maisons individuelles) à Portland dans le comté de Washington dan l'Etat de l'Oregon, pour expliquer le degré de corrélation entre la présence de piétons dans les espaces publics et le niveau d'interactions sociales entre les habitants. L'enquête reconnaît que la présence de commerces ou encore d'espaces verts entraîne la circulation de piétons mais l'auteur n'en déduit pas pour autant que le design NU est à l'origine de plus d'interactions sociales entre les habitants. Elle estime en effet que la qualité des relations entre les habitants dépend plus de la préférence des individus pour les espaces publics et par conséquent du choix fait de s'installer dans ce quartier. Un quartier de type NU attire des gens plus enclins à marcher et plus enclins à parler avec leurs voisins. Il y aurait en quelque sorte une auto-sélection des habitants. Un numéro spécial de la revue Urban Geography consacré au courant NU -à la suite d'un atelier sur ce thème qui s'est déroulé lors du colloque national de l'Association Américaine des Géographes (American Association of Geographers) qui s'est tenu à Boston en 199830- présente des points de vue critiques assez semblables à ceux des sociologues. Il reproche ainsi au NU de s'être approprié le débat contre l'urban sprawl- alors que ce débat aurait émergé antérieurement à la formation du courant- et de n'avoir pour objectif que de conquérir un segment du marché de l'immobilier, segment notamment constitué par des personnes de classes aisées. Karen Falconer Al-Hindi estime que le NU est en mesure d'avoir un impact positif sur l'évolution de l'urbain à long terme mais que pour le moment il n'intéresse que des propriétaires des classes supérieures qui ont les moyens financiers de payer pour la qualité architecturale et urbanistique de ces nouveaux lotissements. Pour Karen Hill dont l'analyse repose sur un travail de terrain mené à Seaside (Floride), -un centre de villégiature dessiné en 1982 par le couple Duany-Plater-Zyberk-, le NU véhicule sans aucun doute une dimension esthétique mais ne prend pas en compte la nature dans toute sa complexité. Le NU a réussi à faire modifier au niveau local les normes d'urbanisme afin d'assurer une certaine mixité fonctionnelle aux lotissements et de permettre des formes plus compactes de logements, une caractéristique qui plaît à l'illustre association pour la préservation de la nature, le Sierra Club. Mais le NU se limiterait souvent à n'utiliser la nature que comme un élèment de

29. Hollie Lund "Testing the claims of NU: Local access, pedestrian travel and neighboring behaviors", Journal of the American Planning Association, Automne 2003, vol. 69, N°4, 414-429. (CDU)

30. Urban Geography, 2001, 22, 3, 189-290. Ce numéro est coordonné par Karen Falconer Al-Hindi et Karen E. Till et inclut les articles de Jeffrey Zimmerman, de Larry Ford. (CDU)

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design, à l'image du mouvement du début du XXème siècle en faveur des cités-jardins. Cette quête de la nature correspondrait au goût d'une certaine classe de consommateurs. Aussi la nature ne serait plus qu'une "commodity" et elle ne serait pas utilisée dans le but de modifier les comportements des consommateurs. Hill écrit : "when a consumer purchases a NU product, that person may feel as though he/she is contributing to a more environmentally sound future as well as making a sound investment" (quand un consommateur achète un produit NU, cette personne peut avoir le sentiment de contribuer à un futur plus favorable à l'environnement tout en faisant un investissement de qualité). Aussi le lotissement NU est associé à une clientèle aisée, constituée principalement de professionnels et de personnes de couleur blanche. Difficile alors d'associer le NU à un mouvement de défense de la nature ou encore un mouvement en faveur du développement durable puisqu'il n'induit pas de changements dans les modes de consommation. Le géographe Jeffrey Zimmerman partage ce point de vue tout en fondant ses arguments sur un travail de terrain mené à Prairie Crossing (Illinois) qui n'est pas un lotissement NU à proprement parler (c'est-à-dire réalisé par un tenant du NU) mais guidé par les principes du NU31. Prairie Crossing est un lotissement de 600 familles, localisé dans le comté de Lake à mi-chemin entre Chicago et Milwaukee. Prairie Crossing fait large place à l'environnement naturel, l'habitat y est plutôt dense, l'architecture est à l'échelle humaine et le promoteur a réussi à faire en sorte que l'autorité régionale y crée deux stations de deux lignes de chemin de fer, ce qui permet de réduire la dépendance automobile. Prairie Crossing défend le principe de la mixité fonctionnelle et de la densité, met l'accent sur le recours à des formes de mobilité autre que celle de la voiture (une pratique améliorant sensiblement la qualité de l'air et réduisant la consommation de l'énergie fossile) et promeut une certaine diversité raciale. Une plus grande densité résidentielle des lotissements y a entraîné une plus faible consommation de l'espace ainsi que la préservation des espaces naturels et des terres agricoles. Tout en faisant état de ces qualités, Zimmerman conclut que le NU a transformé la question de la préservation de la nature en limitant son rôle à une simple dimension esthétique. Il parle de "commodité" (commodity) et, de ce fait, ne concerne que les classes aisées: il donne l'illusion à tout habitant qu'il/elle est respectueux(se) de l'environnement mais ici la nature est instrumentalisée au profit d'une quête d'identité et d'un simple ancrage territorial. La critique néo-marxiste à l'égard du NU se limite à reprocher en permanence aux tenants du NU de vouloir s'approprier une niche du marché immobilier. Zimmerman doute de la capacité du NU à s'inscrire dans un objectif de développement durable. Mais ce regard négatif vis à vis de la prise en compte de la nature par le courant NU n'est pas dominant. Des spécialistes de l'environnement ont un point de vue contraire et reconnaissent les qualités vis-à-vis de la nature. Une étude menée par le département de City and Regional Planning sous la direction du professeur Philip R. Berk grâce à un financement du Water Resource Research Institute de l'Université de la Caroline du Nord, apprécie la prise en compte de la nature parallèlement à la volonté de densifier le lotissement32. L'ensemble de l'équipe, composée de spécialistes de l'environnement (et plus particulièrement des questions d'hydrologie, de l'écoulement des eaux et de bassins de drainage) valide le postulat selon lequel des formes de développement compacte de l'habitat sont plus respectueuses de l'environnement que des formes de développement de faible densité. L'équipe a travaillé sur 50 lotissements incluant des lotissements conventionnels et des lotissements NU, sur des sites greenfields (en dehors de la frontière urbaine) comme sur des sites infill (au sein de la frontière urbaine) dans

31. Zimmerman suggère de se rendre sur le site: <http://www.prairiecrossing.com>

32. P.R.Berke, J.MacDonal, N. White, M.Homes, D.Line, K.Oury et R.Ryznar, "Greening development to protect watersheds : Does NU make a difference?", Journal of the American Planning Association, Automne 2003, vol.69, N°4, 397-413. (CDU)

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cinq Etats, Géorgie, Maryland, Caroline du Nord, Caroline du Sud et Virginie. Les développements compacts consomment huit fois moins d'espaces que les lotissement conventionnels et réduisent sérieusement l'imperméabilité des sols. Leur empreinte écologique est nettement plus réduite: on compte 7 logements par acre dans un lotissement NU contre 4 ou trois logements par acre dans un lotissement traditionnel. Par ailleurs les lotissements conventionnels génèrent 43% plus d'écoulement. Les chercheurs en déduisent ainsi que le NU offre une alternative plus "verte" (a greener alternative to sprawl) à l'étalement urbain que les lotissements traditionnels. En effet les méthodes du NU prennent en compte des techniques de protection de l'écoulement des eaux, notamment pour les développements localisés dans les greenfields. Face à ceux qui critiquent le NU pour son déterminisme spatial (constitution d'une communauté idéale au travers d'un dessin de qualité) ou qui, comme Ed Soja, le qualifie d'une "combinaison postmoderne de nostalgie urbaine et de quête d'un urbain post suburbain"33, le NU se présente comme un alternative raisonnable à l'US en raison de la prise en compte de l'environnement naturel et d'un sens des lieux. Le NU confère au lotissement une unité d'ensemble structurée à partir de l'espace public. 3.3- Le NU : un courant multiculturel made in USA La revue anglaise Built Environment a réalisé en 2003 un numéro spécial sous la direction de Stephen Marshall, pour célébrer le dixième anniversaire du Congress for the New Urbanism34. Comme l'indique l'introduction, le NU est souvent critiqué pour son orientation déterministe dans la mesure où il estime que la qualité du design suffit à induire une certaine qualité de vie mais il présente de sérieux atouts. Pour Michael Herbert (chercheur anglais connaissant bien le contexte urbain américain) le NU pourrait être qualifié d'Urbanisme IV, à la suite d'Idelfonso Cerdà (1867), de Joyant (1923) et de Le Corbusier (1925). Le NU correspond à un quatrième courant d'urbanisme initié depuis le début du XXe siècle. Herbert reconnaît que les fondements théoriques du NU et le félicite pour ses qualités pragmatiques: "the newest thing about the NU is its awareness of every step in twentieth-century planning history. It has immense, wary respect for the pattern languages that create urban sprawl...It takes inspiration from Le Corbusier's example of charismatic salesmanship, and amis to replicate for postmodern urbanism the organizational leadership that CIAM provided through its manifesto and meetings for an entire generation of modernist urbanists" (Herbert p. 200). En raison de son ancrage théorique et de sa capacité à répondre à la crise urbaine, Herbert en déduit que le NU est susceptible de jouer une influence majeure au XXIème siècle.

