La Révolution surréaliste - N°8, Segundo año

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La Révolution surréaliste Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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La Révolution surréaliste - N°8, Segundo año

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  • La Rvolutionsurraliste

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • La Rvolution surraliste. 1924-1929.

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  • N 8

    Deuxime anne 1" Dcembre 1926

  • LA RVOLUTION SURRALISTEDirecteur :

    Andr BRETON42, Rue Fontaine, PARIS (IX1) Tl. Trudaine 38-18

  • LES ENTRES DES SERRURES.--

    NE PAS CONFONDRE.

    REVUE DE LA PRESSEAU PROCS DE Mmc SlERRI, L'EMPOISONNEUSE,M. LE

    PRSIDENT GOUY L'ACCUSANTD'AVOIR TU SON AMANT,DONNAITLA MESURE DE SON INFAMIEEN LUI REPROCHANT DE N'AVOIR MME PAS LA RECONNAISSANCE DUVENTRE .

    OR, LE 10 JUILLET DERNIER, ON POUVAIT LIRE DANSLES JOURNAUXLES TROIS FAITS-DIVERSSUIVANTS :

    SUICIDE INATTENDUUNE IDYLLE QUI FINIT MAL

    Cette nuit, vers 1 h. 30, le nomm Donal Clmenttait accost place de la Rpublique, par MadeleineDanct. Aprs quelques minutes de pourparlers, tous deuxse dirigeaient Vers l'htel o habite cette dernire,36, ruedu Faubourg-du-Temple.

    Un court instant s'tait coul depuis leur entredans une chambre situe au second tage, lorsque le bruitd'une fentre ouverte fit se retourner M. Donal Clmentqui constata que sa compagne n'tait plus dans la pice.Stupfait, il se pencha dans la rue et vit un corps inanimtendu sur le trottoir.D'aprs les premires constatations effectues par lecommissaire, il s'agirait d'un acte de dsespoir.

    UNE TRAGDIE DANS UNE MAISONDE FOUS

    Vienne, 9 juillet.

    On mande de Brno (Tchcoslo-vaquie) qu'une rixe tragique s'est produite la nuit der-nire dans l'asile d'alins de cette localit.

    Faute de place, on avait d loger dans la mme celluledeux fous nagure extrmement -dangereux mais qui,depuis quelque temps, ne donnaient plus aucun signed'agitation.Vers une heure du matin, l'un d'eux, nommSwobodn, s'tant veill, commena hurler dans la nuitpuis imiter le rugissement des fauves. Vivement im-pressionn, son compagnon de cellule, un certain Tomola,se souleva sur sa couche et se mit rugir son tour.Tout coup, les deux hommes, en proie une colred autant plus violente que l'pouvante s'y mlait, sejetrent l'un sur l'autre se mordant et s'gratignant avecla fureur des fauves dont ils imitaient les cris.

    Lorsque les infirmiers russirent sparer les malheu-reux dments, Swoboda agonisait dj, le visage, le couet les bras sanglants, dchirs par les ongles et les dentsde son adversaire, et Tomola lui-mme tait dans untat des plus graves quoique non dsespr.

  • REVUE DE LA PRESSE

    SUICIDE SAUVAGED'UNE MERE ET DE SES DEUX ENFANTS porte une Heur dans satombe.

    El midi le lendemain une comte quipour moi seul avail pingle sur sa robe unbouquet de

    l'.amr-volanl

    vint me sourireavec des yeux qui faisaient des russites axer,des cartes invisibles.

    L'HISTOIRE nivanle suivit.Mou esprit retardataire n'est pas comes-

    tible, il empoi-sonne ma vie.(

    ,e coeur embar-r a s s a u ! quiglousse (Unis sesjambes, tranepniblement sesproies, ou sa poi-gne esl il LSI i H i-s a II 1 e ou sesmains n'ont pasl'exprience del'arme, doute,doute, mne i\\\p i (lestai aupied--terro, ilesl d o m m il g eque le iliilll c soitle plus gros d-faut d'un Hom-me de coeur...

    cl ce I lelllon de houle me |n'il en sii fourche,.le m'y enfonce le plus profondment possible,sans rclamer ce I .mi 1er de bleu peinld'autres sanglots que ceux de l'immobile stu-peur que la vrit angoisse dploie lorsque lajeunesse a drnuverl sim premier nllichage, et.qui ressemble au Bonheur comme deuxlarmes

    la mienne el mie nuire.Les vnements ensuile me laissaient per-

    cevoir des gouffres. Qu'aile sache : les bridesque l'on m'accroche, les soupirs, que j'ai lelorl d'valuer Irop cher, le chantage que nusmalriiiux proposent mes rves, la bouscu-lade i\

  • LES DESSOUS D'UNE VIEOU LA PYRAMIDE HUMAINE

    Marcel Xoll.

    Il'abord, un grand dsir m'tait venu de solen-nit el d'apparat. J'avais froid. Tout mon cire,vivant et corrompu aspirait la rigidit el lamajest des morts. Je fus lente ensuite pur unmystre oit les forme.', ne jouent aucun ci le.Curieux d'un ciel dcolor d'o tes oiseaux elles nuages sont bannis, de devins esclave le lafacult pure, de voir, esclave de mes yeux irrelset vierges, ignorants du monde et d'eux-mmes.Puissance IranqiliUe. de supprimai le visibleel l'invisible, je me perdis dans un miroir sansloin. Indestructible, je-n'tais pus aveugle.

    LES CENDREvS VIVANTKSPlus j'avance, plus l'ombre s'accrot. Je serai

    bientt cern par ses monuments dtruits etses statues aball.tes. Je n'arriverai jamais.Mes penses orgueilleuses nul trop-longtempsl lies ;III luxe de In lumire. Je drouledepuis trop longtemps la soie chatoyante denui fle, tout ce turban avide de reflets ri decompliments. Il n'y a qu'une faon maintenantde sortir de (-elle obscurit : lier mon ambition ht misre simple, vivre foute ma vie surle premier chelon nocturne, pi ine au-dessus

    da moi, peine celui des oiseaux de nuit.Dtach de celle ferre, de cette ombre quim'ensevelit. Le ciel a la couleur ('o la pous-sire.

    Trois heures du malin. Un cortge, des cris,d.s chants, des armes, des ton lies, des brutes.Je suis, je suis oblig de suivre je ne saisquel pacha, quel padishah sonore. J'ai tropsommeil el je me rvolte. Je mrite la mort.Mange Ion pain sur la voilure qui le mne l'rhal'aud. mange Ion pain tranquillement.J'ai dj dit que je n'attendais plus l'aube.Comme moi, la nuit est immortelle.

    Dans un bouge ma mre m'apporte un. livre,un. si beau livre. Je l'ouvre et je crache dedans.Ma tille esl assise en lace de moi, aussi calmeque la bougie.

    La nuit des ehi-IToiiniers. Je tiendrai ma pro-messe (le rendre visite aux chiffonniers. Leurmaison brle. Ces gens sonl vraimentaimabl s.Je ne mritais pas tant d'honneur : leurschevaux brlent. On t'-licrctic dans les fissesles trsors que l'on doil m'offrir, Que le feuil-lage invisib'e est beau. J'ai l'ail un ai sic incom-prhensible, j'ai mis nui main en visire surmes yeux.

    L'AUBE IMPOSSIBLEH /.r ijvontl enchanteur est mort !

    ri ce pays d*illitsion t,'cxi e ffae. >YIIIM;

    C'est par une nuit comme celle-ci que jeme sais priv du langage pour prouver monamour el que j'ai eu affaire une sourde.

    C'esl par une nuit, comme celle-ci que j'aiciii illi sur la verdure perpendiculaire des frnm-bi ises blanches comme c\u lait, du dessertpour celle amoureuse de mauvaise volont.

    C'esl par une nuit comme celle-ci (pie j'airgn sur des rois el des reines aligns dansnu couloir de craie. Ils ne devaient, leur taillequ' la perspective el si les premiers taientg ganlcsques, les derniers, au loin, faicnl sipetits que d'avoir un corps visible, ils sem-blaient taills facettes.

    C'esl par une nuit comme celle-ci que jeles ai laiss mourir, ne pouvant leur donner

  • CONFESSION D'UN ENFANT DU SIECLE

    leur ration ncessaire de lumire et de raison.C'est par une nuit comme celle-ci que, beaujoueur, j'ai tran dans les airs un filet fait

    de tous mes nerfs. Et quand je le relevaisil n'avait jamais une ombre, jamais un pli.Rien n'lait pris. Le vent aigre grinait desdents, le ciel rong s'abaissait et quand jesuis tomb, avjc un corps pouvantable, uncorps pesant d'amour, ma tte avait perdusa raison d'tre.

    C'est par une nuit comm. celle-ci que naquitde mon sang une herbe noire redoutable tous les prisonnier^.

    EN SOCITJe ne regrette pas

    mais seulement parceque le regret n'est pas une forme suffisantedu dsespoir

    le temps o j'tais mfiant,o j'esprais encore avoir quelque ennemi vaincre, quelque brche tailler dans lanature humaine, quelque cachette sacre.La mfiance, c'tait encore l'arrt, la consta-tation dlectable du fini. Un fil tir par unehirondelle qui, les ailes ouvertes, fait la pointede la flche, trompe aussi bien l'apparencede l'homme que sa ralit. Le vent n'ira paso l'homme veut aller avec lui. Heureusement.Voici les frontiresde l'erreur, voici les aveuglesqui ne consentent pas poser le pied l o lamarche manque, voici les muets qui pensentavec des mots, voici les sourds qui font faireles bruits du monde.

    Les membres las, ma parole, ne se sparentpas facilement. Leur ignorance de la solitudene les empche pas de se livrer chacun desournoises expriences individuelles de physi-que amusante, miettes du grand repos, autantde minuscules clats de rire des glycines etdes acacias du dcor.

    La source des vertusn'esl pas tarie. D, beauxgrands yeux b'en ouverts servent encore laconte iplation des mains laborieuses qui n'ontjamais fait le mal et qui s'ennuient el quiennuient tout le monde. Le ^lus bas calculfait

    =e fermer quotidiennementces yeux. Ils nefavorisent le sommeil que pour se plongerensuite dans la contemplation des mainslaborieuses qui n'ont jamais fait le mal etqui s'ennuient et qui ennuient, tout le monde.L'odieux trafic.

    Tout cela vit : es corps patient d'insecte,ce corps amoureux d'oiseau, ce corps fidle demammifre et ce corps maigre el vaniteux dela ble de mon enfance, tout cela vit. Seule,la tte esl morte. J'ai d la tuer. Mon visagene me comprend plus. Et il n'y en a pasd'autres.

    Paul ELUARD.

    CONFESSION D'UN ENFANT DU SICLETANDIS QUE JE DEMEURE

    Tandis que je demeure ceux qui favorisentillgitimement son amour, si toutefois je puisconsentir ' appeler de ce nom le hasard mis-rable qui les met en prsence, se succdentcomme des fantmes. J'assiste leur fugitiveapparition. Comment serai-je jaloux d'eux,instruments inconscients d'une destine poti-que et pathtique, jouets d'une fatalit plushaute que la leur et qui ne les suscite que pourprouver davantage la patience invincible quej'oppose aux avatars et aux tribulations.Patience, mais non rsignation. Je garde lesecret de mes temptes et de mes dsespoirs.Le rcif plac au milieu d'un cyclone ne subitpas l'atteinte de l'cume. Elle glisse sur sesartes lisses et si l'eau qui ruisselle sur luilaisse un peu de sel dans les fissures, celui-ci setransforme en cristaux feriques. (J'aimel'clat que laisse aux yeux profonds les larmesintrieures.)

    J'attends depuis des annes le naufrage dubeau navire dont je suis amoureux. Je voisles tourbillons' s'amonceler dans le ciel entelle quantit que depuis longtemps la catas-trophe aurait d s'abattre sur la mer tropcalme el que, puisque elle attend, il esl impos-sible de. douter qu'elle sera terrible et fabu-leuse.

