La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

27
Heinz Fassmann Rainer Münz La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993) In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 11 N°3. pp. 43-66. Citer ce document / Cite this document : Fassmann Heinz, Münz Rainer. La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993). In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 11 N°3. pp. 43-66. doi : 10.3406/remi.1995.1477 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1995_num_11_3_1477

Transcript of La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

Heinz FassmannRainer Münz

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 11 N°3. pp. 43-66.

Citer ce document / Cite this document :

Fassmann Heinz, Münz Rainer. La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993). In: Revue européenne de migrationsinternationales. Vol. 11 N°3. pp. 43-66.

doi : 10.3406/remi.1995.1477

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1995_num_11_3_1477

ResumenLa migración del Este al Oeste en Europa (1918-1993).Heinz FASSMAN y Rainer MÜNZEste artículo examina los datos demográficos disponibles sobre la migración internacional en el interiory hacia Europa, en los periodos de 1918 a 1939 y de 1945 a 1993. Entre la dos guerras, cerca de 9.2millones de personas parten de su país de origen, por razones económicas o geo-políticas. En loinmediato de la post-guerra (1945-1950), unos 15.4 millones de personas se refugiaron o fuerondesplazadas al interior de Europa. La mayoría de entre ellos emigraron o se vieron obligados a emigrarhacia el Oeste. Entre 1950 y 1992, 14 millones de personas adicionales migran de un país del Este deEuropa central o del Este hacía el Oeste. Los principales paises de origen de estos immigrantes son laex-República Democrática Alemana (37% de todos los desplazamientos Este-Oeste por este periodo);Ex-Yugoeslavia (17% inluyendo las personas que se han desplazado recientemement de Bosnia ,Croacia y Servia); Polonia (14%), la ex Unión Soviética (12%). Más de las dos terceras partes de estosimmigrantes europeos se instalan en Alemania del Oeste. La mayor parte de ellos pertenece a unaminoría éthnica o religiosa disponiendo de un Estado soberano al Oeste o, por lo menos de unacomunidad de refugio o de un "lobby" fundamentalmente necesario en uno de los países del Oeste. Enestos últimos años las guerras de Croacia, Bosnia y la purificación étnica, han ocasionado la ola másgrande de refugiados y apátridas desde 1945. Más de cinco millones de ciudadanos de ex-Yougoeslavia son apátridas. Solamente 700 000 de ellos han logrado llegar a un país del Oeste.El artículo concluye que los factores de atracción/repulsión ("push-pull") que provocan estasmigraciones masivas no pueden ser dominados unicamente con la implantación de nuevas barreraslegislativas y un mayor despliegue de agentes como guarda-fronteras.

RésuméLa migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)Heinz FASSMAN et Rainer MÜNZCet article examine les données démographiques disponibles sur la migration internationale à l'intérieurde et vers l'Europe, pour les périodes 1918-39 et 1945-93. Dans l'entre-deux-guerres, environ 9,2millions de personnes quittent leurs pays d'origine, pour des raisons économiques ou géopolitiques.Dans l'immédiat après-guerre (1945-1950), quelque 15,4 millions de personnes s'enfuient ou sontdéplacées à l'intérieur de l'Europe. La plupart d'entre elles migrent ou sont obligées de migrer versl'ouest. Entre 1950 et 1992, 14 millions de personnes supplémentaires migrent d'un pays de l'Europecentrale ou de l'Est vers l'Ouest. Les principaux pays d'origine de ces immigrés sont l'ex-RDA (37% detous les déplacements Est-Ouest pour cette période) ; l'ex-Yougoslavie (17%, y compris les personnesrécemment déplacées de Bosnie, de Croatie et de Serbie) ; la Pologne (14%) et l'ex-Union soviétique(12%). Plus des deux-tiers de ces immigrants européens s'installent en Allemagne de l'Ouest. Laplupart appartiennent à une minorité ethnique ou religieuse disposant d'un Etat souverain à l'ouest ou,du moins, d'une communauté d'accueil ou d'un "lobby" assez important dans un des pays de l'Ouest.Ces dernières années, les guerres en Croatie et Bosnie, et la purification ethnique, ont provoqué la plusgrande vague de réfugiés et apatrides depuis 1945. Plus de cinq millions de citoyens de l'ex-Yougoslavie sont apatrides. Seulement 700.000 d'entre eux ont réussi à gagner un pays de l'Ouest.L'article conclut que les facteurs d'attraction/répulsion (les facteurs "push-pull") qui provoquent cesmigrations massives ne peuvent être contenus seulement par l'érection de nouvelles barrièreslégislatives et le déploiement d'effectifs plus importants de garde-frontières.

AbstractEast-West Migration in Europe 1918-1993Heinz FASSMAN and Rainer MÜNZThis paper analyses available demographic data on international migration within and to Europe duringthe periods 1918-1939 and 1945-1993. The main focus is on the east-west dimension of this migration.In the inter-war period some 9.2 million people either left their countries as labour migrants or weredisplaced as a result of the peace treaties and the new boundaries of the emerging nation states. In thepost-war period (1945-1950) some 15.4 million people fled or were displaced within Europe. Most ofthem moved or were forced to move westwards : e.g. ethnic Germans from Czechoslovakia, Silesia,

East and West Prussia to East and West Germany, Karelians to Finland, Poles from Ukraine andBelorussia to Poland, Ukrainians from Poland to the Ukraine, Italians from Istria and Dalmatia to Italy,etc. Between 1950 and 1992 another 14 million people migrated from a country in East-central andEastern Europe to the West. The main sending countries were the former GDR (37% of all East-Westmigrants of this period), former Yugoslavia ( 17% including recently displaced persons from Bosnia,Croatia and Serbia), Poland (14%) and the former Soviet Union (12%). More than two-thirds of allEuropean East-West migrants moved to West Germany (68%). Most East-West migrants belonged toan ethnic or religious minority (e.g. ethnic Germans, Jews, ethnic Turks, other Muslims, ethnic Greeks,Armenians, Pentecostals) with a nation-state in the West or at least with a strong "foothold" or lobby inone of the western countries. In recent times the wars in Croatia and Bosnia as well as ethnic cleansinghave led to the largest wave of refugees and displaced persons since 1945. More than 5 million citizensof former Yugoslavia are displaced. Of them only 700000 managed to enter a western country. Ourpaper concludes that push and pull factors causing massive migration cannot only be contained byerecting new legislative barriers and deploying more armed border guards against newcomers.

Revue Européenne des Migrations Internationales Volume 1 1 - N°3 1995

La migration d'Est en Ouest en

Europe (1918-1993)

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

LA MIGRATION D'EST EN OUEST LORS DE LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

Depuis le milieu du dix-neuvième siècle, la migration amène un mouvement d'est en ouest des populations européennes1 . Entre 1850 et 1920 plus de 30 millions d'habitants quittent le continent pour les Amériques. A la même époque, plusieurs centaines de milliers d'ouvriers Polonais et Ukrainiens se déplacent vers les centres des industries du charbon, du fer et de l'acier en France (Lorraine), l'Allemagne (la Ruhr et la Haute Silésie) et même l'Angleterre (les Midlands), alors en pleine croissance. Des Italiens en grand nombre quittent l'Italie pour la France, la Suisse et l'Autriche occidentale. De même, les centres urbains de l'Europe continentale attirent de grands flux d'immigrés Slaves quittant les pays tchèques, la Galicie et les parties de la Pologne alors sous domination prusse. Plusieurs centaines de milliers de Juifs d'Europe de l'Est s'enfuient devant la montée de l'antisémitisme, les pogroms, et la misère économique en Ukraine, en Galicie, et dans les pays baltes ; ils établissent à la fin du siècle des communautés ethno-reli- gieuses importantes dans les villes d'Europe : Berlin, Vienne, Paris ; ou encore Lvov, Varsovie et Prague. Aucune de ces communautés juives n'a survécu au régime nazi et à la Deuxième Guerre mondiale. En revanche, une grande majorité des ouvriers slaves réussirent à rester. Leurs enfants et petits-enfants s'assimilent et deviennent totalement intégrés au pays d'accueil. Aujourd'hui, dans des villes telles que Paris, Berlin et Vienne, les patronymes slaves sont le seul vestige de cette première phase de migration massive de l'Europe de l'Est vers l'Europe de l'Ouest.

Pendant cette première période de migration Est-Ouest, la révolution industrielle est le moteur le plus puissant. L'industrialisation, avec sa garantie de travail rémunéré et donc d'un métier pour un nombre croissant de gens, avait commencé en Angleterre

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

avant de s'étendre vers le Sud et ensuite en Scandinavie et en Europe centrale. Avec un certain retard, l'Europe de l'Est aussi s'est industrialisée. Pendant la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, de nouveaux noyaux d'industrie lourde se constituent. Bientôt ils deviennent des pôles d'attraction pour les immigrés des régions rurales environnantes où la production est encore basée sur l'agriculture.

Les différences dans les systèmes politiques constituent le deuxième facteur déterminant dans la migration d'est en ouest en Europe. La Grande-Bretagne, la France et plusieurs pays d'outre-mer avaient déjà instauré des systèmes de gouvernement démocratique. Ceux-ci sont fondés sur le principe des droits civiques et un esprit de liberté et de justice pour chaque individu, tandis qu'en Europe centrale et en Europe de l'Est des structures féodales dominaient encore. Pour ces deux raisons, la migration Est-Ouest est le produit de différences à la fois économiques et politiques entre les principales régions d'émigration et d'accueil.

Le troisième facteur décisif est la montée des nationalismes violents en Europe de l'Est qui forcent des minorités religieuses ou ethniques à émigrer.

LA MIGRATION D'EST EN OUEST ET D'OUEST EN EST PENDANT L'ENTRE-DEUX-GUERRES (1918-1939)

Dans la seconde phase de migration Est-Ouest en Europe, le nombre d'immigrés augmente significativement. Après 1918 et le refaçonnage de la carte politique de l'Europe selon les souhaits des vainqueurs, la pression venant des facteurs tels que l'appartenance ethnique ou religieuse et le nationalisme s'exacerbe. De même, la création de nouveaux Etats génère des nouvelles minorités ethniques en grand nombre. Dans beaucoup d'endroits, ces minorités ne sont pas reconnues, opprimées ou même obligées de fuir leur pays.

