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Olivier VIDAL

DEA 128

Concepts et Méthodes du Diagnostic d'Entreprise

Mémoire majeurSeptembre 1994

Intérêts et limites de l'information comptableCours du professeur Raymond DANZIGER

ÉVOLUTION DES SYSTÈMES COMPTABLES

DANS LES PAYS D'EUROPE DE L'EST

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REMERCIEMENTS

Je voudrais remercier ici tous ceuxqui m'ont apporté leur aide dans l'élaborationde ce mémoire.Je remercie tout d'abord Jacques Richard,dont les conseils et les suggestions ont permis d'orienterma recherche.Je remercie ensuite Éric Delesalle, Calin Oprea,et Emmanuel Koenig, qui, au cours d'entretiensà Paris, Bucarest, et Sofia, m'ont fait part d'un grand nombred'informations et de réflexions.Enfin, je dois des remerciements tous particuliers

à Carole Donada, et tous ceux qui m'ont apporté leurs précieuxconseils dans la conception et la rédaction de ce travail.

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INTRODUCTION

L'introduction des mécanismes de marché dans les pays de l'Est entraine unbouleversement de leurs systèmes de gestion. De nouveaux besoins en informations de gestionapparaissent, et les systèmes comptables, vecteurs privilégiés de ces informations, subissent destransformations indispensables.

L'objet de cette étude est d'analyser les critères qui déterminent l'élaboration des nouvellesnormes comptables. Un certain nombre d'arguments techniques sont généralement avancés pour

 justifier les choix réalisés. Mais une analyse critique laisse à penser que ces critères ne suffisentpas à expliquer les choix observés.

Pour expliquer ces choix, nous nous appuierons sur les recherches en comptabilitéscomparées (J. RICHARD, 1994; C. NOBES et R. PARKER, 1991). Ces recherches reconnaissentque les acteurs des réformes ne sont pas toujours des décideurs souverains, et qu'ils subissent lesinfluences de leur environnement: influences économiques (modes de régulation économique,inflation...), juridiques (droit écrit ou coutumier, structure de la profession...), mais aussipolitiques, historiques ou culturelles.

Nous verrons que ces derniers facteurs (culturels et politiques) jouent un rôle plus

important que ne laissent supposer les discours officiels, et qu'ils sont encore insuffisammentreconnus et étudiés par les chercheurs. Les transformations des pays de l'Est offrent sur ce sujetun champ d'investigation très important. Notre travail propose ainsi un certain nombred'hypothèses qui pourraient donner lieu à de plus amples recherches.

Dans un premier chapitre, nous présenterons les différentes caractéristiques permettant dedécrire un système comptable afin de définir un vocabulaire précis et de présenter les acteurs dela normalisation. Cela nous conduira à dresser une typologie des différents systèmes comptables.

Dans un second chapitre, nous décrirons le système comptable soviétique et noussoulignerons ses insuffisances face aux nouvelles exigences d'une économie de marché. Les pays

de l'Est doivent en effet modifier leurs systèmes comptables et deux voies s'ouvrent à eux; lapremière consiste à faire évoluer l'ancien système, en conservant certaines de ses spécificités; ladeuxième consiste à importer un système comptable issu d'un pays occidental. Ce dernier caspose le problème du choix du modèle à retenir parmi les différents systèmes existants.

Nous décrirons ensuite, dans le chapitre trois, l'évolution constatée dans les différentspays, et nous mettrons en évidence la pluralité des choix retenus. Cela nous conduit à supposerqu'il n'existe pas une solution unique, "techniquement optimum", dans la démarche denormalisation, mais que les choix sont conditionnés par des facteurs culturels ou politiques.

Enfin, dans le chapitre quatre, nous présenterons l'état des recherches actuelles sur

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l'influence des facteurs politiques et culturels en comptabilité, et préciserons dans quelle mesureune telle démarche de recherche pourrait être appliquée aux pays de l'Est.

CARACTÉRISTIQUES D'UN SYSTÈME COMPTABLE

Les pays de l'Est réforment leurs normes comptables. En préliminaire, il nous sembleindispensable de préciser les fonctions attribuées à la normalisation. Cette description nouspermettra de définir un certain nombre de termes et de concepts, indépendants de la nature del'économie (marché ou centralisme bureaucratique) qui nous serviront ensuite pour construirenotre travail. Elle débouchera sur une typologie des différents systèmes comptables.

La normalisation comptable

A travers les "états financiers", la comptabilité constate et conserve dans son "langage" lesévènements qui régissent la vie d'une entreprise. Plus globalement, un "système comptable" estun système d'information qui a pour finalité la présentation et la diffusion des états financiers.Ceux-ci permettent à leurs lecteurs de se faire une opinion sur l'entreprise, dans le but de prendre

(ou ne pas prendre) des décisions. La manière dont ils sont élaborés et présentés va doncdirectement influencer les décisions économiques, et c'est pour garantir un certain niveau dequalité que l'on établi des normes comptables.

La normalisation comptable est donc l'ensemble des règles qui organisent les circuits derecueil, de traitement, et d'interprétation des informations économiques. Caractériser unenormalisation comptable, c'est décrire les deux aspects complémentaires qui sont d'une partl'objet sur lequel elle porte, et d'autre part le processus par lequel elle est élaborée.

L'objet de la normalisation

L'objet de la normalisation est la manière dont l'information sera élaborée puis présentée.Ces deux volets (élaboration et présentation) seront développés successivement dans nos deuxpremiers paragraphes. Ils révèlent des conceptions différentes. Deux autres paragraphes serontconsacrés à deux problèmes spécifiques: Quelle place accorder à la comptabilité de gestion?Quelles sont les conséquences de la présentation de la normalisation sous forme de plancomptable?

Normaliser l'élaboration des comptes

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La normalisation définit une terminologie, des principes directeurs, et des techniques detraitement permettant la traduction en "langage comptable" des évènements qui ponctuent la vie

d'une entreprise. La terminologie permet la cohérence des dialogues entre les différents acteurs, etfacilite la formation des comptables. Les principes directeurs, qui sont plus ou moins explicites,décrivent la manière d'appréhender l'environnement économique. Certains de ces principes sontspécifiques à tel ou tel pays, mais on constate des principes universels comme l'objectivité(l'information doit respecter un système de valeur qui transcende la personnalité du comptable,comme l'impartialité ou la régularité), la pertinence (l'information doit être utile), l'exhaustivité(si ce dernier principe s'oppose parfois à des contraintes matérielles coûts, délais il n'en demeurepas moins toujours théoriquement présent).

Les systèmes de normalisation comptable sont plus ou moins étendusNOTEBCOURIER20Plus une normalisation comptable sera étendue, plus elle déclinera par des normes

précises la manière dont les principes doivent être appliqués dans des circonstancesconcrètes.(NOTEB. "Il n'y a pas de vérité universelle en matière de normalisation comptable.Une conception large de ce terme englobe la saisie, le traitement, et la diffusion des documentscomptables (c'est le cas en France), alors qu'une conception plus étroite réduit la normalisationaux documents de synthèse et aux états financiers (c'est le modèle anglo-saxon)"NOTEBCOURIER20Revue Française de Comptabilité nø233, propos de Bernard COLASSE, p.62,février 1992(NOTEB. Lorsque la normalisation est peu étendue, le comptable doit prouver sacapacité à apprécier et interpréter la réalité. Cela pose un problème de formation et d'expériencedu comptable.

Normaliser la présentation des comptes

Il peut sembler inutile de rappeler que l'utilisateur doit comprendre l'information qui luiest présentée. Il est cependant intéressant de distinguer à ce niveau deux types d'utilisateurs; lesutilisateurs "internes" et les utilisateurs "externes" à l'entreprise. Les utilisateurs "internes" sontdes utilisateurs privilégiés qui ont directement accès à un grand nombre d'informations. Pourconserver cet avantage, ils ont généralement intérêt à ce que ces informations restent secrètes, ouqu'elles soient perçues par l'extérieur sous un aspect déformé, enjolivé. Les utilisateurs externesont accès aux seules informations publiées. Par ailleurs, ils n'ont pas nécessairement descompétences d'expert permettant de décoder un langage comptable hermétique.

Normaliser la présentation de l'information permet de diminuer le travail d'interprétation

des utilisateurs externes. Autrement dit, augmenter la lisibilité diminue le pouvoir des utilisateursinternes, mais les protège en assurant l'égalité de tous devant la règle puisque les concurrents sontsoumis aux mêmes règlesNOTEB COURIER20Dans toute compétition, peu importe les règles,dès lors qu'elles sont les mêmes pour l'ensemble des participants.NOTEB.

Normaliser la présentation de l'information permet également de comparer les étatsfinanciers dans le temps (d'une période à une autre) et dans l'espace (d'une entreprise à une autre).Elle permet enfin d'agréger des informations à un niveau national ou international par lesorganismes statistiques ou gouvernementaux. Certaines entreprises internationales ont elles-mêmes besoin de réunir des informations en provenance de leurs filiales de différentesnationalités.

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La normalisation comptable est plus ou moins précise dans ses contraintes deprésentation. Plus l'objectif d'agrégation est fort, plus les normes de présentation seront strictes.

Si, au contraire, la normalisation répond à un simple souci de lisibilité, les normes de présentationseront plus souples.

Comptabilité de gestion et comptabilité financière

La comptabilité générale (ou comptabilité analytique) a pour fonction de présenterpériodiquement sous forme d'états financiers une situation patrimoniale ainsi qu'un résultatglobal. Elle constitue un instrument de vérification et de preuve. C'est aussi un instrument decommunication externe à destination du marché financier, des tiers, des salariés, des pouvoirspublics, des consommateurs... La comptabilité générale fait, en général, l'objet d'une forteréglementation.

A l'inverse, la comptabilité analytique (ou comptabilité de gestion) est un instrumentd'aide à la décision et de contrôle de gestion à l'usage des dirigeants. Elle permet de mesurer lesperformances (calcul des coûts de revient, des marges par produit ou par secteur d'activité),d'élaborer des budgets prévisionnels, d'actualiser les indicateurs de gestion formant le tableau debord. Cette vocation d'usage interne à l'entreprise rend difficile sa réglementation; d'une part,chaque entreprise adapte les normes aux particularités de sa propre organisation; d'autre part, cesinformations confidentielles sur les coûts et la structure de l'entreprise sont difficilementpubliables sans porter atteinte aux avantages concurrentiels de l'entreprise.

En réalité, la distinction entre comptabilité financière et comptabilité de gestion est

typiquement française, observée comme une curiosité de la part de l'étranger. On parle d'uneconception dualiste de la comptabilité. Un tel système peut sembler plus simple à mettre en placecar il évite le problème de faire coïncider les mécanismes de deux comptabilités aux objectifsdifférents. Cependant, certains auteurs opposent à ces arguments une vision plus globale quiperçoit le concept de système comptable intégré comme plus proche d'un esprit de gestion, et ce,pour deux raisons: Le modèle dualiste, s'il ne l'impose pas, favorise la pratique de l'inventaireintermittent, au détriment de l'inventaire permanent. Jacques RICHARD parle de "comptabilitéd'épicier" aux antipodes de la gestion, et cite Jean FOURASTIER: "la comptabilité sansinventaire permanent est un retour à la barbarie"NOTEBCOURIER20Propos recueillis lors dudébat organisé par la Revue Française de Comptabilité, RFC nø233, p.68, février 1992.NOTEB.()

A l'opposé, la comptabilité moniste est le système qui intègre dans la même structure lacomptabilité analytique et la comptabilité générale. Plus précisément, on peut distinguer troisaspects du monisme comptable (RICHARD, 1980):

1. Le monisme matériel, ou monisme d'évaluation consiste à adopter un mode d'évaluationunique quel que soit l'utilisateur des informations comptables.

2. Le monisme formel oblige les entreprises à établir dans les mêmes documents comptablesdes informations concernant les aspects financiers, et les aspects analytiques.

3. Le monisme réglementaire, enfin, permet d'agréger les informations destinées à l'État

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(notamment au fisc), et les informations destinées aux associés dans le même système comptable.

Le monisme se heurte à certains problèmes pratiques: D'une part, la diversité des

utilisateurs induit une diversité des modes d'évaluation en fonction des différents besoins. D'autrepart, le caractère confidentiel de la comptabilité analytique qui fournit des informations crucialessur la marche de l'entreprise décourage la publication de documents uniquesNOTEBCOURIER20Documents uniques qui s'adressent cependant à des lecteurs internes et externes del'entreprise, et dont les intérêts peuvent être antagonistes.NOTEB.(De plus, une certaineopposition de la part des praticiens comme des théoriciens se fait sentir lorsque l'on envisage delier fiscalité et comptabilitéNOTEBCOURIER20Pour éviter la pollution fiscale dont nousparlerons plus loin.NOTEB.(Enfin, Monique MEYER (1992) souligne qu'une pratique monistede la comptabilité, pour être efficace, nécessite un service comptable suffisamment développépour mettre en place des indicateurs de prix de revient efficaces. Cette technique est donc plusappropriée aux grandes entreprises alors qu'elle peut s'avérer paralysante pour les petites

entreprises. Cependant, il n'en demeure pas moins que la comptabilité intégrée se rapprocheconceptuellement d'un esprit de gestion car elle donne la priorité à la connaissance des rouages del'entreprise.)

Normalisation et plan comptable

A l'origine, un plan comptable est une liste de comptes numérotés, qui doivent être utiliséspar les entreprises, quelque soit leur secteur d'activité, leur taille, ou leur statut juridique. C'estune normalisation purement formelle de l'intitulé et de la présentation des états financiers. Safinalité est généralement de faciliter l'agrégation au niveau macroéconomique des comptes. Enréalité, pour parvenir à ce degré d'homogénéité formelle, un plan comptable sous-tend une

interprétation identique de chacun des comptes, quelle que soit l'entreprise dans laquelle on sesitue. Autrement dit, un plan comptable s'accompagne inévitablement d'une règlementation trèsdétaillée sur les techniques d'enregistrement et l'élaboration des documents comptables. Ontrouve donc l'usage des plans comptables dans les pays o— la comptabilité, fortementnormalisée, tant dans sa dimension élaboration que dans sa dimension présentation, obéitprioritairement à un souci macroéconomique.

De simple liste de comptes, le plan comptable se transforme en un ensemble de règlesqu'il faut appliquer avec la plus grande régularité. Pour Jacques RICHARD (1994), cetteconfusion entre plan comptable et normalisation est néfaste pour la conception de la comptabilité;elle perd son caractère d'instrument de gestion et toute la part de flexibilité que cela impose.

A l'origine, la planification comptable était un modèle allemand qui a été décliné dans uncertain nombre de pays comme la France, l'Espagne, la Grèce, la Belgique, un grand nombre depays africains francophones, et les pays du bloc soviétique. C'est une pratique qui se retrouvedonc aussi bien dans des pays d'économie planifiée que dans des pays d'économie capitaliste.Planification comptable n'est pas synonyme de planification économique.

Le processus d'élaboration

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Au delà de son objet, une normalisation comptable se caractérise par le processus qui aconduit à son élaboration. Ce processus se caractérise par sa logique conceptuelle qui peut êtreinductive ou déductive. Il implique ensuite des acteurs économiques dont les rôles respectifs

varient selon les pays.

Deux logiques conceptuelles opposées

Bernard COLASSE (1992) oppose deux processus d'élaboration des normes; un processusinductif, et un processus déductif. Le premier consiste, face à un problème donné, à examiner lespratiques relatives à ce problème, à apporter des critiques..., puis à se rallier à la pratique la pluscourante car considérée comme la plus saine. Ce mode de normalisation a été prépondérant enFrance comme aux États Unis jusqu'à la fin des années 70, et dans ce dernier pays a donné lieu àl'expression des "principes (ou normes) comptables généralement admis".

Le processus déductif consiste, à l'opposé, à se donner un cadre conceptuel composéd'objectifs généraux assignés à la comptabilité, dont ensuite les normes sont déduites. On neprivilégie dès lors plus une pratique parce qu'elle serait plus courante, mais parce qu'elle coïncidedavantage avec une vision plus générale des fonctions attribuées à la comptabilité. A l'opposé duprocessus inductif, le processus déductif ne nécessite pas, à priori, la préexistence de pratiquescomptables permettant la confection des normes.

