La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

36
No 1 - l'remiére année t e r Décembre 1924 , , IL FAlJT ABOU'f!R A UNE NOUVELLE DERAT!ON DES DROITS DE L'HOMME SOl\1\A1 RI� Préface: J.-A. Soiffard, P.' Eluard, R. Vitrac. Rives : Oe(lrgio de Chirico, André Breton, Renée Gauthier. Textes surréalistes : Marcel Noll, Robert Desnos, Benjamin Péret, Oecrges Molklne, Paul Eluard, Chroniques : Louis Aragon, Philippe Soupault, Max Morise, Joseph Delteil, Francis Gérard, etc. Notts, Illustrations : Photos Man Ray. J.-A. Boiffard, S. B., Max Morise, Louis Aragon, Frnncis Gérard, Max Morise, O. de Chirico, Max Ernst. Le rêveur parmi les murailles : Pierre Reverdy, Andre Masson, Pablo Picasso, Pierre Naville, Robert Desnos. ABONNEMENT, les 1 1 Numéros : France : 45 francs Etranger: 55 francs Dépositaire génêral : Librairie GALLIMARD 15, Boulevard Raspail, 15 PARIS (VII•) LE NUMERO; France : 4 francs Étranger : 5 francs

description

Revolution surrealiste

Transcript of La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

Page 1: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

No 1 - l'remiére année ter Décembre 1924

,

,

IL

FAlJT

ABOU'f!R A UNE

NOUVELLE DECLARA T!ON

DES DROITS DE L'HOMME

SOl\1IV\A1 RI� Préface: J.-A. Soiffard, P.' Eluard, R. Vitrac.

Rives : Oe(lrgio de Chirico, André Breton, Renée Gauthier.

Textes surréalistes : Marcel Noll, Robert Desnos, Benjamin Péret,

Oecrges Molklne, Paul Eluard,

Chroniques : Louis Aragon, Philippe Soupault,

Max Morise, Joseph Delteil, Francis Gérard, etc.

Notts, Illustrations : Photos Man Ray.

J.-A. Boiffard, S. B., Max Morise, Louis Aragon, Frnncis Gérard,

Max Morise, O. de Chirico, Max Ernst.

Le rêveur parmi les murailles : Pierre Reverdy, Andre Masson, Pablo Picasso, Pierre Naville,

Robert Desnos.

ABONNEMENT, les 1 1 Numéros :

France : 45 francs Etranger: 55 francs

Dépositaire génêral : Librairie GALLIMARD 15, Boulevard Raspail, 15

PARIS (VII•)

• LE NUMERO;

France : 4 francs Étranger : 5 francs

Page 2: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

LA REVOLUTION SURREALISTE Directeurs :

J:>ierre NAVILLE et Benjamin J:>ÉRET 15, Rue de Grenelle

PAR1S (7c)

Le surréalisme ne se présente pas comrne l'exposition d'une doctrine. Certaines idées qui lui servent actuellement de point d'appui ne perniet­tent en rien de préjuger de son développement ultérieur. Ce premier numéro de la Révolution Surréaliste n'offre donc aucune révélation défi­nitive. Les résultats obtenus par l'écriture automatique, le récit de rêve, par exemple, y sont représentés, mais aucun résultat d'enquêtes, d'expé­riences ou de travaux n'y est encore consigné : il faut tout attendre de l'avenir.

Nous sommes

à la veille

d'une

RÉVOLUTION

Vous pouvez y

prendre part.

Le BUREAU CENTRAL

DE RECHERCHES SU RRÉALJ ST ES 15' Ru�A��S·�:enelle, est ouvert tous les jours de 4 h. 1/2 à 6 h. 1/2

Page 3: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

"

1

PREFACE

Le procès de la connaissance n'étant plus à faire, l'intelligence n'entrant plus en ligne de compte, le rêve seul laisse à l'hom1ne tous ses droits à la liberté. Grâce au rêve, la mort n'a plus de sens obscur et le sens de la vie devient indifférent.

Chaque matin, dans toutes les farnilles, les hon1rnes, les femmes et les enfants, S'ILS N'ON1' RIEN DE M!EllX A FAIRE, se racontent leurs rêves. Nous sommes tous à la merci du rêve et nous nous devons de subir son pouvoir à l'état de veille. C'est un tyran terrible habillé de n1iroirs et d'éclairs. Qu'est-ce que le papier et la plume, qu'est-ce qu'écrire, qu'est-ce que la poésie devant ce géant qui tient les muscles des nuages dans ses muscles ? Vous êtes là bégayant devant le serpent, ignorant les feuilles mortes et les pièges de verre, vous craignez pour votre fortune, pour yotre cœur et vos plaisirs et vous cherchez dans 1'01nbre de vos rêves tous les signes mathé­matiques qui vous rendront la mort plus naturelle. D'autres et ce sont les prophètes dirigent aveu- glémen t l e s forces de la

-- - · ----- - ··- -

nuit vers l'ave-nir, l ' a u r o r e parle par leur bouche, et le m o n d e r a v i s ' é p ouvante ou se félicite. Le surréalisme ouvre les por-

d � ' tes u reve a tous ceux pour

qui la nuit est avare. Le sur-réalisn1e est le carrefour des e n c h a n t e - n1ents du som-n1P.il. de r al- cool, du tabac, de l'éther, <le l'opium, de la cocaïne, Je la 1n o r p hi n e ; mais il est :tussi le briseur d� chaines, nous ne do:-1nons pas, nous ne buvons p a s , nous ne fu- 1nons pas, nous . ne prisons pas, ncus ne nous piquons pas e t nous rêvon�. et la rapidité des aiguilles des la1npes introduit dans nos cerveaux la merveilleuse éponge déAeurie de l'or. Ah! si les os étaient gonflés con1me des dirigeahlcs, nous vi:;i t'.:!rions les ténèbres de la Mer Morte. La route est une sentinelle dressée contre le vent qui nous enlace et nous fait trembler devant nos fragiles apparences de rubis. Vous, collés aux échos de nos oreilles com1ne la pieuvre-horloge au mur du ternps, vous pouvez inventer de pauvres histoires qui nous ferons sourire de nonchalance. Nous ne nous dérangeons plus, on a beau dire: l'idée du mouvement est avant tout une idée inerte *. et r arbre de la vitesse nous apparaît. Le cerveau tourne comme un ange e t nos paroles sont les grains de plomb qui tuent l'oiseau. Vous à qui la nature a donné le pouvoir d'ailumer l'élec­tricité à midi et de rester sous la pluie avec du soleil dans les yeux, vos actes sont gratuits, les nôtres sont rêvés. Tout est chuchotements, coïncidences, le silence et l'étincelle ravissent leur propre révélation. L'arbre chargé de viande qui surgit entre les pavés n'est surnaturel que dans notre étonnement, mais le temps de fermer les yeux, il attend l'inauguration.

* Berkeley

Page 4: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

' 1 !

1 ' ' 1 1

2 PRÉFACE

* * *

Toute découverte changeant la nature, la destination d'un objet ou d'un phénomène constitue un fait surréaliste. Entre Napoléon et le buste des phrénologues qui le représentent, il y a toutes les batailles de l'Empire. Loin de nous l'idée d'ex� ploiter ces images et de les modifier dans un sens qui pourrait faire croire à un progrès. Que de la distillation d'un liquide apparaisse l'alcool, le lait ou le gaz d'éclairage autant d'irnages satisfaisantes et d'inventions sans valeur. Nulle transformation n'a lieu mais pourtant, encre invisible, celui qui écrit sera compté parmi les absents. Solitude de l'amour, l'homme couché sur toi corr,met un crime perpétuel et fatal. Solitude d'écrire l'on ne te connaîtra plus en vain, tes victimes happées par un engre� nage d'étoiles viol en tes, ressuscitent en elles�mêmes.

Nous constatons l'exaltation surréaliste des mystiques, des inv:enteurs et des prophètes et nous passons.

On trouvera d'ailleurs dans cette revue des chroniques de l'invention, de la mode, de la vie, des beau�arts et de la magie. La mode y sera traitée selon la gravi­tation des lettres blanches sur les chairs nocturnes, la vie selon les partages du jour et des parfums, l'invention selon les joueurs, les beaux...arts selon le patin qui dit :

« orage ll aux cloches du cèdre centenaire et la magie selon le mouvement des sphères dans des yeux aveugles.

Déjà les automates se multiplient et rêvent. Dans les cafés, ils demandent vite de quoi écrire, les veines du marbre sont les graphiques de leur évasion et leurs voitures vont seules au Bois.

La Révolution ... la Révolution ... Le réalisme, c'est émonder les arbres, le surréalisme, c'est émonder la vie.

].-A. Bo1FFARD, P. ELUARD, R. VITRAC.

ENQUÊTE

La Révolution Surréaliste .�'adressant indistinctement à tous, ouvre l'enquête suivante :

On vit, on meurt. Quelle est la part de la volonté en tout cela ? Il semble qu'on se tue comme on rêve. Ce n'est pas une question morale que nous posons :

LE SUICIDE EST-IL UNE SOLUTION?

.l .es réponses reçues au Bu.rcan r!e l?cd1crcllcs Snrr.·alistcs, 15, rue de Grenelle, seronL publiées à pat'! ir de Janvier dans la Flévo!nti·ln Su.rréaliste.

Page 5: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

RÊVES

Giorgio de Chirico :

En vain je lutte avec l'homme aux yeux louches et très doux. Chaque fois que je l'étreins il se dégage en écartant doucement les bras et ces bras ont une force inouïe, une puissance incalculable; ils �ont comme des leviers irré­sistibles, comn1c ces marhines toutes-puissantes, ces grues gigantesques gui soulèvent sur le fourmillement des chantiers des quartiers de forteresses flottantes aux tourelles lourdes comn1e les mamelles de mam1nifères antédiluviens. En vain je lutte avec l'ho1nme au regard très doux et louche; de chaque étreinte, pour furieuse qu'elle soit, il se dégage doucen1ent en sour;ant et en écartant à peine les bras ... C'est mon père qui 1n'apparaît ainsi en rêve et pourtant quand je Je regarde il n'est pas tout à fait con1n1e je Je voyais de son vivant, au ten1ps de 1non enfance. Et pourtant c'est lui; il y a quelque chose de plus lointain dans toute l'expression de sa figure, quelque chose qui existait peut-être quand je le voyais vivant et qui n1aintenant, après plus de vingt ans, n1'apparaît dans toute sa puissanre quand je le revois en rêve.

La lutte se termine par n1on abandon; 7e renonce ; puis les images se confondent; le fleuve (le Pô ou Je Pénée) que pendant la lutte je pressentais couler près de 111oi s'asson1brit; les in1ages se confo11clent cornn1e si des nuages orageux étaient descend us très bas sur la terre ; il y a eu intennezzo, pendant lequel je rf>vc peut­être encore, mais je ne nie souviens de rien, que de recherches angoissantes ie long de rues obscures, quand Je rêve s'éclaircit de nouveau. Je rnc trouve sur une place d'une grande beauté 111étaphysique; c'est la piazza Cavour à Florence peut-être; ou peut-être au5si une de ces très belles places de Turin, ou peu t-êtrc aussi ni l'une ni l'autre ; on voit d'un côté des portiques surmontés par des apparternents aux volets clos, des balcons solennels. f\ l'horizon on voit des collines avec des villas ; sur la place Je ciel est très clair, lavé par l'orage, n1ais cependant Gn sent que Je soleil décline car !es ombres des maisons et des très rares passants sont très Jongues sur la place. Je regarde vers les collines où se pressent les derniers nuages de l'orage qui fuit; les villas par endroits sont toutes blanches et ont quelque chose de solcnnc;I et de sépulcral, vues contre Je rideau Li ès noir du ciel en cc point. Tout à coup je me trouve sous les portiques, mêlé à un groupe de personnes qui se pressent à la porte d'une pâtisserie aux étages bondés de gâteaux niulticolorcs ; la foule se presse et regarde dedans comme aux portes des ph;:ir­macics quand on y porte Je passant blessé ou tombé malade dans la rue; mais voilà qu'en

regardant moi aussi _1e vois de dos mon père qui, debout au n1llicu de la pâtisserie, 1nangc un gâteau; cependant je ne sais si c'est pour lui que la foule se presse ; une certaine angoisse alors n1e saisit et j'ai envie de fuir vers l'ouest dans un pays plus hospitalier et nouveau, et en 1nê111c temps je cherche sous mes habits un poignard, ou une dague, car il me scrnblc qu'un danger menace 111on père dans ccttè pâtis.'erie et je sens que si j'y entre, la dague ou le poignard me sont indispensables con1n1e lorsqu'on entre dans le repaire des bandits, mais n1on angoisse augmente et subitement la foule me serre de près c9n11ne un rernous et n1'cntraînc vers les collines; j',li l'i111pression que n1on père n'est plus clans la pâtissene, qu'il fuit, qu'on va le poursuivre con1111c un voleur, et je me réveille clans J'angoisse de cette pensée.

André Breton

I

La pre1nière partie de cc rêve est consac1 éc à la réalisation et à la présentation d'un costun1e. Le visage de la fe1nn1e auquel il est. destiné doit y jouer Je rôle d'un n1otif ornemental simple, de l'ordre. de ceux qui entrent plusieurs fois clans une grille de balcon, ou dans un cachemire. Les pièces du visage (yeux, cheveux, oreille, nez, bouche et les divers sillons) sont très finement assemblées par des lignes de couleurs légères : on songe à certains 1nasqucs de la Nouvelle-Guinée mais celui ci est d'une cxécu tion beaucoup n1oins barbare. La vérité hurnaine des traits ne s'en trouve pas n1oins attén11ée et la répétition à diverses reprises sur Je costume, notamment clans le chapeau, de cet élé111ent pure1ncnt décoratif ne pennet pas plus de le considérer seul et de lui prêter une vie qu'à un enscrnble de veines clans un rnarbre unifonnérnent veiné. La fonnc du costume est telle qu'elle ne laisse en rien subsister, la silhouette humaine. C'est, par excrnplc, un triangle équilatéral.

Je n1c perds dans sa contemplation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En dernier lieu je rcrnonte, à Pantin, la route d' Au bcrviliiers clans la clü ection de la :Mairie lorsque, devant une 111aison que j'ai habitée, je rejoins un enterrcrnent qui, à nia grande surprise, se dirige dans Je sens opposé à celui d'l Cünetièrc parisien. Je me trouve bientôt à la hauteur du corbillard. Sur Je cercueil un hon1n1c d'un certain âge, extrêmement pâle, en grand deuil et coiffé d'un chapeau haut de forn1c, qui ne peut être que le 1nort, est assis et, se tournant altcrnative1ncnt à gauche et à droite, rend leur salut aux passants_ Le cortège pénètre dans la man ufacturc d'allu­mettes.

Page 6: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

+ RÊVES

Il

J'arrive :\ l'aris cl clr;11·c11<ls l'escalier d'une gare asse?. scmhl:lhlc :\ la i:arc clc I' 1-:St. J'éprouve 1 l

. I' . ' • • e >esom < uruH r cl 111 apprctc a lr.1\'1·rscr la plac�. de l'autre cê1té 11 ! ta11ucllc je sais pouvoir ntc satisfaire locsqu'à quelques pas 1 le 111oi et sur l e n1ên1c 1 roll oir, JC dé1·ouvrc un urinuir de petites dilllCllSiOns, cJ'1111 CllndèJe nOU\'C:lU cl [ort éléi.:anl. Je n'y sui!\ pas plus t(1t qur je constalc kt 111oliililé clc cet uriuoir l'i 11uc je prc11cls con-. . . . scwncc, co1111ue JC n y ;uns pas seul, d<:s incon· véni1·11t� <le 1·c·llc 11111hililé. 1\pri·s tci111. 1:\•st 11n véhicule comllll' un :111trc et je prends le parti de rcstc·r s11r l:i plalc·ror1111" C'csl clc 1:\ q11e j'as�istc :\llX t�\'<)lt1l Î(ll\� i11<Jl1itol:l11I\·�, 11<J1l loi11 1lc 11f>1.1s, <l'lll\ SCClJllfl (C 11ri11<•Ïr•\'(1l;111t JI $Cllllll.tl>lc ;111 111\1 rc. N1' p 11·,·c11:111t pa� ;, altin:r l'ai Len lion tic ll1l'S cn·\'oyagc11rs s11r s:L 111:irrhc ch'•so1·1lonnéc et le· l'(·ril q11't•llc r:iit· courir a11x pi.!ton�. je clcscencls en 111:.rc·hc cl r(·ussis :\ p<'rsuaclcr le conducteur i111pn1dnt1: d'ab:111tlr1n11l·r son siège et de 111c suivre. C'csL 1111 ho111111c clc moins de t1c11tc a11s "lui, interrogé, se 111onta·c plus 1111'évasif. Il se donne pour 1néclcdn militaire, il est· bi<.n en possession d'un pcnnis de conduire. F.t1angcr à I;< ville où 11ous son1111cs il <léclarc ;arriver • de la brousse • sans pOu\'Oir autrement préciser. Tout 1néclecin qu'il est, j'essaie de le convaincre qu'il

peul être 111:\laclc niais il n1'énl1· 1nère les sy1nptômes d'un grand nombre de 1naladics, en con1mcn­çant par les d11Tércntcs fièvres : sy1nptôn1c� qu'il ne prbcntc pas, qui !l-Olll <!'ailleur� de l'ordre cli· nicp1c le plus simple. Il lcrn1inc !<on exposé par ces 1uots : • Tout au plus suis-je peut être paralyti· que général. • L'exan1en de s••s réflexes, que je pratique au�sitôt, n·cst pas concluant (rotulien nor· mal, achillécn dit lentli11e11:r dans le rêve, rail.ile). J'oulilic de dire que nous nous �omincs arrêtés au seuil d'une n1aison lilanehe et que mon intcrloculcl1r 111011tc et descend à chnquc inslant le pc·r­rnn haut d'un étage. Po·1rsuivant n1on in Lcrro�:11.o i l'l', je m 'c fTorcc en vain de cm1naîtrc l'emploi de son telllps « tl:u1s l:t Lu·oussc >. Au cours d' nnc 11011vcllc asc:cn· sion du perron, il finit par se rap· peler qu'il ''fait b'l b:;s une col lec­tion. J'insiste pour savoir bcp1cllc. " Uno c<>lleclion de ci11q crc · vct tes. • Il rctll'sccncl : « Je vous avoue, cher :uni, C'JUC j'.1i très fai111 •

cl cc disant il ouvre une vafo;c de paille 11 laquelle i•• n'avais pas encore p1·is garde. 11 1:11 profile pour

me donner à admirer s:1 collection <1ui se con1pose bien de ci1H1 crevettes, cle lailks fort in('j!alcs et d'apparence fossile (la carapace, chu cic, c�l vide e t absolun1cnl transparente). �lais tl'innocn­hrahlcs carapaces intactc3 glissent ;, terre, quand il soulè,·e le con1par1i1ncnt su1>éricur de l.1 valise. Et con1111e je 1n'étonnc : • Non, il n')' en a lJUC ci1i.1 : cdlcs-lii. • Du fond de la \•,1lise il cxtr.1it encore un r.1hlc de lapin rùt i cl san auc r,· sci·ours que l'clui cle ses nnins, il se n1cl la. n1;1111;1:1 en ràclan t des ongles cb part et d'autre de l.1 c�lonnc \'c-rtéhr:tle. La chair est dislrihuéc en longs fib· n:tnts comme celle iles r:1its l'l elle Jl"raîl .Jtre de consist:H1ce pf11c11!lc. Je supporte niai :e �pC<'laclc Cocn::urant. Aprl's un asse?. lung silence 111011 compagnon 111e dit : • Vous 1cconnaîtrci toujours les cri111i11cls à leurs bijoux i111111c:ascs. HHppclcz-vous bien qu'il n'y a pas de 1nort : il n'y a que des sens rctotJC'nablos. "

J li

C'est le soir, chez nioi. Picasso se Lient au fond du divan, clans l'angle des deux 111111�, 1nais c'est Pic.1.sso clans l'état intcrmécliair<: entre son éta.t actu:'I et celui de son func après sr. n1ort. li dessine distraitement sur un ciilcpin. Chaque page ne co1nportc que quelques traits rapides et l'énorn1e

Page 7: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

RÊVES 5

mention du prix demandé : 150 fr. Il répond à peine et ne paraît pas ému à l'idée que j'aie pu 1ne renseigner sur l'en1ploi de son ten1ps à Beg­:Meil, où je suis arrivé pe� après son départ. L'ombre d'Apollinaire est a�1ss1 dans cette pièce, debout contre ia porte elle paraît so1nbre et pleine d'arrière-pensées. Elle çonsent à ce que je sorte avec elle; sa destination m'est inconnue. En chemin je brûle d'envie de lui poser une ques­tion, une question d'in1portance, faute de pouvoir vraiment m'entretenir avec elle. Ivra;s· que n1'in1-porte-t-il, par-dessus tout, de savoir ? Aussi bien ne satisfera-t-elle sans doute ma curiosité qu'une fois. A quoi bon m'informer auprès d' Apol­linaire de ce qu'il est advenu de ses opinions politiques depuis sa mort, m'assurer qu'il n'est plus patriote, etc. ? Après mûre réflexion je me décide à lui demander ce qu'il pense de lui-n1ên1e tel que nous le connûmes, de ce plus ou n1oins grand poète qu'il fut. C'est, je crois, la seconde fois qu'on l'interroge en ce sens et je tiens à m'en excuser. Estime-t-il que sa n1ort fut préma­turée, jouit-il un peu de sa gloire . «Non et non. »

Quand il pense à Apollinaire il avoue que c'est comme à quelqu'un d'étranger à lui-mên1e et pour qui il ne ressent qu'une banale syn1pathie. Nous allons nous engager dans une voie ro1naine et je crois savoir où l' on1bre veut 1ne 1nener (elle ne 111'étonnera décidén1cnt pas, j'en suis assez fier). A l'autre cxtré111ité de cette voie se trouve en effet une maison qui tient clans ma vie une place considérable. Un cadavre y repose &ur un lit et autour de ce lit, qui baigne dans la phos­phorescence, ont lieu à certaines époques des phé­nomènes hallucinatoires dont j'ai été téi11oin. ]'dais nous son11nes loin d'être arrivés et déjà l'ombre pousse clevan t elle les deux battants encadrés de boutons d'or d'une porte rouge sombre. J'y suis, cc n'est encore que le bordel. Incapable de la faire changer de résolution, je prends à regret congé de l'ombre et reviens sur n1es pas. Je suis bientôt aux prises avec sept ou huit jeunes femmes, qui se sont détachées d'un groupe que je distingue 111al sur le côté gauche et qui, les bras tendus, me barrent la route (i elles quatre. Elles veulent à tout prix me faire rebrousser chemin. Je finis par m'en défaire à force de com­pliments et de promesses plus lâches les uns que les autres. J'ai pris place maintenant dans un train en face d'une jeune fille en deuil qui s'est, paraît-il, mal conduite, et à qui sa mèrè fait la morale. Elle a encore un nloyen de se repentir mais elle reste à peu près silencieuse.

Renée Gauthier :

Je suis dans un champ avec Jim. Il veut n1e cueillir un fruit dans la haie bordant le champ, un fruit qui me semble être une noix. Elle n'est pas assez müre, je n'en veux pas. Pour qu'elle

murisse il cherche à la recoller à la branche d'où il l'a détachée. Je n'ai pas le temps de lui dire que c'est insensé : il pose le fruit qui ton1be de l'autre côté de la haie. Un jeune homme qui passe et que je crois reconnaître, le voyant désolé lui rainasse une noix, mais Jim lui dit: cc Pas celle·ci, non, cette pêche. ll Le jeune homme troùve la pêche et la donne à Jim qui me l'offre puis il part en gesticulant et en affirn1ant qu'une noix tombée d'un noyer, devient une pêche quand elle a touché terre.