    J'aspire ce naufrage, j'aspire la fin tra-gique de ma patience. Le beau navire impas-sible et qui parfois se prsente moi sousl'aspect du bateau fantme n'acceptera pas laperle corps el biens sans entraner celle durcif qui la causera.

    Tandis que je demeure ses amants ill-gitimes se succdent et passent. 11 esl, des jourso je crois qu'elle sait, des jours o je crainsd'tre dupe. Mais je demeure el ils passent.Elle accepte dans sa vie la prsence de mespenses non dissimules, (die acceptera quelquejour le tmoignage tragique et crasant (piej'apporterai de mon "amour el du sien.

    El du sien. Car nul doute qu'elle ne m'aimenu m'aimera car je ne saurais condescendre soumettre celte question l'illusoire conditionde temps.

    Mais pourtant je ne suis pas de ceux quis'humilient el qui acceptent. La tempte,j'en serai l'auteur el nue des victimes. Pensesamoureuses devenez plus terribles el plussereines, jour prochain du rglement de comptelve-toi.

    Je demeure, ils liassent.El qu'ils passent ainsi, vagues fantmes

    soumis des rites sexuels el, qui ont oubli leslois spirituelles de l'amour qu'ils prtendent

  • UCCELLO, LE POIL

    prouver. Vivant par l'me el la matire jen'aurai au jour voulu qu' lever le doigl pourque ces mirages drisoires soient balays avec

    les premires paves, au souffle de l'amourrciproque.

    Robert DESNOS.

    UCCELLO, LE ROILPour Gnica

    LA PROFANATION DE L'HOSTIE(DTAIL). Ptmlu UccelloUccello mon ami, ma chimre, lu vcus a\ ec

    ce mythe de poils. L'ombre de cette grandemain lunaire O lu imprimes les chimres duton cerveau, n'arrivera jamais jusqu' la vg-tation de ton oreille, qui tourne el l'nurmill.'. gauche avec tous les. vents de Ion coeur.A gauche les poils, Uccello, gauche les rves, gauche les ongles, gauche le coeur. C'esl gauche que toutes les ombres s'ouvrent

    ,des nefs, comme d'orifices humains. La llecouche sur celle table o l'humanit fouientire chavire, que vois-tu autre chose quel'ombre immense d'un poil. D'un poil commedeux forts, comme trois ongles, comme unherbage de cils, connue d'un rteau dans lesherbes du ciel. Etrangl le monde, el suspendu,et ctcrnellcnienl vacillant sur les plaines decelle table plate o lu inclines la lle lourde.El auprs de lui quand lu interroges des faces,que vuis-lu, qu'une circulation de rameaux,un treillage de veines, la trace minuscule d'un.'

    riilo, le ramage d'une mer de cheveux. TouLesl tournant, tout esl vibralile, et que vautl'oeil dpouill de ses cils. Lave, lave les cils,Uccello, lave les lignes, lave la.trace tremblantedes pniis et des rides sur ces visagi s pendusde nuirls qui le regarilinl comme des oeufs,el d us la paume monstrueuse et pleine delune comme d'un clairage de fiel, voici encoreles frac s augustes de les poils qui mergentavec leurs lignes fines comme k's rves dansIon cerveau d noy. D'un poil un autre,conibien de secrets et combien de surfaces.Mais deux poils l'un ct de l'autre, Uccello.La ligne idale des poils inlraduisiblcmentliue el deux l'ois rpte. Il y a des rides quifont le four des faces el se prolongent jusquedans le cou, niais sous les cheveux aussi ily ii des rides, Uccello. Ainsi tu peux faire toutle leur de cet oeuf qui pi nd entre les pierreset les astres, et qui seul possde l'animal iondouble des veux.

  • CHRONIQUESQuand tu peignais tes deux amis et toi-

    mme dans une toile bien applique, tu laissassur la toile comme l'ombre d'un trange coton,en quoi je discerne tes regrets et ta peine,Palo Uccello, mal illumin. Les rides, PaoloUccello, sont des lacets, mais les cheveux sontdes langues. Dans un de tes tab'eaiix, PaoloUccello, j'ai vu la lumire d'une langue dansl'ombre phosphoreuse des dents. C'est parla langue que tu rejoins l'expression vivantedans les toiles inanimes. Et c'est par l queje vis, Uccello tout emmajllott dans ta barbe,que tu m'avais l'avance compris et dfini.Bienheureux sois-tu, toi cpii as eu la proccu-pation rocheuse et terrienne de la profondeur.Tu vcus dans cette ide co une dans unpoison anim. Et dans les cercles de cetteide tu tournes ternellement et je te pour-chasse ttons avec comme fil la lumire decette langue qui m'appelle du fond d'unebouche miracule. La proccupation terrienneel rocheuse de la profondeur, moi qui manquede terre tous les degrs. Prsumas-tu vrai-ment ma descente dans ce bas monde avec labouche ouverte et l'esprit perptuellementtonn. Prsumas-tu ces cris dans tous lessens du monde et de la langue, comme d'un

    fil perdment dvid. La longue patience desrides est ce qui te sauva d'une mort prma-ture. Car, je le sais, tu tais n avec l'espritaussi creux que moi-mme, mais cet esprit,tu pus le fixer sur moins de choses encore quela trace et la naissance d'un cil. Avec la dis-tance d'un poil, tu te balances sur un abmeredoutable et dont tu es cependant jamaisspar.

    Mais je bnis aussi, Uccello, petit garon,petit oiseau, petite lumire dchire, je bniston silence si bien plant. A part ces lignesque tu pousses de ta tle comme une fron-daison de messages, il ne reste de loi que lesilence et le secret de ta robe ferme. Deux outrois signes dans l'air, quel est l'homme quiprtend vivre plus que ces trois signes, etauquel le long des heures qui le couvrent,songer~.it-on demander plus que le silencequi les prcde ou qui les suit. Je sens toutesles p'erres du monde et le phosphore de l'ten-due que mon passage entrane faire leur chemin tivvers moi. Il forment les mots d'unesyllabenoire dans les pacages de mon cerveau.Toi Uccello, tu apprends n'tre qu'une ligneet l'tage lev d'un secret.

    Antonin ARTAUD.

    CHRONIQUESLA SAISON DES BAINS DE CIEL

    Les conversions sont la mode.On sait que petit petit les gars rentrent

    au bercail. On va tuer le veau gras. A cetusage dj, de hardis spculateurs organisentl'levage de cet animal de salut, car il esl prvoir que bientt les champs de la socitseront insuffisants le nourrir. La grce tombedu ciel sous l'orme de grlons gros comme desoeufs de pigeon. Le saint giron s'entr'ouvrecomme une vulve en chaleur. El de fait, cen'est que l'normevulve en chaleur de l'normevieille vache aux mamelles vides qu'est l'Egliseuniverselle. Si norme

    .que les trains de plaisirorganiss par les Compagnies pour le transportdes nouveaux convertis pourront lui entrerdedans comme des sexes de miracle el dverserdans ses flancs piine chatouills par cepassage, la semence parfume aux excs mon-dains qui jusqu'alors constituaient l'erreur ell'abomination. Deux jours aux bains do ciel ?Point. Il s'ag t d'ternit, et non plus deD< auvillc. Celui qui est entr dans l'Eglisey restera toujours, ou si l'on veut ne s'endiachera plus. Cela ne ('pi nd pas de la volont

    de l'enfant prodigue. Dans les sicles dessicles on consultera les registres o les nomssont inscrits el les panoplies o les conciergesde servie; suspendent la peau el le plus belorgane du nouveau locataire. El l'on dira sansrisque de mensonge : Max Jacob, Jean Cocleau,taient, sont et seront de la famille.

    La vieille vache universelle aux mamellesvides a besoin de jeunesse. Elle languissaitdans sa litire comme une couleuvre d'hiver.Ses gr. ndes cornes d'abondancetaient pleinesd'un air mphitique qui peu peu en ramol-lissait la matire tout au plus bonne trans-former en peigne de chevelure pour Espagnoleou en pendeloques pour douairires. Sa queueaux couleurs maintenant livides s'agitait peine pour chasser les mauvaises mouchesanticlricales. O donc taient les grandscoups de fouet, d'anlan pleins d'amour cl debot se, qui veillaient l'aplomb des mes oumarquaient les visages d'universelle igno-minie ?

    Et les laitiers, les laitiers papelards, auxmains pleines des doux stigmates de leur

  • 14 CHRONIQUESbesogne, tiraient en vain sur les pis plusinutiles que des sexes de vieillards, pourobtenir les richesses fluides de la foi. Il nesortait qu'une vague eau bnite, celle qu'onse passe distraitement de l'un l'autre ausortir d'un grand mariage. L'or de crme etde beurre tait la graisse des jours passs.C'est que l'Esprit, comme ils doivent dire,s'tait dtourn de la chose.

    Entre une socit secrte et l'Eglise, il n'ya pas de diffrence. Sauf celle-ci : l'Eglise estune socit secrte publique.

    11 ne sufft pas de runir quelques atomesau beau nom et d'attendre que la vie naisse.L'tonnante association de foi et d'exploi-tation de la foi qu'est l'Eglise, a besoin dubattement de son coeur central et de la lumirede sa cervelle. Or, la cervelle de l'Eglise estmolle maintenant comme la chair de ces vieuxpoulpes abandonns sur le sable du rivagepar les pcheurs presss.

    11 est merveilleux de voir que plus sensiblesencore que les puces manifestantleur sentimentstomacal de la mort en abandonnant le corpsdu rat mort, les exploiteurs de la foi compren-nent l'avance l'approche des rles de lachair sentimentale, point d'appui et de dlec-tation de leurs mandibules.

    Songez-vous tous cas insectes de la terre,qui sentant le feu central se refroidir, jet-teraient vers le ciel des regards d'angoisse eltrouveraient la vue des toiles quelque chosecomme un got de sang tentateur ? En hautle salut !

    Ici c'est plus facile. Point n'est besoin d'userd'appareils volants. C'est l'toile qui voyage.Elle a trop voyag dans las dessins des constel-lations et les desseins de l'intelligence quidonne un nom toutes les figures : Il sullitde l'crire dans les tnbres o passent lstoiles si brillantes soient-elles : Je suis leRepos Eternel avec inscription au procs-verbal.

    Il y a des saisons o les toiles voyagentcomme des miles. Il faut croire que nous ysommes. On a trop secou de tapis de chairet de pense. Sous les coups du canon, tropde cervelles se sont unies hors de leur caverned'os pour former une voie laile. El, la rlede la guerre esl en effet bien considrer danscelte affaire, quoique la guerre elle-mn e n'aitt que la fleur rouge des bls civilisateurs.

    Mais c'est un l'ait. La guerre et les rvoltesse sont allumes, et. teintes. El maintenantles trajectoires se terminent avec grce dansdes claboussementsarchangliques. On se con-vertit. C'est--dire on sauve, son me. On lamet l'abri.

    On sauve son me ? On la met dans un ta-blissement de crdit, voil tout.. Jean Cocteau,Max Jacob, Reverdy et quelques autres, ne

    font pas autre chose, un jour de pure, qued'aller au Mont-de-Pit, y engager leur meet recevoir des mains des prposs aux clestesmagasins, un peu de papier monnaie qui metleur existence l'abri du besoin. La gloiredes nommes est caillouteuse. Le laurier n'estvivace que dans la sauce des cuisines. C'est unsingulier vgtal que l'unique atmosphre desBallets russes, des trottoirs et des ateliers deMontmartre, des Bars de nuit, de la Pdrastieet des rendez-vous mondains ne suffit pas rendre rustique.

