La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

23

Transcript of La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Page 1: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue
Page 2: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

L A P É R I D U R A L E La douleur

de l'accouchement vaincue

Page 3: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue
Page 4: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

LA PÉRIDURALE La douleur

de l'accouchement vaincue

BALLAND

Page 5: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Déjà paru

Le bébé est une personne, Bernard Martino

© Éditions Balland, 1986.

Page 6: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

A nos huit enfants qui nous ont permis de découvrir la nécessité

de la péridurale!...

Page 7: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue
Page 8: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Préface

C'est après avoir vécu « mon » premier accouche- ment que j'ai enfin compris pourquoi on raconte aux enfants que les bébés naissent dans les choux. Délicate attention.

Cela se passait à l'aube des années soixante et l'accouchement dit sans douleur battait son plein, précédant de peu toute une cohorte de gris-gris dont le principal mérite fut de tranquilliser les futures mères et donner bonne conscience aux hommes, qu'il s'agisse des gynécologues et bien entendu des maris. Malgré la bonne volonté évidente de chacun j'ai gardé de cette naissance l'impression que tous s'en remettaient, plus ou moins, à la bonne vieille méthode Coué et que l'auto-suggestion tenait seule la vedette. Je me souviens être sorti de la salle de travail non pas bouleversé mais profondément indi- gné. De longues années se sont écoulées et je n'ai jamais pu effacer cette profonde impression de stupide injustice.

Page 9: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Ce type de douleur, je veux bien l'admettre mais seulement dans le cadre d'une situation imprévue, dans un taxi, aux champs, au cinéma, dans un bateau, n'importe où, mais pas à l'hôpital. Pas au cours d'un processus médical. Pas dans une époque, dans des pays où le corps et la vie relèvent du sacré.

Il est certain que mes propos ne s'adressent pas aux femmes auxquelles la nature épargne une trop grande souffrance, ni à celles qui la revendiquent au nom de leur éthique personnelle. Ce livre est destiné à celles qui la refusent, la jugent anachronique et peu compatible avec un progrès qui régente notre existence, et qui, bizarrement, semble les avoir oubliées. Je suis pour laisser aux saints du calendrier le bien- heureux privilège de la souffrance acceptée. Ce sont des professionnels. Les mères ne souhaitent pas goûter aux joies de la canonisation. Du moins pas pour cela.

J'ai quatre fils. Le dernier vient de fêter son premier anniversaire. Ma femme a exigé une péri- durale. Comme toujours, connaissant très mal cette technique, j'y fus d'emblée hostile. Mon père a dû adopter la même attitude avant de prendre son premier avion, mon grand-père a hésité devant l'ascenseur et un ancêtre plus lointain a dû longue- ment méditer avant de goûter sa première pomme de terre. Mêmes rumeurs, mêmes idées reçues : La péridurale? Moi jamais. D'abord ça ne marche pas, puis on reste paralysée et enfin c'est une usine à

Page 10: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

LA PÉRIDURALE

mongoliens, etc. Or, c'est parce que j'ai participé, minute par minute, à cet accouchement sous péri- durale, c'est parce que j'ai vu une femme toujours consciente, toujours cohérente, attentive aux indica- tions des assistants, accueillir avec calme puis en riant la venue de son enfant, que j'ai voulu ce livre afin que chacun, en toute connaissance de cause, puisse simplement décider.

André Balland

Page 11: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue
Page 12: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Témoignage de Pilou, 38 ans

« La première chose que j'ai dite à mon mari après l'accouchement : " Jure-moi que tu ne me referas plus jamais d'enfant. "

Brutale conclusion d'un des événements clés de la vie d'une femme : l'accouchement! »

Pilou avait vingt-huit ans, elle venait de mettre au monde sa fille par une belle journée de février 1975. Aujourd'hui, elle se souvient.