Le rôle du normalisateur

Deux conceptions s'affrontent pour caractériser le rôle poursuivi par le (ou les) acteur(s)

participant(s) au processus d'élaboration des normes comptables. La première est une conceptionautoritaire: garantir l'intérêt général face aux éventuelles pressions d'utilisateurs particuliers. C'estl'esprit de toute normalisation d'origine publique (bien que la définition de l'intérêt général puisseconsidérablement évoluer d'un pays à un autre). C'est également l'explication historique fourniepour expliquer le développement aux États-Unis de l'organisation et de l'action normalisatrice dela profession comptable NOTEBCOURIER20Le comptable, en respectant des normes établies,s'affranchit des pressions éventuelles de ses propres employeurs.NOTEB.

La seconde conception fait appel à une notion d'ajustement par le marché; sur le marchéde la production d'informations comptables, se confrontent des acteurs nombreux qui défendentleur propre intérêt. De ce rapport de force, étroitement lié à la nature de l'environnement

économique, surgissent les normes comptables. De nombreuses études ont été menées afind'élaborer une typologie des utilisateurs et de leurs objectifs vis à vis de l'outil comptable.Edward STAMP (1980) identifie quinze catégories d'utilisateurs. Plus synthétiquement, nousciterons:

1. L'État, considéré comme un utilisateur parmi d'autres, confère à la normalisation uncaractère plus au moins contraignant, et cherche à obtenir des informations macro économiquessources de synthèses sectorielles ou nationales, et de calculs fiscaux.

2. Les dirigeants, responsables de la politique comptable de l'entreprise, privilégient lafonction communication.

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3. Les associés, apporteurs de capitaux, cherchent à suivre l'évolution financière de lasociété, et à contrôler la qualité de la gestion.

4. Les tiers, banquiers, fournisseurs, clients... ont besoin d'accéder aux comptes annuels pourporter un jugement sur la situation de l'entreprise et apprécier sa solvabilité.

5. Les salariés, cherchent à établir une appréciation prospective de la situation économiqueet financière de l'entreprise, notamment pour des questions liées à l'emploi et aux rémunérations.

Les règles comptables apparaissent donc comme le résultat d'un rapport de force entre lesagents économiques. Cela explique pour partie la diversité des systèmes comptables. L'étudecomparative de l'influence des différents utilisateurs de la comptabilité dans les différents pays aconduit L.A. DALEY et G.E. MUELLER (1982) à distinguer quatre processus distincts de

normalisation comptable; l'approche politique, l'approche pragmatique, l'approche mixte, etl'approche élargie.

1. L'approche politique est dominée par l'intervention publique. L'État agit en tant que garantde l'intérêt général, mais aussi en tant que principal utilisateur de l'information. C'est le cas de laFrance, o— la normalisation est d'origine réglementaire, ou de l'Allemagne, o— la normalisationest d'origine législative. La principale critique prononcée contre cette approche est liée àl'incompatibilité qui existe entre l'optique macroéconomique, et l'usage microéconomique de lacomptabilité, outil de gestion. D'une part l'influence parfois exagérée de la fiscalité est considéréecomme une pollution de l'outil comptable, et d'autre part, les informations nécessaires àl'agrégation des comptes au niveau du pays ne sont pas nécessairement les informations

pertinentes pour le dirigeant ou l'actionnaire.

2. L'approche pragmatique est caractérisée par la nature privée des organismes denormalisation, représentés essentiellement par des associations professionnelles. C'est le cas duRoyaume-Uni. L'optique microéconomique est privilégiée et les informations sont prioritairementdestinées aux marchés financiers. La confrontation des différents intérêts peut alors soulever desconflits et susciter des pressions.

3. L'approche mixte est caractérisée par la présence d'organismes professionnels dont lesnormes sont rendues obligatoires par l'intervention publique. C'est le cas des États-Unis o— laSEC (Securities and Exchange Commission), dont le rôle est de réglementer la divulgation de

l'information financière des sociétés cotées, a mandaté un organisme privé indépendant, le FASB(Financial Accounting Standards Board) afin d'élaborer un ensemble de principes comptablesgénéralement admis.

4. Enfin, le processus élargi est celui qui permet à un grand nombre d'acteurs de participer àla normalisation; syndicats ouvriers, professionnels de la comptabilité, associations patronales,représentants de l'état... participent à l'élaboration des normes. C'est le cas des Pays-Bas.

Une typologie des différents systèmes comptables

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Pour construire une typologie des modèles comptables, nous partirons du postulat qu'ilexiste des facteurs environnementaux qui influencent le développement des systèmes comptables

NOTEBCOURIER20S.J. GRAY (1988) identifie deux types d'approche dans les recherches quiont été conduites dans ce sens: une approche déductive qui identifie des facteursenvironnementaux et qui analyse les pratiques comptables à travers le prisme de ce cadred'analyse (MUELLER, 1967; NOBES, 1983,1984), et une approche inductive qui part desdifférentes pratiques comptables puis propose de les expliquer par des variables économiques etsociales, politiques ou culturelles (FRANK, 1979; NAIR et FRANK, 1980).NOTEB.(Lacomptabilité n'est pas une science exacte; elle est sensible à l'environnement culturel, social,économique, politique qui l'entoure.)

NOBES et PARKER (1991) énumèrent quatre raisons qui justifient l'intérêt d'une analysecomparée des comptabilités internationales:

1. La première est purement historique.

2. La seconde est liée au développement des entreprises internationales qui, ayant desétablissements dans plusieurs pays, doivent connaître et concilier des pratiques comptables trèsdiverses.

3. La troisième est la volonté, assez récente, d'harmonisation dans le but d'améliorer lespratiques comptables en limitant l'étendue de leurs variations.

4. La quatrième, présentée comme la principale, est une raison "comparative". Il doit être

possible à un pays d'améliorer sa comptabilité par l'observation de la réaction d'autres pays ayantété, ou étant, confrontés à des problèmes similaires à ceux qui se posent dans ce pays.

Les 7 facteurs environnementaux

NOBES et PARKER retiennent 7 facteurs susceptibles d'expliquer les différencescomptables: le système juridique, les investisseurs, la fiscalité, la profession comptable,l'inflation, la théorie, et les accidents historiques.

1. Le système juridique: Il est possible d'opposer deux types de systèmes juridiques. Lepremier s'appuie sur la notion anglo-saxonne de "Common Law", qui tente de définir une réponse

à un cas spécifique plutôt que de formuler une règle générale applicable dans le futur. Dans un telcontexte juridique, la comptabilité n'a généralement pas une source légale ou réglementaire. Lesecond système s'est développé sur la base du code civil romain de Justinien au 6ème siècle,enrichi par les universités européennes. Ici, les règles sont liées à une notion de justice et demoralité; elles deviennent doctrine. La pratique de codification doit être rattachée à ce système.Dans un tel contexte juridique, la loi comptable, ou le code de commerce, doit établir trèsprécisément les règles concernant les états financiers.

2. Les investisseurs: On oppose deux types de paysages financiers. Le premier est dominépar les banques, le gouvernement, ou les familles. Dans un tel contexte, l'information publiée nenécessite pas la même clarté dans la mesure o— ces investisseurs/propriétaires ont un accès

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privilégié à un certain nombre d'information. A l'opposé, dans les pays o— les entreprises sontdétenues majoritairement par des actionnaires qui n'ont pas accès à l'information interne, unepression plus forte sera exercée pour la publication d'information "fidèle", et la présence d'audit.

Cette pression sera d'autant plus forte que de larges parts d'actions sont détenues par desinvestisseurs institutionnels mieux organisés.

3. La fiscalité: Dans un grand nombre de cas, il apparaît que le traitement fiscal d'unetransaction économique n'est pas identique à son traitement comptable. Le traitement fiscalencourage le respect de la règle dans le but de déterminer un impôt. Le traitement comptablefavorise, lui, la notion d'image fidèle dans le but de fournir une image de la réalité économique del'entreprise. On oppose généralement deux types de pays; ceux dans lesquels les règles fiscaless'appuient sur le traitement comptable, et ceux dans lesquels les deux traitements sont clairementséparés. En effet, dans le premier cas, si l'octroi d'un avantage fiscal est lié à un enregistrementcomptable, on comprend que les règles fiscales vont perturber la notion d'image fidèle. On parle

de "pollution fiscale".

4. La profession comptable: On peut remarquer que tous les pays ne possèdent pas uneprofession comptable aussi organisée, aussi importante, aussi ancienne. La taille, l'ancienneté,l'organisation d'une telle profession influencera nécessairement en faisant pression, lanormalisation comptable.

5. L'inflation: Les pays qui doivent faire face, ou ont dû faire face à une inflationspectaculaire ont adopté des règles adéquates d'ajustement des prix, alors que dans les pays àfaible inflation, la notion de coûts historiques est généralement dominante.

6. La théorie: Dans un petit nombre de pays, comme la Hollande, la théorie comptable afortement influencé la pratique.

7. Les accidents historiques: Certaines réformes comptables ont été la réponse directe à desévènements politiques ou économiques. C'est le cas de l'adoption par les États-Unis de normesréglementant sévèrement la publication d'états financiers après la crise de 1929. De même, l'Italiea adopté des principes comptables anglo-saxons sur décision gouvernementale. L'Espagne aadopté "artificiellement" un plan comptable dérivé du plan français. Le Royaume-Uni en 1981 aadopté des présentations de comptes inspirées de l'Allemagne du fait des directiveseuropéennes... On remarquera que dans ces raisons "accidents historiques", il semble qu'il n'y aitpas d'explication "rationnelle". Or NOBES et PARKER y rangent pèle mêle des évènements de

grande importance. C'est un peu la variable aléatoire de la formule. Nous développerons ce pointdans notre deuxième chapitre.

Une typologie des modèles occidentaux

Une classification a été proposée par NAIR et FRANK (1980). Celle-ci retient quatregroupes de pays: le modèle britannique étendu à l'ensemble des pays du Commonwealth, lemodèle américain (du nord), le modèle latino-américain, et le modèle européen continental. Laclassification de NOBES (1990), bien que limitée aux pays européens, ne semble pas encontradiction avec cette première typologie. Elle distingue en effet deux groupes distincts depratiques; celles orientées par une appréhension microéconomique des problèmes comptables, et

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dont la normalisation est avant tout le fait des professionnels, et celles orientées par une visionmacroéconomique et régies par un souci d'uniformisation des pratiques.

Measurement practices

____________________________________

Micro/professional Macro/uniform

__________ _______________________________________

Business Pragmatic Code Plan Law Gvteconomics ___________ economics

historicalcost flexible

Nether United Italy, France, Allemag., Denmark Swedenlands Kingdom, Luxemb., Belgium, Suisse

Irland Portugal Spain,Greece

COURIER20Schéma: Classification of some European countries (NOBES, 1990)

Les deux modèles concurrents

Dans la suite de notre étude, et par souci de simplification, nous parlerons essentiellementde deux modèles: le modèle "anglo-saxon" pour le modèle qui prédomine dans les paysd'influence anglaise (ensemble du Commonwealth, mais aussi États-Unis), et le modèle"continental" puisqu'il regroupe essentiellement des pays situés sur le continent européen. Nousallons chercher à caractériser ces deux modèles.

Nous n'évoquerons que les quatre premiers critères parmi les sept décrits plus haut, car ilsnous semblent être les plus pertinents dans le cadre de notre étude. En effet, les accidentshistoriques, par définition, ne peuvent pas être généralisés à un ensemble de pays, aussihomogènes soient ils. L'inflation est un phénomène qui n'a que rarement eu une ampleurspectaculaire dans les pays d'Europe, et d'Amérique du nord. Tous ces pays n'ont, pour cetteraison, pas développé de comptabilité spécifique. Enfin, les influences théoriques ne noussemblent pas suffisamment importantes pour être prises en compte à ce niveau de notre étude.

Le modèle anglo-saxon

A l'inverse des pays continentaux, les pays anglo-saxons ont développé une tradition

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 juridique basée sur les usages. Par conséquent, la comptabilité anglo-saxonne ne fait pas l'objetd’une normalisation particulièrement étendue. Elle préfère suivre les meilleures pratiques plutôtque de les créer, et accorde une grande place à la flexibilité, à l'interprétation des normes,

l'expérimentation... En particulier, il n'existe pas de plan des comptes. La vocation de ce modèleest de privilégier les informations microéconomiques.

Les pays anglosaxons ont une longue tradition de financement par le marché des capitaux.Les investisseurs sont donc généralement externes à l'entreprise. Les investisseurs institutionnelsnon bancaires, très présents, accordent une importance particulière au contrôle de l'élaboration etla publication des états financiers.

Dans ces pays, la règlementation comptable est généralement antérieure aux règlesfiscales. Il en découle une grande indépendance entre la détermination du résultat comptable et durésultat fiscal.

La profession comptable occupe une place particulièrement importante. Les six plusgrandes firmes internationales de comptabilité sont d'ailleurs essentiellement, à l'origine, dessociétés anglosaxonnesNOTEB COURIER20Arthur Andersen, États-Unis (EU); Coopers etLybrand, Royaume-Uni (RU), EU; Deloitte Ross Tohmatsu, RU, EU, Canada, Japon; Ernst etYoung, EU, RU; Klynfeld Peat Marwick Goederler, Hollande, RU, EU, Allemagne; PriceWaterhouse, RU, EU.(NOTEB. Les plus anciennes et les plus importantes organisationsprofessionnelles ont trouvé le jour dans ces paysNOTEB COURIER201880, Institute of Chartered Accountants in England and Wales, 91000 adhérents en 1990; 1887, AmericanInstitute of Certified Public Accountants, 293000 adhérents; 1902, Canadian Institute of Chartered Accountants, 47000 adhérents; 1932, Institut der Wirtschaftsprfer Allemagne, 6000

adhérents; 1942, Ordre des Experts Comptables et des Comptables Agréés, 11000 adhérents(NOTEB. Elles jouent un rôle moteur en ce qui concerne l'adoption et l'interprétation des normescomptables.

Enfin, la comptabilité anglo-saxonne débouche sur des calculs de résultats axés sur lesventes, avec des classifications de charges prioritairement par fonction (et non par nature). Cesouci d'associer à un produit son coût donne un relief particulier à la comptabilité analytique(calcul des coûts) et permet l'articulation avec la comptabilité générale (présentation du résultat).Jacques RICHARD (1992) présente le modèle anglo-saxon comme étant fondamentalementmoniste.

Le modèle continental

Ce modèle suit une tradition de droit écrit. Le champ de la normalisation est très étendu ettrès précis. Elle laisse peu de place à l'interprétation. Dans certains pays (notamment la France),cette normalisation très centralisée débouche sur la création d'un "plan" comptable (dont l'origineest d'ailleurs allemande), qui distingue la comptabilité générale (ou financière), de la comptabilitéanalytique (ou de gestion), plus confidentielle et peu normalisée. Ce modèle a indéniablementune vocation macroéconomique qui est de fournir des informations à la comptabilité nationale.Ce modèle possède l'avantage, dans le cas de groupes internationaux, de proposer un plan decomptes commun, et donc de faciliter les relations avec les sociétés du groupe.

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Un très grand nombre d'entreprises est dominé par les banques (notamment enAllemagne), l'État (notamment en France), ou encore par une tradition familiale. La nécessité depublier des informations à destination des marchés financiers était, jusqu'à la fin des années 80,

perçue de manière non prioritaire dans la mesure o— ces détenteurs de capitaux avaient accès àdes informations de façon privilégiée. C'est donc en vertu de la loi que les entreprises ontl'obligation de publier des états financiers détaillés et certifiés.

Les règles fiscales influencent très lourdement les pratiques comptables. Cela réduit lafidélité de l'image comptable à la réalité économique. L'importance est si grande qu'il existe enAllemagne une profession propre, parallèlement à l'expert-comptable, d'expert en fiscalité. Sicette influence se fait sentir, c'est en raison du principe qui veut qu'une opération ne soit prise encompte fiscalement que si elle a été passée en comptabilité. Le résultat fiscal est calculé à partirdu résultat comptable, et certains avantages fiscaux ne sont accordés que s'ils font l'objet d'unenregistrement comptable. On parle de pollution fiscale.

Le poids des organisations professionnelles est relativement faible et plus divisé. EnFrance comme en Allemagne coexistent deux corps professionnels, l'un privé, l'autre d'État. Cedernier contrôle l'organisation des professionnels autorisés à contrôler les étatsfinanciers dessociétés de capitaux. En pratique, l'appartenance simultanée aux deux corps est chose courante,mais les professionnels ont généralement plus un rôle de contrôleur que d'interprète desphénomènes économiques.

