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DEMOCRATIE : DEFINITIONS, PRINCIPES ET CONDITIONS D’EXISTENCE 20 août 2013 Page 1 sur 12 Sous chap. 2 DEMOCRATIE : DEFINITIONS, PRINCIPES, caractéristiques ET CONDITIONS D’EXISTENCE Introduction Jamais, dans l’histoire du monde, la démocratie ne s’était affirmée avec autant d’ampleur et de force qu’en ce début de XXIe siècle. Presque toutes les sociétés se prétendent démocratiques. Pourtant d’une société à l’autre, les pratiques diffèrent. Il y a donc lieu de définir cette notion, d’en dégager les principes et les caractéristiques et formuler ses conditions d’existence. I- DES DEFINITIONS DIVERGENTES On peut définir la démocratie de plusieurs manières. Définition de la démocratie pour CASTORIADIS * "pouvoir du peuple, souveraineté de la collectivité". * "société où tous les citoyens ont une égale possibilité effective de participer à la législation, au gouvernement, à la juridiction et finalement à l'institution de la société". Idée donc d'une égale participation de tous aux affaires communes. "Société dont les institutions, une fois intériorisées par les individus, facilitent le plus leur accession à l'autonomie individuelle et leur participation effective à tout pouvoir explicite existant dans la société". La démocratie est le régime politique 1 dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté 2 ), sans qu'il y ait de distinctions dues la naissance, la richesse, la compétence... (Principe d'égalité). Selon la célèbre formule d'Abraham Lincoln (16 e président des États-Unis de 1860 à 1865), la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Dans cette définition, l’auteur veut faire savoir que dans une société démocratique, la souveraineté, c’est- à-dire le pouvoir suprême, appartient au peuple qui l’exerce soit lui-même dans le cadre d’une démocratie directe, soit à travers ses alliés à savoir : le président de la république et son gouvernement, les parlementaires, les maires, etc., s’il s’agit d’une démocratie représentative ou indirecte. Et lorsqu’il ajoute « …gouvernement pour le peule, », il veut dire que ceux qui exercent le pouvoir doivent éviter de bafouer les libertés de ce dernier. Cette définition est 1 «Sous ensemble du système politique. Il représente (…) les modes d’organisation (des rapports entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire) et d’exercice du pouvoir politique ». La classification des régimes politiques se fonde sur les types de rapport entre le gouvernement et le parlement. 2 Pouvoir de décision (dévolu à une communauté d'individus) la souveraineté populaire caractérise la démocratie

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DEMOCRATIE : DEFINITIONS, PRINCIPES ET CONDITIONS D’EXISTENCE 20 août 2013

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Sous chap. 2

DEMOCRATIE : DEFINITIONS, PRINCIPES, caractéristiques ET

CONDITIONS D’EXISTENCE

Introduction

Jamais, dans l’histoire du monde, la démocratie ne s’était affirmée avec autant d’ampleur et

de force qu’en ce début de XXIe siècle. Presque toutes les sociétés se prétendent

démocratiques. Pourtant d’une société à l’autre, les pratiques diffèrent. Il y a donc lieu de

définir cette notion, d’en dégager les principes et les caractéristiques et formuler ses

conditions d’existence.

I- DES DEFINITIONS DIVERGENTES

On peut définir la démocratie de plusieurs manières.

Définition de la démocratie pour CASTORIADIS

* "pouvoir du peuple, souveraineté de la collectivité".

* "société où tous les citoyens ont une égale possibilité effective de participer à la législation,

au gouvernement, à la juridiction et finalement à l'institution de la société". Idée donc d'une

égale participation de tous aux affaires communes.

"Société dont les institutions, une fois intériorisées par les individus, facilitent le plus leur

accession à l'autonomie individuelle et leur participation effective à tout pouvoir explicite

existant dans la société".

La démocratie est le régime politique1 dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le

peuple (principe de souveraineté2), sans qu'il y ait de distinctions dues la naissance, la

richesse, la compétence... (Principe d'égalité).