« Je savais que ça pouvait faire mal. Mais je n'aurais jamais pu imaginer souffrir à ce point-là. Ma mère m'avait raconté que la naissance de mon frère avait été épouvantable. Mais moi, je me disais : c'était il y a longtemps, aujourd'hui la science ne cesse de faire des progrès, alors il est sûr qu'on n'accouche plus comme nos mères ou nos grand-mères. J'ai découvert avec horreur que rien n'avait changé. Je n'avais pas compris que la France

Page 13: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

dans ce domaine est un vieux pays, rétrograde. Des douleurs atroces. Mon mari était décomposé,

à tel point que les sages-femmes lui ont demandé de partir. Je hurlais et elles me disaient : " Taisez-vous, vous empêchez les autres femmes de se concen- trer! "

Puis mon mari est revenu, la petite allait naître. Alors là, le comble : une des deux sages-femmes, bien en chair, s'est juchée à califourchon sur mon ventre. Et, en voyant cet arrière-train au ras de mes yeux, je rêvais à cette période bénie, antérieure à l'anesthésie, où on glissait un mouchoir ou un torchon entre les dents des patients pour qu'ils ne crient pas. Et ils mordaient. Je rêvais de mordre l'arrière-train de cette fille, probablement pour me venger, tant je souffrais. Et elle poussait et moi aussi je poussais et l'autre tirait. Une poésie!!!

Ma fille est née, je ne l'ai pas vue naître, j'ai entrevu mon mari, il était vert. Dès que j'ai été un peu remise de mes émotions je lui ai dit : " Ne me refais plus jamais d'enfant. " Il a d'ailleurs tenu parole et je l'ai bien aidé!

Heureusement Stéphanie ne nous a jamais réclamé un petit frère ou une petite sœur... mais une grande sœur ou un grand frère...

C'est une aberration, car pendant neuf mois j'avais vécu un bonheur, une intimité formidable avec mon enfant. Et douze heures ont suffi pour tout flanquer par terre c'est-à-dire pour rater le

Page 14: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

principal. La plus grosse duperie, la plus grosse " connerie " qu'on ait dite aux femmes c'est : tu dois souffrir pour mériter ton enfant.

Si j 'avais un autre enfant, un jour, si je changeais d'avis - on ne sait jamais - je ne veux pas souffrir, mais pas du tout, car j'ai déjà donné. Je veux en profiter pleinement, je veux voir naître mon enfant. Je veux une anesthésie péridurale. »

Page 15: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue
Page 16: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

1.

« Je voudrais ma péridurale. » « J'aimerais avoir une péridurale. » « J'ai demandé une péri. » « Je ne veux surtout pas de cette piqûre dans le dos. »

Comparable à l'anesthésie locale des dentistes, la péridurale repose sur le même principe : imprégner de substance anesthésique les nerfs qui conduisent les influx de la zone douloureuse et interrompre de ce fait la « conduction » de ces sensations.

Pourquoi « péridurale »?

A cause de « l'espace », cet espace péridural que les racines nerveuses, venant des organes qu'elles innervent, traversent avant de franchir la dure- mère : c'est le lieu idéal pour déposer les anesthési- ques et les faire agir sur un nombre plus ou moins important de ces racines, ce qui revient en quel-

Page 17: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

que sorte « à disjoncter » une partie du réseau. L'anesthésie péridurale constitue une véritable

révolution dans les mœurs car elle permet aux femmes d'accoucher non seulement sans douleur (ou avec une douleur atténuée) mais dans une conscience totale.

Cette douleur de l'accouchement acceptée avec résignation par les femmes depuis la malédiction divine : « Tu enfanteras dans la douleur » est en passe d'être vaincue.

Cette anesthésie doit bloquer les sensations dou- loureuses venant de l'utérus et de la voie d'accou- chement, c'est-à-dire, de la hauteur de la 11 vertèbre dorsale au niveau de la 5 vertèbre sacrée (fig. 1). L'anesthésie doit toucher toute la partie du corps située sous l'ombilic : elle intéres- sera les fibres nerveuses sensitives conductrices des sensations douloureuses transmises par les nerfs passant par les deux dernières vertèbres dorsales, les cinq vertèbres lombaires, les vertèbres sacrées (voir chapitre sur « la douleur de l'accouchement »).

Elle sera un peu plus « poussée », comme nous le soulignerons ultérieurement, pour une césarienne.

Lors de la mise en place de la péridurale, la patiente est soit assise au bord du lit, en faisant le

Page 18: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Figure 1 : les voies de la douleur : Vertèbres, D : dorsales, L : lombaires, S : sacrées. Noter que la moelle épinière s'arrête nettement au-dessus du niveau de la ponction de la péridurale.

Page 19: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

« gros dos » - ce qui n'est pas toujours facile dans son état - soit couchée sur le côté en « chien de fusil ». Ces positions favorisent l'ouverture des espa- ces entre chaque vertèbre, à la manière d'un éven- tail qu'on déploie.

