Modifications des caractéristiques chimiques du lagon de ...

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UNIVERSITE FRANÇAISE DU PACIFIQUE U.F.R. Sciences THE SE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITE FRANÇAISE DU PACIFIQUE Discipline : Biogéochimie marine présentée et soutenue publiquement par Pierre HARRIS le 18 juin 1998 MODIFICATIONS DES CARACTÉRISTIQUES CHIMIQUES DU LAGON DE PAPEETE LIÉES À L'ACTIVITÉ HUMAINE: INTÉRÉT DES TRACEURS SÉDIMENTAIRES GÉOCHIMIQUES ET BIOGÉOCHIMIQUES DANS LA RECONSTITUTION DE L'ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT AU COURS DES 150 DERNIÈRES ANNÉES. Mme C. PAYRI M. B. COSTE M J.M. FERNANDEl M. R. FICHEZ M. H. GOLTERMAN M. A. SALIOT JURY Présidente, Professeur, Université Française du Pacifique Directeur de thèse, Professeur, Université de Méditerranée Examinateur, Ingénieur, CEA Directeur de thèse scientifique, Chargé de Recherche, ORSTOM Rapporteur, Directeur de Recherche, IHE Rappoteur, Professeur, Université Pierre et Marie Curie - 1 -

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Modifications des caractéristiques chimiques du lagon de Papeete liées à l'activité humaine : intérêt des traceurs sédimentaires géochimiques et biogéochimiques dans la reconstitution de l'évolution de l'environnement au cours des 150 dernières annéesDOCTEUR DE L'UNIVERSITE FRANÇAISE DU PACIFIQUE
Discipline : Biogéochimie marine
À L'ACTIVITÉ HUMAINE: INTÉRÉT DES TRACEURS SÉDIMENTAIRES GÉOCHIMIQUES
ET BIOGÉOCHIMIQUES DANS LA RECONSTITUTION DE L'ÉVOLUTION DE
L'ENVIRONNEMENT AU COURS DES 150 DERNIÈRES ANNÉES.
Mme C. PAYRI
M. B. COSTE
M J.M. FERNANDEl
M. R. FICHEZ
Directeur de thèse, Professeur, Université de Méditerranée
Examinateur, Ingénieur, CEA
ORSTOM
Rappoteur, Professeur, Université Pierre et Marie Curie
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REMERCIEMENTS
Oh, je voudrais tant Claude Payri que tu te souviennes,
Cette chanson Han Golterman était la ùenne,
C'était Alain Saliot ta préférée je crois,
Qu'elle est de Renaud Fichez, Bernard Coste et Jean-Michel Fernandez
Et chaque fois, Christian Badie les feuilles mortes,
Te rappellent à mon souvenir, Jean-Pascal Torréton
Jour après jour, Christophe Chevillon les amours mortes,
N'en finissent pas Simone Grand & Raymond Bagnis de mourir.
Avec d'autres F.X. Bard bien sûr je m'abandonne,
Mais leur chanson est monotone, le personnel du Centre ORS TOM de Tahiti
Et peu à peu Jean Pagés je m'indiffère,
A cela Joël Orempuller, Nicolas Maihota, John Paaofaite il n'est rien à faire.
Car chaque fois, Francis Sondag & Guy Cabioch les feuilles mortes,
Te rappellent Anne Larre & Joëlle Fillaud à mon souvenir,
Jour après jour, Laurent Massé & Jean-Pierre Tastet les amours mortes,
N'en finissent pas Jean-louis Monod & Nicole Garcia de mourir.
Peut-on jamais savoir Pascal Bach par où commence,
Et quand finit Laurence & Olivier l'indifférence,
Passe l'automne la famille Capolsini vienne l'hiver, la famille Torréton
Et que la chanson de Prévert.
Cette chanson, Tof & Sumo, Schouff & Schouffette les feuilles mortes,
S'efface Mickaël Caban & Claudie Navarette de mon souvenir,
Et ce jour là, Stéphane & Isabelle mes amours mortes,
En auront fini de mourir.
Et ce jour là, Jérome & Christel mes amours mortes,
En auront fini de mourir. Stéphanie Pourlier.
Chargé de Production : l'Institut de la Recherche et du Développement en Coopération.
Délégué de Production : le Territoire de Polynésie Française.
Réalisation : l'Université Française du Pacifique.
Tous droits de reproduction ... Ginette & Francis Harris.
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« ... Ah! l'argent ... Tu n'en connais pas la valeur. .. Mais ouvre les yeux,
regarde la vie, regarde tes contemporains ... L'argent peut tout, il permet
tout, il donne tout... Si je veux une maison moderne, une fausse dent
invisible, la permission de faire gras le vendredi, mon éloge dans les
journaux ou une femme dans mon lit, l'obtiendrai-je par des prières, le
dévouement, ou la vertu ? Il ne faut qu'entrouvrir ce coffre et dire un
petit mot : "Combien ? » (Il a pris dans le coffre une liasse de billets.)
Regarde ces billets de banque, ils peuvent tenir dans ma poche, mais ils
prendront la forme et la couleur de mon désir. Confort, beauté, santé,
amour, honneurs, puissance, je tiens tout cela dans ma main... Tu
t'effares, mon pauvre T arnise, mais je vais te dire un secret : malgré les
rêveurs, malgré les poètes et peut-être malgré mon cœur, j'ai appris la
grande leçon: Tamise, les hommes ne sont pas bons. C'est la force qui
gouverne le monde, et ces petits rectangles de papier bruissant, voilà la
forme moderne de la force. »
extrait de« Topaze», Marcel Pagnol.
Amon frère.
Chapitre 1 CADRE GENERAL DE L'ETUDE ................. 00 ...................... 00 .... 00 ........... .. 8
Chapitre 2 MATERIEL & METHODES ............................................................... ... 24
Chapitre 3 CARACTERISTIQUES SEDIMENTAIRES GENERALES DU LAGON DE PAPEETE ......... .. 45
Chapitre 4 GEOCHRONOLOGIE SEDIMENTAIRE DU LAGON DE PAPEETE
INTRODUCTION D'UN MODELE DE MELANGE
EVOLUTION DE LA SEDIMENTATION AU COURS DES 150 DERNIERES ANNEES ...... ... 72
Chapitre 5 INTERET DES ARCHIVES SEDIMENTAIRES
DANS LA RECONSTITUTION DES CONDITIONS TROPHIQUES DU LAGON DE PAPEETE
ETUDE PARTICULIAIRE DU PHOSPHORE (SPECIATION) .............................. . 104
Chapitre 6 UTILISATION DES METAUX COMME OUTILS
DIAGNOSTICS D'ORIGINE ET DE CONTAMINATION ANTHROPIQUE .................... .. 145
Chapitre 7 ETUDE DES HYDROCARBURES AROMATIQUES ET NON AROMATIQUES
COMME OUTILS DIAGNOSTICS D'ORIGINE- INTERET PARTICULIER DES HOP AN ES
ETUDE DES POL YCHLOROBIPHENYLS .................................................. . 179
Chapitre 8 SYNTHESE GENERALE .. 00 ............................................................. .. 227
CONCLUSION GENERALE ............................................................ ..... 237
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...................................................... 240
... L'environnement change au cours du temps sous l'influence des processus d'origine naturelle
ou anthropique. Comprendre ce qu'il est aujourd'hui, imaginer ce qu'il sera demain, demande
d'identifier les processus en jeu et les échelles d'espaces et de temps qui jouent un rôle significatif
dans cette évolution.
Les études environnementales, bien qu'elles demeurent relativement récentes, se sont
largement multipliées au cours de ces 20 dernières années. Elles répondent à des problématiques
scientifiques tant fondamentales (biodiversité, cycle du carbone, ... ) qu'appliquées comme
l'aménagement de l'espace ou la gestion des ressources par exemple. Elles répondent aussi à une
prise de conscience collective concernant d'une part la protection et la gestion des écosystèmes et
des ressources de notre planète, et d'autre part l'amélioration de la qualité de notre cadre de vie.
Ces études concernent l'ensemble des compartiments biotiques et abiotiques de la biosphère.
Dans ce contexte, les milieux aquatiques et notamment océaniques ont fait l'objet d'un effort de
recherche soutenu, avec en particulier la mise en place de grands programmes de recherche
internationaux (JGOFS, Global Change, ... ). Parallèlement, divers travaux se sont focalisés sur les
milieux côtiers et estuariens qui sont, du fait des concentrations industrielles ou urbaines, les milieux
les plus sollicités par les aménageurs et donc potentiellement les plus touchés par la pollution.
On peut distinguer deux types de pollution ou de contamination anthropique. D'une part celles
qui affectent directement la croissance, la reproduction voire la survie de certains organismes. Ces
pollutions sont dues à la toxicité de certains composés chimiques qui agissent parfois a de très faibles
concentrations. C'est le cas en particulier des composés organochlorés fabriqués par l'Homme,
comme les pesticides ou les PCB, mais aussi des hydrocarbures et des métaux lourds. La pollution
des milieux aquatiques peut être également indirecte. Ainsi, des rejets importants de phosphore ou
d'azote dans le milieu marin favorisent le développement d'algues dont la prolifération puis la
décomposition peuvent conduire à d'importants déséquilibres des écosystèmes marins (phénomène
d'eutrophisation). D'autre part, certaines pollutions peuvent avoir une influence sur la capacité de
charge de l'environnement, comme par exemple la sédimentation, accélérée sous l'action anthropique
(travaux de terrassement, déforestation ... ).
