La lettre du GIPRI - DIALOGUE & DEMOCRATIE SUISSE

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Reconnue d’utilité publique Messager de la Paix ONU 1988 Rue de la Paix, 7 Bis - 1202 Genève La lettre du GIPRI Institut International de Recherches pour la Paix à Genève Octobre 2014 N° 22 EDITORIAL « Ah, Dieu ! que la guerre est jolie… » Le premier vers du poème L’Adieu du cavalier (Calligrammes, 1918), de Guillaume Apollinaire, mérite sa place ici. D’autant que vient de mourir Richard Attenborough, qui réalisa le film musical Oh! What a Lovely War , en 1969, adaptation d’une comédie musicale. Apollinaire est né en 1880 à Rome, sujet polonais de l’empire russe, sous le nom de Wilhelm Albert Włodzimierz Aleksander Apolinary Kostrowicki , le nom de sa mère. Engagé volontaire en France en 1915, blessé et naturalisé français en 1916, le poète meurt à Paris le 9 novembre 1918, trois jours avant l’armistice. Apollinaire parle de ce qu’il connaît dans sa chair, Attenborough aussi, qui fut cameraman de guerre et prit part à des missions de reconnaissance de la Royal Air Force. Les laudateurs de la guerre aujourd’hui ne la font pas. Ils l’habillent de bons sentiments, la tiennent pour fatidique. Politiciens et journalistes figurent en bonne place dans le déchaînement des passions belliqueuses, des partis-pris grossiers, des commentaires grotesques. L’après Guerre-froide (qui ne le fut pas tant) est pleine de justifications des guerres concomitantes fallacieusement présentées comme inévitables. Les spin doctors s’activent en coulisse. Jusqu’au 9 novembre, la Bibliothèque Nationale Suisse et le Musée de la communication présentent à Berne une exposition remarquable, sous le titre, « Sous le feu des propagandes - La Suisse face à la Première Guerre mondiale » A titre d’illustration commémorative, cette Lettre du GIPRI 22 présente le roman du Genevois Louis Dumur La croix rouge et la croix blanche, publié en 1923. Son propos en dit long sur les stéréotypes et les clivages d’hier et d’aujourd’hui. Pour qui prend la peine de gratter la croûte des apparences, les analogies sont nombreuses, dans les faits comme dans les discours, entre la Grande Guerre et notre époque. Quel historien, quel journaliste, fait le rapprochement entre les conditions imposées à la Serbie en 1914 et en 1999 ? En 1914, la Serbie accepte toutes les conditions de l’ultimatum autrichien, sauf une : des enquêteurs autrichiens en Serbie. En 1999, les Serbes acceptent toutes les conditions sauf une : le déploiement de troupes de l’OTAN sur l’ensemble de leur territoire. Le peu pacifiste Henry Kissinger note que l’ultimatum inacceptable de la conférence de Rambouillet valait prétexte aux bombardements. N’épiloguons-pas sur les impostures archiconnues de Georges W. Bush et de son administration pour agresser l’Irak en 2003.Présentée comme inéluctable, l’agression occidentale de 2011 contre la Libye est éclairée d’un jour nouveau par Jean Ping, ancien ministre des affaires étrangères gabonais et ancien président de la commission de l’Union africaine (« Fallait-il tuer Kadhafi ?», Le Monde diplomatique août 2014 et Michalon, Paris, 2014). Il cite Thabo Mbeki, ancien président sud-africain : « Nous pensions avoir mis un terme à cinq cents ans d’esclavage, d’impérialisme, de colonialisme et de néo- colonialisme (…) Or les puissances occidentales se sont arrogé de manière unilatérale et éhontée le droit de décider de l’avenir de la Libye. » Jean Ping ajoute : « Pour nous, de toute évidence, le spectre de la guerre civile, de la partition, de la « somalisation » du terrorisme et du narco-trafic planait sur la Libye. » On connaît la suite. En 2013, chaussant les rangers de Sarkozy, le président Hollande, contrairement à ses propos légalistes de campagne électorale, déclare la France prête à intervenir en Syrie, même sans La lettre du GIPRI, N° 22, Octobre 2014

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Reconnue d’utilité publiqueMessager de la Paix ONU 1988Rue de la Paix, 7 Bis - 1202 Genève

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Recherches pour la Paix à GenèveOctobre 2014 N° 22

EDITORIAL

« Ah, Dieu ! que la guerre est jolie… »

Le premier vers du poème L’Adieu du cavalier(Calligrammes, 1918), de Guillaume Apollinaire,mérite sa place ici. D’autant que vient de mourir RichardAttenborough, qui réalisa le film musical Oh!What a Lovely War, en 1969, adaptation d’unecomédie musicale.

Apollinaire est né en 1880 à Rome, sujet polonaisde l’empire russe, sous le nom de Wilhelm AlbertWłodzimierz Aleksander Apolinary Kostrowicki, lenom de sa mère. Engagé volontaire en France en1915, blessé et naturalisé français en 1916, lepoète meurt à Paris le 9 novembre 1918, troisjours avant l’armistice.

Apollinaire parle de ce qu’il connaît dans sa chair,Attenborough aussi, qui fut cameraman de guerreet prit part à des missions de reconnaissance de laRoyal Air Force.

Les laudateurs de la guerre aujourd’hui ne la fontpas. Ils l’habillent de bons sentiments, la tiennentpour fatidique. Politiciens et journalistes figurenten bonne place dans le déchaînement des passionsbelliqueuses, des partis-pris grossiers, descommentaires grotesques.

L’après Guerre-froide (qui ne le fut pas tant) estpleine de justifications des guerres concomitantesfallacieusement présentées comme inévitables.Les spin doctors s’activent en coulisse.

Jusqu’au 9 novembre, la Bibliothèque NationaleSuisse et le Musée de la communicationprésentent à Berne une exposition remarquable,sous le titre, « Sous le feu des propagandes - LaSuisse face à la Première Guerre mondiale » A titre d’illustration commémorative, cette Lettredu GIPRI 22 présente le roman du Genevois

Louis Dumur La croix rouge et la croix blanche,publié en 1923. Son propos en dit long sur lesstéréotypes et les clivages d’hier et d’aujourd’hui.

Pour qui prend la peine de gratter la croûte desapparences, les analogies sont nombreuses, dansles faits comme dans les discours, entre la GrandeGuerre et notre époque. Quel historien, queljournaliste, fait le rapprochement entre lesconditions imposées à la Serbie en 1914 et en1999 ? En 1914, la Serbie accepte toutes lesconditions de l’ultimatum autrichien, sauf une :des enquêteurs autrichiens en Serbie. En 1999, lesSerbes acceptent toutes les conditions sauf une : ledéploiement de troupes de l’OTAN sur l’ensemblede leur territoire. Le peu pacifiste Henry Kissingernote que l’ultimatum inacceptable de laconférence de Rambouillet valait prétexte auxbombardements.

N’épiloguons-pas sur les impostures archiconnuesde Georges W. Bush et de son administration pouragresser l’Irak en 2003.Présentée commeinéluctable, l’agression occidentale de 2011 contrela Libye est éclairée d’un jour nouveau par JeanPing, ancien ministre des affaires étrangèresgabonais et ancien président de la commission del’Union africaine (« Fallait-il tuer Kadhafi ?», LeMonde diplomatique août 2014 et Michalon,Paris, 2014). Il cite Thabo Mbeki, ancienprésident sud-africain : « Nous pensions avoir misun terme à cinq cents ans d’esclavage,d’impérialisme, de colonialisme et de néo-colonialisme (…) Or les puissances occidentalesse sont arrogé de manière unilatérale et éhontée ledroit de décider de l’avenir de la Libye. » JeanPing ajoute : « Pour nous, de toute évidence, lespectre de la guerre civile, de la partition, de la« somalisation » du terrorisme et du narco-traficplanait sur la Libye. » On connaît la suite.

En 2013, chaussant les rangers de Sarkozy, leprésident Hollande, contrairement à ses proposlégalistes de campagne électorale, déclare laFrance prête à intervenir en Syrie, même sans

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l’aval du Conseil de sécurité. Il faudra la sagacitédu parlement britannique freinant le Premierministre Cameron, puis la reculade du présidentObama, pour dissuader les dirigeants français dese lancer dans l’aventure militaire. Queljournaliste évoque le projet de « Grand Moyen-Orient » lancé par Georges W. Bush la veille deson offensive contre l’Irak ?

Le cas ukrainien fait la part belle aux boutefeux.En février 2014, la visite des ministres des affairesétrangères polonais, allemand et français avaitdébouché sur un accord entre les partiesukrainiennes, violé aussitôt par les extrémistes.Les propagandes occidentales campent leprésident Poutine en nouveau Saddam Hussein,faisant fi de l’expansionnisme de l’OTAN depuisvingt ans, brillamment théorisé par ZbignewBrzezinski. Elles n'ont rien à envier à lapropagande russe, n’en déplaise à noscommentateurs embarqués (embedded journalists)sans s’en apercevoir.