MODALITÉS D'ÉVOLUTION DU SYSTÈME SOVIÉTIQUE

Après avoir décrit les différents facteurs caractérisant le processus de normalisationcomptable, nous allons observer l'évolution des systèmes comptables des pays d'Europe de l'Est.Ceux-ci sont en effet contraints de s'adapter à de nouvelles exigences, propres aux mécanismesde l'économie de marché. Mais cela implique-t-il nécessairement que ces pays s'engagent dans unprocessus de réforme prédéterminé et universel?

Dans un premier temps, nous décrirons l'ancien système comptable développé dans lecadre de l'économie soviétique, en mettant en évidence la nécessité d'en changer. Puis nous

décrirons les différents modes d'évolution envisageables, en soulignant la difficulté du choix àréaliser entre, d'une part, les différents modèles occidentaux, et d'autre part, l'adaptation del'ancien modèle soviétique.

Description du modèle soviétique

Le terme "comptabilité soviétique" désignera le système comptable utilisé dans l'ensemble

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des pays d'Europe Centrale et de l'Est. Cette facilité de langage ne reflète que partiellement laréalité dans la mesure o— il existait une certaine diversité de systèmes comptables mis en placedans ces pays. Cependant, cet ensemble de systèmes répondait à des principes communs et faisait

preuve d'une très grande homogénéité.

Histoire

L'histoire de l'élaboration de la comptabilité soviétique remonte, en Russie, à la révolutionde 1917. Les entreprises sont alors nationalisées et leur gestion est centralisée. Tous leurs revenuset leurs dépenses sont intégrés dans le budget de l'État. En 1919 se met en place le "communismede guerre", et l'abolition de l'économie monétaire. Un essai d'élaboration d'une comptabilitéfondée sur l'utilisation d'unités de travail est définitivement abandonné en 1921. A cette époque,la mise en place d'une économie mixte (N.E.P.) marque le retour à la comptabilité en partie

double, et l'utilisation des techniques comptables des pays capitalistes.

Les fondements conceptuels de la comptabilité soviétique sont définis dans les directivesdu XVème congrès du parti communiste russe, en vue de l'élaboration du premier plan mis enplace en 1925. Le système comptable a deux fonctions principales: le contrôle de la réalisation duplan de production des entreprises industrielles, et l'abaissement du prix de revient des biens etservices. Toutes les autres tâches doivent être subordonnées à la solution de ces problèmes(RICHARD, 1980). La comptabilité soviétique ne subira alors plus de modification conceptuelleimportante avant 1985.

En 1929 se met en place la Direction centralisée de l'économie entière au moyen de plans

pour le développement économique. Une réforme de la comptabilité intervient en 1933 et aboutità des plans comptables sectoriels. En 1940 est réalisée une unification des plans comptables.D'autres réformes auront lieu en 1946, en 1957, puis en 1959. Les pays d'Europe de l'Est vonttous adopter des systèmes comptables déclinés sur le modèle russe dans la période d'après guerre.

La réforme de 1985, dernière réforme d'un plan comptable qui puisse être qualifié desoviétique, énonce le principe nouveau d'autonomie financière des entreprises. C'est seulement en1991 que le nouveau plan comptable constate l'abandon de l'économie planifiée et centralisée enfaveur des principes de l'économie de marché (MEYER 1992).

Après avoir dressé ce bref historique, nous allons tenter de mettre en évidence les

différentes caractéristiques de la normalisation soviétique.

L'État, principal utilisateur

L'économie soviétique est hyper centralisée; l'État cumule en effet les rôles depropriétaire, d'investisseur, de contrôleur et il est l'utilisateur privilégié de l'informationcomptable (au détriment notamment des dirigeants). La normalisation est exclusivementd'initiative publique, par l'intermédiaire du ministère des finances. L'objectif de cettenormalisation n'est pas tant de protéger les intérêts des différents acteurs, que d'orienter (et ce,dès 1925) l'information comptable vers un double objectif macroéconomique:

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1. Le contrôle de l'exécution du plan: pour cela, la comptabilité est fortement normalisée ets'applique à toutes les entreprises, quelque soit leur activité ou leur situation géographique.

2. Le calcul du coût de revient: nous préciserons cet aspect dans le paragraphe suivant.

Le processus de normalisation est, logiquement, un processus déductif dans la mesure o—la norme n'est pas le fruit de problèmes qui se posent aux praticiens, mais un produit conçu ausommet de la hiérarchie, en concordance avec la ligne de conduite adoptée par la logiquesoviétique.

Un système moniste

La comptabilité financière et la comptabilité de gestion n'étaient pas distinctes dans lesystème comptable soviétique. C'était un système moniste, et plus précisément, "triplement

moniste" (J. RICHARD, 1980). Les modes d'évaluationNOTEB COURIER20Monismematériel(NOTEB ne dépendaient pas des différentes utilisations puisque le principal utilisateurétait l'État, seul créancier et propriétaire de l'entreprise. Les documents de comptabilité analytiqueet générale étaient uniquesNOTEB COURIER20 Monisme formel(NOTEB. Enfin, le systèmecomptable était construit pour fournir des données indispensables à l'élaboration de statistiquesnationalesNOTEB COURIER20Monisme réglementaire( NOTEB.

L'importance accordée au calcul des coûts découlait en fait de l'absence de référence auxprix du marché. Le seul moyen de valoriser les transactions était de se baser sur les coûts derevient, auxquels on ajoutait un taux fixe de bénéfice. Le résultat n'était alors plus un indicateurmesurant l'efficacité des entreprises, que seul un contrôle des coûts permettait de révéler. La

comptabilité de gestion occupait alors naturellement une position centrale dans le systèmecomptable. A l'opposé, l'aspect patrimonial de l'entreprise, qui est mis en évidence par le bilan,était secondaire.

Les coûts étaient triés par atelier et par produit, et ce, pour permettre de représenter sansinterruption la circulation des biens dans les diverses phases du cycle d'exploitation (la phase deproduction étant le cœur des structures du plan comptable). Le système ne comportait pas de"compte de résultat" récapitulant l'ensemble des charges et produits par nature. Enfin, pour mieuxdécrire l'ensemble du processus de production, c'est la technique de l'inventaire permanent quiétait utilisée.

Ce système présentait le paradoxe suivant: bien qu'étant axé sur la comptabilité de gestion(soucis microéconomique), il était essentiellement un outil de drainage d'informations au niveaunational (macroéconomique). En réalité, les informations de gestion, trop normalisées ou tropimprécises, étaient peu utilisables au niveau de l'unité de production.

Une normalisation sous forme de plan

La normalisation comptable adoptait la forme d'un plan dont la structure différaitlargement de son homologue français. Les différents comptes suivaient une logique de "cycled'exploitation" qui comprend schématiquement six phases:

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phase investissement........ comptes 1 à 3, fonds fixes

phase approvisionnement..... comptes 4 à 17, stocks

phase production............ comptes 18 à 39, dépenses deproduction...

phase livraison............. comptes 40 à 49, produits finis,livrés, ventes...

phase règlements............ comptes 50 à 69, moyens monétaires,tiers...

phase financement........... comptes 80 à 99, utilisation dubénéfice, crédits bancaires...

La classification n'était pas décimale et ne correspondait pas non plus aux postes du bilan

pourtant constitués des soldes des comptes. La normalisation était de conception large puisqu'elleenglobait les processus d'élaboration des comptes et leur transcription dans les états financiers.En fait, le plan comptable soviétique n'était à proprement parler qu'une liste de comptes. Lesrègles d'inscription dans ces comptes étaient éparpillées dans un grand nombre de textes officiels,souvent remaniés.

On remarquera qu'à l'inverse des modèles occidentaux, la normalisation soviétiqueaccordait plus d'importance à la régularité des circuits de traitement et de saisie des comptes qu'àleur présentation, au risque peut-être d'en réduire la lisibilité. "Contrairement au plan français, [leplan russe] comporte nombre de numéros vides, ce qui autorise des adaptations importantes" (M.MEYER, 1990). En effet, puisque les comptes sont destinés à un unique utilisateur, l'État, il

importe peu d'en soigner et d'en harmoniser la présentation. Au contraire, la régularité du suivides procédures est primordiale.

La nécessité d'une évolution

Le système comptable soviétique était inadapté au contexte d'une économie de marché.Nous décrirons ses insuffisances en distinguant les lacunes techniques (prépondérance desinformations quantitatives, nouveaux instruments financiers), des lacunes conceptuelles(principes de l'IASC, nouveaux conflits d'intérêts).

L'hégémonie des informations quantitatives

D'après Jacques RICHARD (1980), le système comptable soviétique était adapté à uneplanification dirigiste orientée vers une croissance essentiellement quantitative:

1. Les prix (calculés) étant unifiés pour l'ensemble des entreprises, l'analyse comparative desétats comptables ne fournit qu'une information en termes de volume.

2. La prépondérance accordée à l'analyse des coûts permettait de suivre le déroulement de

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toutes les étapes de production.

Ce système était adapté à la politique d'industrialisation extensive menée jusque dans les

années 60 (qui a permis d'obtenir des taux de croissance élevés). A partir des années 70, cesdonnées changent : sous la pression de l'internationalisation de la concurrence, et de la demandede biens de consommation qui se fait de plus en plus exigeante, la croissance se tourne vers laqualité, et la productivité (croissance intensive). Si l'économie soviétique n'a manifestement passu faire face à cette évolution, il en est de même de son système comptable.

Un nouvel environnement financier

Dans l'économie soviétique, un certain nombre d'instruments financiers n'existait pas, etn'avait donc aucune traduction comptable. C'est par exemple le cas de la T.V.A., du crédit-bail,des emprunts à remboursement en annuités constantes (seule la pratique du capital constant avait

cours). D'ailleurs, les entreprises étant financées par l'État, leurs relations avec les banques étaientassez réduites. De façon plus générale, l'absence de marché financier n'encourageait pas latransparence comptable. Le cours artificiel de la monnaie et la rigidité des systèmes de prix quimasquaient l'inflation, rendaient les données comptables peu crédibles et non comparables dansle temps et l'espace. Mais de toutes les insuffisances, c'est l'absence d'un ensemble cohérentd'objectifs et de principes qui semble le plus préjudiciable à la comptabilité.

Des principes inadaptés

La vraie révolution dans les pays ex soviétiques, est celle des mentalités, et des conceptsde fonctionnement d'une économie. Du point de vue comptable, au-delà des techniques pures

d'enregistrement, la réforme est avant tout celle des principes qui sous-tendent les pratiquescomptables. Les comptables, appliquant consciencieusement des règles susceptibles d'êtremodifiées à tout moment, avaient un statut subalterne; leur fonction se limitait au contrôle duplan et non à l'élaboration d'informations permettant la prise de décision des entrepreneurs.

La comptabilité soviétique ne respectait pas les caractéristiques qualitativesinternationales des états financiers telles qu'elles sont définies par l'IASC (InternationalAccounting Standard Commitee, 1989). Ces caractéristiques sont au nombre de quatre, ets'accompagnent de deux hypothèses sous-jacentes: la continuité d'exploitation, la comptabilitéd'engagement, l'intelligibilité, la pertinence, la fiabilité, et la comparabilité.

1. L'hypothèse de continuité d'exploitation, qui sous-entend que l'entreprise poursuivra sesactivités dans un avenir prévisible, était d'autant plus largement respectée par la comptabilitésoviétique que la probabilité de faillite était nulle.

2. Le principe de la comptabilité d'engagement était inexistant dans le modèle soviétique. Ceprincipe établit qu'une transaction doit être prise en compte au moment o— elle se produit, pourdonner l'image la plus fidèle possible de l'entreprise, de ses engagements et de son patrimoine. Defaçon plus pragmatique, elle peut être prise en compte au moment o— elle devient juridiquementirrévocable (facturation), mais dans tous les cas, ce n'est pas une opération monétaire connexecomme le moment de son règlement qui compte. Or c'est cette dernière solution qui était retenuepar la comptabilité soviétique dans la double mesure o—, d'une part l'État était le garant des

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paiements, et d'autre part l'orientation macro économique de la comptabilité rendait négligeablela précision de l'image individuelle de chaque entreprise dès lors que l'image de leur somme étaitcorrecte. C'est une lacune qui devient très préoccupante dans le cadre d'une économie de marché,

et nous verrons (dans notre troisième chapitre) que c'est une des difficultés conceptuelles les plusimportantes dans l'évolution actuelle des pays de l'Est.

3. L'intelligibilité consiste à rendre l'information fournie par les états financiersimmédiatement compréhensible par ses utilisateurs. Dans une certaine mesure, la relativesouplesse dans la présentation des états financiers peut engendrer au regard du "lecteur français[...] un manque de précision, de flou dans l'organisation de la comptabilité dans un pays o— lacomptabilité est pourtant présentée comme l'une des bases servant à l'élaboration du plan del'économie nationale" (M. MEYER, 1990). En effet, les états financiers n'étaient pas destinés à unpublic large, et leur intelligibilité n'était pas une de leur qualité première.

4. La pertinence met en relation l'information comptable avec les besoins de prise dedécision des utilisateurs. De ce principe découlent la notion d'importance significativeNOTEBCOURIER20L'information est significative si son omission ou son inexactitude devait influencerla décision de son utilisateur.NOTEB,(la notion de délai d'établissement descomptesNOTEBCOURIER20Parfois, une information approximative en temps voulu estpréférable à une information exacte établie avec du retard.NOTEB,(et la notion d'équilibre entreavantage et coût de l'informationNOTEB COURIER20Une information exhaustive peutentrainer un coût tel qu'elle devient non pertinente.NOTEB.(La pertinence d'une information enéconomie planifiée est relative aux objectifs fixés par l'organisme planificateur, qui diffèrent deceux des décideurs en économie de marché. Ainsi, certaines informations (résultat, délai,transparence...) n'étaient pas des informations pertinentes face à l'importance accordée à la

détermination des coûts de revient.)

5. La fiabilité est la qualité d'une information qui représente fidèlement ce qu'elle est censéereprésenter. Elle est la condition de la confiance de son utilisateur. Il en découle quatre "sousprincipes": l'image fidèle, la neutralité ou objectivité, la prudence, et l'exhaustivité. Il apparaitclairement que dans une économie planifiée, l'information comptable n'est pas "censée"représenter la même chose que dans une économie de marché. Sur le marché, l'un des révélateursclefs de la bonne santé d'une entreprise est sa capacité bénéficiaire, et le système comptableadapté à une telle économie se doit de mesurer le plus fidèlement possible le résultat. Alors que,nous l'avons vu, la notion de résultat, si elle existait dans les pays soviétiques, n'était pas porteusede la même signification. De même, un grand nombre d'incertitudes économiques qui conduisent

les préparateurs d'états financiers à la prudence (recouvrabilité de créances douteuses, durée devie probable des immobilisations, apparition d'une technologie de substitution développée par unconcurrent, revendications salariales...) n'existaient pas dans le cadre d'une économie planifiée.Nous verrons d'ailleurs (dans notre troisième chapitre) que l'introduction de la notion deprovision pour risque pose un grave problème conceptuel aux comptables d'entreprise qui doiventmettre en application les réformes actuelles dans les pays de l'Est.

6. La "comparabilité" des états financiers doit permettre aux utilisateurs de mettre en relationles états financiers de plusieurs entreprises, ou d'une même entreprise à des périodes différentesdans le temps. Même si le système comptable soviétique permettait la "comparabilité" des étatsfinanciers des entreprises au sein du groupe des pays "frères", l'ouverture de ces pays aux

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marchés internationaux de marchandises et de capitaux, et la multiplication des possibilitésd'implantation d'entreprises étrangères sur leur territoire, rend nécessaire un alignement desnormes comptables sur des principes internationalement reconnus.

Les principes qui soustendent les pratiques comptables soviétiques apparaissent doncinadaptés pour informer de façon pertinente et fidèle les utilisateurs des états financiers dans lecadre d'une économie de marché.

Les nouveaux conflits d'intérêts

Nous avons déjà décrit dans notre premier chapitre la pluralité d'utilisateurs des étatsfinanciers dans le cadre d'une économie de marché. Chaque utilisateur n'attache pasnécessairement la même importance à toutes les informations qui peuvent lui être fournies, et lelibre jeu de la concurrence, qui met les entreprises en compétition, se traduit par des

comportements de rétention des informations considérées comme stratégiques.