Les sources majeures eUou significatives de ces contaminants sont aujourd'hui bien identifiées
(source pétrogénique, rejets automobiles, activités industrielles et agricoles, rejets d'égouts, etc.) ainsi
que leurs modes d'injection dans l'environnement (air, eau, sols, sédiments) qu'ils soient diffus ou
localisés. Les contaminations qui en résultent peuvent ainsi être régionales (pollution radioactive par
exemple) ou au contraire très localisées.
A cause de leurs grandes capacités d'adsorption, les sédiments sensu lata représentent un
support privilégié pour les contaminants. Ils sont considérés, à juste titre, comme un lieu ultime de
dépôt (e.g. séquestration) aussi bien pour des contaminants que pour la matière organique ayant
sédimenté. Ainsi, leur capacité d'accumulation séquentielle leur confère un potentiel d'enregistrement
des variations temporelles des flux et de la nature des contaminants (Valette-Silver, 1992 ; 1993).
Dans les années 1970, Goldberg et quelques autres chercheurs ont commencé à utiliser des carottes
de sédiments pour reconstruire l'histoire de la pollution côtière. Ceci a été rendu possible par
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u ...................................... b ........ _. ......... .....
l'utilisation des isotopes radioactifs e"Pb, 137Cs) en tant qu'outil de datation (Goldberg el al., 1976,
1978, 1979a,b ; Koide el al., 1976 ; etc.)
Parmi les récents travaux focalisés sur des carottes de sédiments, les milieux lacustres
(Schelske et Hodell, 1991; Bollhofer et al, 1994; Kada el a/., 1994), fiuviaux (Huntley el al., 1995;
Carignan et al., 1994; Gerritse et a/., 1995), marins (Buesseler et Benitez, 1994; Eadie et al., 1994;
Axelman et al., 1995; Nelsen et al., 1994), ou estuariens (Turner et Rabalais, 1994; Cundy et
Croudace, 1995; Cornwell el a/., 1996) ont été les plus étudiés. Toutefois, un faible nombre de ces
travaux s'est intéressé aux écosystèmes tropicaux. Pourtant, comme cela a été souligné aux congrès
internationaux sur les récifs coralliens de Guam en 1992 et de Panama en 1996, les milieux coralliens
sont soumis a des pressions anthropiques croissantes en raison de l'augmentation de la population, de
l'urbanisation, et du développement agricole et industriel.
Les récifs coralliens, adaptés à des conditions oligotrophiques, sont particulièrement sensibles
à la sédimentation (Richmond, 1993; Zann, 1994) et aux apports en sels nutritifs (Done, 1992;
Lapointe et Klark, 1992), qui peuvent modifier l'équilibre des peuplements benthiques en favorisant le
développement algaire, au détriment des peuplements de coraux hermatypiques (Payri & Naim, 1982).
Les manifestations de la dégradation de l'environnement récifo-lagonaire sont généralement
insidieuses (Gabric & Bell, 1993), ceci étant lié a la multiplicité et à l'interactivité des effets provoqués
par l'augmentation des apports terrigènes et anthropiques (Hallock & Schlager, 1986 ; Gunnarsson et
al, 1995).
En Polynésie française, et plus particulièrement sur l'île de Tahiti, les premières études
environnementales datent des années 80 (Larramendy et De Nardi, 1983; Poli et al., 1984; Fra izier et
al., 1985; De Nardi, 1989; Longomazino et al., 1993) et ont mis en évidence une dégradation de
l'environnement lagonaire dans le secteur de Papeete, capitale économique et administrative de la
Polynésie Française. En 1994, I'ORSTOM a lancé le programme de recherche ANTROPIC dont la
finalité est de dresser un bilan des conditions de milieu dans la zone la plus urbanisée du lagon de
Tahiti, et de proposer des outils de diagnostic de l'état de l'environnement lagonaire, utiles pour la
gestion du milieu.
Le présent travail de recherche s'inscrit dans le cadre de ce programme. L'intérêt scientifique
des études environnementales réalisées sur des carottes de sédiments datés nous a conduit à
envisager une action de ce type dans un écosystème lagonaire, et plus précisément dans le secteur le
plus urbanisé de l'île de Tahiti. Une telle approche doit permettre de replacer l'état actuel de
l'environnement dans son contexte évolutif avec une prospective sur les tendances futures. La
problématique scientifique peut se résumer en deux questions :
1. Peut-on reconstruire l'historique de déposition des sédiments lagonaires ?
2. Dans l'affirmative, est-il possible d'identifier, par le biais de certains traceurs
sédimentaires, la nature et l'évolution des principaux processus d'altération du milieu ?
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1.1.1. Place de Tahiti dans le Pacifique
Les quatre archipels qui constituent le Territoire de Polynésie française se compose de 118
îles hautes ou atolls situés entre 7 et 28" S, 134 et 155" 0 couvrant une superficie de près de 5,5
millions de kilomètres carrés, dont 3 430 km' de terres émergées. L'île de Tahiti appartient à l'archipel
de la Société et plus exactement au groupe oriental dénommé îles du vent (voir annexe 1 ).
1.1.2. Géomorphologie et pédologie
1.1.2.1. Système terrestre
L'ensemble de l'île de Tahiti est formé de 3 volcans. La durée de construction de Tahiti nui, le
volcan principal, s'étend de 1,25 à 0,3 millions d'années (Diraison, 1991 ), selon le type de volcanisme
intermittent de point chaud (ORSTOM, 1993). Le relief montagneux, très développé, atteint 2241 m
d'altitude au mont Orohena. La majeure partie de l'île est occupée par des pentes supérieures à 50 %.
De nombreux bassins versants rayonnants, de taille réduite, débouchent au niveau de la mer. Sur la
partie de nord-ouest de Tahiti, les deux plus importants sont ceux de la Punaruu et de la Papenoo
délimitant d'ouest en est un ensemble de petits bassins versants.
Sous le climat intertropical humide, toutes les formations volcaniques subissent une profonde
altération. L'hydrolyse en milieu faiblement alcalin des minéraux silicatés libère les oxydes qui sont
lessivés, à l'exception du fer et du manganèse. La silice et tous les autres éléments sont soustraits
(Jarne!, 1987). C'est à l'ensemble des matériaux d'altération que l'on réserve le nom de mamu quel
que soit le stade de maturation, stades de 1 à IV définis en 1969, par P. Petit (Brousse et al., 1985). Le
mamu rouge qui se développe préférentiellement aux dépends des basaltes porphyriques (océan iles,
ankaramites, basaltes à olivine), est tout naturellement le plus abondant à Tahiti.
Le processus marquant la pédogenèse est l'altération des roches volcaniques basiques qui
conduit à des sols d'érosion plus ou moins évolués, l'évolution s'accentuant à mesure que la pente
décroît. Dans toute la partie nord-ouest de l'île, on rencontre des sols ferralitiques fortement désaturés
en altitude à faiblement désaturés en plaine (Jamet, 1987).
1.1.2.2. Système lagonaire
Le lagon d'île haute comme Tahiti est un écosystème délimité d'un côté par la couronne
corallienne du récif barrière qui protège l'île des houles océaniques et de l'autre côté par la ligne de
rivage de l'île, sur laquelle peut se développer un récif frangeant, ces deux récifs étant alors séparés
par un chenal (Battistini et al., 1975 in Frouin, 1996). Le lagon de la partie nord-ouest de Tahiti
n'excède pas 500 m de large. Le récif barrière est interrompu par des ouvertures communiquant vers
l'océan : ce sont les passes qui sont généralement liées à l'embouchure de rivières dont les eaux
douces inhibent la croissance corallienne. Leur rôle est essentiel dans l'hydrodynamisme des lagons.
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Le récif barriére nord de Tahiti s'est édifié en deux étapes successives. Sur une ancienne
construction madréporique datant du pléistocène, un nouveau récif s'est édifié à la suite de la dernière
déglaciation (- 20 000 ans environ) induisant la récente montée du niveau de la mer (Davies et
Montaggioni, 1985). Cette nouvelle unité récifale, d'environ 87 m de hauteur a èté récemment datée à
environ- 14 000 ans (Bard et al., 1996a). La réponse de la croissance récifale aux variations du
niveau de la mer permet d'estimer une vitesse d'accrétion verticale comprise entre 9,3 et 20,6 mm.an·'
(Montaggioni et al., 1997).
La vitesse moyenne de subsidence pour Tahiti est d'environ 0,25 mm.an·' (Bard et al., 1996a),
valeur similaire à celle obtenue par d'autres auteurs (Pirazzoli et Montaggioni, 1985; Le Roy, 1994).