Bien peu de ces commentateurs rappellent que laLibye et la Syrie maudites furent utilisées parl’administration étasunienne comme destinationsd e « transferts exceptionnels » (extraordinaryrenditions), autrement dit de délocalisation de latorture contre bien des suspects innocents. 54 paysmirent la main à la pâte, dont bien desdémocrat ies supposées insoupçonnableshttp://www.huffingtonpost.co.uk/2013/02/05/extraordinary-rendition-axis-of-evil-iran-syria-cia_n_2621401.html

La « der des ders », la coalition supposée anti-Etat islamique, devrait déciller les plus crédules.Pilier de l’OTAN, la Turquie veut démanteler sesrivaux, pas son propre Etat. Les Kurdes sont utilespour démolir l’Irak ou la Syrie mais ils sontodieux en Turquie. http://www.espritcorsaire.com/?ID=462/Fran%C3%A7ois%20_d%E2%80%99Alan%C3%A7on ethttp://www.espritcorsaire.com/?ID=461/Richard_Lab%C3%A9vi%C3%A8re Les frappes ont une allure cosmétique, sous lesyeux de l’armée turque qui laisse s’entretuer ses

deux bêtes noire supposées, l’une, l’Etatislamique, étant jugée moins dangereuse quel’autre, les Kurdes de Turquie, empêchés d’allersoutenir leurs semblables syriens. Turquie et Israëlsont les deux piliers régionaux de l’OTAN, d’oùle soutien franc de la France, plus nuancé desEtats-Unis. Cette lettre contient aussi un texte surla tragédie estivale de Gaza.

Allez voir l’exposition de Berne « Sous le feu despropagandes » en ayant à l’esprit les informationsactuelles sur les conflits en cours. Les outilstechniques se sont perfectionnés mais les ficellesdes propagandes politiques n’ont guère changé. La réponse militaire est rarement inévitable ettoujours insuffisante.

L’architecture de sécurité aurait mérité d’être miseà plat au sortir de la Guerre froide. Les relationsEst-Ouest et Nord-Sud sont marquées par lepassé. Les puissances gèrent le chaos qu’ellescontribuent à générer.

Jusqu’à quand ?

Gabriel Galice Président du Conseil de Fondation du GIPRI

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Inauguration de la Maisonde la Paix

Le Président Burkhalter plante un chêne

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La Maison de la paix a été inaugurée le 3 octobreà Genève, en présence de nombreusespersonnalités, conduites par le Président de laConfédération Didier Burkhalter, chef duDépartement fédéral des affaires étrangères. http://graduateinstitute.ch/home/relations-publiques/news-at-the-institute/news-archives.html/_/news/corporate/2014/inauguration-de-la-maison-de-la

Le Président du GIPRI, le Dr. Gabriel Galice, a eule plaisir de participer à cette belle manifestation.Le prestigieux édifice est le cœur du Campus de laPaix, dont le GIPRI est partie prenante. Puisse le lieu développer les synergies etpartenariats que mérite la noble cause de la paix !

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POINT DE VUE SUR L’ACTUALITE

Nos barbares

Gabriel Galice

L’Occident ne peut pas accuser de barbarieles fanatiques de l’Etat islamique sans faire sonexamen de conscience, déclare Gabriel Galice,président de l’Institut international de recherchespour la paix à Genève. Et d’interroger: combiende civils innocents meurent en Syrie sous le feude nos missiles «civilisés»? Combien dedjihadistes nos tueries «collatérales» vont-ellesengendrer?Les guerres mobilisent les émotions plusrapidement que les réflexions; elles précipitent lespartis pris, les insultes. Les guerres sont aussi descombats d’idées au travers de mots. L’«infowar»remplace la propagande d’antan. Les prétendus«djihadistes» sont qualifiés de «barbares» parleurs ennemis. Les djihadistes autoproclamés sontd e s b l a s p h é m a t e u r s q u i i n v o q u e n tintempestivement leur Dieu pour justifier leursturpitudes humaines. Dans la religion musulmane,le «grand djihad», le plus noble, est le combat

contre soi-même, que les chrétiens, sur leurregistre, nomment «vertu». Le petit djihad, moinsambitieux, est la promotion de la foi par la paroleet par le glaive, dont l’équivalent chrétien est lacroisade.

Les djihadistes sont-ils des barbares? Oui, sil’on remonte à la source grecque du mot, quidésigne les étrangers qui parlent en borborygmesune langue incompréhensible. Au-delà, le risqueest la négation de l’autre dans son altérité.L’exposition de Berne S o u s l e f e u d e spropagandes, consacrée aux slogans de laPremière Guerre mondiale, nous édifie sur lesressorts de la diabolisation de l’ennemi. Uneaffiche allemande intitulée «Sind wir Barbaren?»(Sommes-nous des barbares?) compare lespourcentages d’enfants sachant lire et le nombrede Prix Nobel en Angleterre, en France et enAllemagne. Pour douteuses qu’elles soient, lesflatteuses statistiques allemandes répondent à uneinjure commode de leurs ennemis. De part etd’autre, ce furent des paysans, des artisans, desinstituteurs, des commerçants, des intellectuelsqui furent jetés dans des massacres fratricides pardes engrenages diplomatiques, des jeux politiques,des intérêts économiques, des ambitions sociales,des fatuités militaires, des polémiques.

La violence islamiste (l’invocation de l’islam àdes fins politico-militaires) est inhérente à notre«mondialisation armée» (Claude Serfati),conquérante, dont les Etats-Unis sont le fer delance, l’OTAN le noyau dur, «les Occidentaux»l’appellation bien-pensante. Le doux commerceest une illusion soigneusement entretenue, dontdes études menées au Gipri (cahiers La Guerreest-elle une bonne affaire? Les Causes des guerresà venir) et ailleurs (Sabine Kurtenbach/PeterLock, Kriege als (über) Lebenswelten –Schattenglobalisierung, Kriegsökonomien undInseln der Zivilität) font justice. Les chefsdjihadistes sont des «entrepreneurs de violence»sur des «marchés de violence» (Tristan Landry)intrinsèques à la violence des marchés (du pétroleet autres). Leurs troupes sont des exaltéscherchant dans la violence et la cruauté une«identité» qui leur est refusée par ailleurs.

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L’expliquer ne l’excuse aucunement. Les romansde Yasmina Khadra (L’Attentat, Les Sirènes deBagdad notamment) nous en apprennentdavantage que bien des experts sur lesmécanismes de la violence islamiste ou islamisée.

Voir dans l’autre (personne, société) l’envers desoi-même est plus inconfortable que de nier soninhumaine humanité.

Le président Obama retrouve les accents martiauxde son prédécesseur, pour le plus grand bonheurdes faucons. Le ministre Fabius fait l’économied’une explication argumentée en stigmatisant «leségorgeurs de Daech». La triviale réalité est que les«Occidentaux» entreprennent depuis maintesdécennies le «remodelage du Grand-Moyen-Or ien t» , une zone a l l an t du Maroc àl’Afghanistan. Pour ce faire, leurs alliés israéliens,saoudiens, qataris ou turcs démantèlent les Etats(irakien, libyen, syrien), faisant obstacle à la«propagation de la démocratie» et à «l’ouverturede nouveaux marchés». Les guerres de religion(ou intra-islamiques) et les droits de l’homme sontles emballages marketing de ce dessein.

Les curieux liront avec intérêt les deux livresmajeurs de Benjamin Barber – ancien conseillerdiplomatique du président Clinton: Djihad versusMacWorld – mondialisation et intégrisme contrela démocratie et L’Empire de la peur – terrorisme,guerre, démocratie. Nos fanatiques et nos naïfs seberceront du discours puéril de la lutte entre lesgentils et les méchants, prenant les jeux vidéode Star Wars pour la réalité du monde.

Combien de civils innocents, femmes et enfantsinclus, meurent en Syrie sous le feu de nosmissiles «civilisés»? Ils n’ont pas leur visage surnos écrans, ils ne sont pas même dénombrés, ilsne comptent tout simplement pas, ces Djamel etautres Aziza. Ne sommes-nous pas leurs«barbares»? Combien de djihadistes nos tueries«collatérales» vont-elles engendrer? Combien defanatiques, d’abord instrumentalisés par nous, sesont-ils déjà retournés contre nous? Combienvont-ils le faire encore?

L’arbre des sabres sanglants ne doit cacher nicelui des missiles, ni la forêt du chaos du monde,entretenu, parfois créé par nos dirigeants pour sesvertus dangereusement supposées créatrices.