- 1,2 million de Grecs doivent quitter Istambul et la Turquie occidentale pour la Grèce en 1922-23 ;

- 600 000 Turcs et autres peuples musulmans sont obligés de quitter la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce pour la Turquie ;

- 170 000 personnes sont échangées entre la Bulgarie et la Grèce ; - 400 000 ressortissants hongrois quittent la Roumanie, la Yougoslavie et la

Tchécoslovaquie dans la période 1918-1924 ; - 150 000 Croates, Tchèques, Hongrois, Polonais, et Slovènes partent de

l'Autriche après la Première Guerre mondiale pour leurs Etats souverains nouvellement fondés ;

- 125 000 Arméniens ayant survécu au génocide en Turquie émigrèrent en France, aux USA et dans certains pays méditerranéens ;

- 1,1 million de Polonais abandonnent leurs terres qui viennent d'être annexées par l'Union soviétique ;

- 200 000 Allemands retournent en Allemagne et quittent des terres annexées par la France et la Belgique en 1919 (F Alsace-Lorraine, la Sarre et l'Eupen-Malmédy) ;

- 1,45 million d'Allemands et des Juifs, soit citoyens allemands, soit citoyens autrichiens, émigrent en Allemagne et, dans une moindre mesure, en Autriche depuis les Etats Baltes, la Pologne, Dantzig (900 000) et autres pays d'Europe de l'Est et d'Europe Centrale.

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

Plus tard, des Allemands sont expulsés du territoire tchèque (250 000 avant 1939). L'Allemagne réagit en expulsant 230 000 Tchèques des terres tchécoslovaques annexées par l'Allemagne en 1938 à la suite des accords de Munich. Enfin, environ 450 000 Juifs, ainsi que des réfugiés politiques, réussissent à émigrer d'Allemagne, d'Autriche et de Bohême-Moravie occupées par l'Allemagne nazie en 1938-1939.

La vague la plus massive d'émigration de l' entre-deux-guerres est provoquée par la Révolution russe. Entre 1917 et 1922, quelque 1,5 million de Russes, d'Ukrainiens et de Biélorusses quittent le pays, suivis de 250 000 ressortissants d'autres pays qui s'étaient installés en Russie avant 1914. Environ 1,15 million de ces emigrants russes se réinstallent dans un autre pays d'Europe.

Les autres émigrés s'installent outre-mer. D'autres groupes ethniques sont concernés par l'émigration et la réinstallation forcées après la Première Guerre, en particulier des Allemands (1,3 million), des Grecs (1,2 million) et des Turcs (600 000) (Tableau 1).

L'entre-deux-guerres en Europe est caractérisé en outre par un nombre considérable de migrations de main-d'oeuvre et de migrations de retour. En 1918, environ 300 000 ouvriers polonais et leurs familles réémigrent de la Haute Silésie et de la Ruhr vers l'Etat polonais qui vient d'être fondé. 150 000 Polonais quittent la Ruhr (occupée par des troupes françaises à l'époque) pour la France. Pendant les années 1920, la France recrute encore 450 000 ouvriers en Pologne ainsi que 250 000 ouvriers ressortissants d'autres pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est.

Entre 1918 et 1939, environ 9,2 millions d'Européens migrent sur l'axe est-ouest. Les causes principales de ces flux sont la création de nouveaux Etats et le nouveau tracé des frontières, événements accompagnés de sursauts qui peuvent être qualifiés de "vengeance historique" : la purification ethnique, la violence politique, et la réinstallation forcée de minorités ethniques nouvelles et anciennes (67% de la migration était ethnique). La migration économique (13%) ou l'exil politique (20%) jouent un rôle moindre mais non-négligeable.

LA MIGRATION D'EST EN OUEST À LA SUITE DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE, YALTA ET POTSDAM (1945-1950)

Pour les deux périodes examinées ci-dessous (1945-1950, 1950-1992), la migration Est-Ouest doit se définir plutôt en termes géopolitiques que purement géographiques. Elle englobe les migrations internationales de l'Europe de l'Est (y compris de l'ex-Union soviétique) et l'Europe Centrale et depuis les Balkans (à l'exception de la Grèce) vers l'Europe de l'Ouest, les pays d'outre-mer et les pays qui sont considérés géopolitiquement comme faisant partie de l'Occident (notamment la Turquie). De même, l'immigration de l'Europe occidentale et centrale vers l'Europe de l'Est (y compris l'ex-Union soviétique) est prise en compte. Pour la période 1945- 1950, les flux principaux de migration Ouest-Est et les échanges de populations entre les pays de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale sont analysés. Depuis les années 1950, la migration de l'Ouest vers l'Est n'a pas été significative.

La troisième phase de cette migration sur l'axe est-ouest2 a un rapport direct avec la Deuxième Guerre mondiale et ses conséquences pour l'Europe de l'après-guerre.

Illustration non autorisée à la diffusion

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

Tableau 1 : La migration d'Est en Ouest et d'Ouest en Est 1918-1939

Pays d'origine Pays d'accueil Nombre Période Type de migration

MIGRANTS ETHNIQUES URSS Etats Baltes Pologne ex-allemande Dantzig, Memel France (Alsace-Lorraine, Sarre) Belgique (Eupen-Malmédy) Tchécoslovaquie, Italie, Pologne, Roumanie, Yougoslavie Autriche Tchécoslovaquie Italie (Istrie, Gorizia, Trieste) Allemagne, Autriche Bohême-Moravie Tchécoslovaquie Hongrie (ancienne Slovaquie du Sud, Ukraines-Carpathes) Slovaquie Turquie Turquie Grèce Grèce Bulgarie Roumanie, Bulgarie Yougoslavie Roumanie Yougoslavie Tchécoslovaquie Total partiel

Pologne Allemagne

Allemagne

Autriche Allemagne

Pologne Yougoslavie, outre-mer Etats-Unis Yougoslavie Europe Occidentale outre-mer Allemagne Slovaquie Bohême-Moravie

Bohême-Moravie France, Etats-Unis, Grèce Grèce Turquie Bulgarie Grèce Turquie

Hongrie Hongrie

1 100 000 900 000

200 000

350 000

150 000

43 000

450 000

250 000 100 000

130 000 125 000

1 200 000 400 000 120 000 50 000

200 000

200 000 200 000

6 170 000

1918-1925 1918-1925

1918-1920

1918-1939

1918-1921

1918-1935

1933-1939

1937-1938 1938-1939

1939 1918-1925 1922-1923 1921-1928 1918-1926 1918-1928 1921-1939

1918-1924 1918-1924

souche polonaise souche allemande et juive

Allemands

souche allemande, juive

groupes ethniques divers

souche slovène, croate

Juifs, réfugiés politiques

Allemands des Sudètes Tchèques, Slovaques

Tchèques Arméniens souche grecque Turcs, autres musulmans souche bulgare souche grecque Turcs, autres musulmans

souche hongroise souche hongroise

RÉFUGIÉS POLITIQUES Union Soviétique

Union Soviétique

Autriche Allemagne, Autriche Total partiel

Europe, Asie, outre-mer

Europe

Allemagne Europe, URSS

1 500 000

250 000

50 000 70 000

1 870 000

1918-1922

1918-1922

1933-1938 1933-1939

Russes, Ukrainiens, Biélorusses Citoyens d'autres Etats européens Nazis autrichiens Emigrés politiques

Illustration non autorisée à la diffusion

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

MIGRANTS ÉCONOMIQUES Allemagne

Allemagne

Pologne Europe de l'Est Europe du Sud Total partiel TOTAL

Pologne

France

France France

300 000

150 000

450 000 250 000

1 150 000 9 190 000

1918-1919

1923

1919-1939 1919-1939

ouvriers polonais et leurs familles ouvriers polonais et leurs familles ouvriers polonais ouvriers et leurs familles

Sources : Chesnais, 1995 ; Hersak, 1993 ; Kirk, 1946 ; Kulischer, 1948 ; Jungfer et al., 1993 ; Fassmann Miinz, 1995.

Pour ne citer qu'une estimation approximative qui ne prend en compte que les flux principaux de migration, environ 15,4 millions de personnes sont obligées de quitter leurs pays d'origine (Tableau 2). 4,7 millions de prisonniers de guerre et de travailleurs forcés amenés en Allemagne pendant la guerre sont rapatriés, pour certains contre leur volonté, d'Allemagne vers l'Europe de l'Est et l'URSS. Le chiffre total, qui comprendrait des flux de migration "internes", approcherait probablement quelque 30 millions de personnes.

Pendant la deuxième moitié des années 1940 et la chute du Hie Reich, plus de 12 millions d'Allemands s'enfuient ou sont expulsés des régions orientales de l'Allemagne nazie et des terres occupées par la Wehrmacht (la Pologne, les pays baltes, la Bohême, la Moravie, la Slovénie, la Serbie et l'Ukraine) ou des régions contrôlées pendant la Deuxième Guerre mondiale par des régimes fascistes alliés à Hitler (la Slovaquie, la Croatie et la Hongrie). Encore deux millions de ces Allemands sont tués au cours de cette expulsion.

En Pologne, l'expulsion de sept millions d'Allemands et personnes d'origine allemande (dont un million venant de Dantzig et des régions ayant appartenu à la Pologne pendant l' entre-deux-guerres, ainsi que six millions de personnes venant des territoires allemands administrés par la Pologne après 1945, qui furent annexés par la suite) (Stola, 1992) est admise, voire encouragée par les Alliés. Mais parmi ces sept millions, plus d'un million restent en Pologne. Des catholiques en particulier et des personnes ayant fait des mariages mixtes sont autorisés à rester (Urban, 1993). Il faut y ajouter un million de personnes qui avaient déjà quitté la région juste avant la fin de la Deuxième Guerre, portant le nombre d'émigrés de souche allemande (1945- 50) à sept millions (Tableau 2).

Le même processus s'opère en Tchécoslovaquie. Entre 1945 et 1947, le gouvernement ordonne à presque toute la population de souche allemande, quelque 3,2 millions de personnes, de quitter le pays, et organise leur expulsion (Stola, 1992). Pendant la même période, les autorités soviétiques expulsent 1,2 million d'Allemands, principalement de la Prusse de l'Est et des pays baltes. Les autorités hongroises expulsent 225 000 des 400 000 personnes de souche allemande établies en Hongrie. En Yougoslavie, la détention et l'expulsion de quelque 360 000 personnes de souche allemande et anciens citoyens allemands sont organisées par les

Heinz FASSMANN et Rainer MUNZ

autorités locales, ou alors, découlent de mesures collectives contre cette minorité ethnique, soupçonnée d'avoir collaboré avec les Nazis (Kosinski, 1982 ; Wehler, 1980).

