La matie`re particulaire des eaux du lagon de Takapoto: nourriture ...

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OCEANOLOGICA ACTA · VOL. 23 – N° 2 La matie `re particulaire des eaux du lagon de Takapoto: nourriture potentielle pour les e ´levages d’huı ˆtres perlie `res Dominique BUESTEL a , Ste ´phane POUVREAU b,c * a Station Ifremer de Palavas, chemin de Maguelone, 34250 Palavas-les-Flots, France b Centre Ifremer-Cop, BP 7004, Taravao, Tahiti, Polyne ´sie franc ¸aise c Crema, BP 5, 17137 L’Houmeau, France Rec ¸u le 23 juillet 1998; rec ¸u en forme re ´vise ´e le 30 aou ˆ t 1999; accepte ´ le 3 septembre 1999 Abstract – Particulate matter in Takapoto lagoon waters: potential food for cultivated pearl oysters. Results of research concerning the food of the pearl oyster Pinctada margaritifera are presented, by taking Takapoto atoll (Tuamotu archipelago, French Polynesia) as a study site. Monthly sampling of several parameters representative of bivalve environment and food (water temperature, salinity, mineral and organic matter, proteins, lipids and carbohydrates, chlorophyll a and phaeopigments) confirm and increase knowledge of the Takapoto lagoon hydrobiology. The variability of these parameters was analysed. Takapoto lagoon showed a remarkable spatial stability. Temporal variations showed a low seasonal trend. Local meteorology (wind, precipitation) had an influence on short-term variability (especially for mineral matter). Night and day rhythm also affected some parameters (temperature, chlorophyll a, lipids and carbohydrates). In this shellfish environment, carrying capacity appears to be low: organic matter is around 0.35 mg·L -1 , chlorophyll a concentration is below 0.30 mg·L -1 and energetic content of particulate material in waters, approx. 2 J·L -1 , is ten times lower than in temperate areas. On the other hand, seasonal effect is reduced and particulate food is always available. Preliminary results on carrying capacity show that cultivated pearl oysters play an insignificant role on the system in comparison with the natural trophic bivalve population. © 2000 Ifremer/CNRS/IRD/E ´ ditions scientifiques et me ´dicales Elsevier SAS Pinctada margaritifera / suspended matter / carrying capacity / pearl oyster / atoll Re ´sume ´– La richesse nutritive des milieux lagonaires vis-a `-vis des e ´levages d’huı ˆtres perlie `res, Pinctada margaritifera,ae ´te ´ analyse ´e en prenant le lagon de Takapoto (archipel des Tuamotu, Polyne ´sie franc ¸aise) comme site d’e ´tude. L’e ´chantillonnage mensuel de plusieurs parame `tres repre ´sentatifs du milieu de vie et de la nourriture des huı ˆtres perlie `res (tempe ´rature de l’eau, salinite ´, matie `re mine ´rale et organique, prote ´ines, lipides, glucides, chlorophylle a et phe ´opigments) permet de confirmer et d’affiner les connaissances concernant l’hydrobiologie du lagon de cet atoll. L’analyse de la variabilite ´ de ces parame `tres montre, sur la pe ´riode conside ´re ´e (1990–1991), une remarquable homoge ´ne ´ite ´ spatiale du milieu. La variabilite ´ saisonnie `re est peu marque ´e, la me ´te ´orologie locale (vent, pre ´cipitations) influence les variations a ` court terme (matie `re mine ´rale), et un rythme nycthe ´me ´ral affecte certains parame `tres (tempe ´rature, chlorophylle a, lipides et glucides). Compte tenu des crite `res habituels utilise ´s pour les mollusques bivalves, la capacite ´ nutritive du milieu paraı ˆt faible: la matie `re organique particulaire ne repre ´sente que 0,35 mg·L -1 , la concentration en chlorophylle a est infe ´rieure a ` 0,30 mg·L -1 et le contenu e ´nerge ´tique de l’eau, relativement au mate ´riel particulaire, est environ dix fois plus faible (en moyenne de 2 J·L -1 ) que dans les zones tempe ´re ´es. En revanche, les variations temporelles e ´tant * Correspondance et tire ´s a ` part: [email protected] 193 © 2000 Ifremer/CNRS/IRD/E ´ ditions scientifiques et me ´ dicales Elsevier SAS PII:S0399-1784(00)00111-0/FLA

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OCEANOLOGICA ACTA · VOL. 23 – N° 2

La matiere particulaire des eaux du lagonde Takapoto: nourriture potentielle pour leselevages d’huıtres perlieresDominique BUESTEL a, Stephane POUVREAU b,c*

a Station Ifremer de Palavas, chemin de Maguelone, 34250 Palavas-les-Flots, Franceb Centre Ifremer-Cop, BP 7004, Taravao, Tahiti, Polynesie francaisec Crema, BP 5, 17137 L’Houmeau, France

Recu le 23 juillet 1998; recu en forme revisee le 30 aout 1999; accepte le 3 septembre 1999

Abstract – Particulate matter in Takapoto lagoon waters: potential food for cultivated pearl oysters. Results ofresearch concerning the food of the pearl oyster Pinctada margaritifera are presented, by taking Takapoto atoll(Tuamotu archipelago, French Polynesia) as a study site. Monthly sampling of several parameters representativeof bivalve environment and food (water temperature, salinity, mineral and organic matter, proteins, lipids andcarbohydrates, chlorophyll a and phaeopigments) confirm and increase knowledge of the Takapoto lagoonhydrobiology. The variability of these parameters was analysed. Takapoto lagoon showed a remarkable spatialstability. Temporal variations showed a low seasonal trend. Local meteorology (wind, precipitation) had aninfluence on short-term variability (especially for mineral matter). Night and day rhythm also affected someparameters (temperature, chlorophyll a, lipids and carbohydrates). In this shellfish environment, carryingcapacity appears to be low: organic matter is around 0.35 mg·L−1, chlorophyll a concentration is below0.30 mg·L−1 and energetic content of particulate material in waters, approx. 2 J·L−1, is ten times lower than intemperate areas. On the other hand, seasonal effect is reduced and particulate food is always available.Preliminary results on carrying capacity show that cultivated pearl oysters play an insignificant role on thesystem in comparison with the natural trophic bivalve population. © 2000 Ifremer/CNRS/IRD/Editionsscientifiques et medicales Elsevier SAS

Pinctada margaritifera / suspended matter / carrying capacity / pearl oyster / atoll

Resume – La richesse nutritive des milieux lagonaires vis-a-vis des elevages d’huıtres perlieres, Pinctadamargaritifera, a ete analysee en prenant le lagon de Takapoto (archipel des Tuamotu, Polynesie francaise)comme site d’etude. L’echantillonnage mensuel de plusieurs parametres representatifs du milieu de vie et de lanourriture des huıtres perlieres (temperature de l’eau, salinite, matiere minerale et organique, proteines, lipides,glucides, chlorophylle a et pheopigments) permet de confirmer et d’affiner les connaissances concernantl’hydrobiologie du lagon de cet atoll. L’analyse de la variabilite de ces parametres montre, sur la periodeconsideree (1990–1991), une remarquable homogeneite spatiale du milieu. La variabilite saisonniere est peumarquee, la meteorologie locale (vent, precipitations) influence les variations a court terme (matiere minerale),et un rythme nycthemeral affecte certains parametres (temperature, chlorophylle a, lipides et glucides). Comptetenu des criteres habituels utilises pour les mollusques bivalves, la capacite nutritive du milieu paraıt faible: lamatiere organique particulaire ne represente que 0,35 mg·L−1, la concentration en chlorophylle a est inferieurea 0,30 mg·L−1 et le contenu energetique de l’eau, relativement au materiel particulaire, est environ dix fois plusfaible (en moyenne de 2 J·L−1) que dans les zones temperees. En revanche, les variations temporelles etant