Dans l'économie soviétique, l'État est le propriétaire absolu des moyens de production etle grand public est négligé; il doit se contenter des statistiques officielles publiées par lesorganismes étatiques. Les dirigeants des unités économiques ne sont pas libres de leurs décisions.Ils suivent, du moins dans leur politique à moyen et long terme, les directives du plan, et l'outilcomptable permet leur évaluation, non pas sur la mesure du résultat, mais sur le respect desditesdirectives. Les créanciers et débiteurs sont indirectement des représentants de l'État.

La comptabilité soviétique n'est donc pas le reflet des intérêts contradictoires desdifférents agents économiques, ou plutôt elle est le reflet de l'absence d'intérêts contradictoires

dans une économie o— l'État joue un rôle primordial. En s'ouvrant à l'économie de marché, enprivatisant des secteurs entiers de l'économie, en donnant leur autonomie aux banques, enlibéralisant la presse, les ex pays soviétiques permettent l'expression d'intérêts contradictoires jusque-là inexistants. Il paraît donc naturel que la comptabilité, canal d'information économiqueprivilégié sur l'état des entreprises, s'adapte à ces nouvelles conditions.

Enfin, la normalisation comptable, pour pouvoir être le fruit de la confrontation d'intérêtsdivergeant, doit permettre une expression officielle de ces différents intérêts. Cela expliquel'apparition inévitable d'organismes professionnels non gouvernementaux qui à terme joueront unrôle essentiel dans le processus de normalisation.

Les différents modes d'évolution

Puisque le système comptable soviétique est inadapté, il doit se transformer. Maiscomment? Plusieurs voies s'ouvrent aux autorités comptables. Dans un premier temps, noustenterons d'établir les caractères fondamentaux qui peuvent orienter cette réforme. Puis nousdécrirons plusieurs voies envisageables pour n'en retenir que deux: l'adaptation progressive del'ancien système, ou l'importation d'un modèle occidental.

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Caractères de l'évolution

La comptabilité occupe une place particulière dans l'économie d'un pays; en tant que

véhicule d'information, elle est un préalable indispensable à toute prise de décision. Il est doncessentiel que les réformes économiques soient accompagnées, voire précédées, d'une réformecomptable, permettant de fournir aux nouveaux partenaires (banques, actionnaires, investisseursétrangers) des informations sur l'état des entreprises. Ce constat entraine cependant deuxproblèmes:

1. Un problème de faisabilité (coûts/délais): un des facteurs clefs de succès d'une réformecomptable est sa capacité à être mise en place rapidement. Or, une réforme rapide sera pluscoûteuse et plus risquée car elle entraîne des bouleversements, alors même que ces pays ont dumal à résoudre des problèmes matériels de base. On peut ainsi citer des bouleversementséconomiques: transformation des circuits d'information entraînant une éventuelle perte de

confiance vis à vis des états financiers et une difficulté de contrôler les unités de production,recyclage des agents comptables... On peut encore citer des bouleversements sociaux etpolitiques: transformation des relations de pouvoir au sein de l'entreprise, changement de naturede ceux qui détiennent les connaissances... "Le passage d'une comptabilité soviétique à unecomptabilité de marché implique une réflexion importante sur la structure, la politique, lastratégie de l'entreprise. Il faut de nombreuses années avant que les entreprises arriventvéritablement à définir pour elles même des normes internes de gestion pleinement satisfaisantes"(C. PEROCHON, fev.1992).

2. Un problème d'identité du normalisateur: dans les pays occidentaux, la professioncomptable joue un rôle essentiel en faisant part de son expérience face aux problèmes

NOTEBCOURIER20C'est le processus inductif de normalisation (B. COLASSE,1992).NOTEB.(Dans les pays de l'Est, il n'existait pas de profession comptable organisée. Laréforme doit donc nécessairement être l'initiative du ministère desfinancesNOTEBCOURIER20La réforme doit suivre un processus déductif.NOTEB.(A termeseulement, la création d'organes représentatifs des différents acteurs permettra de jouer un rôledans l'interprétation, l'application, et l'évolution des normes.)

L'enjeu de l'orientation des réformes comptables des pays de l'Est se situe donc dans uneconfrontation entre l'exigence de rapidité et la contrainte du coût. Elle conduit à un choix entre larupture brutale, ou la transition gradualiste. Cette dernière alternative, visant à adapterprogressivement l'ancien système, sera plus lente car elle nécessite un temps de réflexion qui

permette à des théoriciens et des praticiens de faire part de leurs recherches et de leursexpériences. C'est dans cette problématique que s'inscrit la proposition de Jacques RICHARD(février 1992): "Plutôt que de vouloir s'opposer au monde anglo-saxon avec un produit d'unevaleur discutable et peu en phase avec la pratique actuelle des pays de l'Est, il aurait mieux valuadopter une stratégie qui, en s'appuyant sur les travaux réalisés en France par J.C. Dormagen,vise à développer un système de comptabilité intégrée."

Dans une première sous-partie, nous évoquerons rapidement deux voies utopiques: lacréation ex nihilo d'un système comptable original, et la résurgence des pratiques nationalesd'avant guerre. Nous nous attacherons ensuite à décrire les deux options qui répondent à laproblématique décrite précédemment. La première vise à adapter le système soviétique existant

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aux impératifs du marché. La seconde consiste à importer un système comptable "clefs en main".

Deux perspectives utopiques

La conception d'un nouveau système comptable

N. FELEAGA (1992) fait part des résultats d'un questionnaire distribué auprès de 35professeurs universitaires roumains sur le choix de l'orientation du système comptable qu'ilsauraient souhaité. Le questionnaire prévoyait:l'amélioration du système existantla création d'un système propre, roumainla conception d'un système inspiré des pratiques occidentales

A cette question, 60% des enseignants ont opté pour la seconde option, à savoir la création

d'un système comptable propre à la Roumanie, adapté à l'économie de marché. Ce questionnairen'a, à notre connaissance, pas été reproduit dans les autres pays de l'Est et ses résultats ne peuventêtre généralisés. Il laisse cependant penser qu'il existait de façon plus ou moins diffuse certainesvelléités de concevoir un produit national, indépendant de toute influence étrangère (qu'elle soitoccidentale ou russe).

Cependant, cette solution se heurte au problème essentiel du délai de la réforme. Nousavons déjà dit que l'un des facteurs clefs de succès d'une telle réforme est sa rapidité à pouvoirêtre mise en place. Concevoir un système ex nihilo est un long processus, s'étalant sur plusieursannées de réflexion, et d'expérimentation. La nécessité d'un temps (long) de transition nes'accorde pas avec les impératifs de la vie économique. Cette option nous paraît dès lors

utopique, et relève d'un plus ou moins vague sentiment de fierté nationale. N. FELEAGA (1992)rejette d'ailleurs cette hypothèse. Il explique que beaucoup de réponses, lors de sonenquêteNOTEB COURIER20Les résultats de cette enquête ont fait l'objet d'un mémoire majeurde DEA, N. FELEAGA, Université Paris IX Dauphine, 1992( NOTEB, étaient fortementcontradictoires et prouvent le manque de préparation des universitaires à ce type de problème. Ilexplique par ailleurs qu'aujourd'hui, ces derniers ont davantage compris l'ampleur des difficultéssoulevées par la réforme.

La reprise d'un système d'avant guerre

Cette solution n'a visiblement jamais été retenue, alors qu'il est souvent fait allusion aux

expériences comptables d'avant guerre. "La Roumanie possède une riche tradition dans cedomaine" (M. TOMA, 1993). "L'histoire nous apprend qu'entre les deux guerres mondiales dansnotre pays a fonctionné un fort corps des experts comptables, peut-être l'un des plus fortd'Europe" (N. FELEAGA, 1993). Deux raisons permettent d'expliquer l'impossibilité d'une tellesolution:

1. Il est loin d'être évident que l'écart entre le contexte économique des années 30 et celuides années 90 soit moins grand que celui qui sépare le système économique soviétique planifié dusystème occidental libéral actuel.

2. Il n'est pas prévu, dans le cadre de la formation des comptables, un enseignement

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approfondi (ou ne serait ce que superficiel) de l'histoire des pratiques comptables. Les pratiquesnationales des années 30 sont aussi étrangères, sinon plus, au comptable d'entreprise, que lespratiques d'un pays voisin.

Il en découle que les pratiques comptables de l'entre-deux-guerres ne semblent guère plusadaptées aux exigences économiques modernes que les pratiques soviétiques.

L'adaptation du système soviétique aux exigences du marché

La condition préalable à l'adaptation de l'ancien système est une réflexion théoriqueapprofondie sur le fonctionnement des entreprises, et la place du système d'informationscomptables. Le choix d'une réforme gradualiste est nécessairement un processus de longuehaleine. Or, comme nous l'avons déjà évoqué, cette contrainte de temps s'accorde mal avec lesimpératifs économiques. Par conséquent, cette voie paraît à priori peu envisageable.

Cependant, il nous semble qu'un tel choix peut être retenu dans de bonnes conditions si leprocessus de réflexion théorique a été engagé très tôt, c'est à dire avant le tournant de l'année1989. Dans le cas contraire, il y a de fortes chances que le processus de réforme comptable trouveimmédiatement des sources d'inspiration pertinentes en se tournant vers les modèles occidentaux.

L'existence d'une tradition d'analyse critique sur le système en place n'était, à priori, pasde mise dans des pays o— la conformité avec l'ordre établi était de règle. Il semble cependant quetous les pays n'aient pas eu cette même attitude résignée. La réforme russe de 1985 prouve qu'ilexistait dans ce pays une réelle volonté d'améliorer les normes comptables, en proclamantnotamment pour la première fois la pleine autonomie financière des entreprisesNOTEB

COURIER20Et en faisant apparaître, ou un bénéfice, ou un revenu d'autonomie financière (M.MEYER, 1992).(NOTEB. Cette notion d'autonomie avait d'ailleurs été adoptée sous d'autresformes beaucoup plus tôt en RDA. La comptabilité y était plus orientée vers la prise de décisionen permettant un traitement de l'information plus rapide et mieux adapté à la diversité desentreprises (J. RICHARD, 1980). De même, dès 1956, la Pologne possédait une "Association desComptables Polonais" bénéficiant d'une marge de manœuvre relativeNOTEB COURIER20Grƒcenotamment à la sous-estimation, voire au mépris, de la part de l'autorité politique.(NOTEB, casunique dans l'Europe socialiste (J. SABLIK, 1992).

Autrement dit, nous faisons la proposition suivante: L'option en faveur d'un gradualismedans les réformes comptables a d'autant plus de chances d'être retenue et d'aboutir avec succès

qu'il existe une tradition de remise en cause du système comptable établi, par l'intermédiairenotamment d'organismes professionnels, de chercheurs, ou d'universitaires.

L'importation d'un modèle occidental

L'ouverture des pays de l'Est à l'économie de marché marque la fin de la rivalité entredeux systèmes économiques antagonistes. Cette "défaite" se traduit, dans les pays de l'Est, par uncertain sentiment de rejet de l'héritage du communisme, et une idéalisation parfois excessive desmécanismes capitalistes développés dans les pays occidentaux. Cette situation favoriseactuellement une exportation des modèles comptables occidentaux

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Alors que l'ouverture des pays de l'Est sur l'économie de marché devenait irréversible, lesautorités comptables de ces pays ont puisé dans les différents modèles comptables occidentauxdes sources d'inspiration et de compréhension sur le rôle et la nature des futurs systèmes

d'information comptable qu'il convenait d'adopter. Face à la pluralité des modèles occidentaux(présentée dans le premier chapitre), il se pose un difficile problème de choix.

Une analyse comparée des modèles comptables

L'analyse comparée des modèles comptables telle qu'elle est proposée par C. NOBES etR. PARKERNOTEBCOURIER20et telle que nous l'avons présentée dans notre premierchapitre...NOTEB(doit permettre d'identifier le type d'évolution appropriée aux différents pays del'Est. Elle consiste en effet, à partir d'une description de l'environnement économique des pays del'Est, à constater son éventuelle proximité avec l'un des modèles occidentaux. Celui-ci serait alors

le plus approprié pour inspirer les réformes.)

Il est intéressant de remarquer qu'à notre connaissance, aucune étude n'a été menée dansce sens. NOBES et PARKER (1991) justifient le choix d'un champs d'étude limité aux "paysindustrialisés non communistes" par le fait que leur principal souci est d'analyser lesmultinationales et leur pays d'origine dans la mesure o— ces pays ont un certain degréd'uniformitéNOTEB COURIER20Les deux auteurs soulignent les caractères suivants: niveauéquivalent de développement, caractère démocratique de leurs institutions politiques, existencede sociétés cotées en bourse, et existence d'une profession comptable qualifiée etorganisée.(NOTEB. Si l'exclusion des pays d'Europe de l'Est pouvait se justifier jusqu'à la fin desannées 80, nous pensons qu'à l'heure actuelle, c'est une lacune qui ne se justifie plus et qui mérite

d'être comblée. L'analyse que nous présenterons sur ce sujet dans les prochains paragraphesmériterait un travail futur d'approfondissement.

Le choix entre "modèle continental" et modèle "Anglo-Saxon"

Parmi les différents modèles occidentaux décris dans notre premier chapitre, nous avionsmis l'accent essentiellement sur les deux modèles anglo-saxon et continental. Nous pouvonsdésormais tenter de comparer le modèle comptable soviétique à ces deux modèles, et chercher àidentifier celui dont il se rapproche le plus. Notre description présentera successivement lespoints suivants: la tradition juridique, l'étendue de la normalisation, le rôle de l'État, le rôle de laprofession, l'inflation, et les "accidents historiquesNOTEBCOURIER20NOBES et PARKER,

1991.NOTEB".

1. La tradition juridique: Comme les pays occidentaux "continentaux", les pays de l'Est onttous une tradition de droit écrit. Pendant près de quarante ans pour les pays d'Europe centrale, etsoixante dix ans pour la Russie, l'administration hypercentralisée édictait des règles très précises,et notamment comptables. Au-delà même de ce passé récent, les pays d'Europe de l'Est ont unetradition de droit écrit, issue du droit romain depuis le haut moyen-âgeNOTEB COURIER20Plusprécisément, on remarque une forte influence du droit allemand en Tchécoslovaquie, en Hongrie,en Bulgarie, du droit français en Pologne et en Roumanie, et de façon plus diffuse, du droit italiendans grand nombre des pays d'Europe de sud.NOTEB.( Nous pouvons donc conclure que sur cepoint, le modèle soviétique se rapproche beaucoup plus du modèle continental que du modèle

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anglo-saxon. )

2. L'étendue de la normalisation: La normalisation comptable soviétique était très étendue.

Elle s'appliquait à toutes les entreprises quelque soit leur secteur d'activité, concernait aussi bienla présentation que l'élaboration des états financiers, et englobait la comptabilité financière et lacomptabilité de gestion. Les deux premières de ces trois affirmations présentent des similitudesformelles avec le modèle français (similitudes qui se concrétisent d'ailleurs par l'utilisation d'unplan général des comptes). En revanche, la troisième affirmation (monisme comptable) l'en écarteNOTEBCOURIER20Rappelons cependant qu'en 1942 le premier plan comptable françaisnormalisait la comptabilité de gestion et que l'abandon du monisme comptable est davantage, àl'origine, une mesure pragmatique, voire politique, que le reflet d'une conception dualiste de lacomptabilité. Par la suite, des efforts visant à normaliser la comptabilité de gestion serontdéployés, sans parvenir à leur fin. NOTEB(et la rapproche du modèle anglo-saxon. Ce doubleaspect est la source d'une polémique entre les auteurs qui n'accordent pas tous la même

importance à ces différents aspects.)

3. Le rôle de l'État: L'orientation macroéconomique de la normalisation soviétique larapproche inévitablement du modèle continental. Encore aujourd'hui, malgré l'ouverture ducapital d'un grand nombre d'entreprises au public, il est indéniable que l'État reste le principalinvestisseur, et par là même, le principal utilisateur de l'information comptable. De plus, le capitaldes sociétés récemment privatisées est rarement dispersé au gré du marché; un certain nombred'institutions, fréquemment des banques, obtiennent le contrôle de ces sociétés. Autrement dit, lepaysage financier, même ouvert au marché, est loin de ressembler au modèle anglo-saxon. Ilprésente en revanche beaucoup de similitudes avec le modèle continental dans lequel la part dusecteur public est souvent importante.