    Je ne vais pas dire que l'Eglise rmunreles employs de sa puissance jusqu' l'enri-chissement. L'or, ce beau liquide, coule deprfrence dans le sens inverse, vers l'Eglise.Mais il s'ag.t de cette inquitude de l'avenirdont on peut aplanir les vagues avec quelquesgouttes de Sain tes-Huiles. II y a ce bien-assisdes rputations, ce fauteuil des vieux derriresqui tentent ces anciens petits fous. Il y a biendes petits enfants qui deviennent- maquc-rcllesel meurent ouvreuses de thtre ou concierges.

    D'un ct scurit des vieux jours el perp-tuit de la renomme, blanchissage spirituel :voil ce qu'ils obtiennent. De l'autre, rajeu-nissement de la' vigueur, roublardise du ser-vice

    : voil ce qu'ils donnent.Je vois bien quelque vieux marquis ou

    colonel, quelque beaut honorable faire lagrimace. Quoi, le saint giron ne peut-il tirerprofil de caresses mieux laves ? On sait, d'oviennent ces repentis ! Ils tranent avec, euxleur ancienne pestilence qui perce l'encens ella pastille de menthe trop nouveaux poureux.

    Oue les personnes dgotes se ras-surent : oi ne fait pas de meilleur garde-chiourme qu'avec un qui s'y entend pour vousouvrir en deux un coffre-fort, un pansu ouune petite fille.

    La Religion et la Socit se donnent la main.Mais laquelle des deux profile cette alliance ?Laquelle esl au-dessus de l'autre ? Dans lasocit secrte, agent, on ne sait pas toujourspour qui on travaille, ni qui a donn le motd'ordre.

    Peu importe d'ailleurs, 'foules deux ontdepuis longtemps dtermin ce qui leur con-vient ou leur nuit. Une fois pour toutes lagrande discrimination entre le Bien et le Mala t lablie. Amis et Ennemis. Entre les deux,les jambes pendantes de chaque ct de laligne de partage des eaux, un grand person-nage dissimule son visage dans les hauteurs.Mais en son nom, on distingue vite celui dontil pourra dire : Mon Fils.

    H bien son fils n'est pas toujours du ct

  • CHRONIQUES

    du Bien. On va le pcher chez les ennemis,car son visage esl dj marqu. Cela se sait.Comme dit Paul Valry

    en parlant de posie

    cjla se sent. Et ce fils du personnage estconsidr comme un de ces agenls dguissqu'on entretient sur le territoire de la nationrivale pour une obscure besogne. Parmi lesaffranchis on peul dire que Jean Cocteau, parexemple, a fait figure d'espion. Cela n'a tromppersonne. Les secrets drobs n'enrichirontl'Eglise que de monnaie de, singe.

    C'est parmi ceux qui sont marqus du signedu dmon que se recrute d'ordinaire un telornement des antichambresparadisiaques. C'estque le Dmon esl un fils de Dieu. Le Diab'e eslun des patrons du bien. La plus mauvaisemanire de plaire Dieu n'est pas d'ouvrirson lit au Diab'e, de coucher avec lui, el lematin venu, de lui offrir une tasse de caf.Le Dmon, dit, Jacques Maritain, est un espritpur.

    En vrit les joues du Diable ne sont,(pie les fesses de Dieu. C'esl pourquoi tous (-euxqui les ont taquines sont, accueillis lorsqueplus tard ils reviennent vers la lumire, etconfessent avec, suffisance que s'ils oui erren s'altardanl si bas, ils n'ont pas moinscaress Dieu.

    C'est Satan que l'Eglise doit de reconnatreles siens parmi les ennemis. La lumire rvolteest la lumire (c'est pourquoi il faut se mfierde la rvolte). De miroir en miroir elle revientvers Dieu. Je parlais d'toiles. Celles qui sedcrochent pour se placer au haut des cierges,doivent sentir le soufre, tout comme nos pro-digues barrasses.

    On va me chercher querelle parce que j'agitele Diable et Dieu de droite et de gauche !On connat la haine d'Andr Breton pourDieu. Le seul nom de celui-ci le secoue decolre.

    En vrit il suffirait de ne plus jamais pro-noncer le. nom de Dieu pour que ce dangereuxpersonnage cesse d'exister. Mais au moins unefois dans sa vie, Andr Breton mme dut leprononcer, ne ft-ce que, pour cet analhme,et cela suffit pour coaguler une monnaied'change destine circuler de bouche enbouche, et qu'elle btisse prmr ce nom, dfaut d'un corps

    encore faudrait-il voir

    une me effrayante.On peut croire malgr les soucis de Jacques

    Rivire ou de Marcel Arland, que nous n'avonspas invent, ni rinvent Dieu ni son nom.Nous l'avons suc avec le lait maternel. Nousnous sommes nourris d'un nom qui jusqu'prsent a empoisonn la ferre. Je comprendsl'excrationd'Andr Breton. Malgr nous, nous

    continuons employer ce nom mme pour leblasphme. Ils ont d sourire ceux qui ontordonn : Tu ne prononceras pas en vain lenom du Seigneur

    car ceux qui ne le pro-noncent que pour dire : Nom de Diau ! serventencore bien la cause de Dieu. Ils affirment sonexistence. C'est tout ce que demandent lesgardiens visibles de l'Eglise. L'homme quijure ne fait que tirer la queue du diable.L'homme qui insulte Dieu s'approche toutprs de lui.

    Evidemment c'est un beau rve que celuid'exterminer Dieu. H faudrait organiser unetrop vaste grve, runir une complte una-nimit (h; silence, si bien qu'aucun cho d'au-cun coeur n'appeilsrail plus le nom le cet-oppresseur, minj dans le secret Iremblotlantd'un sauge du sommeil. Peu peu cel autre,l-haul, sur ses splendeurs le nuages dors oles lis poussent parmi les crottes d'anges, seulsa poitrine se troubler, te. su,d'Ile lui manquer.Il maigrit. Il se vide. Quoi donc? lin ? Lessaints crvent et le Diable perd le poil de seslianes. Puis tout coup le Matre lui-mme

    SCULPTURE. Mnnlliui

  • 6 CHRONIQUESchancelle et disparat sans qu'aucun morceaude ses augustes membres ne subsiste. Leshommes pensent autre chose

    Non, cela ne sera pas. Il y a trop de germesrpandus partout, prts reproduire ce fou-gueux cancer. Et la stup'dit humaine nemanquerait, pas de faire promener nos grvistesen longues thories de gloriole avec des ban-nires portant l'inscription suivante : Noussommes ceux qui ne prononcent plus le nom deDieu.

    Ils s'tonneraient de se voir accueillisavec fleurs et couronnes par les Fidles, commede petits saints.

    Reste un espoir : Peut-tre la fatigue aidant,peut-on attendre le suicide de Dieu ?

    Chut !Il n'est pas politique de lui mettre la puce l'oreille !

    On dit, : Tout ceci est de l'anticlricalisme,et, l'anticlricalisme est une vieille sornette.

    Soit. Je suis prt, le moment venu, remettreen honneur les pires lieux communs.

    Si je ne la dtestais, je serais port admirerla perfide et ignoble force de ces gens. Elle secache derrire leur face molle et tortille leurchine de python. Les cataclysmes de violenceou rie dissolution ont pass sur elle el, ne l'ont,pas teinte. Eux, ils vont dans leur soutanenoire en silence. Ils vont se mettre pondre,si l'heure est venue, et des millions d'oeufsrpandus l'envers des tres el des gestesnatront des millions d'hommes noirs l'acemolle. On sait quelle esl la vitesse de repro-duction de ces parasites ! Mais si l'heure vientaussi, on verra leur face perdre sa mollessepour devenir aussi dure et impitoyable quele rocher de granit qui use la chair des noys

    dans la mer. Il ne s'agira plus de salut alors,mais d'une tyrannie mortelle.

    Cette puissance longue porte est admi-rable, mais je me soucie peu de l'admirer quoique j'en aie dit. II ne s'agit pas d'anticlri-calisme. C'est un appel au meurtre de cettehideuse certitude catholique. Ce placementdes mes parmi la naphtaline et les houssesdu salut me dgote.

    Nos jeunes propagateursont fait le simulacrede jouer, et ils ont gagn. Maintenant dans uneatmosphre de lavabo, ils vont chanter descantiques, distribuer des mdailles. Ils vontdissimuler les vents de leur estomac derrireles soupirs de la contemplation.

    Ils sont entrs par le fondement du diableel sortis par la bouche de Dieu. Ils vont mon-nayer leurs souvenirs de voyage, s'endormirdans des chemises blanches. Ils pourrironttout de mme comme la charogne habituelle.

    Pendant ce temps, il y a un tas de pauvresdiables qui jouent et perdent coup sr, etceux qui sans jouer perdent aussi

    et perdentleur me, dans la solitude. Ceux-l aussi vou-draient sortir de la Terre. Qu'est-ce donc quele salut ? Us n'ont qu'eux-mmes pour s'chap-per du monde, du vide, du ciel, et d'eux-mmes.

    S'ils crachent en l'air, cela ne se change pasen astres de strass. Us n'ont pas de magotpour l'ternit. Mais je prfrerais baiser lapourriture de leurs lvres lorsqu'ils serontmorts, plutt que teindre mes joues au fardde nos repentis en fleurs pendant le temps deleur vie sauve ou dans celui que la mortparfumera d'une ignoble et fade odeur de sain-tel.

    G. RIBEMONT-DESSAIGNES.

    CORRESPONDANCE

    Le ?, juin 192G.A Monsieur Stanislas FUMET, aux soins des ditionsPion, 8, rue Garaneire, Paris.

    MONSIEUR,

    Je pense qu'on ne discute pas avec vos pareilslorsqu'ils se permettent de s'approprier un hommequi les traite coups de pied dans le cul.Dommage, tout de mme, que vous ne vous soyezpas trouv dans mon entourage (vous pouvez en remer-cier votre dieu imbcile) au moment o je devaisapprendre entre autres choses que tel pome de Bau-delaire /ail un joli morceau de prire du soir.Baudelaire catholique ? croyant ? comment alorsct-il t pote ?

    Je tiens vous informer, monsieur, que je te tienspour un cou, un lche, et le dernier des pores.Marcel Noix.

    Ce 5 juin 1926.MONSIEUR (puisque monsieur il faut dire !),

    Ce matin en dpouillant le courrier de mon mari,je trouve votre charmantelettre et je tiens y rpondreavant que mon mari jette les yeux sur vos injuresinutileset qui prouvent une me lche, injuste et basse.Je souhaite me tromper I Mais ne jugez-vous p'~s tropvite, vous-mme ? On ne doit jamais commencer pai-lles injures. Puisque vous savez lire et crire, ceiaprouve que vous tes un homme civilis votre lettrene le prouvepas. Ne. vous fchezpas et prenez patience.Savez-vous seulement le sens du mot catholique VComment osez-vous crire le mot Dieu '? Puisse-t-ilvous interdire le prononcer, jusqu' nouvel ordre.Puisque vous tes pote (ce dont je doute hlas), jevous prie de ne rpondre cette lettreque pour engagerm. combat loyal spirituel et juste. Je suis entirement votre disposition dans la mesure du peu de tempslibre dont je dispose pour rpondre avec, patience atoutes vos questions et objections. Mais tchez dsor.

  • CHRONIQUESmais de retenir ce flot inutile de tant de mots injurieux.

    Il y a une seule phrase interrogative dans votrelettre. C'est au troisime alina : Baudelaire catho-lique ? croyant ? comment alors et-il t pote '?

    Partons l-dessus, voulez-vous ?

    Je vois clai-rement que vous ne savez mme pas CE DONT ILS'AGIT, et cpie dans l'aveuglement de certains vieuxpetits partis-pris et l'ignorance mchante d'une colreinutile, vous n'avez mme pas entrevu. Mes intentionssont simples et ouvertes : je veux vous prouver quevous avez tort. Si vraiment vous tes un hommefranc, sincre et donc hroque je vous prie de releverici le gant d'un duel spirituel ; et sans gros mots s'ilvous plat, ou un strict minimum, si c'est une tropvieille habitude.