La profondeur du lagon de Papeete n'excédant pas 35 m de profondeur, il est possible de considérer
que sa mise en eau, en accord avec la remontée du niveau de l'eau (Figure 1) d'après Bard et al.
(1996b), n'excède pas 10 000 ans. L'écosystème lagonaire de Papeete est donc relativement récent
Ioo,-~--~--~----~--~--~----~------------~,
70
D'apres Bard et al., Geophys. Res. Lett. (1996)
Stade 5 Stade 7 Stade 9
5.1
0 .10 60 90 120 1.50 180 210 240 270 300 330 360 390
Age (xlOOO ans BP)
Figure 1 :Variation du niveau de la mer depuis 400 000 ans en fonction des glaciations (hauts niveaux) et déglaciations (bas niveaux).
1.1.3. Climatologie
La climatologie de la Polynésie française est de type tropical humide. La météorologie de la
Polynésie est commandée par deux zones de hautes pressions plus ou moins actives situées, l'une
sur l'île de Pâques (27"S, 11 0°W) l'autre sur les îles Kermadec (30°S, 180°W} qui induisent les vents
et la houle et influent sur les autres paramètres. Pour Tahiti, «l'effet d'île >> engendre un régime de
précipitation particulier.
1.1.3.1. Pluviométrie
On distingue classiquement une saison des pluies de décembre à mars et une saison sèche
d'août à novembre. Le relief entraîne un soulèvement des masses d'air et les précipitations sur Tahiti
sont beaucoup plus importantes sur les versants « au vent>> où elles peuvent atteindre 2 à 3 fois la
valeur moyenne régionale. que sur les versants « sous le vent». Les hauteurs de précipitations
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\.._,.JlQ.!--'.lU~ .l \.._,.Q.Ulc; gc;uc;Ial uc; 1 c;Luuc;
annuelles, variables selon l'altitude, peuvent être supérieures à 10 000 mm. an·' au centre de l'île
(Lafforgue, 1984 ). En l'absence de relief, les hauteurs de précipitations annuelles moyennes seraient
de l'ordre de 1700 mm.an·' (Pasture! in ORSTOM, 1993). La pluviométrie de la saison humide
représente 75 a 85 % de l'ensemble des précipitations sur la partie nord-est de Tahiti, la moyenne
annuelle des précipitations basée sur 15 années d'observation pour Papeete est de 3117 mm (Ferry,
1988).
1.1.3.2. Hydrologie
L'île de Tahiti est pourvue d'un réseau de rivières et de ruisseaux très dense. Les débits des
rivières dépendent de nombreux facteurs tel que la météorologie, la couverture végétale, les
caractéristiques morphologiques des bassins versants, etc. Mais le facteur de loin le plus important est
celui du régime des précipitations, qui, comme nous venons de le voir, est étroitement lié a l'altitude
ainsi qu'a l'exposition des bassins versants par rapport à la direction des vents dominants (Lafforgue in
ORSTOM, 1993). Les écoulements sont caractérisés par un fort ruissellement dû aux pentes abruptes
des versants. La grande majorité des courts d'eau ne demeurent permanents que grâce à l'abondance
des pluies, y compris pendant la saison dite sèche (Ferry, 1988).
Le débit annuel moyen des rivières ou module (exprimé en m3/s), rapporté à la superficie du
bassin versant, correspond au module spécifique Os (exprimé en 1/s/km') qui, en relation avec la
pluviométrie, permet sur l'île de Tahiti de distinguer 3 zones : les bassins versants exposés au vent
abritent des rivières avec des modules spécifiques généralement supérieurs à 150 1/s/km' alors que
sous le vent ces valeurs sont inférieures à 75 1/s/km'- Entre les secteurs bien protégés et ceux
exposés en toute saison, il existe une large zone intermédiaire partiellement exposée où les modules
spécifiques fluctuent entre 75 et 150 1/s/km' (Lafforgue, 1984).
Quand à la variabilité des débits moyens journaliers, elle peut étre extrêmement marquée en
raison de la soudaineté et de l'importance des crues. On parle d'ailleurs plutôt de «trains de crues»,
qui s'étalent parfois sur plusieurs jours. Au nombre d'une trentaine par an, ces trains de crues
surviennent pour 70 % en été, d'octobre à mars (Lafforgue, 1984). La configuration des bassins
versants, qui sont étroits et abrupts, favorise des phénomènes brefs mais de forte intensité,
caractérisé par des phénomènes de ruissellement d'une extrême brutalité et des débits de pointe qui
peuvent atteindre des intensités record dans le cas d'averses cycloniques. Par exemple, lors du
passage du cyclone Veena le 12 avril1983, le débit spécifique maximal a atteint 27 200 m3/s/km2 (soit
en valeur brute 2170 m3/s) dans le bassin de la Papenoo, alors que le module spécifique basé sur 16
années d'observations est de 147 m3/s/km2 (débit moyen de 11,7 m3/s) (Lafforgue, 1988).
Ces événements jouent un rôle capital dans le transport des matières solides. Il existe peu de
données de débits solides actuellement sur l'île de Tahiti. Une étude réalisée en 1994 sur la Nymphea
(bassin versant de 0,75 km') estime le poids de matière en suspension exportés en une année (du
1/04/93 au 31/03/94) à 179 tonnes, dont plus de 70 % au cours du seul mois de mars et 27 tonnes
pour la seule journée du 6/03/94. Entre le 5 et le 8 mars 1994, 30 000 m'd'eau transportant 61 tonnes
de matières en suspension ont abouti dans le lagon (Danloux, 1994 ). Le travail de thèse de G. Wotling
- Il -
1..-napnre 1 1..-aare general ae 1 emue
actuellement en cours sur les relations débits solides - débits liquides sur d'autres rivières de Tahiti
devrait fournir des résultats importants dans ce domaine, et permettra en outre de mieux appréhender
les problèmes des apports terrigènes dans le lagon. A titre d'exemple, sur 3 bassins étudiés dans le
secteur ouest correspondant à des degrés d'anthropisation divers, la charge en matière solide est
évaluée entre 50 tonnes pour un bassin « quasi naturel >> à 600 tonnes pour un bassin soumis à des
travaux de terrassements (Wotling, 1998).
1.1.3.3. Milieu marin
Pendant la plus grande partie de l'année, Tahiti, comme l'ensemble de la Polynésie, est
soumise aux alizés de nord-est durant la saison chaude (novembre à mai) et aux alizés de sud-est
pendant la saison fraîche Uuin à octobre). Les vitesses moyennes de vent sont de l'ordre de 5 à 6 m.s·'
passant par un maximum au mois d'août (régime de Mara'amu) et par un minimum entre fin mars et fin
avril (Pasture! in ORSTOM, 1993).
L'action des vents a un effet direct sur la surface océanique, engendrant des vagues de
hauteur et d'amplitude variables de façon temporaire et localisée («mer du vent») ou de façon
prolongée et généralisée à une large zone (houle).
A Tahiti, l'amplitude de marée est inférieure à 0,18 m. L'amplitude de vive eau moyenne est de
0,15 m, ce qui équivaut à un marnage moyen de 0,30 m (Lenhardt, 1991 ).
Peu de travaux ont été réalisés sur la courantologie des lagons d'îles hautes. On peut noter
ceux de De Nardi et al. (1983) sur le lagon de Papeete et ceux de Lenhardt (1991) sur le lagon de
Moorea. Les entrées d'eaux océaniques dans le lagon se font classiquement par dessus le récif­
barrière. Le volume d'eau rentrant dépend de la houle, qui assure le renouvellement des eaux du lagon
qui sont évacuées par les passes. La circulation des eaux lagonaires (direction et intensité) est
soumise à la quantité d'eau rentrant et au régime de vent.
Dans le lagon de Papeete, la courantologie peut s'entendre en trois points :
i) La houle de sud-ouest au droit du lagon de Faaa entraîne une surcharge des eaux du lagon
qui ne peut être évacuée totalement par la passe de Papeete et donc se retrouve en partie dans le
port. Cette force hydraulique s'oppose à l'entrée d'eau provenant du lagon de Taunoa dont une partie
est évacuée par la passe du même nom et une autre partie est évacuée par la passe de Papeete.
L'opposition entre ces deux masses d'eau engendre l'existence de deux couches distinctes : une
couche profonde qui s'écoule vers le lagon de Taunoa, une couche de surface dont l'écoulement
s'oriente en fonction du régime des vents.
ii) A l'est, la surcharge due à la houle rentrant sur le récif barrière d'Arue est évacuée pour une
partie par la passe de Taunoa tandis qu'une autre partie est évacuée par la passe Pomare. La
présence du récif frangeant intermédiaire entre le récif barrière et le récif frangeant côtier délimite un
chenal qui assure la circulation des eaux lagonaires avec une vitesse d'écoulement rapide pour cette
partie et isole partiellement la baie d'Arue dont le renouvellement des eaux s'en trouve amoindri.
iii) Des modifications locales peuvent survenir au droit des courts d'eaux lors des périodes de
crues. L'apport important d'eau douce agit principalement sur la couche de surface.
