La prise de Constantinople · PDF fileFondazione Lorenzo Valla / Arnoldo Mondadori Editore, II...

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Thème 4 Chapitre VI : L’élargissement au monde. Comment les différents "mondes" anciens existant au XVe siècle se mettent-ils en contact, par des circulations variées (hommes, marchandises, idées), et construisent des rapports nouveaux? I. Une Europe Chrétienne bloquée au Sud et à l’Est par le monde musulman : le cas de Constantinople. Activité 1 : La prise de Constantinople. A. 1453 : La prise de Constantinople. Les Européens sont, depuis la naissance de l’Islam en 622, en contact avec des peuples musulmans qui dominent l’Arabie et l’Asie centrale (Rappel rapide sur l’Islam). Parmi eux, des Turcs venus d’Asie centrale, les Ottomans, s’installent en Anatolie et conquièrent progressivement l’Empire byzantin, ou Empire romain d’Orient, peuplé de Grecs orthodoxes, qui existe depuis plusieurs siècles. En 1451, un nouveau sultan, Mehmet II, arrive à la tête des Ottomans. Ces derniers contrôlent alors toute l’Anatolie occidentale et les Balkans et décident de s’emparer du dernier vestige de l’Empire byzantin, sa capitale, Constantinople. Document 1 : le site de Constantinople par Mehmet II. (in Voyage en la terre d’Outremer, de Bertrandon de la Broquière, l’enluminure de Jean Le Tavernier, réalisée aprèss 1455 ; Paris, Bibliothèques nationale de France). La menace turque sur Constantinople réactive les projets de croisade contre les Turcs de Philippe le Bon duc de Bourgogne. C’est dans ce but, que son conseiller, Bertrandon de la Broquière, a été envoyé en voyage de reconnaissance en Orient dans les années 1432-1439. Il décrit avec précision la puissance militaire, économique et politique des Ottomans. Le projet de croisade échoue après la prise de Constantinople en 1453. Son récit donne lieu à un manuscrit richement illustré offert Philippe le Bon. DOC 2 : LA PRISE DE CONSTANTINOPLE PAR LES TURCS, VUE PAR LEONARDO DI CHIO, envoyé du pape Nicolas V à Constantinople probablement à partir de 1452. Cette lettre s’adresse au pape. Je raconterai donc dans les larmes et les gémissements la dernière ruine de Constantinople, catastrophe à laquelle j’ai assisté naguère et que j’ai vue de mes yeux. (…) (..) La tempête turque déferla sur la ville de Constantinople, de Galata et des places fortes voisines, selon la parole d’Isaïe 1 : « renversée par la tempête loin de toute consolation». C’est dans cette tempête que moi aussi je fus fait prisonnier, enchaîné et battu par les Turcs pour l’expiation de mes péchés, mais je ne fus pas jugé digne d’être, tel le Christ sauveur, supplicié. Car l’union n’avait pas été faite, mais feinte 2 , et c’est cela qui a conduit la ville à sa destruction finale. C’est ainsi que les jours suivants, nous connûmes la colère de Dieu. Dieu donc, irrité contre nous, suscita la fureur de Mehmet 3 , roi très puissant des Turcs, jeune homme audacieux, ambitieux, excité, ennemi juré des Chrétiens, qui aux Nones d’avril (5 avril 1453) s’installa devant Constantinople avec trois cents mille guerriers 4 , l’entourant dans un camp de tentes. Il y avait un grand nombre de cavaliers, mais ceux qui prenaient part au combat étaient tous des fantassins. Parmi eux, ceux qui étaient particulièrement destinés à la garde de leur souverain étaient quinze mille guerriers courageux, qu’on appelle janissaires (…) Ce sont des chrétiens de Macédoine enlevés enfants à leurs familles, et convertis. Deux jours après (le 7 avril) ils prirent position devant la cité et installèrent au pied des fossés un nombre incalculable de machines de guerre 5 , et des protections faites de grands buissons d’osier tressé destinés à les protéger lorsqu’ils s’avanceraient. Hélas, ils ont ainsi bloqué la ville de toutes parts.

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Thème 4 Chapitre VI : L’élargissement au monde.

Comment les différents "mondes" anciens existant au XVe siècle se mettent-ils en contact, par des circulations variées (hommes, marchandises, idées), et construisent des rapports nouveaux?

I. Une Europe Chrétienne bloquée au Sud et à l’Est par le monde musulman : le cas de Constantinople. Activité 1 : La prise de Constantinople.