    Je vous souhaite la Paix. Je ne puis dire que le vouspardonne vos gros mots puisque vous en tes si lier.

    Anne-.Michel FUMET.

    Miasiiour^, ceC juin 192(i.

    MADAME,

    C'esl vraiment lesigne d'une biengrande dsinvol-ture, d'une pro-fonde mconnais-sance aussi deschoses dontil s'agitet que vous me re-prochez n'ignorer,que de vouloirfaire de la Posieune pture con-versation, une oc-casion exercerune plus ou moinsgrande prsenced'esprit. puis constater les effetsd'une petite dia-lectique confec-tionne aux heuresle loisir.

    Eh bien, non IMadame, ce n'estpas moi qu'ilappartientde rele-ver ce gant dontvous parlez. D'au-tant plus que jem'en suisdj servipour giller votremari,

    il vous a plu deciter le troisimealina de nia lettre M. Fumet en medemandant de par-tir l-dessus. Etpourquoi donc ?Ne comprenez-vous pas que ceserait tricher ? quece serait aussi mal-honnte que votreprocd, qui con-siste par ailleurs me prvenir qu'en cas de silence de nia part, jepasserais vos yeux pour un homme sans franchise,sans loyaut, sans hrosme (trs russie, cette dernirevocation !) ?

    Allons, Madame, quittons ce ton qui drive versl'indulgence. 11 ne s'est jamais agi d'une conciliationpossible, l'.l, c'esl perdre voire temps que de vouloirfaire revivre au moyen (l'une mixture louche basde sentimentalit, un dogme mort depuis longtemps.Voire dieu, m'a-t-on dit, pardonne les carts detonte sorte, des hommes. I.a posie, Madame,

    et c'estl tout ce qu'il me, reste vous dire

    ne pardonnepas. Elle se venge. Je ne dsespre pas de devenirun jour, au hasard des rencontres, un instrument desa vengeance. .Marcel Noix.

    P.-S.

    Je rends votre pauvre de mari pour person-nellement responsable de la petite imprudence quevous avez commise en perlant bien inutilement demon me lclw, injuste et basse.

    15, rue Linn, lundi..Monsieur, je reois votre lettre et je vois que nous

    nous parlons chinois.

    D'abord m'adressant cetlepart en vous qui est la plus noble, je vous dfends deprononcer entre nous le nom de mon mari et de dirigerl'ombre d'une injure son adresse. Je vous le. dfends,et ce qui est noble en vous doit me comprendre etm'obir l-dessus. L'

    imprvu

    a fait que c'est moiqui aie ouvert votre premire lettre ; c'est donc uneaffaire loyale entre nous deux.

    Soyez assez cheva-leresque pourvoir en moi un champion digne de vous.Je ne veux vous donner boire aucune mixturelouche base de sentimentalit , mais j'exige de vous

    une explication plus longue, plus dtaille afin decomprendre le sensde vos injures d-loyales et grossi-res. Et puis je mesens le droit, le de-voir et la force dedfendre la Posieautant que vous,vous en sentez le,droit, le devoir etla force de la d-fendre. Je ferai vo-lontiers le voyagejusqu' Strasbourgpour une explica-cation franche devive voix, pacifi-que, justectsincre.Mais je ne pourraisy aller que dansun mois. Alorsnouspourrons nous ren-contrer sur un ter-rain gal de soif,de justice : sansinjures, sans vio-lences inutiles (cartout ceci est lu forcedes faibles). Sansvengeance nonplus. Ce mot de vengeance vousne savez ce qu'ilest pour moi. Vousavez louch dansmon me ce quifait la proccupa-tion essentielle detoute ma vie. Enattendant donc depouvoir aller Strasbourg,je vousdemande d'avoirla loyaut de m'-crire des chosesplus prcises et desavoir cpie je ">uis votre entire dis-position pour r-pondre. C'est trsgrave : vous vous

    tes permis des 'injures grossires et basses et telle-ment injustifies et vous n'avez mme pas la forcede supporter celles que je vous ai crites dans malettre I!

    Monsieur, loyalement, je vous demandedes prcisions. Jugez-moi un adversaire digne devons.Un adversaire juste e.l pacifique. Savez-vous, Monsieur,ce que c'esl. (pie la Paix, l'Univers l'ignore.Vous vous trompez absolument en disant que Dieupardonne les carts'de toute sorte. Vous vous trou peztrangement parce que. vous ignorez ce qu'est l'Enferet ce qu'estla Paix. .T'ose me considrer autant pote que vous-mme et de mme que vous n'avez pas hsitune seconde pour crire votre premire lettre j'ai ledroit de demander, d'exiger des explications,car c'estmoi qui ai reu celle lettre en l'absence de celui qui

    L'ESPOIR. Georges Mulkine

  • CHRONIQUES

    elle tait adresse et c'est moi seule que vous avezdevant vous car je ire suis sentie le devoir,de.prendretout ceci pour moi seule. J'espreque vous aurez confianceque je ne vous dis pas l'ombre d'un mensonge, tantabsolument incapable d'en dire jamais.

    Vous vous rendez compte que vous me devez uneexplication, plus dtaille et plus loyale, plus juste,aussi.. Vous vous tes absolumenttromp d'adresse enm'crivajit au dbut de votre lettre cpie je veux fairede, la Posie une. pture conversati'on, une occasion 'exercer une plus ou moins grande prsence d'esprit,puis constater les effets d'une petite dialectique con-fectionne aux heures ac loisir. Ah, Monsieur, jevoudrais, de toute mon me, que votre rencontre avecmoi vous gurisse, d'un trs grave dfaut, dont je mesuis gurie dj, et qui est l'injustice d'un jugementen l'air. Vous ne trouverez en moi aucune dialectiqueet pas l'ombre de jonglerie et d'habilet et de ruse etd'amusement de l'esprit. Je prends les choses tropgravement. Et si j'ai parl d'heures de loisir, c'est quemes occupations de maman m'absorbent beaucoup.J'espre aller d'ici un mois en Alsace accompagner mesdeux petits enfants en vacances. Ainsi nous pourrionsfaire plus ample connaissance. Et alors, seulementalors, la vrit se fera jour : l'amour ou la haine dansla justice et la vrit et non pas ces mots ct, cescoups d'pe dans l'ceu, tout l'ait absurdes. Vous leverrez vous-mme.Remarquezcpie je ne veux pas du tout vous embar-quer caps une discussion philosophique ou dogma-tique. Je veux simplementtirer les choses au elrir.Non, Monsieur Noll, je ne triche pas et ne trichezpas non plus. Je viens vous sans haine, sans rancune,sans colre parce que je ne veux pas iuger trop vite.Je viens pour vous entendre et comprendre vos griefs.Ce n'est pas par vile curiosit que je viens mais jeveux vous comprendre. Je veux comprendre qu'est-cequi vous a mis si en colre et pourquoi votre metourmente, s'est-elle cabre et. s'est-elle trahie elle-mme en agissant si peu'ioyalementdans l'aveuglementde sa colre '? Je ne vous demande pas de dialectique.Je vous demande gravement ce que vous vouliez direexactement ? Si vous ne vous sentez pas le gol d'entre-prendre une longue correspondance, alors rpondez-moi que c'est entendu que nous pourrons nous voir Strasbourg au dbut de. juillet.

    Anne-Michel FUMET.

    Strasbourg, ce 21 juin 192(1.MADAME,

    Tl faut en Unir. Je m'excuse (lu retard que j'ai mis vous rpondre, du temps qu'il m'a fallu pour mettreun semblant d'ordre dans votre lettre. Je me hted'ajouter que je comprends aismentqu'occupe commevous l'tes donner manger de la bouillie deuxmioches, vous n'ayez gure le temps de surveiller,comme il le faudrait, votre style.Enfin, si j'ai bien compris, vous me demandez sije puis croire l'utilit de votre voyage Strasbourg.Mais comment, donc, ma belle I Ne vous serait-il paspossible, pourtant, de m'envoyer une de vos photos ?Car vous comprendrez, n'est-ce pas que ce n'est pasen lisant et en relisant vos cinq pages de papier pelureque j'ai pu apprendre quoi que ce soit qui me fassedsirer votre prsence ici. Et vous savez sans douteaussi bien que moi que des mots comme paix, univers,enfer, otc., n'ont jamais fait bander personne. Ce seraitavoir mal compris mes lettres prcdentes que d-penser que je puisse me contenter de la lecture ou del'audition de vos boniments, de vos cris du coeur, devotre hystrie.

    Il s'agit de vivre, Madame, de vivre, la queue auCiel !Marcel Noix.

    2'A juin 1920.MONSIEUR,

    Il vous a fallu une bien longue rflexion pour netrouver-que ce pauvre moyen niais et grossier pour

    vous drober une^ franche explication en feignantde reptrrtelrl'atte'ntin sur autre clfs." Je suis trstonne de l'avoir trouv en vous une tincelle duvrai et authentique ccurage de quelqu'un qui estcalme et sr de soi, mais seulement une bravade gros-sire et des menaces absurdes.Ne rpondez plus ; c'est inutile de continuer puisquevous vous drobez toujours. Je vous souhaite detrouver, de dcouvrir un jour au fond de votre proprecoeur cette trs simple et pure vrit qui doit gurir,fortifier et consoler le monde.

    Sans aucune rancune, dans la sincrit absolue dece voeu. \.-M. FUMET.

    Clamart, ce 9 juillet, 11 h. du soir.MON CHER BRETON,

    Vous m'avez demand d'crire ce que je pensaissur la question religieuse.

    Ecrire,.penser, lire, me poser des problmes, tout celadepuis longtemps me devient cificjle et impossible.Agir aussi. Ayant vu un jour dans une devanture delibrairie sous les noms Maritain et Cocteau quelquechose qui tait intitul prtentieusement

    Posie et Religion,j'ai achet le. livre ; il y tait question de. Dieu... Celam'a conduit finalement l'Abbaye de Solesmes. Ce, quej'ai vu de plus curieux l'Abbaye de Solesmes c'est,non pas Dieu, mais Reverdy, pave du ciel, en cxtpsedevant un rosier, ou circulant en sabots dans sonjardin, ou pleurant pendant les offices.J'ai pris quelques notes de retraite, que je vouscou lie... mais, part la mort, aucun problme n'estassez trange, suggestifet merveilleuxpour se proposer mon esprit... Et puis mon esprit ne se pose plus deproblmes... Il n'y a pas de question religieuse... il n'ya pas de question...Je connais surtout un dsir violent de

    Contemplation et de Libert ..D'Occident me fait souffrir atrocement : tout montre intime et lointain se tend vers l'Orient el, si pour

    y arriver, il n'y a pas d'autre moyen que l'anantis-sement et l'annihilation, ft-ce par le feu et le sang detout cet Occident pourri, alors vivement la Rvo-lution.

    La Religion, connue le mot Dieu est pour moi vide-de sens. Des dogmes, des rites, du thtre, de. l'intel-lectualisme, etc. Les clotres permettent aux nvross,aux corchs vifs de vivre en un lieu o on leur foutela paix... Les habitants des clotres se foutent dumonde...

    Dans la vie sociale, la religion esl matire com-merc, ambition, elle sert aux piciers, aux ima-giers, aux orfvres : elle est aussi (ex. : Maritain) un lieufavorable aux joutes mtaphysiques... Des saints,ayant la joi pour qui celle /oi soil une raison de sacrifice,je n'en ai jamais vu...Partout des hommes qui veulent s'affirmer, s'oppo-ser, se retrancher en eux : le saint, est un homme quis'elface, qui s'oublie, et qui se donne cause d'une,foi : il vit dans la sagesse et la contemplation : il seconsume avec ardeur et passion pour cette foi...

    Mais encore une fois, autre chose est d'avoir lanotion intellectuelle de la religion et de poser unequestion religieuse, futre chose est de faire une exp-rience mystique, avec dcouvertes, explorations del'inconnu, invention dans un domaine o jusque-lon ne pressentait rien...l n'y a pas de question religieuse...