Gabriel Galice© 2014 LE TEMPS SA

Pour nos amis germanophones une version enallemand de l'article de Gabriel Galice.

Unsere Barbaren?Kriege mobilisieren die Emotionen

schneller als die Überlegungen; sie beschleunigenVoreingenommenheit und Beleidigungen.Die Kriege bestehen auch aus Kampfideen durchSchlagworte. Die sogenannten „Dschihadisten“wurden von ihren Gegnern als „Barbaren“bezeichnet. Heute spricht man von „Infowar“(Infokrieg).

Die selbsternannten Dschihadisten sind in der TatGotteslästerer, die Allah einfach anrufen, um ihreSchandtaten und Absichten zu rechtfertigen. Dieislamische Religion nennt den „GrossenDschihad“ den Kampf gegen sich selbst, - das wasdie Christen für die Tugend halten.

Der weniger ehrgeizige „Kleine Dschihad“charakterisiert die Ausbreitung des Glaubensdurch das Schwert, aber nicht um jeden Preis -mit allen möglichen Mitteln. Der „Kleine Dschihad“ ist mit dem christlichenKreuzzug vergleichbar.

Sind diese Dschihadisten von IS (IslamischemStaat) Barbaren? Ja, nach der Quelle desgriechischen Wortes, sind Barbaren diejenigen,die der griechischen Sprache nicht mächtig sind.Das heißt heute Ausländer, die eine für vieleunverständliche Sprache sprechen bzw. dereinheimischen Sprache nicht mächtig sind.Ansonsten ist die Benutzung des Wortesirrelevant, einfach nur, weil sie die unmenschliche

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Menschlichkeit des Anderen nicht in Betrachtzieht. Die Verteufelung tut gut, aber bringt wenigfür den Verstand und das Verständnis. In diesemSinne sprach Hanna Arendt von der „Banalität desBösen.“

Die Ausstellung in Bern: „Im Feuer derPropaganda – Die Schweiz und der ersteWeltkrieg“ ist ein gutes Beispiel für Manipulationin Kriegszeiten. So zeigt ein deutsches Plakat mitdem Titel „Sind wir die Barbaren?“,vergleichende Zahlen von alphabetisiertenSchülern und Nobelpreisträgern in England,Frankreich und Deutschland, zugunsten desReiches. In der Tat handelte es sich um Bauern,Kaufleute, Handwerker Lehrer, die in dasRäderwerk einer mörderischen Schlachtgegeneinander geraten. In Gang gesetzt habendieses Räderwerk führende Aristokraten, Politiker,Offiziere und Geschäftsleute, Waffenunternehmerinbegriffen.

Islamistische Gewalt hat wenig mit derislamischen Religion, viel aber mit Politik undGeschäft zu tun. Sie ist Teil und die Kehrseiteu n s e r e r „ b e w a ff n e t e n G l o b a l i s i e r u n g “(„mondialisation armée“ nach Claude Serfati).Die sogenannte Westliche Welt sind in der Tat dieUSA und ihre Verbündeten, de facto die NATO,d i e n a c h d e m K a l t e n K r i e g i h r eDaseinsberecht igung ver loren ha t . DieMilitäreinsätze sind Zeichen der westlichenHerrschaft, deren Hybris ihren Niedergangbeschleunigen wird. Im Irak, in Libyen undanderswo hat der Westen „Schurkenstaaten“gestürzt, dadurch aber unkontrollierbareTerroristen erzeugt. Diese Staaten bremsten dieAusdehnung des Westens und des Profits derUnternehmen.

Im Namen der Verbreitung des Demokratie unddes Kampfes gegen Terror produzieren wirTerroristen, vielleicht mit der verdeckten Absicht,ein „kreatives Chaos“ zu schaffen. Deramerikanische Autor und Ex-Berater des US-Präsidenten Clinton, Benjamin Barber, erklärt das

sehr klar in seinen zwei Büchern „Coca-Cola undheiliger Krieg: der grundlegende Konflikt unsererZeit“ und „Das Imperium der Angst: die USA unddie Neuordnung der Welt“. Schlimmer noch ist,dass der Westen mit dem Feuer spielt, wenn erdirekt Terrorgruppen finanziert und unterstützt,um einen Staat zu zerstören. Die Gegnerm a n i p u l i e r e n a n d e r e G r u p p e n . D i e s e„Stellvertreterkriege“ (Proxy wars) dauern nureine Zeit lang. Dann gewinnen die Gruppen anSelbständigkeit oder sie teilen sich und werdenunkontrollierbar, so wird Chaos zu Chaoshinzugefügt. Dies ist auch der Fall mit demislamischen Staat.

Die Arbeiten unseres Friedensforschungsinstitutsbeweisen das. Aus unseren Sommerkursen mitq u a l i f i z i e r t e n G ä s t e n h a b e n w i rVeröffentlichungen publiziert. 2007 war dasThema “Das Geschäft und der Krieg“. (La guerreest-elle une bonne affaire?). 2009 beschäftigtenwir uns mit den Ursachen und Gründen derkünftigen Kriege. (Les causes des guerres àvenir). 2010 veröffentlichen wir unser zweitesBuch über Irak, um die Meinung der Menschen indiesem Land in Erfahrung zu bringen. (Quelavenir pour l’Irak ?) Ähnliche Recherchenführten Kollegen von uns durch, wie z.B. SabineKurtenbach und Peter Lock, mit „Kriege als(Über)Lebenswelten – Schattenglobalisierung,Kriegsökonomien und Inseln der Zivilität“.

D i e s e „ B a r b a r e n “ h a n d e l n a l s„Gewaltunternehmer“ auf „Gewaltmärkten“(Georg Elwert, Tristan Landry) wie eineKriegsindustrie. Die massakrierten Geiseln des Westens habeneinen Namen und ein Gesicht, die Opfer der“Kollateralschäden“ unserer Bomben nicht. DieUngezählten zählen nicht. Sie existieren aber, siehaben Verwandte und Bekannte. Eine bestimmte Anzahl dieser Leute wird auf demWeg des Dschihads bis zu unseren ruhigenStädten vordringen. Wir im Westen unterschätzenu n d verstärken gleichzeitig das Gefühl vonUngerechtigkeit und Demütigung im Irak und

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anderswo. Die Romane von Jasmina Khadra „DieAttentäterin“, „Die Sirenen von Bagdad“ zeigendas eindrucksvoll und erfolgreich, besser als vieleExperten. Noch gefährlicher sind unsere eigenenDschihadis ten, unsere Landsleute , ihreBewunderer.

Die „Barbaren“ sind der Spiegel, den wirzerbrechen wollen, um in Ruhe unsere Taten zurechtfertigen. Es handelt sich aber nicht darum, zurechtfertigen, sondern zu verstehen.

Dr. Gabriel Galiceist Stiftungsratspräsident des InternationalenFriedensforschungsinstituts in Genf. Autor (mitChristophe Miqueu) von Penser la République, laguerre et la paix sur les traces de Jean-JacquesRousseau, Slatkine, Genève, 2012.

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POINT DE VUE SUR L’ACTUALITE

GAZA 2014 - MEMORANDUM JURIDIQUE SUR LA PROTECTION DES CIVILS

Emilia Richard

A la suite du kidnapping de trois jeunesisraéliens le 12 juin 2014, les forces de sécuritéisraéliennes ont lancé de vastes opérations derecherches et d’arrestations en Cisjordanie et àJérusalem Est. Ces opérations ont inclus de gravesrestrictions à la liberté de mouvement desPalestiniens ainsi que de tragiques dommages à lapropriété et aux personnes. Les corps des troisadolescents israéliens on été découverts le 30 juin.En représailles après cette découverte macabre,les forces armées israéliennes ont commencé àfrapper des cibles du Hamas et repris leur pratiquede démolitions punitives de maisons, pratique quiavait été suspendue en 2005. En réponse, le

Hamas a lancé plus d’une centaine de roquettessur l’Etat Hébreu. En date du 7 juillet 2014, Israëla lancé une opération militaire à Gaza, dont len o m d e c o d e e s t « Opération BordureProtectrice ». La spirale infernale de la violenceétait à nouveau lancée, avec dans l’œil ducyclone, les populations palestiniennes etisraéliennes littéralement prises en otage par lesforces armées des différentes parties au conflit.

