La structure de la chromatine

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1974, 56, n ° 10.

La structure de la chromat ine

La chromatine fait ~ nouveau laune des gazettes, et le lecteur pourra mesurer le chemin parcouru en 6 mois depuis notre dernier dcho (1974, Biochimie, 56, n ° 4). I i semble bien, en effet, que la structure de la chromatine soit, pour I'essentiel, peu pros ~lucid~e. Et ceci grace, certes, des donn~es nouvelles, mais aussi grace

un curieux ph~nom&ne de cristallisation intellectuelle k dans la mesure o£J les modules r~cents reprennent ~ leur compte des donn~es plus anciennes sur la p~rio- dicit~ de la structure, donndes qui, en leur temps, n'avaient pas forcd la conviction de la communaut& scientifique.

D&s 1973, Olins et Olins ( 1973, J. Cell. Biol., 59, 252 a) s'dtaient livrds ~ des ~tudes de microscopie ~lectronique sur de la chromatine partiellement purifide. IIs avaient remarqu~ son aspect granulaire d~j~ soup conn~ par Brain et Ris (1971, J. Mol. Biol., 55, 325), et baptisd (( T bodies )) les granules r~guli~rement espac~s le long du DNA. Une observation similaire avait dt~ faite par Woodcock (1973, J. Cell. Biol., 59, 368a). A peu pros

la m~me dpoque, Hewish et Burgoyne (1973, Biochem. Biophys. Res. Commun., 52, 475) d~crivaient I'existence, dans les noyaux de diverses cellules de mammi- f&res, d'une activit~ endonucl~asique d~- pendante des ions Ca ÷* et Mg ++ qui inter- f~rait avec leurs mesures de la synth~se du DNA dans les noyaux isolds. IIs s" aper- cevaient bien vite (Hewish et Burgoyne, 1973, ibidem, S2,504) que I'activation de rendonucl~ase se traduisait par une d~- gradation mdnag~e du DNA dans la chro- matine, produisant des fragments d'envi- ron 200 paires de base (pdb), ou multiples de cette taille. Un ph~nom&ne un peu sem- blable avait ~td observd par Williamson en 1970 (J. Mol. Biol., 51, 157). Hewish et Burgoyne proposaient rinterprdtation correcte, ~ savoir que des paquets d'his-

tones, rdguli~rement espac~s le long du DNA, le prot~gent de I'action endonuclda- sique. Dans le m6me temps, Van Holde et ses collaborateurs (1973, J. Biol. Chem., 248, 1080, et 1974, ibidem, 249, 152) montraient qu'une attaque mdnagde par la trypsine de la chromatine bridvement ddgrad~e par la nucl~ase de microcoque libdre des particules dont le coefficient de sddimentation dtait voisin de 125. Les donn~es les plus rdcentes, de O/ins et O/ins (1974, Science, 183, 330), Kornberg et Thomas (1974, Science, 184, 865) et No/I (1974, Nature, 251, 249) sont en accord avec la formulation plus precise du module des <( "t bodies )) propos6e par Kornberg (1974, Science, 184, 868), et dont le d~tail suit.

On sait qu'il existe 5 histones majeures maintenant rebaptis~es H I (tr~s riche en /ysine), H Ila et H / / b (riches en lysine), H III et H IV (riches en arginine). Des m~thodes d'isolement relativement douces lib~rent de la chromatine des agrd- gats d'histones (un t~tramdtre de 2 H III -t- 2 H IV ; et des agr~gats de H / l a et H lib que /'on peut mettre en dvidence par des mdthodes de pontage chimique (Kornberg et Thomas). II semble assez diff icile de r~aliser, ~ /'aide de nucl~ases, une d~gra- dation mdnagde de la chromatine isol~e. Mieux vaut, semble-t-il, I'attaquer dans les noyaux, soit ~ /'aide de I" endonucldase endog~ne ~ Ca +* et Mg** (Hewish et Bur- goyne), soit ~ /'aide de la nucl~ase de microcoque (No//). Apr~s ouverture des noyaux, on trouve a/ors une majoritd de particu/es de constante de s~dimentation voisine de 12S (analogues ~ celles trou- v~es par Sahasrabuddhe et Van Holde), ainsi que quelques dim~res, trim~res et t~tram~res. Quant au DNA, i l est coup~ en fragments dont les tai//es sont des mul- tiples de 200 pdb. En fait, la bande de plus petit poids mol~culaire obtenue apr~s ~lectrophor~se est double ; les segments de DNA correspondants ont des Iongueurs voisines de 170 et 205 pdb (No/I). L'en- semble des donn~es sur la fragmentation du DNA, la composition relative en his- tones de diffdrentes sortes et leurs pro- pri~tds d'agrdgation, les clichds obtenus par microscopie dlectronique, enfin, con- vergent vers les notions suivantes : Autour d'un noyau protdique constitud par 8 molecules d'histones (2 H / l a -F 2 H lib