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1.2.1. Introduction
Découverte en 1767 par Wallis, visitée par Bougainville puis Cook les deux années suivantes,
Tahiti fut dès le XIX' siècle la plaque tournante de la Polynésie et Papeete sa capitale. Sa croissance
fut lente jusqu'au début du XX' siècle puis s'accéléra à partir des années 60. La croissance rapide de
l'agglomération pose une série de problèmes. Parmi ceux-ci figurent les contraintes de l'organisation
de l'espace dans une Tle volcanique : les terrains plats sont rares et la circulation aussi bien que la
construction des habitations y sont difficiles.
1.2.2. La croissance urbaine
Créée dans les années 1820, la ville de Papeete avait une croissance lente jusqu'à la
première guerre mondiale. Papeete est rapidement devenue le principal pôle du territoire et a vu sa
population s'accroître après la seconde guerre mondiale.
A partir de 1960, cette tendance s'accélère avec la conjugaison des événements que
constituent en 1961 la mise en service de l'aéroport international de Faaa et le tournage d'une
superproduction cinématographique d'Hollywood (/es mutinés du Bounty par la Metro Goldwin Mayer)
et, en 1963, l'implantation du Centre d'Expérimentation du Pacifique (CEP).
De 1962 à 1983, la population de la Polynésie française est passée de 84 600 personnes à
166 800 personnes soit une augmentation de 97,2 %, c'est-à-dire un taux annuel de 3,3 %. Pendant la
même période, la population de Tahiti est passée de 45 400 à 115 800 personnes, soit une
augmentation de 155% et un taux annuel de 4,57 %, et la population de l'agglomération de Papeete
est passée de 35 500 à 93 300 personnes, soit une augmentation de 163 % et un taux annuel de
4,72% (ORSTOM, 1993).
1.2.3. L'extension spatiale
La répartition de la population en Polynésie française, commune à la presque totalité des
archipels du Pacifique sud, est caractérisée par « l'abandon des !les lointaines et la concentration sur
les grandes terres » (Doumenge, 1990). La répartition de la population dans l'île de Tahiti correspond
à un autre modèle, tout aussi fréquent dans le Pacifique sud, celui de « l'abandon des montagnes et la
congestion sur le littoral>> (Doumenge, 1990). La ville créée dans un site à relief contrasté s'est
longtemps cantonnée au seul espace compris entre la rivière Papeava et l'avancée d'Auae à la
hauteur de l'Uranie (Carte 1). La rapide croissance de la population oblige l'urbanisation à franchir les
limites de la commune de Papeete et il faut prendre en compte les communes voisines,
l'agglomération dans son ensemble croît sensiblement plus vite que le reste du Territoire. La tendance
de la population de Polynésie à se regrouper n'est pas récente. Dès 1956, Tahiti concentre la moitié
de la population de Polynésie française et Papeete 50 % de celle de l'île, ce pourcentage s'élevant à
70 % avec les districts suburbains de Pirae et de Faaa.
- 13-
Chapitre 1 Cadre general de 1- etude
Mais c'est réellement à partir de 1963 que l'afflux massif de population entraîne un éclatement
de la ville qui, enserrée entre la mer et la montagne, déborde sur la plaine alluviale, L'évolution
démographique de Papeete et des six communes avoisinantes (Figure 2) illustrent la forte croissance
de l'agglomération de Papeete depuis un demi-siècle.
L'habitat a besoin d'espaces vierges, les remblais se multiplient le long du rivage, la plaine
alluviale rapidement saturée à proximité de Papeete voit un engorgement des vallées, et les travaux
de terrassement s'étendent aux pentes inférieures à 30 %.
150 ~ - ·-. Papeete + ·-*- Agglomération
1 + ~+! /
0 -T-- 1940 1960 1980 2000
Année Figure 2: Evolution de la population de la commune de Papeete, dans la zone urbaine de Papeete et sur l'île de Tahiti entre 1935 et 1995 (sources ISTAT, 1995).
1.3. Cadre historique
En 1955, quand furent prises les premières photographies aériennes du Territoire,
l'agglomération de Papeete ne s'étendait que sur 7 km, le long du rivage lagonaire entre Arue et Faaa
(Carte 1). Dans les vallées de la Tipaerui, Papeava et Fautaua les activités humaines étaient peu
développées, réduites à un habitat éparse. Les perturbations anthropiques étaient réduites à la zone
portuaire et ne concernaient que quelques centaines de mètres situés immédiatement au nord-est de
la ville.
Le développement de la ville de Papeete est certainement dû pour une large part à la situation
géographique de la rade de Papeete. Remarqué pour offrir un excellent mouillage, le port de Papeete
fut, dès le XIX' siècle un carrefour stratégique dans les échanges commerciaux du Pacifique sud. Les
infrastructures portuaires prennent naissance le long du littoral à l'est de la ville. Un quai en eau
profonde de 233 m de long construit en 1938, un appontement pour navires pétroliers de 105 m,
quelques débarcadères légers pour goélettes et un perré maçonné de 360 m de long constituent, dans
les années 50, l'armature du port. Quelques hangars et autres entrepôts forment l'essentiel des
superstructures qui reposent sur 4 000 mètres carrés de terre-plein.
- 14-
"' 0 Of) on ·E c. -"' ::0
"' "' "' ~ " " .. :;: "' 1-.. ., - Centre viDe Ë " D Zone urbanisée
., 1ii " Limite des recifs
n Recif fra"geant ~
1.3.2. Le Papeete d'aujourd'hui
L'ensemble des auteurs relatant l'histoire de Tahiti et de Papeete au cours du XX' siècle
s'accordent à dire que la ville connut une véritable mutation à partir des années 60, et plus
précisément avec l'installation du CEP en 1963 (Tetiarahi, 1983 ; 1984 ; Doumenge, 1990). Le
développement de la ville et de son port a modifié nettement la typologie du site, il en résulte de
profonds bouleversements sur l'environnement marin et terrestre (Fraizier et Franck, 1985 ; Salvat,
1990 ; Aubanel, 1993 ; Gabrié, 1995). Les pressions anthropiques se sont multipliées, provoquant des
modifications majeures de l'environnement, les mécanismes d'altération du milieu agissant souvent en
synergie.
a) Les extractions de coraux
Sous l'effet de la croissance des activités immobilières et des travaux publics qui en découlent
(construction d'un aéroport et d'un port au milieu des années 60), les sites d'extraction d'agrégats,
matériaux de base pour la construction et les travaux publics se sont multipliés. A Tahiti, 36 sites ont
donné lieu à l'extraction de matériaux coralliens, dont 13 sont implantés dans la zone urbaine. La
topographie des fonds a été bouleversée sur environ 100 hectares (ORSTOM, 1993). Le prélèvement
d'un volume de plus de deux millions de mètres cubes de sable corallien a ainsi été réalisé (80 % du
volume extrait provient de l'agglomération de Papeete). Les dragages, généralement opérés sur le
récif frangeant, perturbent durablement l'écosystème corallien (Poli et al., 1984) et font subir au lagon
alentour de graves atteintes. Perturbations physiques d'abord, puisque le récif est remplacé par de
vastes fouilles de 3 à 7 m de profondeur. Au cours de l'exploitation, il y a pollution des environs par un
véritable nuage de particules fines qui augmentent la turbidité des eaux généralement limpides et en
modifient ensuite les caractéristiques physico-chimiques. En se déposant, la vase étouffe bon nombre
d'organismes récifaux, certaines espèces de coraux étant particulièrement sensibles à ce phénomène.
L'accroissement de la turbidité nuit à l'assimilation chlorophyllienne, et donc à la production primaire de
l'écosystème (phytoplancton). Ces nuisances se poursuivent souvent pendant de nombreuses années,
même lorsque l'exploitation a cessé, car le moindre mouvement de l'eau, en lagon peu profond, remet
en suspension les sédiments. Enfin, le rôle protecteur du récif frangeant sur le littoral n'est plus assuré,
et une nouvelle répartition des courants lagonaires modifie l'équilibre existant.
Parallèlement aux extractions de matériaux coralliens sur le récif frangeant, des extractions de
sables, graviers, cailloux et blocs alluviaux sont réalisées dans le lit des rivières. Ces extractions
concernent surtout les sites de la Papenoo, de la Punaruu, et en ville le site de la Fautaua. Comme
dans le cas précédent, la mise en suspension des fines particules et leur transport vers le lagon
contribuent à altérer le milieu corallien.
b) Les remblais et les modifications du trait de côte
En 1988, le tracé du littoral est complètement artificiel sur plus d'une vingtaine de kilomètres,
délimitant en soi les nouvelles frontières de la zone d'extension urbaine du « grand Papeete ». Les
- 16-
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remblais pour les aménagements privés se sont multipliés. Dés les années soixante le récif frangeant
autour de la zone urbaine a été remblayé au point de disparaître presque complètement (Carte 2).
Les remblais conduisent a la mort souvent irréversible de l'écosystème récifal de type
frangeant (Aubanel, 1993). Ils sont rarement réalisés en alignement avec la côte et constituent donc
des excroissances qui perturbent la courantologie du lagon (Gabrié, 1995).