Selon la célèbre formule d'Abraham Lincoln (16e président des États-Unis de 1860 à 1865), la

démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Dans cette

définition, l’auteur veut faire savoir que dans une société démocratique, la souveraineté, c’est-

à-dire le pouvoir suprême, appartient au peuple qui l’exerce soit lui-même dans le cadre d’une

démocratie directe, soit à travers ses alliés à savoir : le président de la république et son

gouvernement, les parlementaires, les maires, etc., s’il s’agit d’une démocratie représentative

ou indirecte. Et lorsqu’il ajoute « …gouvernement pour le peule, », il veut dire que ceux qui

exercent le pouvoir doivent éviter de bafouer les libertés de ce dernier. Cette définition est

1 «Sous ensemble du système politique. Il représente (…) les modes d’organisation (des rapports entre le

législatif, l’exécutif et le judiciaire) et d’exercice du pouvoir politique ». La classification des régimes politiques

se fonde sur les types de rapport entre le gouvernement et le parlement. 2 Pouvoir de décision (dévolu à une communauté d'individus) la souveraineté populaire caractérise la démocratie

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proche du sens étymologique du terme démocratie, Cependant, cette définition reste

susceptible d'interprétations différentes, aussi bien quant à la signification concrète de la

souveraineté populaire que pour son application pratique- ce qui apparaît clairement au regard

de la diversité des régimes politiques qui se sont revendiqués et qui se revendiquent comme

démocratie.

Par ailleurs, le terme de démocratie ne se réfère pas uniquement à des formes de

gouvernements, mais peut aussi désigner une forme de société ayant pour valeur la liberté et

l'égalité (c'est notamment l'usage qu'en fait Alexis de Tocqueville, qui s'attache plus aux

dimensions culturelles qu'au système politique en lui-même).

En se référant aux deux grands principes fondamentaux de la démocratie, à savoir : l’exercice

du pouvoir par la majorité et le respect de l’opposition (minorité) par la majorité, on peut

définir la démocratie comme le gouvernement du peuple exercé par la majorité librement

exprimée de celui-ci, dans le respect du droit pour la minorité de manifester son opposition.

De manière plus simple, on peut retenir que la démocratie est le gouvernement où le pouvoir

suprême est exercé par les élus du peuple sous son contrôle. Autrement dit, la démocratie est

le régime où le pouvoir suprême appartient au peuple qui l’exerce à travers ses représentants

qu’il a librement et démocratiquement choisis. C’est-à-dire un régime politique où le peuple

a la possibilité de déterminer lui-même son destin et d’assumer ses responsabilités en

participant à la gestion des affaires publiques.

Ainsi, aujourd'hui encore, il n'existe pas de définition communément admise de ce qu'est ou

doit être la démocratie. Il faut donc rechercher ses principes pour la comprendre.

II- LES PRINCIPES3

OU PILIERS ou fondements4

ou valeurs DE LA

DEMOCRATIE

Par principe de la démocratie, il faut entendre les règles de base qui régissent tout régime

démocratique. La démocratie est donc sous-tendue par des principes fondamentaux : le

respect des libertés, la séparation des pouvoirs en trois pouvoirs, le pluralisme politique

(plusieurs partis politiques), l'égalité civique, la règle de la majorité lors des élections, la

consultation régulière du peuple (élection et référendum), le recours contre l'excès de pouvoir,

A- La séparation des pouvoirs

Il est généralement admis que le régime démocratique implique le principe de séparation des

pouvoirs. Ces pouvoirs sont au nombre de trois : l'exécutif - le législatif - le judiciaire.

L'exécutif est représenté par le gouvernement, le législatif par le parlement et le judiciaire par

les cours et les tribunaux. D'un point de vue constitutionnel, ces trois pouvoirs sont autonomes

3 Règle d'action ou de conduite basée sur des valeurs théoriques Exemple : la réforme fait prévaloir le principe

d'équité 4 Élément qui constitue la base (de quelque chose) Exemple : un scientifique qui a jeté les fondements de la

science moderne

.

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l'un à l'égard de l'autre. Cette autonomie suppose que l'un n'a pas le droit d'exercer une sorte

d'impérialisme sur l'autre. Cette autonomie ne signifie pas cependant que chaque pouvoir

travaille en vase clos. Bien qu'ils soient autonomes l'un à l'égard de l'autre, ils œuvrent dans

une réelle interdépendance et ce, en vue de la réalisation des intérêts généraux et particuliers

de l'Etat ou de la nation tout entière.

Cette séparation de pouvoirs suppose également que chacun de ces organes est appelé à

respecter les lois qui régissent son fonctionnement ou ses activités.