* Correspondance et tires a part: [email protected]

193© 2000 Ifremer/CNRS/IRD/Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS

PII: S0399-1784 (00 )00111-0/FLA

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faibles, la nourriture particulaire est toujours disponible. De premiers elements de calculs en terme de capacitetrophique montrent que les elevages d’huıtres perlieres jouent un role negligeable au sein de l’ecosysteme parrapport aux stocks naturels de bivalves competiteurs. © 2000 Ifremer/CNRS/IRD/Editions scientifiques etmedicales Elsevier SAS

Pinctada margaritifera / matiere en suspension / capacite trophique / huıtre perliere / atoll

1. INTRODUCTION

Au cours des quinze dernieres annees, la production deperles noires a partir de l’elevage de l’huıtre perliere alevres noires, Pinctada margaritifera, a pris une exten-sion et une importance economique conside-rables en Polynesie francaise. Avec une productionannuelle d’environ 6 t de perles en 1997, pour unevaleur a l’exportation d’environ 840 millions de francset pres de 4 000 emplois directs, la perliculture estparvenue au deuxieme rang des ressources du terri-toire, apres le tourisme. Ce developpement entraınantun risque de surexploitation du milieu, le Programmegeneral de recherche sur la nacre (PGRN) a ete lanceen 1992 dans l’atoll de Takapoto, afin d’etudier lacapacite trophique des sites d’elevages.

Les caracteristiques du milieu lagonaire de cet atoll[20, 28, 56, 58, 59, 63] montrent que : a) la masse d’eau,relativement homogene, est plus pauvre que l’ocean ensels mineraux mais plus riche en phytoplancton, b)l’hydrobiologie presente des variations saisonnieres etinter-annuelles, c) le systeme benthique est tres pro-ductif. Les travaux cites demontrent que l’atoll deTakapoto echange tres peu avec l’exterieur, alors queRougerie [56, 58] envisage des echanges entre le lagonet l’ocean via la structure poreuse de la couronnerecifale. Ces differents auteurs estiment, en outre, letemps de residence des masses d’eau a plusieurs an-nees. Des travaux plus recents [13–17] montrent quele phytoplancton est domine par des cyanobacteries dugenre Synechococcus, de petite taille (B1 mm), tresabondantes (61 % de la biomasse phytoplanctoniquetotale) et tres productives (55 % de la productionprimaire totale).

C’est dans ce milieu, que l’huıtre perliere, Pinctadamargaritifera, est elevee en pleine eau sur des filieres.Or, les relations entre le bivalve et son milieu de viesont encore mal connues. Les travaux concernant lanutrition de Pinctada margaritifera [2, 45] et celled’especes voisines comme P. fucata [3, 12, 19] in-

diquent que, comme la plupart des bivalves, l’huıtreperliere est un organisme filtreur se nourrissant departicules en suspension dans l’eau, en particulier dephytoplancton. Une tres recente etude [49] montre quece bivalve retient completement les particules de di-ametres superieurs a 4 mm mais qu’il ne semble pasretenir efficacement les particules B1 mm (notammentles Synechococcus), pourtant tres abondantes dans leseaux du lagon. Des lors, la disponibilite spatio-tem-porelle de la nourriture potentielle pour les elevagesd’huıtres perlieres devait etre etudiee. Le Programmegeneral de recherche sur la nacre a permis de suivre lemilieu sur un cycle annuel, sur l’ensemble du lagon eten relation avec les parametres meteorologiquesforcant le systeme.

2. MATERIELS ET METHODES

2.1. Site etudieet generalites sur le milieu hydrologique

L’atoll de Takapoto est situe dans la partie nord-ouestde l’archipel des Tuamotu, par 14° 30% de latitude S et145° 20% de longitude W, a environ 500 kmdans le nord-est de Tahiti. Allonge selon un axeSW–NE, il est de forme elliptique (figure 1). La partieemergee de la couronne recifale entoure un lagond’environ 81,7 km2 (18,7 km de long et 4,4 km delargeur moyenne). Il n’y a pas de passe mais lacouronne recifale est interrompue par des chenaux peuprofonds ou hoas [20] qui ne permettent que desechanges d’eau limites avec l’ocean. Le lagon a uneprofondeur moyenne de 23 m [63] avec un maximuma 55 m. Le volume d’eau est estime a environ 1,3 km3

[63]. En considerant une entree d’eau de 0,3 km3 paran au travers de hoas peu fonctionnels, Sournia etRicard [63] estiment a 4 ans le temps de residence(temps moyen de sejour d’une masse d’eau venue del’exterieur) et a 17 ans le temps de renouvellementquasi-total (99 %) du lagon.

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2.2. Parametres etudies

L’estimation de la nourriture disponible pour lesbivalves necessite l’etude spatio-temporelle de diffe-rents parametres hydrobiologiques. Face aux man-ques de donnees sur la nourriture des huıtresperlieres dans l’atoll de Takapoto, les parametresutilises sont ceux mesures communement dans lesetudes de capacite trophique en milieux temperes[30, 31]. La porosite du filtre (GF/C) a ete choisieen fonction des caracteristiques courantes desbranchies des bivalves [8, 33, 44, 55], choix re-cemment confirme par les travaux de Pouvreau etal. [49] sur P. margaritifera.

Dix parametres ont ete mesures pour caracteriserl’eau (huit concernent directement la matiere en sus-pension, et deux le milieu hydrologique) et cinqparametres caracterisent les conditions meteo-rologiques globales.

– Seston total (note TPM), representant la totalitede la matiere particulaire contenue dans l’eau etretenue sur le filtre, seston mineral (ou matiere in-organique particulaire, notee PIM) et seston or-

ganique (ou matiere organique particulaire, noteePOM).

– Proteines, lipides et glucides particulaires : leursomme, convertie en energie, est representative de latotalite de nourriture assimilable par les mollusques[67].

– Chlorophylle a et pheopigments, refletantl’abondance du phytoplancton.

– Temperature de l’eau et salinite, caracteristiquesphysiques du milieu de vie des huıtres perlieres.

– Ensoleillement, precipitations, temperature del’air, vent (direction et force), pression atmos-pherique, permettant d’analyser l’effet des condi-tions meteorologiques sur les parametres hydrobi-ologiques (ces donnees sont relevees parMeteo-France a la station automatique de l’atoll deTakaroa, situe a 10 km de Takapoto).