Jim et moi, avançons dans le champ de blé. Nous suivons l'allée centrale. J'aperçois au bout des pots de reines-marguerites multicolores. Cela n1'intrigue, mais je n'ai pas le temps de m'en occuper, mon con1pagnon est tellement amoureux que ses caresses me font tout oublier. Je ne songe qu'à chercher un endroit propice pour faire !'an1our. Nous nous étendons au creux d'un sillon ; n1ais tout n1on plaisir est gâté, car je m'aperçois que la terre humide salit la belle pelisse de lapin blanc qui le recouvre. Je me lève donc et n1'éloigne à la recherche d'un endroit plus sec. Je découvre au bout du sillon un chassis de pépiniériste peir1t en noir. Autour, écrits en noir sur la terre jaune et encadrés de chaux je lis ces n1ots : « Une bête venitneuse et assoiffée a sucé tout le sang de n1a petite nièce âgée de six mois, qui en est morte. A sept heures ce soir des can1élias fauves entoureront le corps de ma nièce rnortc. " Très intriguée j'appelle Jin1. En lisant cela, i 1 hoche tristen1ent la tête. Alors je comprends pourquoi j'ai vu des rc1nes-111arguerites. lVJais tout à coup je 1n'apcrçois que Jin1 qui est devant moi a sa braguette ouverte à la façon d'un taber­nacle J'essaie de repousser les deux petites portes car j'aperçois le jeune h01nme qui nous avait parlé tout à l'heure de l'autre côté de la haie (il glane tout près de là) rnais les gon.ds sont rouillés et je suis süre à cette 1ninute qu'il faut, qu'il nous faut absolument trouve1 un enôroit ::cc entre deux sillons. Tout à coup j'entends des cris, des appels. Je regarde dans cette direction, et tout au bout du champ, rar un passage que j'ai connu dans ma jeunesse, je vois se faufiler le jeune homme que j'ai déjà vu tout à-l'heure. Il a

volé quelque chose. Des femmes dans un champ voisin crient : cc Au voleur ! ii et, courant de toute la vitesse de ses jambes un garçon de café le poursuit. Jim et moi, nous dirigeons de ce côté pour voir cc qui va arriver. Rendus au passage, nous sommes repoussés, jetés à terre, balayés littéralement par une chasse-galerie (1). En même

(1) Ceci est un 111ystCrc de 111011 e11fa.nce. Ma n1�rc qui n1'a sou\•c11t e:tîrayée et1 111c r;tc<>t1ta11t qu'elle avait c11tc11du le bruit de };i cbasse-galeric n'a ja111ais pt1 111'cxpliqucr e11 quoi elle co11sistait. Cc so11t. d1aprCs elle, ses bruits é11orn1es, asso urd.is­sants d'l10111n1cs et de bêtf!S 111011str11c11scs qui passe11t dans les airs à u11c certaine date de l'an11ée. Qua11d 011 )es e11ten(l 011 <loh s'ëtendre a plat-ventre sur le sol et se boucher les oreil les.

Page 8: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

6 RéYES

temps je vois le jeune homme franchir à nouveau le passage. li est poursuivi par un chi en énorme. Je le suis des yeux une minute puis je vois l'homme s'envoler et le cbien faire un bond formidable et

1<:ton1ber à terre où i! reste sans mouvement. Je cherche J'hom1ne dans le ciel. Je vois, et Jin1 voit en mên1e temps que nioi, un g 1 and oiseau, 1nair; je 1ne rends cornpte aussitôt que c'est Je premier d'une bande laquelle m'npparaît déployée en éventail. Ils sont au n1oins une centaine. Ils " oient lente1nent comme ces ba11dcs d'oiseaux qu'on aperçoit en 1ner. Je les dénombre en une seconde. Ils sont 85. Ils passent non loin de nous e• abaissent leur vol. Nous voyons alors que ce s ont de beaux oiseaux absolument blancs, à l'exeeplion du cou et d'une partie des pattes; ils ont, au bout des pattes, des pieds exlrCmement longs et presque cylindriques, des pie<ls en pain de sucre. Et la symét rie des plumes noires et des plun1es blanches me fait croire que ces oiseaux portaient des soulit\rS de clai1r1 noirs avec des brides sur le cou-de-pied et des lani�rcs autour de la cbeville, conune ceux que portent les femn1es. Ces oiseaux me semblaient chaussés et cr avatés do n oir. Leurs pieds se balancent au-dessous d'eux.

- On jurerait des sportsmen faisant du ski dans les airs, me !lit Jim.

Je les vois descendre Jentcn1cnt derri ère la haie et les grands chênes du pré voisin. lis s'abattent d'un s'!ul coup. Jim 1ne dit :

- Viens donc, s'ils se couchent tu pourras peut-être leur voler une paire de souliers.

Nous courons dans leur direction. Ils sont là picorant l'herbe. Nous nous approchons dou­cement. Je prends la canne <le Jin1 pour en tuer un qui ne bouge pas, mai s à mesure que je n1'approche de lui il s'éloigne. li en est de même pour les autres. Enfin ie n'en vois plus qu'un très grand et je 1n'élancc sur lui ... Je me vois debout, appuyéP. sur sa poi trine. li a maintenant la i·êtc d' un ho1nme, n1�is ses l;ras sont des ailes qui se fern1ent, s'ouvrent et se refcrn1ent sur nioi. Je c hante à tue-tête :

- C'est un oiseau qui bat de l'aile ... (air de : C'est 11n oiseau qui vie11t de Franc<! ... )

Tout à coup je me sens allongée près de lui, la tête sur sa poitrine. Jlllon cœur et mes tempes battent très fort. Je viens d'être sa maîtresse. Avec le bout d'un d e ses grands pieds il 1ne relève le n1cnt on, me forçant à détou rner la tête. Je vois alors Jin1 h1tter désespérément avec un d es oiseaux. Celui-ci avec ses pieds dé1nesurés, cherche à étrangler le garçon de caf�, q ui avait poursuivi un voleur , en criant :

- Tu as notre unifor111e, mais tu n'es p:is de notre congrégation. Le garçon de café quitte son gi let noir et ses souliers pour ne plus être en noir et blanc. Je me tourne vers n1on oiseau-hom1ne qui répète :

- Je resterai une semaine ici ... je resterai ttne semaine ici ... oui, Otti, oui ...

Page 9: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SURRÉALISTES

Marcel Noll :

L'or chantant, l'or saign�u• t, l'or blessant, l'or chevauchant, l'or s'enivran t, voici l'oroison du quatrième linge de Saint-Malthus 1 1-'l tour penchée qui m'abr ite, air pur et soleil du son, ô an,our, vos habits brillants 1n'attendcnt au dortoir. Petites âmes, cristal, cris tal, ô an1 our, je dors et je dors. La milliardaire n1e protège et l'aigrette du chapeau de la dame d'en face nie co11tc ses aventures. Roses rouges que l' on écrase entre les dents, le soir venu : une bataille où l'héroïsme fait figure de heurtoir! Flots de 111unnurcs qui retombent en cendre fine comn1c le duvet sur Je cr âne cntr'ouvcrt d'un nouveau-né. Si tu avais à choisir entre la mort et une pcnto dorée, c'est la pente que tu chois1ra1s. Eh hien, tu parles d'un appar eil respiratoire ! Voici le la ngage qui se déplje, déplie comn'e s'il allait s'en­voler. Q11'cst-clle devenue, la belle silencieuse qui me berçait au bois, un jour de canicu le ? Vo ici le sang qui coule dans ses vein<:s, Je sang qui entour e !.es yeux, le sang qui roule de pelites bulles brillantes et des bribes de brebis vers les bocaux de brocart 1 Le parntonncrre du silcucc 1nugit sous les cris d'11n n'istral lointain,

cl les lions sont proches. Donncz-no11s la distrac­tion du requin qui, ayant une dcn1i-douzaine de harpons clans sa peau d"un 1nètrc et t!en1i d'é paisseur s'offre en specta cle en exécut ant des danses occultes. Luxure et coups de poignard appuyés snr le co1nptoir d'un bar. Le rort n'est pas loi n, et les tonneaux s'enlacent avant de partir. Les sing es et les journaux quotidiens �·en donnent à cœur joie, et le linge s'envole vers le lustre qui jette des regards candides à 1' cscalier dtlrobé, à la sortie secrète.

Il est six heures et clc111ic au cacl ran des GTancle Ea.ux. li n'y a rien cl'�trnngi:: dans le fait d'assas­siner le vieil ho1111nc. Gran d Soir, cr.la veut dire : yeux hagards, crépusc-ulc, puis l'inévitable gouffre à-tripes. Cela veut dire encore: et je suis faible. (Un cœnr apparaît so11d:11n dans un hngc pré­cieux, et �e 1net à sa1gnc-r.)

Les cartes qui viennen t d'être. caressées par mes niains s'annoncent e on1m c étant tcrri­blc1nent ravageuses. - Les eriseignes se décro­d1ent difficilcm<'n t, •:t le fou du p::i.ss age Vcrclcan co urt toujours. C'est g;\ns doute it ca11sc de cc dernier qu'il rn'cst impossible d'avancer nies pions.

Robert n1:snos :

J .'éLoi le tlu Norù i1 l'ôLoilc du Sud envoie co télégran1mc : • <ll-copilll il l 'insl anl la co1nèlo rouge et l a con1�LC' violcllc qui Lr lrahi�cnl. -L'étoile du Nord. • l.'(•loilo du Sud as.w111hrit. son regard cl poncho sa têlc hrunr sur son cou char111anL. Lo ri•gimcn L féminir1 des comi'LO!I :\ ses pieds s'1\1nusn l'L voltige ; jolis canaris clans la c11gc de� éclipses. ncvri\-L-olln cl&parnr s on 1nobilc trésor tlc sa bcllo rougi·, de sa hello violette i' Ces 1lcux eonu)les ' lui, légèrernonL, dès cin11 l1curr.11 du soir, rclèvcnL une ,iupc do laffclas sur un genou de lune. La hclle rouge aux lèvres hurnidcs, nrnic iles adultt! rcs et que plus d' un amant délaissé découvrit, blottie dans son lit, lrs cils lorij?� <'L rciii11<1nl d't-lrc inanirné", la hclle rouge enfin 011 .x robes bleu so1nbrc, aux yeux bleu so1nhrt', au cœur bltlu so1nbrc com1ne une 111 é dusc pcrdur, loin de loutes les c.JLes, dans un courant t ii•dc hanté par kR baleoux fantôn1es. E� la belle violc:ttc don� l lu belle

Page 10: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SURRÉALISTES

violette aux cheveux roux, à la belle violette, au lobe des oreilles écarlate, mangeuse d'o ursins, et dont les crimes prestigieux ont lentemen� déposé des larmes d'un sang admirabie ot admiré des cieux entiers sur sa robe, sur sa précieuse robe. Les étranglera-t- elle de ses doigts C:e dia­mant, elle la charmante étoile du Sud, suivant lé perfide conseil de l'étoile du Nord, la magique, tentatrice et adorable étoile du Nord dont un diamant rempl ace le téton à la pointe d'un sein chaud et blanc comme le reflet. du soleil à midi ?

Timonières, comètes violette et rouge, timo­nières du bateau fantôme où guidez-vous votre cargaison de putains et de squ dettes dont le superbe accouplement apporte aux régions riue vous travet>sez le réconfort de l'amour éternel ? Séductrices l La voilette de la violette est le filet de pêche et le genou de la rouge sett de boussole. Les putains du bateau fantôme sont quatre vingt-quatre dent voici quelq ues noms : Hose, l\1ystère, Etreinte, Minui t, Po lice, Directe, Folle, Et cœur et pique, De moi, De loin, .Assez, L'or, Le verre vert, Le murmure, La galandine et La mère-des-rois qui compte à peine seize années, de celles que l'on nomine les belles années. En désespmr de cause les squelettes de l' Armada livrent combat à ceux de la 111 édusc.

La haut., dans Je ciel, flott ent les méduses dispersées.

Avant que de devenir con1ète l 'étoile du Sud à l 'étoile du Nord envoie ce télégramme : ;c Plonge Je ciel dans tes icebergs ! justice est faite -L'étoile du Sud ».

Perfide étoile du Nord ! 1'roublanLe éLoile du Sud 1\clorables ! Adorables !

Guillaume le Conquérant, celui mr1ne qui découvrit la loi d'attraction des bateaux, Guillaume Je Conquérant est enterré non loin d'ici. Un fossoyeur s'assied sur une Lon1be. Il a déjà quatre- vingts ans depui s Je début de cc récit. Il n'attend pas longtemps. D'une taupi­nière à ses pieds sort une lu1nière verclâtré , qui ne l'étonne guère lui, habitué au silence, à l'oubli et au crime "et qui ne connaît dr la vie que le doux bourdonnen1ent qui accon1pagne la ch ute perpendiculaire du soleil au mo1nent ou, -serrées l'une contre l'autre les aiguilles de la pendule fatiguées d'attendre la nuit appellent inutilement du cri fatidique douze fois répété Je violet défilé des spectres et des fantômes retenuE loin de là, dans un lit de hasard, entre l'amour et Je mystère au pied de la liberLé bras ouverts contre le mur. Le fossoyeur se souvient que c'est lui qui jadis alors que ses oreilles ne tressailiaient guère tua il cet endr.:iit la taupe reine dont la fourrure

immense revêtit tour à tour ses maîtresses d'une armure de fer mille fois plus redoutable que la fameuse tunique de Nessus et contre laquelle ses baisers pFenaient la consistance de la glace et dL1 verre rt dans le ch am frem de laq uel le durant des nuits et des nuits il constata la fuite lente et régulière de �es cheveux Joués d'une vie inîernale. Les funérailles les plus illustres se prolongèrent à l'attendre. Quand il arriva1t les assistants a.Yaient vieilli �ertains et parfois même les croque-morts et les pleureuses étaient décédés. Il les jetait pêle-mêle dans la fosse réservée à un seul et glorieux mort sans que personne osât protester tant l'auréole verte de ses c heveux imposait silence et respect aux porte . deuil. },fais voici qu'avec le minuit anni­versaire de la mort de GuilJau1ne le Conquérant le dernier cheveu est parti laissant un trou, un trou noir dans son crâne tandis qnü la lumif>re verte irradiait de la taupinière.

Et voici que, précédées par le lent grincement drs serrures forcées arrivent les funérailles du Afystère sui>ies par les clefs en bataillons serrés.

Giorgio de Chi 1·ico.

Elles sont lit to utes, celles qui ton1bèrent aux mains des espions , celle que l'amant assassin brisa dans la serrure en s'en allant, cello que le justicier jeta dans la rivière après avoir défini­tiven1ent fermé la porte des représailles , les clefs d'or des geôliers volées var les captifs, les clefs des vilies vendues à l'ennemi par les vierges blondes, par la vierge blonde, les clefs de dia­mant des ceintures de chasteté, les clefs des coffres forts viùés à l'insu des banquiers par un

aventurier, celles que, sans bruit le jeune et

-'

Page 11: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXT E S SURRÉALI STES 9

idéal conquérant r1?tire de l a serrure pour, d 'un œil guetter le coucher de la vierge blonde.

Et tandis crue les cieux: retentissaient du bruit. d es serrures divines fern1ées.en h âte le lossoy eur, le fossoyeur ino urait sous l ' entasse1nent canni­b ale des clefs, sur l a ton1be ;l e Guillaun1e le Conquérant, tandis que, daus la taupinière, à l a lun1iére verte, se déroulaient les funérailles de l a fourini d' or, la serrure dei> intelligences.

Benjatnin Péret

Le nwnsieur obèse. - Par le savon Pahn olive , je n e vous saluerai pas n1onsieur et ce nuage qui transporte à nion frère une cargaison de fleurs d'oran ger vous crèvera sur la tête avant qu'une seconde soit ton1bée clans le panier rein pli de sel de la guillotine où j e souhaite qu-; tu t'enclorn1es ce so1r.

JVr:stor. - Crapaud de lai t ai gre, tourne autour d'une étoile j usqu'à la fin des oiseaux, cc qui n e manquera pas d 'arriver avant que la plu1ne que tu vois au dessus d e cc pachydern1e ait repris sa fonne prin1itive de cabaret n1al fa1né.

Le monsieur obèse. - C'est à n1oi . vagu e de safran, que tu oses parler sur ce ton de chenille à la recherche d'un œi l .

JVes!or. - Ran1pc. Le 1ncnsieur obèse. - Voilà l e plus beau des

chênes- l iège, celui don t l'ocr.ipu t est un n1éta l n1alléable et qui se donne des airs de chan1pignon

' ' venen cux. l'lestor. - Depuis que le n1onclc est une coupe

d e chan1pagne, les chenil les et les plun1assières obéissent à la loi de Newto_n qui leur ordonne de laver l a vaisselle des officiers avec des feuilles de cactus. Le sais-tu, oreille de radis ?

Le 1nonsieur obèse. - Encore, pourri ture céleste ! Tu te pern1ets de prendre le visage de la sali ère afin de pouvoîr aller d'une urne à l 'autre avec de gran ds airs de cigarette anglaise, mais tu sais bien que les vol on tés de ia vapeu r n e se pcuven t transgresser par personne, pas 1nên1e par une 1nécan iquc d' osier, pas n1ên1e par une horloge molle, pas même par toi q ui n ' est ni cette méca­nique d' occasi on , 111 cette horloge d e réparation, ni rien autre chose g u'un aspec-.t de la porcel ai n e dans ses diversrs transfonnations . A propos, connais-tu les diverses transforn1ations de l a porcelain e ? Non , n'est-ce pas ! Eh bien, j e vais te les ap prendre :

I" Avant d e naître, la porcelaine n'est autre que cette brume légère qui affecte la forn1e d'un d é à coudre et d'une brosse à den ts la nuit. Puis,

un j our, par l ' intervention de :Marie . . . JVestor. - Ii:al te ! I l y a d ès ravins o ù se

tucn t l es cheveux bruns. Le 111onsieur obèse. - . . la porcelaine devicn t

une bobine bri l lante, tu sais ! tire la BOBINETTE

et la chevillette cherra . . . Alors, passe une danseuse de n1usic-hall fardée de soupirs et de passion . Elle tire la bobinette et la porcelaine apparaît à ses yeux éblouis. Cc n'est plus ce sourire n1élan­colique que tu as d éjà vu dans ies tirs forain s , 1nais une b lancheur con1parable à l' effet de la pluie sur une plante qui 1neurt de. sécheresse, ou b ien encore à la chute d'un chat qui , to1nbé cl' . , rt ' ( ' l un q ua.tnen1c e ·age est c :onne c c se retrouver vivant sur le toit d'un tra1nway qui le conduit extra-muros, au n1i lieu des loups et des barques de p êch e .

'' A propos de pêche voici co1nn1ent j 'ai connu Julie . . .

Nestor. - Quoi, Julie ? Le 1nonsiew· obf.se. -- Oui, le pou ovale dont

la n oblcsse est le plus sùr garan t d e 1na vertu . . . " Donc, j e pêchais sur le bord d'une rivière ,

dont les eaux en1portées par le vent tombaient, sur une colline voi sine, sous forn1c de pon1n1es pourries, à la grande j oie des n1i ll iers d e porcs et d' escargots viol ets qui la gardai ent jalouse­n1en t .

Naturcllcn1en t j"'avais fait u n e pêche abondan te, si abondante m ên1e que les poissons entassés � Ines côtés figuraient bien tôt cet arc de trion1phe que tu achnircs à P.aris. C'est alors qu'une ablette ton1bant du son11nct de cet édifice enfan ta en touchant le corps d' un n1oineau mort cle froid et de désir la petite fil le aux yeLix de to upie tour­billonnants, qui devint Julie.

A cet instan t quelqu'un vint interro1npre la conversation ·

N ée (au fait, étai t-elle née ? ) d'une plaque con1 n1é1norative indi quant que, là, avait été posée la prernière n1o lécule qui devait forn1cr la pren1ière jan1be artificielle, une fe1n1ne· e n q u i nul n'hésita à reconnaître Marie, vint à eux et l eur reprocha leurs paroles qui la vêtaien t d e por­phyre :

- · L;eau cou le pour faci l iter la propagation de la lun1ièrc et du son . Il n'en est pas rie 1nê1ne pour vous : si un e pierre roule du lieu d e sa nais­sance, qui n e peut être qu' un légu me 1naiade, jusqu'à l a n1er où il s'arrête de crainte de mouiller ses chaussures vernies par le ten1ps et par la n1agnani1nité des siècles qu i ne son t pas si passés qu' on veut bien J e clire, la nier arrête un mon1cn t son n1ouven1ent de flux et de reflux. Jai d it q u'el l e s' arrêtait u n 1non1cnt, 1nais je n'ai pas précisé l a durée de ce n101nent. Je nlc h�tte de l e faire. E h bien, i l est égal à la valeur n u trit ive d'un e banane, sachant que ladite banan e faisait partie d'un régime parfai temen t con stitué et issu d'un bananier de pure race ayant to ujours vécu dans de parfai tes conditions cl i 1natériqucs, hors de la présence (clans un rayon d e c i nci uan te litres) de toute parti cule , si 111inin1e soi t-e l le , de sci ure de bo is et d';i 111bre des pagodes .

J'ai dit .

Page 12: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

1 0 TEXTES SURRÉALI STES

Georges lVIalkine :

Le soi r ton1bait et se relevait tour à tour, ivre de lampes et d'ombres, et de détours, ram­pant dans la ville d'arcades comme un serpent près de la n1ort. A l'heure où l'heure se den1andc, j'cn tr' o11 vris la inain d'une passante magnifique. Elle était d'origine polaire, et toujours sur J e point de s'enfuir ou d e parler. Quand l 'habitude parut la rassurer, elle con1n1ença de 111c conduire. I\l[cs innombrables aucstions m u ettes la dévc-. . Jappaient à n1cs yeux débutants et lui faisaient, selon Je l ieu et selon la question, un che111in de bure ou d' écarlate. Ses pas fond'.1ient l'asphalte, y l aissant d es traces d e n1ains et des fleu rs ténues.

Il n1c souvient du n101ncnt où notre course devin t pareille à celle d'un bolide plein d e désirs et de délires, profilant les maisons, l es chevaux de soie les plus voyai1ts, les jardins élén1entaires, les océans qu'un soupir desséchait, les jouets en pierre des insectes, et jusqu'à cette l iqueur 1narine clans les paupières des fen1n1es d' an1ants.

Toute circonstance avait disparu d e la surface terrestre. Les n1ano1nèt:res, fous d e douleur, n ous abandonnèrent v ers Saturne où, co1nn1e Je veut: la coutun1e, nous n ous fianç�n1es.

Les anges centrifuges al laient inoins vite que nous. En guise cl' a clicu, plusieurs cl' entre eux se sui cidèrent spontanén1ent, et ces n1orts cxh;ilaient des h;ilos de lun1i èrc aigu ë que nous perdîmes rapidcn1cnt de vue.

Quelle nuit du calendrier oserai t défier la nuit de la passante, qui prolongeait avec inoi une nuit étern elle, plus raidie à chaque instant:, et plus intin1c.

Tou t ceci, après tout, je ne le dis à personne. Les doigts de la p;1ssante, autour des n1iens,

se desserraient:. :Mais pl us n' ét<Lit besoin de nos forces. Nous d:i ons cha c un J ;i, moitié d ' u n e 1nên1c goutte d'eau. Trop silencieux et trop petits, nous n e p;irticipions plus de quoi que ce fut. Nous allions au seul gré de 111011 c ccur, cercle v1c1cux sans din1cnsions , gélatine piquée de points d'or et de toupies chantantes.

L' o,.ci l l e d e la pass;in t c disai t d es n•of:s sans suite. Le vcn t nous d énuda con1plètc1nc11t, et plantait p;inni nos cheveux de longs avcrtissc-111cn ts.

L;1 vi tesse devenant e xtraordinaire, l' aisan ce b plus sensible revint à n os niouvernents. Dieu, at:te11 1" i f il 1 ' :1 bsencc, baissait la tête .