33. Edward W. Soja, Postmetropolis, Blackwell, 2000, p.257. Soja cite Playa Vista à Los Angeles comme un exemple de NU alors que les tenants du NU estiment que ce lotissement n'est pas du tout représentatif de leur courant (entretien mené en été 2005 auprès d'architectes de Los Angeles).

34. La revue Built Environment vol.29 N°3, 2003 (CDU), inclut, outre l'introduction de Stephen Marshall, les articles de Michael Hebbert, "NU-The movement in context", Michael Southworth, "NU and the American metropolis", Alex Marshall "A tale of two towns tells a lot about this thing called NU", Randall Crane et Lisa A.Schweitzer, "Transport and sustainability: The role of the built environment" et Michelle Thompson-Fawcett, "A new urbanist diffusion network: The Americo-European connection".

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Lire l'article de Michael Hebbert est rassurant dans la mesure où il met en évidence la richesse et la diversité des principes d'urbanisme sur lesquels se fonde le NU. Le NU ne peut en aucun cas être assimilé à un processus de disneyfication du cadre bâti américain, même s'il est vrai que l'entreprise Disney s'est tournée vers des architectes NU pour créer sa ville nouvelle, Celebration. C'est toutefois un courant bien américain dans la mesure où il repose sur une volonté de retravailler le rêve américain tout en s'appuyant sur des expériences pratiques. L'auteur assimile les tenants du NU à des activistes qui sont prêts à se mobiliser pour faire campagne, remettre en cause les normes et codes de l'urbanisme traditionnel et diffuser leurs idées sans pour autant s'enfermer dans une organisation centrale en mesure d'imposer au niveau local des normes jugées universelles. Le NU est fortement ancré dans la tradition pragmatique et il est susceptible de s'inscrire dans une Internationale fondée sur la quête d'un développement durable. Hebbert signale (sans trop s'attarder)35 la capacité des tenants du NU à organiser des "design-charrette" et à conduire des "community workshop", soit à s'impliquer dans des ateliers où le plan d'urbanisme résulte de la confrontation entre différents points de vue (professionnels, élus, habitants). Michael Southworth (professeur à l'Université de Californie, Berkeley) compare le NU au mouvement moderne du début du XXème siècle avant de se prononcer sur les apports du NU qu'il ne peut qualifier ni de "New" ni de vraiment "Urbanism". La genèse de ce mouvement peut aisément remonter aux années 1960 avec des figures de l'urbanisme comme Jane Jacobs, Kevin Lynch, Donald Appleyard et William Whyte pour ne nommer que quelques-uns, qui ont milité en faveur d'une prise en compte de l'habitat et de la dimension humaine dans les plans d'urbanisme36. L'auteur estime que le courant NU est plutôt suburbain et devrait ainsi se qualifier de New Suburbanism. Il reconnaît que le NU a fait son entrée dans les écoles d'architecture, à l'université de Miami, Notre-Dame, Yale et l'université du Maryland pendant que d'autres établissements (comme le College of Environmental Design de l'Université de Californie à Berkeley et l'Ecole d'architecture et de planification du MIT) continuent leur enseignement fondé sur l'impératif de mettre les habitants au centre du projet. Il rappelle également l'influence du NU sur les programmes du ministère du logement américain pour les quartiers sensibles, programmes intitulés Hope VI37. Aussi plus de 53.000 logements ont été construits dans le cadre de ce programme avec les exemples de Henry Horner Homes à Chicago et Ellen Wilson Homes dans le quartier Capitol Hill à Washington DC. Southworth en déduit que que le NU ne se limite pas à une simple mode dans le domaine de l'architecture et de l'aménagement et qu'il est susceptible de prendre la relève du mouvement moderne initié par la Charte d'Athènes de 1933. Il précise en effet qu'il a fallu plus de 40 ans pour que le mouvement moderne s'affirme dans la pratique comme dans l'enseignement. Aussi il est encore trop tôt pour se prononcer sur le NU. Alex Marshall (journaliste) dont l'article reprend les principales idées de son ouvrage publié en 2001, ne se prive pas de faire une critique acerbe du NU à partir d'un travail d'observation mené à Celebration, le lotissement créé par Disney Corporation en 1994. Celebration est parfois présentée comme une ville nouvelle copiant l'allure d'une petite ville du XIXème siècle mais pour Marshall, elle ressemble à un vulgaire lotissement réalisé par les

35. Il est regrettable que cet aspect du NU ne soit pas plus développé.

36. Michael Southworth estime ainsi que le NU s'inscrit dans la continuité de la pensée de Kevin Lynch telle qu'elle s'est exprimée son ouvrage Good City Form, Cambridge, MIT Press, 1981.

37. CNU & HUD (department of Housing and Urban Development), Principles for Inner City Neighborhood Design: Creating Communities of Opportunity, Washington DC, 2000.

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architectes Robert Stern et Jacquelin Robertson à l'une des sorties de l'autoroute US192. Celebration possède une certaine forme de centralité que lui confèrent différents bâtiments comme une banque, un hôtel de ville (même si la ville n'est pas géré par un conseil municipal), un bureau de poste et une salle de cinéma respectivement construits par des grands noms de l'architecture, Robert Venturi, Philip Johnson, Michael Graeves et Cesar Pelli. Ces bâtiments sont de qualité et attirent de nombreux touristes. Les principales critiques à l'égard du NU portent moins ici sur les principes de la charte du NU que sur la gestion du lotissement Celebration qui relève plus de l'intérêt du promoteur et de celui des propriétaires (organisés sous la forme d'associations). Mais Marshall critique plus le processus de privatisation de l'urbanisation par une entreprise qu'il ne discute de l'intérêt du NU. Il conclut toutefois en espérant que le modèle "calthorpien" du NU l'emporte sur le modèle "duanyien" parce que le premier privilégie la question des déplacements dans l'aménagement urbain. Le point de vue de Thompson-Fawcett (professeur à l'université d'Otago en Nouvelle-Zélande) est fort enrichissant dans la mesure où elle met en évidence les racines européennes du NU. Elle considère Léon Krier, l'architecte-urbaniste luxembourgeois installé à Londres comme le grand-père du NU. En effet dès les années 1970, Krier et ses amis, Maurice Culot, Manfredo Tafuri, Paolo Portoghesi et Massimo Scolari ont présenté un texte "la ville dans la ville" qu'ils ont défendu en 1975 à Palerme (Sicile) dans une conférence d'architectes. Cette déclaration de Palerme qui se veut une charte pour le mouvement en faveur de la reconstruction de la ville européenne, s'est présentée comme une alternative à l'influence de la charte d'Athènes avant de devenir la Déclaration de Bruxelles en 1980. Mais c'est Andres Dunany (un ami américain de Krier) qui avec ses amis donne une autre ampleur au mouvement en faveur de la ville traditionnelle et l'intitule New Urbanism38: "According to Andres Duany (one of CNU's founders), and as is generally understood, the European influence on CNU is enormous. That influence was present during the initial formulatio of ideas surrounding the possible establishment of some kind of coalition in the Unites States -a coalition that led to the creation of the CNU"(Thompson-Fawcett p.253). Le courant NU aurait ainsi été influencé par un mouvement européen en faveur de la ville traditionnelle et en rupture avec les principes de la modernité. Pour Thompson-Fawcette, Duany rappelle toujours que Krier a été l'un des conseillers consultés lors de l'opération Seaside. En Angleterre, le prince des Wales a également joué un rôle considérable dès les années 1980 en faisant venir Krier en Angleterre, en créant l'Urban Villages Group (devenu depuis l'Urban Network) et en 1992, l'Institut d'Architecture. L'auteur a ainsi mis au point une liste de projets urbains européens dans lesquels sont impliqués des américains et des européens. Le NU made in USA a également été étudié par deux chercheurs coréens de l'Université Nationale de Séoul qui l'ont comparé à un autre courant architectural américain, le Garden City Movement du début du XXème siècle. L'analyse est fondée sur la comparaison entre deux lotissements, Radburn construit à la fin des années 1920 et au début des années 1930 par Clarence Stein et ses collègues de la Regional Planning Association of America dans le New Jersey (25 km de Manhattan) et Kentlands (25 km de Washington DC), un des prototypes du NU. Radburn s'étend sur 149 acres, a une densité de 19 personnes par acre et comprend une population de 2.900 personnes. Kentlands s'étend sur 356 acres, a une densité de 14 habitants par acre et inclut une population de 5.000 habitants. Certes les deux lotissements ont pour ambition d'être des quartiers résidentiels faits pour le piétons (walkable residential environment) mais l'aménagement de Radburn est plus satisfaisant que celui de Kentlands dans la mesure où il y a une séparation