1- Le pouvoir exécutif (il applique les lois5)

Le pouvoir exécutif est l'organe de ceux qui gouvernent, de ceux qui prennent des décisions,

de ceux qui exercent les fonctions d'autorité, c'est-à-dire qui décident pour tous et au nom de

tous en tant que ces « tous » sont membres de la société et de l'Etat. Le pouvoir exécutif est

l'instance de décision. Pour Eric Weil, c'est le gouvernement6 qui est l'organe représentatif de

ce pouvoir, c'est lui seul qui parle au nom de l'Etat aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Et,

ce faisant, son but ultime est de conserver l'Etat autonome d'une communauté-société

existante, sa mission est de réaliser les buts les plus rationnels en vue des intérêts généraux et

particuliers de l'Etat. Il est ce qui forme le seul ressort de l'action. Sa tâche naturelle est de

favoriser ou d'œuvrer pour la cohésion sociale. Pour que celle-ci soit possible, il revient à

l'exécutif d'être attentif aux situations de mécontentement qui engendrent des révoltes ou des

révolutions. C'est la raison pour laquelle nous pouvons affirmer avec Eric Weil que l'exécutif

« a un intérêt vital à connaître les facteurs d'insatisfaction qui agissent dans la société et

menacent la forme présente de l'Etat». Pour la délibération et l'exécution de ses décisions, il

s'appuie sur l'administration. Cette dernière est l'organe de la rationalité technique de la

société particulière. Elle est l'exécutrice des décisions gouvernementales. Elle est l'organe

grâce auquel les décisions du pouvoir exécutif sont rendues.

Dans un État démocratique, la souveraineté du pouvoir exécutif est limitée par l'intervention

d'un pouvoir législatif. Que les représentants de l'exécutif soient élus directement par la

population ou qu'ils soient choisis par un collège de délégués des citoyens, leur action dans un

régime démocratique est soumise au contrôle d'une instance intermédiaire, d'une institution

essentielle à l'exercice de la démocratie moderne, qui est l'assemblée législative. Il ne saurait

exister de régime démocratique sans cette institution. Le mode de formation de cette

assemblée est susceptible de varier d'un État à un autre ; la représentation peut être soit

professionnelle, soit territoriale ; le scrutin législatif peut-être aussi proportionnel ou

majoritaire. Mais il n'en demeure pas moins que sans une telle institution, la démocratie est

inconcevable dans un État.

2- Le pouvoir législatif

Le pouvoir législatif joue un rôle prépondérant dans le processus de fonctionnement de la

démocratie. Il est comme le souligne Eric Weil lui-même, l'institution qui caractérise

5 Ensemble de règles écrites, générales et permanentes élaborées par le parlement.

6 Ensemble des personnes qui administrent un État ou une communauté humaine. Celui des organes politiques

qui est chargé de la fonction exécutive.

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principalement l'Etat constitutionnel34(*)

, lequel exprime les désirs et la morale vivante de la

société-communauté particulière. Exprimant de ce fait les désirs et la morale vivante de la

société-communauté, sa tâche consiste à contrôler l'action rationnelle et raisonnable du

gouvernement et donne à celui-ci la possibilité d'éduquer le peuple35(*)

. Dans un Etat

démocratique, le pouvoir législatif est la représentation du peuple. Sa fonction, tel que

l'exprime Eric Weil, ne se comprend que par rapport au gouvernement, devant lequel il

représente la nation : vérité évidente, mais souvent oubliée parce que le souvenir est trop vif

de l'époque où l'institution a acquis son importance dans la lutte contre les gouvernements

arbitraires.36(*)

Le parlement gêne l'action du gouvernement et l'activité de l'administration,

cela est exact, - et c'est en cela précisément que réside sa fonction positive. Aucun

gouvernement, aucune administration ne peut prétendre à l'infaillibilité. Le parlement est le

lieu où le désir traditionnel, voire le besoin, les préférences, les goûts, toute la vie morale

entrent en contact avec les nécessités de la rationalité, pour se les soumettre en s'y soumettant.