L’ampleur des hostilités a excédé de très loin celledes précédentes hostilités de 2012 et 2008-2009.Ceci autant en termes de durée et de pertes en vieshumaines, qu’au niveau sans précédent dedestruction dans la bande Gaza. L’Etat Hébreu amené plus de 59'000 attaques sur Gaza, larguant15'000 tonnes d’explosifs, ce qui équivaut àenviron 30% de la puissance explosive de labombe atomique qui avait été lâchée surHiroshima. Selon l’Office de coordination desaffaires humanitaires (OCHA), 2'142 Palestiniensont été tués ou sont morts de leurs blessures entrele 7 juillet et le 26 août. Parmi eux 1'474 seraientdes civils, y compris 501 enfants et 257 femmes.Le statut de 381 personnes n’a pas encore étéclarifié et 287 membres de groupes armés auraientété tués. 11'100 palestiniens, y compris 2'088femmes et 3'374 enfants auraient été blessées dansce même laps de temps. De plus, toujours selonOCHA, 18'080 unités de logements ont ététo ta lement dé t ru i tes ou sont devenuesinhabitables, laissant environ 108'500 personnessans domicile. Du côté israélien, quatre civils,dont un enfant et un civil étranger, auraient ététués, ainsi que soixante-six soldats israéliens etune personne dont le statut est incertain. Lesdisparités en terme de pertes humaines et de mortsciviles et militaires sont deux indicateursextrêmement significatifs.

Au nom d’un droit à la légitime défensefaussement construit, la population civile de Gazaa été prise en otage autant par le Hamas que parl’Etat d’Israël. En effet, on ne saurait parler d’undroit à la légitime défense, qui relève du jus adbellum, dans le contexte d’un conflit armé, en

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cours depuis de nombreuses années, et plusprécisément dans le contexte d’une occupationmilitaire ayant débuté en 1967. Car malgré le« désengagement » unilatéral israélien de la bandede Gaza en 2005, ce territoire est toujoursconsidéré comme sous occupation effective. Eneffet, selon les termes du Plan de Désengagement,Israël maintient son autorité absolue et effectivesur l’espace aérien de Gaza et sur ses côtesmaritimes. De ce fait, l’Etat Hébreu exerceclairement une autorité gouvernementale sur ceszones. Si nous tenons compte de tous ceséléments, il est clair que le retrait des forces au solisraéliennes n’a pas mis fin à l’occupation. Lerégime juridique applicable à Gaza est donc ledroit de l’occupation. C’est donc le jus in belloqui s’applique et toute notion de légitime défensen’est plus juridiquement argumentable. Ensituation d’occupation militaire, ou de conflitarmé, le corpus juridique qui s’applique s’appellele droit international humanitaire. Ces règles sontclaires et bien établies et régissent les interactionsentre les belligérants. Le simple fait de justifierdes attaques de haute intensité et extrêmementviolentes contre des civils sans défense ettotalement vulnérables au nom de la « légitimedéfense » est un non-sens total. Le droit d’Israël àse défendre contre les roquettes est clair. Ladifficulté de cet Etat à mener des combats face àun ennemi déployé parmi la population civile estreconnu. Cependant, ces difficultés qui sontpropres à tout combat contre des forcesinsurrectionnelles, ne sauraient constituer desexcuses pour se relever de ses obligations enmatières de droit international humanitaire.

Rappel des obligations en matière de droitinternational humanitaire

Le droit international humanitaire est le droit quirégit la guerre ainsi que la conduite des hostilitésdes parties au dit conflit. Ce droit stipule demanière claire que l’on ne peut pas attaquern’importe qui, n’importe quoi, n’importecomment. Plus précisément, les principescardinaux de nécessité militaire, d’humanité, de

distinction, de proportionnalité, de précaution,ainsi que l’interdiction d’utiliser certaines armesconstituent les piliers du droit de la conduite deshostilités.

Les principes de nécessité militaire et d’humanitéconstituent l’épine dorsale du droit de la conduitedes hostilités, à la lumière desquels les normesdoivent être interprétées et appliquées. Le rôle deces deux principes est de limiter le comportementdes belligérants à ce qui est strictement nécessairepour atteindre un but militaire légitime, selon lescirconstances propre à chaque cas.

Le principe de distinction, requiert desbelligérants d’établir en tout temps une distinctionentre les personnes civiles et les combattants,ainsi qu’entre les biens à caractère militaires etceux de nature civile, ceci dans le but d’épargnerles biens et les personnes civiles. Ce principe estun principe cardinal du droit internationalh u m a n i t a i r e e t c o n s t i t u e u n p r i n c i p eintransgressible du droit international coutumier.Autant au niveau du droit conventionnel que dudroit coutumier, les attaques contre la populationcivile ou les objets civils font l’objet d’uneinterdiction absolue. Il n’y a pas de discrétionpossible dans l’invocation d’une quelconquenécessité militaire comme justification. Ladéfinition de bien à caractère civil est complexe etdoit être analysée à la lumière de plusieursprincipes importants. En premier lieu, un bienpeut être non seulement militaire par nature, maispeut l’être aussi par son emplacement, sadestination ou son utilisation. Un objet militaireapportera une contribution effective à l'actionmilitaire et sa destruction totale ou partielle, sacapture ou sa neutralisation doit offrir un avantagemilitaire précis. En cas de doute quant à la naturede la cible, le droit établit clairement qu’un objetqui est normalement dédié à des buts civils (telsqu’écoles, maisons, lieux de cultes et installationsmédicales), est présumé ne pas être utilisé en vued’apporter une contribution effective à l’actionmilitaire.

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En outre, toute attaque contre des biens doit êtremesurée à la lumière des principes deproportionnalité et de précaution. Le principe deproportionnalité1 stipule qu’il est interdit de lancerdes attaques dont on peut attendre qu’elles causentincidemment des pertes en vies humaines dans lapopulation civile, des blessures aux personnesciviles, des dommages aux biens à caractère civil,ou une combinaison de ces pertes et dommages,qui seraient excessifs par rapport à l’avantagemilitaire concret et direct attendu. L’applicationdu principe de proportionnalité nécessite plusieursétapes. En premier lieu, l’avantage militaire doitêtre concret et direct. Il ne peut être question decréer, avec une attaque donnée, les conditionsmenant à la capitulation de la partie adverse, aumoyen d’une attaque qui nuit à la populationcivile de manière insidieuse. Un avantagemilitaire peut seulement être légal lorsqu’ilcontribue à anéantir ou affaiblir les forces arméesde l’ennemi. En deuxième lieu, on doit prendre encompte dans le calcul de la proportionnalité nonseulement les pertes et dommages civils directs età court terme, mais également, pour autant qu’ilssoient prévisibles, ceux qui sont indirects et sur lelong terme. Toutes les personnes civiles, mêmecelles qui s’érigent « volontairement » en «boucliers humains », doivent être comptées dansle calcul de la proportionnalité. En outre, et demanière extrêmement importante, le fait que l’unedes partie au conflit utilise des « boucliershumains » pour protéger un objectif militaire, cecien flagrante violation du droit internationalhumanitaire, ne rendra pas l’objectif militaireimmunisé d’attaque. Cependant, les dommagescollatéraux subis par ces « boucliers humains » nedoivent pas être « excessifs par rapport àl’avantage militaire concret et attendu » del’attaque. En outre la partie attaquante devraprendre toutes les précautions requises pour éviterde toucher ces personnes. Ceci nous amène au principe de précaution qui seprésente sous deux aspects: les précautions dans

1Article 51(5) Premier Protocol Additionnel aux Conventions de Genève; Règle 14 de l’Etude de droit international coutumier du CICR

l’attaque (ou précautions actives) et lesprécautions contre les effets de l’attaque (ouprécautions passives). Le principe de précautionactive stipule que toute opération militaire doitêtre conduite en veillant constamment à épargnerles personnes et biens civils. Dans cette optique,la partie attaquante est dans l’obligation devérifier que les objectifs à attaquer sont bel et bienmilitaires et de mesurer les potentiels dommagescollatéraux. Dans le cas contraire, l’attaque devraêtre interrompue ou annulée. L’attaquant doitaussi choisir les moyens et les méthodes de guerrequi éviteront, ou en tous les cas réduiront, lespertes et dommages civils. Et lorsqu’il peutchoisir entre plusieurs objectifs militaires,l’attaquant est dans l’obligation de choisir celuiqui causera le moins de danger pour les personnesou biens civils. En dernier lieu, en cas d’attaquesusceptible d’affecter la population civile, lesbelligérants sont dans l’obligation, à moins queles circonstances ne le permettent pas, de donnerun avertissement en temps utile et par des moyensefficaces. Par efficace, il est entendu quel’avertissement doit donner assez de temps à lapopulation civile de prendre les mesuresnécessaires pour, par exemple, évacuer une zone.De manière absolument importante, le simple faitde procéder à des avertissements ne relève pas lapartie attaquante des ses obligations sous lesprincipes de distinction et de proportionnalité. Lesprécautions passives quant à elles stipulent queles parties au conflit armé doivent prendre toutesles précautions nécessaires afin de protéger lespersonnes et biens à caractère civil soumis à leurautorité des effets des attaques. Chaque partiedoit, dans la mesure du possible, éviter de placerdes objectifs militaires à l’intérieur ou à proximitédes zones fortement peuplées. Toujours dans lamesure de ce qui est pratiquement possible, lesbelligérants doivent éloigner du voisinage desobjectifs militaires les personnes et biens civilssoumis à leur autorité. En dernier lieu, commeévoqué un peu plus tôt, il est absolument interditde se servir de « bouclier humain » pour protégerun objectif militaire. Comme nous l’avons vu,toutes les mesures de précaution sont sujettes à

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l’expression « dans la mesure du possible ». Lesprescriptions contenues dans ces règles doiventêtre interprétées en construisant de la manière laplus étroite possible le pouvoir discrétionnaired’attaque des belligérants, et, par là même,d’étendre la protection accordée aux civils. Entout état de cause, le fait de ne pas prendre lesprécautions nécessaires et efficaces déterminera lerésultat du calcul de la légalité d’une attaque enmatière de proportionnalité.