38. Comme déjà vu dans la première partie le NU compte six membres fondateurs: Andres Duany et son épouse Elizabeth Plater-Zyberk (Floride), Peter Calthorpe et Dan Solomon (San Francisco) ainsi que Stefanos Polyzoides et son épouse Elizabeth Moule (Los Angeles).

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entre la circulation des voitures et celle des piétons. Aussi les auteurs en déduisent que le NU devrait s'inspirer des réalisation de type Radburn qui ont plus de 70 ans et qui par ailleurs présentent l'intérêt d'offrir aux ménages des "private outdoor space" (un espace privé en plein air) que l'on en retrouve pas dans les quartiers de type NU. Le NU, un courant américain qui a des racines européennes et qui présente l'avantage d'être officiellement reconnu aux Etats-Unis par une minorité ethnique, les Hispaniques. Une brillante thèse pour la maîtrise a en effet été soutenu en 2002 au MIT par un étudiant hispanique, Michael Mendez, intitulée Latino lifestyle & the New Urbanism: Synergy against sprawl. L'auteur démontre que les Hispaniques ont une préférence pour les villes compactes où l'on peut marcher, faire de la bicyclette et utiliser les transports en commun (plutôt que de conduire) et qu'ils apprécient de vivre dans des immeubles et de fréquenter des espaces publics. Il conclut en faisant remarquer que les décideurs devraient finalement se résoudre à prendre en compte le point de vue des Hispaniques et ainsi promouvoir le NU. Jusqu'à présent affirme Mendez le marché ne s'est pas préoccupé des attentes des Hispaniques qui ont alors accepté de vivre dans une maison entourée d'un jardin, comme les Américains de souche. Le NU, compte tenu de la préférence des Hispaniques, est susceptible d'être encore plus diffusé39. Les urbanistes hispaniques parlent d'ailleurs de l'"enacted environment" pour mettre en évidence le fait que les Hispaniques ont un sens différent de l'espace et notamment de l'espace public et qu'ils n'hésitent pas à modifier leur environnement urbain avec le peu de moyens dont ils disposent. Cette notion a été développée par James Rojas dans sa thèse pour une maîtrise au MIT, intitulée The enacted environment: the creation of place by Mexicans and Mexican-Americans in East Los Angeles, en 1991. Dans le barrio de East Los Angeles, les maisons sont entourées d'un grillage pour bien signifier la limite de l'espace public, la rue et l'espace semi-privé que représente le jardin situé devant l'entrée de la maison. Le NU a certes des racines européennes mais c'est bien un courant made in USA qui présente l'avantage de plaire à une minorité croissante les Hispaniques (en raison de la diversité architecturale et de la prise en compte de l'espace public). Il peut ainsi être intitulé multiculturel. Pour le moment le NU ne concerne que le monde occidental mais il a de fortes chances de devenir un mouvement international. Dans cette troisième partie qui a mis en scène le débat pour ou contre le NU, figurent un certain nombre de critiques reprochant au NU de prétendre donner un "sens des lieux" et un "sens de la communauté" aux habitants et de se présenter comme une alternative à l'urban sprawl. Pour ces chercheurs, le NU se limite tout simplement à une stratégie de marketing en vue de s'accaparer une part du marché immobilier. Mais critiquer le NU parce qu'il propose une offre adéquate à la demande potentielle des ménages en quête d'un logement ne suffit pas à le discréditer. Le NU repose sur de solides fondements théoriques qui mettent l'individu au centre du projet, comme le confirment les articles du numéro spécial du Built Environment de 2003. En suggérant la prise en compte de l'environnement naturel et de l'espace public (tous les deux considérés comme des biens communs) le NU milite pour une remise en cause des principes d'aménagement de l'urbanisme moderne (encore présents sous la forme de codes et de zonages) tout en ne remettant pas en cause le rêve américain, soit une forte valorisation de la sphère domestique. Toutefois il ne peut se présenter comme une alternative à l'étalement urbain sans fin et à cette ambition du Développement Durable qu'à condition de s'inscrire dans une vision politique.

39. Voir notamment le site <http://www.latinourbanism.org> sur lequel se trouve le mémoire de Mendez notamment.

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L'architecture traditionnelle PLAYA VISTA (Californie) Le promoteur et l'architecte ont eu recours à l'architecture traditionnelle pour construire une certaine densité résidentielle tout en faisant usage de la nature comme décor. Ici l'immeuble résidentiel utilise des formes de l'architecture méditerranéenne.

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Conclusion: Le NU, une théorie en quête d'une vision politique du développement urbain durable Le NU se veut une théorie architecturale made in USA en rupture avec l'architecture moderne et ses principes de zonage dans le domaine de l'aménagement urbain. Contrairement à la tendance urbanistique de ces trois dernières décennies qui a favorisé l'importation en ville de modèles architecturaux ayant fait leurs preuves en banlieue -comme l'illustre l'histoire du centre commercial fermé (mall) inventé pour la banlieue avant d’être importé en ville-, le NU se propose d'implanter en banlieue des caractéristiques urbaines propres aux quartiers traditionnels de la petite ville ou du village : on parle d’ailleurs de « villages urbains » pour désigner les lotissements de type NU. Au New Urbanism correspond une charte qui se présente comme une rivale de la charte d’Athènes. La théorie NU répond à la sévère critique des urbanistes qui, à la suite de Jane Jacobs dans les années 1960, avaient remis en cause la modernité en urbanisme et plus précisément sa non référence à la rue et aux espaces publics. Elle a certes été conceptualisée par des architectes américains mais elle a bénéficié de l’influence de débats européens en faveur d’un retour vers la ville européenne traditionnelle. La richesse provient de sa capacité à conférer aux lotissements un sens des lieux (grâce notamment à l’espace public), de préserver ce mythe de la maison pour l’habitat (si cher à la tradition américaine) et à injecter au tissu suburbain quelques germes d'urbanité. Il alimente la réflexion des programmes de renouvellement urbain comme celle de nouvelles réalisations en banlieue et périphérie. A la suite de la création de Seaside en 1982, Philipp Langdon fut l'un des premiers journalistes à publiciser l'opération dans un article de l'Atlantic Monthly en 1988 et à mettre ainsi en évidence l'avènement de nouvelles pratiques d'aménagement en se donnant pour objectif de renforcer la dimension esthétique du lotissement résidentiel (et la qualité de vie) tout en prenant en compte l'environnement naturel40. Quelques années plus tard (1996), William Fulton notait qu'aucun courant d'aménagement n'avait été aussi largement diffusé par la presse quotidienne et hebdomadaire avec des articles dans New York Times, Time, Newsweek et the Atlantic Monthly. A l'occasion du dernier congrès de l'American Planning Association (APA) en Mars 2005 à San Francisco, la présidente Mary Kay Peck déclarait avec fierté que les Etats-Unis sont sur le point d'entrer dans âge doré de la planification (a golden age of planning). Au cours de ces quatre jours et demi, les concepts et méthodes du NU ont fait l'objet de nombreuses présentations et de débats et le Congrès s'est terminé avec une table-ronde réunissant les principaux fondateurs du NU41. 40. Ph. Langdon, "A good place to live", Atlantic Monthly, 270 (3), 1988, 39-60 et Ph. Langdon, A Better Place to Live: Reshaping the American Suburb, University of Massachusetts Press, 1994.