Par ailleurs, dans les pays occidentaux, et notamment d'Europe continentale, l'influence del'État se fait indirectement par le biais de la fiscalité. Dans les pays d'Europe de l'Est la fiscalitén'avait aucune incidence fiscaleNOTEB COURIER20C'était un "mécanisme rigide, simpliste,non motivant" (N. FELEAGA, 1992).NOTEB(puisque l'État avait le pouvoir (et le devoir) d'agirdirectement et ouvertement sur les entreprises. Avec l'ouverture de ces pays à l'économie demarché, la comptabilité devient un outil indépendant de la fiscalité, et on peut se demander si lesmodèles continentaux, sur ce sujet, sont des modèles recommandables. Cependant, pour N.FELEAGA, la pollution fiscale est un moindre mal si elle permet d'augmenter la régularité d'unnouveau système auquel les comptables ne sont pas encore habitués et d'orienter, par le jeu desincitations fiscales, les choix économiques.)

4. Le rôle de la profession: La profession comptable dans les pays de l'Est n'a aucuneexpérience pour affronter les problèmes spécifiques à une économie de marché. Cela réduitpresque à néant sa capacité à interpréter les normes comptables, et éloigne ces pays du modèleanglo-saxon.

5. L'inflation: Très forte au lendemain de l'effondrement du bloc de l'est, elle rendnécessaire, dans certains pays, sa prise en compte par des techniques comptables appropriées. Lemodèle latino-américain peut, sur ce sujet, être une source d'inspiration judicieuse.

6. Les accidents historiques: Nous avons déjà montré, dans notre premier chapitre, que

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NOBES et PARKER font figurer dans cette rubrique "accidentelle" des évènements politiques ethistoriques de grandes conséquences. Dans une telle approche, l'évènement "ouverture des paysde l'Est sur l'économie de marché" pourrait être considérée comme un "simple accident" dont les

répercussions comptables sont imprévisibles. Notre proposition de recherche sur les raisons deschoix comptables des pays de l'Est s'oppose donc à cette vision, et nous conduit à constaterl'insuffisance d'une analyse en termes de comptabilité comparée pour traiter ce problème.

Conclusion du second chapitre

Notre étude nous conduit à penser qu'il existe plusieurs perspectives d'évolution (réformeprogressive de l'ancien système, importation d'un modèle occidental, continental ou anglo-saxon)et qu'aucune d'entre elles n'est, à priori, à rejeter. En choisissant leur modèle d'évolution, lescomptables des pays d'Europe de l'Est choisiront en fait de privilégier l'un des deux aspects quiexistaient déjà dans le système antérieur: l'aspect macroéconomique en optant pour un plan

comptable fortement normalisé et influencé par des règles fiscales, ou l'aspect microéconomiqueen développant les techniques de comptabilité de gestion, et en ne formalisant que les documentsde synthèse.

L'hypothèse selon laquelle une étude comparée des systèmes comptables permet deprévoir l'évolution des réformes dans les pays de l'Est se trouve réfutée. La diversité desévolutions que nous allons décrire dans le chapitre suivant confirme cette conclusion. Nousserons donc amenés à proposer un cadre explicatif plus étendu, qui tiendra compte des donnéessocioculturelles.

REFORMES EN COURS DANS LES DIFFÉRENTS PAYS

Dans ce chapitre, nous présenterons l'état des réformes menées jusqu'à aujourd'hui dansles différents pays d'Europe de l'Est en matière de normalisation comptable. Nous décrirons enpremier les réformes des pays les plus influencés par le modèle continental (Roumanie...), pourfinir par les pays les plus influencés par le modèle anglo-saxon (...Pologne, Russie). Nouschercherons à éclairer les choix effectués à la lumière des enjeux décris plus haut: choix pour unetransition brutale ou pour une transition progressive, place de la comptabilité de gestion

(monisme ou dualisme), identité du normalisateur, influence des modèles continental et anglo-saxon, survivance de spécificités issues de l'ancien modèle soviétique. Nous tenterons enfind'identifier les principales difficultés rencontrées lors de l'application de ces réformes.

Même si ce tableau descriptif est incomplet du fait de l'étendue du champ de l'étude, et deson actualité toujours brûlante, nous constatons tout de même que les choix effectués par lesdifférents pays révèlent une grande diversité. Ces différences paraissent d'autant plus étonnantesque le contexte juridique, économique, politique, et social de ces pays pouvait sembler trèshomogène à l'époque du communisme.

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La Roumanie

La réforme comptable roumaine a été lente. Une loi comptable a été votée au mois dedécembre 1991. Elle fut suivie d'un règlement d'application et d'un plan général des comptes. Sonentrée en vigueur s'est déroulée en deux temps. A partir de janvier 1993, le nouveau plan a étémis en œuvre dans 70 des plus grandes entreprises. Il n'a été étendu à l'ensemble du pays qu'au1er janvier 1994. Le plan comptable roumain est "calqué sur le plan comptable français" (J.RICHARD, 1994). L'influence française s'explique par trois séries de raisons:

1. Tout d'abord, les responsables roumains justifient leur choix par un ensemble d'argumentstechniques (FELEAGA, 1992; OPREA, 1994) qui tendent à prouver que l'économie roumaine aplus de similitudes avec la France qu'avec d'autres pays; son système comptable est donc celuiqui lui convient le mieux. Parmi ces arguments, citons:

a. Après 45 ans de centralisation économique totale, la Roumanie ne pouvait utiliser qu'unsystème comptable rigide. Dans un tel contexte, un plan comptable facilite la formation despraticiens. Un système basé sur la coutume (modèle anglais) eut été difficile à adapter et àutiliser.

b. La séparation de la comptabilité à vocation externe (financière) et de celle à vocationinterne (de gestion) permet le respect des règles et des limites de la transparence.

c. Le modèle français permet d'agréger les informations comptables au niveau national. Celafacilite un pilotage et une orientation du développement du pays d'autant plus nécessaire que la

Roumanie traverse une période de crise. De même, l'influence de la fiscalité, caractéristique dusystème comptable français, est davantage vue comme un garant de la régularité que comme unepollution nuisant à la sincérité des comptes.

d. Le modèle français est adapté à la prédominance des petites et moyennes entreprises ainsiqu'au caractère agroindustriel de l'économie roumaine, semblable en cela à l'économie française.Il est également adapté à l'importance du poids du secteur public dans l'économie.

De tels arguments nous semblent cependant insuffisants pour justifier ce choix. Nousreviendrons sur ce point dans le quatrième chapitre.

2. Par ailleurs, les organismes professionnels français, encouragés par le ministère desfinances, ont entrepris des démarches volontaires vers les autorités roumaines, proposant leursservices, leur expérience, et des financements de formationNOTEB COURIER20De tellesdémarches ont été effectuées auprès de l'ensemble des pays de l'Est. Elles ont soulevé, enRoumanie, un écho particulièrement grand.( NOTEB. Ainsi, le conseil supérieur de l'ordre desexperts comptables et le conseil national des commissaires aux comptes, associés à l'institut desexperts comptables belges, se sont vus attribué la mission de mettre en place, à titre de test, leplan comptable roumain des 50 plus grandes entreprises, et de former leurs cadres, ainsi que lesmembres d'un collège consultatif de la comptabilité.

3. Enfin, l'attrait de la culture française a toujours été important en Roumanie. Déjà au

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XIXème siècle, la Roumanie adoptait le code civil français. Si les arguments culturels sonttoujours relégués au second rang par les responsables roumains, leur rôle est sans doute plusimportant qu'il n'y paraît. En effet, aucun autre pays d'Europe de l'est n'a "importé" le modèle

français, ce qui nous permet de rejeter une l'explication qui consiste à dire que le choix réalisé parles roumains est "objectivement" et techniquement le seul et le meilleur. Nous reviendrons sur cetaspect dans notre quatrième chapitre.

Si la réforme roumaine a été lente, elle a en revanche été brutale dans la mesure o—l'option "d'importer" un système comptable nouveau "clefs en mains" a été préférée à celled'adapter l'ancien système. La transition ne semble pas, d'après Calin OPREA CALINNOTEBCOURIER20Prorecteur de l'AES, Académie des Sciences Économiques de la ville deBucarest.(NOTEB, poser de problème majeur. La phase expérimentale de 1993 a permis deperfectionner le système en tenant compte des observations faites par ceux qui l'ont appliquédurant cette période. De janvier à mars 1994, le nouveau plan a été tenu en parallèle avec

l'ancien. Des stages de formation sanctionnés par un diplôme ont accompagné les six premiersmois de la réforme (jusqu'en juillet 1994). Pour C. OPREA, les comptables semblent avoiraccepté la réforme sans opposition. Un tel optimisme nous semble étonnamment suspect. Il estdifficile de croire que six mois auront suffit à tous les comptables du pays pour appréhender lesnouveaux concepts comptables. Pour J. RICHARD (1994), l'empressement d'une telle réformerisque au contraire de perturber un peu plus des structures industrielles et commerciales déjà trèsfragiles.

La réforme abandonne le monisme comptable pour adopter le système comptable dualistepropre à la France, mais l'influence de l'ancien système soviétique se fait cependant sentir. Eneffet, alors que dans le projet initial il n'était pas prévu que la comptabilité analytique soit une

obligation, une réunion du collège consultatif de la comptabilitéNOTEB COURIER20Le collègeconsultatif de la comptabilité surveille l'application du nouveau système comptable.NOTEB,(enprésence de représentants du ministère des finances, a pris la décision, en août 1993, de maintenirobligatoire la tenue d'une comptabilité de gestion. La méthode appliquée reste du libre arbitre del'entreprise.)

Enfin, la profession comptable s'organise. L'année 1921 avait vu la création d'un "corpsdes experts comptables et des comptables autorisés" dont l'activité avait été quasiment suppriméeen 1951. En juillet 1992, ce corps a été reconstitué. C'est un organisme professionnel, nongouvernemental, dont la fonction encore mal définie semble cependant proche de celle de "l'ordredes experts comptables et des comptables agréés" français. Il n'est d'ailleurs peut-être pas

innocent de remarquer que la ressemblance entre les deux corps commence par leurs nomsrespectifs, et s'étend même à leur devise: "Science, Indépendance, Conscience" contre "Science,Indépendance, Moralité".

La Bulgarie

La réforme comptable en Bulgarie s'articule autour de la publication de trois texteslégislatifs:

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une loi comptable votée en janvier 1991 et entrée en vigueur le 1er avril 1991un plan comptable voté en février 1991 et entré en vigueur le 1er avril 1991des normes comptables votées en décembre 1992 et entrées en vigueur le 1er janvier 1993. Ce

dernier texte prévoyait initialement 18 standards. Ils sont au nombre de 24 en août 1994.

Au niveau des normes comptables, la Bulgarie s'inspire nettement des normesinternationales de l'IASCNOTEB COURIER20International Accounting Standards Commitee(NOTEB. Or la démarche de l'IASCNOTEB COURIER20Cette démarche consiste généralementà répertorier un éventail de méthodes ou de principes possibles, puis à émettre une préférencepour les plus couramment utilisés.NOTEB(est en pratique très influencée par lesrecommandations de l'organisme normalisateur américain, le FASBNOTEBCOURIER20Financial Accounting Standards Board(NOTEB. Cette source d'inspiration peutdonc indirectement être identifiée comme une source d'inspiration anglo-saxonne.

Au niveau du fonctionnement des comptes, la Bulgarie s'inspire du modèle français. Leplan français est adopté mais en ne retenant qu'un maximum de trois chiffres (ce qui autorise unegrande souplesse dans leur utilisation). L'influence française sur la pratique comptable bulgare estégalement ressentie dans le traitement de la TVA. Cette nouveauté fiscale, introduite en avril1994, pose un certain nombre de problèmes d'interprétation des textes qui sont d'une portée trèsgénérale. Or il n'y a pas de pratique sur laquelle s'appuyer, et la doctrine en ce domaine est encorelimitée. C'est pourquoi les comptables ont fréquemment recours à l'expérience française pourinterpréter les textes.

Cette double orientation traduit la double influence subie par la Bulgarie de la part desprofessions et des autorités comptables de la France et de la Grande-Bretagne. Elle met

également en relief une différence de politique de la part de ces deux pays; si la France a cherchéà exporter son plan comptable, la GrandeBretagne semble s'être davantage attachée à exporter desprincipes généraux. D'après Gilbert GELARD (1993), il découle de cette double influence uncertain nombre de difficultés techniques au niveau de la compatibilité entre la loi (le plancomptable) et les normes.

A ces deux sources d'influence s'en ajoute une troisième, celle du modèle soviétique dontle système actuel est issu. Cela se traduit essentiellement par le maintien d'une forte imbricationentre comptabilité financière et comptabilité de gestion. Le modèle dualiste français n'a pas sur cepoint été retenu. Pour E. KOENIG (1994), cette imbrication ne doit pas être envisagée commeune contrainte, une survivance de la lourdeur administrative de l'ancien système planifié. Il y a eu

un réel effort de simplification et d'efficacité qui, dans une certaine mesure, rapproche lacomptabilité bulgare de la comptabilité anglo-saxonne. L'influence de l'ancien système se faitégalement ressentir au niveau de la responsabilité comptable. Le rôle du chef comptable resteprépondérant puisqu'il doit signer les états financiers, ainsi que toute dépense. Cetteresponsabilité s'accompagne d'un volet répressif conséquent. Une telle organisation est le propred'une comptabilité publique et semble inadaptée aux nouvelles données économiques.

Enfin, un scandale financier, qui a éclaté début 1994 à l'occasion du rachat d'une brasseriebulgare par une entreprise allemande, nous permet d'illustrer la principale difficulté rencontréelors de la mise en place des nouveaux systèmes comptables dans les pays de l'Est:

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La brasserie avait été surévaluée car ses comptes sous-estimaient la valeur de sonendettement L'affaire s'est soldée par l'annulation judiciaire de la transaction. En effet, avant1989, toutes les entreprises étaient regroupées au sein d'une organisation centrale qui gérait un

secteur de production. Les entreprises n'avaient pas d'autonomie juridique, elles étaient descentres de production, des centres de coût. Lorsque l'organisme central s'endettait, il le faisait aunom de l'ensemble du secteur. Aujourd'hui, les entreprises, et notamment les brasseries, sontindépendantes, et l'organisme central a disparu. Les banques se retournent vers les centres deproduction pour se faire rembourser, alors même que ceux-ci n'ont pas enregistré comptablementcette charge pourtant prévisible. Cette histoire révèle que le principal problème des réformes estlié à la rigidité du personnel comptable confronté à de nouveaux concepts (comme celui de lacomptabilité d'engagement ou des provisions pour risques et chargesNOTEB COURIER20 Autreexemple: en cas de procès, les comptables attendent le jugement, voire la mise en demeure depayer, pour enregistrer la charge!(NOTEB), plus qu'à des considérations purement techniques ouméthodologiques.

La Hongrie

Le 1er janvier 1992 est entrée en vigueur une nouvelle loi de 94 articles précédée d'unexposé des motifs qui l'ont inspirée. Les principes adoptés (continuité d'exploitation,l'indépendance des exercices, l'image fidèle et sincère) répondent aux normes internationales, etnotamment aux directives européennes. La loi soumet toutes les entreprises aux obligationscomptables, mais accorde un délai à certaines d'entre elles. Les entreprises soumises à lapublication de leurs comptes ont l'obligation d'avoir un commissaire aux comptes. Une

"commission nationale de la comptabilité" composée d'experts nommés par le ministre desfinances a pour but le développement et le perfectionnement de la comptabilité. Enfin, lesconditions d'accès à la profession sont réglementées.

La réforme hongroise traduit une pluralité d'influences; si la présentation du bilan s'estbeaucoup inspirée de l'exemple français, le calcul du résultat peut prendre deux formes. Lapremière correspond au compte de résultat français (classement des charges et des produits parnature). La seconde présentation se rapproche plus d'un compte de résultat par destination et estplus adaptée aux besoins des grandes entreprises (P. FERENCZI, 1992). Elle est un héritage de lacomptabilité moniste soviétique et se rapproche du modèle anglo-saxon.