Il incombe à l'assemblée législative d'organiser la discussion des choix politiques opérés par

le pouvoir exécutif, par le gouvernement. Le répéter semble être d'une grande trivialité. Mais,

outre qu'il faut se méfier du culte de l'originalité quand il est question de pensée, il convient

d'indiquer que l'organisation de la discussion dans l'assemblée législative traduit la conviction,

essentielle à l'esprit démocratique, que nul n'est infaillible. Il a déjà été indiqué que le régime

démocratique consacre l'amenuisement de la croyance en la toute-puissance du

gouvernement. La raison de cette démarche devient seulement accessible maintenant. Le

régime démocratique se fonde sur le principe selon lequel aucun homme n'est naturellement

destiné à commander aux autres, à les guider. Les hommes naissent tous égaux en droits. Dès

lors toute autorité ne peut s'établir en leur sein qu'avec leur consentement. La discussion dans

l'assemblée législative a pour objectif de susciter le consentement indispensable à l'exercice

de l'autorité. Il est significatif de constater que, quelle que soit la composition d'une assemblée

législative dans une démocratie moderne, ses membres sont toujours désignés par voie de

vote. La fonction de délégué des citoyens n'est pas héréditaire. Tous les citoyens sont, dans

des conditions déterminées par la loi, éligibles aux fonctions de représentants du corps

politique. Aristote avait déjà relevé que l'égalité est un principe fondamental dans l'État

démocratique37(*)

. Cette égalité des citoyens est le principal trait caractéristique de l'idéal

démocratique.

* 34

L'Etat constitutionnel au sens de l'Etat démocratique, tel que je l'ai déjà évoqué dans les

pages précédentes.

* 35

Eric Weil, Philosophie politique, p.167

* 36

Idem, p.169

* 37

Cf. La politique, Paris, Vrin 1977.

3. Le pouvoir judiciaire

L'indépendance de la magistrature est aujourd'hui unanimement considérée comme une

condition capitale du régime démocratique. L'institution de la magistrature est désormais un

pilier de l'État démocratique. Cette consécration devrait pourtant surprendre. Le magistrat

n'est ni élu par les citoyens, ni choisi parmi ou par leurs délégués. Il est nommé par le

gouvernement. Sa désignation n'est cependant pas abandonnée aux humeurs des gouvernants :

elle s'appuie sur des critères rationnellement définis, elle exige une qualification, une

formation, en un mot, une compétence. Le magistrat est un spécialiste du droit. La

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consécration de la magistrature comme support du régime démocratique révèle un élément

incarné par cette institution, aussi indispensable au fonctionnement de l'État démocratique que

l'autorité réclamée par le gouvernement et la discussion organisée par l'assemblée : la

compétence.

L'indépendance des tribunaux et la participation requise par la loi, des citoyens à la législation

et à la prise des décisions politiques, affirme Eric Weil, caractérise le gouvernement

constitutionnel. Dans un Etat démocratique, le gouvernement, de même que son

administration, est soumis au juge, et les organes du gouvernement sont tenus d'exécuter les

décisions judiciaires, d'ordinaire sur instruction du gouvernement, réellement donnée ou

supposée telle. Cet état de choses traduit bien l'autonomie des tribunaux et le souci du respect

de la loi, car dit-on, nul n'est au-dessus de la loi, y compris l'Etat même qui la crée.

L'autonomie du pouvoir judiciaire traduit également que nous sommes effectivement dans un

Etat de droit. Et le magistrat est chargé, à son tour, de dire le droit. Il ne doit pas être partial,

sinon il risque de tordre le coup à la justice. Ce droit n'est cependant pas laissé à son

inspiration. Il est bien connu que la jurisprudence est une source du droit, que le jugement

rendu par une cour est un acte de création de normes juridiques38(*)

. Mais le droit consiste

d'abord et avant tout en un ensemble de règles explicitement formulées, codifiées, qui

régissent les rapports entre les membres d'une collectivité. Cet ensemble est organisé,

ordonné, hiérarchisé. À son sommet se trouve, dans un État démocratique, la loi

fondamentale, la constitution, qui fixe la configuration générale de cet Etat et définit

jusqu'aux rapports entre les institutions. La connaissance et l'application de ce droit que coiffe

la constitution bâtissent ensemble l'ultime garantie de la pérennité du régime démocratique.

Cette connaissance n'est pas accessible à tous les citoyens. Le droit est une affaire de

spécialistes, et les représentants de l'ordre étatique ne sont pas toujours de tels spécialistes.

D'où la nécessité de recourir souvent à la magistrature pour indiquer le droit, parfois en

contradiction avec les décisions même des dirigeants de l'État.