2.3. Valeurs moyennes et variabilite des parametres

Differents plans d’echantillonnage complementairesont ete menes afin de degager les grandes sourcesde variabilite et d’estimer au mieux la valeurmoyenne des parametres etudies. A notre connais-sance, aucune etude n’a ete realisee sur une anneeet sur l’ensemble du lagon pour les parametres pre-sentes. Un premier plan d’echantillonnage, le pluscomplet, avait pour objectif de degager les grandessources de variabilite. Il a ete complete, par uneapproche spatiale plus fine (10 sites), et par dessuivis temporels tres fins d’une duree de 24 h.

2.3.1. Analyse des grandes sources de 6ariabiliteUn plan d’echantillonnage stratifie du second degre[60] a ete entrepris. Chaque mois (strate) d’octobre1990 a septembre 1991, trois sites (unites primaires)tres distants (sites 1, 2 et 3 ; figure 1) ont ete suivis.Afin de prendre en compte une eventuelle variabilitejournaliere, cinq echantillons d’eau (unites sec-ondaires) sont preleves entre 6 et 18 h selon un pas detemps de 3 h a une profondeur equivalente pour lestrois sites (8 m pour le site 1 et 10 m pour les sites 2et 3). Comme l’echantillonnage des trois sites n’etaitpas possible dans la meme journee, il a ete reparti sur3 j consecutifs. L’ensemble des parametres (15)

Figure 1. Atoll de Takapoto et distribution spatiale des sites deprelevement.

Figure 1. Takapoto atoll and spatial localization of the 10 sam-pling stations.

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a donc ete suivi sur 1 an, au rythme de cinq fois parjour et pendant 3 j par mois, soit 180 observations.La matrice 15×180 a ete analysee par la methode del’analyse en composante principale normee (ACP).

L’approche qualitative a ete completee par une esti-mation de la moyenne annuelle et une descriptionquantitative des tendances degagees par l’ACP. Lesestimateurs de la moyenne annuelle et de sa variancesont les suivants:

y=%n

i=1

%m

j=1

%k

u=1

yiju

nmk

Var(y)=%n

i=1

Var(y)

n2

A6eC

Var(yi)=(1−m/M)

m*

%m

j=1

(yij− yi)2

m−1

+m(1−k/K)

mkM*

%m

j=1

%k

u=1

(yiju− yij)

m(k−1)

n : nombre de renouvellement (12 mois, strate);

m : nombre de jours (unites primaires)

echantillonnes dans un mois;

k : nombre de prelevements effectues (unites secondaires) dans une journee;

yiju : valeur du ue prelevement de la je journee du ie mois.

2.3.2. Variabilite spatialeEn l’absence de variations spatiales periodiques,l’echantillonnage systematique s’avere aussi efficace etplus pratique a realiser que l’echantillonnage aleatoiresimple. Le suivi spatial a donc ete effectue en dixpoints du lagon repartis systematiquement sur sasurface (figure 1). Pour rendre compte de la varia-bilite dans la colonne d’eau, deux profondeurs ont etechoisies : le niveau 1 correspond a la profondeurd’elevage des huıtres perlieres (environ 10 m), leniveau 2 se situe a 3 m au-dessus du fond. Laprospection des sites a ete effectuee dans un temps

minimum (de 6 a 11 h du matin) afin d’eviter toutevariabilite due a l’evolution journaliere eventuelle descycles biologiques. Cet echantillonnage a ete realiseune fois par mois, pendant 15 mois (juillet 1990 aseptembre 1991) pour la temperature, la salinite, lesteneurs en proteines, lipides et glucides particulaires.Pendant les quatre derniers mois, la matiere particu-laire, la chlorophylle a et les pheopigments ont egale-ment ete mesures.

Il s’agit du meme type de plan que precedemment, asavoir un plan stratifie (sur le mois) du deuxiemedegre (dix sites et deux profondeurs). Pour chaqueparametre, une analyse de variance a trois criteres declassification, mois, site et profondeur (modelealeatoire croise a echantillons de meme effectif [22])permet d’analyser conjointement la variabilite saison-niere et spatiale (horizontale et verticale). L’ensembledes resultats de chaque analyse de variance est syn-thetise dans un tableau general reprenant les diffe-rents parametres et les differents niveaux (tableau I).

2.3.3. Variabilite nycthemeralePour etudier l’ampleur des variations nycthemeraleset detecter la presence de rythmes eventuels, unechantillonnage systematique a differentes occasions aete realise selon un pas de temps de 3 h et sur uneperiode de 24 h. En pratique, les prelevements ef-fectues lors du premier plan d’echantillonnage ont eteoccasionnellement completes de maniere a couvrir uncycle de 24 h. Ce fut le cas pour 1 j en janvier (site 1a 8 m), un autre en fevrier (site 2 a 10 m) et undernier en mars 1991 (site 3 a 10 m), tous les parame-tres etant pris en compte.

2.4. Techniques de mesure

2.4.1. Prele6ements et filtrationLa temperature et la salinite sont mesurees respective-ment au thermometre a mercure au dixieme de degreet au refractometre a 0,25 pres.

Le volume preleve par pompage est fonction duparametre etudie et du type d’echantillonnage (aspectpratique lie au transport des echantillons englacieres). L’oligotrophie du milieu impose la filtra-tion de volumes d’eau importants afin d’atteindre lasensibilite des methodes de pesee ou dosages et d’e-viter les problemes lies aux micro-distributionsspatiales:

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Tableau I. Tableau recapitulatif des Anova (mois/site/profondeur) pour chacun des parametres. Le premier chiffre indique la somme descarres des ecarts, le chiffre entre parentheses correspond au nombre de degres de liberte, le chiffre en italique correspond au seuil designification.

Table I. Summary table of ANOVA (month/station/depth) for each parameter. The first number indicates sum of squares, the number inbrackets is equal to the degree of freedom, the number in italics is the significance level.

Facteur site Facteur profondeurParametres SC residuelleFacteur mois

1,60 (9)Temperature 0,81 (1)330,15 (12) 18,95 (211)0,04 0,000,00

1,45 (9)Salinite 0,004 (1)54,69 (13) 21,12 (218)0,00 0,10 0,84

3,54 (9)Seston mineral 0,003 (1)2,63 (3) 14,84 (55)0,18 0,910,03

0,20 (9)Seston organique 0,01 (1)0,65 (3) 2,26 (55)0,00 0,83 0,59

0,06(9)Chlorophylle a 0,18 (1)0,34 (4) 0,30 (71)0,00 0,14 0,04

0,01 (9)Pheopigments 0,01 (1)0,14 (4) 0,09 (71)0,38 0,020,00

899,87 (9) 242,87 (1)Glucides 11 858,56 (245)4 635,72 (14)0,03 0,020,00

1 495,12 (9) 74,54 (1)Lipides 14 162,45 (245)9 903,13 (14)0,00 0,260,00

677,60 (9) 48,81(1)Proteines 13 376,53 (245)13 916,07 (14)0,20 0,350,00

TPM, PIM, POM : 4 L en general et 3 L lors de laprospection spatiale des dix sites.Proteines : 6 L.Lipides et glucides : 4 L.Chlorophylle a et pheopigments : 1 L.

Sur le site de prelevement, la pompe est reglee auminimum de son debit, environ 0,5 m3·h−1. L’eauprefiltree a 200 mm est conservee en glaciere, enbidons de 10 L, puis au laboratoire, dans unrefrigerateur.