La république Tchèque

Avant la seconde guerre mondiale, la Tchécoslovaquie, pays de libre entreprise etd'économie de marché, occupait une des toutes premières places parmi les plus riches paysd'Europe. Son système juridique, hérité à la fois du droit romain, des codes napoléoniens, et dudroit autrichien, comprenait un code de commerce, aboli en 1950 et remplacé par le codeéconomique "soviétique". La nouvelle loi comptable, votée le 12 décembre 1991, fixe lesobjectifs généraux de la comptabilité des entreprises et s'applique à l'ensemble des entreprisesdepuis 1992.

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Cette loi définit les principes généraux du système comptable; toute comptabilité doit êtretenue de façon exhaustive, probante, respecter les principes de permanence des méthodes,

d'image fidèle, de non compensation des dettes et des créances, du coût historique, de prudence,et de la comptabilité d'engagement. Elle décrit également la présentation des documentscomptables: journaux, grand livre, et comptes annuels (bilan, compte de pertes et profits,annexe). Elle prévoit leur certification par un auditeur et l'obligation de consolider les comptesdes sociétés détenues à plus de 20%. Si elle entre peu dans les détails de tenue des comptes, c'estpour deux raisons éminemment politiques:

1. Elle devait, sous l'impulsion du premier ministre M. KLAUS, accompagner rapidementune réforme économique très brutale.

2. Elle devait se contenter de dresser un cadre général au sein duquel les deux états, tchèque

et slovaque, pourraient ultérieurement affirmer leurs spécificités.

La loi ne permet donc pas de présupposer un modèle de comptabilité anglo-saxon oucontinental. D'après B. ARGAUDSIRIGUENOTEBCOURIER20Propos recueillis lors du débatorganisé par la Revue Française de Comptabilité, RFC nø233, février 1992.NOTEB,(lesTchèques expriment clairement une ambition de constituer un système propre, et n'ont pas enviede copier tel ou tel système existant. Il identifie trois types d'influences étrangères:)

1. Une influence allemande favorisée par la proximité culturelle de ces deux pays.

2. Un fort attrait pour l'Amérique, "le pays o— tout est possible", et, par assimilation, pour

les anglais.

3. Un certain attrait pour la rigueur et le formalisme du plan comptable français. Cependant,la France pâtie d'une mauvaise image. Le souvenir de sa trahison lors de la signature du traité deMunich, laissant à Hitler le territoire des Sudètes, reste vivant.

Bien que le plan comptable français ait déjà effectué une percée dans le domaine bancaire,l'influence anglo-saxonne semble prépondérante (diffusion de nombreuses publications, présencedes grands réseaux anglo-saxons). Dans une certaine mesure, l'absence de normalisation précise,même si elle est essentiellement due à des raisons de politique intérieure, favorise l'exportationdu modèle anglo-saxon qui privilégie l'appréciation critique de la réalité (alors que le modèle

continental privilégie le respect de règles précises). L'influence anglo-saxonne se fait d'ailleurssentir dans le terme "auditeur" retenu pour désigner le professionnel libéral, nommé par leministère des finances, chargé du contrôle des comptes. Une "chambre des auditeurs" estsupposée, à terme, défendre les intérêts de la profession, et imposer son indépendance face,notamment, à la fiscalité.

Enfin, l'influence de l'ancien système soviétique apparaît à travers la sévérité dessanctions applicables en cas de non respect des dispositions légales. Les amendes, d'un montanttrès élevé, traduisent d'après B. ARGAUD SURUGUE le caractère rigoureux, germanique, destchèques. Nous pensons qu'au-delà de cette explication "sociologique", elles sont la réminiscenced'une tradition soviétique qui accordait une grande importance à la responsabilité personnelle du

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comptable.

La Pologne

Dans les années 30, la comptabilité polonaise était de type "continental", réglementée parle code de commerce, et subissant une forte influence de la part des règles fiscales. En 1946 aulendemain de la guerre, comme en France, la Pologne adopte un plan comptable généralinfluencé par l'expérience allemande de l'occupation. Le plan soviétique est introduit en 1950.

La nouvelle loi comptable est entrée en application le 1er janvier 1991. Une seconde loi,votée le 2 janvier 1992 et entrée en application au mois de février, traite du contrôle et de lapublicité des états financiers. Si les autorités comptables en Pologne sont conscientes de la

nécessité de reconstruire et de moderniser leur système comptable, elles estiment qu'il est peusouhaitable de l'abandonner d'un seul coup pour le remplacer par un système déjà validé enoccident (J. SABLIK, 1992). Un tel discours paraît donc très éloigné de celui tenu par N.FELEAGA évoquant la nécessité d'importer brutalement le nouveau plan roumain.

La nouvelle loi se caractérise par l'abandon du plan des comptes, obligatoire et rigide, etsuit les 4ème et 7ème directives européennes. Elle rend la comptabilité d'entreprise indépendantedes statistiques nationales. Le nouveau cadre comptable permet donc une grande souplesse pouradapter les techniques comptables aux réalités de chaque entreprise et propose notamment auxentreprises deux modèles de compte de résultat (un par nature, un par fonction) comme enHongrie.

Si cette souplesse permet à un expertcomptable français d'appliquer le PCG français àtous ses clients polonais (J. COLIBERT, 1992), elle n'en est pas moins une preuve du faibleretentissement du modèle comptable continental. La Pologne accorde la priorité à l'adoption desprincipes comptables internationaux, aux dépends de la résolution des problèmes posés par leurapplication (Z. PISZCZEK, 1992). Cette démarche est en définitive très proche du modèle anglo-saxon.

Une étude menée par Z. PISZCZEK (1992), révèle les faits suivants:

1. La nouvelle loi abandonne la pratique du plan comptable unique, mais 60% des

comptables ont amendé leur ancien plan (soviétique) en tenant compte des exigences de lanouvelle réglementation, 21% ont adopté le plan proposé par l'Association des ComptablesPolonais, plan lui même adapté de l'ancien modèle soviétique, et 19% des comptables ont choisiun plan élaboré par divers cabinets de conseils (dont le plan comptable français). L'utilisationd'un plan des comptes reste un usage difficile à effacer, même s'il perd aujourd'hui ses qualitésessentielles de comparabilité, d'uniformisation, et d'harmonisation des informations au niveaunational.

2. Le nouveau système laisse aux comptables l'entière responsabilité d'organiser leurcomptabilité de gestion. 86% d'entre eux déclarent cependant avoir conservé l'ancien systèmemoniste proche du modèle anglo-saxon.

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3. Sur le choix de présentation du compte de résultat, 64% des professionnels ont déclaréavoir choisi le modèle avec les charges par nature. Ce modèle, plus proche du modèle français,

est cependant préféré pour des raisons de simplicité plus que pour des raisons économiques. Z.PISZCZEK précise que la plupart des entreprises industrielles et des sociétés par action ontadopté le modèle par fonction, plus proche du modèle anglo-saxon.

4. La plus grande partie des entreprises semble avoir conservé la pratique de l'inventairepermanent, utilisé auparavant dans le modèle soviétique.

La Pologne constitue un cas unique en Europe socialiste dans la mesure o— il existait,depuis 1956, une association des experts comptables polonais relativement indépendante. Mêmesi 1956 correspond à une période d'assouplissement relatif du régime communiste dans le pays,c'est surtout la sousestimation, voir le mépris de la part des autorités publiques vis à vis de la

profession comptable qui a permis cette situation. Cette "association" a collaboré activement avecle ministère des finances pour l'élaboration des nouvelles règles comptables. Elle organise uneformation à grande échelle, et a édité des modèles de plan des comptes types. Nous avons déjàévoqué l'idée que l'existence d'une telle organisation indépendante a sans doute favorisél'adoption d'un choix de réforme comptable progressif, en y participant par ses réflexions.

Enfin, on observe en Pologne une attirance très grande pour les États-Unis dans tous lesdomaines. Cela s'explique principalement par le rôle actif joué par la diaspora polonaised'Amérique. Il semble aujourd'hui impossible de couper la Pologne des États-Unis sur le plan desrelations économiques. Le choix comptable de la souplesse normative peut être interprété commeun choix largement guidé par la volonté, si ce n'est d'adopter le modèle anglo-saxon, tout du

moins de ne pas déplaire aux américains.

La Russie

Nous avons déjà décrit, dans notre second chapitre, le modèle soviétique qui a étéappliqué en Russie de 1921 à 1991, et dont les dernières modifications avaient eu lieu en 1985 enreconnaissant l'autonomie financière des entreprises. Le nouveau plan a été établi par le ministèredes finances de l'URSS le 1er novembre 1991. Il a été adopté par la Russie et y est appliquédepuis le 1er janvier 1992. Ce plan reflète l'abandon définitif de l'économie planifiée et

centralisée en faveur des principes de l'économie de marché.

A la différence du plan de 1985, le nouveau plan comporte, outre la liste des comptes, desinstructions concernant leur utilisation et leur champ d'application. Il se rapproche en cela,conceptuellement, du plan français. On peut s'étonner cependant de ne pas y trouver les principesgénéraux de la comptabilité (il ne rappelle que le principe de la partie double).

Un décret datant du 20 mars 1992 précise que les comptes doivent décrire de manièreprobante et exhaustive la réalité des transactions. Il opte pour une comptabilité d'engagement, etformule une amorce des principes d'image fidèle et de prudence: "Les principales tâches de lacomptabilité consistent à fournir une information complète et fidèle des processus économiques

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et des résultats de l'entreprise..., à assurer le contrôle sur l'existence et les mouvements depatrimoine, l'utilisation des ressources financières, matérielles, de travail..., prévenir lesmanifestations négatives dans l'activité économico financière et mobiliser les ressources internes"

(M. MEYER, 1992).

En conséquence, les comptes spécifiques à la traduction des relations entre les entrepriseset les organes suprêmes, pour les versements et prélèvements de fonds, disparaissent. Les prix dumarché se substituent aux prix calculés, et de nouveaux comptes font leur apparition pourpermettre l'enregistrement des dettes, des créances, et la constatation des dépréciations probablespar des provisions (apparition du principe de prudence).

Le nouveau plan conserve cependant de la pratique soviétique un certain nombre decaractéristiques:

1. Il conserve un champ d'application très étendu puisqu'il s'applique à toutes les entreprisesde tous les secteurs de l'économie, hormis les banques, et les administrations.

2. Il ne propose aucun modèle concernant la présentation des documents de synthèse. Lebilan reste régi par un texte antérieur au plan de 1985 qui ne correspond plus aux impératifs dumarché.

3. Il adopte une codification décimale plus ou moins rigoureuse qui, comme le planprécédent, permet une grande souplesse (ou un grand flou) en ménageant des numéros vides queles entreprises peuvent utiliser en fonction de leurs besoins.

4. Il est très directif au niveau des comptes de prix de revient. La comptabilité de gestionconserve la place centrale qu'elle occupe depuis 1927 car il n'est toujours pas prévu de comptesde charges et de produits. Le résultat est déterminé uniquement par la comptabilité analytique (M.MEYER, 1992).

La comptabilité en Russie évolue donc progressivement. Mais un débat s'ouvre poursavoir si cette évolution est le résultat d'un choix volontaire, ou une situation subie du fait del'incapacité des autorités actuelles à imposer une réelle réforme. J. RICHARD (1994) estime quela Russie a su "adapter son plan comptable antérieur aux exigences de l'économie de marché sansle bouleverser", et que cette option est préférable car moins coûteuse. Il énumère 3 raisons à cettesituation:

1. Le plan comptable de la période communiste n'était pas, à l'inverse des autres paysd'Europe de l'Est, ressenti comme un objet étranger, imposé plus que désiré.

2. L'élite russe comptable est très homogène et conservatrice.

3. L'influence américaine (par l'intermédiaire de la participation d'experts de l'O.N.U.) arenforcé la tendance des réformateurs russes à conserver les grandes structures de l'ancien plancomptable. En effet, le système russe présente un certain nombre de similitudes avec le modèleaméricain: forte intégration de la comptabilité financière et de la comptabilité de gestion, etprésentation du compte de résultat par fonction.

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Cependant, force est de constater que la Russie a beaucoup de difficultés pour gérer,réglementer, voire simplement comprendre les transformations qui s'opèrent sur son territoire.

Ainsi, si l'Ordre des Experts Comptables a reçu plusieurs délégations russes, celles-ci n'étaient jamais composées des mêmes personnes. Devant cette difficulté à identifier un interlocuteur,l'effort d'accompagnement de la réforme comptable se trouve anéanti. Il paraît donc légitimed'interpréter cette évolution lente et désordonnée comme l'expression de la désorganisation et dudisfonctionnement général de l'appareil économique et politique russe.

LE RÔLE DES FACTEURS POLITIQUES ET CULTURELS

Dans le second chapitre, nous avons identifié les caractéristiques de la comptabilitésoviétique, et mis en évidence ses similitudes avec les modèles anglo-saxon et continental. Ladémarche choisie valorisait les critères objectifs et rationnels (structure de la profession, tradition juridique, inflation...) Pourtant, les acteurs qui opèrent les choix comptables sont influencés pardes facteurs éminemment subjectifs (rétentions d'informations, intérêts personnels, pressionsdiverses, éducation,...). L'analyse de ces facteurs fait l'objet de ce quatrième chapitre.

Dans une première section, nous critiquerons l'insuffisance des explications techniquesgénéralement avancées pour justifier les choix comptables effectués par les différents pays. Puis,nous évoquerons l'importance de facteurs insuffisamment pris en compte par les chercheurs: les

facteurs politiques et culturels.

Une critique des arguments explicatifs purement techniques

Si l'on accepte l'hypothèse selon laquelle tous les pays soviétiques se caractérisaient pardes systèmes économiques et politiques, sinon identiques, du moins très proches, et si l'onconsidère qu'il existe une rationalité comptable qui permet d'identifier un modèle optimal, mieuxadapté à cet environnement, alors ce modèle doit être le même pour chacun des différents paysd'Europe de l'Est. Or, la pluralité des voies suivies par ces pays nous conduit à réfuter cetteaffirmation théorique. Tout semble au contraire démontrer qu'il n'existe pas de déterminisme

comptable. De deux choses l'une; ou l'on réfute l'hypothèse que les systèmes comptablesdépendent de l'environnement d'un pays, ou l'on remet en cause l'apparente homogénéité des paysde l'Est. Ceuxci cacheraient des divergences suffisamment importantes pour orienter les réformescomptables sur des voies multiples.

Pour conduire la suite de notre étude, nous partons de cette seconde hypothèse; le systèmesoviétique masque des divergences nationales, divergences que nous ne pouvons pas mettre enévidence par la seule analyse des facteurs environnementaux retenus par C. NOBES et R.PARKER (1991). Les facteurs pris en compte par ces deux auteurs sont des facteurs "techniques"qui ne tiennent pas compte des comportements humains face aux enjeux comptables, alors que lacomptabilité est le fait des hommes qui, avec leur rationalité limitée, établissent des choix et

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influencent les décisions économiques. Nous proposons donc de compléter cette analyse par desfacteurs comportementaux, en distinguant les facteurs politiques et culturels.

Pour illustrer notre proposition, nous pouvons reprendre l'argumentation de N. FELEAGA(1992) lorsqu'il défend le choix comptable de la Roumanie. Son argumentation estessentiellement techniqueNOTEBCOURIER20Nous l'avons développée dans le chapitreprécédent.NOTEB,(et nous semble insuffisante pour les raisons suivantes:)

1. "Le dualisme comptable favoriserait la transparence; la séparation entre comptabilitégénérale et comptabilité analytique permettrait de distinguer les informations à publier desinformations confidentielles". Nous pouvons cependant affirmer que les entreprises anglo-saxonnes parviennent sans mal à conserver le secret sur les informations de gestion stratégiquesmalgré leur monisme comptable.

2. "Le plan comptable faciliterait la formation des praticiens". Il est vrai qu'après 40 ansd'application du plan soviétique, la confusion entre normalisation comptable et plan comptableest sans doute très marquée. Cependant, le plan comptable est une "catastrophe pédagogique"(RICHARD, 1994); il conduit à apprendre par coeur des listes de comptes et focalise les effortssur des problèmes de forme plutôt que sur des problèmes de signification.