41. Philip Langdon "Taking back what belongs to many", New Urban News Avril-Mai 2005 <http://www.newurbannews.com/CommentaryAprMayO5.html>

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La nature PASADENA (Californie) Le New Urbanism se propose de préserver la nature en tant qu'écosystème en ayant recours à une certaine densité du bâti et en préservant les espaces sensibles, mais il utilise également le végétal en tant qu'élément du paysage urbain. La nature participe de l'esthétique urbaine et véhicule un sens des lieux.

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Ce bref parcours dans les méandres du NU contredit toutes les affirmations de ceux qui, dans notre contexte national, associent le NU aux lotissements résidentiels fermés (gated-communities). Le NU se veut un courant esthétique renouant avec la tradition qui -en raison de la qualité urbaine qu'il promeut- prétend conférer un sens des lieux à tout lotissement urbain42. Toutefois le NU ne fait pas toujours l'objet d'éloges. Il est par exemple vivement critiqué par des géographes, sociologues qui lui reprochent de ne s'adresser qu'aux classes aisées blanches bien branchées, de se limiter à une dimension purement esthétique de la nature et d'être largement influencé par une certaine forme de déterminisme spatial. Ils estiment ainsi qu'un lotissement de qualité n'entraîne pas forcément un sentiment d'appartenance à une communauté locale et que ce sentiment proviendrait plus de l'appartenance à une classe sociale et de la défense d'intérêts communs (en tant que propriétaires). Cette critique réduit le NU à une simple stratégie de marketing visant à séduire les classes aisées en proposant un discours « écolo » en faveur de la nature et de la qualité de vie. Ce point de vue est toutefois contrebalancé par les articles de ceux qui comme Michael Herbert estime que le NU se présente comme une réponse culturelle à la crise urbaine américaine et qu'il a de fortes chances de devenir un mouvement international au XXIe siècle, compte tenu de son solide ancrage dans les théories de l'urbanisme : « NU is a specific cultural response to the crisis of the US city and an all-American product in organization and method, but is also deeply informed by international influences, has an exceptional awareness of the global dimension of planning history, and will itself be a significant player in the sequel volume of the twenty-first century” (Herbert p.194) La charte du NU est en mesure de se substituer à la charte d’Athènes, fondement de la théorie moderne de l’architecture. Se donner pour ambition de créer un sens des lieux (a sense of place) afin de contrebalancer la dynamique de la société actuelle qui, d'après les intellectuels (Manuel Castells et d'autres) s'organise à partir des flux et des réseaux, démontre la capacité du NU de répondre aux questions de l’actualité. La quête du renouveau urbain se lit à travers l'intérêt accordé à l'espace public (la rue), à la nature (en tant qu'écosystème et en tant qu'élément esthétique) afin de donner un sens des lieux. Le NU reconnaît la valeur (psychologique et sociale) de l'espace public pour tout habitant et l'utilise comme un moyen pour densifier le tissu urbain. Le travail sur la dimension esthétique de l’espace public participe du processus de densification. Dans notre contexte national, la question de la densification du tissu urbain est à l'ordre du jour (ex. le SDAU en Ile de France) et cette idée de lier la densification à la qualité des espaces publics se présente comme un moyen de créer des territoires urbains de qualité. En effet proposer une densification urbaine sans mettre à l'ordre du jour la qualité des espaces publics serait une véritable erreur. Le NU tout en étant reconnu comme une alternative à la théorie moderne de l’architecture présente en outre le sérieux avantage de reposer sur l'acquis d'un savoir-faire dans toute forme de négociation avec les pouvoirs publics et dans les relations avec le public. Il ne se définit pas comme un dogme que seuls quelques « superstars » seraient en mesure d'imposer (par leurs signatures) mais s'inscrit dans la logique des formes de démocratie locale. Les architectes du NU ont acquis au fil des années une véritable expertise dans la conduite d'opérations qualifiées de charrettes avec les associations d'habitants et d'usagers et avec les responsables locaux. En d'autres termes, ils savent travailler en équipe tout en maintenant le rôle de leadership43. Duany a déjà été mobilisé 42. Il est peut-être temps que les dictionnaires de l'aménagement et de l'urbanisme chez nous introduisent le NU dans leur nomenclature.

43. La capacité des architectes-urbanistes NU à travailler en équipe a bien entendu été peu évoquée par les chercheurs en sciences sociales mais en revanche elle est mieux prise en compte dans les revenus d'urbanisme. Cette dimension a fait l'objet d'une discussion lors de l'entretien avec Alan Loomis du cabinet d'architectes Moule-Polyzoides en Août 2005 à Pasadena.

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pour conduire des réunions de travail publiques dans la région de la Nouvelle Orléans à la suite de la tragédie de l'automne 200544. Le NU en tant que théorie architecturale et urbanistique ne règle certes pas la question de la dépendance automobile mais elle participe de cette tendance en faveur d’un partage de nouvelles valeurs urbaines relevant de cette quête d’un développement urbain durable. Mais pour atteindre cet objectif il revient au NU de rencontrer un autre courant émanant cette fois-ci de la sphère socio-politique. Face au processus de la métropolisation qui a été définie comme un processus d'étalement urbain, résultant de la restructuration du marché du travail (englobant les banlieues et le périurbain) et comme un processus entraînant de sérieuses inégalités territoriales au sein de la ville-région, des politologues (comme Anthony Downs ou Myron Orfield) revendiquant une régionalisation de l'urbain, soit l'invention d'une démocratie à l'échelle de l'urbain, dépassant en quelque sorte la fragmentation municipale45. Le terme de "Metropolitics » parfois employé renvoie à l'invention d'une vie politique prenant en compte l'échelle du marché du travail. En d'autres termes l'intérêt de la théorie architecturale et urbanistique NU est susceptible d'acquérir une nouvelle dimension à condition de fusionner avec un courant socio-politique se donnant pour objectif d'imaginer de nouvelles modalités de régulation du processus de la métropolisation. Le NU, théorie rivale de la théorie de l’architecture moderne, ouvre de nouvelles perspectives dans le champ de l'architecture qui, pour paraphraser l'un de nos maîtres Bernard Huet, s'était, il est vrai, un temps « pensée contre la ville ». Mais en tant que théorie architecturale, il ne peut véhiculer à lui seul les registres du social, du politique et de l’économique. Le NU se présente ainsi comme une théorie en quête d’une vision politique du développement urbain durable.

44. Nadine M. Post "Hurricane's devastation provides the opportunity to rebuild safer, better communities", ENR, 10 octobre 2005, page 11.