Le souvenir de cette aventure d'aventuriers se d i ssout a u ssi vite q u e Je rêv e d'un ;uni , et j'ai hca u enfoncer 111cs yeux avec n1es poi ngs et: boucher nies orei l les sournoise�, eon11ne font les ; 1nglais dans l es cryp tes ( 1 ) , je ne retrouve

{ l J L n 1• discrimi n a t i on sï mposp (absolue au poi r d dt• \"llt' st•n l i n 1pnl al) t'll <"t' q u i coJH't' r l l t' l a pi·rson n al i l (• cx l ra-hun i n i n t• t•onsi 1kr<·e en l an l q n ' a fl l u enl poél iquc

que très fugitive la gigantesque proue de galère, sculptée d e membres défunts, qui soudain ridiculisa notre équilibre et notre science, souten ue qu'elle était par une carène insignifiante, et d u haut d e laquelle, chaussures laissées à la porte d'un iceberg, ie maître d' équipage et le 1naître d'hôtel, tous deux en habit noi r clair, un sourire crâne1ncnt posé sur l ' oreille, suçaient la 1ner d'huile 1nousseuse par l e bout de leur longue-vue.

Puis, une odeur, qui venait des seins de la passante et qui, à l a nlanière des projecteurs de guerre, transfonna subite1nen t notre route si nerveuse en un toboggan ét.rangen1cnt ascen­dant et strictement 1"'onfort2 ble, p'laisir qui nous atteint sans difficulté malgré notre tension sans cesse accrue.

Un orage. Le premier que je vis, en son1me, parce qu'il nie fut donné, à moi homme, de voir un orage clans sa totalité. Vous voyez cela ? Non .

l'vioins l éger qu'elle et tenant sa n1ain gauche, j e ne voyai� ph s la passante que de trois quarts gauche arrière. :Mais j 'en tendis sa voix pour la pren1i ère fois. Ell e hurlait.

<< Cœur an1bidextre, entendis-je, œil arach­néen, a1nant extrême du \· erre sous toutes ses forn1es et sans aucune forme, né d u v erre, vivant du verre et de sa poésie, superstructeur de supcrstitior:s, n1écanicien de la distance, pa.ra­noïaque aux parcs fennés, i nvincible bouée des boues bienvenues, praticieri clandestin des couloirs et du sang, accoucheur cl' ordures et larbin du 111iroir, baisé au front par l'in fa1ni e d es carrefours n1éticuleux. ami, a111i, a1ni du seul et vingt-neuf fé 1rier ! n

Ses paroles furent telles, la première fois qu' elle parla. Parla-t-elle ? E1 pourtant. j e suis ici , des ongles sont au bout de n1es doigts et des voix vides 1nc guettent. Je suis ic i , et là , ailleurs et autrc1ncnt, et soi -disant je vous regarde, vous, nécropole des confidences n1alprop;·e�.

Je dois avouer que je n1' entr'ouvre une seconde, tous les 111i l le ans. Prenez-y, clans ce grand

yalahlc, c01nm11 némcn I appelée air d11 t emps, façon de parl er, ou encore, plus sublil cmcnt sans cloute, de qu oi écrire s'il vous plaîL.

Le fail clc J ' cxislcncc d e cc probl ème procède de la s(,ric d' événemen t s géuéral curs simples appelés contras l es ou con\ racles, clélcrmi n nhlcs par 1' absu rclc, e t qu'éclaire violcm1nc11t n11it cl j our, pour l' é.cl i ficalion clu pri n ci pe , l a réfraction gén (,rcu sc d e votre can l u s l rale.

Tan ! d'â ges ont véc11, et si peu d 'h mmncs, que nous rcst ons pantelan t s dès qu'une qui l le n ouvelle esl. d isposée da11s J e j eu de n os expec l a l ivcs . .Jeu des pins réd u i t s , ccpcntlanl, cl. q u i vraiincut se déploie à travers un nombre t rop restreint d e 1ncsures concevables, pour pcn que 11 on s réalisions cnscm bic, co1111ne le voulail l'origine cl e la vie, l ' m l cinte c l la sol i t u d e ''i1·gi11alc.

Qui clc vous n ' a é l é 1 ou l prôs cl c l e comprendre, mais qui hien l ô l. scn l a i t son front heurter le plus !Jan\ des plafond� ? Qui de vous n'es!. parli sans bagages , m;iis qui au premier pays n ' achc l ai l une pclilc valise JlOnr y plier son cœnr ?

Page 13: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SU RRÉALISTES 1 1

coffre asthmatique et sans fond jamais, la subs­tance de vos rêves d é.charnés. Ils s'élanceront comme ces allume ttes qu'on retrouve touj ours, que ce soit au coin des rués ou dans le sillage des n o uvelles rencontres. Pérégrinez suivant votre spirale, de l ' infini vers l e centre. Du haut du c:el ou du haut d'un mi('roscope, vous caressez v os ennemis, , t vos enne1nis vous caressent.

Un jour qu' i l fera nuit d'amour, tout de 1nême, j e vous entrerai dans ma maison provi­soire, généralement avide de crevaisons fla­grantes et de calen1bours susurrés la tête en bas. La porte en est sous une très vieil le terre que rien n e décèle à l' étranger, à moins qu'il ne s'agisse d'un polaire.

Les polaires ne parlent pas, et n'ont pas Je temps d e rien faire ni de faire quelque chose. Ils sont graves con1n1e les eaux, et clairs com1ne eux-n1ê1nes seels. Ils ne se conEaissent point les uns les autres, ni ne saven t rien d'e ux-1nê1nes. Ils sont vêtus co1111ne les en1barcaclères et co1nme ces endroits des gares qu'on n e peut pas photo­graphier.

Ai-je parlé des polaires ? Ce fut Luchvig I-Ia, mon vieil an1i Berlinois de

vingt n• inutes, qui nie révéla les polaires, après n1' avoir secrètement mené vers l a seule rue gui leur soit officieuse1nent réservée. Une rue sans 1naisons et sans hon1n1es, pavée de don1inos de n1arbr..., gui dansaient sous n os pieds. Le bout de cette rue, contre toute attente, n1e sépara brusque1nent de Ludwig T-Ia, et clans Je mê1ne te1nps que j e pensais ense1nble aux polaires et à eux-n1ên1es, un vertige rose passa sur 1na nuque.

C'est alors que la passante et moi gui ttâ111cs le toboggan pour la fleur.

Je dis alors, car alors fut la transition. Des crapauds nous suivaient à tire-d'aile.

Le toboggan devint brusquement translucide, dégagea.n t un parfu1n que j e cr0is être celu i de J'ea,u de Seltz, et se rétrécissant de telle sorte que nous n ous trouvân1es collés, et q u e force nous fut d' entrer dans la fl eur. Je di:; la fleur, parce qu' i l est ren1arquable que j'aie vu la fleur, et je dis ceci à cause de la \: Îtesse toujours gran ­clissan te, qui n e m'eût pas perrr,is de distinguer une forme quelconque à 1nci;1s de cinq mille lieues en\ iron .

La forme de la fleur était celle de l ' arum vulgaire, où les Romains se désaltéraien t après le cirque. r\ vrai d ire, cc n' était n i un e fleur n i 1nê1ne une chansonnette, mais l ' entrée d'un cr,nduit de section c1rcula1re, d'un périmètr-; qui ne passait pas trois cents pieds.

Je d ois 1nentionner, aussi bien que le rapport des petit5 doigts présents et débi les, cette exi · guité qui deva it profondément nous én1ouvoir, à cause des incalculables com111ence1nents.

La paroi d u conduit, d' ordre colonial, était

d' une blancheur absolue et véhén1ente, c'est-à­dire composée de couleurs et de non -couleurs vern1iculaires, animées d' intentions éncrgiq ues, et qui faisaient l ' amour sans d iscontinuer, à l'instar de Paracelse et des cavaliers japonais. Cette blancheur, enfin, s' avéra au point que je m' étonnais de la savoir.

Et pourtant elle était douce, douce au n1onde con1me le poil des fen1mes ; co111n1e ces phrases que disent les statues, et que nous n'avons Je droit d'entendre que lorsque nous avons entendu toutes l es phrases que nous pourrions faire nous­mêmes.

Et n1aintenant c'est l e deuil, le vrai deuil, bordé de flan1mes d'alcool. Voilà pourquoi. Après avoir d épassé tant de paroxys1ncs, la vitesse était évicle1nn1ent devenue blê1nc et fine, n1ais elle était toujours ·.régulière, rappelant en nous, selon l e Talrnud et la Bible, plusieurs sens disparus, dont celui du baiser véritable, qui se donne con11ne on donne un trésor enfoui ; que seul un fil accouplé dans nos greniers (qui ne se trouve qu' à la faveur des tâtons) et qu'on tient entre l es dents quand on s'en va, peut réveiller et développer à sa n1aj csté changeante.

Ici vient le prodigieux prodige. Et l e prodige est fi.ni . C'est fini. Je n1arche

rue Froidevaux, clans cette direction de June et de n1iroitantcs petites vertes.

Là est une fenêtre, à la barre d'appui cle Jaqucile vien t se poser à l ' a1nazone une ancienne n1 usique. Elle déroule avec précision un n1étrage important de d en telles sacrées, c'est-à-dire issues de la neige et du sucre de canne, pr6sentan t

l'aspect bonhomme des grottes d e Fingal! . El le sou1net ces dentelles �i tout-venant. Puis elle s e gaufre, et cliininue progressive1nent de volume, j usqu'à l'éclair dans lequel elle dispa­raît par l'orifice d'une bouche voisine.

Le prodige est bien autre chose. îvla,lheure u ­;;;en1ent, ou ainsi q u e vous J e voudrez, l e prodige fut vertical, et clone: i l échappe logiquen1en t une relation historique. Rien ne peut en être confié. Je n oterai simplement, pour l 'acquit d'une volupté personnelle et i nternationale, n o n attributive d e l a j uridiction des tri bunaux d e l a Seine, les indices suivants qui s' y rapportent :

- Plus un piano f'.ontier.t d'eau, et n1oins i l est aisé de s'en servir.

- L' on1bilic court sans cesse et se nourrit d' en tre-dcux.

- L'apoplexie de la dél icatesse perd pour se qui lui survit toute signification horaire.

Il n e reste plus d ès lors que le dernier souvenir, tragique entre tous. Celui d'un cri en tendu dans le conduit blanc. Ce cri éta,it triste1nen t hun1ain ; sans cloute fut-ce lui qui .Jt;:i la courroie.

Tout ce que j' ignore n1'est tén1oin, et les caves et ies toits, et 1nes an11� brülés, et la ton1be bavarde et la n1uette naissance, et 111a saiPte

Page 14: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

1 2 TEXTES SURREALISTES

pensée, que cc fut lt1 el qu0 c'est là seu!c1nent cc que jusqu'à nouvel ordre je puis consentir à n 0111 mer le voya gc.

J'ai conservé la passante C'est U."le n1"in et son avant-bras, le tout en bois des îles. Rien ne la rl:stinguc de celles dont se servent les gantiers pour exprimer, en chanri1>1·c noire, la pudeur de leur co1nplexion, si ce n'est que l'articulation du pouce se trouve au n1ilicu de la seconde phalange, qu'elle est latérale, et que l'enscn1blc c;o11s1itue indiscul'.�blcn1cnt un poignard à cinq lan1es, unique et dernier descendant.

GERMA INR BEH'J'ON l.'11l>s<>lt1(• Jil1crlô ull'<_1·sc.•, ct(c011ccrtc. J.c soJciJ :.1

l�•11jou1·s l>lt·s�« lt·s )·�·11x clc s('s nclorttlcurs. ))asse ('Il ('Ore c.1 u c Gc1·111:li 11 c 1 {l·1·t on l \1u J3lal t"tl\1, f r5 n11�1r­t'l1isl (·s� c.•t :.l\'c·c eux u11 t rès J}t• t i t J1ctr1l>rc tl'Jlullltllcs, 1llOi-111ê1t1(', n11rlhl11<lissc·11t. l\Jais <:f('sl <111'nlurs c:ll1· S('l'I, p:lr:til-il, lt'lll' C�lllS\'. l)ès ((11C Sf\ \'}(• l'l'lllpnrll·, <111i 1;1 sui,·r;iil thlllS l'C Cflll'Oll llOlll)llC sc·.s (>(_'{ll'lS, $(.>S i 1 1 l't)ll s(·<1t1c11 cc·s, i 1 :-,1 :t t r< >J> ;'t IJH rirr c1111 elle t•or11111·t1-11u·llrt1 st�s fll)l'Jl'Ol1nt t•111-s. ()11 11r\'fèrc alOJ"S j11\'0<111c.·r Jn 111;tl:tclit•, l;.t clc'•1 1 1c1r�1lisnilio11. J·:t IJic11 �(1r <111c lt•s a11n 1·c·lalslt•s l'Xnllt•11I lu ''it', r('(tl'fl11\t•ul I<· suic·icll· c11li (·st. t'()tt11u (' cu1 le sai l, \111 c 1 [ic.· l1c>t t.. (: · <'�I :1lor� <111'ils 1111· lc>nl c·u11n:iîlrc ln l1011lc• : ils Il(• 1111· lai:-:sc11I rit·•• •l'n11l rl· ;'1 fail't• <111':'1 1111.· 11roslt•r11t•r si1111>h.111t·1il <lt·\·a11l l't•l lc.• f('lll!llC ,.,. /(;Il/ t11/11Jir<,bft• Cftli t·�· lt• 1)1US f,!.ra11cl cll·li c111c· jc.· «t11t11aîs.sc it 1 ·,·s(·l:-t\':1�1.·, lot tJltts IJ(•llt• 1•rolt•6I :tt i1111 t"lc\ (�,. i1 la 1':1•·1· cltt 111011(lc c.·f 1t1l rt· lt• 111t•11-s1111f.!c J1iclc.•ux c.ht lltJ11 l1c•u r.

i\ FI' ICI 11':

l .u ))(1Ull'\':11'<1 J-tJ1s1>n11. tllll· :1tli(•llc j:i1111c i1111•ri111t"c·, :tÎll SÎ ('C>ll�'U(' :

D 1": <�Ili\ •r1t1 ?'\ Si l:t tl a111 c.• c1u i o cl i t :'i u 11c cl�1111 c• :-;11 rJ (' Sl'll i J 11 u l {ou

l\'larcl1l· le 1 8 oc·lolJru. ,·4;.11lofr Ol'clrc ile cléctJr:1 lit111 'V l'lll ('lt\'OYt'I' S(·� Jl()lllS ,., orlr1•s!'l' t•l11·z ('C)llC'il·rg,. 1X,l,

1111u l(;,·:_1rcl S:1î111-�·Jj(•l1r·I, :')t-1 :111110111 clc.· C.�r:1ho11tl', ))ft1l­{•I ,.,. !-. ':1r1·:111 �1·ra-l-<11'.

. '

t'NI·: \'l+:I ' \·I·: 1 :\(:c >�:-;f)l .1\ l\i ,I·: nto1!l. :·, 11f>\'{'l11l11'('. - 1'°1" J)0\l\.'Hl11 �(· c,'Cllt<;c,lc•r ,IL• ln 111111'1 tf('

�c111 111:1ri, c•1u 11hty1" tf1·� 1•111 ·1ni11:-. tl<- r1•1· , l•t" .. 11�(" ;u·c·icl1•n l ••tl1·11u•11 I I•' :11 l'.•·11t 1•111h1·t· :1 \'1•1·11\'lull ht•l 1Sc•i11('-·<·l-l)i!'l' >. l\I •" \'l'll ,.,. l\r:-.nnr•I, 1�1\(• t:,1lli1t, :':'1 :i11s. <l.•111,•11r:111l ch1•'l. !":1 111i•rt•, ù :\1;1'ln11j.!(•, s'1•:-:l 1u··11tlut•.

(/,il•rl'l1tirt•,)

. Paul Elual"d :

1; ll'iver s1.t1· la prairie <tTJport1 · des sati.ris .l'ai rencontré la jC'u.ncssc 1'outi: nue a·11w vlis de salin bleu J!:llt riait du. présent, 111on bel esclave.

Ll's rl'ga.rds dans les rl!?u:s 1l?1, cou.rsi1;1· Jh!/ivrnnt le. berc111111:nt des 71a.l11u·s de 111on

.�(t1ng .111 déi;o·1.1v1T soudain le 1·ais1n de� jaça<lcs

co11cl11!1'S .v11.r le soleil. J•'ottrrurc du. drtq11·a.u tir·.� détr<rit.s inscns·iblt:s.

Ln 1;011solat-ion gra.i·111: tJ1,rrl7.1e 1:1: r1:11101vs pl·nù: /11nd1u: La cl<n1lr11r brn11:l11; en cœur Et 1111:s /11rg1·s •11111ins l11.tt1:nt.

},lt têtri a.11liq11c <ln 111od1'!t' J(o11git d1•v(l11f. n111. 111od1:stic .la l'•ignorc je la bous1:11./1, 0 ! l1 lin: a.11.-r ti111lir..:s incrndiairl's

(�11.' l/'11 ill 'l 1'.\']JÎOn n' l'llVO!J(f, 1JllS J•:t qui gliss<t 11111' hache de pie1 n:

lJa:ns ln cflr'111i..�e !lr: ses filles J)e .W'S fi//1 'R lrÎS/<!R et '(>(l.'/'CSSl!l/SeS •

• .J tcrrr: 1/ l!Jrra tout r.c qui nage /I /tTl'I' à. Ü!ITC to11t cc qni volt:

J'ai besoin des poisson.; 71011r ·porter 1na

/;O 111'011Il1' ,;l 11to11r d1· mon front

J' . I . ai 1.:.1·01 n fouir.

di·s 01s1•tr11.t: pour ·parler à la

Page 15: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SURRÉALISTES

Jacques-André Boiffard :

Sur l' établi des voluptés à venir, les volutes de caresses se d étendent en fermant les bras ; l 'étau des cheveux alterne sa chanson avec celle du vilebrequin du désordre. On rabote les nlatières pren1ières des solutions de continuité dont les copeaux s'entassent sur le plancher arborescen t Le charpentie � est en chen1ise sans bras, très comme i l faut, malgré les apparences d e raison qui son t _suspendues aux parois de notre crâne. C'est ainsi que passe dans un sablier dè chair le ten1ps d e la vie : globules. On rirait pour un peu d e tous ces outils inutiles quoique de 111étal précieux, si les rires pouvaient naître sur nos dents déchaussées ; nos dents qui bri l laient tant dans la nuit rouge se son t étein tes et les baisers n'ont plus d e phare. Tant pis pour la procession qui s'avance locon1otive en tête. Est-ce un train de pèlerins ? Les hon1mes se so uviennent d e cago u l es blanchies par la j eunesse et les petits enfants n e seront là qu'hier. Les fe1n 1nes sont restées clans l a ca1npagne do1 ée d'azur où leurs éventai ls de doigts se fern1ent sur des coffrets :

s1Jlenclcur d es la isser-aller et des cl-én1 énaoe111 ents. "

La processi on s'avance enve loppée de ruinée teinte spéc .i a lc:ncn t par les cff ets de carac! ères ancnynics. Lisez au -dessus des \Yagons sans portières l a devise des p èlerins : " Soutiens ton esprit par l ' é:lé\'atio;1 des ascenseu rs . » f\d1ni­rahl c précepte g u i f1an1bc sur un p lat d'airain sans le seco urs de nos bras tendus vers le clia1nant jaun t'. Les exaltés atteindron t-ils l 'atelier des désirs? nul d éta il n.c pern1et de k croi1·c et si vous doutez pesez les grai n s de sabl e de nia p lage d'océan avec des balan ces iausses, v o u s aurez le secret d e cc qui vous channe. Encore fau t-i l a cln1 i rer l es fleurs disposées en éch i q u i er par Je jardinier de l'élan pour s' apercevoir que toutes ces la1n cntations que l ' on entend ron fier au creux de ses poches ne sont qu' un tableau o ù l a nia t i èrc surpasse la vitesse des can dél abres qui éclairent la scèn e sans sourire.

L'acteur qui jouait Robespierre ce matin-là avait

·laissé prendre son col dano: l ' en grenage

d'un e 111achine à battre. Il en ressortit un violent mal de tête qui jeta la terreur parn1i les monu-111cn ts aux soldats cl écorés de la croix triste. Le malheureux se décida à se fai i-c la barbe avec une bouteil l e d e schn1ck d érobée dans l 'arrière­cuisine de son gran d-père, Dieu, le con1positcur à'anatomie bien connu. Il s'élança clone à la po ursuite d e l ' au truche aux cail loux friands mais trébucha sur des pattes de salan1andre et se fractura les on1oplates. Avant de n1ourir i l prononça ces paroles : " Alfred Jarry descend des degrés qui mènent à un étage supérieur. Ses pieds marquent leur en1preinte clans la pierre, i l descend. Au bas des ïnarches il donne de violents

coups de pied à tous les a qu'il rencontre dans les poèmes de Roger \Titrac et de Pierre Naville li s e dirige ensuite vers l es réservoirs, trois grosses incongruités rangées le long des rails. Arrivé près d'un réservoir i l con1n1cnce à dérouler une espèce de chaussette russe qui entoure son p i ed gauche, n1ais il s'aperçoit que cette bande d'étoffe verte enveloppe aussi la ja1nbe, la cuisse, l'autre pied et 111ên1e tout son corps sauf un trou pour laisser to usscr les cheveux. "

J\1a chair se casse, une ligne de baisers, parabo­lique restreint l'infini clans les yeux des peuples. Les larn1cs d u soleil tonllicnt dollccn1ent clans une coupe où nagent les sirènes, idées d'absol u . l\1es hanches saignent et j e vais là-bas vers les arbres qui parient. Les feuil les />Oil t 111i l le bouches et les paroles s'allu1nent par le frottctncnt de la chlorophyl le sui les visages I�es feuilles n e choient pas p l us queJes oiseaux et l' en cens vivant. Dans l e fleuve qu i nourrit le tcn1p l c du tc1nps se lovent sqr un fond de rocs des repti l es plus beaux q u e les vices de fonne. Les 1na lcntendus se n o ient jou rn cl lc1ncn t cla11s le fleuve 1nalgré les efforts p éri n1és des distractions. Les rives s:int cieux ni on tagnes pyran1idales et le 111a tin ·1a

l un e sort d'un cratère d' acier lo rsq ue le pâtre clcs galets des pl ages siffle clans ses doi gts . J)e l ' au tre crat •'.,re s'élance padois l a lu niièrc des ven ues. Les arbres parlen t aussi aux gri l l es des jard i n s et d'au tre chose niais janiais de rno i . I l ne se passe pas d' évcnne111cnt sans Î lnportancc qu' un e fe1nn1c ne l a isse ton1ber de son sac à 1na in la rai l lerie des ange l us oli ses pieds s'c1nbarrassen t. Les en fant:; appe l len t cela leurs grands bijoux de tni cc, . " Si vous avez un frère n'hésitez pas à J e considérer co nin1e u n portc- plu 111 c sans vous préoccuper cie la réaction du noir ani 1nal. - l�n e ffet i l est si si111plc d 'arracher les lan1cs de vos côtes qui c1npêch ent vos po u 1nons de voir cla ir 111ên1c si votre fi l le s' appel le lVlarthe. - !Vfarthe con1n1c un lapsus, un cataplas111e ou une a1nibc enk: stéc dans son orgueil. » Le tap·is vert de la route s'annonce un bien 1nauvais calculateur toutes l es bornes kilon1étriques portent le 1nêrne chiffre en al lant vers les îles o ù en revenant par le chc1nin des pendules roses . L'eau s'étend très loin au-dessus d u sol, aussi ne peut-on y porter le pied sans élever l e genou plus haut q ue le lobe de l'orei l le gauche. Pour le reste rapportez-vous-en à l a conversation citée plus haut.

LA DJ!:SESPJ!:HgE AU PARAPLUIE

Co1npiègtlè, 5 110\·cml>rc. - A Marg11:{-lcs-Ceriscs, Tvl m 0 Bil­liard, 11éc Marie Tl1irot1x, 5:-l ans, se lè\•c la 1111it, prend sa lan terne et son parapluie, puis se précipite dans le puits de sa voisine, l\tma Villcltc, oit l'on retrouve son cada,•rc.