L'hydrodynamisme du lagon peut être profondément modifié par endroit. Il s'ensuit une modification
des flux sédimentaires et la création de zones confinées, peu propices à la vie corallienne, où se
concentrent la pollution des eaux et où s'accumulent les« macrodéchets » (Gabrié, 1995). Par ailleurs,
l'érosion de la ligne de rivage peut être accélérée après la mort du récif frangeant.
Il est important de séparer les grands travaux du reste des aménagements en raison de leur
significativité, de la simultanéité dans le temps et de leur profond impact sur l'environnement lagonaire.
La construction de l'aéroport international de Tahiti-Faaa, mis en service en 1961, a nécessité
l'extraction de plus d'un million de métres cubes de sable, si bien que 75 % du récif frangeant de la
commune a été détruit par les dragages ou recouvert par les remblais (ORSTOM, 1993).
La réalisation du Port Autonome de Papeete, fondé en 1962, a nécessité l'aménagement
d'infrastructures suffisantes pour répondre a l'augmentation du trafic portuaire. Le tonnage
manutentionné est passé de 130 000 tonnes en 1960 a 300 000 tonnes en 1963, pour atteindre, en
1966, 600 000 tonnes (Tetiarahi, 1983). La construction du port, s'appuyant sur le récif barrière et le
motu Uta, a fait disparaître, entre 1963 et 1966, une dizaine d'hectares de platier (Carte 3). Une digue
de 800 m de long a été édifiée sur le récif barrière et prolongée par la suite. En 1988, elle s'étend sur
près de 3 km de long et empêche la houle de déferler par dessus le front récifal et donc d'alimenter le
lagon en eau océanique. La carte 3 retrace les principales étapes de la construction du port de
Papeete depuis 1963.
1.3.2.2. Aménagements terrestres
Les terrassements constituent sans doute l'essentiel des dégradations terrestres en zone
montagneuse, mais les vallées de la zone urbaine n'ont pas été d'avantage épargnées, offrant des
possibilités d'accès plus naturelles que les lotissements en montagne, en tout cas moins coûteuses.
Les habitations se sont multipliées dans les vallées de la Tipaerui, Papeava, Fautaua, Nahoata. Ces
mêmes vallées concentrent l'essentiel des activités de petites industries de transformation, les plus
développées étant la Tipaerui, la Papeava et la Fautaua. Les rejets de cette activité industrielle, pas
toujours contrôlés, se font directement dans les rivières qui débouchent quelques centaines de métres
en aval dans le lagon. Le reste de l'activité industrielle est localisé au nord-est de Papeete sur les
zones de « Fare Ute >> et de « Motu Uta >> qui envoient une partie de leurs rejets directement cette fois
dans le lagon.
Outre les apports terrigènes au lagon, les rivières urbaines, caractérisées par des coefficients
de ruissellement importants, drainent l'essentiel des rejets d'eaux usées des citadins et en particulier
celles des habitants des vallées.
- 17-
PAPEETE en 1995
Passe de Papeete
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Les systèmes d'assainissement collectif des eaux sont pratiquement inexistants à Papeete.
Les rivières apportent également au lagon les déchets industriels et domestiques abandonnés dans le
lit des rivières en période d'étiage. L'élimination des déchets urbains est apparue, dès la fin des
années 60, comme un des problèmes les plus sérieux auxquels sont confrontés les pouvoirs publics
en Polynésie française. Les dépôts d'ordures se sont multipliés dans la commune de Papeete et les
communes voisines, le plus souvent dans le fond des vallées, en amont d'habitats souvent proches,
provoquant des nuisances pour la population concernée. En l'absence d'un tri sélectif des déchets, le
lessivage des eaux pluviales entraîne dans les cours d'eau d'importantes quantités de substances
toxiques. A partir des années 80, les communes tentent de s'organiser, avec la création du SITOM
(Syndicat Intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères) en 1984. En 1990, une usine de
traitement à double filière d'incinération et de méthanisation d'une capacité totale de 90 000 tonnes est
mise en service dans la vallée de la Tipaerui. Au bout de seulement cinq ans, c'est un constat d'échec
qui s'opère avec la fermeture de l'usine. En 1998, les communes semblent s'orienter vers une solution
pour le traitement des déchets avec la création d'un site d'enfouissement (C.E.T.) après tri sélectif.
1.3.2.3. Les pollutions biologiques et chimiques
Indéniablement, les pollutions biologiques (coliformes et streptocoques fécaux) sont dues à
l'absence d'un véritable réseau de collecte et de traitement des eaux usées dans toute
l'agglomération. Le Service d'Hygiène et de Salubrité Publique a mis en place, depuis 1985, une
surveillance de la qualité des eaux de baignades à Tahiti. Dès les premières études (1986), des eaux
de mauvaises qualités sont observées pour les zones se situant en face des grandes concentrations
urbaines comme la plage du Taaone. Certaines plages sont mêmes interdites à la baignade comme
celle d'Hokulea à Papeete, depuis 1984.
Les pollutions chimiques se sont multipliées au cours des trente dernières années dans toute
la zone lagonaire de l'agglomération urbaine. L'origine de ces pollutions semble plutôt domestique,
bien que les activités industrielles aient sensiblement augmenté au cours de cette période. L'essentiel
des polluants, domestiques ou industriels, aboutit dans le lagon. Le faible volume d'eau du lagon
provoque des concentrations importantes de polluants dans cette zone. Les travaux du Laboratoire
d'Etudes et de Surveillance de l'Environnement (L.E.S.E.) dans le cadre du Réseau Territorial
d'Observation (RTO) ont mis en évidence que la zone lagonaire chimiquement la plus polluée s'étend
de l'extrémité est de la piste de l'aérodrome de Faaa à la zone de Fare Ute pour ce qui concerne les
métaux lourds (Fra izier et al., 1985a,b; Fraizier et Franck, 1985; De Nardi, 1989).
En matière de détergents, la zone du port présente des concentrations bien supérieures à
celles de toute la zone lagonaire, ce qui confirme la forte participation des effluents urbains à ce type
de pollution (Fraizier et al., 1985a,b).
A Tahiti, les déchets spéciaux (tels que les PCBs, les huiles usagées, etc.) ne sont pas ou peu
traités (Gabrié, 1995). Actuellement, certains d'entre eux sont incinérés (PCBs, déchets hospitaliers)
ou stockés (pneumatiques, huiles, solvants, piles et batteries). Quelques initiatives privées sont
- 20-
Lnapme 1 Laure general ue 1 eluue
notables : une centaine de transformateurs au PCB hors d'usage ont été collectés et évacués, une
partie des huiles usagées est stockée (Laborde, 1994).
La consommation d'électricité et d'hydrocarbures ne cesse de progresser depuis 30 ans : la
consommation annuelle d'électricité est passée de 6 millions de kWh en 1960 à 275,7 millions de kwh
en 1992. 75% de l'énergie électrique est produite par des centrales thermiques. Dans le même temps
la consommation d'hydrocarbures est passée d'environ 60 000 tonnes en 1960 à 350 000 tonnes en
1992 (Gabrié, 1995). Parallèlement, le nombre de véhicules à quatre roues est passé de 2 200 en
1949 à 35 000 en 1980. Depuis, l'accroissement annuel du parc automobile est d'environ 5 000
véhicules (source ISTAT 1 STTT).
Les pollutions de surface dues aux déversements d'huiles usagées ou d'hydrocarbures
montrent une fois de plus que c'est la zone urbaine qui est la plus touchée (Fraizier et al., 1985a,b;
ORSTOM, 1993).
1.3.3. Conclusion
Les perturbations anthropiques, limitées jusque dans les années 50, ont été multipliées à partir
de la décennie suivante. Assainissement des eaux, traitement des déchets, agressions du milieu
lagonaire, autant de facteurs qui sont directement induits par l'explosion démographique et le
développement économique depuis les années 60. La politique urbaine développée depuis cette
période a été mal maîtrisée, la législation mise en place pour protéger l'environnement a trop souvent
été contournée, comme dans le cas des remblais « sauvages » ou des constructions sans
autorisation. Les pollutions induites par l'homme se concentrent généralement dans le lagon, ce qui fait
de la zone entourant la ville de Papeete un site privilégié pour l'étude des impacts anthropiques sur
l'environnement lagonaire.
1.4.1. Les études environnementales en Polynésie française
L'île de Tahiti a connu un développement économique associé à une croissance
démographique responsable de modifications majeures de l'environnement lagonaire au cours du
dernier siècle. Comme bon nombre de pays insulaires en voie de développement, Tahiti est peu
équipée en terme de système d'assainissement et de traitement moderne des déchets, les effluents
étant principalement collectés et rejetés directement dans le lagon par les eaux de ruissellements et
les rivières. Face à l'ampleur et la persistance des modifications observées en Polynésie, I'ORSTOM a
soutenu une première action de recherche sur les peuplements benthiques de substrats meubles à
partir de 1992. La dégradation générale mise en évidence par cette action de recherche a conduit au
lancement du programme ANTROPIC sur les perturbations anthropiques dans le lagon de Tahiti.