Tableau 2 : La migration Est-Ouest 1945-1950

Pays d'origine Pologne (y compris les territoires sous contrôle polonais ex-allemands Tchécoslovaquie Certaines régions soviétiques Yougoslavie Hongrie Yougoslavie (aujourd'hui Croatie, Montenegro, Slovénie) Slovaquie, Roumanie, Yougoslavie Hongrie Certaines régions soviétiques (aujourd'hui Russie) Certaines régions soviétiques (aujourd'hui Biélorussie, Lituanie, Ukraine) Pologne

Tchécoslovaquie

Certaines régions soviétiques (aujourd'hui Ukraine) Total partiel Allemagne, Autriche (main-d'œuvre forcée, prisonniers de guerre) TOTAL

Pays d'accueil Allemagne

Allemagne, Autriche Allemagne principalement Allemagne, Autriche Allemagne Italie

Hongrie Slovaquie Finlande

Pologne

Certaines régions soviétiques (aujourd'hui Biélorussie, Lituanie, Ukraine) Certaines régions soviétiques (aujourd'hui Ukraine) (ex) Tchécoslovaquie

Pologne, Tchécoslovaquie Yougoslavie, URSS

Nombre 7 000 000

3 200 000 1 500 000

360 000 225 000 200 000

315 000 73 000

400 000

1 496 000

518 000

50 000

42 000

15 400 000 4 700 000

20 100 000

Pendant cette même période, sur un total de 10,5 millions de personnes apatrides, prisonniers de guerre, travailleurs forcés et survivants des camps de concentration, qui se trouvent en Allemagne et en Autriche en 1945, environ 4,7 millions retournent dans leurs pays d'origine en Europe Centrale et Orientale. En particulier, la plupart des originaires de l'Union soviétique doivent y retourner, souvent, contre leur volonté. Ce n'est qu'à la fin de 1946 que les alliés occidentaux mettent fin à leur politique de rapatriement forcé vers ce qui devient la partie communiste de l'Europe.

Entre 1945 et 1950, les deux-tiers de ces réfugiés et expatriés allemands sont réinstallés en Allemagne occidentale, alors sous contrôle des alliés occidentaux ; environ 30% d'entre eux partent en Allemagne Orientale, alors sous le contrôle de l'armée soviétique (Bade, 1992a, 1992b). Un bien plus petit nombre (530 000, soit 4%) trouve une nouvelle patrie en Autriche (Stanek, 1985).

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

Les nouvelles frontières internationales tracées à Yalta et à Potsdam, ainsi que la purification ethnique approuvée par les Alliés, ont un impact sur d'autres nationalités. 1 496 000 Polonais et Juifs polonais doivent quitter leurs territoires traditionnels dans l'ex- Pologne orientale, qui sont partagés entre la Lituanie, la Biélorussie et l'Ukraine actuelles (Kersten, 1968). Ils se réinstallent en Prusse occidentale et orientale et en Silésie, dans les régions mêmes d'où la population allemande vient d'être expulsée (Urban, 1993). Après une résurgence des pogroms en 1946 une majorité de Juifs polonais qui viennent de "rentrer" d'Union soviétique quittent la Pologne pour Israël, l'Europe occidentale, les Etats- Unis et le Canada. Dans des circonstances similaires, 115 000 Tchèques et Slovaques (venant de Hongrie et d'Ukraine-subcarpatique) sont réinstallés dans les Sudètes, la Bohême du Sud, la Moravie du Sud et les parties centrales de la Slovaquie. Environ 50 000 Ukrainiens sont contraints de quitter la Tchécoslovaquie ; 5 1 8 000 Ukrainiens, Biélorusses et Lituaniens doivent quitter la Pologne. Ils sont réinstallés à l'est de la frontière soviéto- polonaise établie en 1945.

Plus de 100 000 Italiens sont obligés de quitter l'Istrie et la Dalmatie (Hersak, 1983), tandis que 100 000 Slovènes et Croates de la même région, annexée à la Yougoslavie en 1945, émigrent en Italie et dans d'autres pays. Environ 315 000 personnes appartenant aux minorités hongroises de Slovaquie du sud, de Transylvanie (Roumanie) et de Vojvodine (Serbie) sont transférées en Hongrie ou "échangées" à la suite d'ordres venant de leurs gouvernements respectifs (Dovenyi/Vukovich 1994).

De même, l'Europe du Nord est le théâtre d'une migration d'est en ouest. Entre 1941 et 1946, 400 000 Caréliens s'enfuient en Finlande quand leur territoire est cédé à l'Union soviétique. Pendant la même période, environ 14 000 réfugiés lettons, lituaniens et estoniens partent en Scandinavie afin d'échapper à l'occupation de l'armée rouge.

LA MIGRATION D'EST EN OUEST PENDANT ET APRES LA GUERRE FROIDE (1950-1992/93)

La guerre froide et le "rideau de fer" réduisent la migration européenne de façon significative sans toutefois tarir complètement le flux. Pendant longtemps, cette troisième phase de migration européenne Est-Ouest, qui commence en 1950, est caractérisée par des vagues ponctuelles de migration liées à des événements politiques ou même à des accords politiques entre les pays concernés.

Entre 1950 et 1992, le nombre officiel de migrants sur l'axe est-ouest atteint seulement 14 millions de personnes (Tableau 3). Le nombre réel doit être bien supérieur puisque pour les "migrants" ordinaires seules des données cumulées sur les stocks de migration sont disponibles. Les données sur les demandeurs d'asile - réfugiés politiques qui émigrent par vagues soudaines - se caractérisent par des pics en certaines années. Les renseignements sur les migrants économiques et leurs familles viennent des statistiques sur les populations d'étrangers dans les principaux pays d'accueil. Le nombre de migrants économiques nouveaux ou marginaux est fondé en partie sur des estimations.

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

LA TYPOLOGIE DE LA MIGRATION EST-OUEST EUROPÉENNE

La migration "ethnique"

Plus des trois-quarts de l'ensemble des migrants Est-Ouest de la période 1950- 1993 peuvent être qualifiés de migrants "ethniques". Néanmoins, il est clair que cette classification n'est pas toujours précise. De nombreux migrants "ethniques" saisissent l'occasion de quitter leur pays d'origine pour des raisons économiques ou politiques. De même, le facteur "ethnique" montre que la migration d'Est-Ouest a été et est encore un sujet d'accords bilatéraux. Il s'agit souvent plus de négociations politiques entre pays exportateurs et pays d'accueil que d'inégalités économiques.

La grande majorité des migrants Est-Ouest appartient à des minorités ethniques ou religieuses. Ces minorités ont le soutien, soit d'un pays de l'Ouest, soit d'un "lobby" bien organisé. Les deux cas les plus évidents sont celui des émigrés juifs et celui des Allemands. Selon la constitution de l'Allemagne fédérale, les migrants d'origine allemande jouissent d'un traitement préférentiel. Jusqu'en 1992 des personnes de souche allemande vivant en Europe de l'est et en URSS pouvaient immédiatement obtenir la nationalité allemande. Depuis 1993 ce droit s'applique seulement aux minorités allemandes vivant en ex-URSS. En conséquence, entre 1950 et 1993, environ 3 millions de personnes de souche allemande ont immigré dans leur "mère patrie", la plupart venant de Pologne (51,4%), de Roumanie (17,5%) et de l'ex-URSS/CEI (24,6%) (Leceijewski,1990 ; Ronge, 1993). La migration entre les deux Etats allemands, étroitement liée à l'histoire de la guerre froide, est aussi caractérisée par ce phénomène. Entre 1949 et 1990, environ 5,3 millions de citoyens de la République démocratique allemande ont émigré vers la République fédérale, tandis que 0,5 million ont émigré de la RFA vers la RDA (Rudolph 1994). Depuis 1991, cette catégorie de migration d'Est en Ouest est assimilée à la migration interne allemande.

La migration entre les deux Allemagnes atteint son maximum entre les années 1989 et 1993 : 1,4 million de personnes se déplacent d'Allemagne de l'Est en Allemagne de l'Ouest ; 352 000 migrent ou réémigrent vers les parties occidentales de l'Allemagne (Hullen/Schulz, 1994 ; Munz/Ulrich, 1994 ; Rudolph, 1994 ; Grundmann, 1993).

Entre 1950 et 1993, environ 2 millions de personnes ont quitté l'URSS. Cette émigration atteint son apogée dans les années 1990-93 (1,3 million). (Chesnais , 1991 ; Sabatello, 1994 ; Shevtsova, 1992 ; Vishnevsky/Zayonchkovskaya, 1994). Presque tous appartiennent à une minorité ethnique ou religieuse. Près de la moitié (48%) des emigrants soviétiques de cette période sont de souche allemande et s'installent par la suite en RFA. Environ 44% sont des Juifs soviétiques qui partent aux Etats-Unis ou en Israël. 80% de ces émigrés juifs ont choisi Israël comme pays d'accueil, contre environ 20% pour les Etats-Unis. En Israël, ils jouissent de privilèges considérables. Comme les immigrés juifs de tous pays, ils obtiennent immédiatement la nationalité israélienne et ils ont droit à toute une gamme d'allocations et de services pour faciliter leur intégration. Les autres émigrés soviétiques sont des Arméniens (5%), des Grecs (2%) et des fidèles de petites églises Protestantes (1%) (Chesnais, 1992 ; Heitmann, 1991).

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

Tableau 3 : La migration d'Est en Ouest 1950-1992/93

Pays d'origine Pays d'accueil Nombre Période Type de migration

Migrants ethniques RDA

Pologne

URSS/CEI

Roumanie

ex-Tchécoslovaquie

ex-Yougoslavie

Bulgarie

ex-Yougoslavie

URSS/CEI URSS/CEI

Roumanie Roumanie occidentale

ex-Yougoslavie Roumanie Total partiel

RFA

RFA

RFA

RFA

RFA

RFA

Turquie

Turquie

Israël, Etats-Unis Grèce, France Etats-Unis Israël, Etats-Unis Europe (principalement RFA) Hongrie

5 275 000

1 430 000

746 000

402 000

105 000

90 000

630 000

300 000

750 000 170 000

500 000 240 000

124 000

10 762 000

1950-1992

1950-1992

1950-1992

1950-1992

1950-1992

1950-1992

1950-1992

1950-1992

1950-1992 1950-1992

1950-1992 1991-1993

1988-1993

souche allemande ("Uchersiedler") souche allemande ("Aussiedler") souche allemande ("Aussiedler") souche allemande ("Aussiedler") souche allemande ("Aussiedler") souche allemande ("Aussiedler") souche turque et Musulmans slaves souche turque et Musulmans slaves Juifs Arméniens, souche grecque, Pentecôtistes Juifs surtout tziganes

surtout personnes de souche hongroise

Réfugiés politiques ex-Yougoslavie

ex-Yougoslavie

Pologne et autres

Hongrie

ex-Tchécoslovaquie

Total partiel

RFA

Europe occidentale, hormis l'Allemagne RFA, Autriche

Hongrie, Royaume-Uni, ex-Yougoslavie, Canada. Etats-Unis RFA, Autriche. Etats-Unis, Canada. Australie

355 000

330 000

250 000

194 000

162 000

1 291 000

1991-1993

1991-1993

1981-1981

1956

1968-1969

"vague soudaine" de réfugiés "vague soudaine" de réfugiés "vague soudaine" de réfugiés "vague soudaine" de réfugiés

"vague soudaine" de réfugiés

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

Migrants économiques en situation régulière ex- Yougoslavie ex-Yougoslavie ex- Yougoslavie ex-Yougoslavie ex-Yougoslavie ex- Yougoslavie Total partiel

RFA Autriche Suisse France Suède Italie

755 000 281 000 171 000 52 000 41 000 35 000

1 335 000

1991 1992 1991 1990 1991 1991

ouvriers et leurs familles ouvriers et leurs familles ouvriers et leurs familles ouvriers et leurs familles ouvriers et leurs familles ouvriers et leurs familles

Migration économique récente et irrégulière Albanie

Pologne

République Tchèque, Slovaquie, Hongrie Total partiel TOTAL

Grèce, Italie

Autriche, Allemagne pays Scandinaves, Grèce Allemagne Autriche

350 000

300 000

100 000

750 000 14 160 000

1993

1993

1993

Albanais, quelques personnes de souche grecque Polonais

Tchèques, Slovaques, Hongrois

Note : (1) Ce chiffre comprend des données sur les flux migratoires et sur la population étrangère. Sources : Pour l'Albanie : Campani, 1993 ; Misja, 1993. Pour la Bulgarie : Bobeva, 1991 ; Vasileva, 1992.