Page 16: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SURRÉALISTES

S. B. :

Ceci se passait au p rintemps dans un j ardin où les habituels vers luisants étaient remplacés p ar des perles noires dont 1a vertu est de n'émettre q u'un seul rayon lumineux lequel brûle le point o ù i l tombe.

« Vous désirez que mon sein soit une boule de n eige, disait la jeune fille. Fort bien, j 'y consens. l\1ais que ferez-vous pour moi en échange ?

- Ernettez un vœu l m a divine, et qu'il soit, en mon pouvoir de lè réaliser !

- Je souhaite que pendant sept . . J OUrs vous aviez autant de sexes que de doigts à votre main droite. ,,

Or le j e u n e ho1nme îut. in1mé­diaLe1nent - changé en une él;oile de mer. La jeune fil le se pench a vers lui avec un sourire satisfait.

(( Que vais-.1 e

f aire !' pensa-t-ellc. J e ne savais pas rrue c'était si facile de se débarrasser d' un galant trop h ardi. Les arbres 111r. resLrnt a v1�c

1e ur étreinte nia-. esLueusr. ;i

\ 0

J Elle avait compté sans la mer q ui , iur1euse d e voi r un · de ses enfants injurié par une ter­rienn e, envah;t rour dernent la lande pour le r eprendre et le venger. L a jeune fille ne fut plus bientôt q u' un voiletransparent étendu sur les f lots caln1és, et dont la coquettene était régie par le vent, les 1nouvements p ar les caprir,es des vaguPs.

C'est alors qu'intervient un élément que le rom anesque le plus étrange ne suffit pas à j us­tifier. One 111ou'ette s'empara d u voile et alla le po rter dans la cabine secrète d'un c apit aine de navire. Cel ui-ci rt.ait un h o n1111e austère et p assionné dont, les deux occupations favorites étai ent J'un1� de prati quer sur les joues de ses h o 1nn1es une inflation dénorn111ée par lui hystr­riPo-print.anic're, l' autre d'apprivoiser par des poèmes faits exprès pour eux les poissons qui, 1nangés par eux, sr. trouvaient enfer111és dans le ven tre des requins

Aussi fut-il très étonné en franchissant le seuil de la cabine où i l enfermait les matériaux de ses expériences, de se sentir tout à coup suffoqué p ar un parfum analogue au son d'un violon plongé dans l'huile sainte, et qui, par une faculté qui n'est pas réservée à tous les p arfums, imprim a sur ses yeux un poids léger dont cet homme sentit tout de suite qu'il pourrait se transformer en visions stupéfi antes. C'est pour-

. ./ : .

quoi dep ùis ce m o m e n t i l n e s'étonna plus de . rien.

Qu' est-ce qu'un capi;taine de vais­seau sinon le sif­flement du péril

. , / et l'aveu souter­ra1n des sables mouvants ? Cet homme qui en im­po sait aux hom-1nes p ar sa sci ence, fut le jouet d'un voile de soie q u'un 01&eau avait tranp.­porté chez l u i . Quand i l le vit i l n' eut plus '-l.u'un désir et le b e..teau s'enfonça donce­inent dans la n1 er.

C'est par un

f r a c a s i n f e r n a l q ue cette opéra­tion lente et sour­noise se trad uisit aux sens des ter-riens.

A 11dré 1l1a.çson. Cependant 1 ca1iitaine s' ét,ait

pench é au hublot Ir. plus étroit de son bâti­n1ent, avec l'impre;;sion q ue ses organes respira­toires trouvaient enfin dans l'eau un élé1nent conforme à leur constitution. Les boutons dorés de son uniforme, n1algré les ancres qui y étaient d<'ssinées, furent autant de petits bal­lons d'un genre spécial gui l'en1portèrent dan s les prof on<leurs.

JI y retro uva d' anciPns amis. Le caméléon qu'il avait un jour empêché de chan ger de cou­leur, la p etite fille en larmes qu'il avait poi­gnardée, la tulipe ditr. perroquet qu'il avait aidée à prononcer le 111ot j an1ais. Un j our un canot de sauvetage trouva sur la surfar,e de la 111er une algue plate et translucide qui avait des veines h u1naines. C' est ainsi qu'on snl que le capitaine était mort.

Page 17: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SURRÉALISTES 1 s

Max Morlse :

Je venais d'achever ce soir-là la lecture du Quotidien DApouillé, lorsque j'entendis pénétrer dans rna chambre· une circonférence composée d'aérolithes fraîchen1ent ton1bés autant que je pus en juger par leur co11leur et par leur saveur q11i rappeliüt à s'y n1éprendre celle du pipennint. La joie avec laquelle j'accueillis 1non visiteur était capable d'effrayer les hirondelles perchées sur tous les câbles sous-marins du monde, et j'en eus bientôt notion quand je sentis sur ma main gauche une piq\lre que j'attribuai in11néclia· temcat à la saison malsaine et pluvie11se que no11s traversions. A vrai dire les 1nédecins n'ont jan1ais pu décider si c'était là un phéno1nène <l'origine ,·olcaniq1:e ou la simple n1anifestation d'une volonté résidant dans nion cerveau, m:iis néann1oins parfaiten1ent étrangÇrc 11 mii. propre personne. JI y a eu dans 1na vie plusi�urs c)(cniples de pareils suicides involontaires et le plus étr�1ni::c ne fut pas k plus estin1é par les spécialistes. Qt1c ne son1n1es-no11s pas tous des pcrcc-orcill<'s, car dans cc cas il o'v :tllrait plus pour nous cnrh�1111cr ni Dieu ni Di:;blc qui tienne et nous approd1crio11s dç l:i subst:•nce des purs esprits 'lu'on ,·oit vol­tiger entre cinq et si)( heures du soir à la h;iuteur du nont de la Concorde, autren1ent avpell- vont des ·cht1tcau)( en Espagne. L'inventeur du v.1ccin contre le systèn1e ·raylor 1n'a bien souvent répété q11'il suOi;i.iit <l'l•n� sellle pierre to111bant a•1 1nilicu de la 111;irc aux équateurs pour que toutes les fourn1ilièrcs rnodcn1rs 1·cprennent leur pri111iti{ aspt••:t de vi,::nnlik ravaf(é par k philox(:r:i. M:LiS voilà ? on n'a ja1nais pu encore tlélcrniincr le ccH trc de b<l i te 111arc. l�t pour cause. I! 11 c �11 ff1 t pas d'une pivoine en g1:isc de sourire pour que to11s les palefreniers du 111onde suit:nl· afrrmichis de la lcrrihle épicl�rnic 1 1ui s'rst abattue tkp11is deux siè<·lcs Sllr la corporation et qui se n1anift·sle par 1';1rrêL des penduk'S des sujets atteints :\ 3 h. 18 invariablc1ncnt, 111algré les courants d'air chaud dont ils unt soin de se n1u11ir. l'l!UL-êtrc que les visions en fonnc de chc111in cl1; f<•r ::-Jor<l­Suù, sont la condition sine q11n 11011 de la tr:ins· 111ission de hL vie. Ce qui expliquerait le dépé­rissen1cnt progressif clcs populations (]toi ne possèdent p;1s de Nord-Sud. La valeur atîcclive q11'on a('cor<le au;( caresses an1ourcuscs ne pc11t pas c·esscr de varier en fonction de la tlépréci<1 Lion qui ne fait que s'accentl!er lorsqu'on passe d'un f1gc géologique :111 Sllivont. JI serait inlércss�111t d'exa111incr avec •u1e grande attcntio11 le systèn1c pr.iposé par I' Acaclémic des Orc;ics pour remédier à ce grave fléau. D'abord toute transmis�ion de pensée serait interdite aux sujets <'11 fige d'être !ivrés à la conso1nn1ation, de sorte qu'il n'y aurait plus à redouter toute une série cl'accidcnts qui ont cout11n1c de se produire lorsque h.-s 1:ln11dcs qui �ccrètcnt le spcr111c du Gr,1nd R11111inan l

,·� � \li •

"' ' • •

VÎClll\Cllt �l être C'Otlpt:(.'S èl'l tlCltX, St\\1oir : êlCCÎ<lc11ts clc chc111in de fl!r, 11aufr:1i;es, nt:111x <le têlc, la isscr· passer, lu xu rc, ci rconspcc·t io 11, n!élnn �1·s détonn<int�, etc., etc-. l�n�uilc chaCJne 1·01111nissaire des jeux serait chargo': d'cnc1L11rc de s11if to11s les �:u-<11cns de la p<li)( c11 êtl-(C d'être 111:tri\\s, puis <le les réunir datos un bocal de cristal p11r cl clc leur faire subir une prc:parntÎ(Oll destinée à les rendre nialléa.ulcs et susccptiulcs •l'être portés aux di1nc11sions de 4oc> k111. d<· long sur 1 z 111111. de large. li ne resterait plus qu'�t délivrer Ju serpent qui les enlace les rois nègres et leurs n1inistrcs, après quoi la lune et ses n1arécs n'auraient plus que [a.ire dans le 111ondc. Si hicn <111'apr.:S clcs jours et tics jours de cristallisation, l'ours <les c.·l\·en1cs et son compagnon le butor, Il! vol-.1u·vcnt et son valet le vent, le granù-chancclit'r avec sa than­celière, !'épouvantail i1 111oi11cnt1)( el son co111père le n1oinca u, l'éprouvette cl s::i fille 1' aigu1ll<\ le cnr11assicr et son frère le carn:iv,11, le l>al:'ly�ur et son 111onocle, le Mississipi et son petit chien, Je corail et son pot·au-l:iit, le �·liraclc et son bon Dieu n'nuraient plus qu':� d i�par:iîtrc de la surface lie la mer. li se peul qu'avanl l'édosion d11 pous­sin passion, les 11uelr1ucs cl.!bris de mie de pain 11ui suusistent après le p.1i;s:1gc des ouragans soient transforniés en r<111<!rc 11 <-anon !\lors 1éjouissons-nous. car c'csl 1111 signe infaillible que l<'s pissenlits vonl hicntlit lCh�cun so11 t.our) niani;cr les cadavre> p.1r les !)icds. Le règne de la stupidité �on1n1cncc �\ d'\ter de et: jour et nous 11� lui ,·oulons ;�11cun 111:11. Q11\·llcprc1111<'se111crncnt

Page 18: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SURRÉALISTES

soin de n os mères et de nos épouses. Il n'est de bo!1s senttment� qu'à celui qui sait s'en p'lsser. Quand au reste, dussent les piliers du ciel n1e tirer les oreillers, j e proclan1e qu'on en peut faire d'excellent b0uclin. 11 n'y a somn1e toute qu'une 111a1gre différence entre la 1nyopie et la grandeur (l' âme

ANDRÉ BHETON : MAN IFESTE

DU SUHHÉALISl\'IE. PO ISSON SOLUBLE.

(Kra, éd.) Apr<'s la Confession dédaigneuse, voici l a Con fession

dédaignée, j etée aux q u at re vents cmnme l e sonuneil aux astres, voici de nouveau André Bre t o n seul, aban d onné s u r la pai l l e de ses rêves.

Cc livre a les ap parences de vie el de diamant d'une merve i l l euse cal as trop Ile dans l aqu el l e 1 ous les oi seaux du cl élire chantent j ust c, pendant que l a lu mi ère é<�la l e cl 't111 rire <1'c11clt1111c, c.1'1111 ])011 rire cJ ign e à pro pos de lonl. Secouez-vous, regardez, de !-(ran d s pans de ciel s'(,c1·ou l cn t , les ô l o i l es ont chan gé de coi ffu re, l e Soleil j oue avec le Froid cl. t riche :

" Plus d e sou flles , p l u s de sang. pl u s d'âme m a i s des nrn i n s pou r pé l ri 1· l ' a ir, pour dorer u n e s e u l e fois l e j)ai 1 1 <le 1··�1ir, jl<llll' fai re cla<1uer la grnncJe go,11111 e d es drapeaux q u i dormc1 1 t , des m ai ns solai res en lln , <les 111ni11s µ;c ll�cs ! ))

L./�1111 o u r, · 111011 1 1 1 aî l rc, est grt111 cl. I�c ;.�oiei, ]) l u s 111 i n ce <.:�t1corc, {l�111s s�1 i <> n gu c cl1en1isc < l ' cx l nse, cou<.·.l1é

dans les m arges d e cc J i \' l 'C et du t em ps. Les J'c111111cs so n t aux rcn ê· ! res Oll\Ta l l l les rideau x rosl'S d e k u r force el d e l ' (• l c rn l' I pri n l t•1nps, t o u l c l 'cxis l c n c c s e d (•corc di· d (·si rs el d e Y i s i o n s , d'herbes cl d ' a rbres cl de d a n seuses rnn dcs q n i t en d en t. l eu r poi l ril\\: douce el. Y i olen l t' d a n s t ou s ""; sens :

" Puis clic rnord i l aYcc tli• l icc dans l es l! l on n a n l es sl1·a t i licat i o11s h l anel ws q u i rcs l ai cn l il sa dispos i t ion , les bague! l es d e cra ie, el ccl les-ei t'·criYircn t Je m o l. t1111011r st1 r l 'a r1loist� t l e st1 llou c l1e . l�l l e 111:111gca ainsi un v<\ri l ah l e pcl i l. ehfll eau de eraic, d' u n e arch i t ec t u re 11 a t icn l e c l. rol l c, a p rès q u oi el l e j d a sur ses ép au les u n m a n t ea u d e pel i l. gris cl , s'é,l.m1 t cliauss('c de deux peaux <le souris, cl ic descen d i t l ' escalier de la l i hcrlt', qui condubail ù l 'i l 1 11 sion d e j amais vu. Les gardes ln lai ssèrent. p asser, c' él aien l d 'ai l l eu rs des pl an t es vertes q u e rcl cnai l. au bord tlc l'eau u n e fiévreuse part i e de car t t•s. "

.Je vai s avec A n d ré Breton dans un monde 1 on l n euf o_ù i l n'csL q n csl ion q u e d e l a Vic, j e l is l ' üi scau­pluic, j e lis Sal e n u i l , l e Camée Léon , l e H en d cz-vous, les Belles paral lélcs cl soudain un énorme con t cn l c­mcn l de moi-môme me saisi t , l'absurde vol u p t é enfan­tine de l'orguei l : A n d ré Breton csl inon ami.

P. E.

LE SUICIDÉ PAR PERSUA SION

La nuit du 3 au 4 septembre fut joyeusement fêlée par le cot1rlicr Ifc11ri Durn11d, l\111e I-Iélè11c J)clncro�x et sor1 a111ic J_.11cic11nc Bo1111ol. Vers trois l1ct1res d11 111nti11, a''ct111c .Jean Jaurès, Je co11rlicr, l1anté so11dai11 d'idées 11oircs, s'écria :

-- Dieu ! que la Yic est bête. Si on se suicidait tous tes trois ? ...

Il sortit son rcvolYer et fit le geste de se loger une balle da11s la tête ; 111nis il laissa tomber l'ar111c en 11111r111ura11t :

- Le courage n1c 111a11qt1c. - Lâche ! lui dit Hélène. Elle s'empara du revolver et fit feu sur Je courtier qui

fut tué net. Cc tragique dénouement la dégrisa et elle se laissa arrêter. III. Lacomblcz l 'a renvoyée devant la Chambre des mises

en accusation pour homicide volontaire. Elle sera défendue par M• Ernest Charles.

(Figam.)

Louis Aragon :

D ésorn1ais les in urmures n e prendront. plus ]'escalier pour rejoindl'e il travers le chèvre­feuille des lamproies le fantôn1e ornemental qui claque au som1net. de l a tour dans Je vent noir et or des pirateries fé1ninines. Une voya­geus e au bord de ce précipice de 111 ains sr�rréi>s s' arrête et soupire. Déj à la volupté q ui dép eu­p lait ses veines avait fait n1ine de disparaître co1111ne les fla1n1nes légères sur les braséros des cofés. Déj à la volupté avait rmnis �on petit ch ap eau de loph ophore �t indiq ué du doigt la clirection drs cornets-surprises. L a voyageuse hésitàit ù s' engager dan s l a grande spirale d'alu1niniun1 aj o uré 0 1'1 deux par deux lef; �ouvenirs s'enfonçaient. suivant une pers­pecti ve (Cavalii're qui per1nett.ait d'apercevoir la Place des Doges ù Venise et plusieurs palais de co uleur bâtis par drs peuples supposés pour des divinités p l us fausses que le b ai ser dans l'oreille. Dans les co uloirs se perdaient de cli ar1nants �inges arn1és de rouleaux do fic elles.

L'un d' eux expliquait p ar une pancarte l'infir­n1it.é dont il était terrible1nent. a\'flig,; dep ui s sa n aisfJance. J>ar·al.ysé de la fidélùé, on rec ulait. d' ho rreur ù 8011 ap proch e, et de grands soupirs h arbaresq ues, ornés de vues de vo lc an s et de Iôtcs nocturnes, s' cx h alai t du bois cannelé des sièges cl apparat.. Une giran dole éclairée rJ 01nhre courait après l a fuite des idèes dans ce superbe vest.ibule cl'h onneul' o ù les inarb res les })ius purs ét aien t faits de hanches décou­vert es. On en suivaiL les défauts avec une al.Lent.ion soutenue q ue ni le chaloî1nent frai s du ciel ni l' cnivrcnnen l cl·3 l' alcool ne parvenai c"'1t a tran sforni er en capucines. Les facteurs passaien l . f'L rr;passaienL avec de grands écri­teaux h leus où \'taicnt dépeintes les ai f'vr,s de l' ab sence et celies de la j alousie. Sur le;; sofas éclairés par les coussins de t endresse, des 1nouct1.r�s s' envolaient con tin uellen1ent..

" N ous so1nn1 es, (lit le héron blanc crui rein­plaçait le n1ur du fond dont c'él ait ce ,iour-là le j o ur de sortie, nous so1nn1es des plantes destinées à révéler au nion de le grand désordre qui lui fait une odeur de s alp être. Con1prcnez que tout se dissocie au toucher. Tout est poudre et. p oudre n' est pas assez dire : tout est évapo­ration. Nous sonunes les vaporisateurs d e la pensée. Nos jolies têtes d e r,aoutchouc serties de p etits filets rouges s'aplatissent et se gonflent suivant les altern anc es des rnarér,s d'idées, et l'on peut suivre sur nos flancs le tire-bouchon de verre qu'y dessine un fabricant. routinier qui nous doit sa fortune et sa grandeur. »

Les navires ne sont à personne. Francis Gérard.

Page 19: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

' . ..:..J.l:. - - -

l..r1 f1•1u111r t".'fl 1·,;1r� q11;

11r11j1•llr 111 /tl11� yr1111dr

n111brr ô11 111 11111 ... (1r11nde

1,,,,,;,•rf' 1/1111& 111.s riVI".�. <:11. B.

Page 20: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

TEXTES SURRÉALISTES

Francis Gérard :

Du sombre Aral où viennent les vents com1ne la menthe, sort une route creusée au flanc de la caverne et que les caravanes suivent en chantant. Derrière les mulets chargés de saisons, des filles au corsage de bière portent des mules de sable où scintille l 'améthyste du crime. Au nord de cette. route dans l'herbe de septembre, les vers luisants dévorent des crabes en rideau noir. Secouons le rideau et passons la tête par l'ouverture, les yeux surpris par l'obscurité ne voien t d'abord rien que la barre d'appui des ténèbres p u is dans un calme étang que la lune illu1nine d e ses rayons de lynx un cadavre parsemé d'étoiles rougies au feu qui dessinent le pl.an du jardin d u n1onastère.

Dans ce jardin auquel on accède par des marches creusées dans le corps même d e l'os croissent des accents de harpes violets en forn1e de saule pleureur, aux branches desquelles pendent, con1n1e des citrons ou des archets, des pour­points fendus tout du long.

Glissez ce pourpoint sur la coquille métallique d'une épée et appuyez sur la n1ince bordure qui . éclaire le fer, il s'entr'ouvre en découvrant une trappe dans laquelle s'enfonce un escalier con­tourné en colimaçon.

Abandonnant sur la berge 1nes vête1nents, n1on linge fané con1n1e u n e cuisse d'hirondelle, j e n1e laiss<tis glisser clans cette on1bre ne gardant pour tout p o tage qu'une croix cisel ée aux annes d e la n1aison d'Ecosse : un peu p l u s loin près d'un réverb ère al lun1é je trouvai une casquette en peau d'abî1ne à laquelle était collée une touffe de cheveux ensanglantés. Le sang cail l é n1e n1ena aux buanderies dont l'odeur de uir tanné me découvrit les narines, un cheval piaffait près d' un tonneau d e sau1nure et divers écriteaux indiquaient le chen1in des poudrières o ù le déshon­neur couche avec la garnison.

Je n1e faisais tout petit pour entendre le chan t des gri llons. ll 1n' appelait derrière u n e poten ce dont le chanvre battait con1n1e un 1nétronon1e, plus loin encore des roseaux entouraic;-it une 1nare o ù un l évrier blanc s;accouplait à un albatros. Un n1arin qui chiquait contemplait cc spectacle et riait dans sa barbe ignorante du peigne. Ce marin ressemblait à Eluard.

Je continuais 1na 1 outc vers la n1er des deux persuadé que j'allais y rencontrer les an1Îs du livrè ces fan andcls ;tu cœur de sphinx qui pui sen t dans l' ardeur l e plaisir de dépasser l'aventure. Un mur haut de six toises 111' arrêta, je dus y creuser un trou de taupe et là j e qui ttais n1on regard qui continua seul sa route.

Une fen1n1e aux vête:-nents en lan1beaux, les joues en feu et les seins dégrafés, avec je ne sais quel air d' ignorer l 'ai t d' être victin1e, 1ne prit à la gorge et 1ne supplia de lui indiquer la rizière

où les pistils des morts remplacent la farine propre à sacrer les rois. J'avais entendu parler de ce manioc qui s' éclaire comme l'orn brelle des méduses. C'est une toison verte dont les sœurs inégales se pressent les seins pour que j aillisse la tulipe mortelle dont le calque vaut le sang, dont l'étreinte dépasse en in tensité l'Arabe aux mains calleuses. D'ailleurs je n e crois pas d u tout à l'histoire des ventouses, collez-moi sous le sein ces herbes taillées en forme de paniers percés, et laissez venir, je m'en irai guilleret vers la colonie beige o ù des tourtes malines tailladent l'émeraude.

Seul un rêve épouvantable pouvait me faire sortir d e cet état désagréable, pris de panique, o ù je me trouvai. Des larves au corps de feu traversèrent les bosquets et épuisèrent à mes talons J eurs lèvres sèches et bourbeuses. Je n'aime pas l'an1our des chiens de mer, ces bêtes ont la peau d ure comme une vitrine et le plaisir n'en coule pas rose mais soixante fois plus bête qu'un alpenstock perdu rue Can1bon, d evant le :i\.finis­tère des Athlètes étrangères.

J'envoyais rapidement au diable cet étalage de rascasoes et la terrible n1aladie des phéniciens, r.ette n1a'3die grin çante don t l'avèn en1ent se caractérise par la chute des glaces, la fonte des fontaines et l' aba1ssen1ent d u sens critique. On a vu une fois un river<Jin des neigeux conti­n e n ts d u Parnasse hé1 i ter d'un canevas sans pou-

�"\ J a l: Er11sl.

voir con1prcnch e de quelle serrure c'était le héris· son .

Je n1e révoltais dès l'abord contre cet abus qui consiste à non1n1eï les paillettes d'un non1 qui désigne !es baldaquins n1ais que faire contre un fabricant de cerceaux qui a pour lui les cerveaux des vieillards et l'an1our, cette hystérie.