L'examen bibliographique des travaux concernant les caractéristiques du milieu montre que l'essentiel
des données disponibles proviennent de rapports internes du LESE (Raymond, 1982; De Nardi et al.,
1983; Larramendy et De Nardi, 1983; Fraizier et al., 1985; De Nardi, 1989; Longomazino et al.,
- 21 -
Chapitre 1 Ladre général de l'étude
1993). Ces données fournissent des éléments de base pour situer globalement certaines conditions du
milieu. Néanmoins, les études entreprises sont disparates et la couverture spatio-temporelle est
souvent insuffisante. De toute évidence, il manquait une action de recherche intégrée réunissant
différentes spécialités sur un même objectif de recherche et disposant du personnel suffisant pour
assurer une bonne résolution spatiale et temporelle des paramètres de milieu. Au-delà du simple
intérêt qu'il y a à surveiller de façon régulière le milieu marin, il est indispensable de renforcer l'effort de
recherche dans ce domaine si l'on veut comprendre les mécanismes d'altération du milieu et fournir
les éléments scientifiques nécessaires à une gestion rationnelle de l'environnement lagonaire.
1.4.2. Le programme ANTROPIC
C'est dans ce contexte que le programme de recherche ANTROPIC de I'ORSTOM a été
conçu pour apprécier les effets des activités humaines sur l'environnement marin dans les
écosystèmes coralliens. La finalité de ce programme est de dresser un bilan des conditions de milieu
(eutrophisation, hypersédimentation ... ) dans la zone la plus urbanisée du lagon de Tahiti, et de
proposer des outils de diagnostic de l'état de l'environnement lagonaires utiles pour la gestion du
milieu. Plusieurs opérations bien distinctes et d'importance variable servent les objectifs du
programme:
1. L'étude de la répartition des communautés benthiques et leur relation avec les conditions de
milieu (Travail de thèse de P. Frouin).
2. Le suivi des caractéristiques physico-chimiques et biologiques de la colonne d'eau étudiées par
campagnes mensuelles dans la zone la plus urbanisée du lagon de Tahiti.
3. L'étude de la variabilité à court terme et ses relations avec les événements climatiques
exceptionnels au moyen d'une station automatique de mesures située dans la baie d'Arue.
4. L'étude mensuelle du fiux particulaire en quelques sites sensibles de la zone sous influence
urbaine du lagon de Tahiti.
5. La biomasse et l'activité bactériennes dans les sédiments en relation avec la matière organique.
6. L'étude des modifications de l'environnement au cours des 150 dernières années liées à l'activité
humaine : intérêt des traceurs sédimentaires géochimiques et biogéochimiques.
1.4.2.1. Résultats
Quelques paramètres de l'environnement sont présentés ici afin de mieux définir les zones du
lagon les plus affectées par les perturbations anthropiques. Dans le cadre d'une étude préliminaire,
correspondant à la première phase du programme ANTROPIC (Fichez et al., 1996) un échantillonnage
sur une échelle spatiale large a tout d'abord été envisagé. Il s'agissait de procéder à un repérage des
sites les plus touchés par les apports terrigènes et anthropiques entre la passe de Taapuna (commune
de Punaauia) et la passe Pomare (commune d'Arue). L'échantillonnage a porté sur 31 stations qui ont
- 22-
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été visitées en quatre occasions de décembre 1994 à juillet 1995. Cette portion du lagon de Tahiti
présente plusieurs sources importantes de perturbations (Fichez et al., 1996) :
• Les débouchés est et ouest du canal de drainage de l'aérodrome de Faaa
• L'embouchure des rivières Tipaerui, Papeava, Fautaua et Hamuta
• La zone portuaire et urbaine de Papeete
• Les petites rivières côtières de la zone d'Arue.
Dans le cadre de la deuxième phase de prélèvements réalisée entre la passe de Papeete et la
passe Pomare treize campagnes mensuelles de mesures ont été réalisées sur la colonne d'eau à 23
stations de septembre 95 à septembre 96. La plupart des analyses ont été effectuées au Centre
ORSTOM de Papeete. Un tableau récapitulatif des moyennes par station des principales
caractéristiques observées dans la colonne d'eau entre octobre 95 et septembre 96 est reporté en
annexe 2. L'analyse des nutrients inorganiques met en évidence la zonation horizontale de
l'eutrophisation dans la zone lagonaire considérée (Torréton et al., 1997). Ainsi, la teneur en
chlorophylle a est-elle en moyenne de 1,8 ~g.l·' aux stations portuaires 7 et 8, soit environ 40 fois les
valeurs océaniques de surface de la région (campagnes Typatoll, Charpy et al., 1997) et environ 5 fois
les valeurs maximales reportées dans la même zone au cours d'étude antérieures (Larramendy et De
Nardi, 1983; Poli et al. 1984). Les sels nutritifs atteignent également des valeurs élevées en moyenne
jusqu'à 1,5; 0,7 et 0,5 ~mol.!·' respectivement pour les nitrates+ nitrites en fond de baie (Arue, station
23). Par comparaison, les eaux océaniques de la région en contiennent environ 0,2 ; < 0,1 et 0,1-0,2
en surface (données Typatoll, non publiées). Les moyennes établies sur la période d'octobre 95 à
septembre 96 montrent, pour l'ensemble des sels nutritifs, une structure spatiale commune. La zone
portuaire (stations 4 à 11) et les embouchures de rivières (stations 4, 9, 14 et 22) apparaissent ainsi
les plus touchées par l'eutrophisation. A l'inverse, la zone récifale d'Arue (stations 18 et 19), sous
influence océanique, présente un état trophique peu différent des lagons d'atoll ou d'îles hautes peu
soumis aux pressions anthropiques (Torréton et al., 1997).
1.4.2.2. Perspectives
Le programme ANTROPIC s'attache à étudier les différents compartiments de l'écosystème
lagonaire de Papeete à travers une échelle spatio-temporelle permettant une résolution fine. L'étude
est menée sur la masse d'eau et sur le matériel particulaire. Cette première approche permet de
fournir un état présent de l'environnement
Une seconde approche consiste à envisager l'étude de traceurs géochimiques et
biogéochimiques sur des carottes de sédiments lagonaires et estuariens datés. Il devient alors
possible d'utiliser les sédiments comme des archives historiques de l'évolution de l'environnement au
cours du dernier siècle. Cette approche permet de replacer l'état actuel de l'environnement dans son
contexte évolutif et de prédire les tendances évolutives futures. C'est ce qui constitue le présent travail
de recherche.
S:lDOID:lTAT 2i' ST:lU:llllW
2.1. SITE D'ETUDE
Cette étude s'inscrit dans la phase Il du programme ANTROPIC qui a été redéfinie entre la
passe de Papeete et la passe Po mare qui comporte, outre les 4 stations « sédiments » (tableau 1 ), 23
stations « colonnes d'eau >>, 6 stations « piège à particules » et une station automatique de mesure
(figure 3). Les sites de prélèvements des carottes de sédiments ont été choisis en fonction des
connaissances acquises au cours du premier semestre 1995 (Fichez et al., 1996). L'objectif de ce
choix est de pouvoir suivre l'évolution des perturbations anthropiques dans les sites qui sont
actuellement les plus touchés par les activités (domestiques et industrielles) et qui correspondent
également à des situations géographiques contrastées.
Tableau 1 :Caractérisation des stations« sédiments>>.
Numéro carotte A B c D Nom station Baie Arue Papeava Port Papeete Tipaerui
Date prélèvement 13 décembre 1995 16 janvier 1996 1 ertévrier 1996 26 février 1996 Profondeur (rn) 20 34 23 24
longitude 149°32, 189' w 149' 34,214' w 149°34,371' w 149°34,840' w latitude 1r31,353' s 1r 31,584' s 17'32, 143' s 17.32,550' s
Situation Fond de baie protégé Embouchure de la Site portuaire Embouchure de la géographique par un récif-barrière, rivière Papeava rivière Tipaerui située
près de l'embouchure protégée par un au droit d'une passe de la Nahoata récif-barrière
Densité humaine moyenne Très forte Forte Moyenne Activité anthropique Habitat élevé Habitat très élevé Habitat très élevé Habitat moyen
Faible industrie Forte industrie Forte industrie Très forte industrie
Carotte A: il s'agit d'une station de fond de baie protégée par le récif, qui est a priori une zone
d'accumulation préférentielle, de faible hydrodynamisme. Le bassin versant de la rivière
Nahoata est largement colonisé par des lotissements. Une activité industrielle de moyenne
importance s'est développée dans les années 80. La baie d'Arue abrite un port de plaisance de
faible capacité. A l'est de la baie, le motu dit « Motu d'Arue » a été en partie remblayé dans les
années 80 et est relié depuis à l'île de Tahiti.
Carotte 8 : cette station correspond à un estuaire urbain protégé par le récif-barrière. La rivière
Papeava traverse un secteur de la ville de Papeete qui est fortement urbanisé et à fortes
activités humaines. La rivière draine une partie des rejets domestiques de la ville. Au niveau de
l'exutoire, une activité industrielle s'est continuellement développée depuis les années 60.