    Mais il se peut qu'un monsieur fumant et buvant une terrasse de caf, soit pris soudain d'un dsirviolent, et imprvu de s'en aller dans un clotre, parcapriceou par got de l'absurde, et que l o les moinesne voient rien il dcouvre quelque chose... S'il ren-contre un saint, il aura peut-tre, la sensation de l'in-dit, de l'alunissant, de l'extraordinaire... Cette exp-rience mystique vaudra pour lui et pour lui seul :

  • CHRONIQUES 19elle sera irrductible tout essai d'enregistrementsismographique... de tous les psychiatres, hagiograph.eset amateurs littraires de pieuses lgendes ou de caspathologiques...

    Pour moi, j'ai une foi... Pourquoi 1 Je n'en saisrien, pas plus que je ne sais pourquoi j'ai des cheveux,des dents, et des boyaux... Je. ne dsire, pas le savoir..,Puisse tout cela ne pas vous paratre incohrent...Je ne cherche ni convaincre, ni comprendre...Due orange,une cerise est pour mon espritune questionplus essentielle et plus intressante que la questionreligieuse... Et puis, je vous l'ai dit, je sens que deplus en plus mon esprit ne se pose plus de. questions...En sommel'inquitude de l'esprit,

    l'angoisse de l'me,la dtresse de ma chair et de mes nerfs,tout cela, je l'ai maintenant l'tal endmique...

    La solution religieuse me rpugne comme toutes lesautres, parce, que btement pragmatique... U n'y aencore que le rve qui soit pour moi l'vasion dansl'inlini, l'Eternel, et l'Illimit.

    Bien amicalement vtre.

    Retraite Solesmes-Abbaye BndictineCe samedi soir, 19 juin 1926

    A l'heure du recueillement crpusculaire je lis dansle journal

    Neurasthnie d'une artiste.Rgine Flory

    s'est suicide LondresEn dessous je. vois une petite aviette, non I une

    avionctteLe Lieutenant T. a termin son voilage

    Rgine Flory, toile de music-halj. charmanteartiste,s'est tue, d'un coup de revolver dans les coulisses duthtre...

    Un cou]) de revolver au coeur avant la chute durideau..

    Tout cela est mystrieux... J'ai rcit un De Pro-lundis pour l'mel'Ame de Rgine FLORY II! Reine des HeursHtellerie, de l'Abbaye, dominant la Sarthe...

    entoure de Heurs, rosiers grimpants...Dans l'htellerie, une chambreDans cette, chambre, moi

    Je pense au suicide,Je pense la femme,Je pense la mort,Je pense l'avionnette.Toutes ces penses sont d'un mauve noirtre, et moije ne suis pas une fleur, ni un oiseau,pas mme voque...Au point de vue motif, la gamme va de l'attendris-

    sement au dsespoir.'A ceux qui connaissent le spleen monastique avis :'foute solitude en face de l'absolu comprime le cer-

    veau.

    Prire, Travail, Liturgie .'.'.'A remarquer que la prire suppose une consciencepriante, et une conscience attentive cette, prire...Je prie, oui, je prie,Qui, quoi 1 Dieu, la Vierge...Supplications lances dans un monde inconnu,

    commeles ondes de tlphonie sans fil... Pas de rponse.L'enfant dans le coquillage n'entend plus le bruit dela mer...Dception. Dsenchantement...

    Un doute ? S'il n'y avait pas de Dieu 111J'ouvreun manueldethologiescolastique...: Argu-ment du mouvement. 11 a fallu un premier moteur.

    Voire. En tout cas Dieu est un bon mcanicien...Un autre doute ? Si le monde extrieur n'tait pasrel ???

    Problme angoissant... J'ai des nvralgies faciales...La Pense 11 Instrument de torture...

    i Malaise mtaphysique,Hantise du suicide,Obsessi'on fminine Rgine Flory ,Excitationdynamiquede l'avionnette,Sublimation mystique insuffisante de

    nra Libido .Les moines noirs ont chant Complies...Dans ma valise : une bouteille de cherry brandy,

    une bote de cigarettes Greys ,un petit phono de poche :

    Je joue Yearning, Tea for Two...Je bois. Je fume... Je demande pardon Dieu et je

    rve que je m'endors sur le sein de la Vierge...

    Ce mardi soir, 22 juin 1926.Le Pre Abb a une petite calotte violette sur la tte...Les moines sont noirs., dans les couloirs...Une barque immobile sur la Sarthe...

    Nostalgie de Paris : ici rien d'imprvu, pas d'v-nement, rien de nouveau...

    Dieu U Ici ils consumentleur vie. pour y aboutir..Rien 11 Etre assis une terrassede caf, boire, fumer,rver.

    Pourquoi les hommes s'agitent VPourquoi les hommes pensent ?Pourquoi dormir ?

    L'AMOUR\ L-bas en Suisse uneChateaubriand J femme qui rve en re-

    Les cheveux au vent (..

    gardant les glaciersSur l'ouragan M'X puis / et

    Un goland \ Au Vatican, le Pape/ se promne solitaire

    Le Simplon-Orient-Express, grande allure traversl'Europe : un veau philosophe le regarde passer...La liturgie associe le veau au culte, divin, car avecla peau du veau on relie les missels...

    Les yeux brillants d'un pervier...Le monde est identique lui-mme : des hommes,des oiseaux, des animaux, fies plantes, des Heurs, desruisseaux, le soleil, les toiles, l'espace, des arbres...

    L'Esprit. Le Souffle. La Posie.

    Clamait, ce l.' juillet 1926.MON CHER BRETON,

    Il y a exactement un an, je vous envoyais de Grard-mer une lettre vous faisant part de mes intentions desuicide... A cette lettre j'avais joint

    ma photographie en ecclsiastique,celle d'une jeune actrice,celle du Lac de Grardmer, la nuit,celle du Monastre de la Grande-Trappe...

    Quelques jours aprs, revenant, tard dans la nuitdu dancing du casino de Grardmer, je trouvai sur matable une lettre, avec en-tte rouge. R. S., que vousaviez adresse ma cousine qui habitait une petitemaison forestire auprs du lac de Retournenier...Dans cette lettre, vous demandiez mon adresse etexpriniez le dsir de me connatre... Nous nous vmespeu de temps aprs Troyes... et je vous suivis Paris...

    En ce n ornent je suis en soutane et me repose chezun artiste russe Clamart... Mais comme certaines

  • 3o LEGITIME DEFENSE

    personnes ayant appris... que je venais de faire unsjour l'Abbaye de Solesmes, que je portais de nou-veau le costume ecclsiastique, que je me trouvaisml la

    Socit d'Entreprise de No-ConversionCocteau. Maritain. Reverdy et-Frres

    et que j'tais un admirateur d'un certain livre inti-tul

    Posie el Religion.comme les personnes, ayant appris tout cela, insinuentpartout que j'ai reni le surralisme et qu'aprs uneanne de folie, je suis revenu l'Eglise, me rfugiantdans un monastre bndictin... je tiens dmentir,officiellement ces faussets...Je suis all en effet l'Abbaye de Solesmes, mais iln'y a ' rien d'extraordinaire, j'ai l'habitude d'allerplusieurs fois par an me reposer et me remplumerchez les moines... et l'on connat dans le. milieu surra-liste, mon got prononc, pour les fugues dsns lesmonastres

    ..Je ne fais pas partie de la Socit Coctcau-Maritain...et je considre le livre prtentieusen eut intitul Posiecl Religion comme un crime de lse-posie et de lse-mystique...Quant au costume ecclsiastique, je le porte en cemoment par fantaisie, parce que mon complet-vestonest dchir... J'y trouve aussi une certaine commo-dit pour baucher des aventures amoureuses sadiquesavec, des Amricaines qui m'emmnent la nuit auBois...

    Cela m'a proc.u.r certaines soires trs agrables encompagnie de K. R., aux' terrasses des cafs deMontparnasse, le Slect et le Dme... Un gros monsieur

    polonais, catholique, s'est mme indign de voir unjeuneabb, des roses' la boutonnire,boire des cherry-brandy en compagnie de K. R., mais je ferairemarquer que le Christ ne fuyait pas la socit, descourtisanes... 11 est mme mort dans une compagnieplutt douteuse, entour de deux bandits, et ayant ses pieds une poule de luxe de Galile...Il y a un an j'allais chaque nuit, seul sur une barque,au Lac de Grardmer,

    j'essayais d'avoir l'attraitdu suicide... j'esprais que l'angoisse nocturne mepousserait fatalement dans l'eau noire, mais j'avaispeur du froid... et puis mon imagination me faisaitentrevoir autant d'aventines tranges possible dansla Vie que. dans la Mort, si bien que je n'ai pu me rsou-dre au suicide...

    Mais je n'ai pas chang.Je n'ai trouv aucune solution, aucun dtour, aucunpragmatisme acceptable...Il me reste la foi au Christ, les cigaretteset les disques

    de jazz qui me passionnent.Tea for tvvo,Yearnmg,

    il me reste surtout le surralisme...Je vous prie donc, mon cher Breton, de faire paratredans votre prochain numro, la prsente, lettre, jointe celle que je vous ai envoye dernirement sur laquestion religieuse et sur mon sjour l'Abbaye deSolesmes... ainsi cpie la petite illustration ci-jointe demon lat psychique l'aile par mon on-i, le clbre gra-veur Alexeefi...J'ai l'intention d'crire mes mmoires partir dujour o j'ai frquent le milieu surraliste...

    Je suis, mon cher Breton, votre ami bien dvou.Abb E. GENGENHACH.

    LEGITIME DEFENSEDu dehors au dedans, du dedans au dehors,

    surralistes, nous continuons no pouvoirtmoigner que de celle sommation totale elpour nous sans exemple en vertu de laquellenous sommes dsigns pour donner el, pourrecevoirce qu'aucuns des hommes qui nous ontprcds n'ont donn ni reu,- pour prsider une sorte d'change vertigineux, faute duquelnous nous dsintresserions du sens de noir?vie, ne serait-ce que par paresse, par rage cl.pour laisser libre cours noire dbilit. Celledbilit existe : elle nous empche de nouscompter chaque fois qu'il y a lieu, mme devantles ides que nous sommes srs de ne paspartager avec les autres el dont nous savonsassez qu' un degr d'expression prs

    l'ac-tion

    elles nous niellent hors la loi. Sansvouloir choquer personne, je veux dire sanstenir spcialement cela, nous considrons laprsence de M. Poinear la lle du gouver-nement, franais comme un obstacle grave enmatire de pense, une injure peu prs gra-tuite l'esprit, une plaisanterie froce ne])as laisser passer. On sait, d'autre pari, quenous ne sommes pas suspects de lia lier l'opi-nion librale de ce temps et il esl entendu quela perle de M. Poinear ne nous parat relle-ment consommable que moyennant celle du

    ])lus grand nombre de ses adversaires poli-tiques. Il n'en est pas moins vrai que les traitsde cet homme sullisenl admirablement fixernoire rpugnance. Le sinistre Lorrain > estdj pour nous une vieille connaissance : nousavions vingt ans. Sans tre dupes de rancunespersonnelleset tout en n'acceptant pas de fairedpendre en toute occasion noire angoisse desconditions sociales qui nous sont- faites, noussommes obligs de nous retourner chaqueinstant, el de har.