Pour les "Uebersiedler" et "Aussiedler" allemands, sources allemandes : Bundesverwaltungsamt à Cologne, BIB Wiesbaden, Statistisches Bundesmat. Voir également Grundmann , 1994 ; Miinz/Ulrich, 1993 ; Ronge, 1993 ; Rudolph, 1994. Sur la Hongrie : Dôvenyi/Vukovich, 1994. Sur l'émigration ethnique de l'ex- Yougoslavie : UNHCR Information Notes on Former Yugoslavia, 11/1993. Sur les réfugiés polonais et tchèques, Fassmann/Munz 1992. Sur l' URSS/CEI : Chesnais, 1992 ; Heitman, 1991 ; Shevtsova, 1992 ; Vishnevsky/Zhaonchkovskaya, 1994. Toutes ces données sont des données sur les flux cumulés, sauf celles sur les migrants économiques, qui sont basées sur les stocks de population. Les données sur la population étrangère en Europe occidentale viennent de OECD/SOPEMI 1994, Table Bl (France, RFA, Italie, Suède, Suisse) ; les données sur l'Autriche viennent de l'Office Central de statistique autrichien.

Les migrations massives d'autres communautés minoritaires de l'Europe de l'Est telles que les Turcs, les Slaves musulmans (Pomaques et Bosniaques) et des personnes de souche hongroise ont reçu beaucoup moins d'attention. Leurs migrations, cependant, présentent des caractéristiques semblables (Bobeva, 1994 ; Dovényi/Vukovich, 1994 ; Vasileva, 1992 ; Centar za demografska istrazivanja, 1971).

Réfugiés et demandeurs d'asile

Environ 10% de l'ensemble des migrants européens d'Est en Ouest peuvent être considérés comme des réfugiés politiques. Dans la plupart des cas, les flux de migration sont liés à des crises politiques ou des conflits dans leurs pays d'origine. Citons les exemples les plus importants depuis 1950.

- 1956-1957 : environ 194 000 Hongrois quittent leur pays d'origine juste avant que le régime Kadar, avec le soutien militaire des troupes soviétiques, rétablisse le "rideau de fer" entre la Hongrie et l'Autriche (Dôvényi/Vukovich, 1994).

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

- 1968-1969 : environ 160 000 Tchèques et Slovaques s'enfuient pendant le "Printemps de Prague" et juste après sa répression par le Pacte de Varsovie (Chesnais, 1992 ; Fassmann/Munz, 1992).

- 1980-1981 : une vague massive de réfugiés polonais arrive en Europe de l'Ouest (estimation : 250 000) pour tenter d'échapper à la répression politique et la persécution du mouvement de Solidarnosc (Chesnais, 1992 ; Fassmann/Munz, 1992).

- 1990-1991: des dizaines de milliers d'Albanais demandent l'asile politique à la Grèce, l'Italie et Malte. La plupart sont rapatriés manu militari (Campani, 1993 ; Misja, 1993).

- 1991-1993: après la chute de la Yougoslavie, environ 700 000 personnes s'enfuient en Europe de l'Ouest, poussées par la répression serbe, la guerre et la purification ethnique en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Pour cette raison, ce flux peut aussi être considéré comme une migration ethnique (International Migration Bulletin, 3/1993).

Les vagues migratoires provoquées par des crises de certains régimes communistes en Europe de l'Est reçoivent en général une couverture médiatique internationale assez large. Pendant toute la guerre froide, les commentateurs occidentaux considéraient ces émigrés comme des réfugiés politiques, quelles que fussent leurs motivations individuelles. Depuis 1989, la perception de ceux qui quittent l'Europe de l'Est et les Balkans pendant les périodes de guerre et de crise politique a changé.

La migration économique Jusqu'à présent, la proportion de personnes immigrant à l'Ouest pour des raisons

purement économiques a été relativement faible. Moins de 15% peuvent être caractérisés comme des migrants économiques avec un travail régulier ou irrégulier, ou faisant partie de la famille d'un migrant de ce type. Ce phénomène est une conséquence de la division politique et économique entre les deux Europes. Avant 1990 le commerce Est-Ouest est resté faible et la mobilité des capitaux et des hommes était quasiment inexistante. La seule exception est la Yougoslavie. Depuis la fin des années 1960, la Yougoslavie a été le seul pays communiste dont les ressortissants avaient le droit d'émigrer. Environ 500 000 ouvriers yougoslaves, suivis d'un nombre non- chiffré de dépendants, ont été recrutés par l'Autriche, la Suisse, la République Fédérale d'Allemagne et quelques autres pays. Dans la décennie allant du milieu des années 70 au milieu et des années 80, ce nombre s'est réduit à la suite de la crise économique à l'Ouest et des mesures restreignant l'immigration. Commence alors un mouvement de retour vers la Yougoslavie (Malacic, 1994). Les années 1989-1990 sont un tournant pour plusieurs raisons. D'abord, après la réunification allemande, une période économique de croissance brève mais imprévue en Allemagne occidentale et en Autriche, y suscite un appel de main-d'oeuvre étrangère (y compris des Yougoslaves). Ensuite, les guerres en Croatie et en Bosnie et les conflits ethniques au Kosovo et en Vojvodine ont provoqué l'effondrement de l'économie et répandu la misère dans plusieurs régions de l'ex-Yougoslavie, poussant de nouveaux migrants de ces régions en Europe occidentale (Malacic, 1994 ; Morokvasic, 1993 ; UNHCR Information Notes on Former Yugoslavia, 11/1993 ; UN/ECE International Migration Bulletin, 3/1993).

De nouvelles migrations économiques (en partie pour des emplois irréguliers) ont eu lieu entre la Pologne et certains pays occidentaux (l'Allemagne, l'Autriche, la Grèce), ainsi qu'entre l'Albanie et la Grèce (Fassmann/Munz, 1991 ; Misja, 1993 ; Morokvasic/de Tinguy, 1993 ; Rudolph, 1994).

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

LA "GEOGRAPHIE" DE LA MIGRATION EST-OUEST EUROPEENNE

Par ce terme de migration Est-Ouest européenne, nous entendons la migration de l'Europe de l'Est et de l'Europe Centrale, de l'ex-Union soviétique et des Balkans vers l'Europe de l'Ouest, certains pays d'outre-mer et même certains pays qui sont géo-politiquement des pays de l'Ouest (la Turquie, par exemple). Pendant la période étudiée (1950-1992), la majeure partie de cette migration a lieu à l'intérieur de l'Europe (y compris la Turquie). Les flux vers Israël et l'outre-mer sont beaucoup moins importants. Le Tableau 4 indique les principaux pays d'origine et d'accueil.

Jusqu'en 1949, on l'a vu, les flux migratoires dominants en Europe vont d'Est en Ouest. Après 1950, la guerre froide réduit ces mouvements à un flux entre les deux Allemagnes, certes d'une ampleur considérable jusqu'en 1961. En général, depuis le milieu des années 50, la migration du sud vers l'Europe occidentale devient plus significative (Tableau 5). Tel fut le cas à l'intérieur de l'Europe, ainsi que pour l'immigration depuis plusieurs pays du "Tiers-Monde" vers l'Europe occidentale. Mais jusqu'en 1970, le nombre d'émigrants européens dépassaient le nombre d'immigrants venant de Turquie, d'Asie, d'Afrique et des Antilles. Ce n'est qu'après cette date que le bilan montre que l'Europe devient un continent d'immigration, et que la plupart des pays de l'Europe du Sud, traditionnellement exportateurs de main- d'oeuvre, deviennent des pays d'immigration. Après une courte période de faible mobilité internationale au début des années 80, la migration Est-Ouest augmente à nouveau radicalement. Après la chute des régimes communistes de l'Europe de l'Est, la Pologne, l'ex-URSS/CEI, la RDA en plein effondrement et certaines régions des Balkans redeviennent d'importants pays exportateurs.

Tableau 4 : La migration Est-Ouest en Europe : Principaux pays d'origine et d'accueil (1950-1993)

Pays d'origine

RDA Ex- Yougoslavie Pologne URSS/CEI Autres

TOTAL (4)

Nombre d'émigrants (1)

5 275 000 2 435 000 1 980 000 1 670 000 2 800 000

14 160 000

%

37,3 17,2 14,0 11,8 19,7

100,0

Pays d'accueil

RFA Israël (2) Turquie (2) USA (3) Autres

TOTAL (4)

Nombre de migrants (1)

9 640 000 1 150 000

930 000 700 000

1 740 000

14 160 000

%

68,1 8,1 6,6 4,8

12,3

100,0

(1) Le nombre de migrants est calculé sur la base du nombre de toutes les vagues massives de migration énumérées au Tableau 3. Dans la plupart des cas, ces chiffres diffèrent du nombre officiel d'émigrants recensés par les pays d'origine. Mais ces différences ne sont significatives que dans le cas de la Roumanie et de la Pologne.

(2) Israël et la Turquie sont non seulement des pays d'accueil mais aussi des pays exportateurs importants. Selon notre définition géopolitique, seuls les immigrants européens vers ces deux pays font partie d'une migration Est-Ouest ; les emigrants de ces pays font partie d'une autre catégorie.