45 . Voir C. Ghorra-Gobin, Les Etats-Unis entre local et mondial , Paris, Presses de Sciences Po, 2000. (CDU 54614)

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LE NEW URBANISM DANS LE CONTEXTE AMERICAIN ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE: La bibliographie principalement limitée aux publications de sciences sociales inclut aussi bien des articles parus dans des revues scientifiques que des ouvrages. Elle se divise en trois parties: elle distingue les publications rédigées par des membres du courant NU de celles qui en traitent en prenant un point de vue plus distancié. Une troisième partie inclut de récents écrits critiques sur l'urban sprawl, un contexte décrié par le NU et qui permet de le légitimer dans la mesure où il se présente comme une sérieuse alternative. 1- Le New Urbanism Calthorpe P., The Next American Metropolis: Ecology, Community, and the American Dream, New York, Princeton Architectural Press, 1993. Calthorpe P. & W. Fulton, The Regional City: Planning for the End of Sprawl, Washington , Island press, 2001. Congress for the New Urbanism, Charter of the New Urbanism, New York, McGraw-Hill, 2000, <http://www.cnu.org/charter>. Duany A., E. Plater-Zyberk et J. Speck, Suburban Nation: The Rise and Decline of the American Dream, New York, North Point Press 2000. Duany A. & Plater-Zyberk, "The second coming of the American small town", Wilson Quarterly, 16, 1992, 3-51. Duany A. & Plater-Zyberk, Towns and Town-making Principles, New York, Rizzoli, 1991.- IA 34748 Dunlop B., "The New Urbanists: the second generation", Architectural Record, vol. 185, 132-135. Gordon, David ; Vipond, Shayne, “Gross density and new urbanism: comparing conventional and new urbanist suburbs in Markham, Ontario”, Journal of the American planning association, vol. 74, n° 1, 2005, 41-54 Les auteurs proposent une comparaison de la densité dans nouveaux plans d'aménagement de quartiers périphériques effectués selon le Nouvel Urbanisme (New Urbanism) avec des aménagements périphériques effectués selon une approche d'urbanisme classique. Ces nouveaux quartiers doivent recevoir 150.000 habitants et constituent la plus grande concentration de nouvelles communautés d'Amérique du Nord planifiées selon des principes

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de conception de quartier classique. La comparaison montre que la densité résidentielle moyenne dans les quartiers du Nouvel Urbanisme est environ 76% plus élevée que pour les quartiers voisins de conception classique. Il semble donc que le Nouvel Urbanisme peut gérer des densités plus élevées et consommer moins de terrains.

CDU Gyourko, Joseph E.; Rybczynski, Witold, “Financing New Urbanism projects: obstacles and solutions”, Housing policy debate, vol. 11, n° 3, 2000, 733-750 Exposé de l'analyse des résultats d'une enquête menée auprès de 23 praticiens du domaine du développement et du financement de projets urbains, en s'intéressant plus particulièrement aux projets relevant du New Urbanism. Il apparaît que ces projets sont perçus comme généralement plus risqués que des projets immobiliers classiques et typiques, notamment du fait de leur caractère multi-usage. Le risque paraît plus faible pour des projets d'aménagement de quartiers que pour des projets suburbains. Cette perception d'un risque plus élevé impose à la plupart des projets de New Urbanism des taux de retour sur investissement plus élevés, une génération plus rapide de liquidités pour attirer les investisseurs. CDU Katz P., The New Urbanism: Toward an Architecture of Community, New York, McGraw Hill, 1994. Le nouvel urbanisme propose une vision du futur qui soit une combinaison du meilleur du passé avec les réalités et les convenances d'aujourd'hui. Les tenants de cette révolution de l'urbanisme suggèrent des alternatives à la croissance actuelle et à l'isolation des villes qu'ils considèrent être la conséquence d'une faible planification de la croissance des banlieues. Le nouvel urbanisme intègre les logements, les commerces, les lieux de travail, les parkings et les équipements collectifs dans de petites communautés fermées qui sont à la fois agréables et fonctionnelles. Les déplacements a pied sont la norme mais les automobiles ne sont pas exclues. Les logements concernent tous les niveaux de la société, les transports publics connectent ces quartiers avec le reste de la métropole. Vingt-quatre études de cas, depuis la nouvelle ville balnéaire de Seaside en Floride jusqu'à un plan de reconquête du centre dégrade de Los Angeles, sont présentes. CDU 57640 Lynch K., The Image of the City, Cambridge, (Ma), MIT Press, 1960.

L' image de la cité. Traduit par Marie-Françoise Vénard et Jean-Louis Vénard

Paris : Dunod, 1998.- 221 p., fig., index, bibliogr. (Réédition de la traduction parue en 1969) L'ouvrage développe la théorie de la perception du paysage urbain, pour aboutir à la définition d'une méthode de composition urbaine. Après avoir posé quelques bases théoriques, l'auteur examine trois exemples de villes américaines : Boston, Jersey City et Los Angelès. Il analyse ensuite les différents éléments qui composent l'image d'une ville (voies, limites, quartiers, noeuds, points de repères...), à travers l'interprétation de schémas réalisés par des habitants. Enfin, après avoir recherché les critères de la qualité visuelle d'une ville, l'auteur élabore divers principes aboutissant à une méthode de composition urbaine. Par ailleurs, trois annexes traitent de la théorie de la perception et de l'utilisation de la méthode, avant de présenter deux exemples d'analyses (beacon hill et Scollay square, à Boston). CDU 36515 Lynch K., A Theory of Good City Form, Cambridge, (Ma), MIT press, 1981.

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Lund H., "Testing the Claims of New Urbanism : Local Access, Pedestrian Travel and Neighboring Behaviors", Journal of American Planning Association, vol. 63, n°4, 2003, 414-429. Compte rendu d'une recherche se proposant d'une part de faire le pont entre le domaine de la planification urbaine et des transports et la psychologie de comportement communautaire, et d'autre part d'étudier le rôle relatif des attitudes et des éléments de conception dans la prévision des comportements ainsi que le lien entre le déplacement à pied et les interactions de voisinage, ceci dans un contexte urbain correspondant au New Urbanism et à d'autres stratégies de développement urbain. En s'intéressant à plusieurs quartiers de la région métropolitaine de Portland (Oregon) qui ont été choisis en fonction de divers critères (cheminements directs, qualité de l'environnement piéton, qualité de la zone de stationnement et commerciale, âge du quartier, niveau moyen de pauvreté), l'auteur rend compte de l'analyse des résultats d'enquêtes menées auprès des habitants sur leurs pratiques de déplacement à pied, leur relation avec leur quartier et ses habitants, en tenant compte de divers facteurs (âge, sexe, durée de résidence dans le quartier). CDU Marshall A., "A Tale of Two Towns Tells a Lot about this Thing called New Urbanism", Built Environment, vol.29, n°3, 2003, 227-237. CDU Marshall St., "New Urbanism: An Introduction", Built Environment vol.29, n°3, 2003, 189-192. Après un article d'introduction au New Urbanism considéré comme un mouvement dans le contexte de la théorie de planification, de l'histoire et de l'urbanisme, un premier article analyse la manière dont le New Urbanism est lié à la pratique professionnelle actuelle et à l'éducation, quels types de développement sont en cours et quelles ont été les réalisations du New Urbanism, notamment aux Etats-Unis. Est ensuite proposé un regard parallèle sur la forme et le fonctionnement de deux villes de Floride, une ville traditionnelle (Kissimee) et d'une ville de style New Urbanism (Celebration). Une perspective plus large est proposée par des auteurs qui mettent empiriquement en évidence les relations entre transport, économie, égalité et durabilité. Le dernier article analyse la diffusion des idées du New Urbanism et les influences mutuelles entre l'Europe et les Etats-Unis. CDU Southworth M., "New Urbanism and the American Metropolis", Built Environment, vol. 29 n°3, 2003, 210-226. Exposé d'une évaluation préliminaire du mouvement du New Urbanism aux Etats-Unis, de ce qu'il a accompli, de ses limites et des orientations à lui donner. Après un aperçu des origines et des significations de ce mouvement, l'auteur s'intéresse à ses impacts sur la pratique et la formation en conception environnementale. Il rappelle et commente les critiques qui ont été formulées sur ce mouvement, puis présente plusieurs réalisations dans des projets construits, des processus de planification et des valeurs de conception publique (espaces publics, réseaux de voirie...). CDU Southworth M., "Walkable Suburbs? An evaluation of neo-traditional communities at the urban edge", Journal of American Planning Association, vol. 63, n° 1, 1997, 28-44. En s'intéressant au cas de deux quartiers périphériques dont le développement a été axé sur une forme néotraditionnelle et un circulation aisée (le quartier piéton de Laguna West de la