    Notre situation dans le monde moderne est.cependant tell-j que noire adhsion un pro-gramme comme le programme communiste,adhsion de principe enthousiaste bien qu'ils'agisse videmment nos yeux d'un pro-gramme minimum ('), n'a pas t accueillie

    (*) Je m'explique. Nous n'avons l'impertinenced'opposer aucun programme au programme commu-niste. Tel quel, il est le seul qui nous paraisse s'inspirervalablement lies circonstances, avoir une fois pourtoutes rgl son objet sur la chance totale qu'il a del'atteindre,prsenterdans son dveloppementthoriquecomme dans son excution tous les caractres de lafatalit. Au del nous ne trouvons qu'empirisme etrverie. Et cependant il est en nous des lacunes quetout l'espoir que nous mettons dans le triomphe ducommunisme ne comble pas : l'homme n'est-il pasirrductiblementun ennemi pour l'homme, l'ennui nelinira-l-il pas qu'avec le monde, toute assurance sur

  • LEGITIME DEFENSE 3i

    sans les plus grandes rserves et que tout sepasse comme si, en lin de compte, elle avait tjuge irrecevable. Purs que nous tions detoute intention critique l'gard du Partifranais (le contraire, tant donne notre foirvolutionnaire, ert t peu conforme nosmthodes de pense), nous en appelons aujour-d'hui d'une sentence aussi injuste. Je dis quedepuis plus d'un an nous sommes en butte dece ct une hostilit sourde, qui n'a perduaucune occasion de se manifester. Rflexionl'aile, je ne sais pourquoi je m'abstiendraisplus longtemps de dire que L'Humanit pu-rile, dclamatoire, inutilement cvlinisaide, estun journal illisible, tout fait indigne du rled'ducation proltarienne qu'il prtend assu-mer. Derrire ces articles vite lus, serrant l'ac-tualit de si prs qu'il n'y a rien voir au loin,donnant tue-tte dans le particulier, prsen-tant les admirables difficults russes comme defolles facilits, dcourageant toute autre acti-vit exlra-polilique que le sport, glorifiant letravail non choisi ou accablant les prisonniersde droit commun, il esl, impossible de ne pasapercevoir chez ceux qui les ont c Dmmis unelassitude extrme, une secrte rsignation cequi est, avec le souci d'entretenir le lecteur dansune illusion plus ou moins gnreuse, aussipeu de frais qu'il est possible.. Qu'on com-prenne bien que j'en parle techniquement,duseul point de vue de l'efficacit gnrale d'untexte ou d'un ensemble de textes quelconque.Rien ne me parat concourir ici l'effet dsi-rable, ni en surface, ni en profondeur (').D'effort rel, en dehors du rappel constant l'intrt humain immdiat, d'effort qui tende dtourner l'esprit de tout ce qui n'est pasla recherche de sa ncessit fondamentale, etl'on pourrait tablir que celle ncessit nosaurait tre que la Rvolution, je n'en voispas plus que de tentative srieuse pour dissijjerdes malentendus souvent formels, ne portantque sur les moyens, el qui, sans la division parcamps qu'on ne s'oppose aucunement cequ'ils entranent, ne seraient pas susceptiblesde meltrc en pril la cause dfendue ( " *). Je ne

    puis comprendreque sur la route de la rvolteil y ait une droite et une gauche. A propos dela satisfaction de cet intrt humain immdiatqui est presque le seul mobile qu'on juge bond'assigner de nos jours l'action rvolution-naire (***), qu'il me soit permis d'ajouter queje vois son exploitation plus d'inconvnientsque de profits. L'inslinct de classe me paratavoir y perdre tout ce que l'instinctde conser-vation individuelle a, dans le sens le plusmdiocre, y gagner. Ce ne sont pas les avan-tages matriels que chacun peut esprer tirerde la Rvolution qui le disposeront jouer savie

    sa vie-

    sur la carte rouge. Encorefaudra-l-il qu'il se soit donn toutes raisonsde sacrifier le peu qu'il peut tenir au rien qu'ilrisque d'avoir. Ces raisons, nous les connais-sons, ce sont les ntres. Ce sont, je pense, cellesde tous Ls rvolutionnaires. De l'expos de cesraisons monterait une autre lumire, se propa-gerait une autre confiance que celles auxquellesla presse communiste veut bien nous accou-tumer. Loin de moi le projet de dtourner sipe i que ce soil l'attention que rclament desdirigeants responsables du Parti franais lesproblmes de l'heure, je me borne dnoncerles loris d'une mthode de propagande qui mesemble dplorable et la rvision de laquellene sauraient, selon moi, tre apports trop, ettrop rapidement, de soins.

    (.'.'est sans aucune prsomption el de mmesans timidit que je dveloppe ces quelquesobservations. Mme du point de vue marxiste,elles ne sauraient raisonnablement m'treinterdites. L'action de L'Humanit est loind'lre irrprochable. Ce qu'on y lit n'est- pastoujours fait pour retenir, a fortiori pourtenter. Les courants vritables de la pensemoderne s'y manifestent moins que partoutailleurs. La vie des ides y est peu prs nulle.Tout s'y passe en dolances vagues, dni-grements oisiux, petites conversations. Dc-cide-l se l'ait jour quelque symptme d'impuis-sance plus caractris : on procde par cita-tions, on se retranche derrire des autorits,au besoin on en arrive rhabiliter des tratrescomme Guesde et Vaillant. Faul-i! tous prix

    la vie et sur l'honneur n'est-elle pas vaine, ele ? Com-ment viter que ces questions se posent, entranent desdispositions particuliresdont il est dillicile de ne pasfaire tat '? Dispositions entranantes, auxquelles laconsidration des facteurs conomiques, chez deshommes non spcialiss, el par nature peu spcciali-sables, ne suffit pas toujours donner le change. S'ilfaut tout prix obtenir notre renoncement, notredsistement sur ce point, qu'on l'obtienne Sinon nouscontinuerons malgr nous faire des rserves surl'abandon complet une foi qui prsuppose commeune autre un certain tat de grce.

    (*) Exception faite pour la collaboration de JacquesDoriot, de Camille Fgy, de Marcel Fourrier et deVictor Crastre, qui offre toutes garanties.

    (**) Je crois la possibilit de se concilier dans une

    certaine mesure les anarchistes plutt que les socia-listes, je. crois la ncessitde passer certains hommesde premier plan, comme Boris Souvarine, leurs erreursde caractre.(***) Je rpte que beaucoup de rvolutionnaires, de

    tendances diverses, n'en conoivent pas d'autres.D'aprs Marcel Martinet (Europe, 15 mai), la dcep-tion des surralistes ne leur est venue qu'aprs laguerre, (lu fait d'avoir mal leur porlc/cuille. Si leBoche avait pay, lias de. dception et la question de laRvolution ne se posait pas plus qu'aprs une grvequi apporte quatre sous d'augmentation. Affirma-tion dont nous lui laissons la responsabilit et dontl'vidente mauvaise foi me dispense de rpondre pointpar point son article.

  • LEGITIME DEFENSE

    passer cela sous silence ? Au nom de quoi ,}Je dis que la flamme rvolutionnaire brle

    o elle veut et qu'il n'appartientpas un petitnombre a'hommes, dans la prio le d'attente quenous vienns, de dcrter que c'est ici 0.1 lseulement qu'elle peut brler. 11 faut tre biensr de soi pour en dcider ainsi el L'Humanit,ferme comme elle esl sur des exclusives detoutes sortes, n'est pas tous les jours le beaujournal enflamm que nous voudrions tenirentre les mains.

    Parmi les services dont je ne sais par quelletroitesse elle se passe pour n'tre que l'chopresque inintelligible de la grande voix deMoscou, il n'est pas jusqu'aux ntres qui, sispciaux qu'ils soient, lui seraient entirementacquis el dont j'aimerais dire un mot. Si notrecontribution l'action rvolutionnaire, dansce sens, lait agre, nous serions les premiers ne pas vouloir outrepasser les limites qu'ellecomporte et qui sont en rapport avec nosmoyens. Ce ne srail peut-trepas trop deman-der que de ne pas tre tenus pour quantitngligeable. Si quelques-uns ont droit aujour-d'hui de se servir d'une plume, sans y mettrele moindre amour-propre professionnel, et nesera.l-oe que parce qu'ils sont seuls avoirbanni le hasard des choses crites

    tout lehasard, chance cl nialcli; nce, prolils el perles

    c'esl, nous, me semblc-l-ji, qui-d'ailleursn'crivons plus gure et nous en remettons de plus libres que nous, un jour, du soin d'ap-prcier, il n'y ave.il rien faire en l',)26, pourmoi pas mme rpondre celle lettre deM. Henri Barbusse

    :

    Mon cher Confrre,

    de prends la direction littraire du journalL'Humanit, .\011s voulons en faire un vasleorgane populaire dont l'action s'exerce danstoutes les larges voies de l'activit el de lu pensecontemporaines.

    L'I lumanil publiera uolammcnl une nou-velle chaipie jour, de vous demande si vousvaudriez en principe donner voire collabora-lion noire journal pour celle rubrique.

    De /dus, je vous serais reconnaissant sivous vouliez bien me somnellre des propositionsel des ides de campagnes de presse qui rentrentdans le cadre d'un grand journal proltariendestin clairer el instruire, les masses, dresser le rquisitoire qui s'impose contre lestendances rtrogrades, les insuffisances, les abus,les perversions de la culture a actuelle el prparer l'avnement d'un grand art humainel collectif ipii nous parait s'imposer de plusen plus aux jours o nous sommes.

    Avec la meilleure volont je ne puis enpasser ]iar ce que M. Barbusse me demande.Je cderais sans doute l'envie de soumetIredes propositions et dos ides de campagnes depresse L'Humanit si l'ide que M. Barbusse

    en est directeur littraire ne m'en dissuadaitcompltement. M. Barbusse a crit autrefoisun livre honnte intitul : Le Feu. A vrai dire,c'tait plutt un grand article de journal, d'unevaleur d'information incontestable, rtablis-sant clans leur vrit lmentaire une srie defaits qu'il y avait alors tout intrt masquerou trahir ; c'tait plutt un documentairepassable, quoique infrieur toute bande cin-matographique relle reproduisant des scnesde carnage sous l'oeil amus du mme M. Poin-ear, et du spectacle de laquelle nous avons tprivs jusqu'ici. Le peu que je sais par ailleursde la production de M. Barbusse me confirmedans cette opinion que si le succs du Feun'tait venu le surprendre et ne l'avait dujour au lendemain rendu tributaire de l'espoirviolent, de milliers d'hommes attendant, exi-geant presque qu'il se ft leur porte-parole,rien ne le dsignait pour tre l'me d'une foule,.le projecteur. Or, intellectuellement parlant, iln'est pas non plus, l'exemple des crivainsque nous, surralistes, faisons profession d'ad-mirer, mi claireur. M. Barbusse est, sinon unractionnaire, du moins un retardataire, ce quine vaut peut-tre pas mieux. Non seulementil est incapable d'extrioriser, comme, l'a faitZola, le sentiment qu'il peut avoir du malpublic el de faire passer jusque sur les peauxdlicates le vent Icrrible de la misre, maisencore il ne participe en rien au drame int-rieur qui se joue depuis des annes entre quel-ques hommes et dont on verra peul-lre unjour que l'issue intressait tous les hommes.En ce qui me concerne, l'importance que .j'at-tache celle dernire partie el l'motion qu'elleme donne sont telles qu'il ne me resle aucunloisir pour publier des nouvelles . mme dansL'Humanit. Je n'ai jamais crit de nou-velles, n'ayanl de temps ni perdre ni faireperdre. C'est l selon moi un genre prim, ell'on sait (pie j'en juge non selon la mode, maisd'aprs le sens gnral de l'interrogation queje subis. Aujourd'hui, pour compter crire oudsirer lire une > il faut tre unbien pauvre diable. Quand M. Barbusse ne levoudrait pas, la niaiserie sentimentale a l'ailson temps. En dehors de loulc rubrique litt-raire, les seules nouvelles que nous admettions,que nous connaissions, sont celles que nousdonne do la situation rvolutionnaire L'Huma-nit quand elle prend la peine de. ne pas lescalquer sur d'autres journaux. !\. Barbusse clses suppts ne parviendront pas nous mettredu vague l'me.