Dès lors, le médecin anesthésiste va agir « dans le dos » de la patiente - au sens propre du terme, évidemment - et la patiente ne pourra assister en spectatrice à part entière au déroulement de la péridurale.

Dans l'appréhension de certaines femmes se retrouve assez souvent cette image de piqûre dans le dos : comme nous le verrons, ce geste technique n'est pas plus « traître » qu'une simple piqûre dans la fesse...

L'anesthésiste doit repérer « un espace » se trou- vant en moyenne à 4-5 centimètres de profondeur par rapport à la peau (fig. 2). Cet espace, nous l'avons dit, est traversé par les racines nerveuses qu'il faut imprégner d'anesthésique (on pourrait, schématiquement, le comparer à un tunnel abritant des rails dont les ramifications disparaissent, à espace régulier, par des issues latérales, « trous de conjugaison »).

Cet espace est limité par une gaine de consis- tance élastique côté extérieur (vers la peau) : c'est le ligament jaune, et par une cloison, séparation étanche avec le liquide céphalo-rachidien, du côté

Page 20: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

interne (c'est la méninge dure ou dure-mère d'où le nom de « péridurale »).

La première série de gestes vise à éviter toute infection

Ces précautions concernent le matériel utilisé (préparation d'un matériel

stérile) les mains de l'anesthésiste (lavage rigoureux-mise

des gants) le badigeonnage de la peau de la patiente avec

des solutions « antiseptiques » (qui provoque simple- ment une sensation de froid).

La localisation du point de ponction Elle s'effectue dans un premier temps par la

palpation, à la recherche du « creux » situé entre les deux saillies des vertèbres. Chez certaines femmes obèses ou ayant pris beaucoup de poids, ce repérage peut être malaisé. Le point de ponction habituel se situe entre la 3e et la 4e vertèbre lombaire, ce qui correspond à la hauteur des hanches. Comme on le voit sur la figure n° 1, la moelle épinière ne descend pas jusqu'à ce niveau, puisqu'elle s'arrête deux vertèbres plus haut : toute lésion directe de la moelle est donc impossible, le mythe de la blessure de la moelle épinière par l'aiguille n'a rien à voir avec la réalité.

La recherche de l'espace péridural est pratiqué après une anesthésie locale de la peau, elle-même

Page 21: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Figure 2 : l'espace péridural.

Page 22: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Hélène Cardin Dr. M.-T. Moisson-Tardieu

Pr. Michel Toumaire

L a p é r i d u r a l e

700 000 Françaises (1200 000 dans les pays francophones) accou- chent chaque année. La plupart d'entre elles dans des douleurs qu'elles qualifient volontiers d'horribles ou d'atroces. A tel point que certaines jeunes mères, à la suite de leur premier accouchement, décideront de ne pas en vivre d'autres.

Pourtant il existe une technologie datant du début du siècle qui per- met d'accoucher vraiment sans douleur : l'anesthésie péridurale. Les femmes qui ont choisi d'en bénéficier mettent au monde leur enfant non seulement sans souffrances mais dans une conscience totale. Cette technique continue cependant de déclencher des polémiques et des réticences multiples alors qu'elle est couramment, et depuis long- temps, utilisée en urologie et en traumatologie.

Adoptée avec enthousiasme depuis plus de 20 ans aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, elle s'oppose, en France, à la malédiction divine : "Tu enfanteras dans la douleur" qui fait toujours recette, et aussi à la coalition de certains médecins, sages-femmes, psychologues qui ali- mentent des rumeurs propres à effrayer les futures mères.

Aujourd'hui le taux de péridurales pratiquées dans les maternités est en augmentation constante grâce à la pression des femmes qui acceptent de moins en moins d'accoucher au nom d'une douleur rituelle qui, tout en étant supportable, n'en demeure pas moins ana- chronique.

"La péridurale, c ' es t peut-être une révolution que l 'on cache." Marie-France Pisier

Hélène Cardin, journaliste, spécialiste médicale à France-Inter. Dr. M.-T. Moisson-Tardieu, médecin responsable de l'anesthésie à la maternité de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, pratique la péridurale depuis 20 ans. Pr. Michel Tournaire, gynécologue-obstétricien à la maternité de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris.

Page 23: La péridurale. La douleur de l'accouchement vaincue

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections

de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.