Il est significatif d'observer que l'évolution récente de l'État démocratique culmine dans

l'installation de juridictions constitutionnelles et la consolidation de leur rôle39(*)

. La cour

suprême aux États-Unis, ou le conseil constitutionnel en France ou dans certains pays

africains où le processus de démocratisation est effectif, montrent que l'instauration de la

démocratie semble reposer autant, sinon plus, sur la compétence des spécialistes que sur le

consentement des citoyens. Le triomphe de l'institution de la magistrature, avec la hiérarchie

de ses juridictions, manifeste bien l'emprise du phénomène de l'institution sur l'État

démocratique. L'institution n'est pas seulement nécessaire au fonctionnement de l'État

démocratique. La démocratie, du moins telle qu'elle apparaît à l'opinion contemporaine, est le

régime des institutions. Nulle part ailleurs la suprématie de l'institution n'est aussi forte que

dans l'État démocratique. L'État de droit qu'est le régime démocratique est l'État du droit,

l'État des juridictions et, en définitive, des institutions.

* 38

Cf. Hans. Kelsen, Théorie pure du droit, traduction C. Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962.

* 39

Voir à ce sujet J. Chevalier, L'État de droit, Paris, Monchrestien 1992.

B- La reconnaissance et le respect des droits et libertés

La démocratie exige aussi que les grandes libertés soient reconnues: liberté d'association,

liberté d'expression et liberté de presse. C'est la liberté reconnue et assurée de tous les

citoyens, même les plus modestes, qui garantit l'existence d'un espace démocratique dans la

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cité. Assurer les libertés fondamentales de l'individu est donc l'une des conditions de

l'existence de la démocratie. C'est le but de la séparation des trois pouvoirs : le pouvoir de

faire les lois (législatif), le pouvoir de les appliquer (exécutif) et le pouvoir de les faire

respecter (judiciaire). Si deux de ces pouvoirs se confondent, comme c'était le cas sous la

monarchie, la liberté des citoyens, et la démocratie, peuvent se trouver menacées. C'est

pourquoi la démocratie dispose d'organismes de contrôle tel que le Conseil constitutionnel en

France.

A la différence de la conception Grecque de la démocratie comme auto-institution explicite de

la société, la conception moderne de la démocratie, dans sa "composante libérale", repose sur

l'affirmation de droits. Certains vont même jusqu'à soutenir que l'essence de la démocratie

consiste à demander et à obtenir toujours plus de droits. Cette idée est absurde pour CC, qui y

voit "en germe la tendance à la dissociation de la société.

Dans l'idée du libéralisme individualiste, les individus sont déjà là, munis de droits

imprescriptibles, indépendamment d'une société avec laquelle ils établissent des rapports

contractuels. L'individu est propriétaire de lui-même, propriétaire de droits inaliénables, et

accepte, sous certaines conditions, d'en céder provisoirement une partie pour la constitution

d'un ordre social, parce qu'il y trouve son avantage (il peut éventuellement retirer son accord).

Chez les Anciens la question des droits de l'homme ne se pose même pas. Au fond, ce qui est

vraiment en jeu pour eux, ce n'est pas tellement l'égalité, la liberté et la justice, c'est surtout de

savoir qui fait la loi et comment. Et leur réponse est "c'est 'nous' qui faisons la loi, et c'est dans

ce 'nous' que se trouvent impliquées l'égalité, la liberté et la communauté comme réalité

concrète […]."

"La liberté de l'individu est vue [par les philosophes allemands du XVIIIe s.] – à juste titre me

semble-t-il –comme non seulement n'excluant pas mais impliquant une conscience très forte

de l'appartenance à une communauté politique, une conscience donc très différente de celle

qui est postulée par l'idée de l'individu sujet de droit, réalité abstraite qui n'aurait de lien avec

les autres que par la médiation également abstraite d'une loi qui s'impose à tous de façon

égale. Idée donc d'une solidarité vivante entre les individus, d'une communauté organique

[..]."

CC évoque Benjamin CONSTANT ("De la liberté chez les modernes") pour qui chez les

Anciens "il y a assujettissement complet de l'individu à l'autorité de l'ensemble" ; rien n'est

accordé à l'indépendance individuelle ; les anciens n'ont même pas la notion de droits

individuels. "Le but des anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d'une

même patrie. C'étaient là ce qu'ils nommaient liberté. Les but des modernes est la sécurité

dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions

à ces jouissances."

CC reprend également une formulation d’Adam FERGUSON (1767), pour qui chez les

anciens, l'Etat possédait tous les droits qui n'avaient pas été explicitement accordés aux

individus ; alors que chez les modernes, l'individu possède tous les droits sauf ceux auxquels

il a explicitement renoncé au profit de l'Etat.