Page 21: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

Le rêveur parmi les murailles

Du n10111ent que je ne dors pas d'un sommeil sans r.:lve, i l m'est impossible d'oublier que j'ex1st<', qu'un jour je n'ex:sterai plus. Mais, entre les deux n1ontants inégaux de cette porte 011,·crte sur le vide. je peux fuir, gagner l'autre côté du mur, pour exploiter les champs illimités du rêve qui est l a for1ne particulière que mon esprit donne à la réalité.

Cc que j'appelle rêve d'ailleurs, ce n'est pas cette inconscience totale ou partielle, cette sorte de coma que l'on a coutume <le désigner par cc terme et où semblerait devoir se dissoudre, par 1nomcn ts la pensée.

j'entends au contraire l'état où l a conscience est portée à son plus haut degré de perception.

L'imagination, lihre de tout contrôle restrictif, l'extension sans limites convenues de l a pensée, la libération de l'être au delà (\P son Cùrps - indé· fend:ible - la seule existence vraiinent noble de l'hon1111e, l'effusion la plus désintéressée <le sa sensibilité.

Par ln pensée les hon1n1cs quelquefois s'accou· plent, pnr le rêve l'hon1n1e trouve toujours n1oycn de s'isoler.

je ne pense pas que le rêve soit stricte1nent le •:ontrnire de la prnsée. Cc que j'en connnis 111'i1••line à croire qu'il n'en est, son11nc toute•. qu'une fonne plus libre, plus abandonnée. r . c d\vc et la pensée sont chnc:un l e côté cliffC:.·cnt tl'\1110 n1êmc chose - le revers et l'endroit, le re)v0 C(>nstituant le cût6 0(1 l;i tr;tnic est plus riche 1nais plus lf1che - la pensée celui oi1 ln tran1c est plus sobre 1nais plus serrée.

Qunncl l'imagination se refroidit, se resserre, se délin1itc- et se précise, le côté <lu rêve se retourne et lnissc npparaître celui <le la pensée. Mais l'un t't l'autre cependant ont leurs caractéristi')UCS ; on ne peut pas les conrondre si on ne peut rad.i· calemcn t les séparer.

(.,;� pensée a besoin pour J)rogresser dans l'esprit rit: se préciser en mots, le rêve se développe en imag�s. Il s'étale et ne demande at:cun effort pour se développer. La pensée, sans l'aide des niots n'avance pas. Forcén:cnt disciplinée elle suit un cours et exige, pour s'étcn<lre une tension, une concentration <le toutes les forces intclh:c· tuellcs disponibles. lvlais die rend à l'esprit les forcc-s qu'elle lui emprunte - elle est son exercice �;lin - l e reve, au contn1ire, l'épuise, il esl son exercice dangereux.

Il faut avoir innée la puissance du rêve, on éduque, oo renforce en soi celle de la pensée. 1'1ais s'il s'agit de poési� où irons·nous chercher s:i précieuse et rare matière si cc n'est aux bords vertigineux d u prfeipice ?

Qi"est·ce qui nous intéresse davantat;:c, l a réussite d'Hn arran�cnicnt convenu, plus ou n1oins subtil et ingénieux, des rnots ou les échos

profonds, mystérieux, venus on ne sait r:l'où qui s'animent au fond du gouffre)

Le rêv� du poète c'est l'immense filet' aux mailles innolT'brablcs qui drague sans .:spoir les eaux profondes à la recherche d'un problé· matique trésor.

Je n e sais pas si le surréalisme doit être eonsi·

cléré con1me une siniple dictée auto1natiquc de la pensée. Pour moi je perd conscience de cette dictée dès qu'elle a lieu et, tic plus, je ne s:1is pas encore d"où clic vient.

Ma pensée ne nie dicte pa; puisqu'elle est clle·111tlmc cette fonction de l'esprit <Jni a besoin pour prendre corps <le se préciser cr> n1ots, de

s'organiser en phrases. Mais cc qui ln carnctérisc c·ncorc c'est qu'elle

Page 22: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

2 0 LE RÊVEUR PARMJ LES MURAI LLES

exige un enchaînement (logique) et qu'elle réclame toujours, pour se satisfaire, une conclu­sion. Si je la traite à !a . manière du rêve, au lieu de prospérer comme lui, elle s'embourbe et s'arrête, elle m eurt.

Si j e pensais en écrivant un poème comme je suis obligé d e penser (si faiblement que ce soit) en écrivant un article, ce poème aurait au moins un e conclusion. Tl y aurai t entre ses parties un enchaîn ement soumis aux règles ordinaires d u raisonnemen t. On y sentirait, pour si obscure qu'elle soit, la volonté d e dire quelque chose à quelqu'un . Ne serait-ce que cette i d ée : « Je v ous prouve q u e je suis froidement capable de composer un poème. Je connais mieux que personne la beauté. » J' adn1ire beaucoup ce genre d e maîtrise, mais je l 'admire à froid. Elle est loin d . être mon fort. Et il m'arrive d e mieux apprécier les i d ées d'un hon1me capable de tels

. ' exercices que ces exercices n1e1nes. Le poète est dans une position touj ours diffi­

ci le et souvent périlleuse, à l' intersection de cieux plans au tranchant cruellement acéré, celui du rêve e t celui de la réali té. Prisonnier dans les apparences - à !?étroit dans ce 1n oncl e, d'ai lleurs puremeP t imaginaire, dont se contente Je con1 m un - il en franchit l ' obstacle pour atteindre l ' absolu et le réel ; Jà son esprit se

· 1ncut avec aisance. C'est 1 11 q u' i l faudra bien le suivre car ce qui est cc n' est pas cc corps obscnr, tin1icl e et: n1éprisé q u e vous h eurtez distTaiternent sur Je trottoir - celui-là passera con1111c le reste - mais ces poèn1es, en dehors de la fonne du livre, ces cristaux d éposés après l 'effervescent

l 1 , .

1 ' l ' ' con tact c e cspnt avec a rea 1te. Et l a réalité profonde -·- l e réel - c'est cc

que l'esprit seul est capable de saisir, de détacher, de 111odelcr, tout cc qui dal' s tout, y con1pris la n1atièrc, obéit à sa sollici tation, accepte sa clo1T'ination , évitP, esquive l'emprise tron1peuse des sens. Où les sens sont souverains la réalité s'efface, s'évanouit. Le naturalisme est un exe1nplc d e cette soumission à la réalité sensible. On passe sur l e résultat. Car il ne s'agit pas de faire vrai ; le vrai d'aujourd'hui est le faux de demain. C' est pourquoi les poètes n'ont jamais eu aucun souci du vrai, 1nais toujours en sornn1c d u réel. Maintenant prenez garde, les 1nots sont à tout Je monde, vous êtes clone tenus de faire d es 1nots cc que personne n'en fait.

Je n e suis pas, au surplus, à la recherche d'une fonnc quel conque. Je n'en connais pas qu'il me plairait de revêtir.

Si j ' en connaissais une toute prête, je n'aurais rnê1ne pas Je courage de tenter le moindre effort pour l'atteindre .

Je crois que l e poète doit chercher partout et en Jui -n1êmc, la vraie substance poétique et c'est cette substance qui lui impose la seule forme qui 1 ui soit nécessaire.

Mais, ce qui m'absorbe plus que tout autre détail d u problèrne c' est cette i dentité de la destinée poétique et de la destinée humaine - cette rnarche incertaine et précaire sur le vide - aspiré par en haut, att1ré par en bas, avec l'effroi à oeine contenu d'une chute sans • nom et l'espoir encore mal chevillé d' une fin ou d'un éternel commencement dans !'éblouisse­ment sans tourbillon d e la lumière.

PIERRE REV E RD Y .

LES DÉSESPJ�RÉS

At:ri"\ré le n1ati11 111ê1nc de Sai11t-Sébastien, l\'l. 1-'icrre Rég11icr, trc11tc-11c11f a11s, tailleur d'l1a)Jits, a tenté de se s11 icider, l 1i-cr après-n1 i di, da11s i111e cl1aml1rc d' l1ôtel, 26, boulevarû de l'hôpital. Le désespéré. qui s'était tailladé la gorge �\ coups de rasoir, a été tra11s1J ortè., da11s u11 état gra,•c, à l'l1ôpital clc l a 1:.i lié.

LES 'Dl�SESPÉitl�S

I ... c gartiicn de la J>aix l3011ssic111ier, dtt dixiè111e :1rro11-disscn1c>11t, a rc1)êcl1é <1<.111s le ca11al Sain t-::\'larli n, c11 face rl11 1111111 (�ro 110 cltt <1t1ni ,Jen1 111n1><'S, l e cadn,•rc clc 1\IHl' l�ulalic I)n<1t1cl, âgée de lrc11te a11s, clo111c5lic1ue rue rie la 1:.i<J1111>e, c111i, ù la s11i le cle cl1agri11s i 1rl i n1cs , s'était s11icidéc.

( J:.ietil 1�ariti•,n . )

LES ]) l�SESPJ�Iu�:s

-- \1ers .-J 11c11rPs clu n1r1 l i n , tille fen1111P, gr:.111<le, éiancéC', 1>nraissa11l. :l\'oir ,-h1gl.-ci11<1 nns. q11i. dcr>11is 1111 in.s lri11 ! , se ]Jl'OlllPll:Ji l. réJJriJen1e11 L qttn i des (:élcsl i ns, l-l'_'f1Ull'I. lllll' ,·a]ise ù la 111 n h 1 . <lcscencl i l rn1>illcn1enl s 1 1 r la }J�l'M<', c l , �­la issan t. l e co lis <111 'c]lc J>ortui l . se .i<' LH .l. l'cnu.

]�11 \•ai11 se porln-l -011 ù son scc<>tt rs. O!t ne J>Ul ]a relrou ,·er. l)a11S ]a \'H]ÎSP, CJUe JlPll Upl'éS Îll \·en l. Ol'Î U Je CfJllllll i�,S.HÏl'C cl11 qunrlier, 011 11t• trot1\·a qttc qiJclc111cs <' ll'e l s clc li ngerie 111�t rqnés <le 1·ini l.i:1lc \\'.

( Pclil Ptlrisic11.)

SAlNT-clOI-JN PEHSE : ANA BASE. (N. R. F., éd.)

Cc qni csl pur, l'in applicable, le cim cn l pareil ù l'essen ce, l a chanson , J e point qui n ' est ni dormir ni penser, ni IP silence, ù pein e l a parol e, et irn r-clcssus les ''a�11cs océa11es 11i l ) éc11111e 11i la ni.011 ct t e . 11i 1 'ea11 et déjù la lumière, un grand pays blond de coutumes, où les gestes se font comme des plis de robes, dans l'amour les formes du baiser seules alors découvertes, dans l a chasse une altitude du tireur, J'ombre de l ' oiseau sur le sol, l e plaisir enfui, oublié, ·un n10nde à l' aurore, plus qu'un inonde : un homme au bout du monde, Sain t-John Perse. Il n ' a rien deman dé à personne, et voici la bave des chien s (1). Quand la terre tre1nbla, quand J'ombre suspendit son feuillage au-dessus des céré1nonies militaires, quand on vit, dira-l-on , Je défilé des conleurs lnnu aines sur une to1nbe absurde, quand l e sentiment de là cons écration eut déposé sa palme et ses murmures sur J e dénouement prévu d'idées vulgaires, défen dues par Je plus grand nombre, alors accmn pl issant le vœu de ses fantômes un poète en ces temps pareils à l a semoule pour l'infinie division de l a pous�i ère fit entendre le son, un bateau qui périt en mer, du cristal.

L. A.

(1) Cf. Paris-Journal du 14 novembre 192,1, Chronique de z,. Poésie, pat' Roger Allard, auteur de plusieurs :irtieles imbéciles sur Théophile Gautier, Henry Bataille, Gmllaume Apollinaire, Pierre Reverdy, Jacques Baron; etc.

Page 23: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

SUICIDES • 1

LEUR

01t,\�11�: OANS l)S R$CA1.11�1\

FR�:HE MOR'r, DT;:UX JEUNES

DÉCIDENT DE SE TUE!\

RUSSES

L'un .,e brtl.le let ceruellP., 11tai� drs .,,);s;11:. accotJrltj e1upêt:l1,�11l lt: Se<·,11ul d'en f<1lte "''''''�'

?Il. f;1ni1c Scrl'e, qt1i liCJlt lit\ llûle-1 1$, rt1e Brt")'. c11tcndnil Jticr, \'ers ,·i11gt ,et une.� h1!urt�!i. tlt•ux clélo1latlo11s tln11s l't�stn­li.cr. 1\.t1ssitôt, aeco1npng11é cle voisins, Jl •\1c>11L:1 juscttl'{ttt Jlre111icr étnge 0\1, st1r lq J>Olicr, ttn S(>Cctaclc tragiqlte s'oJlrlt t't �<\ vl1e : tout cns:1t1jZll\1\té, gi$ltil 1111 jcl'.\oe 1101111110 ét�ga.r11-n 1c11 t ''êlu. porlnut ;\ la tfilc une nrtreusc: e l lnrgo l•lussurc.>. J>rè!; de cc cor1>s était é'ten<Jt1 1111 ritttre jc11r1c l1omn1n qttc l'l1ôtclicr i·cconnut pour être \lit de ses loc.a.tnires, ,\lcxnndrc Foht, R11:o;l)c� (}'orlgi11e. âgé clu -,·iogt-n«.•u r :.lns.

- L:\isscz-moi ! Je ,.C\IX rne ttlC'l' ! J(: vci1.x n�juin(lt·c mes r1·èr<"s ! s'écri<.l lt" OltllltellfCll:OC CJ\l(, Sè saisis.sa.nt cl1.1 rr.\•ol­\'('I' c-1ue Je n1orl \('­nait (tOJlS Sil Jl\ilÎfl crispée, se tira 11ne ha lie� CtU i. ltC\ll'C\\SC-111c11 t. efilc.11rtt sculé­Ol('ltt sn jo11e.

011 (>\l l cllfficllc-111c.•11t ctl-s:ir111cr le déscspérê.

r .. c é01n111issolrc dtt q11:1rl·j('r iclent iti:1 le 111ort, q11J n'étnlt u ulr1 .. 11111� le j1•t1nc rrè rc cl' 1-\lcx.:u1<l1c Ful1l. NlcoJt\::;, ilgU tlc ctiX-lll'lt( UllS.

-· Il ne ht\tt pas <tU• j(• l<:-Ur SUl'\'Î\'C' f s'ê:c:rin. clans 1111 ét�tt <l ' c•xt1Lta lio1t cx­l ré1nc• A lc•xn11<1 rc• c111i , cl'o11r. v1•ix t'11t1·cco11 .. 11ê1·. cxpustt IJt �t·nês<J du clrnntC' tl:t\'l'Ullt.

l\éccn111tl:11t. I('.:.(; <((!UX frèr('� ll\"HÎ<iOt f.t (1 tl C)tl)Oll l't:llS-Cll\èlt t n rJC'-cl(�'!<: 1•01· ln n1ort t'tc� lc•\\r trolsièn\P frère st1rvc•1111r.tl ?\:ice, l\ 111 s11i l c• <l'1111c Jo1t-1(11c mnln<llc· :

- Nc111s 11011s nl­minns t roi>. Ncl115 él lo11s i11�6parn bics � èl <�"t•sC J>-OUl'<tUC>l 11uus a\•lons 1Jéciclé. Nlco­fn!\ c•t moi, (('r11 Ouïr n,·cc urtt: existe.ne� <lésorrr1nis ''i<le.

Alcxn11<!r«• Fc1l1t et ot1 rrè.-(• 'Nicolt1,; sé l:1ic11t l0U$ • <IC\IX :1ltocl1(1i:> �. 1 • c'!coll! d"ê•lcctriclt(· \'inlcl, 115. i1vcn•1c E111il1·-7.c)lr1 . J' 1111 cc11r1111c� ('nl-plo�·<�. 1·n 11 I rc t'-11 c1uo-til l! cl'éttt(J h-.nl.

Ni.::oln� ;\\'itlt ]'>ris Jlf•n.sio11 tlnf1s cr•lte école. ta1t(lis q11c st>n rr1�r<· c!litil \"•!nu, il �· li cinq lll<JiS. l"\'În!\lnllcr 1\ l'hê1lf'I d<: 1a r't(' f-lr<·�', C:'c•st. nux clircs: cl11 s11rvi\':t11l. <l 't1n co111111nn :tcc;orrl 11111• lt• jt•11nc �leo1os •�t l11i ll\'Al••r1t projclé et(·� se� clo1111er ln 111ort.

Aprês n,1oir •lin� dnns tin rcstat1r�' 11t (lu qt1orli1:1·, il!' rrixo­gn�rc�nl. l'l1ôtel c l Nicoln$. s<u·tn1\l un 1·ovo l,•er (le 5:n poche, s'écria so\t<lAil1 : •

-· �•c� st1is le- f)ltts j<•1111c. je! 1llC! tue Je premier. 1·11 prc ncJrns 1non rc"·ol"'<•r. Aclicu 1

Et. il se lirn tll\c� lutllc clu11s lu lc1t11•c. Alexauclre l�'oht� qui tt'cst q11c très lëgêrcmenl l)lc·ssl· t'\

Io jf•11c. est gartll!. i' vt1e :111 to1111t1l�î>nriAl, le 111ogislrnl crnl­gnnnl q11'il n'ollentc (le nou\•cnu à ses jottrl'.

(Pt/il Parlsle1t,)

UN .JEU NE A MÊ:RIC:A I N SE SUICIDE DANS UNI.$ Cl·IAMBHf. D'HOTEL Un jc1111c ,;\11têl'icah1, �I. \\1illhlnt Sl1urr. ,·ingl-t rois fins,

<lescc-ndtl da1\� 1'111 l)ôlet, •I. r1.1c Crébi llon. s'est sttici<lê e1l l)C logcru1t un(} bnllc,!. <le 1·c,·0Jvcr dn 11s ln te111pe clroitc. Le ctêi;t?!:iJ.>êré tl lnissé tl'ols lclll'CS, l'tui(� ù l'ucJr<�ssc <le sn. Ulèl'Ct 1\t0e Sl\orr, 29. Scl 1cnk ttvr.11uc, Bro01\lin, Nc\v-'\rurk: lit seeo11de 1>our l\t. li�trl J31oo<lgCJo<I, 'i'l l';'g<'nc� Cook, c·t 1:\ clcn1ièrc tlt-sti11c.�e :\ itî. 1.-r6d6rlc Ct'ébl llon , J)OSte resl:•nl<'. r11e cl 11 J .01,_1 vrc.

V :VONS POUR r.u·1·rr,:11.

Une putlvro jc111ll\ lîllc• fi,� 20 nns, Si11101111r. \'i1JifnJ;;, ,·ic•11t clc tc11tcr tle �(· !:illici<ler. Ellt.• fl\'Ull fréquenté lts 111illt•11'\: 01101·el1islt�s cl spécialc111('J\l lc-s .lt�LtUL·sscs.

'l'•>11te la 1>1'c.•.sNe ,.n c11 c.i., re c•xpJoilcr cc déJllornbJ� acci<lt•ut.. 11 fnut1 ttul' bt•f111t) rc>is t>CJut· lutttcs, que i-1ous cx1>rin•ion�

( "

.l

Pir.rre ,t>.J11uillc.

l'opluion clt�i> 1\1lllc"t1x auarchisles sérh.•u,_;. <111i so11t sennc.lalisês <f,lt� <le' téllc•s 1110011rs s'l11l1-..1cl11!�111 l cl1ez nous. Les :111orchistes '\'C-UICJll, ltOtll' tous, 111 viç lil•rr, i1ellc. lt('\ll'C�llSl'. Ils l11tt1.•11t. ])OUr itt \'lt\ c.-t non flOur tn 111<>rl. lis c•on1lu1ttc1•I IM>tar 1., l)onhc11r ('l 1\011 1>011r Io 1lotll1·ur.

·1A.·� r11ilicux nnur­t'histl'!'I so11t s:,1inl'lo. \'�C>tar•·ux, e<,ntl>1l• li r.s l ls �<>11 l ))Uri i­�11118 flë l'ttClÎIJI\ t•t rt�J>rouvc•nt le• �ui· rie)('. llR 11'0111 rit•11 <lt• c.·on1n1un n\'C'C ct•rl11t11s 1••·llll' cénn­<'1c.•s c.>f1 1'cu1 culli,·c· <h·s l hfjo1·i1•!'(. ex 1 r:1-,·11g1111lc•s.

l,f' llll)tt\re,•111( • n l u11u1·ehh�t<-. nvunl­gnr<lc_• ch1 11\·oll�lu­rtu l ré\'Ollltionnai I'(', 11(' \'tn1lnn• êl1't• t)llC la frnclh.11l l:t r> hts co11\l>ntlv� titi llC.�1111Je ollrutl il ln ré\'Olle, s'c•sl n n1 m1é. tln1 •!5 sn11 clcrnit�I' c:on�rêl'. con1111e 111 a r•• h n 11 l ,·1•r!\ des rl-�1Jllé!\ \'i­\'111\les.

<:·l'sl s111·lo111 nux jeunes <tnr. r111u� ll'>llS lulrt'l'sOtt!\, eux <111i so11t c111'.1>1·r tail>I('!\ 1-iour 1·<-�i!\lcr :' ln lllOrl-iitli le'�.

1'1)l11'1lc�-vo11"' \·c:1·s l'nclic111,tour111•7, \"Q11s vc•rs Ill \'ÎC.�. Que l'rX• i:.;.lcnt·c� t.ot1 lc clc lnl-t1·s fl11 1-in-•r-.ai�u otllstc \'O�IS lrnl<', ('Jll" ('lllJ 1·c:cCIC' dc.-s j(n1issn1lt'1!S <Ill 'i�nurc le c:on11111111,

VI VEZ ARDE�JMENT !

.;1•1111c.�s Hrnis. f(Hi Cco11lc7. tr<JJl ln \'11ix 1lê�C(•\'n11le qni ,·011$ f•til tloutcr tic• 11\ \'li:-, cl ((tll, tilt tlt.u clc \'C.•ttloir \'i\'rt:. ettlllvcz cll•s 1>c11s�<'s rno 1·•,scs, Ct!o11tcz un Jt••èlr•:

.le vc11x être ltt \'Oix - Qui sc!clui t c l q11i tr111dc·, -,f(� VCllX êl rr. 1111 (!.l1\001f'lll('lll, - 1>11 CO�lll' llUlllnin . -l·:t hrlllc:r ''u solelt, - J..11 vlf(uour tic nt{\ n1ai11. -}_.:t jeter un r:t)'U ll, - S11r Ja rilainlc tltl 1\lu1ttll'. ,\Jlotts, d•.1 cot1rf1gc, Onli� cle \•Jttf;(t i1ns. êt1uli<'7., 11ro1•1�e7.

l'idl"C:, lra\'üillc•z honnêtcn1 c•nt . rl le l{oût clc lfi ,·lu nnilrtt clan:; ,•os cœurs COJ\)tnc u11c l>c-llc: rose lrèmlèrc !

(1.iherlulrc.)