A. 1453 : La prise de Constantinople.

Les Européens sont, depuis la naissance de l’Islam en 622, en contact avec des peuples musulmans qui dominent l’Arabie et l’Asie centrale (Rappel rapide sur l’Islam). Parmi eux, des Turcs venus d’Asie centrale, les Ottomans, s’installent en Anatolie et conquièrent progressivement l’Empire byzantin, ou Empire romain d’Orient, peuplé de Grecs orthodoxes, qui existe depuis plusieurs siècles. En

1451, un nouveau sultan, Mehmet II, arrive à la tête des Ottomans. Ces derniers contrôlent alors toute l’Anatolie occidentale et les Balkans et décident de s’emparer du dernier vestige de l’Empire byzantin, sa capitale, Constantinople.

Document 1 : le site de Constantinople par Mehmet II. (in Voyage en la terre d’Outremer, de Bertrandon de la Broquière, l’enluminure de Jean Le Tavernier, réalisée aprèss 1455 ; Paris, Bibliothèques nationale de France).

La menace turque sur Constantinople réactive les projets de croisade contre les Turcs de Philippe le Bon duc de Bourgogne. C’est dans ce but, que son conseiller, Bertrandon de la Broquière, a été envoyé en voyage de reconnaissance en Orient dans les années 1432-1439. Il décrit avec précision la puissance militaire, économique et politique des Ottomans. Le projet de croisade échoue après la prise de Constantinople en 1453. Son récit donne lieu à un manuscrit richement illustré offert Philippe le Bon.

DOC 2 : LA PRISE DE CONSTANTINOPLE PAR LES TURCS, VUE PAR LEONARDO DI CHIO, envoyé du pape Nicolas V à Constantinople probablement à partir de 1452. Cette lettre s’adresse au pape. Je raconterai donc dans les larmes et les gémissements la dernière ruine de Constantinople, catastrophe à laquelle j’ai assisté naguère et que j’ai vue de mes yeux. (…) (..) La tempête turque déferla sur la ville de Constantinople, de Galata et des places fortes voisines, selon la parole d’Isaïe1 : « renversée par la tempête loin de toute consolation». C’est dans cette tempête que moi aussi je fus fait prisonnier, enchaîné et battu par les Turcs pour l’expiation de mes péchés, mais je ne fus pas jugé digne d’être, tel le Christ sauveur, supplicié. Car l’union n’avait pas été faite, mais feinte2, et c’est cela qui a conduit la ville à sa destruction finale. C’est ainsi que les jours suivants, nous connûmes la colère de Dieu. Dieu donc, irrité contre nous, suscita la fureur de Mehmet3, roi très puissant des Turcs, jeune homme audacieux, ambitieux, excité, ennemi juré des Chrétiens, qui aux Nones d’avril (5 avril 1453) s’installa devant Constantinople avec trois cents mille guerriers4, l’entourant dans un camp de tentes. Il y avait un grand nombre de cavaliers, mais ceux qui prenaient part au combat étaient tous des fantassins. Parmi eux, ceux qui étaient particulièrement destinés à la garde de leur souverain étaient quinze mille guerriers courageux, qu’on appelle janissaires (…) Ce sont des chrétiens de Macédoine enlevés enfants à leurs familles, et convertis. Deux jours après (le 7 avril) ils prirent position devant la cité et installèrent au pied des fossés un nombre incalculable de machines de guerre5, et des protections faites de grands buissons d’osier tressé destinés à les protéger lorsqu’ils s’avanceraient. Hélas, ils ont ainsi bloqué la ville de toutes parts.

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Qui donc, sinon des chrétiens traîtres, a pu si bien les renseigner ? Je peux témoigner que parmi les Turcs il y avait des Grecs, des Latins, des Allemands, des Hongrois, des Boètes6 qui provenaient de tous les pays chrétiens, mêlés aux Turcs, et qui apprenaient leurs techniques de guerre en même temps qu’ils embrassaient leur foi. Ce furent eux qui, ayant monstrueusement oublié leur foi chrétienne, donnèrent l’assaut à la cité. (Source : La caduta di Costantinopoli - Le testimonianze dei contemporanei , A cura di Agostino Pertusi, Fondazione Lorenzo Valla / Arnoldo Mondadori Editore, II edizione ottobre 1990, texte traduit par Marie-Anne Peric)

1. Isaïe est un prophète de l’Ancien Testament. 2. Depuis le schisme de 1054, l’Eglise orthodoxe (grecque) et l’Eglise catholique (romaine) sont séparées. Face à la menace turque, des tentatives d’union qui ont eu lieu au XVe siècle ont échoué. Selon l’auteur, cette désunion des chrétiens est la cause de la chute de Constantinople interprétée comme une punition divine. 3. Mehmet II, sultan de 1451 à 1481 4. Chiffre surestimé (l’armée comptait probablement 80000 hommes ; A Constantinople, ils étaient 10 fois moins nombreux. 5. Notamment l’artillerie très puissante qui bombarde les murailles de la ville. 6. Bohémiens ou Bulgares selon la traductrice.