Apres une homogeneisation soignee, les volumes ne-cessaires sont repartis dans des eprouvettes gradueeset sont filtres selon les modalites decrites par Aminotet Chaussepied [4] sur filtres Whatman GF/C.

2.4.2. Protocoles d’analyseChlorophylle a et pheopigments :

Les protocoles utilises pour la chlorophylle a sontissus de Aminot et Chaussepied [4]. Les dosages sonteffectues au fluorimetre Turner, apres extraction a

l’acetone a 90 % et etalonnage a partir de chloro-phylle a pure du commerce. Quelques millilitres d’hy-droxycarbonate de magnesium a 0,5 % sont placessur le filtre avant la filtration pour assurer une bonneconservation des echantillons. Les filtres sont con-serves congeles a −18 °C dans des tubes a hemolyseproteges de la lumiere.

Matiere en suspension :

Les filtres GF/C pour la mesure du seston sontprealablement places dans une nacelle d’aluminium,calcines (1 h a 480 °C) puis rinces a l’eau distillee etseches a l’etuve a 70 °C pendant 1 h. Ils sont ensuiteprepeses. Apres filtration, le filtre est rince abondam-ment au formiate d’ammonium. Il est conserve dansune boıte de petri dans un congelateur a −18 °C.Apres transport, le filtre est remis a l’etuve 1 h a70 °C et pese au dixieme de milligramme pres. Il estensuite place au four a 480 °C pendant 1 h pour ladetermination du poids de matiere minerale (PIM).Ceci permet la determination en mg·L−1 du seston

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total (TPM), du seston mineral (PIM) et du sestonorganique (POM).

Proteines, glucides et lipides :

Les filtres sont calcines pendant une heure a 480 °C,puis congeles a −18 °C dans des tubes a hemolyse.Les proteines sont dosees par la methode de Lowry etal. [37] apres extraction par la soude normale. Leresultat est exprime en milligrammes d’equivalentalbumine de bœuf. Les lipides totaux extraits par unmelange de chloroforme et methanol [10] sont analy-ses selon la technique de Marsh et Weinstein [41]. Leresultat est donne en milligrammes d’equivalent tri-palmitate. Les sucres sont determines par la methodede Dubois et al. [24] selon le protocole de Malara etCharra [40]. Les resultats sont exprimes en milli-

grammes d’equivalent glucose. Ces differents parame-tres sont convertis en energie selon les coefficientssuivants :Chlorophylle a : 2,8 J·mg−1 [31]Proteines : 23,64 J·mg−1 [11]Glucides : 17,15 J·mg−1 [11]Lipides : 39,5 J·mg−1 [11]

3. RESULTATS

3.1. Donnees meteorologiques globales (figure 2)

La temperature de l’air montre une tendance saison-niere avec, en aout 1991, un minimum de 26,8 °C

Figure 2. Graphe A : moyenne mensuelle (9SE) de la temperature de l’air (") et cumul mensuel des precipitations mesures a Takaroa(atoll voisin de Takapoto). Graphe B : frequences mensuelles des directions du vent et moyenne mensuelle (9SE) des vitesses de ventmesures a Takaroa (atoll voisin de Takapoto). Source Meteo-France.

Figure 2. Plot A: monthly mean (9SE) of temperature and monthly sum of precipitation measured on Takaroa atoll (near Takapoto).Plot B: monthly frequency of wind direction and monthly mean of wind speed (9SE) measured on Takaroa atoll (near Takapoto). Datafrom Meteo-France.

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Figure 3. Plan factoriel 1-2 de l’ACP menee sur les 15 variables et les 180 observations. Chaque observation (") est affectee d’un indicateurdu mois de prelevement.

Figure 3. Factorial plane (axis 1-2) of the principal components analysis (PCA) performed on 15 variables and 180 observations. Eachobservation (") is linked with a sign which indicates the sampling month.

(90,1 SE) et, en avril 1991, un maximum de 28,9 °C(90,05 SE). Les precipitations sont plus fortes denovembre a mai avec des cumuls mensuels superieursa 100 mm (excepte pour avril), et beaucoup plusfaibles de juin a octobre avec des cumuls mensuelstoujours inferieurs a 100 mm. Les mois les plus ventescorrespondent en general a l’hiver austral (de juin aoctobre), a l’exception du mois de janvier 1991. Lamoyenne mensuelle des vitesses de vent approche oudepasse alors 6 m·s−1. La direction la plus frequenteest de dominante est (alizes E–NE ou E–SE), maisun schema saisonnier existe avec dominante NW enete austral (lors du passage des systemes depression-naires) et dominante SE (Mara’amu) en hiver austral.

3.2. Analyse des grandes sources de variabilite

3.2.1. Resultats de l’ACPL’ACP realisee sur la matrice des 15 parametres×180 observations montre que les axes factoriels 1, 2 et3 expliquent respectivement 18,4 %, 17,9 % et 10,9 %

de la variabilite totale. La variabilite est generalementassez dispersee sur l’ensemble des axes. Les deuxpremiers axes synthetisent 36 % de la variabilite, il enest de meme pour le plan factoriel 1–3. L’analyse dela projection des variables et du nuage des observa-tions revele que seul le premier plan factoriel meriteune description detaillee. La projection des variableset des individus sur le plan factoriel 1–2 est presenteesur la figure 3. Une analyse par cadran (I, II, III etIV) est effectuee.Dans le cadran I, la projection des variables montreune forte proximite entre la matiere minerale (PIM),la force et la direction du vent, la pression atmo-spherique et, de facon moindre, la matiere organique(POM). Ces variables sont diametralement opposeesa la variable temperature de l’eau. Les observationsde ce cadran ont ete faites en hiver austral (juillet–oc-tobre). Ainsi la matiere minerale est plus elevee acette periode, saison pendant laquelle les vents sontles plus forts (generalement des alizes d’est a sud-est),la temperature de l’eau la plus basse et les pressionsles plus hautes (conditions anticycloniques).

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Dans les cadrans II et III, le nuage des variablesmontre une forte proximite entre l’ensoleillement, latemperature de l’air, la salinite et la temperature del’eau, la teneur en proteines (a un degre moindre).Ces variables sont diametralement opposees a la vari-able precipitations. Les observations de ces cadranssont realisees en ete austral (principalement fevrier,mars et avril). Ainsi, les plus fortes salinites sontatteintes durant les mois les plus secs de l’ete australlorsque l’ensoleillement et les temperatures sontmaximales (fevrier, mars, avril). La teneur enproteines semble aussi plus elevee a cette periode.

Le cadran IV regroupe principalement les mois dedecembre, janvier et mai et les variables precipita-tions, chlorophylle a, pheopigments et, dans unemoindre mesure, la variable matiere organique(POM).

Seules les variables lipides et glucides et certainesobservations des mois de novembre, mai et juin sontmal representees sur ce premier plan factoriel, maisles plans factoriels ulterieurs n’apportent rien de plus.