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banlieue de Sacramento en Californie, et le quartier de Kentlands à la périphérie de Gaithersburg dans le Maryland), l'auteur rend compte d'une analyse de la forme de l'environnement construit, des formes d'utilisation du sol (logement, commerces, bureaux, industrie, bâtiments publics), de l'espace public (espaces verts, places, trottoirs et voies piétonnes, pièces d'eau), du réseau des voies urbaines et du plan de circulation (routes, allées, parcs de stationnement, voies piétonnes et pistes cyclables), et des accès offerts aux piétons (en examinant certaines distances à parcourir). CDU The Truman Show, 1998, Paramount Pictures, <http://www.trumanshow.com/> 2- Le New Urbanism vu par les sciences sociales Batar A. & St. Diamond, "New Urbanism", Le Carré Bleu, n°1, 1997, 3-9 En mai 1996, la ville de Charleston (Caroline du sud) a accueilli le 4ème congrès du nouvel urbanisme. La charte publiée à cette occasion propose une conception alternative aux formes actuelles d'urbanisation. La limitation de l'extension urbaine, la réhabilitation de l'architecture traditionnelle et la promotion du principe du village organise autour de la rue comme espace urbain multifonctionnel en sont les principaux aspects. L'intérêt et les limites de cette idéologie sont discutés, notamment du point de vue de son caractère passéiste et des obstacles sociaux qu'elle pourrait rencontrer. CDU Berke, Philip R. ; Macdonald, Joe ; White, Nancy ; et al, “Greening development to protect watersheds: does New urbanism make a difference?”, Journal of the American planning association, vol. 69, n° 4, 2003, 397-413 Alors que le New Urbanism a la réputation de donner des formes plus durable d'un point de vue environnemental que l'étalement urbain classique à faible densité, les auteurs ont entrepris une évaluation comparative de la manière dont 50 paires associés de développements urbains classiques ou selon le New Urbanism choisis aux Etats-Unis intègrent des techniques de protection des bassins hydrographiques et zones humides. L'analyse des exemples considérés montre que les pratiques du New Urbanism offrent une alternative plus ''verte'' et plus compacte à l'étalement dans les zones vertes des franges suburbaines, et qu'elles ont un meilleur potentiel pour protéger et restaurer des zones sensibles, réduire la couverture imperméable et offrir de meilleures pratiques de gestion. CDU Falconer Al-Hindi Karen, Till Karen E., "(Re)-placing the New Urbanism Debates: Toward an Interdisciplinary Research Agenda", Urban Geography, vol. 22, n ° 3, 2001,189-201. Dans cet article introductif du numéro, les auteurs rappellent l'histoire et les figures importantes du mouvement du New Urbanism et proposent une brève synthèse de la littérature issue de publications grand public, universitaires et professionnelles. Constatant que le New Urbanism est un phénomène présentant plusieurs facettes, elles défendent l'idée d'une approche interdisciplinaire pour son étude, estiment que diverses perspectives théoriques et méthodologiques peuvent contribuer à une connaissance et une application plus progressive des pratiques du New Urbanism à diverses échelles, et proposent enfin trois axes de recherche: documentation sur la manière dont le New Urbanism est compris et appliqué

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par les professionnels de l'urbain, analyse de projets urbains de remplissage, études ethnographiques sur les villes néo-traditionnelles. CDU 59543 Falconer Al-Hindi Karen, "The New Urbanism: where and for whom? Investigation of an emergent paradigm", Urban Geography, vol. 22, n° 3, 2001,202-219. Compte rendu d'un examen empirique du « New Urbanism », des localisations des ses développements aux Etats-Unis et de ceux pour qui ces développements sont construits. En analysant trois cartes montrant l'importance du New Urbanism par région, par Etat et par projet individuel, l'auteure commente la répartition géographique, puis, répondant à ceux qui affirment que le New Urbanism est bon pour tout le monde, elle estime que, si cela est peut-être vrai sur le long terme, le New Urbanism favorise sur le court terme les professionnels de la conception, les promoteurs et les acquéreurs de logement de la classe supérieure. CDU 59543 Ford Larry R., "Alleys and neighborhoods character : Testing the tenets of New Urbanism", Urban Geography, vol.22, n ° 3, 2001, 202-219. Après avoir évoqué diverses opinions défendant ou critiquant le New Urbanism ou l'urbanisme néo-traditionnel, l'auteur se propose d'évaluer les détails du concept de New Urbanism morceau par morceau en se fondant sur des observations empiriques. Il s'est ainsi intéressé à la manière dont les habitants perçoivent et utilisent leurs allées, celles-ci étant souvent associées à la saleté ou au crime et étant aussi un des éléments les plus controversés de la conception néo-traditionnelle. A partir d'une enquête à base de questionnaire, de photographies et d'entretiens avec des résidents de quatre quartiers de San Diego, il ressort que les gens aiment bien cet espace et l'utilise souvent. CDU 59543 Frangos A., "What's New Urbanism Worth?" The Wall Street Journal online, 24 décembre 2003. Fulton W., The New Urbanism : Hope or Hype for the American Communities ? Cambridge, MA, Lincoln Institute of Land Policy, 1996. Ghorra-Gobin, Cynthia., Entretien sur le New Urbanism par Monique Dreyfus, Diagonal n° 155, mai-juin 2002, 8-13. Dans un entretien, une spécialiste de l'urbain en France et aux Etats-Unis rappelle dans quel contexte s'inscrit le mouvement du New Urbanism aux Etats-Unis et quel modèle de morphologie urbaine il préconise, expose comment ces principes semblent constituer une alternative à l'étalement urbain, donne son opinion sur la loi SRU quant à ses objectifs de cohérence en matière de transports, d'équipements urbains et d'ambition sociale, puis sur la nécessité d'autres formes de régulation (notamment sur le marché foncier), confirme le développement d'un refus des tailles de logements standardisées par la population française, explique comment le New Urbanism est plus performant comme outil de renouvellement urbain que dans la lutte contre l'étalement urbain, souligne l'importance du rôle des acteurs de l'aménagement, décrit ce que serait l'organisation la plus propice à fabriquer de la ville, compare le New Urbanism avec le modèle de la ''ville publique'' (où l'espace public est un enjeu majeur) proposé par un architecte-urbaniste catalan, et s'exprime sur d'autres interventions du colloque de Toulouse relativisant l'importance de l'étalement urbain, analysant son évolution selon diverses perspectives et divers facteurs. CDU

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Ghorra-Gobin, Cynthia., "Le New Urbanism et l'étalement urbain : Quelle est l'expérience de la ville américaine? Que nous apprend-elle?, in La Ville Etalée, Nîmes, Editions du Champ social, 2003, 37-43. L’ ouvrage regroupe les textes des communications présentées lors des conférences et des débats en séance plénière avec pour thème la caractérisation et la diversité des formes de l'étalement urbain (analyse comparative en Catalogne et Midi-Pyrénées, analyse des diversités de situations à des échelles plus larges en France, en Europe de l'Est, en Roumanie, en Europe du Nord-Ouest, aux Etats-Unis). Il propose ensuite le contenu des ateliers qui ont eu pour thèmes: les nouvelles urbanités et liens sociaux dans les espaces péri-urbains, l'organisation urbaine et les modes de déplacement, les territoires politiques, règles et formes d'étalement, les systèmes naturels et ruraux et les systèmes urbains. CDU 57246 Goldberger P., "It takes a village", The New Yorker, 27 Mars 2000, 128-133. Harvey D., "The New Urbanism and the communitarian trap", Harvard Design Magazine, Hiver/printemps 1997, 68-69. Hebbert M., "New Urbanism- The Movement in Context", Built Environment, vol. 29, n°3, 2003,193- 209. CDU Langdon P., A Better Place to live: Reshaping the American Suburb, Amherst, (Ma), University of Massachusetts Press, 1997. Levine, Jonathan,”Rethinking accessibility and jobs-housing balance," Journal of the American planning association, vol. 64, n° 2, 1998, 133-149 Compte rendu d'une étude d'une des dimensions du problème de l'accessibilité: l'accès au lieu de travail. Partant d'une double hypothèse (manque systématique de logements abordables à proximité des grands centres d'emploi suburbains, volonté d'un grand nombre des travailleurs en ces sites d'utiliser un logement à proximité s'il en existait à des prix abordables), l'auteur, après avoir rappelé les résultats d'autres recherches sur ce sujet, présente une estimation d'un modèle de choix discret de localisation résidentielle dans la zone métropolitaine de Minneapolis. Dans certains cas, notamment pour les ménages d'un seul travailleur, de bas et moyens revenus, il conclut que les équilibres et déséquilibres entre localisation (ou nombre) des emplois et localisation (ou nombre) des logements ont de nettes influences sur les décisions de localisation résidentielle. CDU Lee C-M. & K-H Ahn, "Is Kentland Better than Radburn: The American Garden City and New Urbanist Paradigm", Journal of American Planning Association, vol. 69, n°1, 2003, 50-70. Proposition de comparaison de deux quartiers, le quartier de Radburn à Fair Lawn dans le New Jersey et celui de Kentlands à Gaithersburg dans le Maryland, qui constituent des exemples respectifs typiques de la cité jardin américaine et du nouvel urbanisme. En fondant cette comparaison sur les formes urbaines et quelques unes de leurs caractéristiques (types de logements, formes du réseaux des voies de circulation et des voies piétonnes, accessibilité de divers équipements publics), l'auteur examine comment les objectifs et prescriptions ont été réalisés dans ces deux projets résidentiels suburbains et en quoi ils diffèrent l'un de l'autre. Il apparaît que Kentlands et Radburn ne sont pas aussi différents qu'ils paraissent à prime abord, notamment sur les aspects concernant la circulation automobile et piétonne. Il note