Questions

1/ Qui sont les auteurs de ces deux documents ? D’où sont-ils originaires ? Pour qui travaillent-ils ? Sont-ils contemporains de l’événement qu’ils décrivent, c’est à dire la prise de Constantinople par les Turcs ? En sont-ils les témoins directs ? 2/ Le document 2 offre un apport original ; lequel ? Pourquoi ? (A mettre en relation avec la réponse à la première série de questions) 3/ Y a-t-il entre ces deux documents, une ou plusieurs informations contradictoires ? 4/ Ces deux documents mettent en scène des acteurs plus ou moins directs de la prise de Constantinople. Il s’agit de chrétiens et de musulmans. Dégagez les différentes formes de relations établies entre eux. 5/ Quels sont les éléments apportés par ces documents qui montrent que la prise de Constantinople a été vécue comme une rupture par les chrétiens d’Occident. Qu’en est-il dans les faits ? (Justifiez votre réponse)

Activité 2 : La prise de Constantinople. B. Constantinople : une ville cosmopolite.

Un itinéraire mouvementé :

Ambassadeur séjournant dans le quartier Génois de Galata, vous devez vous rendre dans la demeure du sultan afin de lui demander une audience visant à obtenir un droit de commerce au sein de son empire.

Pour y accéder vous devez nécessairement traverser la Corne d'Or (estuaire séparant le quartier Génois de Constantinople), pour cela le port chrétien est le premier accès. Après la rencontre avec le sultan, votre navire ne repartant pour le royaume de France que dans 2 jours, vous prenez le temps de visiter la ville et ses principaux monuments et quartiers.

1°) Au travers de l'itinéraire expliqué ci-dessus dressez un tracé représentant la visite de l'ambassadeur au sein de Constantinople. L'itinéraire comprendra nécessairement 4 haltes (en plus de la visite du palais) à des points stratégiques de la ville.

2°) Objectifs : Dans le tableau vous remplirez à l'aide des éléments trouvés sur les documents ci-dessus les différentes colonnes permettant de voir les fonctions et les acteurs de ces lieux.

3°) Une fois le tableau effectué, il vous permettra de rédiger une réponse organisée autour de la question : Istanbul une ville cosmopolite ? Les documents ci-dessus sont aussi nécessaires pour répondre correctement à la question posée.

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Document 1 : Palais de Topkapi

De 1486 à 1853, il est la résidence urbaine, principale et officielle, du sultan ottoman. Le palais est situé sur l'emplacement de l'acropole de l'ancienne Byzance. Il domine la Corne d'Or, le Bosphore et la mer de Marmara. Le sultan y vit entouré de ses domestiques, esclaves et de son harem. 40 000 soldats, serviteurs, esclaves, cuisiniers, pâtissiers, eunuques, bourreaux, jardiniers... vivent dans le palais, et n'en sortent que très rarement. Il est possible de séparer le palais en deux parties : le selamlik (demeure du sultan et de son entourage masculin) et le harem surveillé par les eunuques noirs.

Document 2 : L’Ancienne Église Sainte Sophie

Bâtie au VIe siècle La basilique (Église) Sainte Sophie était le siège du patriarche orthodoxe (équivalent d'un archevêque) de Constantinople et lieu où se déroulaient les principales cérémonies de Constantinople.

Après la prise de Constantinople le 29 mai 1453, le sultan Mehmet II (1432-1481) fit transformer la basilique en Mosquée. Il fit ériger le Mihrab, qui servait à donner la direction de la Mecque pour la prière, et quatre minaret (qui permettait au muezzin d'effectuer les cinq appels à la prière).

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Document 3 : Pera Galata : Un texte expliquant la situation de Pera avant la conquête de Constantinople et un texte montrant sa situation après la conquête.

Document 3 : Le Grand bazar (concept art tiré du jeu vidéo Assassin’s Creed)

Les bazars, appelés souks au Maghreb, sont des marchés urbains. La position géographique de la ville permet au bazar d'Istanbul d'être le débouché des marchandises venues d'Orient par la route de la soie, et de l'Europe par vois maritime. Le bazar est un ensemble hétéroclite d'échoppes, d'étals, de maisons, de magasins, de colporteurs avec leurs carrioles et de vendeurs assis sur des tapis. Le Grand Bazar fut l'un des plus récents projets entrepris par le sultan Mehmet II après sa conquête de Constantinople. Sa construction débuta en 1456, pour finalement s'ouvrir au public en 1461. On y trouvait alors de la nourriture, des épices, de la poterie. Grâce à son emplacement idéal (tout près de la Corne d'Or), les marchandises purent arriver par la mer et être assimilées dans le centre très rapidement. Des navires venaient du monde entier pour fournir le port, et donc le Grand Bazar par la même occasion. Situé au centre de la péninsule, les citoyens pouvaient y entrer et en sortir aisément.

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Document 4 : La population à Constantinople