Ainsi, l’interpretation du premier plan factoriel decette ACP degage un effet saisonnier net entre : a)l’hiver austral (juillet–octobre), periode de hautespressions caracterisee par des alizes forts entraınantune augmentation de la teneur en matiere minerale(PIM) et un abaissement de la temperature de l’eau ;b) la fin de l’ete austral (fevrier–avril) caracteriseepar des salinites plus fortes, des temperatures eleveesdues a un ensoleillement fort et des pluviometries plusfaibles, la teneur en proteines semble aussi plus fortea cette periode ; c) le debut de l’ete austral (decem-bre–janvier) domine par les nuages et la pluie, ou lesteneurs en pigments chlorophylliens sont generale-ment un peu plus elevees.

3.2.2. Description detaillee par parametre

Temperature :

Les sites 1, 2 et 3 subissent de facon identique lameme tendance saisonniere, source predominante devariation de la temperature (figure 4). L’amplitudeannuelle de variation thermique est de 4 °C, la tem-perature variant entre 26,5 °C et 30,5 °C. Le cycleannuel se decompose en une periode relativementfraıche, entre 26,5 °C et 27,5 °C de juillet a septembre(hiver austral), et une periode chaude entre 29,5 °C et

30,5 °C de decembre a avril (ete austral). La tempera-ture moyenne est de 29 °C (90,09 °C).

Salinite :

Il n’existe aucune difference entre les trois sites (figure4). Sur la periode etudiee, la salinite varie de 38,5 a40. Aucun cycle precis ne peut etre mis en evidence,mais il apparaıt que la salinite est la plus forte enmars et en avril, mois les plus chauds et les plus secs.Sa valeur moyenne annuelle est de 39,2 (90,5 °C).

TPM, PIM, POM :

Pour la fraction organique (POM) aucun cyclesaisonnier ne peut etre mis en evidence et aucun dessites ne se distingue des autres (figure 4). Lesvaleurs de POM varient de facon chaotique entre0,20 mg·L−1 a 0,50 mg·L−1. En revanche, une ten-dance a la diminution de la matiere minerale (PIM)en ete austral (de janvier a avril) est constatee. Lesvaleurs proches de 0,30 mg·L−1 en avril passent aplus de 0,80 mg·L−1 en hiver austral avec une vari-ante selon les sites puisque le site 3 presente desvaleurs gene-ralement moins elevees que celles dessites 1 et 2 (figure 4). Les moyennes annuelles pourPIM et POM sont respectivement 0,53 mg·L−1

(90,07 IC) et 0,35 mg·L−1 (90,03 IC).

Le contenu en matiere organique represente enmoyenne 40 % de la TPM. Cette proportion varieavec la vitesse du vent, car les phenomenes de remiseen suspension ont tendance a enrichir le seston par dela matiere minerale.

Chlorophylle a et pheopigments :

Les concentrations en chlorophylle a et en pheopig-ments atteignent leurs maxima pendant l’ete austral(plus particulierement en janvier, fevrier et avril). Sipeu de differences apparaissent entre les trois sites,des decalages dans le temps semblent exister : le site 1atteint son maximum de chlorophylle a en fevrieralors que les sites 2 et 3 l’ont atteint en janvier. Uneestimation de la moyenne annuelle de ces deuxparametres donne 0,28 mg·L−1 (90,03 IC) pour lachlorophylle a et 0,13 mg·L−1 (90,01 IC) pour lespheopigments.

Proteines, lipides et glucides :

Seule la teneur en proteines presente une tendancesaisonniere nette: les valeurs obtenues en ete austral(35 mg·L−193,5 IC) sont significativement diffe-

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rentes (Anova, facteur saison, pB0,05) de celles del’hiver austral (25 mg·L−192,5 IC). Pour les lipideset glucides, aucune tendance saisonniere n’a pu etreextraite. Les estimations de la moyenne annuelle deces trois composants biochimiques sont respective-ment pour les proteines 32 mg·L−1 (91,6 IC), pourles lipides 24 mg·L−1 (91,2 IC), et pour les glucides21 mg·L−1 (91,1 IC).

La somme des constituants biochimiques ne repre-sente que 80 mg·L−1, soit 22 % de la matiere or-ganique (POM350 mg·L−1). Par consequent, unegrande partie de la matiere organique est refractaire ace type d’analyses biochimiques.

Le contenu energetique de l’eau est calcule de deuxmanieres differentes, soit en utilisant les conversionsenergetiques des proteines, lipides, glucides, soit en

utilisant celles des pigments chlorophylliens. Dans lesdeux cas, le contenu energetique resulte d’une combi-naison lineaire des variables precedentes. Les estima-tions du contenu energetique moyen sont respect-ivement 2,06 J·L−1 (90,09 IC) et 1,18 J·L−1 (90,12IC) selon la methode employee. La composante phy-toplanctonique ne represente que la moitie du con-tenu energetique global de la POM, qui lui-memerisque d’etre sous-estime. Ceci indique l’existenced’une autre composante importante dans la POM dulagon.

3.3. Analyses complementaires

3.3.1. Echantillonnage spatial finCet echantillonnage a ete mene sur dix sites. Pour

Figure 4. Variations saisonnieres de la temperature, de la salinite, de la matiere minerale (PIM), de la matiere organique (POM), de lachlorophylle a, des pheopigments et des P,L,G pour chacun des trois sites (S1 en blanc, S2 en gris, et S3 en noir). Pour plus de clarte, lesbarres d’erreur (SE) n’apparaissent que pour deux des trois sites.

Figure 4. Seasonal variations of temperature, salinity, mineral matter (Pim), organic matter (POM), chorophyll a, phaeopigment and P, L,G for each of the three stations (Station 1 in white, St. 2 in grey, St. 3 in black). For more legibility, error bars (SE) are shown only fortwo of the three stations.

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Tableau II. Moyenne et intervalle de confiance en fonction de laprofondeur des parametres pour lesquels l’Anova a montre un effetsignificatif.

Table II. Mean and interval of confidence of parameters accordingto depth sampling. Only parameters for which ANOVA showed asignificant effect of depth were kept.

Parametres MoyenneMoyennea 8 m de la a 3 m

au -dessus du fondsurface

28,3 °C (90,05)Temperature 28,2 °C (90,05)0,25 mg·L−1 0,28 mg·L−1 (90,02)Chlorophylle a(90,02)0,10 mg·L−1Pheopigments 0,12 mg·L−1 (90,01)(90,01)20.9 mg·L−1 18,9 mg·L−1 (91,4)Glucides(91,1)

3.3.2. Variation nycthemeraleDes variations nycthemerales evidentes ont etemesurees pour quatre parametres: la temperature, lachlorophylle a, les lipides et les glucides (figure 5).Les suivis de 24 h montrent globalement le memeschema d’evolution: les valeurs des parametres sontminimales le matin a 6 h, et augmentent dans lajournee pour atteindre leur maximum vers la fin de

Figure 5. Variations nycthemerales mesurees sur quatre parame-tres lors de trois journees ensoleillees de l’ete austral (10 janvier ausite 1, 11 fevrier au site 2 et 15 mars 1991 au site 3).

Figure 5. Night and day variations measured on four parametersduring three sunny days of austral summer (January 10th -Station 1, February 11th–Station 2, March 15th 1991 - Station 3).

l’ensemble des parametres la difference d’un mois al’autre est significative (pB0,05), alors que les diffe-rences spatiales, selon le site ou la profondeur, sontplus occasionnelles (tableau III).