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÷ 2 H I1! "t- 2 H IV) serait enroul~e une Iongueur de DNA correspondant ~ environ 200 pdb. L'ensemble constituerait un nucl~osome, et aurait I'apparence d'un << T body )). Lorsqu'on observe au micro- scope dlectronique de la chromatine iso- I~e, on s'aper~oit que deux corpuscules sont espac~s d'une distance pouvant cor- respondre ~ 35 pdb. Aussi certains aiment-ils ~ postuler que chaque cor- puscule contient en fair 170 pdb de DNA ; si respacement entre deux cor- puscules est de 35 pdb, on peut expli- quer I'existence mentionn~e plus haut de fragments de DNA de 170 et 205pdb apr~s d~gradation m~nag~e de la chro- matine. Toutefois, i l n'est pas impos- sible que I'espacement de 35 pdb entre deux corpuscules observd par microsco- pie ~lectronique ne soit qu'un artefact correspondant ~ un d~roulement partiel du DNA au cours de I'dtalement sur la grille. Un module dans lequel chaque corpuscule abriterait 200 pdb, deux corpuscules ~tant espac~s de 5 pdb, serait donc tout ~ fait ddfendable, d'autant que les observations faites par microscopie reposent presque routes sur I'dtude d'un matdriel d~pourvu d'histone H I.

Oudet, Be/lard et Chambon ont r~cem- ment rdussi ~ ~taler des noyaux directe- ment sur la gril le ; on observe a/ors une structure rdgu/i~re qui laisse penser, corn- me bien d'autres donn~es, que I'histone H I sert ~ ponter entre eux les diff~rents corpuscules pour les organiser en une sorte de cristal. Chambon et ses collabo- rateurs ont en outre rdussi ~ reconstituer un complexe histones- DNA d'ad~novirus qui a I'apparence de la chromatine avec des (( ~ bodies >> contenant environ 200 pdb. Les complexes DNA -histones sont en moyenne 7 fois plus courts que le DNA nu correspondant, en accord avec la th~o- rie que le DNA dans les << ~, bodies )> est enroul~ ~ I'extdrieur du noyau protdique. A /'appui de ceci Went le fair que le DNA extrait de noyaux traitds par la D/Vase pan- cr~atique et analys~ par dlectrophor~se dans des conditions d~naturantes, est coup~ en morceaux dont les tallies sont des multiples entiers de 10 nucl~otides (No~I). Une ~l~gante interpretation (Crick) consiste ~ postuler que ie DNA enroul~ autour des histones est coud~ ~ interval- les de 10 paires de bases, et que les coudes sont plus susceptibles ~ I'attaque endonucl~asique.

Les donn~es de microscopie diectro- nique indiquent que le DNA dans la chro- marine n'est pas uniformdment engagd dans ces corpuscules. Ceci soul~ve I' im- portante question de savoir si la distinc- tion faite par les cytologistes entre euchromatine (active) et hdt~rochroma- tine (inactive) correspond ~ rabsence ou

la presence de corpuscules le long du DNA. Si une telle correlation ~tait dtablie, i l faudrait y voir un progrds majeur dans I'analyse de la chromatine.

(Informations en pattie recueillies Iors de la r6union organis~e ~ Port-Cros par le Dr. G. Ber- nardi, en conclusion d'un cours de I'EMBO sur la g6n~tique rnol6culaire des organismes euca- ryotes ).

D6naturation et repliement des cha;nes prot6iques

La structure tridimensionnelle d'une prot~ine ne d~pend-elle que de I'encha~- nement de ses acides aminds ? L'exacti- tude de cette hypoth~se fut ~tablie, i l y a maintenant plus de dix ans, par White (1961 J. Biol. Chem., 235, 1353) et An- finsen et Haber (1961, i b i d e m , ~36, 1361), Iorsque ces chercheurs, apr~s avoir ddnatur~ la cha~ne prot~ique de la ribonucldase en urge, et rompu les ponts disulfures, rdussirent ~ renaturer ren- zyme.

II apparut alors possible de pr~voir par le calcul la structure tridimensionnelle d'une prot~ine ~ partir de sa seule struc- ture primaire. En d~pit de I'util isation de puissants ordinateurs, les recherches en ce sens n'aboutirent qu'~ bien peu de r~sultats. Elles dtaient fond~es sur I'hypo- thdse que la conformation native des pro- tdines est la p/us favoris~e au point de rue dnerg~tique (i.e., celle d'dnergie iibre la plus basse) : la m~thode suivie consis- tait donc ~ calculer I'dnergie de toutes ies conformations possibles pour une pro- t~ine, et de choisir ensuite la conforma- tion d'~nergie la plus basseo

Cette m~thode s'av~ra inadequate tant en pratique qu'en thdorie :

En pratique, le nombre de confor- mations th~oriquement possibles pour une prot~ine est si ~levd, et la nature des forces d'interaction entre acides amines si real connue, que le calcul de I'dnergie

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