(3) Selon le recensement de le population américaine effectué en 1990, plus d'un million des immigrés de la première génération installés aux Etats-Unis déclarent un lieu de naissance dans l'Europe de l'Est (y compris l'ex-URSS). Certains ont immigré avant 1950 tandis que d'autres émigrèrent d'abord vers Israël ou un autre pays tiers. Les données du Tableau 3 ne montrent que le pays d'origine et le premier pays d'accueil suivant l'émigration de l'Europe de l'Est.

(4) Cette somme comprend des données tant sur les flux migratoires que sur les effectifs des populations étrangères.

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

Tableau 5 : Les bilans migratoires pour les pays et les régions d'Europe, 1950-1993

(en centaines de millier)

Région Europe Centrale et de l'Est URSS-CEI Pays Scandinaves Europe du Sud Europe de l'Ouest

TOTAL pour l'Europe

1950-1959 -40,0

0,4 -0,5

-29,1 42,5

-26,7

1960-1969 -19,2

1,0 0,6

-30,8 50,9

2,5

1970-1979 -10,9 -3,7 2,0 6,2

25,2

18,8

1980-1989 -22,8 -4,3 2,4

16,2 24,7 16,2

1990-1993 -23,1 -13,5

2,2 6,7

38,6

10,9

Total -116,0 -20,1

6,7 -30,8 181,9

21,7

Europe Centrale et Europe de l'Est : les anciens pays socialistes (y compris l'Albanie et l'ex- Yougoslavie), depuis 1991 à l'exception de l'Allemagne de l'Est. URSS/CEI : y compris la Lettonie, l'Estonie, la Lituanie Europe du Sud : la Grèce, l'Italie, l'Espagne et le Portugal Europe de l'Ouest : tous les autres pays européens ; depuis 1991 , l'Allemagne réunifiée en tant que pays d'Europe occidentale Source : Chesnais, 1995 ; Conseil de l'Europe, 1994 ; Fassmann / Miinz, 1994 ; Rallu / Blum, 1991)

Pays d'origine

Les principaux pays d'origine dans le cadre de la migration Est-Ouest européenne sont l'ex-RDA, la Pologne, l' ex- Yougoslavie, l'ex-URSS et d'autres pays, en particulier la Bulgarie et la Roumanie (cf. Tableau 4).

- République Démocratique Allemande Pendant les douze années qui séparent la fondation des deux Etats allemands

(1949) et la construction du mur de Berlin, environ 3,8 millions de citoyens est-allemands émigrent en RFA, tandis que 393 000 Allemands de l'Ouest décident de s'installer en RDA. Après la construction du mur, 810 000 personnes réussirent à quitter la RDA. La plupart était soit des retraités (autorisés à voyager à l'étranger), soit parmi les 300 000 cas individuels, y compris des prisonniers politiques, négociés entre les deux gouvernements allemands. Entre 1950 et 1990-1992, environ 37% de toute la migration Est-Ouest européenne provenait de l'ancienne RDA.

Pour l'Allemagne occidentale, cette migration de la RDA fut un bon argument en faveur du choix de l'économie de marché et du système de gouvernement démocratique. On a souvent dit que les émigrés "votaient avec leurs pieds". Après tout, la construction du mur de Berlin n'était-elle pas une tentative pour éviter de trouver une solution politique au problème, en empêchant toute émigration ? Après 1961, la migration Est-Ouest continue et devient une question financière. Les deux Etats allemands proposent la nationalité aux migrants de l'autre côté de la barrière. La RFA offre même une prime financière généreuse pour la libération et l'émigration de prisonniers (30 000 cas) et autres citoyens de la RDA.

En 1989, l'exode d'environ 181 000 personnes avant la chute du mur de Berlin, et par la suite l'émigration de 218 000 personnes supplémentaires est un facteur déterminant dans l'effondrement du régime communiste en Allemagne Orientale, un grand pas vers la réunification allemande. En 1990, encore 395 000 Allemands de l'Est partent en Allemagne Occidentale. Depuis le 3 octobre 1990, ce flux se caracté-

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

rise comme une migration interne au coeur d'une Allemagne unifiée. Depuis cette année, la migration Est-Ouest interne à l'Allemagne s'est ralentie, tandis que le nombre de personnes qui partent (ou qui retournent) dans les régions orientales de l'Allemagne est en augmentation (Grundmann, 1994 ; Hullen / Schulz, 1994 ; Miinz/ Ulrich, 1994).

- Pologne Entre 1950 et 1992, environ 14% de l'ensemble des migrants Est-Ouest en

Europe viennent de Pologne. Contrairement aux autres pays d'origine, l'émigration polonaise est ethniquement hétérogène (Korcelli, 1994). Le groupe de migrants le plus important est constitué de personnes de souche allemande et d'autres candidats à la nationalité ouest-allemande. Les soi-disant "Aussiedler" viennent en RFA en plusieurs vagues successives : 1956-1957 (216 000), 1976-1982 (environ 242 000), et 1987-1990 (753 000). Jusqu'en 1990, cette migration est soutenue activement ou même subventionnée par les gouvernements ouest-allemands ; elle est perçue comme un service rendu en échange de l'aide économique occidentale à la Pologne (Bade, 1992b ; Urban, 1993). A la fin des années 1960, à la suite d'une campagne antisémite prônée par l'Etat lui-même, une grande proportion de citoyens juifs polonais partent en Europe occidentale, en Israël ou aux Etats-Unis. Cet exode n'aurait pas eu lieu sans le soutien logistique considérable des Etats-Unis, d'Israël et de la classe dirigeante en Pologne.

Cependant l'émigration vers l'Ouest — surtout en Autriche et en Allemagne — d'environ 250 000 Polonais cherchant à échapper à la loi martiale en 1980-1981 est spontanée. Ces immigrés sont nettement moins bien accueillis que ne l'étaient les réfugiés tchèques et slovaques en 1968. Pourquoi ? C'est peut-être parce que l'armée rouge n'est pas intervenue en Pologne. Dans les années qui suivent, la moitié environ des emigrants polonais de 1980-1981 retournent dans leur pays d'origine (Fassmann / Miinz, 1992).

A partir de 1986, quand la Pologne rouvre ses frontières aux émigrés, un nombre plus important de Polonais de souche non-allemande tentent de s'établir à l'Ouest. Entre 1950 et 1993, sur un total d'environ 2 millions de personnes ayant quitté la Pologne, plus d'un million émigrent dans la deuxième moitié des années 1980. Cependant, depuis cette époque, environ 60% de ces émigrés de souche non-allemande sont retournés en Pologne (Korcelli, 1994).

Depuis la fin des années 1980, la Pologne est devenue un pays d'origine de nouveaux flux de migration économique assez irréguliers. De plus en plus de Polonais cherchent du travail en Allemagne, en Autriche, dans les pays Scandinaves, et même en Grèce.

- Ex-Yougoslavie Dans les années 1950 et au début des années 1960, l'émigration yougoslave

concerne deux groupes en particulier : premièrement, des Musulmans d'origine turque et des Musulmans d'origine slave de Bosnie et du Sandjak ; et deuxièmement, des dissidents du régime de Tito. Une immense majorité des premiers part en Turquie tandis que le deuxième groupe se dirige vers l'Europe occidentale et outre-mer (Kosinski, 1982). Les seules données disponibles concernent le premier groupe. Pendant les années 1950, environ 300 000 Yougoslaves de souche turque et musulmane quittent la Bosnie, la Macédoine et d'autres régions au sud-est de la Yougoslavie pour s'installer en Turquie (Centar za demografska istrazivania, 1971).

A partir du milieu des années 1960, la Yougoslavie devient le premier pays com-

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

muniste à autoriser presque toutes les catégories de citoyens à émigrer. En conséquence, la RFA, la Suisse et l'Autriche recrutent environ 500 000 ouvriers yougoslaves, suivis d'un nombre inconnu de dépendants.

Les guerres en Croatie (1991-1992) et en Bosnie-Herzégovine (1992-1993), ainsi que la répression de certaines minorités ethniques en Vojvodine (Croates, Hongrois), en Serbie et au Kosovo (Albanais et d'autres Musulmans), ont provoqué la plus grande vague d'immigration depuis 1945-1946. Entre 1991 et 1993, plus de 5 millions de citoyens de l' ex- Yougoslavie se jetent sur les routes comme réfugiés. Seulement 700 000 d'entre eux gagnent l'Europe occidentale, dont 355 000 s'installent en Allemagne, 80 000 en Suisse, 74 000 en Suède, 70 000 en Autriche et 50 000 en France. Dans la plupart des cas, ils ne sont pas reconnus comme réfugiés politiques, mais sont tolérés comme réfugiés de fait. En 1993, la plupart des pays occidentaux ferment leurs frontières aux victimes de la guerre et de la purification ethnique dans cette partie des Balkans. Ainsi, 4,3 millions de réfugiés résident encore dans les Etats qui ont émergé quand la Yougoslavie s'est désagrégée. Au mois de juin 1993, ils étaient plus de 690 000 dans les régions de la Croatie à l'époque contrôlées par Zagreb, et encore 110 000 dans les régions de la Croatie contrôlées à l'époque par les milices serbes. Ils sont 565 000 en Serbie, 82 000 au Montenegro, 45 000 en Slovénie, 27 000 en Macédoine et 2,74 millions en Bosnie-Herzégovine (UNHCR Information Notes on Former Yugoslavia, 11/1993).

Aujourd'hui, avec plus de 2,4 millions d'émigrés et réfugiés chassés par la guerre, vivant dans des pays d'accueil, l 'ex- Yougoslavie est une des principales régions exportatrices de la migration Est-Ouest (17%). Néanmoins, en raison de la guerre et de la purification ethnique, un nombre de personnes encore plus important (4,3 millions) vivent à l'intérieur du pays, victimes sans abri de la guerre, réfugiés ethniques ou personnes en déplacement sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

A cause de la situation politique dans les Balkans, des inégalités économiques croissante avec l'Europe occidentale, et des conflits ethniques qui continuent à faire rage, les Etats qui sont issus de l'ancienne Yougoslavie ont toutes les chances de rester des pays avec un potentiel d'émigration énorme.

- Ancienne URSS/CEI Entre 1950 et 1992, environ 12% de tous les migrants Est-Ouest en Europe

venaient de l'ex-URSS. Pendant les années 1950 et 1960, il était presque impossible de quitter l'URSS. Par la suite, les Etats-Unis et certains pays d'Europe occidentale ont exercé une pression politique sur le gouvernement afin de relâcher la politique répressive envers l'émigration. En 1973, le Congrès américain pose cette condition à la levée des restrictions sur le commerce. En 1976, selon les termes du Traité CSCE, les Etats-Unis et l'Europe occidentale obligent les signataires est-européens à reconnaître le principe de liberté de circulation et d'émigration. En conséquence, entre 1973 et 1980, environ 340 000 personnes peuvent en fait quitter l'Union soviétique. Après une brève résurgence de la guerre froide (Afghanistan, Initiative de Défense Stratégique reaganienne), une deuxième grande vague d'émigration a lieu, à partir de 1987, sous le gouvernement Gorbatchev. Un total d'environ 2 millions de personnes émigrent d'URSS entre 1950 et 1993 (Heitmann, 1991; Shevtsova, 1992; Vishnevsky/Zayonchkovskay a, 1 994).