Page 24: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

)

C H R O N I Q U E S

L' lnvcnfirrn.

l.'0111bre de l'Inveutcur

f.I.';;!) Les virus invenLions, cclles rp1i porl,cnL avr.c elles l.0111, 1 aspect d'un 1.racus hanal (111 de )a p 1 us ·1,011clH1nl,o ingc\nuité. si je pense soudain q u'clks snnt. des invenl,ions, que c'est inventions q u'c!llcs nie rcli enncnl., si passagèrornonL, si 1nal que cela soil., ne vonL pas sans .iel,er un grand trouble dans mon crcur. J'ai plusieurs fois éprouvé Je senLirncnt pani que ü )' E"posiLion clu \.oncours l,ôpinc, 01'1 chaqun annce j o reviens inexplicahlcmnnL orrC'r entre lHJS jouel.s idiots cL ces pel.i Ls 1. 1·ucs in géni<'u x qui rnn dent <ll�S ser­vices rliscnl.ablcg anx 1n\>nagùrcs. 1 1 y a des passi�·l lrés, · des hobùclrP-s i1 ressorL, 41ui 1n'cf­fraicnt.. Je. vois l'hon11rH) qui �· songea, je v.isil c alors 1;cl. ahirnn. �é,;l Uno rèvélal ion, cc coup de rouclre int cl­Jec1.uc,1, ne se 1ncsure pas il la dnrùe de ]'amour qui c:>n nait, ni :i sr.s raval!es. 1.a l arnpe de (;al i lôe ou ct�U.c do u bit• t.i rot.tv •'n hoi s sur l a<1 uelle son1. _juchés deux bîrchcrons qui frappent it t our ùo rê1h� un tronc d' arbre, le n1êmc méc anisme un ins1.1111t prôsidc à leur genèse. L'ad111irablc se Lient, l ient ü ceLLe solul.ion do continuité iinagi· native, oü il s01nblo que l'esprit Lire do soi-n1ême

un principe q11i n'y èL:at pas posê. l.c1 gônérali · sation tl' uno dôcouvertc, sa valeur coin me on clit, si inespérée qu'elle soit, reste toujours un )J•}ll au- dessous de ce Jnon1ent de la pensée, cl, sans doute q u' elle en di1ni nue plutôt l'effet pour un juge qui s' arrête aux conséquences : nul doute qu'il la po111rne de i\cwl.on l i (•gel e1'11, prél'éré cc hachoir que j'ai vu l'antre jour uh�z un quin­cailler de la rue i\longc et qu'une rêclan1f' nss111·c : le seul qni s'••nc1rc con11ne nn li(lre. *' ;\ c e carrcrour des songeries 011 l'hon1me esL t111)1u� t.out. ignorant des suiLes de sa longue pto· ffu,naclu. 11111; belle indilférence dore de refleLs l'univers. <).u'au prcn1ier plan de nos 1nt'.-n1oires surgissnnt ces in.,·cnLions uLilcs, qui sonL d'abord, cL toujours seufos gloriîi ées, ne voyez-vous pns i1 leur on1bre la project.ion de leur véritable nature ? Au rnorncnL qu'el les se forrnont, ces n1adiinos de la vie praLiq uo ont encore ll" décoiffé du 1 êve, cc regard îou, inadapté au inonde qui les apparente alors il une simple i 11H1gc poél i que, au mirage glissant dont elles Ho1tc11t ù p eine, bil?.n 111al désenivrées. Alors seukment l'i ngénieur échappe à son génie,

ropn•nd cette h allucinaLion, et pour ainsi dil'c la 1lécal,1ue, la LraduiL, la 1nct. à la porLéc des n1ains des incrédules. L'usage il son tour inler­vienl. Mais :\ cc stade inexplicable, ù ce poioL

Page 25: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

CHRONI QUES

mystérieux où l' inrention pure n' est appelée ni p ar l' erriploi q ue llil réserve l' avenir, ni par une nécessité n1éditative, 1nais où l'invention appa· raît, s' aperçoit, se lève, elle est un rapport nou­veau, et rien d' autre, un délire qui tourne un p eu plus tard à la ré al ité . Enign1e analogue à ]' aurore. Que n e in' expliquerait-on pas au n1oyen du h asard, ce TI ' est que reculer la diffic ulté, les h asards de l 'ün agination, vous voyez bien pour­tant que je les i in agine . Une autre solution ne vaut pas n1i eux : celle de l' application p arLi ­culière d'une loi génér ale . L' accord de l'inven­tion et de la loi se fait par la suite quand l' esprit se repren d, et se légitini e. Croyez-vous qu'il connut le ph éno rnène de persi stance des i mpres­sions rétiniennes le petit arti san q ui fit le pre -1nier to urner autour d' un axe 01'n é d' un poisson rouge le deni i cercle 111 étalli q ue dont l a rot atio n figure à s'y n1éprendre un bocal ci'eau luisante et vraie ? Et pensait -il à sa fortu11 e i' Po ur niai j e suppo se q u'il était possédé d'un e i dée du 1nouven1ent et de l 'eau, d'une ni étaphore agis­

, sante, où se r11 ari ai ent les transparences et l'éclat . g,;1 Hien n' est 1noins vo isi n qu' absl.raire, d'in­venter. I l n'y a d'invention que du particulier. Ces propositi0ns tout ni ' en persuade . Tout ce qui peut ret.enir d'y donner son assen Li inent est cett e fâch euse idée comniune q ue l'on se fait de l' abstrait , du concret, et des 1nodes divers de la connaissanc e. 11 faut dire que quel ­

ques esprits, les n1ei lleurs, ont large1n ent con­tribué à cet é tat de confusion . Contraire1nent ù co que j e pense, l'opinion paradoxale a prévalu que la connai ssance vulgaire est toute concrète, et q u' abstraire devient ainsi un progrès sur elle. Or si j 'ex an1ine les i dées que j e nie forn1e de ch aque chose quan d j e 1ne laisse aller, j e retrouve toujours un 1not , La connai ss anc e sci entifique, on a hien tort aussi do l' opposer :

't l a connai s ­

sance Yulgaire, elle est aussi ab sLrai Lo qu' elle, et n ' en diffè1 e que parce qu'elle s' est débar­rassée de quelques opinion s sans fo ndement qui surch argeaient l a prmnièr e abstraction ù sou ét.at nai ssant . L a cannai ssance philosoph ique ,

celle qui inéri teraiL ce no1n , envisage tout :'t l'encontre, les obj ets, les i dées, non pas co m m e de vi des abstractions, ou des opini on s vagues, n1ais avec leur contenu absolu, clan s leur accep­tion p articulière, leur extension 1nini me , c' es�­ù-dire dans leur form e co ncrète. On voit qu'elle n'est p as différente de l'i i11 age qui est le mode de l a connai ssance poéti que , qu'elle est la con­noissance poéti que . . A ce poi nt , ph i losophi e el poé sie, c' est tout un . L e concret esL J e dernier 1nonient de la pensée, et l'état de l a pensée concrète est la poési e. On con1prend ai RérnenL ce q ue j 'entends par cette forn1ule q u'il n'y a d'invention que du parLiculier : le concret est la n1 aLière même de l'invention, et le 1néca

nisme de l'invention se réd uit à celui de la connaissan ce poétique, c' est l'inspiration. àt. La connai ssance vulgaire s'établit suivant un rapport constant, s' acco1npagne d' un j uge-1nent qui porte sur l ' existence de ces ab strac­tions qu' elle 111anie : ce j ugen1ent , c' est la réalité. L'idée du réel est étrangère à toute véritable philosophie. C'est folie que de vouloir attrib uer ce qui est le propre de l ' abstraction à la noti on concrète à quoi t end l' aperc evoir i dé al de l'esprit. Co1n1ne elle nie le réel, la connaissance philosophique établit t o ut d' abord entre ses 1n atéri aux: un nouveau rappor t, l'irréel : et tout cl' abord l'invention, p ar exCJnple, se 1neut dans l'irréel. Puis elle nie :\ son tour l' irré el , s' en évade, et ceLl.e double négation, loin d' aboutir ù l' affirn1 ation du réel, le repousse, le confond avec l'irréel , et dép asse ces deux idées en s'e1nparant d'un 1noyeµ ternie o ù ils sont ù la fois ni és et afl ir rn és, qHi les coneilie et les contient : l•' Ru1·ré el , q ui est l' un e des détern1inations de l a p oésie. L'invention, pour n1e ré su1ner, se résume ù l' étab li ssCJnent d'un r ap -port surréel entre des élérnents concrets et son 1nécanis1ne est l'inspiration. èt. On sait peut--être qu'une cerlaine rech erehe, une eertaine façon de faire pré donrin er le surréel a pris dans le langage courant le no1n de sur.réali sni e . On apprendra avec un peu de réJ'loxion ù di sti nguer q uelles inventions sont proprmnen f, surrùalistes. La nature surréelle du rapport établi y den1 eure, ni algré les défor­n1ations de l' usage, en q uelque n1 anière appa­rente. Ce sont des invonl.ions q ui gardent la trace des di \'ers ni o1nents, des diverses clé1narch es de l' esp ri t : l a considération du rènl, 1'a négati on , sa conciliaLi on et le niédi ateur

absolu qui les . englobe. I nven ti ons ph i lo so ­

phiques q ui sont touj ours un peu plai santées du vulgaire, q ue les contradicl ions déconcertent, et qui a i nventé le r ir8 pour se ti rer d'affaire rn leur présence . C'est lù l 'h umo ur, qui fait sonn er fauss01n ont los poLi Los cloches du hèt ail hu111 ain. L'hurnour est une détermination de la po ésie , en tant q u· ene établit un rapport. surréel dans son co ni plet dèveloppon1ent. C' est sans doute cc c aracliffe <[Ui ren d une invC'ntion >urréa liste. Il en suit q ue ee qui sai sit clans une telle inven lion c o n'est. en aucune mani.f>r•: l ' ul.i li tè, bien pi us c ' est quo cet.te ul ili té très 10 1n1.aine n e suffit plus :\ ] ' expliquer, la com­plique plutôt. , et le plus souvent di sp araî t. Q u' elle se réduise ù un j eu, voilù corn1ne on in1 aginera en résoudre l'insolite. Cela n' est pas soutenable : l' activi Lé de j eu ne sau1 ait satisfaire l'esprit q ui l' invoque. Pour pou q u'il considère la gesticulation do co j eu, i l ne p eut plus se · détacher do so n n1ystè1 r, i l est pris par l'étrange con11ne par un 1n arai s, il ne croit plus a u j eu qu'il invoquait déj à.

Page 26: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

CHRONIQUES

Le ty}Je inên1e d e cette invention avec ses te1nps décon1po sables, l a désaffection des élé­n1ents, eL leur af fect ation ù un e fin i n forrn u­labl e, pour le b énéfice <le cel h un1 our (jUi n e donne <ru' aux n i ai s ces contractions <le la face p ar Ji:srp.JCl l rs s'cx pri n1 e par1oi s la gaîté. j e le trouve dan s toute une série de rnana'uvres q u i n1ettent en q uestion la signification de peti ts objcl8 fami l i ers, qui n e no urrissai rn1 g:uèrt> Je scr·1H i l' i s m c. Tels s:in t "CS tours de soci été, dont la inati rre est un DhiUCl!Oir, une allu1nette, une f1c cllc, dt>s clefs . . . '·I ui ne fonL ni pl rurcr ni ri :e, qui occupent. i1 pei n e les �'�ux, un pr.u les inains, et sernhlent. dan:': ] ' ahord in différen Ls ù J ' esprit. . J P. défie q uicon q ue s'en croi t Je vouvoir d' analyRer l'in t.èrf>t rrui l es détern1ine. Ce son L des in1 aginaLion s vures, q u i éch appen t alors au raisonnen1enL. Ain si l ' al lu m ette ap11 uyèe sur Je frottoir est envoyée d'un e pich enette con1n1e une coniète en ch ain hre, ai nsi tro is all u rn Rt.tes p lacé es en porti que sur leur holtl', on al lnn1e la Lransversc en son n1 i l ie u et, elle s' en v<Jlc, etc. ] n venL ion s p u rüs, san s appl ic ation po ssible, où n1 ôme au cune i l l usion n' est. c l t er::;h ée, en elles J'ési de, dan s son é t at. i m n1édi al., l ' h u mour surrl�ali sl.c, saur. 1nise en sc1\ne. Ce no sont. vas des j eu x , m ai s des acl.es p l i i losop ! i i q ues d<' pr<•1 11i1\re grandeur. (En prcmir.r l ieu la 1'ôal iLô dP l ' al l u rn eLl.e esL n i l�e en 1 an!. q u 'allum ()l.Le, son i rr{�,;] i l.é aHi r mèc, r.t. P l lo p PuL don r-, r-eLl.e allu m r Ltc, êl.re aussi hien 11 ' i m p1 1 rLn q uoi, un in hre, une J usée, un e c h an �on ; pui f; déLnurn(�c de son uFage, el. par J i 1 dr� sPn snns, la voici nlt.ri h 1 1é 1) ;'1 une acLivi l.é q n i ne 81) con n a i t, pas, i1 un usag<) i n d l, !ïni , n o uveau, qui s'invcnt.n, ù un usnge sinTl'el , el. r, 'esl. alors q u' i n \.crvicnl. l ' il lusr, ire cxpli· cal . ion du j eu, q ui concilie les co nl radir l ions de l 'a l lumPl,Lr. pour un oln;c�rvaLcur Sll]H'rlïci cl, el. q u i doit, côdPI' Ji< pas, en vi,ri ll>, ;\ la poô s i 1', seu le in l.crprèLaLion pl atrnible. de ccLl .e c l i iqnc· naude h ors du réel ) .

Lo uis A11AGON.

La Co'/lsrience"

I� 'Otnbre de l'Otnbre

.l e inc inéfi c de l 'opini on pu hliq n c, ce vieux cr,î n c pll'in de p 1 1 na i:;cs eL d e rogn u res cl esséchées, q u i épro u ve l o ut ù cou p le b esoin d e rel rouver 1 1nc voix ea vern c n se po111· pnrlcr sel on le hon sen s. Le bon sens,

on ne R:nll'a il 1 rop le répé1 <'r, est l 'expression d P ln 1néd ioeri: é. Cc 1r11is1nc, j e n'h ésit e pas n 1 'ùcri t•e en cc 1no1ncnt où li ne récente

ex péri en ce in'cn fait sent ir tou1 1� la force.

On se heurte quotidiennement ù cette pier1 e d es gens d e bonne foi.

Tout cela pour expliq uer qu 'il ft1 11t ou q u 'i l ne faut pas fa i1·e telle on telle ch ose,

q 1 1 'i l n'est pas convenab le, que c'est un n1anque d e t a ct ou encore u ne folie d e d i 1·e; d e fai re ou d ' écrire ce qu e l'on a envi e d e dire, d e faire ou d 'écrire. Ce " gros )) bon :'ens, con1111e l'on d i t , 1n'aicle quelquefois b ne pas perdre l'équilibre. Quand on 111.e le j ett e à la fi gure, j e suis prêt, in11nédiate1nent auto1natiqne, ù faire ce q11i nie passe par la tf:te.

J 'agis tonj onrs d ' accord avec n1oi-n1i'n1e, c' est-à-dire en co1nplet d ésa ccord avec ceu .x q11i vivent en d ehors d e inoi. C ela ine vaut d e gran d es j oies. I inagi nonR pend ant, qnelqnes second es qne j e ne pu isse plus recon na ître les l inü tes act u elles d e inon on1bre et d e ce q u 'on no n11nc ;\ tort 0 1 1 ù ra ison ( 1na is plutôt ù t ort .) 1na vérité. l inn1éd iat en1e1lt. j e 1110 sens l éL�'er, a èrim1, d écid é et d ép o 1 1 i l l ô d e d o utes. To11 l 1ne para î l si1np le ei sou p l e conunc l 1ne n ap p e d ' eau .

1\ i ai s clü;sipez ce nw lentend 11 . \i os J in1Ït Ps sont en vo1 1s-1ni'·n1e et vou s les i1nag inez

Si panni vos c 1 n n 1i :i et connaÜ;sn n ces "

vou s p(n1vnz rccrul er q u el q u es s11j eLs, c'cs ! -i1-d ire d es h nuun es d e li onne volonté, propnsez­Je1 1 r de ne pas s'attend rii·· et d n regard er vraiinent nvec l eu rs y e u .x . l,es phénon11\nes les plus ex traord inaires s'ôlôvcront., iront ù la rencontre d 1 1 regard el i ls n ' au ront p l u s po1 1 r app11yer l eu rs d out es, q 1 1 'une cann q d e guÏlnauve qu 'on appellera pou r la c1rcons­tancP, hahiLu d e .

Si vo1 1 s ne t ronvez pas d e suj ets, ach et ez pour q u inze ou vingt. crnüi1nes un q u otid i en et vous trou verez il la r1 1hriq 1 1c 11 Faits d ivers >> d c8 ex e1np l cs sou vent frapvants d t> L� e q u e j 'avance. Le fait, seni d e lire en soi- nli' 1ne et cl e reconn aître d es pay sages int érieurs mérit e q u e l'on s'y a rrête q1 1 elq 11 es

instants. Et re1narqu on s tout d'abord q u ' i l n'y a aucune d i ffrrence entre un véritable faiL d i \'Crs et l es faits q u e nou s attrapons au vol cla ns notre ccrveal! . Di tes tout haut :

1< J l éLaiL une fois. . . . . >> on cc H ier son' an d ébut d e la j ou rnée . . . . . n vous aurez

reconnu les fa1ne11x 11 chiens écrasés >> d es

Page 27: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

CHRONJ QUES

j ournaux. Si par contre vous essayez d'ilna­giner l'emploi du temps d e votre j ournée d u lend emain (j e parle d e l 'imaginer et non d e le prévoir) vous serez certainement étonné de la médiocrité de votre vie. Vous serez touj ours en retard .

A .. nn j our donné, dans une ville de plu­sieurs millions d 'habitants, il n'y a donc que d ix, quinze, n1ettons trente ind ividus qui vivent contre le bon !'lens, c'est-à-dire qui vivent selon la réalilé, qui vivent pure­ment et simplement.

Je découvre toujonrs d ans les j ournaux qu'on ne considère ici que comme des miroirs fidèles, une autre source de précieux renseignements.

Ou vrez une de ces feuilles qui s 'intitulent : l'Hzunonr, Paris--flirt, li1on béguin, l'A n1our en ritesse et autres publications d e ce genre. A_ la dernière page on aperr:oit une rubrique très achalandée, celle des petites annonces . Ayez soin de lire attentiven1ent mais pas entre les lignes, les demand es, les offres que l'on y fait. Vou s vous rendrez compte à ce moment d e l'étrange simplicité des désirs. Cette simpli cité qne j 'ai qualifiée d'étrange est aussi et encore rnerveilleuse . Les désirs, j 'ai écrit ces mots, les désirs, voilà les seuls témoins, les sfluls fidèles porte-parole.

Rien n'est à recommencer mais il faut quelgnefois avoir de la persévérance. Su ivez pend ant quelques semaines ces petites an­nonces. l ,a plupart sont attendues et prodi­gieuses. J'.:t quand vous serez étonné, songez à la petite opération que l'annonceur a d ü commettre. Premièrement : acheter 1'1 on

béguin, 25 ou 50 centimes ; deuxièmement : le lire ; troisièmen1cnt : ici le mystère inter­vient ; quatrièmement : prendre une plume et d e l'encre ; cinquième1nent : écrire une petite annonce ; sixit>mement : l' envoyer et septièmement : attendre, !e cœur battant, Je résu ltat . I l faut noter qu'a1icune des

� ' oures ne reste sans reponse.

La vie est un rêve, dit-on. J e n'ai pas d e preuves d e ce q u'on avance. Je me contente de ces rèvélations pour le moins sensationnelles, et qui restent absolument publiques. P HILIPPE S O U PA U LT .

EXTHAJTS D E !'HESSE

Critiqt1e des 111o�·e11s aclt1els <ic l:.t lillérilturc, le s1i.rréa­lis11zc dési11t ércssc lo11s les 111ol>ilcs l111111ai11s �t Icttr enlè,�e cc co1raclère ttlilitaire do11t t o 11t, u11jot1rd'J111i, scn1l>lc périr.

?tf ..... u1trcE �[�\ItTIN nu G,\llI>. (Les J..'lo11ue.lles littéraires).

I ... c surréalisme . . . c'est d e ln f<>11l�1isc. FHANCIS CAHCO, (Le Journal lillérairc.)

El {>t1is si 1'011 tic11t �i cc q11'il �· ait tin s11rréalifintc,. et 11011,•eatt, JJ011rq11oi ne JJHs arlo1>lPr Je 1nic11 ?

l;-I�RNAND J)r\'CJ11t1;;� (J ... e .lo11rrzal littéraire.)

\'oici le sttrréalis111c t_�t lotit le it1011llc cl1erchc à e11 faire partie.

TRISTAN TZARA. (Les Nouvelles lilléraircs .. )

Socrate n'était 11as st1rréalistc. ABEL HEllMANT. (Le Temps.)

Ne criez; 11as lt la 11laisantcric. Pot1r n1a 1>�trt je l�rois qt1'il 11'cst ric11 de pltts sérict1x. I ... cs s11rréalistcs tot1cl1c11t ici sa11s c11 a\•oir 1':.tir �\ l<>t1 les les fat1sscs gloires - e11 est-il <le \•raies ? -- et les <lé}1ot1lo1111P11t. Cc so11t <les gc11s sn11s urgt1cil . Ils 011t attci11t l'l111111ilité co1n11lètc, celle qt1i régéné-rcr:.t 11e11t-être u11 jo11r le 111ondc. ·.

JJ�AN r.1ADEJ.ATGl.TE, {J_,e ·.lol1r11al tlll pe1171lP.)

Ce 11e fill11t 111ên1c plt1s 111œ11rs <l'a rri,•ist.cs et <l'apacl1cs, 111ais (te cltac:tls. 'l'cll(� es l ln 111c11 l:1 Ji té cl es « �ttrrén lis tes ll,

CA�t:11.1.E. f\f,\ tJl:T.A.rt\.. (l .... 'Ecltiire11r de /\'f(.·e. )

J_,c sttrréalistc <li t c<Jt11t1tc! Pascftl : u }·lt1111ilic7.-\"0llS, raiso11 i11111t1issante ! » I\'l:tis il 11':.1jt111tc pa.s : 1! 'f:.1iscz-"\·011s, 11�1l11re i111l>écilc ! !) (:ar cc 11'esl Jl�l.s e11 J)ici1, c'esl c11 Jui-111ê111c �t ftlt pt11s 11rofo1t(l <le so11 être qt1'il .. ,,c11t trottvcr la \"éri lé.

Louis LAI.oY. (Comœdia.)

N·c rcft1so11s 11as notre ;1lte11lio11 �\ (�e lle école 11011vcllc clo11t les 111e1nl1rcs acl11cls 011l l'irrit:111te ,,11trcc11ida11cc, 111:1is aussi la féco11 clc cott fia11cc et 1:1 ''Î\'C nrclettr <le la jc11-llC.SSC,

ÜEOHGES RENCY. (I.' Indépendance belge.)

E11 q11oi consiste le sttrrénlismc ? ])'après l'é ly111ologie, il <�:;t a11 réalismc cc <]ttc l e s11 rJ10111111c csl (ot1 serait) :\ l' l1on1me il le s11rpnsse.

f'AUI. SouDAY. (Le Temps.)

,Je ne snis pns cc que M. Herriot pense du surréalisme. Pcut-êlrc n'a-t-il plus beaucoup le Lemps de lire. llinis i l n1c seml>lc <1cc si, con1me o n l ' a clit clutts les jo11rna11x, il n été ''isiter le Snlo11 des appareils n1é11ngr.rs, il it cJ û c11 revenir co11verti n11x doctrines qttc M. A11clré l-Jrcton expose a\•cc tant clc pcrst1usior1 cln11s son f:1111ct1x n1a11ifcstc.

FRANCIS DE MIOMANDRE. (L'Europe nmwellr. )

S11rréalismc apparaît sy11on�'111c ùe <lé111cr1cr.. S'il arri\·c :\ se st1l>st il11cr �111x n1rtrcs 111éc�111is111cs j1s �·cl1ic111c�s cl�111s la réstll11tio11 des pri11ci11:111x 11rol1lèn1cs <le la vie, n<>11s po11rr<111s nl>a11clo1111cr to11t espoir ù c ré�sot1clrc l e pr<>l>lè1nc <le l�t ''ÎC

cl1èrc. (L' Eclw d' A Iger. )

Je ne vc11x poi1rl 11rédirc qttc l e s11rréalisrnC' co11cl11ira �\ 1111 s11rnationalismc, n1uis i l forcc?·n la litlér�1t11rc à sortir <les frontières provinciales oit le 111ainlic11nc11t crtcorc le�, réalités mcsq11incs de la cl1roniq11c et c1e );1 111oclc llo11le\1ardières. L'aya11t lil>éréc de so11 asscr\•issc111cnt a11x faits clivcrs clt1 réalisme, ia conduira-t-il jusqu'ù l'impérialisme intcllcrtucl qui !a ''enge de son abaisse111cnl ncl11cl ?

ll1Amus-Anv LEBLOND. (L' Information.)