Les préoccupations quant aux événements qui sesont passé à Gaza lors de l’été 2014 sont reliées àdes sérieuses questions quant à l’apparent échecdans le respect des principes susmentionnés. Lesallégations en matière de violations de la part duHamas et des forces armées israéliennes sontnombreuses : recours délibéré à une forcedisproportionnée ; a t taques d’objets c ivi lsconduisant au massacre de civils ; attaquesd’apparents objectifs militaires sans précautionsnécessaires ; attaques indiscriminées ayant desconséquences sur la population et les objets civilssans distinction, spécialement lors d’opérations ausol; attaques sur les écoles, y compris des écolesde l’UNRWA qui étaient utilisées comme abris parles personnes déplacées internes, en violation desl’immunité des locaux des Nations Unies ;attaques sur des hôpitaux, ambulances etpersonnel médical ; terrorisation et stratégie depunition collective de la population civile ; prisesd’otages ; exécut ions de « collaborateurs » ;allégations d’utilisation de boucliers humains ;camouf lage d ’a rmes dans des éco les ;positionnement d’objectifs militaires dans deszones très peuplées ; etc.

C’est pour cela qu’en date du 23 juillet 2014, autravers de sa résolution S-21/1, le Conseil desDroits de l’homme a décidé de dépêcherd ’ u rg e n c e u n e c o m m i s s i o n d ’ e n q u ê t einternationale indépendante, afin d’enquêter surtoutes les violations du droit internationalhumanitaire et du droit international des droits del’homme commises dans les terr i toirespalestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, en

particulier dans la bande de Gaza occupée, dans lecontexte des opérations militaires lancées le13 juin 2014, que ce soit avant, pendant ou après.La commission d’enquête a été aussi notammentchargée d’établir les faits et circonstances de cesviolations et des crimes perpétrés, d’en identifierles responsables, de faire des recommandations,en particulier sur les mesures de mise en cause desresponsables, le tout en vue d’éviter l’impunité etd’y mettre fin et de veiller à ce que lesresponsables rendent compte de leurs actes, ainsique sur les moyens de protéger les civils contretoute nouvelle offensive. La commissionenquêtera sur les potentielles violations et crimesperpétrés par toutes les parties au conflit. En tantque membres de la commission d’enquête, lePrésident du Conseil des droits de l’homme anommé William Schabas (Canada) commeprésident, ainsi que Doudou Diène (Sénégal) etMary McGowan Davis (Etats Unis d’Amérique).La responsabilité principale d’assurer des voies deréparations pour les victimes et de mettre fin àl’impunité appartient aux autorités israéliennes etpalestiniennes. Cependant, en constatation desmanquements certains en la matière, le travail decette commission d’enquête revêt une valeurparticulièrement importante, voir mêmeessentielle, dans le rétablissement du respect desdroits de l’homme dans la région, et dans sacontribution à un règlement de la situation deGaza qui est des plus urgents et qui ne peut êtreque global.

Dr. Emilia Richard

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POINT DE VUE SUR L’ACTUALITE

La crise ukrainienne dans uneperspective étasunienne et laproblématique de l’empire

Gabriel Galice

La vérité occidentale martelée veut que lePrésident Poutine entende reconstituer à la foisl’empire russe et l’Union soviétique.

Le Président Obama vint à Bruxelles proposer auxEuropéens de remplacer du gaz russe par du gazétasunien, à l’heure où se prépare la grandeaffaire du Partenariat Transatlantique sur leCommerce et l’Investissement entre l’UnionEuropéenne et les Etats-Unis d’Amérique (PTCI).

De l’Ukraine vue par les Etats-Unis

Tout cela n’est ni soudain ni inattendu pour quiprend la peine de relire les meilleurs stratèges desEtats-Unis. Dès 1997, Zbigniez Brzezinskiexplique dans son maître-livre : « Le grandéchiquier – l’Amérique et le reste du monde2 »(actualisé par « Le vrai choix » en 2004)pourquoi et comment contrôler l’Eurasie.« L’Eurasie reste l’échiquier sur lequel se déroulela lutte pour la primauté mondiale ». Né Polonais,successivement conseiller des présidents Carter etObama, Brzezinski annonce que « Le but de celivre est de formuler une politique géostratégiquecohérente pour l’Amérique sur le continenteurasien ». Hypothèses et raisonnements sontd’une grande rigueur intellectuelle. L’Eurasie estcentrale, l’Amérique doit y être présente pourdominer la planète, l’Europe est la tête de pont dela démocratie en Eurasie, l’OTAN et l’Unioneuropéenne doivent de conserve étendre leurinfluence en Eurasie, les Etats-Unis doivent jouer

2 Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde, Hachette Littératures – Pluriel, 2002.

simultanément l’Allemagne et la France (carte deszones d’influences respectives de ces deux pays àl’appui), alliés fidèles mais, de façon différente,remuantes et capricieuses. Cela sera laborieux :« Quoi que l’avenir nous réserve, on peutraisonnablement conclure que la primautéaméricaine sur le continent eurasien sera soumiseà de fortes turbulences et même confrontée à desépisodes de violence. » (p.85) L’auteur repèrecinq « acteurs géostratégiques » : la France,L’Allemagne, la Russie, la Chine et l’Inde et cinq« p i v o t s g é o p o l i t i q u e s » : l ’ U k r a i n e ,l’Azerbaïdjan, la Corée, la Turquie et l’Iran.Russie et Chine sont les deux limites àl’expansion projetée. « Exclure la Russie (de l’UEou de l’OTAN) pourrait être lourd deconséquences – cela validerait les plus sombresprédictions russes -, mais la dilution de l’Unioneuropéenne ou de l’OTAN aurait des effetsfortement déstabilisateurs.» « Le dilemme serésume à un choix entre équilibre tactique etdessein stratégique ». Le « pivot géopolitique »ukrainien fait l’objet de longs développements :« Dès 1994, Washington accorde la priorité auxrelations américano-ukrainiennes (p.140) (…) Aucours de la période 2005-2010, l’Ukraine pourraità son tour être en situation d’entamer desnégociations en vue de rejoindre l’UE etl’OTAN ». Brezinski suggère d’étendre àl’Ukraine le « triangle de Weimer » constitué en1991 par la France, l’Allemagne et la Polognepour en faire « la colonne vertébrale de la sécuritéeuropéenne. » « Une question essentielle se pose :ce scénar io se dé rou le ra - t - i l dans unenvironnement apaisé ou dans un contexte detension avec la Russie.» Nous avons la réponse.Mais le défi lancé aux Russes s’encombre peu desubtilités : « Pour que le choix de l’Europe - et enconséquence de l’Amérique – se révèle fructueux,la Russie doit satisfaire à deux exigences : toutd’abord rompre sans ambigüité avec son passéimpérial ; ensuite, cesser ses tergiversations àpropos de l’élargissement des liens politiques etmilitaires entre l’Europe et l’Amérique.» Bref, undésarmement unilatéral.

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Benjamin Barber, ancien conseiller du présidentClinton, complète utilement la vision étasunienne,dans une version plus modérée. Adversaire résoludu président George W. Bush et des néo-conservateurs, il oppose, dans son ouvrage« L’empire de la peur 3» , l e s « aigles »,schématiques et brutaux, aux « chouettes »,subtiles dans leur chasse entre chien et loup. Resteque les chouettes sont aussi des prédateurs. A la« guerre préventive » , B a r b e r p r é f è r e l a« démocratie préventive », sans s’illusionner surla « démocratie de marché » chère à certainsdémocrates : « Le désir de favoriser l’expansionde la démocratie forme une composantedéterminante de la démocratie préventivecomprise comme politique nationale de sécuritémais on confond souvent ce soutien avec le désirtout aussi intense d’exporter le capitalisme et decultiver les marchés mondiaux. (…) Dans lesecteur international, l’âge des robber barons(barons voleurs) – appelons-le les banquesprédatrices ou les spéculateurs hors-la-loi – est deretour.»