3. "L'influence de la fiscalité garantirait la régularité des comptes". C'est faire preuve d'unebien grande confiance dans l'efficacité des organismes de contrôles fiscaux. C'est aussi une visionà court terme qui néglige dangereusement la notion d'image fidèle, qui porte atteinte à lacrédibilité des états financiers.

4. "Le caractère agroindustriel de la France se rapprocherait de celui de la Roumanie". Ceparallèle nous semble totalement irréaliste. Il traduit plutôt l'image "début de siècle" de la Franceque l'on cultive et véhicule aujourd'hui encore à Bucarest, "le Paris des Balkans".

Le choix roumain nous semble donc, d'un pur point de vue technique, sinon injustifié, dumoins discutable. Ce choix n'était en aucun cas le seul envisageable. Cela nous pousse à accorderplus d'importance à la phrase introductive, ne faisant l'objet d'aucun développement, de ce mêmearticle de N. FELEAGA: "Malgré les efforts développés pour prouver qu'un choix peut se faireselon des critères objectifs, dans la pratique il est [...] le résultat de certains intérêts avec uneteinte plus ou moins politique".

L'éclairage de l'analyse politique

Notre "analyse politique" se base sur la proposition suivante: le choix d'une normalisationcomptable, et des influences étrangères, sont le résultat de la confrontation entre une offre et unedemande; offre d'un modèle de la part d'un groupe de personnes ou d'un pays (Angleterre,France...), et demande d'une assistance de la part du pays en évolution. Dans cette étude, nousn'avons pas la prétention d'exprimer l'ensemble des raisons politiques qui se cachent derrièrechacun des choix comptables de chacun des pays de l'Est. Notre volonté est de démontrer etd'illustrer par des exemples l'existence et la forte influence que les facteurs politiques peuvent

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avoir. Elle tentera ainsi de poser les fondements d'une démarche de recherche dans ce domaine.

L'offre comptable

L'adaptation des modèles comptables des pays de l'Est "soulève des questions de grossous" (J. RICHARD, 1992) qui conduisent les principaux pays occidentaux à influencer les choixcomptables de ces pays. Nous aborderons d'abord les enjeux pour la profession comptable, puispour les entreprises qui s'exportent vers les pays de l'Est. Nous décrirons ensuite, de manièregénérale, les différences entre les démarches effectuées par la France, l'Angleterre, les États-Uniset l'Allemagne. Enfin, nous analyserons plus spécifiquement le travail de l'Ordre des ExpertsComptables français (OECCA), en mettant en relief les enjeux politiques qui se cachent derrièreles aides techniques.

Le marché de la comptabilité

L'enjeu des réformes comptables des pays de l'Est est très important pour les professionscomptables des pays occidentaux qui voient dans leur orientation des débouchés potentielsimportants en terme de contrats de formation, de facilité d'implantation, de développement deleurs activités de conseil, d'accompagnement de leurs clients (souvent les plus importants) ayantdes activités internationales... Cela explique la forte implication de l'ordre des experts comptablesdans ce débat, et sa volonté de favoriser l'exportation d'un système comptable proche du systèmefrançais.

L'intention de renforcer l'influence de la profession comptable française est d'autant plusstimulée que se manifeste aujourd'hui un certain recul du plan comptable français dans lesentreprises de dimension internationale. Une étude, réalisée dans le cadre du DEA de BernardCOLASSENOTEB COURIER20Université Paris IX DauphineNOTEB,(montre que parmi les 40premiers groupes français, 20 ont opté pour le modèle anglo-saxon des comptes consolidés. Demême en Allemagne o— il existait un choix entre un plan comptable moniste et un compte derésultat par nature, une option récente pour le modèle anglo-saxon, en consolidation comme encomptabilité générale, confirme le recul du modèle continental. Par ailleurs, l'influence anglo-saxonne est aujourd'hui favorisée, d'une part par le travail del'IASCNOTEBCOURIER20Organisme de normalisation internationalNOTEB(dont lespublications sont très fortement inspirées du FASBNOTEB COURIER20Organisme de

normalisation américainNOTEB,(et d'autre part par les grands cabinets anglo-saxons qui ont trèsrapidement étendu leurs réseaux dans les pays de l'Est. Ainsi, derrière l'ouverture des pays del'Est à l'économie de marché, la profession comptable française a vu une opportunité pour tenterd'enrayer cette évolution et faire pencher la balance en faveur d'une tradition "européennecontinentale".)

Favoriser les entreprises nationales

L'enjeu comptable intéresse également les gouvernements. Ceuxci espèrent dynamiserl'économie du pays en favorisant l'implantation des entreprises nationales à l'étranger. Ainsi, leministère des finances français avait dès 1989 mandaté un responsable pour entrer en contact

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avec les autorités comptables des différents pays de l'Est. Il a ensuite encouragé l'action del'OECCA en finançant à partir de 1990 la quasi totalité de ses efforts en destination de ces pays.Ce qui est vrai de la France l'est également des autres pays occidentaux comme, notamment, le

Royaume-Uni.

L'action des gouvernements repose sur l'hypothèse suivante: l'adoption d'un modèlecomptable influence (favorablement) la prise de décision stratégique d'un chef d'entrepriselorsqu'il envisage d'investir dans un pays étranger. Cependant, on peut opposer à cette vision uncertain nombre d'arguments. Le cadre comptable, pour le chef d'entreprise désireux d'investir àl'Est, est une contrainte technique, certes, mais guère influente. Pour certains (E. KOENIG,1994), elle ne l'est pas plus que la qualité du restaurant et le confort de l'hôtel qui précèdent lasignature du contrat, ou encore l'agréable surprise de rencontrer un interlocuteur francophone...Plus que les règles comptables elles-mêmes, c'est la conception que l'on se fait de l'outilcomptable qui influencera les décisions.

Les expert-comptable français s'attachent peut-être trop au formalisme de leur plancomptable, seule arme d'après eux permettant de pénétrer les pays de l'Est dans de bonnesconditions face à la concurrence des cabinets anglo-saxons. La force de ces derniers réside, aucontraire, dans leur capacité à s'adapter à des règlementations variées, en respectant un ensemblede principes souples, et en considérant le formalisme comme secondaire. Nous rejoignons ici lacritique de J. RICHARD (1994) pour qui, si le PCG a de puissants avantages, son enseignementmécanique façonne des techniciens spécialisés qui ont des difficultés à s'adapter à de nouveauxsystèmes comptables.

Aucune recherche empirique n'a été, à notre connaissance, effectuée afin de mesurer plus

précisément l'impact du système comptable sur les décisions économiques des entreprises. Cettequestion mériterait un approfondissement permettant d'évaluer les réelles conséquences desactions menées par la France pour financer les réformes comptables des pays de l'Est.

Le rayonnement politique

Au-delà de l'accompagnement des entreprises nationales dans leur expansioninternationale, l'enjeu pour un gouvernement se mesure également en terme plus général derayonnement du pays et d'amélioration de son image de marque. La comptabilité est un outil decommunication; on parle parfois de langage comptable. Dans une certaine mesure, exporter unsystème comptable est un enjeu proche de celui qui pousse les gouvernements à promouvoir la

langue française à l'étranger. La motivation répond à un besoin de reconnaissance et d'affirmationde son identité culturelle.

Il n'est, dans cette optique, peut-être pas innocent de constater que les deux pays qui ont leplus manifestement cherché à exporter leur système comptable, la France et la GrandeBretagne,sont deux pays ayant derrière eux un long passé colonial. Aujourd'hui encore, ils cherchent par cegenre d'action à conserver, sinon étendre, une influence culturelle et politique mondiale.

Trois pays, trois politiques

L'influence occidentale sur les choix des autorités comptables des pays de l'Est a connu

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des orientations diverses. La France et la GrandeBretagne, souvent présentées comme desrivalesNOTEBCOURIER20Du point de vue de leur politique comptable.NOTEB,(ontouvertement manifesté leurs démarches. En revanche l'Allemagne a joué un rôle beaucoup plus

discret.)

1. La France, dès juillet 1990, par l'intermédiaire de l'OECCANOTEBCOURIER20L'Ordredes Experts comptables et des Comptables Agréés (en France).NOTEB,(a décidé de concevoirrapidement un guide comptable adapté aux pays évoluant vers l'économie de marché. Il prit laforme d'un ouvrage appelé "Système Comptable d'Entreprise" (SCE) et fut publié sous le hautpatronage du ministère des finances. C'est un outil de formation et de discussion, compatible avecles 4ème et 7ème directives européennes, et avec les normes de l'IASC. En fait, le SCE décrit unsystème comptable d'inspiration française; son organisation est proche du Plan ComptableGénéral de 1982 (PCG), à quelques nuances de méthode d'évaluation ou de technique

d'enregistrement près. Ses auteurs le présentent cependant comme un système comptablecontinental, alors qu'ils n'abordent aucunement les différences parfois très importantes entre lespratiques des pays continentaux (Italie, France, Allemagne). Une telle assimilation nous laissepenser qu'elle n'est sans doute pas innocente; elle place le modèle français comme représentantd'un modèle européen, face à un modèle anglo-saxon "diabolisé", venu d'outre-atlantique tel unenvahisseur faisant fi des traditions des pays d'accueil. Cette démarche est éminemmentmercantile.)

2. L'Angleterre, comme la France, a cherché à exporter son système comptable. Moinsattachée à une normalisation stricte, son influence s'est principalement focalisée sur les principesgénéraux (et notamment celui d'image fidèle), principes à partir desquels le professionnel bâtit

son travail d'interprétation comptable de la réalité. L'influence britannique peut donc s'exprimerde manière complémentaire avec l'influence française (comme en Bulgarie), mais un certainnombre de problèmes techniques de cohérence sont alors repoussés à plus tard. A terme, pourrespecter les principes généraux, il est probable que l'ajustement se fasse par la modification etl'adaptation du plan comptable, c'est à dire aux dépends de l'influence française. Le choixbritannique, plus informel, se révèle être un choix politique à long terme.

3. Les États-Unis, géant politique de l'occident, dont le système comptable est proche decelui de la GrandeBretagne à de nombreux égards, s'est efforcé d'accompagner les réformes de laRussie, géant politique de l'est (RICHARD 1994). Son influence s'est également fait ressentir defaçon plus informelle par l'intermédiaire des nombreux immigrés (notamment polonais), qui

prennent une part active dans le processus de libéralisation de l'économie de leurs pays d'origine.

4. Il semble que l'Allemagne n'ait pas particulièrement cherché à promouvoir son systèmecomptable, alors même qu'en matière de droit commercial, son influence est très forte. Parailleurs, elle est omniprésente dans le paysage industriel et financier des pays de l'Est; sesentreprises occupent généralement la première place en matière d'investissements etd'implantations. Cela tend à confirmer nos doutes quant à la réelle influence des choixcomptables sur les décisions des entrepreneurs.

L'action de l'ordre des experts comptables français

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Dans ce paragraphe, nous allons nous intéresser à la façon dont s'est construite l'action del'Ordre des Experts Comptables français, et plus précisément au fondement des orientationscomptables retenues lors du processus d'élaboration du SCE. Il a fallu près de six mois à Éric

DELESALLE et Gilbert GELARD pour rédiger le SCE sous la tutelle de l'OECCA et duministère des finances. Il a été l'objet de longues discussions au sein de l'Ordre. Une informationsurprenante a retenu notre attention: à aucune des étapes de sa réalisation n'ont été invités àparticiper les chercheurs qui, en France ou dans les pays de l'Est eux-mêmes, sont spécialisésdans l'étude des pratiques comptables soviétiques. Le SCE est un produit 100% français (mêmes'il cherche à prendre un certain recul vis à vis du PCG). Cette attitude difficilement explicabled'un point de vue technique, se justifie à nos yeux par des raisons purement politiques que nousallons expliciter. L'Ordre était confronté à deux problèmes:

1. Les pratiques comptables soviétiques étaient totalement étrangères aux expertscomptables français. Cela rendait difficile le travail de formation, de description du vocabulaire et

des principes fondamentaux. L'aide des universitaires aurait pu, à ce niveau, être un atoutprécieux.

2. L'Ordre devait proposer dans de très brefs délais son ouvrage, car il devait accompagnerdes réformes très rapides, mais aussi parce qu'il se savait en compétition, notamment avec sonhomologue britannique.

Face à ces deux objectifs, l'Ordre a privilégié le second, à savoir la rapidité, au détrimentde la proximité. Les deux facteurs qui ont permis à l'Ordre de trancher sont les suivants:

1. D'un point de vue purement technique, l'Ordre a sous-estimé l'ampleur et la nature des

problèmes de compréhension qui allaient inévitablement apparaître lors de la communication del'ouvrage.

2. Par ailleurs, l'Ordre était persuadé que la participation des chercheurs aurait ralenticonsidérablement le processus. Ce second argument mérite un approfondissement. En effet, il n'ya aucune raison à priori de soupçonner un universitaire de vouloir ralentir les débats. La raison esten réalité politique; l'Ordre avait peur de ne pas être capable de faire partager sa démarche. Eneffet, les spécialistes auraient inévitablement cherché à intégrer dans les propositions françaisescertaines des caractéristiques de l'ancien système soviétique. Malgré les avantages théoriques etpratiques qui en découlaient, l'Ordre a manifestement évité une telle démarche, qui, en dénaturantle système français, aurait retardé le processus. Si l'argument de la rapidité l'a emporté sur celui

de la compréhension mutuelle, c'est parce que l'OECCA a opté en faveur d'un choix politique,celui des réformes radicales et de l'exportation "clefs en mains" du modèle comptable français, audétriment d'un accompagnement gradualiste des réformes par des conseils avisés.

La demande comptable

Face à l'offre proposée par les pays occidentaux, les pays de l'Est expriment une demandequi elle aussi n'est pas exempte de calculs politiques. Nous distinguerons les calculs internes à laprofession, les contraintes de financement de la réforme, et les perspectives diplomatiques.

Une lutte politique interne

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En modifiant les règles, la réforme comptable modifie également la répartition du pouvoirentre les détenteurs du savoir. Dans une telle perspective, J. RICHARD (1994) soutient la thèse

selon laquelle "le nouveau modèle de plan comptable [sert] essentiellement de moyen pour ungroupe de spécialistes roumains de la comptabilité d'établir et de renforcer leur pouvoir face auxautres composantes du Gotha comptable roumain". Il s'appuie sur la description des "forcescentrifuges" (s'opposant à la réforme) faite par N. FELEAGA (1992):

1. Les "conservateurs" qui s'opposent en général à une réforme économique (maintien desprivilèges? difficulté d'adaptation?).

2. Les "plaideurs" qui sont favorables à un autre modèle d'inspiration, comme par exemple lemodèle anglo-saxon. Ces derniers n'ont pas (selon l'auteur) d'arguments convaincants.

Autrement dit, une lutte interne s'esquisse clairement en Roumanie entre trois "camps": le"camp profrançais", le "camp proaméricain (ou britannique)", et le "camp prosoviétique",favorable à une évolution progressive de l'ancien modèle.

De façon plus générale, dans tous les pays de l'Est, la réforme comptable permet à ceuxqui maîtrisent rapidement les nouvelles normes d'étendre (ou maintenir) leur pouvoir au sein desentreprises (promotion à des postes à responsabilité...), leur autorité au sein de la profession(accès dans les commissions de normalisation, publication d'articles, postes de responsabilitédans les organes représentatifs de la profession...), et leurs revenus (activité de formation, deconseil...).

Le coût de la réforme

Au-delà des luttes politiques internes, le choix d'un nouveau système comptable estinfluencé par des considérations financières. Nous avons déjà évoqué le coût élevéNOTEBCOURIER20Le coût de transition est dû à la désorganisation des circuits d'information età la formation du personnel comptable.NOTEB(d'une réforme, et les autorités comptablesexpriment un souci légitime de minimiser ce coût en choisissant le modèle optimal. Les servicesproposés par les pays occidentaux pour accompagner les réformes (subventions, stages deformation...) pèsent également dans la balance. On peut donc supposer que les pays de l'Est vontfavoriser le modèle comptable du pays dont les offres de financement et d'accompagnementseront les plus importantes. )

Pour cela, ils mettent en place une stratégie de séduction vis-à-vis des pays occidentaux.La justification du choix roumain, de la part de ses autorités, par des arguments visant àdémontrer la supériorité du plan français, est, dans une certaine mesure, une démarche politiquede séduction, en vue d'obtenir un maximum de ressources.