Comme nous le disions plus haut, la grande majorité de ces emigrants appartient à une minorité ethnique ou religieuse. Environ la moitié d'entre eux sont des Juifs

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

soviétiques, qui partent presque tous soit en Israël, soit aux Etats-Unis. Plus de 40% sont des personnes de souche allemande, qui parviennent à émigrer grâce à la République Fédérale Allemande (Chesnais, 1992 ; Heitmann, 1991 ; Sabatello, 1994; Ronge, 1993).

Mais la migration la plus massive ne s'oriente pas vers l'Ouest. Elle se passe depuis 1991 entre les anciennes Républiques soviétiques devenues des Etats autonomes, membres de la Communauté des Etats Indépendants ou des Etats baltes. Dans la plupart des cas, les personnes de souche russe (dont 25 millions vivaient en dehors de la Russie) retournent en Russie depuis les pays situés dans la périphérie de l'ancien empire soviétique (Oswald, 1993 ; Vishnevsky et Zayonchkovskaya, 1994). Le retrait de l'armée rouge, qui a entraîné le déplacement des familles des soldats postés en Europe de l'Est et en Europe Centrale, a aussi provoqué une émigration importante.

D'autres migrations ont lieu à l'intérieur de la CEI, par exemple entre l'Arménie et l' Azerbaïdjan (principalement en conséquence de la guerre dans le Haut- Karabakh) et entre l'Asie centrale et l'Ukraine (par exemple des Tatars de Crimée retournant dans leur ancien pays d'origine).

- Autres migrants Est-Ouest Encore 2,8 millions de migrants Est-Ouest viennent principalement de la

Roumanie et la Bulgarie ; un nombre moins important d'entre eux sont originaires d'Albanie, d'ex-Tchécoslovaquie et de Hongrie.

- Bulgarie Entre 1920 et 1952, environ 155 000 Bulgares de souche turque sont autorisés à

quitter la Bulgarie. Une deuxième vague de 43 000 personnes suit dans les années 1969-76, selon les termes d'un accord de 1968 entre la Bulgarie et la Turquie, qui donne le droit d'émigrer à un total de 95 000 citoyens bulgares (Bobeva, 1994). La vague la plus récente commence pendant l'effondrement du gouvernement communiste à Sofia. Dans les années 1982-1992, environ 350 000 Turcs et Musulmans slaves (Pomaques) fuient l'oppression collective, la "bulgarisation" forcée et les problèmes économiques. La plupart d'entre eux parviennent à atteindre la Turquie avant que le gouvernement turc ne ferme sa frontière avec la Bulgarie. Parmi ces migrants, environ 150 000 sont recensés comme ayant remigré en Bulgarie (Bobeva, 1994 ; Vasileva, 1992). La fermeture de la frontière turque entraîne une augmentation du nombre de citoyens bulgares demandeurs d'asile en Europe occidentale.

- Roumanie A l'inverse de la Yougoslavie, de la Hongrie, de la Tchécoslovaquie et de la

Pologne, le gouvernement roumain n'a pas expulsé les personnes de souche allemande vivant dans le pays en 1945. Néanmoins, à partir des années 1970, la République Fédérale Allemande cherche à organiser une émigration de ces personnes, fondée sur des accords bilatéraux avec les autorités roumaines. Ainsi, entre 1970 et 1989, environ 230 000 Roumains d'origine allemande profitent de cette possibilité. En retour, la RFA accorde un soutien financier généreux au régime Ceaucescu. A la suite d'une dernière vague de migration à grande échelle organisée en 1991, concernant presque 200 000 personnes, il reste à peine 90 000 Roumains de souche allemande en Roumanie. La plupart d'entre eux ne peuvent ou ne veulent pas émigrer (Leciejewski, 1990 ; Ronge, 1993).

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

Entre 1960 et 1992, la Roumanie perd presque toute sa population juive, environ 500 000 d'entre eux emigrant en Israël et aux Etats-Unis.

Depuis 1987, environ 60 000 représentants de la minorité hongroise ont réussi à quitter le pays légalement. Cependant, la plupart d'entre eux sont partis en Hongrie (Dovenyi / Vukovich, 1994). Ceci est aussi une sorte de migration Est-Ouest sélective. Entre 1990 et 1993, encore 240 000 Roumains demandent l'asile en Europe occidentale. Une majorité d'entre eux sont d'origine tzigane. Malgré le racisme, voire les pogroms, dont ils sont victimes en Roumanie, beaucoup d'entre eux sont obligés de revenir, puisque les gouvernements occidentaux classent à présent la Roumanie parmi les "pays sûrs".

- Albanie Entre 1991 et 1993, environ 300 000 à 400 000 Albanais quittent leur pays.

Actuellement, la plupart d'entre eux vivent en situation irrégulière en Grèce ; d'autres ont le statut de réfugié politique en Italie. Après 40 ans durant lesquels l'Albanie a été isolée plus ou moins entièrement du reste de l'Europe, environ 10% de sa population a émigré (Campani, 1993 ; Misja, 1993).

Pays d'accueil

- Allemagne Dans le cadre de la migration Est-Ouest européenne, l'Allemagne a été et

demeure le principal pays d'accueil. Entre 1950 et 1992, 68% des migrants Est- Ouest s'installent en Allemagne (cf. Tableau 3). La plupart des ces immigrants sont des étrangers de souche allemande ou des migrants économiques avec leurs familles. Aucun autre pays européen n'a joué un rôle comparable dans ce processus de migration3-

- Israël Le deuxième pays d'accueil significatif est Israël, destination de 8% de tous les

migrants Est-Ouest entre 1950 et 1992. Le nombre d'immigrants devient encore plus significatif quand on le compare avec la population actuelle d'Israël, qui est d'environ 5 millions. Depuis 1950, les immigrants juifs d'origine est-européenne viennent principalement de l'ex-Union soviétique et de la CEI, ainsi que de Pologne et de Roumanie (Basok/Brym, 1991 ; Sabatello, 1994). Dans le cadre de la migration internationale Israël est aussi un pays exportateur important.

- Turquie Le troisième pays d'accueil pour les migrants Est-Ouest européen est la Turquie

(7%) (Bobeva, 1994 ; Vasileva, 1992 ; Centar za demografska istrazivania, 1971 ; Kosinski, 1982). Pour les Bulgares de souche turque, les Bosniaques et autres minorités musulmanes européennes, la Turquie joue un rôle analogue à l'Allemagne pour les migrants de souche allemande, et à Israël pour les emigrants juifs. Cette migration vers la Turquie a été grandement facilitée par un soutien actif de la part des autorités turques et des organisations musulmanes. Depuis le milieu des années 1960 la Turquie est aussi devenue un pays d'origine important. Aujourd'hui, environ 2,7 millions de citoyens turcs résident en Europe occidentale, dont 72% en Allemagne (Fassmann / Mù'nz, 1994). Mais notre définition géopolitique de la migration Est- Ouest ne s'applique pas à ce flux de migrants.

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

- Etats-Unis Historiquement les Etats-Unis sont le pays d'accueil de prédilection des migrants

européens. Le recensement américain de 1970 dénombre quelque 1,6 million d'immigrants de la première génération aux Etats-Unis déclarant un lieu de naissance en Europe de l'Est (y compris l'ex-URSS). Un grand nombre d'entre eux avaient immigré aux Etats-Unis avant 1950. En 1990, le nombre d'immigrants de la première génération déclarant un lieu de naissance en Europe de l'Est (y compris l'ex-URSS) avait baissé ajuste au-dessus d'un million (OCDE/SOPEMI, 1994 : Tableau Cl). La tendance qui prévalait pendant la première moitié du XXe siècle, selon laquelle les immigrés passaient directement d'Europe de l'Est aux Etats-Unis, s'est également inversée. Beaucoup émigrent d'abord en Israël ou vers un autre pays tiers. Entre 1950 et 1992, les Etats-Unis acceptent environ 700 000 Européens de l'Est, non seulement des personnes classées comme réfugiés politiques mais aussi des immigrants en situation régulière de cette région (c'est-à-dire 5% des migrants Est-Ouest européens).

- Autriche L'Autriche est un autre pays d'accueil, ayant reçu plus de 500 000 immigrants

originaires de l'Europe de l'Est depuis 1950. Ceux qui s'y sont installés sont venus en tant que réfugiés ou comme main-d'oeuvre avec leurs familles (Fassmann / Miinz, 1 992). Par rapport à sa population (8 millions en 1994), l'Autriche a absorbé une proportion importante des migrants Est-Ouest.

PERSPECTIVES POUR L'AVENIR

Depuis 1945, l'immense majorité des migrants Est-Ouest européens se compose de minorités ethniques ou religieuses bénéficiant d'un Etat ethnique ou au moins d'une communauté ou "lobby" assez puissant à l'Ouest. En revanche, les nationalités prédominantes quantitativement et politiquement en Europe de l'Est (à l'exception des Allemands de l'ex-RDA et dans une moindre mesure des Polonais) ne sont presque jamais venues à l'Ouest en grand nombre. Ce phénomène est lié au fait que jusqu'en 1989-1990, la migration Est-Ouest européenne dépendait presque toujours d'accords bilatéraux entre deux gouvernements, tandis que les vagues migratoires spontanées étaient exceptionnelles. Mais depuis la chute des régimes communistes de l'Europe de l'Est, de plus en plus d'immigrés arrivent à l'Ouest sans le soutien ni l'accord d'un pays occidental. Cette migration internationale plus importante fait partie intégrante d'une "nouvelle normalité". Elle est composée de minorités ethniques, de réfugiés, de migrants économiques et de main-d'oeuvre.

Entre 1989 et 1993, plus de 5 millions d'Européens ont quitté leurs pays, y compris 1,8 million de réfugiés des guerres en Bosnie, Croatie et Serbie. 3 millions de réfugiés vivent encore à l'intérieur des frontières bosniaques et croates. Il y a aussi beaucoup de nouveaux migrants économiques venant d'Europe centrale et d'Europe de l'est, dont le nombre ne peut être évalué avec précision. La plupart d'entre eux arrive sur le marché du travail des grandes villes d'Europe occidentale sans avoir fait l'objet d'un recrutement bilatéral. Depuis 1945-46 notre continent n'a pas connu une vague comparable. Pour cette raison, l'euphorie née de la fin de la guerre froide et de la division de l'Europe s'est vite dissipée en Europe occidentale. L'Europe de l'Ouest a réagi à la nouvelle vague d'immigration avec un mélange de peur, de rejet et de

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

macro-mesures administratives telles que le déploiement de troupes spécialisées dans la lutte contre l'immigration clandestine le long des frontières, dans les aéroports et dans les ports. Néanmoins la migration de masse n'est ni un phénomène nouveau en Europe, ni une exception historique. Depuis le début de l'ère industrielle, la mobilité dans l'espace caractérise les sociétés occidentales.