Barber tient l’Etat-nation pour garant de stabilité :« A longue échéance, les Etats-nations restentl’expression la plus puissante de la communautéhumaine et les meilleurs garants de stabilité (bienque pas toujours de démocratie). De plus, parcequ’ils se fondent sur la logique d’interdépendance(la logique du contrat social), ils disposent aumoins sur le papier des moyens nécessaires pourparvenir à des formes mondiales de gouvernancedémocratique. Dans la mesure où ils ne le font pas–ne s’étant pas engagés à construire des formessupranationales de gouvernance et des formesinternationales de législation et de coopération -,l’anarchie naturelle qui caractérise les relationsentre les nations risque fort de devenir toujoursplus destructrice » (p.96)

Brzezinski distingue l’Europe géographiquevassalisée (« Surtout l’Europe est la tête de pontgéostratégique fondamentale de l’Amérique (…)

3 Benjamin Barber, L’empire de la peur, Paris, Fayard, 2003.

Pour le dire sans détour, l’Europe de l’Ouest restedans une large mesure un protectorat américain etses Etats rappellent ce qu’étaient jadis les vassauxet les tributaires des anciens empires » p.88) del’Europe géopolitique : (« Par Europe, nousentendons l’ensemble géopolitique uni par le lientransatlantique et engagé dans l’élargissement del’Union européenne et de l’OTAN, tel qu’il prendtournure.4»)

La teneur de l’accord d’association entrel’Ukraine et l’UE illustre largement la volonté devaloriser les richesses (« stocks » industriels etagricoles, « flux » pétroliers et gaziers en transit)de l’Ukraine moyennant quelques corruptions desnouvelles élites, au nom de « la concurrence libreet non faussée » , d e l a « mobilité destravailleurs » , d e l a « récupération ou durapatriement des capitaux investis, de mêmequ’aux profits qui en découlent. » Le voletmilitaire n’est pas oublié : « promouvoir uneconvergence graduelle en matière de politiqueétrangère et de défense. » L’article 10 vise à« accroitre la participation de l’Ukraine dans lesopérations civiles et militaires de gestion de crise,de même que les exercices et manœuvres, ycompris dans le cadre de la Politique commune dedéfense et de sécurité ». Mercure, dieu ducommerce, tient la main de Mars, dieu de laguerre. Le même article 10 évoque « le potentielde coopération militaro-technologique » e t« l’amélioration des capacités militaires ».Sachant que l’Ukraine est le 8ème exportateurmondial d’armes5, Européens et Américains vontvendre leurs armements à l’Ukraine et moderniserson industrie d’armement, faisant d’une pierredeux coups (économique et militaire). Serait-ce l’empire euro-américain ?

De l’empire

Au-delà des polémiques inhérentes aux posturesmilitantes et militaires, il convient de se demander

4 Op. cité, p.1565http://www.sipri.org/googlemaps/2014_of_at_top_20_exp_map.html

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si la notion d’empire a une pertinence afin desavoir si la Russie, les Etats-Unis, l’Europe sontdes empires ou peuvent le devenir.

Une littérature abondante existe sur le sujet del’empire. Rel i re les écr i ts d’Hannah Arendt surl’impérialisme6 validant la thèse de RosaLuxembourg ne manque pas d’intérêt sur le pointp r é c i s d u « sol nourricier » précapitalistenécessaire à l’accumulation élargie du capital. Ladouble modernité actuelle consiste en lamultiplication des « besoins » (plus ou moinsnécessaires7) multipliant la demande et enl’extension planétaire de grandes firmes(monopolistiques ou oligopolistiques) pour lesstimuler et les satisfaire par l’offre appropriée. La« globalisation » économique, voulue par lesélites politiques, portée par la technique, est ainsisectorielle (segmentée en marchés) autant quegéographique. Elle épouse les contours de lamarchandisation du monde, point sur lequel KarlMarx était indéniablement visionnaire. Cesgrandes firmes sont adossées à des Etats dont ellespartagent les intérêts en partie seulement(expatriation fiscale d’un côté, collaboration desindustries d’armement, de Google et de Yahoo!avec la NSA de l’autre.)

Sami Naïr propose schématiquement uneclarification : « L’empire est un système-monde,l’impérialisme est un comportement politique,économique, militaire, qui peut caractériser unegrande comme une petite nation. (…) L’empire estle système marchand désormais mondialementdominant, l’impérialisme loge en son cœur, àtravers l’hégémonie structurelle des Etats-Unis.8 »Le « système marchand » évoqué par Naïr est enréalité, aujourd’hui, le capitalisme de marché9,construit sur l’investissement, la vente mais aussi

6 Hannah Arendt, L’impérialisme, Paris, Fayard, 1982.7 Cf. grille de lecture des besoins selon Michel Beaud, in Michel Beaud, Capitalisme, système national / mondial hiérarchisé (SNMH) et devenir du monde, Paris, L’Harmattan – Cahier du GIPRI n°4, 2006, p.68.8 Sami Naïr, L’empire face à la diversité, Paris, Hachette, 2003, .p.10-11.

l’accaparement de ressources10, naturelles ou non,y compris la ressource humaine que constitue latravail ou la force de travail.

Qualifier ce processus de « globalisation »obscurcit la compréhension en masquant lesprocessus y conduisant mais aussi la hiérarchie etla diversité de ses composantes. C’est précisémentpour cette raison que Michel Beaud avance lanotion alternative de « système (capitaliste)national – mondial hiérarchisé » ou « SNMH».

Au début des années 2000, accompagnant lavision néoconservatrice de George W. Bush et deson équipe, des auteurs britanniques comme NiallFergusson ou Robert Cooper11 ont franchementvanté les notions d’empire et d’impérialisme. Pources auteurs, les Etats-Unis préservent le systèmedu chaos. Cooper écrit : « Le refus des Etats-Unisd’accepter la juridiction de la CPI et leur réticenceenvers les projets d’inspection d’armementillustrent assez bien leur prudence à l’égard desconcepts postmodernes. Mais, l’Amérique étant àce jour la garante du système, il est somme toutepréférable qu’il en soit ainsi pour le moment.12 »Toute puissance, impériale ou nationale, a besoind’alliés, de vassaux, de « profondeur stratégique »et de « glacis ». « C’est à travers la notionarchitecturale de glacis que la profondeurstratégique s’inscrit dans l’espace géographique.Un glacis est un terrain dégagé dont on entoureune place forte, château, forteresse ou ville. Sesfonctions sont, d’une part, de libérer le champ devision afin de rendre perceptibles les mouvementsde l’assaillant et les moyens qu’il met en œuvre,cela à des fins d’anticipation, et d’autre partd’exposer cet agresseur aux tirs des défenseurs(…) Ce qu’on appelle aujourd’hui la stratégied’influence, dont le soft power représente un

9 Michel Beaud, Histoire du capitalisme – 1500-2010, Paris, Seuil, 2010.10 David Harvey, Le nouvel impérialisme, Paris, Les prairiesordinaires, 2010.11http://observer.guardian.co.uk/worldview/story/0,11581,680117,00.html 12 Robert Cooper, La fracture des nations – Ordre et chaos au XXIème siècle, Paris, Denoël, 2003 (66)

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aspect, est devenue pour les Etats un moyend’action privilégié, dans un monde où l’emploi dela force armée a vu son coût économique, moral etjuridique considérablement augmenté.13 »

La puissance internationale ne tient pas seulementà la multiplicité des attributs (économiqueidéologique, militaire) du pouvoir mais à lacapacité de les associer, de les renforcer les unspar les autres. La guerre se gagne avec descombattants et des armes, mais aussi avec del’argent (rentabilisé, soit du capital) et despropagandes diffusées par des médias. Lecouplage du marché capitaliste et de l’industrie del’armement est vanté par Thomas L. Friedman :« La main cachée du marché ne fonctionnerajamais sans un poing caché. McDonald ne peutpas prospérer sans McDonald, le constructeur duF-15. Et le point caché qui assure la sécurité dumonde pour permettre aux technologies de laSilicon Valley de prospérer s’appelle l’arméeaméricaine, l’armée de l’air, la marine et le corpsdes Marines.14 »

Conclusion :

A l’aune des critères d’empire, il s’avère que lesEtats-Unis sont encore la première puissanceéconomique, politique et militaire mondiale,territorialement et réticulairement. Ils ont laprédominance dans les institutions internationaleset sont associées aux principales entreprises. Ilsassurent le commandement de la premièreorganisation politico-militaire, l’OTAN. Ils ont lesoutien des principaux groupes médiatico-financiers (soft power). Ils affichent la volonté de13 Thierry Widemann, « Le concept de profondeur dans la pensée stratégique », in Francophonie et profondeur stratégique, Etudes de l’IRSEM, 2013 – N°26.14 “The hidden hand of the market will never work without ahidden fist. McDonald's cannot flourish without McDonnell Douglas, the designer of the F-15. And the hidden fist that keeps the world safe for Silicon Valley's technologies to flourish is called the US Army, Air Force, Navy and Marine Corps. Thomas L. Friedman, The Lexus and the Olive Tree, FSG, New York, 1999.

conserver leur leadership, selon des formulationset des moyens propres à chacun de leursPrésidents successifs. L’Europe vassalisée est leglacis de leur profondeur stratégique.