C- Le pluralisme politique (plusieurs partis politiques)

La démocratie implique que la vie politique soit organisée de façon à permettre l'expression

de toutes les opinions : c'est le pluralisme politique. La démocratie suppose l'existence d'une

pluralité d'options et de propositions, généralement incarnées dans des partis et des leaders

ayant la liberté de s'opposer et de critiquer le gouvernement ou les autres acteurs du système

politique. Une démocratie existe donc qu'en autant qu'on y trouve «une organisation

constitutionnelle de la concurrence pacifique pour l'exercice du pouvoir» (Raymond Aron).

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La démocratie est le régime qui se base sur la pluralité des opinions, des doxai […]. Sa vérité,

s'il y en a une, elle la construit par la confrontation, l'opposition, le dialogue des doxai ; et elle

ne pourrait pas exister si l'idée, ou plutôt l'illusion d'une vérité acquise une fois pour toutes

devenait socialement effective et dominante. Cette confrontation des doxai exige bien entendu

le contrôle et la critique réciproques les plus rigoureux ; et cette réciprocité est précisément

indispensable : chacun défend une opinion qu'il croit juste et politiquement pertinente, et c'est

pour la faire triompher qu'il critique et combat les opinions des autres."

Cela implique que la rhétorique – l'art de l'orateur – est essentielle dans la cité, indispensable

dans le conflit des doxai. C'est du moins la position d'ARISTOTE ; PLATON, lui, considère

négativement les orateurs, qui pour lui racontent des mensonges : le seul bon orateur, c'est le

philosophe, celui qui sait la vérité et qui l'expose.

D- L'égalité civique et la participation de tous

La démocratie implique tout d'abord l'égalité civique. Dans une démocratie, les citoyens sont

tous soumis aux mêmes lois et ne se distinguent les uns des autres que par leur mérite. La

pauvreté ne doit donc empêcher personne de prendre part à la vie de la cité. Le but n'est pas

d'assurer les mêmes ressources à tous les citoyens mais de garantir l'égalité de tous devant la

loi grâce à l'impartialité de la justice.

L’égalité signifie aussi que chacun doit avoir la même possibilité de peser sur les décisions

qui touchent les membres de la société. Il s’agit donc de la participation de tous aux affaires

publiques.

Dans la Grèce antique, "La participation de l'ensemble des citoyens à cette activité législative,

gouvernante et judiciaire n'est ni une vague disposition abstraite, ni un simple souhait, ni la

proclamation d'un principe". "La participation des citoyens […] est si l'on peut dire

activement promue – sans pour autant devenir coercitive – par les institutions formelles et

informelles de la cité" :

1) par des dispositions légales qui facilitent la participation de tous :

* l'isègoria : l'égalité du droit à la parole (droit pour tous de parler devant l'Ekklèsia) est

garantie par la loi;

* la parrhèsia, l'obligation (ou le courage) de dire franchement ce que l'on pense à propos des

affaires publiques, le franc-parler (véracité et sincérité du discours), est profondément ancrée

dans la pratique de la communauté, et considérée comme allant de soi.

* A partir du Ve s. sont mises en place des mesures concrètes pour compenser le désavantage

des classes les plus pauvres en ce qui concerne la participation à la vie politique, et

notamment compenser les pertes de journées de travail. Ce sont les salaires "dicastiques",

"ecclésiastiques" (IVe s.), et "héliastiques" (misthos hèliastikos), qui sont une indemnité

journalière perçue par les citoyens pour participer / siéger à un tribunal ou à l'Ekklèsia.

2) par une attitude de mépris, ou du moins négative, envers le citoyen qui ne participe pas aux

affaires publiques" :

* L'atimie ("déshonneur", privation des droits civiques) : SOLON punit d'atimie ceux qui,

lorsque la cité était divisée par un conflit ne prenaient pas parti (cela peut concerner

notamment selon CC les opportunistes attendant de voir de quel côté le vent allait tourner…).

"Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais

pour un citoyen inutile" (PÉRICLÈS) ; CC ajoute même : "parasitaire du point de vue de la

société". Il renvoie à l'origine étymologique du mot "idiot" : idiotès, "celui qui ne s'occupe

que de ses propres affaires"…

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On a calculé que tout citoyen d'Athènes était appelé au moins deux fois dans sa vie à exercer

une fonctionpublique par tirage au sort (en prenant en compte l'ensemble des magistratures, la

boulè et les jurys). CC précise qu'il ne s'agit pas forcément que 100 % des citoyens prennent

part à tout instant aux délibérations et aux décisions, mais qu'une "majorité substantielle du

peuple [soit] présente et se manifeste activement chaque fois qu'il s'agit de délibérer et de

décider." Et c'est l'éducation des citoyens, l'éducation en vue des affaires communes qui

conditionne cette participation effective7.