Intégrer l'Union Européenne

Dans la plupart des pays de l'Est, les dirigeants affichent officiellement leur volonté, voireleur empressement, d'adhérer à la Communauté Économique Européenne. Cette volonté est lereflet d'une opinion publique persuadée que la CEE est le remède miracle à tous les maux. Il est

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dès lors intéressant de situer le choix comptable dans une perspective politique d'intégrationeuropéenne.

Une telle perspective passe nécessairement par le respect des 4ème et 7ème directiveseuropéennes. Cependant, les deux modèles comptables européens présentés comme rivaux, lemodèle français et le modèle anglais, sont conformes à ces directives. Nous pouvons dès lorsécarter les motivations purement techniques pour approfondir l'analyse d'une motivation politiquebasée sur la question de savoir lequel de ces deux modèles est susceptible de favoriser unecandidature future dans la CEE?

L'initiative des expert-comptable français de présenter leur modèle comme un modèle"continental", faisant abstraction de toute référence nationale en le présentant sous le nom de"Système Comptable d'Entreprise", et faisant un amalgame entre le modèle français et le modèleallemand, peut être interprétée dans ce sens. Lorsque l'on sait par ailleurs que les systèmes

comptables belge, espagnol et grec sont largement inspirés du modèle français, ce dernierdevient, aux yeux des pays candidats à la CEE, un formidable atout pour séduire et s'attirer lesgrâces de pays influents de la communauté. Face à ce modèle "continental", donc "européen", lemodèle anglais, présenté comme un modèle "anglo-saxon", teinté d'américanisme, malgré toutesses qualités apparaît au contraire comme un frein à une démarche politique d'intégrationeuropéenne. Ces amalgames et autres jeux de mots, s'ils ne trompent pas nécessairement un petitnombre de spécialistes, trouvent par contre un grand écho auprès du plus grand nombre dont lesconnaissances en matière de comptabilité comparée sont inexistantes.

L'influence des facteurs culturels

L'influence des facteurs culturels sur les réformes comptables a encore été peu étudiée.L'évolution des systèmes comptables dans les pays de l'Est offre un extraordinaire champd'investigation pour proposer ou contrôler empiriquement des hypothèses théoriques.

L'existence de facteurs culturels

Lorsque la Roumanie décide d'adopter un plan comptable d'inspiration française, c'est unmoyen d'affirmer le pouvoir de certains groupes d'influence, c'est pour profiter de l'aidefinancière de la France, et c'est pour séduire des états influents de la CEE. Parallèlement, la

France accepte d'accompagner la réforme car cela peut favoriser son commerce extérieur, etparticiper au maintien de son rayonnement international. Ces intérêts convergent vers un mêmebut. Pourquoi alors ne pas officiellement avouer les enjeux politiques de la réforme comptable?Au contraire, les discours officiels se réfugient comme nous l'avons déjà montré derrière des justifications techniques. Est-ce uniquement une question de mauvaise foi de la part desdifférents acteurs? Nous ne le pensons pas. Tout se passe comme s'il existait, au-delà des enjeuxtechniques, au-delà des enjeux politiques, des raisons acceptées par tous alors même qu'elles nesont pas explicitement révélées.

Lorsque J. RICHARD (1994) constate l'influence des États-Unis sur les décisions russes,et l'influence française sur les décisions roumaines, il met en évidence l'existence de facteurs

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autres que techniques sur les choix comptables. Mais il n'explique pas pour autant la cause de cesfacteurs. Pourquoi est-ce le "clan" français qui a eu le dessus en Roumanie? Pourquoi l'influencefrançaise se fait elle ressentir en Roumanie et non en Russie?

Lorsqu'en 1988 la France a cherché à prendre contact avec les pays de l'Est pour proposerdes réformes comptables, ces démarches se sont faites de manières à peu près équivalentes auprèsde chacun des pays de l'Est. Il ne nous semble pas, en l'état actuel de nos recherches, que laFrance ait, dès l'origine, cherché à privilégier une collaboration avec certains de ces pays. Lesenjeux politiques français n'étaient donc à priori pas plus importants à l'égard de tel ou tel pays.C'est au cours des années qui vont suivre que s'est affirmée l'orientation des collaborations et quedes pays prioritaires se sont révélés NOTEBCOURIER20Notamment la Roumanie qui estaujourd'hui le pays le plus influencé par le modèle comptable français.( NOTEB).

Si l'on considère les deux affirmations suivantes: "la France a financé largement la

réforme comptable roumaine", et "la Roumanie s'est inspirée du modèle français", il nous sembleque l'analyse restera toujours incomplète car elle ne permet pas de déterminer lequel de ces deuxaxiomes est la cause du second. Nous sommes forcés de constater la forte corrélation qui existeentre ces deux facteurs. Pour briser ce cercle vicieux, nous formulons le postulat suivant: il existeun facteur externe, qui est la cause de ces deux axiomes; c'est le facteur culturel.

En effet, il est très troublant de constater que, si au cours des congrès ou des publications,les spécialistes de la comptabilité des pays de l'Est expliquent les choix par des argumentstechniques, on entend plus volontiers sur le terrain des arguments du type: "le caractère ordonné,germanique des tchèques", "l'influence culturelle française en Roumanie", "la forte implicationdes immigrés polonais d'Amérique", "l'héritage colonial de la France (ou de la

GrandeBretagne)"... Ces arguments sont plus culturels que techniques. Nous pouvons encoreillustrer notre propos en soulignant que la Roumanie, pays de langue latine au milieu d'un "océanslave"NOTEB COURIER20Les historiens parlent du "miracle roumain".( NOTEB), nourrit unsentiment diffus d'appartenance à un groupe culturel latin dont la France fait partie. Le choixcomptable de 1992 ne fait alors que reproduire une logique amorcée dès le XIXème sièclelorsque la Roumanie avait importé le code civil français.

Une théorie des influences culturelles

Certains auteurs ont observé une corrélation entre langue et système comptable. Les paysde langue anglaise (GB, EU, Canada, Australie, mais aussi Afrique anglophone, Inde...) ont tous

adopté un modèle comptable similaireNOTEB COURIER20Le modèle anglo-saxon présentédans notre chapitre 2.NOTEB.(De même, les pays francophone d'afrique ont tous adopté un plancomptable dérivé du plan français. La langue résumerait à elle seule les différences culturelles etserait le facteur explicatif des différences comptables.)

C. NOBES et R. PARKER critiquent cette approche en remarquant que ce n'est pas parceque l'on constate une corrélation entre deux facteurs (ici langue et système comptable) que l'unest nécessairement cause de l'autre. Langue et système comptable puisent sans doute leurs racinesdans une histoire commune. Dans la suite de notre travail, nous nous inspirerons des travaux deS.J. GRAY (1988) qui propose un cadre d'analyse permettant de mesurer l'impact des facteursculturels sur le développement des systèmes comptables internationaux.

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Le cadre d'analyse proposé par S.J. GRAY

Cet auteur définit la culture comme le "programme collectif de la pensée qui distingue lesmembres de deux groupes humains distincts". Le terme "subculture" sera utilisé au niveau d'uneorganisation, d'une famille ou d'une profession (comme la profession comptable). On associe àune culture (ou à une subculture) des "valeurs", c'est à dire des "tendances à préférer certainessituations à d'autres". La culture est alors considérée comme un élément essentiel pourcomprendre les changements des systèmes sociaux.

S.J. GRAY présente des valeurs "subculturelles comptables" qui déterminent les systèmescomptables. Il propose ensuite de lier ces valeurs à des valeurs culturelles.

VALEURS CULTURELLES> VALEURS COMPTABLES> SYSTÈMES COMPTABLES

Les valeurs culturelles retenues sont inspirées des travaux de G. HOFSTEDE (1980).Celui-ci a mené une enquête auprès d'employés d'une firme multinationale présente dans plus decinquante pays. Il distingue quatre dimensions de valeurs culturelles permettant de positionner lesdifférents pays:

1. L'"individualisme": Il caractérise une société dans laquelle les individus s'occupentessentiellement d'eux-mêmes et de leur famille proche. A l'opposé, le "collectivisme" (il fautcomprendre ce terme indépendamment de toute connotation politique) décrit la société danslaquelle les individus peuvent s'attendre à ce que leurs proches, leur clan, d'autres groupessociaux, s'occupent d'eux. Cette valeur mesure l'indépendance des gens entre eux.

2. La "distance vis-à-vis du pouvoir" (Power distance): Elle décrit la façon dont on acceptela distribution du pouvoir dans les organisations. Elle mesure l'acceptation plus ou moins forte del'autorité.

3. L'"appréhension au risque": Elle mesure le sentiment face à l'incertitude ou à l'ambiguïté.La société peut s'en défendre par des codes de comportement et de croyance rigides, et uneintolérance face aux personnages ou aux idées déviants. Elle peut, au contraire, adopter desprincipes de tolérance. Cette valeur permet de mesurer les moyens avec lesquels la société tentede contrôler le futur.

4. La "masculinité": c'est la préférence marquée en faveur de l'héroïsme et le succèsmatériel. A l'opposé, la "féminité" représente la préférence pour les rapports humains, lamodestie, et la qualité de vie. Cette valeur permet de prendre en compte le rôle social des sexes.

L'enquête de G. HOFSTEDE débouchait sur la constitution de groupes culturels (cultureareas) présentés sur la page suivante.

GROUPEMORE DEVELOPED LESS DEVELOPED MOREDEVELOPED

LATIN LATIN ASIAN

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Belgium Colombia JapanFrance Ecuador

MexicoArgentina VenezuelaBrazilSpain Costa Rica

ChileItaly Guatemala

Panama AFRICANPeruPortugal East AfricaSalvador West Africa

LESS DEVELOPED Uruguay

ASIANASIANCOLONIAL

Indonesia NEAR EASTERNPakistan Hong KongTaiwan Iran SingaporeThailand Turkey

YugoslaviaIndia Arab countries NORDICMalaysia GreecePhilippines Denmark

Sweden

ANGLO NorwayGERMANIC Netherlands

Australia FinlandAustria CanadaIsrael Ireland

New ZealandGermany U.K.Switzerland U.S.A.

South Africa

COURIER20Schéma: Culture Areas (HOFSTEDE, 1984)GROUPE

Dans un second temps, S.J. GRAY lie les valeurs culturelles aux valeurs comptablessuivantes:

1. Le "professionnalisme": Il exprime la préférence à l'exercice d'un jugement professionnelet individuel, et à l'autorégulation de la part de la profession comptable. Il s'oppose au "contrôlestatutaire" qui privilégie le processus de prescription légal ou réglementaire.

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2. L'"uniformité": Elle exprime la préférence à adopter des pratiques comptables uniformespour toutes les entreprises. Elle s'oppose à la valeur "flexibilité" qui privilégie l'adoption denormes qui relativisent la perception de l'entreprise en fonction des circonstances auxquelles elle

fait face.

3. Le "conservatisme": C'est la préférence accordée à la prudence dans les mesures et lesévaluations comptables. Elle s'oppose à la valeur "optimisme" qui privilégie la prise de risque.

4. Le "secret": C'est la préférence accordée à la confidentialité. Elle s'oppose à la"transparence" qui privilégie la publication ouverte des informations comptables.

Enfin, il établit un pont entre ces valeurs et les systèmes comptables. Ses propositions sontles suivantes:

1. Plus un pays est individualiste, moins il tente de contrôler le futur, et moins il acceptel'autorité, plus son système comptable est susceptible de se caractériser par le professionnalisme.

2. Plus un pays appréhende le risque, plus il est docile à l'autorité, et plus il est collectiviste,plus son système comptable est susceptible de se caractériser par l'uniformité.

3. Plus un pays appréhende le risque, plus il est collectiviste et masculin, plus son systèmecomptable est susceptible de se caractériser par le conservatisme.

4. Plus un pays appréhende le risque, plus il est docile à l'autorité, collectiviste et féminin,

plus son système comptable est susceptible de se caractériser par le secret.

L'intérêt des travaux de S.J. GRAY réside dans sa proposition de classer les systèmescomptables internationaux, non sur des facteurs uniquement techniques, mais également sur desfacteurs socioculturels. La proximité culturelle de deux pays favorise l'adoption par ceuxci derègles comptables similaires et permet de mieux appréhender les fondements parfois nonexplicites des choix comptables.

Une prolongation de l'analyse aux pays de l'Est

L'étude de G. HOFSTEDE porte sur cinquante pays mais aucun des pays du bloc

soviétique n'était représenté dans son échantillon. Il nous semble donc très intéressant d'étendrece travail d'enquête aux pays d'Europe de l'Est pour les positionner dans la classification baséesur les facteurs culturels. Il serait alors possible d'expliquer certaines des différentes orientationscomptables observées.

La Pologne et la Russie, qui semblent privilégier le modèle anglo-saxon, se caractérisent-elles par les valeurs culturelles caractérisant les pays du groupe "Anglo" (Australie, Canada,Irlande, États-Unis, Grande-Bretagne...): individualisme, faible acceptation de l'autorité, faibleappréhension au risque?

La Hongrie et la Tchécoslovaquie, qui semblent très influencées par le modèle

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germanique, se caractérisent elles par les valeurs culturelles des pays du groupe "Germanique"(Autriche, Allemagne, Suisse, mais aussi Israël): collectivisme, docilité face à l'autorité, relativeféminité et relative appréhension au risque?

La Roumanie, qui a opté pour un plan comptable conçu sur le modèle français secaractérise-t-elle par des valeurs culturelles proches des valeurs du groupe "Pays Latins les plusDéveloppés" (Belgique, France, Argentine, Brésil, Espagne, Italie): fort collectivisme, forteappréhension au risque, docilité face à l'autorité, masculinité?

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CONCLUSION

Notre travail s'est efforcé, après avoir présenté les principaux caractères d'unenormalisation, de décrire l'évolution actuelle des systèmes comptables des pays de l'Est. Ces paysavaient en effet hérité d'un modèle comptable soviétique inadapté aux exigences d'une économiede marché. Cette description nous a permis de constater que les différents pays de l'Est ont choisides évolutions diversifiées; il n'existe donc à priori pas un modèle comptable idéal, alors mêmeque les conditions économiques initiales semblaient très homogènes.

Les travaux en comptabilités comparées de NOBES et PARKER nous semblentinsuffisants pour expliquer cette diversité de choix. Nous en déduisons alors que l'influence sur

les choix comptables des facteurs culturels et politiques est plus importante que ne semble le fairedeviner la plupart des discours ou publications. Ces facteurs sont aujourd'hui encoreinsuffisamment étudiés. Notre travail propose alors un certain nombre de pistes de recherchesfutures:

Rares sont les travaux menés sur les raisons politiques des choix comptables. Certes, ils seheurtent à deux écueils: la rétention d'information de la part d'interlocuteurs soucieux depréserver leurs intérêts, et la diversité des situations (par acteur, par pays...). Cependant il noussemble utile de chercher à formaliser un cadre général d'analyse de ces facteurs.

L'existence d'une organisation professionnelle active, ou d'un pôle de recherche comptable

universitaire dynamique semble favoriser les réformes gradualistes et originales. La vérificationd'une telle hypothèse pourrait faire l'objet d'un travail plus approfondi.

Les démarches des autorités comptables des pays occidentaux semblent se fonder sur lepostulat selon lequel le choix d'un système comptable a des conséquences sur les décisions desentreprises en termes d'investissements et de politique commerciale. Un tel postulat mériteraitd'être testé empiriquement. Les pays occidentaux ont-ils réellement intérêt à exporter leurssystèmes comptables, ou au contraire ce souci ne relève-t-il que d'un simple désird'autosatisfaction et de rayonnement intellectuel?

Les travaux menés sur les influences comptables des facteurs culturels pourraient être

étendus aux pays d'Europe de l'Est. L'histoire de ces pays, réunis dans une unité géopolitique trèshomogène depuis moins de cinquante ans, a forgé des différences culturelles profondes troplongtemps dissimulées. La mise en évidence de ces facteurs permettrait sans doute d'apporter unéclairage nouveau sur les choix comptables effectués aujourd'hui dans ces pays.

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KOENIG Emmanuel, expertcomptable, cabinet COOPERS et LYBRAND, SOFIA, BULGARIE,Août 1994

OPREA Calin, professeur universitaire, docteur, prorecteur de l'A.E.S. (Académie des étudeséconomiques de Bucarest), BUCAREST, ROUMANIE, août 1994