L’Europe est une puissance économique réelle,une puissance politique faible, une puissancemilitaire insignifiante, par son poids et sesdivisions. Mais plusieurs de ses Etats relaient lapuissance politique et militaire des Etats-Unis(Royaume-Uni, France), moyennant desdivergences (encore ?) secondaires. Après avoir étendu l’OTAN, les Etats-Unis etl’Union européenne entendent renforcer leurinterdépendance au travers du projet dePartenariat Transatlantique pour le Commerce etl’Investissement (PTCI) dans le même temps oùils tentent d’arrimer l’Ukraine à leur solidaritééconomico-politico-militaire.Au-delà, il s’agit de renforcer l’alliance trilatéraleEurope-Etats-Unis-Japon (en y associant des paysayant des rivaux au sein de la Trilatérale, commela Corée du Sud - méfiante à l’égard du Japon) oula Turquie – opposée à la Grèce) contre la Chine,prétendante à l’hégémonie.

Dans ce contexte, prise en étau entre le blocaméricano-européen à l’Ouest et la Chine à l’Est,la Russie, pays le plus vaste de la planète,puissance nucléaire, grand fournisseur de gazvirtuellement concurrencé par le gaz de schisteétasunien, se perçoit sur la défensive. Elle se sentaussi menacée, sur son flanc sud, par leterrorisme djihadiste. Elle ne peut que tenter derenforcer aux marges sa « profondeur stratégique »et son « glacis » par la récupération de l’Ossétiedu Sud ou de la Crimée, consentantes ; desmiettes d’empire. Il est clair qu’Américains etEuropéens sont plus puissants que les Russes dansl e soft power, plus encore dans le smart power(combinaison de soft et de hard power).

La Russie peut se conduire en impérialistecontinental, voire local, pas davantage. Ses rivauxeuropéens et américains sont d’ores et déjà despuissances impériales dotées de tous les attributs

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de l’hégémonie mondiale. L’avenir dira ce qu’ilen est de la Chine. Russes et Euro-américains veulent tous deux fairede l’Ukraine au mieux un allié, au pire un glacis,surtout pas un adversaire. Leurs moyensquantitatifs et qualitatifs diffèrent amplement.

Note d’analyse - 2 mai 2014 Gabriel Galice

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NOTES DE LECTURES

Littérature et Grande guerreen Suisse

La croix rouge et la croix blancheLouis Dumur

L’actualité nous plonge dans la commémoration dudéclenchement de la Grande guerre, ce massacre quiinaugura le XXème siècle. Pour leur part, lesGenevois célèbrent le bicentenaire de leur entréedans la Confédération.Il vaut la peine de lire (ou de relire) le romanhistorique de Louis Dumur : La croix rouge et lacroix blanche, sous-titré Ou la Guerre chez lesNeutres, publié en 1925 chez Albin Michel, à Paris.

Auteur méconnu, Louis Dumur (1860.1933) vécut àParis, où il fréquenta assidûment les cercles

littéraires. Après Nach Paris (1919) et Les défaitistes(1923), La croix rouge et la croix blanche tisse unehistoire d’amour fictive dans la trame de la réalitéhistorique de la Suisse de la Guerre de 1914-18.Clermonde Tallatin, jeune fille d’une bonne famillegenevoise, tombe amoureuse d’un beau capitainebernois d’extraction aristocratique, Berthold vonGiesbach. Tout irait bien si la guerre ne séparaitradicalement les Romands francophiles desAlémaniques germanophiles. « Il est en effet àcraindre, dit-il, que nous ne nous entendions guèreavec les confédérés de la Suisse alémanique. Ils ontune manière de voir qui n’est pas la nôtre. Je doisavouer que je suis assez déçu par la faiblesse donton fait preuve à Berne en de telles circonstances »(p.82) Pendant la guerre, Clermonde est unebénévole très active à l’Agence des Prisonniers deGuerre de la Croix Rouge « Très vite, L’Agence avaitdu quitter son local de la rue de l’Athénée pour setransporter au Palais Eynard, prêté par la ville. »(p.146)

Le fossé entre Alémaniques et Romands s’avèred’autant plus compromettant que le fringant capitainevon Giesbach est affecté à l’état-major du GénéralWille, commandant en chef de l’armée suisse. UlrichWille (Hambourg 1848 – Meilen 1925) qui fit sesétudes à Berlin, puis épousa la comtesse Clara Gräfinvon Bismarck, ne cacha pas ses sympathiesgermanophiles. « J’ai toujours pensé que ce Moltken’était pas à la hauteur de sa tâche, mugit Wille, ensecouant sur son cou de taureau sa face enluminé.C’est très bien d’avoir un beau nom mais ce n’estpas tout. Malheureusement, l’empereur se laisse tropfacilement séduire par le prestige des beaux noms. Sij’avais été admis à lui exprimer mon avis, je luiaurais dit : M a j e s t é , à l a t ê t e d u H a u tCommandement de vos armées en campagne, mettezdonc… » (p.120)

A la fin de La guerre : « C’était la fin.

A l’exaltation du printemps avait succédé, à Berne,l’accablement de ce terrible été pendant lequels’était consommée la défaite allemande. Dès lemilieu d’août, il n’avait plus été possible de douter

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que ce fut l’échec irréparable de la colossaleaventure. Le général Wille n’en revenait pas etbuvait force flacons de cognac pour se consoler. »(p.305-305)

En 1916, l’affaire des colonels coupable d’avoirtransmis des informations confidentiels aux attachésmilitaires allemand et austro-hongrois, témoigne duclimat de l’époque.

Joie d’un Genevois commémorant le centenaire durattachement de Genève à la Confédération : « Nonseulement je l’avoue, mais je le proclame. Et je n’aimême pas besoin de l’enivrement d’un jour commecelui-ci pour me sentir heureux et fier d’être Suisse.C’est toujours et en toute circonstance que j’éprouvecette fierté. Quand je vois ce qui se passe ailleurs,autour de nous, dans cette Europe qui nous enclave,dans ce monde où nous ne paraissons qu’un îlotperdu, je me murmure souvent et sans ironie cesmots que l’on a tort de ne plus prononcer que pardérision : « Il n’y en a point comme nous ! » »

Dumur consacre de longs développements auxaffaires dans la guerre :

« - Autrement dit, monsieur, s’écria le journalistepourpre d’indignation, ce sont les n e u t r e s q u ientretiennent l’armée allemande ?

Exactement cela, et nous n’en sommes pas peufiers. Sans nous, l’Allemagne aurait été dansl’incapacité de continuer la guerre. Elle seserait vue contrainte de capituler dès lemilieu de l’année dernière.

Vous me suffoquez.Je vais vous suffoquer bien davantage, mon

pauvre monsieur Bonnard. Que direz-vous,quand je vous apprendrai que ce ne sont passeulement les neutres qui ravitaillentl’Allemagne, mais aussi, mais surtout peut-être, le principal ennemi de l’Allemagne,l’Angleterre, par l’intermédiaire de cesmêmes neutres ? Aussi que voyons-nous ?Alors que chez nous les importationsdiminuent parce que la France tient la clé dela porte, chez les neutres maritimes, où c’est

l’Angleterre qui contrôle, elles augmententformidablement. Le cacao, par exemple…Mais n’allez-pas raconter cela dans vosjournaux !...

Soyez tranquille. Il y a bien d’autres choses queje ne raconte pas.

Le cacao, denrée précieuse en temps de guerre, avu s’accroître en 1913, de plus de douze foisles quantités que l’Angleterre exportait entemps de paix aux Pays-Bas et dans les Etatsscandinaves. (…) Les importations de résine,matière essentielle aux industries de guerre,sont actuellement, aux docks de Copenhague,mille fois plus fortes qu’en 1913. Tout leciment dont les Allemands se servent pourleurs abris bétonnés de mitrailleuses, leurarrive d’Angleterre par la Hollande. L’étain,l e n i c k e l , c e d e r n i e r m é t a l t o u tparticulièrement nécessaire pour lesmunitions, sont également fournis àl’Allemagne par les Anglais. (…) C’est ainsique se comporte ce grand pays commerçant,qui met la prospérité de son négoce au-dessus même du sang de ses enfants et qui,tandis que ces stupides tommies se fontcasser la figure sur les champs de bataille,fait la fortune de ses marchands de Liverpoolet de ses banquiers de la Cité.