Dans cc pot pourri, dans cette boilc à déchets, un psycha­nalyste subtil découvre quelles sont les préoccupations principales d'un inclivid11, cc q11'il ignore ou n� s'avo11e pas de lui-même, cc pct1t être fort in tôressant.

RonEn-r l{EMP. (Li/Jerlé.)

J .. cs jc11ncs gc11s q11i la11cc11l le st1rréalis1nc so11t sa11s doltte clcs 111a11ièrcs d'l111111orisl<�s. Dll 111c1i11s, j e le lc11r soul1aite ..• I�n tc111t cas. il y a citez c11x - cléj:.'l - cl t1 fl(�sc11-cJ1ante111ent, de l'an1crtun1c et i11ên1c t111 1>ct1 de clégoftt • • •

Clément V A UTEr. (Le Journal).

Page 28: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

CHRONJ QUES

Les Beauœ-Arts.

Le s yeux enchantés

L a sc!ule représent aLion préci se q u e n o us ayons aujourd'h ui de l'i dée de surréalisme se rédu i t , o u ù p c•u prôs, au proci�dé d'1"criLure in auguré par les Champs J11agnéûq11es, ù tel point 1 1ue pour nous le 1nôn1 c 1n ot désigne ù l a fois c c rn 1"cani s1nc facilc1n cn L défi ni ssabl!\ et a u del:\ de celui-ci un e des 111o dali tés d e l'exi stence de l ' esp ri t se n1 ani fcsL ant dans des sphères in cxplorücs jusqu e-l it cL don ! cc niécanis m e scml i l c avoir p our la prcmi1\rc foi s révélô clai ­rem ent. l'exi stence e\, l 'i n1 porLancc. 1\'l ais que le cri ! crium m atéri el q u e nous a d m ettons provi soi 1·c) 1 n en L co mn1e proh anL, faute de nüeux , vi1•n ne ù nous n1anrruer, et no us n e retrouvons p lus q ui� par i n\, ui Li on cL prcs, rue au l 1 asarcl la part clu surré alisn1c dan s l 'i nsp irati on . Cet univers, sur leq uel une fenôtre s'est ouverte, peuL et doit désor1n ai s no us app arteni r, et i l nous esL i mp ossib l e d e ne p a s tenter de j eter bas la 1n urai lle q ui nous en sépare ; ch acun des 1n o clcs d'ex t.ériorisat.ion de la pensée nous o ffre, ù n'en pas douter, une ar me pJur y -p ar venir. Ce q ue l'écrit.ure surré alist.e est. ü la l i Lt.éraLure, un e pl astiq ue surréali ste duiL 1' 01.rc ;\ la peinture , ù la ph otographie, il touL ce q u i est. fait, pour 0Lre vu.

M ai :; u \1 est la pi erre rio !.ouch e »' 11 est. plus que proba b le q ue l a succession des

i niagcs, la fui l.e cks i c.lées sont une condi t.ion fon damentale do tout e n1anifesl.ation surréalisLr. J ,e co urs c.lc la pcnsôc ne pP11L î�t .re c· onsi dôré sous un aspect. s!. ai iq ne. Or si c' csl. dans le Lemp s q ue l 'on prcn 1 l connaissan ce d'un Lex t.e ôcri l. , un t.ahloau, une sculpl.uro n o sont. perçus q uo dans l ' espacr, eL ]purs di ffércrit.cs région s appa­ra issen t, si mnlLaném cnt.. 1 1 n e semble pas qu'un pPi n Lro soi t. encore parvenu ü ren dre con1pt,e <l' une sui t .e d 'i m ages, car n o us ne po uvons pas no1 1s arr0Ler au procédé des p Pi nt.res pri miti fs q u1 repri')scn l ai m1 L sur divers ondroit.s de leur t.o i l e l '.'S sr.,;nes suc c essi ves q n ' i l s i magi n ai en t.. l ,e ci nô 1 11 a ---- un ci né m a perl'<'< ' !. ionné qui nous t.i endraiL q ui t .Les des form a l i ! l•s l ecl iniq ues -nons 0 11vrc une voi e vers la so in ! ion do cc prohl 1; 1 11 e. Snppo s ., 1ni'1ne qun la fi gurai-i on d u ! L' 1 nps ne f;o i L pas i n di sp ensab l e dans une pro dud i o n surr(' al isl.e (un tab leau , aprè;; t ou t., concr(•! i se un ensemble de re1))'é s1 ·nl at.i ons in t.ellectur:llcs et non une sPulc, on peul l ui aLt.rih uer une courb e con1p arahle :\ la courbe de la pensée), il n'en res t e pas nwins que pour pein dre une toi le i l faut co n1 n1encer par un hou\,, con! inuer ai l leurs, puis encore ai li Puri;, procé dé q ui lai sse rle grandes ch anc es ;\ l' arbi ­traire, au go IÎL et t en d ;\ egarcr l a dictée de } a penst'C'.

La confrontation d u surréalisn1e avec le rêve n e nous apporte p as de très satisfaisantes indications. La peinture com1ne l'écriture sont aptes ù raconter un rêve. lJn sin1ple effort de n1én1oire Cil vient assez facile1nent à hout. 1 1 en v a de 1n ême pour to utes les apparitions ; d'èl.ranges paysages sont apparus à Chirico ; i l n ' a e u qu'ù l('S reproduire, à se fier à l'inter­prél al.ion que lui fournissait sa n:é1noire . i\ 1 ais cet ef fo r t. d e secon de intention qui défor me nécessairen1enL les i n1 ages en les fai sant affl eurer ù l a surface rle la conscience nous 1nontre bien q u'il faut. renoncer :\ trouver ici' la clef de l a pein ture surréaliste. Tout a uLa.nL certes, 1nais p as plus q ue le réci t d'un rêve, un t ableau de Chirico ne peut passer po ul' typiq ue du surréa­lisme : l es i n1 ages sont. surréal istes, leur expres­sion ne l ' esL p as .

Ainsi q ue l' autour et le guépard, lancés il l a poursuiL e d'un e proie fugitiv e et succ nlen le, vo le , honcliL -- suivant leurs facultés par li culi éres -par-dessus ruisseaux et ciYi lisations , n1on Lagne s et houl.s de bois, délaissant les sentiers fra:vés JJOur serrer de plus près l'o bj et de leur convoi Li se , le corps, défo r m é par l a vitesse el par les h eurts du ehe1nin, affectan t. t antôt l a f orn1 e cl'une houle pol i e qui envoi e vers ch aq ue poi nt de l'horizon un rayon de lurnière, amb assadeur accrédil é auprt; s de l'infini, tantôt l ' app arence a llongée et i n1palpab le q ue l 'on voit q uelq uefoo s pren dre aux in asses de gui m auves p en dues ù leurs croch eLs cl. 1n aniées p ar les poignet s CXJJCrLs du n1ar m i Lon q ui vend deux sous Io bâton m o u, m ai s que l 'on observe plus so uv0nt dan s les profo n deurs <lu cie l lorsq ue les nuages presfmn ! an l . les colères divines éprouvent la souplesse de Jo urs n1uscles en les sou1netl.anL ;'1 une gyn1n asl.iquo géon1étrique et cruelle ; ainsi va le pi n ce au du pei ntre ù la rech erch e de sa pensée.

Dans celle sorLn de rêve éveillé q ui carac­t {�rise l'état surréal isLe, notre pensée nous est rôvélée, entre au l. res apparences, sous c elles de 1 11ots , d' i m ages 11lasLi q ues. Un n1ol esl. bientô t. {�cri !., el. i l n'y a pas loin de l'idée d'étoile au 1 n o l. " l'.{oile '» au sign e sy1nbolique q1.i0 lui att ribue l"écriLure : ETOJ LE . .T e p1)nsc ù ce dôcor d e Pic asso pour !11ercrrre q ui représentait la 11 uiL ; dans le ciel, aucune étoile ; seul le 1not (•crit �T scintil lait piusieurs foi s. L'expression proprement p icLurale n' est p as si . l'avori0ée si l ' on adrnèL que, tandi s q ue ic vocab ulaire est un i nstrument q ui ·. réun it les deux avantages d'ôlre presq ue il l imité et c on stamm ent dispo ­ni ble, le n10L s'i dentifiant pour ainsi dire il la p0nsôe, les traces du pince au au contraire ne traduisent quo niécli aLcm cnt les iinages intel­lectuelles et no porLent pas Cil eux-1nêines leur représentation . Le peint re serait donc ob li gé d'élaborer par le 1noyen de facultés con-

Page 29: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

CHRONI QUES 27

scient es et apprises des élé1nents q ue }'écrivain trouve tout fabriqués dans sa 1né1noire.

Jviais en vérité nous avons toutes lès raisons du inonde pour croire que l'élén1 ent. direct et sünple que constitue la touche du pinceau sur l a toile porte sens intrinsèquen1ent, qu'un trait de crayon est l'éq uivalent d'un 1not. Les pre­nüers tableaux: cubistes : aucune i dé e préconç.uc ne venait iinposer l e souci d'une représentation q uelconq ue ; les lignes s'organisaient au fur et à 1nesure q u' eïlcs apparaissaient et pour ainsi -:lire an hasard ; l'inspiraLion p ure, sen1})le­L-il, présida à cette n1anière de peindre, avnnt que celle-ci trouvât en cllc-n1ên1e un 1no dèle et réintégrât le goüt dans ses anciens pr'ivilèges. J\. ch aq uc seconde i était p cr·ini s au peintre cl c prendre un clich é cinén1atographiq uc de sa pensée et, co1nn1e sa pensée s'appliquait p arfois aux obj ets qui l' environnaient,, il inventa le collarre é\Ui lui ·rendait aisé l'e1nploi de figurrs <, toutes faites dont son in1agination pouvait insl antanén1ent disposer. Coups de pinceau ou pa1nets de tabac, la peinture n'a j a1nais eu la tête plus près du bonnet.

� ,· l . . .'

t= _.) . = � - - - � . . · · - -· - · -

-:- : : -: :-: . :. � · - -

·.-. : ·.-= : - -. :.:_ -_:_:.;.: - .

) · / < 1.

I r ,

.·\ Tltfré .1 f<lSSt)ll.

A dnüron s irs fous, les 1n ediun1 s 1 1ui trouvent n1oyen de fixer leurs plus fugitives visions, eo1n1ne ten d à le faire, ù un ti tr<.: un peu diffé­rent., l'ho1n1nc adonné au surré ali sme.

Nous pouvons consi dérer, d an s le cas parti-

culicr que nous envisageon s , les œuvres plas­tiq ues de ceux: qu'on appelle co1nn1uné1ncnt

- fous et medùuns con11ne p arfaitcn1ent con1pa­rables ; elles se présentent sché1natiquen1cnt sous deux aspecls :

- o u les élé1ncnLs plastiques se présentent à l'esprit con1 n1e des touts con1plexes et i ndi­visibles et sont rcprodui\.s aussi so1n1n airen1 cnt que possible - un arbre, un bonhon1111e. Ces élé1n ents sont pour ainsi d ire not.és au fur et à n1csurc q u'ils parviennent à la conscience : une n1 aison, le ch eval y p é11è t.re q u' un crabe 1nonte il califourchon ot le soleil dans le cra b e. Cela pourrait aussi bien s'écrire con11ne on Yoil. ; on tout cas u n dessin rapide et rudi n1cnt.aire peut seul convenir it c c genre cl' expresRion .

- ou bien . - et c'est ici q ue nous Louch o n s ù une activité véri tablem ent surré aliste - les forn1cs et les couleurs se p assent d'obj et, s'or­ganisent selon une loi q u i échappe à toute prérnéditation, se fait et se défait d ans le 1nèn1e ten1ps q u' elle se n1anifest.e. Bon non1hre de peintures de fous ou de n1 ediun1s n l'frent ainsi ù la vue des apparences insolit.cs el. Lén1o i ­gncnt des on dulations les plus i 1nperccpt.iblcs du flux: de la pen sée. On pourrait po ser nn équal.ion algébrique qu'une telle pcin Lure est it .T cc qu'un récit de 1nediun1 est i1 un texte surréaliste. Parbleu !

l\'l ais q ui no uH fournira la drogue 1ncrvei llensc qui nous 1n et\.ra en ét at de rô aliser :i; ·i• et q ucllc j alousie n'é prouvera pas le pcintrH it considérer les ténèLres q ue se procure it ellc-1nên1H l'écrit.ure s11rréali1>tc. Car to ute la difficulté n' est, pas de con1m ence!', niais aussi d'oublier ce qu i ()ienl d'être fait, o u 1nicux: de l' ignorer. Fcrn1er les yeux , user d'un cache, s'astreindre à n e fixer q u'une portion de la toile, tous les 1noyens de houlevcl'ser l'h abitucllc oricnt,at.ion de la vue sont, dos procédôs bien enfantins et qui tomhenL ù côt,é. 11 ne s'agit pas de 1nuLiler une tech nique rnais de la. rendre, autant q u' i l est po ssible, in efficicnLc.

i\ ujourd'h ui nous ne pouvons i 1naginer cc que serai t un e p lasli11 ue surréaliste q u' en considérant <�l·1 ·Lains rapproch ements d' &pp a­rence fortui te 111 ais que nou;; supposons d li s il la 1 outc puissance d'une lo i i n t.cllcc �uclle supô1'ieure, la loi 1 11�1111 • dn sui réalisme.

Qu C'l est, donc cet horn rne q ue no 11s voylJns, :o>ur la Lf!te., gravir cl'un geste pare:;Mcux les degrés d'un csc:alier qui ne n1ènc n ul le part ? Quel est cc !vl an H ay, notre ami, q ui d'ohj cls de prmnièrc nécessité rai l < ù l'aide du p apier sensible, des objets de dern ier luxe ;; Quelle est cotte femme blanch e q ui p asse en auto-car parmi des honuncs à haut ch apeau ?

l\1Ax i\l oH! SE.

Page 30: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

:. 8 CHRONIQU ES

L'A1nour :

L'Amour

L'amour est aujourd'hui une chose s1 rare, si anormale, si surannée, si vieille June, si clo w­nerie, si mu flerie, si niucosité, qu'à ina connais­sance la Révolution Surréaliste est la seule grande Revue européenne qui lui consacre une chronique régulière. Q ue l'amour ait quelque chose d e chronique, qui pourra Je con tester, hors les douairières, les Présidents de la Répu­blique et les eun uques ? C'est même sauf respect la plus antique des chronicités, puisque autant

. . '

. . ' que .i e m e souvienne, c est J e crois au pere Adam qu'elle remonte. En ce qui con cerne la façon dont Adam s' y prenait, la documentation fait bien défaut, et nous en sommes entièren1ent réd uits aux hypothèses, qui d'ailleurs en l'occur­rence ne nianquent pas d'extensibilité. Il ne sen1ble pas en tout cas qu' on puisse lui attribuer l'invention de l ' inversion.

Mais passons au Déluge. Abrahan1, en sa qualité de j uif, n e saurait invoquer d<:; circons­tances · atténuantes. li est hors de cloute que les organes Yolun1ineux flonssaient à cette époque parmi les alluvions. Des i nscriptions tartares, nScen1n1ent déchiffrées par M . Salon1é-Lucas, en font foi . Il est certain d'ail leurs que les An ciens accord aient à J 'an1our une importance qu'il est loin d' avoi r conservée. L'on sait assez (clu moins tous ceux q �1 i s'occupent peu ou prou de cette qu estion) que la plupart des livres sacrés de l 'Orient sont des livres d'am our. La théologie n' !:t i t q u' u ne entrée· en mati ère. Quant à la inythologic gréco-ron1ainc, nul n'ignore qµ'elle founnille de couche1·ics et cl' en fan temen ts.

Entre parenthèses, je dois d i re qu'on trouv e clan s tous ces bouquins et dans quelques au tres

pas mal de conseils et de recettes encore aujour­d'hui fort profitables. Je vous recommande en particulier le Traité de la Rose, où vous pourrez vous docume11ter sur la question du cinquième sexe. Un trait comn1un à tous les livres sacrés de ce genre, c'est que Je sujet en est confus, l 'objet manque de valeur, mais q 1 ; e les liens qui doivent unir l' u n à l' autre y sont décrits avec assez d'élo<juence pour produire parfois sur l'organ isme niâle j usqL'à des effets de balistique.

La balistique et l'amour ont beaucoup d e poi n ts communs. A la hase de J 'a111o ur, 1] y a un problèn1e de mécanique. cc Sol utionner » ce probl èn1e : tou t est là ! Nul n ' ign'ore, par exemple, que les armes à feu sont un excellent arsenal d�in1ages pour les poètes en proie à \Tén us. N otons en passant que les poètes sont en proie beaucou p plus souvent à Vénus qu' à Apollon. Si Vénus connaissait passable!T! ent son 111<'.ti er, la poudre aurait fort à faire. :Mais m'est ;,i,vis que l 'on a beaucoup exagéré les vertus, si l'on peut dire, de la donzelle. Après tout, peut-être n't.tait-ce qu' une petite putain de génie, qui avait la langue bien faite et la hanche en proportion, et en tout cas tout à fait inapte aux dissertations philoso ­phiques ; ce qui ne veut d'ai l leurs pas dire inapte à séà ui re les philosophes. Le pren1ier qui char ta ses louanges, ce d u t être quelque jeune rhéteu r satisfait de ses services ; et, sans doute, c'est au saut d u lit qu' un poète rep u rie chair le pre­n1icr l 'appela d éesse.

Pour inoi , j' in1agine padois <]U'e!le était atteinte de l 'une de ces précieuses affcc1 ions qui se con1-plaisen t en ces beaux l ieux, et j 'avoue que cette pensée, que Paul Bouget Jui -n1ê1ne esti1nerai t pourvue ·d e crédibilité: ne va pas sans me pro ­curer quelque j ouissance . . .

j OSEPH DELTEIL.

Rober/ Desno.<.

Page 31: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

CHRONIQUES

'

·�;:. , ,

. !

Observation.

r�·1�tat d'un Surréaliste

1.'cxcrc:icc <le l'é�riturc a11to1natiq11e fait subir au sujet un cnscn1blc de .sensations et d'én1otions qui distinguent absol11rn1ent cet ét��t rie cc lui que provoque tout autre ordre d'écrit·urc.

Dé,ii1 L. /\. et A n. l'avaient co1nparé aux slupéfiants, il la harpe co1nposéc des douces cordes de chanvre. De fait, q11i se laisse entiè· re1ncnt: glii,ser dans le A11x rapide et ininter­rompu dt: l':11.1Lon1atis1nc, l'indifférence al1soluc il 1011L cc qui l'enLouri> le gaguc rr•pide1ncnt 11.: plonge dans t1nc so1nnol�ncc agréable qui l'éca1·lc clc plus t;) plus de la réalité ex1·éricurc et interpose entre clic et lt1i une hrumc parLi­<'lil ièrcn1c11 t douce ;\ l'esprit, ccpcndan t que certaines sensations incon11t1cs prennent une acuit·é et une lucidité exlraonlinaires. Dans cctte1 l>éatitudc on obscrv(: un cnr:o11n:lissc111cnt génc:'ral du corps, toute la vie semble se réfugier dans nnc griserie mouvante et dans );: fr:i.ichcur {p�rti­c11licrcn1cnt dircci·c) d'une activité toute inté· riei:rc. L'i1nprcssion très douce parait con1pa­rablc à l'ivresse du t:tbac, et, plutôt encore, de l'opium. L'csp1 it se 111cut dans une opaque région vaporeùsc, cont1·c les nuages de laquelle i l $C joue conHno un parfun1.

Si on interrornpt alors l'écriture, on s'aperçoit que les yeux n'accon1odcnt plus aux objets envi-

ronnants, les ja111bcs titubent, le corps est Jas, l'esprit se sent vague et doucement blessé, l'att�n· t·ion est désorientée et, frustrée, Sè trouve ramenée ii des objets de 111ointlre émotion et de n1atière pht$ hru l .\le qui lui sont 11bsta«le. Une sorte de ilottan te i\TCs�c trouble encore la lucidité, en n\ême tc1nps qur la 1·ransport·c en corc une \'icrgc cx;111rttion, une ï1èvre d'activité brusquc111ent surprise et do11lourcuscn1.cnt suspendue.

Celui qui s'est sou,·cnt prêté ù cet exercice ne peut plus, �cmhle-t.-il, �·en détacher cornplè­tcn1ent. �-renie dans l'in tc·rvallc des siianccs il �en t son cerveau reposer dans cette ou:i.te douce, il ricrçoit cette brunie qui flotte entre lui et le n1ondc extérieur et p1 écis; il se réfllgier:i \'olon tiers dans cc l1uvre intéricnr : de nouvc:iu u n poison subtil lni ouvrira à deux battants les 1,ortcs cl' 1111 n1011de 01'i l'esprit Jihén\ cout t clans une exaltante lilwrté.

1\h1is peo.1t·être, pourrons-nous clécrirc plus par ticu I i èrcnu>n t l'état n l'i se trn111·e 1' cspri t au rou 1·s du ces exp•:ricnccs ; par Io rapprochc1ncn t de ces 1no11011;raphics, nous tenterons de connaître les di ffénmte� ligurei; dans lc:squcllcs ln pensée tend à se fixer, pour nolis rapprocher cl'une plus grande pureté.

A) Dans l'un rie ces états, le sujet :t l'in1pres· si<Jn quc l'c·;prit est entravé dans la poursuite d<: sa course par les fonncs qu'il a c1npruntécs. Le� consonnanccs des tcrn1cs le retiennent et se détachant mal de cette terre glaise ciu'il entraîne avec lui, il rcto1nbe non loin de 1:\ près des formes qu'il quitte. l'ris dans la lonr111c11te cles sons, il produit. ces étonnants je11x tle mots prop rcs au surréalisme: :

(t • • • ai11si, ''elrJttrs et cocci1lcllc l'll:-triés com1tle an puits clc Sainte-Claire, l':d>bcssc et l\Ll.>cille 11 ...

• ... l'•;c111ne des torrents se ré.iouit des silences poignants et ries poignarcls en silex qui ornent ses [>1"15()11�1. ))

n .. . Je bourreau René dont les 11l�lins éc;al'latcs écarli:lcnt » ...

• ..._ .....

,\f1t.c l�r·11.°'I

Page 32: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

3o CHRONI QUES

L'esprit alourdi par l e fardeau des formes dont i l use est retardé dans son départ, ou, du moins, retenu . L'extraordinaire relief que prend ici le phénon1ène est-il d ü à l'absence de tuteur, la pensée se défen d an t moin s facilement contre le joug d es mécanisn1es qu'elle emploie ? C'est, au contraire, qu'écla te plus n ettement la façon dont e l le charrie les épaves organisées des termes et la qualité insoupçonnée qu'i ls prennent à ses yeux.

On voi t cornn1en t le cours forcé de l'esprit se j oue des ternies con1n1e d'allun1ettes en bois, les renversan t, les utilisant pour d es raisons irnpré­visiblcs. La pensée comme u n e ten1pête passe au-d essus des in ots.

L'existence de ces débris laisse prévoir la possi­bilité d 'une activité libérée. Si l ' on pouvait aussi cb i ren1en t fctire apparaître les autres systèmes cl'assoc1at10n s d u vocabulaire, on d énoncerait outre les consonnan ces, Jes l iens. que fonnent une culture, l 'expérience personnel le d'un individu, la géographie d e la syn ta xe et l 'on entreverrait d e plus près une l iberté totale où l'aut01natisrne, affran chi des sociétés formées par les 1nots, dérou­lerai t J' élan des ten d ances.