Les differences entre les deux profondeurs sont sig-nificatives (pB0,05) pour la temperature, la chloro-phylle a, les pheopigments et les glucides (tableau II).La temperature dans la couche de sub-surface est treslegerement plus elevee (+0,1 °C) qu’a proximite dufond. Les glucides presentent une concentration de20,9 mg·L−1 dans la couche superficielle contre18,9 mg·L−1 a 3 m au-dessus du fond. A l’inverse, lateneur en pigments chlorophylliens est plus eleveevers le fond (+0,05 mg·L−1). Dans tous les cas, cesdifferences sont extremement faibles.

Les differences entre les sites ne sont significativesque pour trois parametres : la temperature, les glu-cides et les lipides (tableau I). Les sites 1 et 10presentent les temperatures les plus elevees : 28,4 °C(90,15 IC) contre 28,2 °C (90,15 IC) pour la plu-part des autres sites. Pour les glucides, les sitesdeficitaires sont ceux du sud de l’atoll (1, 10, 9, 8 et2), alors que les sites du centre et du nord de l’atollont des valeurs tres legerement superieures. Pour leslipides, seul le site 2 (16 mg·L−190,2 IC) apparaıtdeficitaire par rapport aux autres sites (22 mg·L−190,2 IC). Ce site est le plus proche des ouvertures(hoas) de Orapa, et donc, de l’influence oceanique.D’une facon generale ces differences spatiales, statis-tiquement significatives, sont tres faibles.

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Figure 6. Graphe A : moyenne (9ES) pour trois sites (S1, S2 et S3) et en fonction de deux conditions de vent differentes. Dans les deuxcas les vitesses de vent sont superieures a 4 m·s−1. Graphe B : relation etablie au site 1 pour des vents de dominante nord entre la vitessedu vent et la teneur en matiere minerale (PIM, ) et organique (POM, ).

Figure 6. Plot A: means (9SE) for three stations (St.1, St.2 and St.3) according to two different wind conditions. In both cases, windspeeds are above 4 m·s−1. Plot B: relationship between wind speed and mineral (Pim, ) and organic (POM, ) matter established onstation 1 for north wind.

l’apres-midi (15 h–18 h) puis redescendent lentementpour reprendre une valeur proche de celle de la veille

a 6 h du matin.

Ainsi, une augmentation journaliere de la tempera-ture de l’eau peut atteindre 0,7 °C entre 6 het 14 h. La chlorophylle a augmente durant la

journee jusque vers 18 h et diminue durant la nuit;en revanche les pheopigments ne suivent aucunetendance journaliere particuliere. La quantitemoyenne de lipides augmente de 15 mL−1 a 6 h a35 mg·L−1 a 18 h. La valeur moyenne de glucides estminimale, 18 mg·L−1, a 6 h et atteint 23 mg·L−1 a16 h.

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3.3.3. Influence des conditions meteorologiquesL’analyse en composantes principales a montre unecorrelation entre la teneur en matiere minerale et levent. Une etude plus approfondie sur les sites 1, 2 et3 confirme cette relation. La figure 6 montre l’effet dusite, l’effet de la direction du vent et de l’interaction(tous ces facteurs sont significatifs, Anova, pB0,05)sur la concentration en matiere minerale (PIM). Ainsipar vent dominant du nord, le site 1 presente lesvaleurs de PIM les plus elevees, alors que les sites 2 et3 presentent des valeurs beaucoup plus faibles. Parvent de dominante SE (Mara’amu) la matiere mine-rale diminue au site 1 alors qu’elle augmente pour lessites 2 et 3 par comparaison avec la situation prece-dente.

Sur un seul site (site 1) et par vent dominant du nord(ceux qui ont le plus d’effet sur ce site) une relationpositive et significative (R2\0,5) a ete etablie entre laPIM et la vitesse du vent (figure 6), alors que la POMreste totalement independante des conditions de vent(R2=0).

4. DISCUSSION

4.1. Saisonnalite restreinte,rythme nycthemeral apparent

L’evolution saisonniere de la temperature presenteedans ce travail est tout a fait comparable a celledecrite par Rougerie [56] et Gueredrat et Rougerie[29]. Une tendance saisonniere se retrouve aussi pourla teneur en proteines, plus forte en saison humidequ’en saison seche. Pour la chlorophylle a, cette etudemontre, en saison humide, une valeur plus elevee dejaobservee par Gueredrat et Rougerie [29] qui fontl’hypothese d’un cycle annuel pour ce parametre.A un degre moindre, la salinite et la matiere mineraleont une legere variabilite saisonniere. Enfin, aucunetendance saisonniere n’est mise en evidence pour lesautres parametres. La variabilite saisonniere observeea Takapoto restant de faible amplitude, il n’existe pasde periode deficitaire dans la nourriture disponiblepour les elevages d’huıtres perlieres.

En revanche, la variabilite journaliere est significative.La temperature, et les teneurs en chlorophylle a, englucides et en lipides varient selon un rythme nyc-

themeral en accord avec les observations de Sourniaet Ricard [63], Charpy et al. [17], Delesalle [23], selonlesquels [63] l’echelle de temps des processus bio-logiques est vraisemblablement tres courte, de l’ordrede quelques jours. Ainsi, la saisonnalite de la temper-ature, de l’ensoleillement et des precipitations ne suffi-sent pas completement a forcer le systeme a l’echelleannuelle.

4.2. Milieu globalement homogeneet occasionnellement stratifie

Nos resultats sur la temperature et sur la chlorophyllea confirment l’isotropie du milieu lagonaire. Lesvaleurs de chlorophylle a donnees par Sournia etRicard [63] durant l’hiver austral 1975 (variation de0,14 a 0,46 mg·L−1) s’inscrivent dans la gamme trou-vee ici, mais ces auteurs signalent a Takapoto ungradient N–S de concentration en chlorophylle, quin’est pas mis en evidence ici; soulignons que leuretude porte sur une courte periode (une semaine enaout 1975).

Notre etude a montre l’existence d’un leger gradientde PIM entre l’extremite NE et l’extremite SW dulagon. Ce phenomene est generalement observe pourdes vents de secteur NE, c’est-a-dire lorsque l’extre-mite SW de l’atoll est plus exposee aux phenomenesde remise en suspension. En revanche, ce schema n’estplus valide quand soufflent les alizes de SE de l’hiver(Mara’amu). Le present travail, mene sur une dureeannuelle, montre que les differences spatiales, quipeuvent exister de temps a autre, s’annulent perio-diquement pour laisser la vision d’un milieu relative-ment homogene a l’echelle annuelle. A l’inverse, dansles lagons de Moorea, Matavai, et Moruroa [23], desdifferences spatiales sont mises en evidence, mais ceslagons sont ouverts et les entrees oceaniques y sontimportantes.

Les mesures d’oxygene [56] montrent une parfaiteoxygenation de l’ensemble du lagon : de 5,7 a7,0 mg·L−1 en surface, la teneur en oxygene ne des-cend pas en dessous de 4,8 mg·L−1 sur le fond. Unetelle homogeneite implique un processus de melange.Parce que les arrivees d’eau par les hoas et a traversla couronne recifale sont negligeables, le vent est laprincipale cause de cette dynamique lagonaire.Rougerie [56] met en evidence une circulation interne

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due au vent. Bien que tres faible, elle cree un lentbrassage regulier des eaux du lagon entraınant leurhomogeneisation.