Carotte C : le port de Papeete, comme il a été mentionné dans le chapitre précédent, a connu des
modifications majeures au cours des dernières décennies. Entouré par la ville de Papeete, cette
partie du lagon est un site privilégié de rejets à la fois domestiques et industriels (activité
portuaire). Le port est le lieu de débouché de la rivière Vaiami (petit bassin versant de superficie
inférieure à 3 km2 ) mais le site de prélèvement est relativement éloigné par rapport à l'exutoire.
Carotte D : l'estuaire de la Tipaerui est situé au droit de la passe de Papeete dans une zone où
l'hydrodynamisme est élevé. La vallée de la Tipaerui correspond à l'implantation de la zone
industrielle la plus ancienne et la plus développée de l'ile.
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2.2. PRELEVEMENTS ET ECHANTILLONNAGE
2.2.1. 1. Le carottier
Le carottier utilisé pour les prélèvements a été conçu et réalisé au centre ORSTOM de Tahiti.
La quantité de matériel nécessaire (environ 500 g par horizon sédimentaire) pour l'ensemble des
analyses nous a conduit à choisir un carottier de grande taille (diamètre = 225 mm, longueur = 1 m)
réalisé en PVC haute densité. Afin de pouvoir échantillonner la carotte plus facilement, le tube a été
coupé en 2 dans le sens longitudinal. L'étanchéité de chaque demi coque est assurée par une
mortaise sur chaque tranche dans laquelle s'insère un joint torique en PVC (~ 3 mm). Le tube est
maintenu fermé à l'aide de boulons vissés le long d'un profilé en aluminium fixé sur chacune des
parois. Les extrémités du carottier sont équipées de deux bouchons étanches Uoint torique en haut,
joint plat en bas). Une coiffe amovible est posée sur le haut du carottier permettant la pénétration dans
le sédiment à l'aide d'une masse tout en protégeant le tube. Un schéma détaillé du carottier est
présenté en annexe 3.
Un second carottier, composé uniquement d'un tube de même caractéristiques et équipé de 2
bouchons étanches, a été utilisé spécialement pour les analyses de 137Cs.
Un petit carottier de faible diamètre (40 mm) a également été utilisé pour les radiographies.
2.2.1.2. Prélèvements
Les prélèvements ont été effectués en scaphandre autonome à partir d'une embarcation
légère (N/0 Caris). Chaque carottage a été précédé d'une sortie prospective en plongée où 4 à 6
carottes de faible diamètre (40 mm) ont été prélevées systématiquement dans le but de définir avec
exactitude l'endroit le plus adéquat pour le prélèvement des archives sédimentaires et d'évaluer
l'homogénéité de chaque zone d'étude.
L'enfoncement du carottier principal a été effectué manuellement à l'aide d'une masse. Pour
chaque station, le carottier est enfoncé d'environ 80 cm, la longueur exacte de pénétration est
mesurée afin d'être comparée a posteriori avec la longueur de la carotte. Après enfoncement du
carottier, le bouchon supérieur est mis en place, puis le carottier est dégagé à l'aide d'une « suceuse »
à eau à effet Venturi. Une fois le carottier dégagé, le bouchon inférieur est installé et l'ensemble est
remonté à la surface à l'aide d'un parachute.
2.2.1.3. Echantillonnage d'une carotte
Une fois le prélèvement effectué, la carotte est transportée verticalement jusqu'au laboratoire.
Le bouchon supérieur est enlevé et les premiers centimètres sont échantillonnés à l'aide d'une spatule.
Le carottier est ensuite posé horizontalement sur un bers et la demi coque supérieure est retirée. La
carotte est découpée en horizon d'un centimètre. Pour chaque tranche échantillonnée, le matériel
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sédimentaire est ensuite conditionné soit dans des barquettes en aluminium (préalablement rincées à
l'acétone puis calcinées à 450 °C), soit dans des sacs étanches ou des flacons en polycarbonate
(stériles). Suivant le type d'analyse projeté, ces échantillons sont conservés soit à- 24 oc, soit séchés
à l'étuve (60 °C) ou lyophilisés (tableau 2).
Au total, 241 horizons sédimentaires ont été découpés et conditionnés (67 pour la carotte A,
62 pour la carotte B, 51 pour la carotte Cet 61 pour la carotte D). Une fiche d'observation a été établie
pour chaque carotte et est reportée en annexe 4.
Tableau 2: Quantité, conditionnement et consetvation du matériel sédimentaire requis pour les différentes analyses effectuées.
Analyses Quantité conditionnement Traitement 1 Conservation CHN 0,1 g Flacon plastique Lyophilisation Datation ~•uPo 10 g Sac plastique Congélation 1 séchage 137cs,210Pb,226Ra,235u 400 à 600 g Géométrie L.E.s.E.• Frais Détergents 15 g Flacon plastique Congélation Fraction acido-soluble 0,1 g Barquette aluminium Lyophilisation Granulométrie 20g Sac plastique Congélation 1 frais Hydrocarbures 100 g Barquette aluminium Lyophilisation Métaux lourds 20 g sac plastique Congélation 1 séchage Polychlrobiphényls 20 g Flacon plastique Lyophilisation Perte au feu 5g Barquette aluminium Lyophilisation Phosphore 2g Barquette aluminium Lyophilisation Pigments chlorophylliens 10 g Flacon plastique Lyophilisation Radiographie 2 kg environ Carotte entière Frais Teneur en eau 200 à 300 g Barquette aluminium Frais 1 séchage
" Il s'agit de boite en polyéthylène de forme et de capacité variable selon la quantité d'échantillon.
2.2.2. Matériel en voie de sédimentation
2.2.2.1. Prélèvements
L'ensemble d'un piège à particules est constitué de 3 cylindres en PVC de 8 cm de diamètre et
de 50 cm de long, afin de respecter un rapport (longueur sur diamètre) supérieur ou égal à 5 pour
assurer la remise en suspension des particules dans les tubes (Gust et al., 1996). Le piège est posé à
1 m de l'interface eau-sédiment pour s'affranchir des problèmes liés à la resuspension.
Une série de 6 pièges à particules a été déployée dans le lagon de Papeete pendant 48 h au
cours de 13 campagnes mensuelles entre septembre 95 et octobre 96. En raison du trafic portuaire
interne, la station C n'a pu être suivie. Outre l'échantillonnage du matériel particulaire aux stations A, B
et D, trois autres stations ont également été échantillonnées : une station côtière à l'embouchure de la
Fautaua (correspondant à la station colonne d'eau no 14) ainsi qu'à deux stations récifales au récif
Papeava (colonne d'eau no 11) et au récif Arue (colonne d'eau no 18).
2.2.2.2. Echantillonnage
Après homogénéisation, le contenu de chaque cylindre a été placé dans un bêcher et agité
constamment. Le matériel particulaire a été ensuite collecté sur des filtres Whatman type GFIF de
porosité 0,7 IJm, prétraités à l'acide (HCI 1 N) puis calcinés à 440 oc. Le tableau 3 spécifie la taille des
filtres utilisés et le volume filtré en fonction du type d'analyse à effectuer.
"28-
1UU1l \. ..... J.J. ..... J:~ ........ lVJ: ..... UlV .......... .J
La charge sestonique (ou quantité de matériel particulaire) a été déterminée par simple pesée
après séchage à l'étuve à 60 oc pendant 48 h. Les protocoles pour la mesure de la chlorophylle et du
phosphore ont fait l'objet d'une étude méthodologique particulière (Pourlier, 1996). La chlorophylle a
été dosée par fiuorimétrie selon la méthode classique de Yentsch et Menzel (1963) et Holm-Hansen et
al. (1965) en utilisant le méthanol comme solvant d'extraction. Pour la mesure du phosphore
particulaire, la méthode d'Aspila et al. (1976) a été préférée à la méthode d'oxydation au persulfate
(Pujot-Pay et Ra imbault, 1994) mal adaptée aux fortes charges particulaires. La mesure de la perte au
feu a été conduite suivant le même protocole que dans les sédiments (cf. paragraphe 2.3.6).
Chacune des variables est déterminée par la moyenne des analyses sur les 3 cylindres
composant l'ensemble d'un piège. Les unités sont exprimées en terme de fiux (unité de masse.m·'-f' ou
convertis dans la même unité que les flux sédimentaires pour harmoniser les résultats en unité de
masse.cm·'-an·').
Tableau 3 : Analyses effectuées sur le matériel particulaire
Nature de l'analyse Diamètre du filtre Volume filtré Matière en Suspension (MES) 47 mm 200 à 750 ml Phosphore Organique Particulaire (POP) 47 mm 200 à 750 ml Piaments chloroohvlliens 25 mm 20à150ml
2.3. CARACTERISATION DES SEDIMENTS
2.3.1. Radiographie
Pour chaque station, une carotte sœur de faible diamètre a été radiographiée après
prélèvement. Les radiographies ont été effectuées sur film Kodak Curis XP avec une énergie variant
de 54 à 78 KV et une sensibilité de 51 à 80 Mas.