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également que la grande diversité des types et styles de logements à Kentlands peut s'avérer préjudiciable quant à la réussite commerciale de ce quartier. CDU Myers, Dowell; Gearin, Elizabeth, “Current preferences and future demand for denser residential environments”, Housing policy debate, vol. 12, n° 4, 2001, 633-659 Fondée sur diverses enquêtes consacrées aux préférences couplées à des projections démographiques, cette étude rend compte d'une évaluation de la demande future (pour la période 2000-2010 en la comparant avec la période 1990-2000) en environnements résidentiels plus denses et plus piétons aux Etats-Unis considérés dans leur ensemble. Il semble possible de prévoir une évolution déjà en cours. Les ménages de plus de 45 ans sont particulièrement intéressés par des logements plus denses dans des situations plus centrales. Le passage de la génération du baby boom à cette tranche d'âge correspond à une augmentation de la demande de logement qui contraste avec les nombres stagnants des autres âges. Cette tranche d'âge représentera en effet 31% des propriétaires au cours de la période 2000-2010, soit le double de ce qu'était cette part de marché pour la période précédente. CDU

Song, Yan ; Knaap, Gerrit-Jan, “Measuring urban form: is Portland winning the war of sprawl ?" Journal of the American planning association. vol. 70, n° 2, 2004, 210-225 Les auteurs présentent plusieurs mesures quantitatives de la forme urbaine et calculs pour certains quartiers de la ville de Portland (Oregon) afin d'évaluer l'étalement urbain. Ces mesures sont basées sur conception des rues et les systèmes de circulation, la densité de logements individuels (en incluant les surfaces d'habitation, de parcelle), l'utilisation mixte du sol, l'accessibilité (mesurée par la distance aux commerces, aux arrêts de bus, aux espaces verts publics), l'accès piéton (distance à pied aux commerces et aux arrêts de bus inférieure ou supérieure au quart de mile). Les auteurs observent que, dans les quartiers étudiés, la densité d'unités d'habitations individuelles a augmenté depuis les années 1960, la connectivité des rues et l'accès piéton se sont améliorés depuis le début des années 1990, que le mélange d'utilisation du sol reste limité. Les auteurs concluent que, même certaines mesures se sont avérées positives, la bataille contre l'étalement urbain est encore gagner. CDU Talen E., "Sense of Community and Neighborhood Form: An Assessment of the Social Doctrine of New Urbanism", Urban Studies, vol.36, n°8, 1999, 1361-1379. Le terme de ''nouvel urbanisme'' qui recouvre les notions de développement néotraditionnel et de conception de voisinage traditionnel, repose sur la croyance en la faculté de l'environnement construit à créer un ''sens de la communauté''. Dans cet article, l'auteur cherche à estimer si la doctrine sociale du nouvel urbanisme peut être abordée ou intégrée dans la littérature de sciences sociales qui traite de la question de la formation de communauté. Pour ce faire, l'auteur définit les limites de la doctrine sociale du nouvel urbanisme, puis discute les cadres conceptuels et les découvertes empiriques qui vont dans le sens ou contredisent l'idée selon laquelle un sens de communauté viendra après la formation physique de villes et de voisinages en général et les nouveaux principes urbanistes en particulier. Par la suite, l'auteur se demande si une réconciliation entre recherche et doctrine est possible, à la lumière des contradictions visibles entre les objectifs sociaux des nouveaux urbanistes et les résultats des recherches en sciences sociales. Elle conclut que les nouveaux urbanistes doivent clarifier leur définition du sens de communauté en ce qui concerne sa conception physique. CDU

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"New Urbanism and the culture of criticism", Urban Geography, vol.21, 2000, 318-341. Till Karen E., "New Urbanism and nature: Green marketing and the neotraditional community", Urban Geography, vol. 22, n° 3, 2001, 220-248. Un des principaux objectifs du New Urbanism étant d'offrir des alternatives aux banlieues à travers des conceptions écologiquement saines et des communautés plus naturelles, l'auteur propose une analyse de la rhétorique environnementale du New Urbanism et la raison pour laquelle on assiste actuellement à la promotion de cette forme de nature. Elle estime que les approches anthropocentriques de la nature faites dans le New Urbanism reflètent et entre en résonance avec les idées environnementales dominantes moyennes de la culture des Etats-Unis. Afin de comprendre pourquoi les planificateurs du New Urbanism adoptent sans critique ces visions socialement et spatialement limitées de la nature, l'auteur commente les contextes institutionnels d'exercice de la profession d'urbaniste. Elle souligne enfin le besoin de nouvelles recherches et d'une prise en compte des relations homme-environnement dans le processus de planification. CDU 59543 Thompson-Fawcett M., "A New Urbanist Diffusion Network: The Americo-European Connection", Built Environment, vol. 29, n° 3, 2003, 253-270. CDU Zimmerman Jeffrey, "The "nature" of urbanism on the New Urbanist frontier: Sustainable development, or defense of the suburban dream?", Urban Geography, vol.22, n° 3, 2001, 249-267. Compte rendu d'une analyse critique des idées sur la nature portées par le New Urbanism et de sa principale approche, le développement de quartier traditionnel (Traditional Neighborhood Development, TND). Même si le langage et l'image du New Urbanism apparaissent comme assez progressistes, l'auteur met en évidence les manières dont le New Urbanism considéré comme pratique est politiquement conservateur et ne constitue pas une forme plus durable du développement urbain. D'une part, en prenant l'exemple d'un tel développement situé à Prairie Crossing, dans les environs de Chicago dans l'Illinois, l'auteur montre à quel point l'environnementalisme du New Urbanism est étroit dans son objectif et s'appui en fait sur la défense de styles de vie et d'aménagements de la classe moyenne. Puis, il montre comment l'impulsion nostalgique observable à Prairie Crossing donne une répétition très problématique de la frontière des établissements blancs du Midwest. L'auteur affirme que ce type de développement ne constitue pas un bon modèle de durabilité, mais que la nature est ici mobilisée pour défendre l'essence d'un rêve suburbain CDU 59543. 3- Le New Urbanism dans le cadre de l’ Urban Sprawl Baldassare M., Trouble in Paradise: The Suburban Transformation in America, New York, Columbia University Press, 1986. Bruegmann R., Sprawl: A Compact History, The University of Chicago Press, 2005.