A notre avis, toutes les estimations prévoyant un exode imminent vers l'Europe occidentale, estimé entre 5 millions et 25 millions de personnes de l'Europe de l'Est et l'ex-URSS/CEI, sont exagérées. Même si un tel potentiel migratoire existait, il est très peu probable que l'Europe occidentale accepterait un flux d'immigrants aussi massif. Cependant, nous sommes obligés de reconnaître que les facteurs principaux qui ont encouragé la migration dans les années récentes ne changeront probablement pas dans un avenir proche. Il est difficile de prévoir la fin des conflits et purifications ethniques, des disputes au sujet des frontières et des ressources économiques, et de la violence contre les minorités à laquelle certaines parties de l'Europe sont encore sujettes. De plus, sur le périmètre Sud et Sud-est de l'Europe, le progrès économique n'avance pas aussi vite que la démographie. Quoique la moitié est de l'Europe ne soit pas surpeuplée, le nombre de citoyens marginalisés, économiquement ou socialement, ne cesse de croître, tandis qu'un grand nombre de cadres ambitieux ne voient aucun avenir dans leur propre pays pour eux-mêmes et leurs enfants. Le nombre de ces emigrants potentiels augmentera si le processus de transformation économique et politique ne réussit pas à améliorer de façon durable la qualité de la vie dans ces pays. Cependant, ces facteurs ne conduiront pas forcément à une plus grande immigration en Europe occidentale. Au début des années 1990 les pays de l'Europe de l'Ouest ont réformé leurs lois sur l'immigration et le séjour des étrangers dans leurs pays, instituant des quotas d'immigration très restreints et installant un "cordon sanitaire" qui les isolaient des pays de la CEI et des Balkans. En conséquence, tous les pays partageant des frontières avec les pays de l'Europe occidentale sont classés parmi les "pays sûrs" confrontés eux-mêmes de plus en plus à l'immigration (Dôvenyi/Vukovich, 1994 ; Korcelli, 1994 ; Novak, 1993).

Néanmoins, les inégalités économiques entre l'Europe occidentale et l'Europe de l'Est continueront de favoriser un certain volume de migrations, en dépit des efforts des pays riches pour s'en protéger. Les différences de niveaux de vie séparant l'Europe occidentale de ses voisins, tant à l'est qu'au sud de la Méditerrannée ne pourront jamais être contrôlées, comme l'était la frontière entre la RFA et la RDA jusqu'en 1989. Le même phénomène existe le long de la frontière mexico-améri- caine. Des garde-frontières, des barrières et une politique restrictive d'asile ne sont ni la seule, ni la meilleure solution à la pression migratoire sur l'Europe occidentale. L'isolement seul ne remplace pas une politique migratoire. Et il ne résoud pas les problèmes qui poussent les immigrants à quitter leurs pays d'origine en Europe de l'Est et ailleurs.

62 Heinz FASSMANN et Rainer MUNZ

Notes et références bibliographiques

1 Une version plus courte de cet article a été publiée dans The Cambridge Survey of Migration, (Cohen, 1995) 2 Le pays d'origine et le pays d'accueil sont tels que définis par les frontières de 1946-1950. Les réfugiés et expulsés qui sont morts avant de gagner le pays d'accueil ne sont pas pris en compte. Certains flux migratoires de la période 1945-1950 (par exemple, les déplacements d'Allemands, d'Estoniens, de Lettons, de Lituaniens, etc., à l'intérieur de l'Union soviétique) sont exclus de notre définition de la "migration d'Est en Ouest". 3 "Parler de la migration Est-Ouest européen dans ces termes et à cette époque revient à parler de l'Allemagne." (Ronge, 1993 : 17)

BADE, K. J. (ed) (1992a) Auslander, Aussiedler, Asyl in der Bundesrepublik Deutschland, Hannover: Niedersàchsische Landeszentrale fur Politische Bildung BADE, K. J. (ed) (1992b) Deutsche im Aus land - Fremde in Deutschland. Migration in Geschichte und Gegenwart, Munich: C.H. Beck BASOK, T.; BRYM R. J. (eds) ( 1.991) Soviet-Jewish Emigration and Resettlement in the 1990s, Toronto: York Univ. Press BETHLEHEM, S. (1981) Heimatvertreibung, DDR-Flucht, Gastarbeiter, Zuwanderung, Wanderungsstrôme und Wanderungspolilik in der Bundesrepublik Deutschland, Stuttgart: Klett-Cotta BLASCHKE, J. (1991) International Migration and East-West Migration: Political and Economie Paradoxes, Migration, 11/12, 29-46 BOB EVA, D. (1994) Emigration from and Immigration to Bulgaria: Past, Present and Future, in Heinz Fassmann, Rainer Mù'nz (eds) European Migration in the Late Twentieth Century, Aldershot: Edward Elgar, 221-238 BLUM, A.; RALLU J.-L. (eds) (1993) European Population, volume 2: Demographic dynamics, Montrouge, London, Rome: John Libbey Centar za demografska istrazivanja ( 1971) Migracije stanovni stava Jugoslavije, Belgrade: Institut drust- venih nauka CAMPANI, G. (1993) Migration from Eastern Europe into Italy: The Albanians and the Others. Paper presented at the conference "New Mobilities - Element of European Integration", Centre Franco- Allemand de Recherche en Sciences Sociales de Berlin. Berlin April 23/24. CHESNAIS, J.-C. (1991) The USSR Emigration - Past, Present and Future, Paris: OECD CHESNAIS, J.-C. (1992) Introduction, in People on the move. New migration flows in Europe, Strasbourg: Council of Europe, 11-40 CHESNAIS, J.-C. (1993) The New Migratory deal in Europe, Bundesinstitutfur Bevôlkerungsforschung (ed): Materialien zur Bevôlkerungswissenschaft, 79, Wiesbaden: BIB, 87-100 CHESNAIS, J.-C. (1995): Le crépuscule de l'Occident. Démographie et politique, Paris: Robert Laffont COHEN, R. (ed) (1995) The Cambridge Survey on Migration, Cambridge: Cambridge University Press Council of Europe (1994) Recent demographic developments in Europe, Strasbourg: Council of Europe DELFS, S. (1993) Heimatvertriebene, Aussiedler, Spataussiedler, Aus Politik und Zeitgeschichte (Das Parlament), B48, 3-11 DORBRITZ, J.; SPEIGNER W. (1990) Die Deutsche Demokratische Republik - ein Ein- und Auswanderungsland?, Zeitschrift fur Bevôlkerungswissenschaft, 1, 67-86 DOMASCHKE, C; SCHLIEWENZ B. (1993) Menschen ohne Hoffnung. Flucht aus Osteuropa, Berlin DÔVÉNYI, Z.; VUKOVICH G. Hungary and the International Migration, in Heinz Fassmann, Rainer Miinz (eds) European Migration in the Late Twentieth Century, Aldershot: Edward Elgar, 187-206 FASSMANN, H.; MUNZ R. (1992) Einwanderungsland Osterreich? Gastarbeiter - Fluchtlinge - Immigrant en, Wien: J&V-Dachs

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

FASSMANN, H.; MUNZ R. (eds) (1994) European Migration in the Late Twentieth Century, Aldershot: Edward Elgar GRUNDMANN, S. (1994) Wanderungen in Klaus Freitag, Siegfried Grundmann, Enno Nowossadeck, Sonja Menning, Rainer Munz, Annette Schied, Ralf Ulrich Régionale Bevôlkentngsentwicklung in den neuen Bundeslandern am Beipiel der KSPW-Modell-Regionen: Anabsen, Prognosen und Szenarien, Halle: KSPW, 81-122 HEITMAN, S. (1987) The Third Soviet Emigration: Jewish, German and Armenian Emigration from the USSR since World War II, Cologne: Berichte des Bundesinstitutes fur ostwissenschaftliche und internationale Studien HEITMAN, S. (1994) Soviet Emigration Since 1985, Nationalities Papers 1, 247-261 HERSAK, E. (1983) Migracijska razmjena izmudju Italije i Jugoslavije, Migracije, 1, 131-139, Zagreb: Centar za istrazivanje migracije HERSAK, E. (1993) Panoptikum migracija: Hrvati, hrvatski prostor i Evropa, Migracijske teme, 3-4, 227-301 HÔHN, C; REIN D. B. (eds) (1990) Auslander in der Bunderepublik Deutschland, Boppard: Boldt HÔHN, C; MAMMEY U., WENDT H. (1991) Bericht 1990 zur demographischen Lage in beiden Teilen Deutschlands Zeitschrift fiir Bevolkerungswissenschaft 2, 135-205 HULLEN, G.; SCHULZ R. (1994): Bericht 1993 zur demographischen Lage in Deutschlands, Zeitschrift fur Bevolkerungswissenschaft 1, 3-70 JUNGFER, E.; HEIM S., KAHRS H., MEYER A. (1993): Arbeitsmigration und Flucht. Vertreibung und Arbeitskrafteregulierung im Zwischenkriegseuropa, Berlin: Vlg. Schwarze Risse - Rote Strasse VAN DE KAA, D. J. (1993) European Migration at the End of History in A.Blum, J.-L. Rallu (eds) European Population, volume 2: Demographic dynamics, Montrouge, London, Rome: John Libbey, 77-1 10 KERSTEN, K. International Migration in Poland After World War II, Ada Poloniae Historica, 19, 49-68 KIRK, D. (1946) Europe's Population in the Interwar Years, Geneve, League of Nations, Princeton University Press KORCELLI, P. (1994) Emigration from Poland after 1945, in Heinz Fassmann, Rainer Miinz (eds) European Migration in the Late Twentieth Century, Aldershot: Edward Elgar, 171-186 KOSINSKI, L. A. (1982) International Migration of Yugoslavia During and Immediately After World War II, East European Quaterly, 2, 1 83-199 KUL1SCHER, A.; KULISCHER, E. (1932): Kriegs- und Wander -ungszuge. Weltgeschichte als Volkerbewegung, Berlin KULISCHER, E. (1948): Europe on the Move. War and Population Changes 1917-1947, New York: Columbia University Press LECIEJEWSKI, K. (1990): Zur wirtschaftlichen Eingliederung der Aussiedler, A us Politik und Zeitgeschichte, (Das Pari a ment) B3, 52-62 LUNGWITZ, K. (1974) Die Bevôlkerungsbewegung in der DDR und der BRD zwischen 1945 und 1970 eine komparative Untersuchung, Jahrbuchfiir Wirtschaftsgeschichte, 1, Berlin: Akademie-Verlag, 63-95 MALACIC, J. (1994) International Economic Migration in Former Yugoslavia since 1960, in Heinz Fassmann, Rainer Miinz (eds) European Migration in the Late Twentieth Century, Aldershot: Edward Elgar, 207-220 MISJA, V. (1993) Des aspects de la migration internationale en Albanie, paper presented at the Workshop on Causes and Consequences of Emigration from Central and Easten European Countries, Geneve: UN/ECE MOROKVASIC, M. (1993) Flucht und Vertreibung im ehemaligen Jugoslawien, (Démographie aktuell 2), Berlin: Humboldt University MOROKVASIC, M.; DE TINGUY A. (1993) Between East and West: A New Migratory Space in Hedwig Rudolph, Mirjana Morokvasic (eds) Bridging States and Markets. International Migration in the Early 1990s, Berlin: Sigma, 245-263 MUNZ, R.; ULRICH R. (1993) Migration und Auslanderbeschaftigung in Deutschland, Stadtbauwelt 118, 1270-1273