    11 esl entendu que M. Barbusse est, pour nousune prise facile. Cependant, voil un hommequi jouit, sur le plan mme o nous agissons,d'un crdit que rien de valable ne justifie :qui n'est pas un homme d'action, qui n'est pas

  • LGITIME DFENSE 33une lumire de l'esprit, el qui n'est mmepositivement rien. Sous prtexte que son der-nier roman (Les Enchanements, parat-il) luia valu quelques lettres commr'natoires, il seplaint dans L'Humanit, des 1er et 9 septembrede l'aridit de sa tche, des difficults de sesrelations avec le public proltarien, seulpublie, dont le suffrage compte , auquel il est profondment attach , etc., etc. Ce faisant,il en arrive propos des mots, matirepremire du style , rouvrir maladroitementun dbat au sujet duquel nous aurions tout dire et auquel on ne le voit aucunementml : Dans mon article de la semaine dernire, j'aiindiqu le fort courant de renouvellement dustyle qui se manifeste actuellementet m'a parudigne d'tre qualifi de rvolutionnaire. Je mesuis efforc de montrer que ce renouvellement-,qui reste malheureusement (*) dans le seulplan de la forme, dans la ?one superficielle dumode d'expression (?) est en train de modifiertout l'aspect de la littrature. Qu'est-ce dire ? Alors que nous n'avons cess de prendretant de prcautionspour rester matres de nosrecherches, n'importe qui pourrait venir, dansune intention conl'usionniste que je m'ex-plique trop ..bien, assimiler notre altitude, etpar-dessus nous, l'altitude de Lautramont,par exemple, celle des gens de plume lesplus divers auxquels tient tre agrableM. Henri Barbusse ! J'extrais les lignes sui-vantes du Bulletin de la Vie artistique du1er aot : Toute l'activit des surralistes nese rduit pas au seul automatisme, fis usentde l'criture d'une faon toute volontaire elcontradictoire au sentiment qu'ils ont de cetautomatisme, et pour des buis qu'il n'est paslieu d'examiner ici. Simplement peut-on cons-tater que leurs actes et leur peinture qui trouvel sa position, appartiennent celle vasteentreprise de re-cration de l'univers o Lau-tramont et Lnine se sont donns tout en-tiers.

    On ne saurait, me semble-t-il, mieuxdire et le rapprochement des deux noms queprsente celle dernire phrase ne peut passerni pour arbitraire, ni pour plaisant. Ces nomsne nous paraissent aucunement opposables l'un l'autre et nous esprons bien l'aire entendrepourquoi. M Barbusse devrait y pivndregarde, ce qui lui viterait d'abuser de la con-fiance des travailleurs en leur faisant l'logede Paul Claudel et de Cocteau, auteurs depomes patriotiques infmes, de professions defoi catholiques nausabondes, profiteurs igno-minieux du rgime et contre-rvolutionnairesfieffs. Ce sont, dit-il, des novateurs etcertes nul ne songerait en crire autant de

    M. Barbusse, le vieil emmerdeur bien connu.Passe encore que Jules Supervielle et LucDurtain lui paraissent reprsenter avec le plusd'autorit et de valeur les nouvelles tendances :vous savez, Jules Supervielle et Luc Durtain,ces deux crivains remarquables en tantqu'crivains (sic), mais Cocteau, mais Clau-del ! Pourquoi pas aussi, par un rdacteur poli-tique de/'Humanit, propos du prochain monu-ment aux morts, une apologie impartiale dutalent de M. Poinear ? M. Barbusse, s'iln'tait pas un fumiste de la pire espce, neferait pas mine de croire que la valeur rvo-lutionnaire d'une oeuvre et son originalitapparente ne font qu'un. Je dis : originalitapparente, car la reconnaissance de l'origina-lit des oeuvres dont il s'agit ne sauraitnous renseigner que sur l'ignorance de M.Barbusse. Qu'on comprenne que la publica-tion dans L'Humanit de l'article : A pro-pos des mots, matire premire du style ,vaut, pour moi comme signe des temps et mrjted'tre relev en tant Cjue tel. 11 est impos-sible de faire plus mauvaise besogne o l'onpasse (je dis bien : o l'on passe) que ne lel'ait M. Barbusse.

    Nous avons toujours dclar et nous main-tenons que l'mancipation du style, ralisablejusqu' un certain point dans la socit bour-geoise, ne saurait consister dans un travail delaboratoire portant abstraitement sur les mots.Dans ce domaine comme dans un autre, ilnous parat que la rvolte seule esl cratrice etc'est pourquoi nous estimons que tous lessujets de rvolte sont bons. Les plus beaux versd'Hugo sont ceux d'un ennemi irrductiblede l'oppression ; Borcl, dans le portrait quiillustre un de ses livres, lient un poignard enmain ; Rabbe se sentait un surnumraire dela vie , Baudelaire maudissait Dieu el Rim-baud jurait ne pas tre au monde. 11 n'taitpas de salut pour leur oeuvre hors de l. Cen'est que sachant cela que nous pouvons, vis--vis de nous, les tenir pour quilles. i\5ais quant nous en laisser imposer par ce qui tend au-jourd'hui se prsenter extrieurement sousle mme angle que ces oeuvres sans en offrirl'quivalentsubstantiel : jamais. Car c'esl biende substance qu'il s'agit, mme au sensphilosophique de ncessit ralise. La rali-sation de la ncessit seule esl d'ordre rvolu-tionnaire. 11 ne peut donc tre permis de dired'une oeuvre qu'elle est d'essence rvolution-naire que si, contrairement ce qui a lieu pourcelles que nous recommande M. Barbusse, la substance en question n'y fait pas compl-tement dfaut.

    Ce n'est qu'ensuite qu'on en peut venir auxmots et aux moyens plus ou moins radicauxd'oprer sur eux. A vrai dire, l'opration est(*) Ce malheureusementest font un pome.

  • 34. LEGITIME DEFENSE

    gnralement inconsciente

    chez ceux quiont quelque chose dire, naturellement

    etil faut tre le dernier des primaires pour accor-der quelque attention la thorie futuriste des mots en libert , fonde sur la croyanceenfantine l'existence relle et indpendantedes mots. Celle thorie est mme un exemplefrappant de ce que peut suggrer l'hommepris seulement de nouveautl'ambitionde res-sembler aux hommes les jibis fiers qui l'ontprcd el les plus grands. On sait qu' celtethorie comme beaucoup d'autres non moinsprcaires, nous avons oppos l'criture auto-matique qui introduit dans le problme unedonne dont il n'a pu tre suffisamment tenucompte, mais qui l'empche dans une certainemesure de se poser.

    Jusqu' ce qu'il ne- se pose plus nous veille-rons cependant emp-cher son escamotage purel simple. H ne s'-agit pas du tout pour nousde rveiller les mots et de les soumettre unesavante manipulationpour les faire servir lacration d'un style, aussi intressant qu'onvoudra. Constaterque les mois sont la matirepremire du style est peine plus ingnieuxque prsenter les lettres comme la base del'alphabet. Les mots sont, en elel, bien autrechose et ils sont mme peut-tre tout. Ayonspiti des hommes qui n'ont compris que l'usagelittraire qu'ils pouvaient en faire et qui sevantent par l de prparer la renaissanceartistique qu'appelle et qu'bauche la renais-sance sociale de demain . Que nous importe, nous, celle renaissance artistique ? Vive larvolution sociale el elle seule ! Nous avonsun compte assez, grave rgler avec l'esprit,nous vivons trop mal dans noire pense, noussubissons trop douloureusement le poids des styles chers M. Barbusse pour avoir laplus lgre attention donner d'un autre ct.

    Encore une fois, tout ce, cpie nous savons eslque nous sommes dous un certain degr dela parole el que, par elle, quelque chose degrand et d'obscur tend imprieusement s'exprimer travers nous, que chacun de nousa t choisi et dsign lui-mme entre millepour formuler ce qui, de noire vivant, doit treformul. C'esl un ordre que nous avons reuune fois pour toutes el que nous n'avonsjamais eu loisir de discuter. 11 peut nous appa-ratre, cl c'esl mme assez, paradoxal, que ceque nous disons n'est pas ce qu'il y a de ph sncessaire dire el qu'il y aurait manire dele mieux dire. .Mais c'esl comme si nous yavions l condamns de loul.3 ternit. Ecrire,je veux dire crire si diffieilemenl, cl. non poursduire, et non, au sens o on l'cnlend d'ordi-naire, pour vivre, mais, semble-l-il, foui auplus pour se suffire moralement, el. faute depouvoir rester sourd un appel singulier el,

    inlassable, crire ainsi n'est jouer ni tricher,que je sache. Nous sommes peut-tre chargsseulement de liquider une succession spiri-tuelle laquelle il y irait de l'intrt de chacunde renoncer, et c'est tout.

    Nous dplorons grandement que la perver-sion complte de la culture occidentale en-trane de nos jours l'impossibilit pour quiparle avec une certaine rigueur, de se faireentendre du plus grand nombre de ceux pourqui il parle. 11 semble que tout dsormais lesempche de se rejoindre. Ce qui se pense (pourla seule gloire de se penser) est devenu presqueincomprhensible la masse des hommes, etleur est peu prs intraduisible. A propos dela possibilitgnrale d'intelligence de certainstextes il a pu mme tre question d'initiation.Et il s'agit pourtant toujours de la vie et dela mort, de l'amourel de la raison, de la justiceet du crime. La partie n'est pas dsintresse !

    Tout le sens de ma critique prsente esl l.Je ne sais, je le rpte humblement, commenton peut esprer rduire noire poque lemalentendu, angoissant au possible, qui rsultedes difficults en apparence insurmontablesd'objectivalion des ides. Nous nous tions, denoire propre chef, placs au centre de ce malen-tendu el prtendions veiller ce qu'il ne s'ag-gravt. Du seul point de vue rvolutionnaire,la lecture de L'Humanit tendrait prouverque nous avions raison. Nous pensions tredans noire rle en dnonant de l les impos-tures et les dviations qui se rvlaient autourde nous les plus caractristiques el aussi nousestimions que, n'ayant rien gagner nousplacer directement sur le terrain politique, del nous pouvions en matire d'activit humaineuser bon droit du rappel aux principes etservir de noire mieux la cause de la Rvolution.

    Du sein du Parti communiste franais onn'a pas cess de dsapprouver plus ou moinsouvertement celte altitude el mme l'auteurd'une brochure parue rcemment sous lelitre : La Rvolution el les Intellectuels.

    Quepeuvent faire les Surralistes ? qui tente de ladfinir du poinL de vue communiste avec lemaximum d'impartialit, nous accuse d'os-ciller encore entre l'anarchie el le marxisme elnous met en quelque sorte le march en main.Voici, du reste, la question essentielle qu'il nouspose : Oui ou non, celte rvolution souhaiteesl-elle celle de l'esprit a priori, ou celle dumonde des fails? Esl-elle lie au marxisme,ou aux thories contemplatives, l'purationde la vie intrieure ? Colle question est d'untour beaucoup plus subtil qu'elle n'en a l'air,quoique sa principale malignit me paraissersider dans l'opposition de la ralit intrieureau monde des faits, opposition foule artifi-cielle qui cde aussitt l'examen. Dans le

  • LEGITIME DEFENSE 35

    domaine des faits, de notre part aucune qui-voque n'est possible : il n'est personne de nousqui ne souhaite le passage du pouvoir des m. insde la bourgeoisie celles du proltariat. Enattendant, il n'en esl pas moins ncessaire,selon nous, que les expriences de la vie int-rieure se poursuivent et cela, bien entendu,sans contrle extrieur, mme marxiste. Lesurralisme ne tend-il pas, du reste, donner la limite ces deux tats pour un seul, en fai-sant justice de leur prtendue inconciliabilitpratique par tous les moyens, commencerparle plus primitif de tous, dont l'emploi trouve-rait mal se lgitimer s'il n'en tait pas ainsi :je veux parler de l'appel au merveilleux(*).