Dieleman, Frans ; Wegener, Michaël, “Compact city and urban sprawl”, Built environment. vol. 30, n° 4, 2004.- pp. 308-323

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Cherchant à explorer les divers aspects du débat et de la recherche sur les villes compactes, l'étalement urbain et la croissance intelligente, les auteurs s'intéressent dans un premier temps à l'interaction mutuelle entre transport et forme urbaine, estimant que les formes d'utilisation du sol urbain, les systèmes de transport et les formes de mobilité sont étroitement intriquées. Dans un second temps, ils passent en revue la recherche empirique menée sur les politiques de limitation de l'étalement urbain dont l'un des objectifs principaux est de réduire l'utilisation du véhicule individuel. Pour cela, ils s'intéressent aux cas de la ville de Portland aux Etats-Unis et à la Randstad aux Pays-Bas. CDU Dubois-Taine Geneviève, Chalas, Yves, La Ville Emergente, Paris, Editions de l’Aube, 1997. Ensemble d'articles visant à établir un portrait de la ville émergente à l'aube du XXIème siècle, au travers des différentes figures qui viennent caractériser ce nouveau type de ville. Ils évoquent en premier lieu ses différentes caractéristiques et composantes : son étalement et son développement, les centres commerciaux, et l'implantation de succursales de banques et de salles multiplexes de cinéma. Puis, ils s'attachent à décrire les modes de vie des métropoles actuelles (assortis de nombreux exemples), les interactions entre la nature et la ville (qui ne s'opposent plus comme par le passé), l'esthétique et l'architecture des nouveaux territoires, ainsi que la gestion communale de l'agglomération et ses perspectives. Enfin, des images plus globales de la ville émergente sont présentées : ''territoire de l'automobile'', ''ville-pays'', ''mégalopole'', ''ville ou triomphe l'urbanité, et une réflexion sur les interactions entre l'art contemporain et la ville est proposée. CDU 34589 EWING, Reid, “Conterpoint : is Los Angeles-style sprawl desirable?”, Journal of the American planning association, vol. 63, n° 1, 1997, 107-126 Exprimant un point de vue opposé à celui développé par un autre article de la revue, l'auteur rend compte d'une étude bibliographique ayant porté sur les caractéristiques, les causes et les coûts de différentes formes de développement urbain. Il considère que l'étalement urbain n'est pas une simple suburbanisation mais forme plutôt un développement suburbain manquant d'accessibilité et d'espace libre, que l'étalement urbain n'est pas une réponse naturelle aux forces du marché mais un produit des subventions et d'imperfections du marché, que les coûts de l'étalement urbain sont portés par tous du fait de l'augmentation des dépenses publiques, de la perte de ressources foncières et du déclin du sens de la communauté. Il estime que la seule parade réaliste à l'étalement urbain tel que l'on peut par exemple l'observer à Los Angeles, est une planification active inspirée des pratiques observables partout ailleurs qu'aux Etats-Unis. CDU Fishman R., Bourgeois Utopias: The Rise and Fall of Suburbia, New York, Basic Books, 1987. Fishman R. (ed.), The American Planning Tradition, John Hopkins University Press, 2000. Garreau J., Edge City : Life on the New Frontier, New York, Doubleday, 1991. Un voyage parmi quelques-uns des quartiers de la lisière urbaine, ''edge cities'', qui sont des espaces ou se trouvent localisés des bureaux et des commerces, ou la population augmente le matin pendant les jours de travail, ou il y a une utilisation mixte de l'espace: emploi, commerce, spectacles. Ce sont des espaces qui n'étaient pas urbains il y a trente ans et qui ne sont pas des quartiers résidentiels.

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CDU 29305 Ghorra-Gobin Cynthia, Villes et société urbaine aux Etats-Unis, Paris, Colin, 2003. Il est souligné combien la métropolisation s'avère conforme à l'idéologie américaine du XIXe siècle tout en mettant en évidence les disparités spatiales entre les différents territoires qui constituent la métropole. La spécificité de la ville dans la société américaine est abordée dans un premier temps. Les grandes étapes du développement urbain sont retracées, les questions de planification urbaine, de croissance urbaine, sont appréciées. L'importance du quartier dans la rhétorique américaine, l'immigration, le lien entre métropolisation et mondialisation de l'économie, les thématiques des récentes tendances architecturales sont appréhendés. La mise en doute de la durabilité de la notion de champ urbain fragmenté et l'émergence d'un système urbain nord-américain sont aussi évoquées. CDU 57295 Gordon, Peter ; Richardson, Harry W., “Point : are compact cities a desirable planning goal?”, Journal of the American planning association, vol. 63, n° 1, 1997, 95-106 Proposant un point de vue sur l'étalement urbain (un autre article exprime parallèlement un point de vue opposé), les auteurs passent en revue divers aspects pouvant permettre d'évaluer si le développement de villes compactes est ou non une stratégie de planification valable. Ces aspects sont: les pressions sur les terres agricoles, les préférences en terme de densité résidentielle, les économies d'énergie, le potentiel de développement d'utilisation des déplacements et le soutien de développements fondés sur les déplacements, les coûts et avantages de la suburbanisation, les gains en efficacité liés au caractère compact, l'impact des télécommunications sur la densité de développement, les perspectives pour des centre villes en déclin, l'égalité sociale dans la ville compacte, les effets de la compétition entre villes. CDU Gutfruend O.D., 20th Century Sprawl: Highways and the Reshaping of the American Landscape, Oxford University Press, 2004. Hayden D., Building Suburbia : Green Fields and Urban Growth 1820-2000, New York, Pantheon Books, 2003. Hayden D., A Guide to Urban Sprawl, New York, Norton Books, 2004. Kunstler J.H., The Geography of Nowhere, New York, Simon & Schuster, 1993. Home from Nowhere", The Atlantic Monthly, Septembre 1996, 43-66. Lang R., Edgeless Cities: Exploring the Elusive Metropolis, Washington DC, Brookings Institution press, 2003.

Siedentop, Stefan,“Urban sprawl: verstehen, messen, steuern. Ansatzpunkte für ein empirisches Mess un Evaluationkonzept der urbanen Siedlungsentwicklung“, Disp., n° 160, 2005, 23-35 Cherchant à permettre de mieux comprendre les causes, les caractéristiques et les effets d'un développement de l'utilisation du sol du type étalement urbain en se fondant sur l'étude de la littérature d'origine internationale, l'auteur expose tout d'abord une synthèse des définitions et des concepts de mesure de l'étalement urbain, puis analyse les termes du débat sur les causes et les coûts de l'étalement urbain en cherchant à mettre à jour les influences

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empiriques possibles. Il propose ensuite un cadre méthodologique de mesure et d'évaluation des formes et des dynamiques d'utilisation du sol, cette approche empirique fonctionnant sur la base de quatre indicateurs généraux d'utilisation du sol qui permettent de décrire les multiples dimensions de l'étalement urbain. CDU Sharpe W. & L.Wallock, "Bold New City or Built-Up Burb ? Redefining Contemporary Suburbia", American Quarterly, n° 46, 1994, 1-30. Squires G.D. (ed.), Urban Sprawl: Causes, Consequences and Policy Responses, Washington DC, The Urban Institute, 2002.

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GLOSSAIRE City Toute municipalité ayant au moins 2.500 habitants est qualifiée de city alors que toute municipalité rurale détenant une population inférieure est désignée par town Center City Ville centre désigne la municipalité qui est à l’origine de la métropole urbaine Edge city Pôle urbain constitué par des bâtiments de bureaux et des activités commerciales et situé dans la banlieue d’une métropole et parfois aussi en périphérie. Edgeless city Dispersion des bâtiments de bureaux et des activités ; est souvent utilisé pour désigner le périurbain. Enclave ethnique Quartier urbain revitalisé et essentiellement habité par des populations récemment immigrés (d’où le terme ethnique). Se caractérise par un certain dynamisme et une certaine animation dans les rues. Gated community (lotissement fermé ou sécurisé) Enclave résidentielle regroupant des maisons individuelles et parfois aussi des maisons de ville ainsi que des équipements de loisirs dans un territoire protégé et bien délimité. Ce produit immobilier connaît un grand succès dans les régions urbaines soumises à des flux migratoires en provenance de l’étranger. Une GC community peut inclure quelques centaines d’habitants ou encore plusieurs milliers (comme Canyon Lake dans la banlieue de Los Angeles) selon qu’elle se situe en périphérie urbaine ou sert à recycler d’anciens quartiers. On parle alors de Homeowners’ Associations (associations de propriétaires) qui peuvent avoir un poids non négligeable sur les décisions politiques locales. Métropole (aire métropolitaine) Terme désignant toute entité urbaine continue regroupant plusieurs municipalités et dont la ville centre inclut 50.000 habitants au moins. New Urbanism Un courant d’architecture et d’urbanisme antérieur à la création de l’association intitulée Congress for New Urbanism en 1993 et incluant deux tendances prenant en compte l’avènement de l’échelle métropolitaine. La première est centrée sur le recours à l’architecture de la petite ville traditionnelle américaine organisée à partir des espaces publics et la seconde prône l’articulation entre lotissement résidentiel et les transports en commun. On parle de TND (traditional neighborhood development) et de TOD (transit-oriented development). Les professionnels de ce courant mettent également l’accent sur la diversité des fonctions et la mixité sociale des lotissements.