2.3.2. Bioturbation
Au cours des plongées prospectives, des observations ont été faites sur le milieu environnant
afin d'estimer l'importance de la biotubation. Frouin (1996) a étudié plus en détail ces paysages sous­
marins. Des photographies prises sur des quadrats de 0,25 m2 permettent de comptabiliser les terriers
occupés ou abandonnés récemment. Leur densité a été exprimée en terriers.m·'.
2.3.3. pH et potentiel d'oxydoréduction
Des profils de mesure du pH et du potentiel d'oxydoréduction (REDOX) in situ ont été conduits
pour les quatre stations d'études. Les mesures ont été réalisées à l'aide d'une sonde immergeable
type YSI 6000 équipée de 3 électrodes : pH, REDOX et une électrode combinée mesurant la
profondeur et la température. Les mesures ont été faites centimètre par centimètre sur un profil de 10
cm de profondeur. Trois mesures ont été effectuées à chaque niveau.
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2.3.4. Teneur en eau
La teneur en eau des échantillons de sédiment a été obtenue en mesurant le poids de
sédiment avant et après séchage à l'étuve à 105 oc pendant 24 heures uusqu'à stabilisation de la
perte de masse) (UNEP/IOC/IAEA, 1995). Le calcul de la teneur en eau (exprimé en pourcentage) est
fourni par l'équation :
Teneur en eau(%)= [(rn,- m2) 1 m1] x 100 = e (1)
où m1 est la masse de sédiment frais (en g) et m2 la masse de sédiment sec (en g).
2.3.5. Compaction
La densité du sédiment a été déterminée à posteriori sur les échantillons de sédiment sec par
différence de poids avec un ajout d'eau distillée dans une f1ole jaugée. Toutes les analyses ont été
faites en triplicat. La densité du sédiment (exprimée en g.cm-3 ) est donnée par la relation:
p, = (mr- rn,) 1 (Vr- v2)] (2)
avec : Vr est le volume de la fiole jaugée {= 10 cm-3),
v2 est le volume d'eau distillée ajoutée pour arriver a VT
mT est la masse totale (en g} (masse de sédiment sec+ masse d'eau distillée),
m2 1a masse d'eau distillée (densité= 1,00) (en g).
Dans le but de s'affranchir des problèmes de compaction des sédiments, il est préférable
d'exprimer la position des échantillons en terme de masse de sédiment accumulé plutôt qu'en
centimètre (Bollhëfer et al., 1994). La masse de sédiment accumulé, exprimée en g.cm·' est
déterminée à partir des équations (1) et (2):
Masse de sédiment accumulé = p, x [V (1 - 8)]/ S (3)
où Ps est la densité du sédiment,
ela teneur en eau,
V est le volume de l'échantillon
et S la surface de l'échantillon.
Selon Loring et Rantala (1992), la correction pour la teneur en sels est requise pour des
échantillons contenant une grande proportion d'eau salée interstitielle (> 70 %). Cette limite n'ayant
jamais été franchie dans nos échantillons, aucune correction n'a été appliquée.
2.3.6. Perte au feu
Les analyses de perte au feu ont été conduites pour estimer la teneur en matière organique
dans les sédiments (Fernex et al., 1992). Les échantillons de sédiments secs, environ 1 g, sont pesés
(m1) dans des nacelles en aluminium (calcinées è 550 oc et pesées) puis calcinés è 550 oc pendant
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'-Al L.
4 h. Les échantillons sont refroidis à température ambiante dans un dessicateur puis pesés pour
déterminer la masse après calcination (m2 ). La perte au feu est donnée par la relation :
P.A.F. (%) = [ (m1 - m2) 1 m1 ] x 100 (4)
2.3.7. Fractions sédimentaires soluble/insoluble dans l'acide
La méthode décrite ici est inspirée de celle de Loring et Rantala (1992) décrite dans le manuel
d'analyses géochimiques des sédiments marins de I'UNEP/IOC/IAEA (1995).
Environ 1 g de sédiment pesé (m 1) a été placé dans un bêcher en verre, et traité en ajoutant
30 ml d'acide chlorhydrique 1 M. La réaction d'acidification a été conduite à chaud (80 "C) pendant 1 h.
La fraction insoluble dans l'acide a été ensuite recueillie sur un filtre en fibre de verre, rincée à l'eau
distillée pour éliminer les traces d'acide, séchée à l'étuve pendant 48 h puis pesée (m2 ).
La fraction sédimentaire soluble dans l'acide (ou acido-soluble), exprimée en pourcentage, est
donnée par la relation :
Fraction soluble(%)= [(m, -rn,) 1 rn, x 100] (5)
La fraction insoluble dans l'acide (ou résiduelle) représente le complément pour atteindre
100 % de la fraction soluble.
Toutes les analyses ont été effectuées en triplicat pour tester la reproductibilité de la méthode
et la variabilité des échantillons. L'erreur est inférieure à 1 %.
2.3.8. Granulométrie
Sur les quatre carottes de sédiments, nous avons distingué la granulométrie du sédiment total,
la granulométrie de la fraction fine ( < 63 ~m) et la granulométrie de la fraction fine résiduelle insoluble
dans l'acide (figure 4 ).
Environ 20 g de sédiment ont été homogénéisés. L'analyse granulométrique totale a été
effectuée à partir de 50 à 100 ~g de sédiment, le reste est tamisé par voie humide sur un tamis de
maille 63 ~m. Après tamisage, un aliquote de 50 à 100 ~g de fraction fine a été utilisé pour la
granulométrie, 15 g ont été séchés à l'étuve (60 "C) et réservés à l'analyse des métaux. Un gramme
environ de sédiment tamisé a été acidifié en accord avec le protocole décrit dans le paragraphe 2.3.7.
Un aliquote de 50 à 100 ~g de la fraction résiduelle a été utilisé pour l'analyse granulométrique.
Les analyses ont été conduites sur un granulomètre de type LASER modèle HR 850-B qui
permet de distinguer 50 classes de taille sur les échelles 0-600 ~m ou 0-63 ~m. Les échantillons ont
reçu un traitement aux ultra-sons pendant 60 s à 50 % du cycle actif. Aucun dispersant n'a été utilisé.
Entre le passage de deux échantillons, 4 rinçages ont été réalisés. La reproductibilité de la méthode a
été testée sur des triplicats prélevés à différentes profondeurs de la carotte.
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Rivière (1977) :
• la texture des sédiments (quatre classes de tailles ont été distinguées: argiles, limons
fins, limons grossiers et sables)
• la médiane (Me), correspondant au pourcentage cumulatif à 50%
• l'indice de classement de Trask (So): So = (a75ta25 ) 112 avec a,, et a,, qui représentent
les quartiles correspondant respectivement à 75 % et 25 %
• le coefficient d'asymétrie ou « Skewness » (Sk) : Sk = (a,,. a,,) 1 Me'
• l'indice N d'évolution granulométrique (forme classique) (Rivière, 1977).
2.4. GEOCHRONOLOGIE
Les radioéléments utilisés dans l'étude géochronolologique ont été : 234Th (T112 = 1,91 an),
210Pb (T112 = 22,3 ans), 137Cs (T112 = 30 ans), le 226Ra (T112 = 1620 ans), 210Po (T112 = 138,4 jours), et 235U
(T112 = 5730 ans). L'activité du 210Pb a été déterminée par le comptage de l'activité a du 210Po (Flynn,
1968). Les activités des autres éléments ont été déterminées sur une chaîne spectrométrique y.
2.4.2. Préparation des échantillons pour l'analyse du 210Po
Le mode opératoire décrit ci-dessous est basé sur la méthode décrite par Flynn ( 1968)
modifiée par Nittrouer etal. (1979) et Serra etal. (1991):
1) Environ 5 à 10 g de sédiment sont placés dans un cristallisoir et séchés à 110 oc pendant
48 h. Le sédiment est ensuite réduit en poudre dans un mortier en agate.
2) Une quantité de 206Po (qui sert de standard interne) est ajoutée. La source de 206Po est
préparée dans de l'acide chlorhydrique (0,5 M). Pour limiter l'effervescence due aux
carbonates, on ajoute quelques ml d'eau dé ionisée.
3) Dans un bêcher en téflon, on ajoute 10 à 20 ml de HN03 pur (d = 1,42) et on porte à sec
au bain de sable (environ 90 °C).
4) On reprend avec HNO, à 67% (10 à 20 ml) puis on ajoute 1 à 2 ml de H202 110 volumes.
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lVJ.ICllVJ.l\,...J.;:! lX. J.Vl"-'lJ.J.VU."-'J
5) Après avoir porté à sec, on effectue deux autres reprises avec HNO, 67 %, puis 3
reprises avec HCI 37 %, en rinçant à chaque fois les parois du bécher avec le jet d'acide,
et en portant à sec à chaque reprise. La quantité d'acide varie entre 10 et 20 ml.
6) Le contenu du bécher est repris une dernière fois avec 20 ml environ de HCI 0,5 N. La
solution est ensuite filtrée sur filtre Millipore (porosité 0,47 ~m).
7) Le filtrat est ajouté dans des cellules à