E- La consultation régulière du peuple (élection et référendum) et la

règle de la majorité lors des élections

Dans une société démocratique, la souveraineté, c’est-à-dire le pouvoir suprême, appartient au

peuple qui l’exerce soit lui-même dans le cadre d’une démocratie directe, soit à travers ses

alliés à savoir : le président de la république et son gouvernement, les parlementaires, les

maires, etc., s’il s’agit d’une démocratie représentative ou indirecte. Ainsi dans une

démocratie représentative, le pouvoir s’acquiert par la voie des urnes, à l’occasion des

élections8. Acquiert donc le pouvoir celui ou celle qui obtient la majorité des suffrages

exprimés. C’est dire que le suffrage est une donnée fondamentale de toute démocratie. Par

suffrage, il faut entendre l’acte par lequel le citoyen exprime sa volonté lors d’une élection. Il

peut prendre différentes modalités : direct (lorsque les électeurs choisissent eux-mêmes leurs

représentants) ou indirect (lorsqu’ils désignent des grands électeurs chargés à leur tour d’élire

leurs représentants.). Mais en démocratie, le suffrage se veut essentiellement universel9.

Le suffrage universel a pour fondement la théorie de la souveraineté populaire. Le pouvoir

procédant de l’ensemble des citoyens, chacun détient une parcelle de ce pouvoir. Le vote

devient donc un droit, reconnu à tous. C’est ce suffrage universel qui assure l’égalité civique

et la participation de tous aux affaires publiques.

Disons avec Michael Mandelbaum10

que « La liberté et la souveraineté du peuple sont les

deux composantes de la démocratie… »11

7 Dans le passage sur la création de l'espace public, CC sous-entend que l'activité politique requiert certaines

connaissances "pour décider valablement des affaires communes". Cependant la question de la compétence des

citoyens n'est pas vraiment abordée par CC dans ces séminaires de 1983-1984, si ce n'est au travers du lien entre

activité politique et éducation. Doit-on en conclure que l' "universelle compétence des citoyens" évoquée dans le

"Protagoras" de PLATON (cité par Philippe RAYNAUD) était un présupposé de la société Grecque, et que

l'éducation apportée aux citoyens était suffisante ? 8 Choix par les citoyens de certains d’entre eux pour la conduite des affaires publiques.

9 Celui qui est reconnu à tous les citoyens, sous les seules conditions d’usage concernant l’attachement à la chose

publique (âge, nationalité, capacité mentale…) 10

M. Mandelbaum est professeur de politique étrangère américaine, titulaire de la chaire Christian A. Herter, à

l'Ecole de hautes études internationales de l'université Johns Hopkins à Washington ; il est l'auteur de

Democracy's Good Name : The Rise and Risks of the World's Most Popular Form of Government [La bonne

réputation de la démocratie : Grandeur et risques d'effondrement de la forme de gouvernement la plus populaire

du monde] (Public Affairs, 2007). 11

Selon cet auteur, la démocratie est issue de la fusion de deux traditions politiques qui, jusqu'à une époque

couvrant une bonne part du XIXe siècle, étaient non seulement distinctes, mais largement considérées comme

parfaitement incompatibles. Ces deux traditions sont la liberté et la souveraineté populaire.

La liberté se situe au niveau individuel alors que la souveraineté populaire appartient à l'ensemble de la

communauté. La liberté concerne ce que font les gouvernements ou, plus précisément, ce qu'ils n'ont pas le droit

de faire à leurs citoyens, à savoir limiter les libertés individuelles. Quant à la souveraineté du peuple, elle fait

référence aux modalités du choix des gouvernants, qui sont choisis par l'ensemble du peuple. Elle répond donc à

la question de savoir qui gouverne, et la liberté prescrit des règles déterminant ce que les gouvernants sont

autorisés à faire, règles qui imposent des limites à leur pouvoir.