Pour la plupart des parametres etudies, les differencesspatiales sont tres restreintes (aussi bien horizontale-ment que verticalement) sur un bilan annuel. Ainsil’absence de passe, ou de fortes entrees d’eauoceanique, fait du lagon de Takapoto un milieuparticulierement homogene. De temps a autre, desgradients localises sont responsables d’un bruit defond a l’echelle annuelle, mais le lent brassage par lesfaibles courants lagonaires [56] reajuste periodique-ment les niveaux. Il s’avere que les elevages sontglobalement toujours soumis aux memes conditionsde nourriture au sein du lagon de Takapoto.

4.3. Influence des conditions meteorologiques

Le present travail a mis en evidence, entre le vent etla teneur en matiere minerale, une relation directe, quitraduit un phenomene de remise en suspension du auvent (mesure aux sites 1 et 2). En modifiant le contenuet la qualite du seston, ce phenomene peut affecterune grande partie de la masse lagonaire (les zones de20 m de profondeur ou moins representent plus de40 % de la surface du lagon). Dans un milieu ou lamatiere particulaire represente environ 1 mg·L−1,l’apport par remise en suspension peut jouer un roleimportant. Cette etude ne met en evidence qu’unemodification de la teneur en matiere minerale alorsque Charpy [13] montre a Takapoto qu’une stratifica-tion sur la chlorophylle a est presente en periodecalme et disparaıt des que le vent souffle. Charpy etal. [14] observent aussi que le vent entraıne la remiseen suspension de matiere organique d’origine ben-thique ; Torreton et Dufour [66] trouvent unecorrelation positive entre le vent et l’abondance enbacteries. Arfi et Bouvy [6] et Arfi et al. [7] travaillantsur un autre milieu lagonaire tropical montrentque la remise en suspension due au vent peutmodifier completement le reseau trophique de cemilieu.

Magnier et Wauthy [39] observent un gradient detemperature faible mais significatif du NE vers le SWen decembre 1974, cette situation suivant une periodetres pluvieuse et venteuse. Un an apres, en novembre1975, les memes auteurs constatent l’absence de strati-

fication qu’ils relient a des conditions meteo-rologiques relativement calmes. Ils montrent aussil’influence des conditions meteorologiques sur la pres-ence ou l’absence d’une stratification haline.

Les conditions meteorologiques jouent donc un roledeterminant dans les variations a court terme dans laphysico-chimie et la matiere particulaire des eaux dulagon. En outre, il faut noter que des conditionsparticulieres (longue periode de calme, fortes precipi-tations…) risquent d’avoir des repercussions non neg-ligeables sur les elevages, mais generalement reduitesdans le temps.

4.4. Composition de la matiere organique particulaire(POM)

Le present travail s’est limite a une quantification dela matiere organique sans en donner la compositiontaxinomique. D’une facon generale, la matiere ensuspension regroupe les cyanobacteries, les bacteries,les pico-eucaryotes, les micro-algues et les proto-zoaires (protistes), le zooplancton, les agregats et lamatiere detritique.

Les cyanobacteries presentes dans la colonne d’eau aTakapoto sont essentiellement du genre Synechococ-cus [17] et Prochloroccocus [16] dont les concentra-tions respectives sont en moyenne de 54 000 a191 000 cell·mL−1 et 10 000 a 50 000 cell·mL−1. Desobservations recentes montrent que les bacteries occu-pent une place importante en nombre, avec enmoyenne 1,2×106 cell·mL−1, mais qu’elles ne repre-sentent qu’une faible biomasse et surtout une faibleproduction, environ 10 % de la production phyto-planctonique [66]. L’abondance en pico-eucaryotes(planctonB2 mm) a ete estimee recemment [15, 17] etavoisine 4 000 cell·mL−1 [17]. L’abondance en micro-algues (\2 mm), beaucoup plus faible, varie entre 2 a2 000 cell·mL−1 [63]. Quantitativement, la dominancedes dinoflagelles (\50 %) est nette. La populationalgale est ensuite constituee par les coccol-ithophorides (25 %) puis par les diatomees. Les nano-et micro-zooplancton (les protozoaires) ont ete princi-palement etudies par Le Borgne et al. [34], et plusrecemment par Loret [36]. Les estimations sont vari-ables selon les methodes employees, de l’ordre de 5 %de la matiere organique totale. Leur role en tantqu’intermediaire trophique entre les cyanobacteries,

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les bacteries et l’huıtre perliere est tres probable (e.g.[25]). La biomasse en meso-zooplancton [51], enmoyenne 47 a 61 mg·L−1, se compose pour l’holo-plancton de copepodes (notamment Paracalanuspar6us, Acartia fossae, et Calanopia minor), d’appen-diculaires, d’amphipodes, et de chaetognathes(Sagitta oceania) et pour le meroplancton de larvesde poissons, de gasteropodes et de lamellibranches. Ilfaut noter la presence de meduses, le kea kea (Linucheunguiculata), entre decembre et avril.

Pour beaucoup de ces compartiments taxinomiques,les rapports P/B sont compris entre 1 et 2 j−1 [17, 62,63]. Par consequent, ces milieux semblent caracterisespar de rapides turn-o6er comme Furnas [26] l’a dejaindique pour d’autres milieux tropicaux. Ainsi, memesi la teneur en POM paraıt faible, son renouvellementest tres rapide.

4.5. Comparaison avec d’autres milieux

Temperature et Salinite :

La temperature du lagon de Takapoto suit le memeschema d’evolution que celle de l’ocean environnant[52], mais avec une plus grande amplitude qui s’ex-plique par le confinement des eaux et l’absence derelation avec l’ocean. Ce confinement des eaux dulagon de Takapoto se traduit aussi par une salinite de39, pour seulement 36 dans l’ocean environnant. Ledegre de confinement varie d’un atoll a l’autre : parexemple a Rangiroa (atoll ouvert) la salinite est iden-tique a celle de l’ocean [28] alors qu’a Tairao (atollferme en voie de comblement) elle s’eleve a 43 [21].Certains atolls peuvent presenter des salinites tresbasses, de l’ordre de 10, comme par exemple l’atoll deNiau (L. Charpy, comm. pers.).

TPM :

Des differences existent avec les lagons d’ıles hautesde Polynesie ou Ricard et Rougerie [54] trouvent unecharge sestonique variant entre 2 et 10 mg·L−1 dansle lagon de port Phaeton a Tahiti, due a l’apport desrivieres affluentes. Dans le lagon ferme de Scilly(archipel de la Societe), elle varie de 6 a 14 mg·L−1

[53]. Blanchot et al. [9] mesurent a Tikehau (atollouvert des Tuamotu) une charge sestonique de2 mg·L−1 en avril 1986.