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

MUNZ, R.; ULRICH R. (1994) Was wird aus den Neuen Bundeslàndern? (Démographie aktuell 3), Berlin: Humboldt University NOVAK, R, (1993) Refugees from the East in the Czech and Slovak Republics, Prague: Organizace pro pomoc oprchlfkum OECD (1991) Migration - The Demographic Aspects, Paris: OECD OECD/Directorate for Social Affairs, Manpower and Education (1992) SOPEMI 1992. Continuous reporting system on migration, Paris: OECD OECD/SOPEM1 (1994) Trends in International Migration, Continuous reporting system on migration, Annual Report 1993, Paris: OECD OKOLSKI, M. (1992) Migratory Movements from Countries of Central and Eastern Europe in People on the move. New migrations flows in Europe, Strasbourg: Council of Europe, 83-1 15 OSWALD, I. (1993) National itdtenkonflikte im ostlichen Ted Europas, Berlin: Landeszentrale fiir poli- tische Bildungsarbeit REICHLING, G. (1986) Die Deutschen Vertriebenen in Zahlen. Ted I Umsiedler, Verschleppte, Vertriebene, Aussiedler, 1940-85, Bonn: Kulturstiftung der Vertriebenen ROGALL, J. (1993) Die deutsche Minderheit in Polen heute Aus Politik und Zeitgeschichte (Das Par lame nt),B48, 31-43 RONGE, V. (1993) Ost-West Wanderung nach Deutschland, Aus Politik und Zeitgeschichte (Das Parlament), B7, 16-28 RUDOLPH, H. (1994) Dynamics of Immigration in a Non-Immigrant Country: Germany in Heinz Fassmann, Rainer Mu'nz (eds) European Migration in the Late Twentieth Century, Aldershot: Edward Elgar, 113-126 SABATELLO, E. (1994) Migrants from the USSR to Israel in the 1990s in Heinz Fassmann, Reiner Miinz (eds) European Migration in the Late Twentieth Century, Aldershot: Edward Elgar, 261-274 SHEVTSOVA, L. (1992) Post-Soviet Emigration Today and Tomorrow, International Migration Review, 2, 241-257 STANEK, E. (1985) Verfolgt - verjagt - vertrieben. Fliichtlinge in Ôsterreich 1945-84, Wien: Europa- Verlag STOLA, D. (1992) Forced Migrations in Central European History, International Migration Review, 2, 324-341 STÔLTING, E. (1991) Festung Europa. Grenzziehungen in der Ost-West-Migration, Prokla, 2, 249-263 TREBECI, V, (1990) Sa vorbim despre dinamism demografic, Tribuna Economia, 8, 22-23 URBAN, T. (1993) Deutsche in Polen - Geschichte und Gegenwart einer Minderheit, Munich: Beck VASILEVA, D., Bulgarian Turkish Emigration and Return, International Migration Review, 2, 342-351 VISHNEVSKY, A.; OUSSAVA I., VISHNEVSKAIA T. (1993) Les conséquences des changements intervenus à l'Est sur les comportements déographiques in A. Blum, J.-L. Rallu (eds) European Population, volume 2: Demographic dynamics, Montrouge, London, Rome: John Libbey, 49-66 VISHNEVSKY, A.; ZAYONCHOVSKAYA Z. (1994) Emigration from the Former USSR: The Fourth Wave in Heinz Fassmann, Rainer Miinz (eds) European Migration in the Late 20th Century, Cheltenham: Edward Elgar, 239-260 WEHLER, H. U. (1980) Nationalitdtenpolitik in Jugoslawien. Die deutsche Minderheit 1918-1978, Gôttingen: Vandenhoek & Ruprecht

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

La migration d'Est en Ouest en Europe (1918-1993)

Heinz FASSMAN et Rainer MUNZ

Cet article examine les données démographiques disponibles sur la migration internationale à l'intérieur de et vers l'Europe, pour les périodes 1918-39 et 1945-93. Dans V entre-deux-guerres, environ 9,2 millions de personnes quittent leurs pavs d'origine, pour des raisons économiques ou géopolitiques. Dans l'immédiat après-guerre (1945- 1950), quelque 15,4 millions de personnes s'enfuient ou sont déplacées à l'intérieur de l'Europe. La plupart d'entre elles migrent ou sont obligées de migrer vers l'ouest. Entre 1950 et 1992, 14 millions de personnes supplémentaires migrent d'un pays de l'Europe centrale ou de l'Est vers l'Ouest. Les principaux pays d'origine de ces immigrés sont l'ex-RDA (37% de tous les déplacements Est-Ouest pour cette période) ; V exYougoslavie (17%, y compris les personnes récemment déplacées de Bosnie, de Croatie et de Serbie) ; la Pologne (14%) et l' ex- Union soviétique (12%). Plus des deux-tiers de ces immigrants européens s'installent en Allemagne de l'Ouest. La plupart appartiennent à une minorité ethnique ou religieuse disposant d'un Etat souverain à l'ouest ou, du moins, d'une communauté d'accueil ou d'un "lobby" assez important dans un des pays de l'Ouest. Ces dernières années, les guerres en Croatie et Bosnie, et la purification ethnique, ont provoqué la plus grande vague de réfugiés et apatrides depuis 1945. Plus de cinq millions de citoyens de V ex-Yougoslavie sont apatrides. Seulement 700.000 d'entre eux ont réussi à gagner un pays de l'Ouest. L'article conclut que les facteurs d'attraction/répulsion (les facteurs "push-pull") qui provoquent ces migrations massives ne peuvent être contenus seulement par l'érection de nouvelles barrières législatives et le déploiement d'effectifs plus importants de garde-frontières.

East- West Migration in Europe 1918-1993

Heinz FASSMAN and Rainer MUNZ

This paper analyses available demographic data on international migration within and to Europe during the periods 1918-1939 and 1945-1993. The main focus is on the east-west dimension of this migration. In the inter-war period some 9,2 million people either left their countries as labour migrants or were displaced as a result of the peace treaties and the new boundaries of the emerging nation states. In the post-war period (1945-1950) some 1 5,4 million people fled or were displaced within Europe. Most of them moved or were forced to move westwards : e.g. ethnic Germans from Czechoslovakia, Silesia, East and West Prussia to East and West Germany, Karelians to Finland, Poles from Ukraine and Belorussia to Poland, Ukrainians from Poland to the Ukraine, Italians from I stria and Dalmatia to Italy, etc. Between 1950 and 1992 another 14 million people migrated from a country in East-central and Eastern Europe to the West. The main sending countries were the former GDR (37% of all East- West migrants of this period), former Yugoslavia ( 1 7% including recently displaced persons from Bosnia, Croatia and Serbia), Poland (14%) and the former Soviet Union (12%). More than two-thirds of all European East-West migrants moved to West Germany (68%). Most East-West migrants belonged to an ethnic or religious minority (e.g. ethnic Germans, Jews, ethnic Turcs, other Muslims, ethnic Greeks, Armenians, Pentecoslals) with a nation-state in the West or at least with a strong "foothold" or lobby in one of the western countries. In recent limes the wars in Croatia and Bosnia as well as ethnic cleansing have led to the largest wave of réfugiées and displaced persons since 1945. More than 5 million citizens of former Yugoslavia are displaced. Of them only 700000 managed to enter a western country. Our paper concludes that push and pull factors causing massive migration cannot only be contained by erecting new legislative barriers and deploying more armed border guards against newcomers.

Heinz FASSMANN et Rainer MÙNZ

La migration del Este al Oeste en Europa (1918-1993).

Heinz FASSMAN y Rainer MUNZ

Este articulo examina los datos demogrâficos disponibles sobre la migraciôn inter- nacional en el interior y hacia Europa, en los periodos de 1918 a 1939 y de 1945 a 1993. Entre la dos guerras, cerca de 9.2 millones de personas parten de su pais de origen, por razones econômicas o geo-politicas. En lo inmediato de la post-guerra (1945-1950), unos 15.4 millones de personas se refugiaron ofueron desplazadas al interior de Europa. Ea mayoria de entre ellos emigraron o se vieron obligados a emigrar hacia el Oeste. Entre 1950 y 1992, 14 millones de personas adicionales migran de un pais del Este de Europa central o del Este hacia el Oeste. Los principales paises de origen de estos immigrantes son la ex-Repûblica Democrâtica Alemana (37% de todos los desplazamientos Este-Oeste por este periodo); Ex-Yugoeslavia (17% inluyendo las personas que se han desplazado recientemement de Bosnia , Croacia y Servia); Polonia (14%), la ex Union Soviética (12%). Mâs de las dos terceras partes de estos immigrantes europeos se ins- talan en Alemania del Oeste. La mayor parte de ellos pertenece a una minor ia éthnica o religiosa disponiendo de un Estado soberano al Oeste o, por lo menos de una comunidad de refugio o de un "lobby" fundamentalmente necesario en uno de los paises del Oeste. En estos ûltimos ahos las guerras de Croacia, Bosnia y la purificaciôn étnica, han oca- sionado la ola mâs grande de refugiados y apàtridas desde 1945. Mâs de cinco millones de ciudadanos de ex-Yougoeslavia son apàtridas. Solamente 700 000 de ellos han logrado llegar a un pais del Oeste.

El articulo concluye que los factures de atr action/ repulsion ("push-pull") que pro- vocan estas migraciones masivas no pueden ser dominados unicamente con la implantation de nuevas barreras legislatïvas y un mayor despliegue de agentes como guarda- fronteras.