    Mais tant que la fusion des deux tats enquestion reste purement idale, tant qu'iln'est pas permis de dire dans quelle mesureelle finira par s'oprer

    nous en sommes indiquer pour l'instant qu'elle esl concevable

    il n'y a pas lieu de nous mettre en contra-diction avec nous-mmes au sujet des diversesacceptions que nous sommes amens donner certains mots, certains mots-tampons telsque le mol, Orient . Ce mol qui joue eneffet, comme beaucoup d'autres, sur un senspropre el plusieurs sens "figurs, et naturelle-ment aussi sur divers conlre-sc-ns. esl prononcde plus en plus depuis quelques annes. Il doitcorrespondre une inquilude particulire dece temps, sou plus secret espoir, une prvi-sion inconsciente ; il ne doit pas revenir aveccelle insistance absolument en vain. Il consti-tue lui seul un argument qui en vaut unautre, el les ractionnaires d'aujourd'hui lesavent bien, qui ne perdent aucune occasionde mettre l'Orient en cause.

    Trop de signes, crit i\iassis, nous fontcraindre que les doctrines pseudo-orientales,enrles au service des puissances de dsordre,ne servent, en fin de compte, qu' ranimer lesdissensions qui, depuis la Rforme,, se sonl

    abattues sur l'esprit de l'Europe, et quel'asialisine. comme le germanisme de nagure,ne soil que le premier message des Barbares. Valry insinue que les Grecs et les Romainsnous ont montr comment l'on opre avec lesmonstres de l'Asie . C'est un ventre quiparle : D'ailleurs la question, en ces matires,n'est que de digrer. Pour Maurras, nousconfie 1\1. Albert Gareau, toule draison vientdes puissances troubles de l'Orient. Toutesles grandes catastrophes de notre histoire, tousles grands malaises s'interprtent par les cha-leurs du mme miasme juif et syrien, par,l'pre folie de l'Orient et sa religion sensil-.iveel le sol de l'orage propos de la sorte auxesprits fatigus. Pourquoi, dans ces condi-tions, ne continuerions-nous pas nous rcla-mer de l'Orient, voire du pseudo-Orient auquel le surralisme consent n'tre qu'unhommage, comme l'oeil se penche, sur la perle ?Tagore, qu esl un mauvais esprit oriental,pense qus la civilisation occidentale ne prirapas, si elle recherche ds maintenant l'harmoniequi a t rompue au profit de sa nature mat-rielle . Entre nous, c'est bien in possible, etvoil une civilisation condamne. Ce que nousne pouvons souffrir, dis-je, et c'est l tout lesujet de. cet article, esl que l'quilibre del'homme, rompu, c'esl vrai, en Occident, auprofil de sa nature matrielle, puisse esprerse retrouverdans le monde par le consentementde nouveaux sacrifices sa nature matrielle.C'est pourtant ce que de lionne foi, pensent-certains rvolutionnaires, notamment l'int-rieur du i-'arli communiste franais. 11 existeun domaine moral o les semblables ne sontlias guris par les semblables, o l'homo-pathie ne vaut rien. < ^e n'est pas par le machi-nisme que les peuples occidentaux peuvent sesauver le mol d'ordre : leclrificalion, a beaulre l'ordre du jour

    ce n'est pas par l.qu'ils chapperont au mal moral dont ils

    prissent. Je suis bien d'avis, avec l'auteur dumanifeste : La Rvolution et les Intellectuels,que le salarial esl une ncessit matrielle laquelle les trois quarts de la populationmon-diale sont contraints, indpendante des con-ceptions philosophiques des soi-disant Orien-taux ou Occidentaux el que sous la fruledu capital les uns et les autres sont des exploi-ts , mais je ne saurais partager sa conclusion, savoir que les querelles de l'intelligencesonl absolument vaines devant celle unit decondition . J'estime,aucontraire.(piel'hommedoit moins que jamais faire abandon de sonpouvoir discriminafeur ; qu'ici le surralismedoctrinairecesse prcisment d'tre de mise, etqu' un examen plus approfondi, qui mrited'tre tent, le salarial ne saurait passer pourla cause efficiente de l'tat de choses que nous

    (*) Le cadre de cette tude ne se prle pas ce cpieje m'tende longuement sur ce sujet. Reste-t-il encore dmontrer que le surralisme ne s'est point proposd'autre but ? Il est temps, nous continuonsavec vh-mence l'affirmer, plus que jamais il est temps pourl'esprit de rviser certaines oppositions de termespurement formelles telles que l'opposition de l'acte la parole, du rve la ralit, du prsent au pass el l'avenir. Le bien fond de ces distinctions, dans lesconditions dplorables d'existenceen Europe, au dbutdu xxe sicle, mme du point de vue pratique, ne sedfend plus un seul instant. Pourquoi ne pas mobilisertoutes les puissances de l'imaginationpour y remdier ?Si la posie, avec nous, y gagne : tant mieux ou tantpis, mais l n'est pas la question. Nous sommes, decoeur avec le comte Hermann Keyserling, sur la -voied'une mtaphysique monotone. Elle ne parle jamaisque de l'tre un, o Dieu, l'me et le monde se rejoi-gnent, de l'un qui est l'essence la plus profonde detoute multiplicit. Elle aussi n'est qu'intensit pure ;elle ne vise que la vie mme, cet in-objectif d'ofi jail-lissent les objets comme des incidents.

  • 36 LEGITIME DEFENSE

    supportons ;

    qu'il admettrait pour lui-mmeune autre cause la recherche de laquelle l'in-telligence, en particulier notre intelligence, esten droit de s'appliquer (*).

    Nous nous plaignons de rencontrer la plusgrave obstruction en ce sens. Si encore noustions suspectsde passivit l'garddes diversesentreprises de brigandage capitaliste, passeencore, mais ce n'est mme pas le cas. Nous nedfendrions pour rien au monde un pouce deterritoire franais, mais nous dfendrions jus-qu' fa mort en-Russie, en Chine, une conquteminime du proltariat. Etant ici nous aspirons y faire notre devoir rvolutionnaire commeailleurs. Si nous manquons peut-tre d'espritpolitique, du moins ne peut-on nous reprocherde vivre retirs en notre pense comme enune four autour de laquelle les autres sefusillent. De notre plein gr, nous n'avonsjamais voulu entrer dans cette tour et nous.nepermettrons pas qu'on nous y enferme. Il sepeut, en effet, que notre tentative de coopra-tion, au cours de l'hiver 1925-1926, avec lesplus vivants lments du groupe Clart envue d'une action extrieure bien dfinie, aitabouti pratiquement a un chec mais, si l'ac-cord envisag n'a pu se manifester, je nie quece soit par incapacit de rsoudre l'antinomiefondamentale qui existe dans la pense surra-liste . Je crois avoir l'ait comprendreque celleantinomie n'existe pas. Tout ce quoi, les unscomme les autres, nous nous sqmmes heurts,c'esl la crainte d'aller contre les desseinsvritables de l'Internationale communiste et l'impossibilit de ne vouloir connatre que la

    consigne aU moins droutante donne par leParti franais. Voil essentiellement pour-quoi La Guerre civile n'a pas paru.

    Comment chapper la ptition de prin-cipe ? .On vient encore de m'assurer, en touteconnaissance de cause, qu'au cours de cetarticle je commets une erreur en attaquant, del'extrieur du parti, la rdaction d'un de ses'organes, et de me reprsenter que celte action,apparemment bien intentionne et mme loua-ble, tait de nature donner des armes auxnnemis du Parti dont je juge moi-mme qu'il

    est, rvolutionnairement, la seule force surlaquelle op. puisse compter. Ceci ne m'avait paschapp et je puis dire que c'est pourquoi j'ailongtemps hsit parler, pourquoi je ne m'ysuis rsolu qu' contre-coeur. Et il est vrai,rigoureusementvrai, qu'unetelle discussion, quine se propose rien moins que d'affaiblir leParti, et du se poursuivre l'intrieur duParti. Mais, de l'aveu mme de ceux qui s'ytrouvent on eut courl cette discussion aupossible, supposer qu'on lui et mme permisde s'engager. Il n'y avait, pour moi, pour ceuxqui pensent comme moi, rien en attendre,exactement. A ce sujet je savais ds l'annedernire cpioi m'-;n tenir et c'est pourquoij'ai jug inutile de me faire inscrire au Particommuniste. Je ne veux pas tre rejet arbi-trairement dans 1' opposition d'un partiauquel j'adhre sans cela de toutes mes forces,mais dont je pense que possdant pour lui laRaison, il devrait, s'il tait mieux men, s'iltait vritablement lui-mme, dans le domaineo mes questions se posent, avoir rponse tout.

    Je termine en ajoutant que, malgr tout,cette rponse je l'attends toujours. Je ne suispas prs de me retourner d'un autre ct. Jesouhaite seulement que de l'absence d'ungrand nombre d'hommes comme moi, retenuspour des motifs aussi valables, les rangs deceux qui prparent utilement et en pleineentente la Rvolution proltarienne ne soientpas plus clairs, surtout si parmi eux se glissentdes fantmes, c'est--dire des tres sur laralit desquels ils s'abusent et qui, de cetteRvolution, ne veulent pas.

    Lgitime dfense ?Andr BRETON.

    (*) Il n'est aucunementquestion de mettre en causele matrialisme historique, mais une fois de plus lematrialisme tout court. Est-il bien ncessaire de rap-peler que, dans l'esprit de Marx et d'Engels, le premiern'a pris naissance que dans la ngation exaspre,dfinitive du second ? Aucune confusion n'est permise ce sujet. Selon nous l'ide du matrialisme historique,dont nous songeons moins que jamais contester lecaractre gnial, ne peut se soutenir et, comme ilimporte, s'exalter dans la dure, ne peut aussi nousforcer envisager concrtementses consquences, quesi elle reprend chaque instant connaissance d'elle-mme, cpie si elle s'oppose sans crainte toutes les idesantagonistes, commencer par celles qu' l'origine illui a fallu vaincre pour tre et qui tendent se repr-senter sous de nouvelles formes. Ce sont ces derniresqui nous paraissent faire, sournoisement leur chemindans l'esprit de certains dirigeantsdu Parti communistefranais. Peut-on leur demander de mditer les'pagesterribles de Thodore Joufroy : Comment les dogmesfinissent 1

    L-c Grant : Louis ARAUON. Imprimerie spciale de la Rvolution Surraliste, 42, rue Fontaine, Paris-9

  • EDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANAISE3, Rue de Grenelle PARIS-VP Tl. Fleurus 12-27

    nrf

    PAUL ELUARD

    CAPITALEDE LA DOULEUR

    RPTITIONS-

    MOURIR DE NE PAS MOURIR

    LES PETITS JUSTES-

    NOUVEAUX. POMES

    Sur mille lignes de points qu'on ne voit pas s'ouvre et se ferme le grand livre de. PaulEluard : CAPITALE DE LA DOULEUR. Que s'est-il jamais pass, que se passera-t-il, 6 mesamis, quoi que nous en pensions ? Etre ou ne pas tre, on commenc s'apercevoir que ce n'estpas la question. Et voici sans doute le. premier ouvrage qui ne soit plus ou moins bti sur cefaux et persistant dilemme.

    CAPITALE DE LA DOULEUR s'adresse ceux qui depuis longtemps n'prouventplus

    se vantent ou se cachent de ne plus prouver-

    le besoin de lire : soit que trs vite ilsaient fait le tour de ce qui pouvait leur tre livr de la sorte et qu'ils tiennent honneur de nepas encourager les jeux littraires, soit qu'ils poursuivent sans espoir de s'en laisser distraire uneide ou un tre que ncessairement, d'autres n'ont pu approcher, soit que pour toute autre raison, telle heure de leur vie, ils soient enclins sacrifier en eux la facult d'apprendre au pouvoird'oublier. Le miracle d'unetelle posie est de confondre tous ces secrets en un seul, qui est celuid'Eluard et qui prend les couleurs de l'ternit.

    Aussi vrai que cerecue.il supporte et appelle les plus hautes comparaisons, qu' sa lueurcomme aucune autre l'action et la contemplation cessent