Chlorophylle a et pheopigments :

La concentration en chlorophylle a reflete labiomasse en micro-algues, en pico-eucaryotes et encyanobacteries. Le tableau III permet de comparer lateneur en chlorophylle a mesuree a Takapoto aveccelle d’autres milieux de Polynesie francaise et duPacifique. Cette constance d’une teneur tres basse enpigments chlorophylliens, constatee dans cette regiondu Pacifique, s’oppose aux conditions des milieuxtemperes ou la valeur absolue est beaucoup pluselevee et la composante saisonniere beaucoup plusforte (1 a 20 mg·L−1) [27, 31, 48].

Proteines, lipides, glucides :

Ce type de dosage est generalement utilise pourdefinir la nourriture potentielle des bivalves [27, 31,32, 46, 48, 67]. La somme PLG est en moyenne de77 mg·L−1 et represente 22 % du seston organique.Cette methode ne permet pas d’analyser la totalitedes composants. En milieu tempere, plusieurs auteurs[32, 43, 47, 64, 67] montrent que la somme desconstituants biochimiques represente moins de 20 %du seston organique, les valeurs pouvant varier avecla saison.

D’un point de vue global, la somme PLG ne repre-sente que 22 % du seston organique; comme dans denombreux autres sites, une bonne partie de la matiereorganique particulaire reste refractaire aux analysesbiochimiques ; elle est generalement d’origine detri-tique. Ceci est a rapprocher des travaux de Charpy etCharpy-Roubaux [18] qui montrent a Tikehau que85 % du carbone organique particulaire est d’originedetritique, en bon accord avec les 20 % de matierenon detritique dans la presente etude. A contrario,Navarro et Thompson [46] extraient 70 % des consti-tuants biochimiques lors du bloom estival, a uneperiode ou la matiere detritique occupe une placeminoritaire.

D’un point de vue qualitatif, la matiere organique aTakapoto est composee de 1/3 de proteines, 1/3 deglucides et 1/3 de lipides. La teneur en lipides estdonc particulierement elevee. Dans un autre milieu,Parache et Masse [48] donnent une teneur en lipidesequivalente, en raison de l’abondance des dinoflag-elles riches en acides gras essentiels. La meme explica-tion peut etre avancee pour le lagon de Takapoto, oules dinoflagelles sont largement majoritaires [63]. Ces

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Tableau III. Tableau comparatif de la teneur en chlorophylle adans differents atolls.

Table III. Chlorophyll a value in several Polynesian islands.

Site de Teneur ReferenceTeneurprelevement oceaniquelagonaire

en mg·L−1 en mg·L−1

0,050,14 [14]Amanu(Tuamotu)

0,05Haraiki [14]0,32(Tuamotu)

0,05Hikuenu [14]0,20(Tuamotu)

[14]0,05Hiti (Tuamotu) 0,250,05Kauehi [14]0,15

(Tuamotu)0,050,21 [14]Marokau

(Tuamotu)0,08Mururoa [57]0,22–0,40

(Tuamotu)0,05Nihiru [14]0,13

(Tuamotu)– [57]0,10–0,30Raiatea

(Tuamotu)0,05Rangiroa [14]0,16

(Tuamotu)[28]0,10–0,20 0,08

0,43Reka-Reka 0,05 [14](Tuamotu)

0,32Taiaro 0,05 [14](Tuamotu)

0,050,23 [14]Takapoto(Tuamotu)

Tekokota 0,050,03 [14](Tuamotu)

0,050,17 [14]Tepoto sud(Tuamotu)

0,05Tikehau [14]0,17(Tuamotu)

0,05Toau [14]0,14(Tuamotu)

0,05 [14]0,14Tuanake(Tuamotu)

0,09Punaauia [42]0,12(Tahiti )

0,090,20 [54]Port Phaeton(Tahiti )

0,20Tiahura [35]0,10(Moorea)

0,03–0,21Tiahura [23]0,05–0,46(Moorea)

2,32 [61]2,32Hi6a-oa(Marquises)

1,00–2,30Kaneobe Bay – [65](Hawaı)

valeurs elevees en lipides sont originales par rapportaux milieux temperes ou les proteines et les glucidesdominent generalement devant les lipides qui ne re-presentent souvent que 10 % du total [32].

Notons que les rapports proteines/chlorophylle (enmoyenne 113), glucides/chlorophylle (en moyenne 70)et proteines /glucides (en moyenne 1,6) se rap-prochent des valeurs donnees pour le phytoplanctonvivant [5, 38].

4.6. Nourriture potentielle pour les elevageset capacite trophique globale

Dans ces milieux lagonaires, l’energie disponible, cal-culee a partir des PLG (en moyenne 2 J·L−1), montreque la nourriture potentielle pour les bivalves estfaible, mais remarquablement constante tout au longde l’annee. A titre de comparaison, en milieu tempere(Marennes-Oleron, France) l’energie disponible variede 10 a 120 J·L−1 [27].

L’analyse de la matiere organique totale (POM) con-duit a la meme conclusion. Avec une valeur moyennede 0,35 mg·L−1 de matiere organique, l’eau de cesmilieux lagonaires paraıt pauvre vis-a-vis des stocksde bivalves, naturels ou en elevage. Une recente etude[49] permet de montrer que, pour grandir assez rapi-dement dans ces milieux apparemment pauvres,l’huıtre perliere, comme d’autres bivalves tropicaux,developpe de tres fortes capacites de filtration. Enreprenant les resultats sur le taux de filtration (envi-ron 1 500 L·j−1 pour une huıtre perliere de 2 ans [49])et le stock total d’huıtres en elevage dans le lagon deTakapoto (2 millions d’individus [50]), des premierselements en matiere de capacite trophique du lagonde Takapoto peuvent etre avances. Par exemple, al’echelle du lagon, la consommation des cheptels enelevage ne represente que 0,05 % de la biomassetotale en matiere organique et 0,33 % de la produc-tion primaire de ce milieu. On constate que la placedes huıtres perlieres en elevage est peu importante ausein de l’ecosysteme. Pour l’ensemble des bivalves-competiteurs (750 millions d’individus, toutes especesconfondues [1]), les besoins de la population totale debivalves presente dans le lagon de Takapoto sontbeaucoup plus eleves : 5 % de la biomasse totale enmatiere organique et 37 % de la matiere apportee parla production primaire. Ces premiers calculs mon-

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trent que si les elevages occupent une place insignifi-ante dans le lagon de Takapoto, les competiteurspotentiels semblent etre des elements determinantsdans l’etude de la capacite de ces milieux a supporterune activite de conchyliculture. Une approche beau-coup plus complete sur la capacite trophique de cesmilieux, actuellement en cours, fera l’objet de futurespublications.

Remerciements

Ce travail, finance dans le cadre du Programme general derecherche sur la nacre, a implique de nombreuses personnes que lesauteurs remercient sincerement : S. Bougrier (Crema) et P. Geairon(Ifremer la Tremblade) pour l’aide dans la realisation des dosagesbiochimiques; l’equipe du SRM de Takapoto sous la direction deG. Haumani pour l’accueil et l’assistance exemplaire sur le terrain; l’Ifremer Tahiti, notamment J. Tiapari, G. Jonquieres, H.Teissier, P. Levy et C. Soyez pour les analyses de laboratoire et lesinnombrables prelevements sur le terrain, enfin C. Bacher et J.Prou (Crema) pour leurs conseils en statistiques.

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