13) Dans un autre de ces états, le sujet a l'in1-presôi on qu'après quelques n1inutcs de trouble, l 'esprit se fixe clans une atn1osphère draina tique. A partir de cc 1n01nen t i l couic sans d i fficulté clans une voie d ' une n1er">'e1l leuse sou plesse qui se d essi ne à. m esure qu' 1 l avan ce. C'est con1n1c s'il avait rencontré u n fi lon, dans lequel i l glisse d'un 1nouve1ncn t contin u . L'esprit « débite une cou­l ée » sans heurt et avec le verti ge de l a . vi !:esse.

Dotns crt éta t, l e sujet ra con te une histoire conduite de bout en bout et q u i surgit au fur et à m esure suus ses pas. C'est un e révélation qui se d égage d'el le-n1ê1nc.

Par cxc1npl e :

cc . . . Ouvrez-vous ton1bcs désolées où gé1nit une t u l ipe envolée au co rsage d'une jeune beauté, c ffeu i i l e-toi tulipe éph é111ère bordée de sang jauni et percl-c d ' u n e fine I J lessu 1 e par où s'écoule un lai t de source et ri ui sen t la nlerise. La rhubarbe fleurit sur l e corps de la jeune épousée et lui n1angc les tra its, la désigne �l la douleur des col­c l1 i r1ues sevrées d e silence. Si la bêche au sein cruel t'a tiré de i 'enveloppc de percale, la pous­sière, où tu gt'· 1 1 1 is pour avoir connu la croix rie di:11n : 1 1 1 t d " u n <\·êquc, tu l i pe que le bec des corbeaux écorn e et que le ven t: secoue co1111nc un bloc c l ' a sph ;iltc au son1111ct des neiges. ,,

C) lJans un troisi è1nc éta t le tro uble du début ne p:t 1 \·i c11 t: p a s �t se d issiper. L'espri t poursuit un cours had1é : chaque progrès scn1ble su ivi d ' t: i t a rrêt:, d' un blan c ron1pu par l'apport <l' un élém en t: qui accourt de l ' a utre bout du nloncl e . L'écri t ure q u i bégaye aYancc e n escalier, en cas­cade. El le passe à trav ers des élén1ents in clépcn -

dants qu'elle va chercher dans sa constante liberté de choix.

Sa comp!è,te disponibilité fait appel à des objets libres mais d on t aucun n' occupe assez le champ d e l ' esprit pour appeler une suite après lui. La liberté, courte de souffle, se meuble d'emprunts con tractés en toute indépendance : elle ne jaillit pas d'un seul trait continu.

c< Tu me fais rire, mais non après tout, car rire c'est le propre du suicide et j e crois qu' on va éclater les latnpes d'amour : les grosses belladones sucrées qui pendent aux doigts des vigilantes mali ces, spectre des n uits et qu'un e fenêtre dévitrée ouvrira l'aventure éternelle cles bandits en habit de cretonne, e n vaseline d é111odée, debo u t devant l'entrée in1peccablc, détestant le cou d e l a victitne et l 'enti aîne dans l a cave à côté o ù l ' o n boit d e la vitrine à pleins verres . . . "

L' état l e p l u s souhaitable serait un blanc d e l a conscience pendant l 'écriture. La vi tesse entraî­nerait une parfaite fluidité et s' inscrirait dans une courbe propre. Le pur 111 ouvmncn t de la pensée ne s'acco1npagnerait d 'aucune sensatioP étrangère à ce développcn1ent. Dans la plus gran de ab.,encc cl'él é111ents conscients trahissant l'effort, l'ins u ffisance ou le repos, se graverait

_la

trace ful gurante et: in11nédiate. ])e ln sorte on aurait une di ctée de l'esprit, et

dans ses propL�s élôments, ;:i ccon1plie e-n con1plet cl ési n téressen1 en t.

Les états 13 et C ne font qu'approcher cette pa rfaite projection .

L' Etat [BJ parce qu'il se canalise dz.ns un sillon tracé trop tôt pour s'être dégagé d e tout souvenir et d e toute cc présence d'esprit » . Ses élén1ents ne se sont pas encore assez purifiés cb.ns les bouillonnants tourbil lons pour qu'i lsclécouvrent la courbe au tono1ne, ne resse1nblan t �t rien et qui soi t le j et de leur activité.

L' Etat [C], parce q u ' i l reste coIT:posé de 1ninutcs cl'inclépenclan ces distinctes que la pensée traverse con1111e l e fi l d'un collier sans que l 'on ait l 'élan unique et: cJ irecten1en t appréhend é de !'esprit.

L' Etat [ A ] , bien particulier, i l faut se garder d'y con.,idére1- en prc1nicr lieu, ce qu'i l d écouvre en passant, d ' o ublier q u e le point prin cipal est la façon c! on t la pensée 1naltraite les n1ots, cachée qu'el le est clans la poussière des scories,

Cc qu i, pour des raisons discutables d'ail leurs, nous sen1ble l es révélations les plus heureuses d e cette activité livrée à ellc-n1ê1ne :

cc rhu1n au sein blanc . . . » c< . . . un n avire aux voile� plates glisse sur la

vervrine argentée des flots et laisse ses nattes pendre cl ans l' abîme. . . r

est n é dans les 1non1en ts les plus d étachés, en t:r:iîné cLJ.ns ia pureté et: i a vitesse de a création .

FRANCIS Gfi:R.ARD.

Page 33: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

REVUES

. UE:NJAM! N On 11c troU\'C pâ� Ir!' r(.>\'tt(•i; exclu�i,·e111cnl tlRn!): le� llbrni­

l'ics. ,.\i11sl Cil dlstrib11�il·o11 nt• $:)1011 de l' 1\11to111otlilc, �t <.le rc111nrqnnblcs. l i fnut cilc1· Benfar11lr1, l'i cnusc de l'C'sprll très porlic.ttlicr q11'il rc11f<.•r1llc. P}tr ltti l'i11tclligt•n<:t• se Lro11,·c l))H.Cêc.• cllllll'> 1111<.' Shlj;t\l)i._>rc �\·enture, J.>i�ll d�!':IX(:4.'. r>nns tu'e fC\'\1(' <lie.(' 111 lfrulr(:, \'OUS lro\1\'t'7. exposés. co111111(' �u 111arc.hé. ttl\ certniu 11ruuhr<.� <J'a1·liclcs qtti t:ous st• l>l'O))Os1�11t � J' csp1il dC' lt1_ 11\êJllC ruçc)n, 011 fnll ûf>l'>él Ô \'(IS fttc:utt(•s crltiqUC"!'. f'rc•nc7. 11nc> N·\·uc• scientifique• : cléj:i \'Oire co11111réhc."11 �i01l. si ,.0\1$ n"(•l(•s pn� vc·1�é1li\1\!' lt'S �cic•11ccs tlo1Jt ellC' �·oct•t1p<.>, s'c.•�arc. L:r1 _, ec::rtr1i11 cs1)ril cJ'i11vt•ntion con1mC'11ct� ÎI ll(!l'CCI' ('Il \"()U:\-, Jl:ll'C(' qur· vous l-lt•s l>ien <>l\ligé etc prt'ler \111 SC'l\l\ qu'ils 0'011l 11:1s :) 1:1 1>lt1pn1·t c:C'!' ftt i l s C(Ut' vous �· \'O�'C7, siJtna!ê•!<. \·uit:i 111ainlc·­nri11t 8t:11jt111ii11 ; ••n �: tro't''� : h:llr<.•s. sc.lt-11C<'S. ::irl!', t<•uri�111r, !'J>CJVf!', ('l\ll!'�t·. pêcltc•, élt'"flP'(:, 111<."<lerinc•. t,•lt;, .• '!:O:l 1·�1>ril clu flt1bli1·i1« 1l'y 1;r(!d(l11tinc �,uêrt'. '4oit•i 11'ni1l••tlrs c11u•:c1t1l'!' li­ll'C!' : (;11rie•1.o;t'.'\ 111c,11i/eslr'tlio11� (/(' J' l11tclligenc� r1ni11u1lc : J.{'s C11tiositrls ,.le ln vilt�S.'>e : I�a J>to11lc, ln b�le el 1<1 J'alrie (E. l·(ftrauc,lurl ) ; J,,, lltt(TUC: .\/éclcc:l11e: /(( }{Cl(/C: /.a (;J1i11(t puri .. /lq11e- : .s·ou11c11ir�· c/'en/tul<'1' ile J.-11. J7abrc: /.Je rl11cl ·""011s l.011;.o; X 111 : /AJ /111uit:re /1·oi'1le: lé Vu11l1011 l11111;-11ctt :r : Q'r.'f/-t't? qu'un p11issfl1t 111iyr11· /fttr 'J ; IT1111it111c cl l>C(lttlé. l'i<'. Il y a att::i«;i 1,11· l:t IUU!'iC(IU' l'l llt�� l)Oètllc�.

Enfin il '.\. :l 111tt• c.•1tqu('l1• st1r h• SOlllfllC'ÎI C'I t1·.:.. l'L';\°t'!'-, (l'tJ t•i-:l 11·�� l'C"­lU�\rqu;i bh•n1c.-11 l (ll>1'1�c'. (:c• l I c· 1111hli .. c•o: it>n 1r100 I rC'�I l' un (' lt'l rl'C's11rit llll'il fnul °'ignah•t .. JlOrt'L' <tn'il t•sl 11rOIJal,lt·1nt•1l1. Jtros clc t'OllSé<1,u•11ccs. l•:x.lrnycu1s tic• l'nrlit:lf' • (Jl•ésit� t•I rruiflrc!ltt' o, lt\ rcc•(·llc s11i,·n11lt• :

1'1115 contre l'obt ... ilê

l7(•ltillcs clc· 1'<)111n ri11 1 :l J.(ra111111c.·s (l 'h)'!''>Jl.f' • • • • 1 ::t

'J'hé 1101 r SO\lCllllll � , • 1 ;, <:l1ic:11rlcnl t.(>11r1U • • • • 1 : .!

1:t-11illt•s clc• sénP • . • . • 1<l \'l�nc� rouJ.{c C<11111'"''· . Ci-1)

(�(élnll{(C'l' :t\'('C :\C)Ïfl), Dt::ux c-ulllc.•r(•t·!' i1 so11pl�, 11ou1·

tlllC ta�su <t•i1lrusio11, Îl J>rc•11clrt· 111:.­lln c l !;UÎr, llllSSÎ rhflUClc· c1t1t• JlO:-l�ll•ll'.

Sotts ln S;{(ll<ll111·0 clu <l<lt:lc·111· L::. )101\ÎTI,

ENQuJ::TES

--. /

Lo S.11r1·i-nlis1\l1.! s'int(•rC>s�c· ù lo11$ l<'s Jll'r)hh"111t•s rrui :-:�· posent ù nnlrC" éJl<1r11u•. ln1lt"llt•11•lnn1111t•nt 1lt• J'ncli\·ili• q11i lui ·��• prl•1lr1', 11 f)fu·1ici1>C" i\ Ioule� Cf'l'•:s qt1i lo11chc11l, tlt'!r prês Oll clc loin, nt1 .. x l1•n: n 1 i vcf :1cl1tt·llf·� fl::n:-. 1 ''''s 11•:-> do11\tlÎlll'S clt• lft vit•. f:'«�I ÎI Cl' l i l rc• <1t1'iJ Si�lllllt• lt•I sl'ins COOllll('lllnires lt•S 1ll'Îlll'irl:-tlf'-:\ ('ll<LtU:I r•s :icltU'•llt•f1l(,•11t (•1\ C�Olllf. d'iuL<"rC-1 int";!al, :111xc11u·ll1-,; 1\c1s collnl101·11lètt1'!t .Si� réser\'rn l clc l'Ôl)01ltJre i1t1livi,h1l•ll(•1t1(·n l :

1 11 l.l's (."01lti1·1'.-: 1lu .\/11/s : cJt• lo 11f•1(�Lrnt1ililt" rt'·riprorioc de l'OriPnl c•L fi!• l'ûc(·i1lc•nl.

2" fll11sion." : (:lue 11<·n:scr c111 cinc.�n1:-1: so11 influr11co s111· ln 1: l I é1·n111 r<'.

:-l11 f''/1ilo.�01Jhics : \:otrl1 n1(�di tnlion sur 111<-11. '1• f'f1ri.�-:'io1'r: Q11tlll': t:;I ln cnult·ur cln 1·lnir !Il' l1111c '! ll':\tlll'('; rlnrl Le D/.�qirc Vl'rl tllll1011CC' un llllllll·1•> SUI' lt·

Sulc:iclr. C.c·lui4ci ré11oncln11C f1 un� inil i:1 li,." t•r 11 ii•rc•111<.•n t incléJlc"'J\fl1\lllc.) clc ln 11c)11·c. n1rtl:>i st11··\·cnr1nl C'll llll:1llC� l1•1t\11s <1110 l'C'llCl\t�lc de .J.a l(f!t_�lulif111 .S11rr1�11li ... 1e Ct1nlril)t1t'r11 co11\n\c cllC' t\ ntt"tlre c.·11 lufftiôre i'nelualili• 111•rsisln11t1• cl't1n f)fCJl)J�111c, QltC oos contc1npornfns s'efforcent \'llint•Ult•nt d'oul1licr.

Conférences. - l'>rocl1nl11C1Ll(•1tl conférC'ncc du Dc11j:.unin Pére t : L'étal

du $\lrré�lis111e. - J=>roc11ai11c111c11l Cc)11rérc.�ncc d' 1\11cJr6 Breton tt\l Tlt{•ûlro

1\lbcrl-l'': Lu $11rrùnlis111c coi111.11c 1i1<>t1\·cu1cnt ré\•Olntion­nnir('.

- l'ro,·lt;li1u•111r11l t·unl(·r('11cc (l01\11clrl· Drcto11 •\ la Sor­bo1111c : i\�1•c•cl ll$yçhc,1ob'iquc clu ::.11rr(•nlitt1Sl".

.-- �--._,,� ... ..

" ., ·'

. r1· ;''

'

· " · ·· · ·

- l.irc1 flnns h· p1·1·111i,·r n111n«ro cl•� ln rr·vuc- <:11111111/'rf't; t111 l 1-.x t l' s•1rrt'::1lisl 1• ch• l .1�<111-l)aul i:nr"nt• : /�' ,, lu1••."i1•l11""'�·

- r .ire ch111s Io sc•concl 11111111'·rn d<" C..�'·l l 1• rt•\'U(• I<· n11111if1·ste su1•ré:11isl<: (lt• l,1>11is ;\rnAl>ll : li11f• tJtryr11• ''': J'1�1•r.�·.

•''''''"" l�i.'ilifr·/1,

r.lr1· 'J'é111riif111aor:t .... lc·::i tlÎ\"(�rs �'rlirles ile )lt1rc11 l\il'titc•lt tian:\ lt·s t'•·,•urs ch· 1 �t·IJ:.Cr,1111<� <·( Z:1;.(r1•l1.

l .1: �r:11t(( potil ,. S;)ifl 1-J '(11-J �1u1x rc·nl rt• i1 ·1�nris. n,)rf'!!\ llll '' �'"�•·l\l'I' cll' ll'l'fll('•Cill<I f\11S.

:\u n111111"r11 :.? tic• /.rr l?l:111�lttlit111 .�11rrit1rfisl� :

(;E()llGES Bl".SSlf"IJ::.

Page 34: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

SUICI DES

LES DÉSESPÉRI�S

Quai de la Marne, Mme Sa\'Ïn, cinquante-cinq ans, journa­lière, sans domicile fixe, se jette dans Je canal de !'Ourcq. Elle est retirée saine et sau vc par 1111 rr1arinicr.

- M. Georges Lacl1clais, ci11qua11tc ans, Jllllcfre11icr, se 11cnd à so11 domicile, q11ai de la Cl1arc11tc.

- ?.-1. Giacomi, âgé (fc soixa11lc-quinze a11s, demeurant 35, bo11lcvard Saint-!\iicltcl, a tenté <le s' asJllt)'XÎcr a11 moyc11 d'u11 récl1a11cl à. charbon de bois. Il a été ad1nis it Cochi11 dru1s un état i11q11iétant.

- Grâce à la valise <1u'el1c alla11don11a s11r la llcrge, on :1 identifié la <Jéscspérée q11i, l11ndi, se jeta dans l a Sci11c d11 qt1ai des Grands-A11gustins : c'est une él11dia11te, de 11alio11alité s11issc, Mlle Elisa \".rally, vingt-se1>t a11s, domi­ciliée 29, rU.e <Je Verneuil. I .• e cor11s 11'a p11 être rcpêcl1é.

(Pelil Parisien.) •

LES DÉSESPÉRÉS

!'\Icttant à l>ro fit u11c absence de sa 1nère, 1e jc1111c 1>aul l'l1ilipiclc, âgé de seize a11s, l1abit�111t 1 27, rue Sai11t-I-Ionoré, s'est, dans u11c crise de ne11rastl1é11ie, aspl1yxié à l'aide du gaz d'éclairage.

- A la suite de cl1;:1grins intin1es, l\111e .Jea11nc Vcllcc, flc11 ristc r11e. Q.cs Gra,•illicrs, se jette, quai Val11111, rla11s le canal Sai11t-Martin. Elle est retirée saine et sa11\•e par l e gal'dicn <le la paix Boussiquicr, d u 1.Qe �1rro11dissen1cnt.

- Qu:1i de Passy, M11e Y\•on11c Blancl1ard, don1cstique, 1 02, rue de Longcl1amp, se jette d�111s la Sci11e. Des 111ariniers parvic11nent à la retirer d11 flctl\'C sni11e et satt\'C. Bo11c-icn11t.

- I\-1. Louis .Jagcr, trc11tc-dc11x u11s, 80, 1>011lc''ard de la Villette, à la st1ite de chagri11s inti111cs, s'est frappé d'u11 co111> de co11tcat1. clans la régio11 d11 cœt1r, cl�1ns i111 établisse-111c11t du 111 B1nc bo11le\•ard. A Sai1rl-l .... 011is, élnt très gra,�c.

(Petit Parisien.)

-- M. J. .. en1airc, 2() ans, s'est co11cl1é sttl' la ''oie près cle ]a gare <le cei11t 11rc Bercy-La 1�:1péc et a é t é co11pé c11 deux par 1111 lrai11.

(Libel'/aire. )

COH.l�ESPONDAN CE.

Notre dircctcur, Benja111in Péret, ayant deniandé une cnlrccnw à 111. Rayncond Roussel, a reçll les /C'/lri:s s11ivan/cs :

A l\Ionsicur Bcnja1nin 1 5, rue de Grenelle,

JVJ ONSIEUR ,

Péret '

Paris-.

Le 1 6 O{'to bre 1924,

l\l. H.ay1non d Housse! a Ilien re ç.u votre lettre. Obligé de s ' a b s(•JJter il 1n' a prié de vous recevoir ù sa place, si du 111o in s vous le désirez.

Je lui eonununiquerai dan s re eas notre eon­"\'ers.ation .

Veuillez croire, l\Ionsicur, ù ines scnti1nents très dislingués.

P. LEJHIS.

28 octobre 1 92 4 , i\JONSIEUR,

Plutôt q u e d'avoir une c onversation avec 111oi, sans cloute seriez-vous plus heureux que l\I . H.ay1no n d Roussel vous écrive '!

C ' e st dan s ce sen s qu'il vient de 1ne téléphoner d e Lo n dres. li suffirait donc que vous lui écri-

LES DÉSESPÉRÉS

1\1. Charles G11yot, dix-11e11f ans, don1icilié en 11ôtel rue Sai11t-l\Iat1r, passait \'ers treize l1e11rcs, r11c de la Prése11-tatio11. Il mo1rta soudain l'escalier ù'u11 im111e11l1lc et, s11r le palier clu q11alriC111c étage, se tira u11e l>allc cla11s l a tête. Il ·a élé acln1is ù. Sai11t-I ... ouis da11s 11n état désespéré. Cl1agrins i11 li111es.

(Petit Parisien.)

CE SOLDAT S'EST-IL SUICIDÉ ?

Na11C"5-', 5 110\re111l>re. -- \'ers 1 1 l1eurcs_d11 soir, orl a retiré de la Meurthe, à Nancy, Je corps du soldat André Bloc du 2oe escadron du train clcs équi1>ages, a1>parte11an L i1 !a classe. libfaahle. Bloc avait travaillé lranquillemcnt jusqu'à 1 8 heu­res au bt1rcau cle rccrute111c1rl.

!\ialgré les ténèbres do1rt 011 a ·cssa)Yé d'c11tot1rcr cette affaire 011 déclàrairt q11e le jctit1c soldat avait dû to111ller accidc11telle1ncnt ::.\ l'eau, e11 lllla11l regar'der la c1·11e, il i1c paraît lJUS in1possibll• C[lle le 111all1eurc11x se soit s11icidé, las de l'escla'•age 111iliiaristc.

(Liberia ire. )

UN ETRANGE SUICIDE

Le l>rigadier 13Pssic11x, d11 10<i régin1e11t d'artillerie, à Nî111cs, cr11i était à ] a c:111ti11c, all11111a trois l>ougies et déIC11dit :.\ clcs ca111�1radcs crui se tro11\•:1ient a\•ec lui i:lc sortir. Lorsque ]es bo11gics f11rc11t co11su111ées, il i11vi ta ses ca1nara.clcs à sortir rapide111c11t, cc c1u'ils firc11 t ; le l1rignclier les sui,•it et se fit sntrler la ccr\'Cllc. Une cnc1uêlc est ou\'Crlc pour établir la cause cie cet étrange s11icide.

(Eclair.)

UN MAL Q U I HÉPAND LA TEHREUR

- 1\'I. Alfrecl Boni face, 76 a11s, t>cnsio1111airc il I'l1os1>ice ùc I?.icêl.re, s'est pc11cl11 clans Sl:.l cl1a111l>rc. - l\'[ 1 1c l\'largucrite J\c)c]1as, 21 ans, sléno-dactyll1, l1::.1l>ilu11t U\'"ec son 11ère, 225, r11e c1c Cl1arc11to11, attei11lc cl'1111c 111alacllc inc11rnl>lc s'est tiré t111c }>;1llc d e rc\•ol\'Cl' <lfltts l e cœtir. Elle est morte.

viez chez lui ù Ne1Jflly ; votre lettre lui sera envoyée i1 Londres.

Veuillez agréer, i\1on sicur, l 'expression de 1nes sentiinents très distingué. s.

P. LEIRIS.

1 0 noven1bre 1 924, i\'JONSIEUH '

l\'I. ll.ayn1on d H ousse! 1n'a téléphoné r e 1natin de L o n dres. 1 1 vous re1ncrcie de votre très ain1able lettre niais se trouve e1nbarrassé pour vous r(�pondre a u sujet du surréalisn1e car il ne se cla sse lui-111ê1ne dans aucune école.

En o utre, s'étant un peu spécialisé dans ses lectures, il ne connaît pas assez con1plèten1ent Jarry pour porter sur lui un j uge1nent vrain1ent sérieux. Quant aux questions que vo us voulez bien lui p')ser sur son travail il craindrait en y répondant de prêter à c e qu'il écrit une in1por­tance exagérée et qui pourrait sen1bler en1prcinte d e vanité.

Il ne vous en ren1crcie pas inoins de votre ai1nable et flatteuse dén1arche.

Veuillez agréer, l\fonsieur, l'expression de 1nes senti1nents très distingués.

P. LEI11.IS.

Les Amis de nos Amis soni des c imetières . .Math ias Lübeck .

Le Gérant : Louis A11AGON In1 p . Ale nçonnai se, 1 1 , rue des l\1archeries, Alençon

Page 35: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

PIERRE NA VILLE

1 n de l a

a 1 n

l ... e brottillard n1oral dru1s la plai11e logic1ue

U11 livre éper<lt1 com1r10 Picratt cl1ez les cachalots

Page 36: La Révolution Surréaliste, No 1 (1 Dec 1924)

Le Monde entier parle du

POISSON SOLUBLE

par

ANDRE BRETON

Qu'est-ce que le Surréalisme ?

KRA, ÉDITEUR 6, Rue Blanche Le volume : 7 fr. 50