C’est épouvantable ! ne put que s’effarer AlbertBonnard.

Et vous voudriez, reprit magnifiquementSchulthess, vous voudriez que notre petiteSuisse, qui a bien de la peine à vivre,s’interdît, par je ne sais quel scrupule, departiciper, pour sa faible part, à ces fabuleuxprofits ? Non, monsieur, non, mille fois non.Mon devoir à moi, entendez-vous, mon devoirest de favoriser de tout mon pouvoir cettefructueuse politique économique qui enrichitmon pays. Nous sommes germanophiles, oui,mais croyez bien que ce n’est pas par simplegermanophilie que nous ravitaillons lesAllemands. C’est par intérêt. nous avons uneoccasion prodigieuse de gagner de l’argentet nous n’en gagnerions pas ? Nous voulonsen gagner. Nos commerçants, nos industriels,

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nos braves paysans suisses veulent en gagner.Ils en gagnent. Ils en gagnent gros commeeux. Et ce sont de bons marks allemands,monsieur, de bonnes couronnes autrichiennesqui tombent dans nos caisses. Et c’est tantmieux, et c’est excellent. Tout le monde estcontent ; t o u t e l a S u i s s e e n e s treconnaissante à ses autorités, m’en estreconnaissante à moi. De bons marksallemands, monsieur, entendez-vous ?... debons marks allemands !

Dieu veuille que ces marks mal acquis, proféraBonnard hors de lui, se dissolvent enpoussière entre vos doigts !...

Le diable lui-même, rétorqua sarcastiquementSchulthess, ne saurait vous exaucer. Le markest aussi solide que l’Allemagne, etl’Allemagne est solide au-dessus de tout. »(p.272-274)

L’auteur implique ses personnages dans lespréparatifs de l’envoi de Lénine en Russie,opération conçue par l’Allemagne impériale pouraffaiblir l’empire russe. « Du côté suisse, onavait tous les concours, tous les appuisdésirables, et aux socialistes de la premièreheure, les Grimm, les Platten, s’adjoignaientmaintenant des personnalités officielles, tellesque le Conseiller fédéral Edouard Müller, chefdu Département de Justice et Police, et leconse i l ler fédéral Hof fmann, che f duDépartement politique, qui s’intéressaientvivement l’un et l’autre au succès de cetteopération. » (p.257) Sa description des grossiersbolchéviks manque autant de nuances que celledes inélégants Alémaniques, Berthold vonGiesbach mis à part. « Tout le fond de la salle, ducôté des fenêtres, était occupé par les russes. Il yen avait une vingtaine, faces singulières,inquiétantes, broussailleuses, aux yeux avides,aux nez sémites ou aux pommettes saillantes,jaunes et mongoles. » (p.260)

L’appartement bernois de Berthold sert de lieu derencontre entre officiels allemands et dirigeantsbolchéviks :

« Puis le diplomate balbutia :Camarade Lénine, nous avons confiance en vous.Les mâchoires du bolchévik s’ouvrirent pour un

strident éclat de rire :- Votre confiance, je n’en ai pas besoin, je la

méprise, je crache dessus. je ne travaille paspour vous, mais pour la cause, pour moi. Etvous y passerez aussi, brigands, je vous l’aidit. Vous ne perdrez rien pour attendre. Aprèsla Russie, ce sera le tour de l’Allemagne !Son bras partit comme une décharge et sonindex forcené vint presque frôler le mentonglabre du Tattenbach. » (p.293-294)

Clermonde surprend les tractations et renonceaussitôt après à ses fiançailles avec Berthold.

« J’ai assisté à toute l’odieuse machination quis’est nouée dans cette salle entre ces ruses etvous. Jamais je n’aurais cru qu’il pût secommettre de pareilles infamies dans notre pays.Je ne dis pas cela pour vous, Monsieur le comtede Tattenbach. Vous êtes Allemand, vous êtes enguerre, vous vous défendez par tous les moyens,fût-ce les plus vils, et vous n’hésiteriez pas àmettre le feu au monde pour sauver votreAllemagne. Mais vous, monsieur de Giessbach,vous citoyen suisse, vous, capitaine dans l’arméefédérale, vous qui appartenez à une des plusvieilles familles de notre pays, que vous puissiezvous faire le complice des crimes contrel’humanité et contre la civilisation préméditéspar un peuple affolé d’orgueil et en véritable étatde démence, voilà qui me surpasse tellement queje préfère ne plus comprendre pour ne pas avoirà trop vous haïr. Adieu. » (p.296-297)

POUR VOUS INFORMER

Un ouvrage de Yves Michel préfacé par Alain Joxe.Cet essai inclut quelques mises au point à la fois surles enjeux polémologiques autour de l'affaire COP21.Un point de vue intéressant !http://www.yvesmichel.org/product-page/livres-a-paraitre/guerre-et-paix-et-ecologie

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On nous signale également un ouvrage de ClaudeSerfati s u r L'industrie française de défense àparaître fin octobre à La Documentation Françaised a n s l a c o l l e c t i o n "L e s é t u d e s d e l aDocumentation Française".

Nous vous recommandons la lecture de l'ouvraged e Mondher Kilani Tunisie : carnets d'unerévolution qui vient de paraître aux éditions Petrad a n s l a c o l l e c t i o n "Terrains et théoriesanthropologiques". L'ouvrage comprend aussi 3cahiers photo.

Cet ouvrage veut faire entendre les voix qui sesont exprimées lors de la Révolution tunisienne. Ilrestitue la parole qui a occupé l'espace public, laconversation et la bienveillance qui ont circuléentre les citoyens et le bien commun qui les aréunis.

A VOIR

Exposition à la Bibliothèquenationale suisse et au Musée de la

communicationJusqu’au 9 novembre à Berne

« Sous le feu des propagandes La Suisse face à la Première

Guerre Mondiale »

L'exposition met en relief la guerre despropagandes et le déchirement intérieur vécu parla Suisse. En témoignent les journaux, revues,affiches, cartes postales, photos, etc.Tous cesmédias ont connu un grand développement à cetteépoque. Des historiens d'art, des spécialistes desarchives littéraires et des historiens del'architecture présentent l'exposition sous l'anglede leur spécialité.

Johann Friedrich Boscovits, Die geteilte Schweiz. Eine symbolische Darstellung, in Nebelspalter, 43 (10.11.1917) © Nebelspalter Verlag

Boches contre FrançaisDe 1914 à 1918, l'Europe est déchirée par laPremière Guerre mondiale. Même si elle neparticipe pas aux combats, la Suisse est en état deguerre. L'armée est mobilisée, les frontièresoccupées, le Conseil fédéral déclare la neutralité.Mais un fossé partage le pays. Alors qu'unegrande partie de la Suisse allemande se prononceclairement pour l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie, la Suisse romande prend majoritairementparti pour la France et ses alliés.

La guerre de propagandeL e s n a t i o n s belligérantes perçoivent cedéchirement intérieur et cherchent à en profiter.Elles utilisent cette situation pour lancer uneguerre de propagande d'une ampleur inédite sur leterritoire suisse. Dans le contexte troublé du débutde la guerre, les journaux sont grandementdépendants des informations contrôlées qui luiparviennent de l'étranger.

A partir de 1915, la situation devient encore pluscritique, car la propagande allemande prend lecontrôle occulte des journaux suisses allemands etla propagande française celui de la presseromande. Les puissances combattantes font tout

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pour influencer l'opinion publique suisse et créentmême leurs propres revues et agences de presse.Dans les dernières années de la guerre, ilsinstrumentalisent aussi la culture en achetant denombreux théâtres et cinémas et en organisant degrandes expositions dans les villes.

Karl Czerpien, Das Werben um die Neutralen, in Nebelspalter, (21.8.1915) © Nebelspalter Verlag

Peter Behrens, Deutscher Werkbund, Ausstellung auf demKirchenfeldplatz Bern, Affiche, 1917 © KunstanstaltKümmerly & Frey, Bern

Bibliothèque Nationale SuisseHalwylstrasse 15 – 3005 BerneMusée de la CommunicationHelvetiastrasse 15 – 3005 BerneDu 21 août au 9 novembre – Lu - Ve 10h – 18hSa – Di 10h – 17h Entrée librehttp://www.nb.admin.ch/aktuelles/01962/04500/04681/ i ndex.html?lang=f

Les opinions exprimées dans cette lettre n’engagent queleurs auteurs.

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INSTITUT INTERNATIONAL DE RECHERCHES POUR LA PAIX

A GENEVE (GIPRI)

Présidente du comité d’honneur : J. Berenstein-WavreBureau de la Fondation : G. Galice (Président) ,G. Antille (Trésorier), M. Guéniat (Secrétaire), J. Deschamps, J. Diezi, J. Dubochet

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