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DEMOCRATIE : DEFINITIONS, PRINCIPES ET CONDITIONS D’EXISTENCE 20 août 2013

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L’application des principes sus évoqués permet donc de déterminer la nature démocratique

d’un régime ou d’un Etat. Mais, cette application est subordonnée à certaines conditions.

III- LES CONDITIONS FAVORABLES A LA NAISSANCE DE LA DEMOCRATIE MODERNE

ou facteurs de la démocratie

Au cours des trois dernières décennies, la démocratie a connu une remarquable croissance. En

1900, seuls 10 pays pouvaient être considérés comme des démocraties. Au milieu du siècle,

leur nombre était de 30, et ce chiffre n'avait pas changé 25 ans plus tard. En 2005, toutefois,

119 des 190 pays du globe étaient des démocraties. Comment cela s'est-il produit ? Qu’en est-

il de l’Afrique ?

A- Le libre marché (facteur de bien-être économique), facteur de

démocratie

La principale source de la démocratie politique, comme je12

l'explique dans Democracy's

Good Name, est une économie fondée sur l'économie de marché. S'il y a eu et s'il existe

toujours des pays qui pratiquent l'économie de marché mais pas la démocratie en politique, il

n'existe au XXIe siècle aucun pays qui soit une démocratie et dont l'économie ne soit pas axée

sur le libre marché. La plupart des pays où la démocratie a fait son apparition durant le dernier

quart du XXe siècle, en particulier en Europe méridionale, en Amérique latine et en Asie de

l'Est et du Sud-Est, ont une expérience d'au moins une génération en matière de conduite

d'une économie de marché.

Le libre marché appuie la démocratie de quatre façons distinctes. En premier lieu, au cœur de

toute économie de marché se situe l'institution de la propriété privée, celle-ci étant elle-même

une forme de liberté. Le pays qui possède une économie de marché effective possède donc

déjà aussi l'une des composantes essentielles de la démocratie politique.

Ces deux composantes ont des antécédents historiques distincts. La liberté, la plus ancienne des deux, s'est

développée en trois étapes. La liberté économique, sous la forme de la propriété privée, remonte dans la tradition

de l'Europe occidentale à l'antiquité romaine. La liberté de religion, dans cette tradition, est née en grande partie

du schisme survenu dans l'Europe chrétienne du fait de la réforme protestante des XVIe et XVIIe siècles. La

liberté politique a fait son apparition plus tard, la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle étant le premier pays où l'on

a pu voir une situation qui ressemblait à la liberté politique moderne, situation où le gouvernement n'exerce pas

de contrôle sur l'expression des pensées, les réunions et la participation à la vie politique.

La souveraineté populaire a fait irruption dans le monde lors de la Révolution française de 1789, qui a lancé

l'idée selon laquelle c'est le peuple, et non pas un monarque héréditaire, qui doit être détenteur du pouvoir

souverain. Étant donné les difficultés pratiques qu'il y aurait à ce que l'ensemble du peuple gouverne directement

en tous temps, on a conçu un véhicule d'exercice de la souveraineté populaire qui est le gouvernement

représentatif, formule selon laquelle le peuple choisit ses représentants au moyen d'élections libres, régulières et

ouvertes auxquelles tous les adultes ont le droit de participer.

Jusqu'à la deuxième moitié du XIXe siècle, on considérait généralement que la souveraineté populaire étoufferait

la liberté. Si le peuple accédait au pouvoir suprême, pensait-on, il saisirait les biens des classes nanties et

imposerait à tous un strict conformisme politique et social. Deux ouvrages classiques d'analyse politique du

XIXe siècle, l'étude en deux volumes de l'aristocrate français Alexis de Tocqueville intitulée De la démocratie en

Amérique et l'essai de l'Anglais John Stuart Mill De la liberté traitent précisément de ce danger. Une fois le XXe

siècle arrivé, toutefois, il est clairement apparu que la liberté et la souveraineté populaire pouvaient coexister

harmonieusement, comme elles le font actuellement dans de nombreux pays de par le monde. 12

Michael Mandelbaum., op.

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DEMOCRATIE : DEFINITIONS, PRINCIPES ET CONDITIONS D’EXISTENCE 20 août 2013

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En second lieu, les libres marchés génèrent des richesses, et de nombreuses études ont

démontré que plus un pays est riche, plus il est susceptible d'avoir un régime démocratique.

Les gens riches ont le temps qu'il faut consacrer à la participation politique dans les

démocraties, temps que les pauvres n'ont pas. La richesse crée ce qui a toujours été

historiquement l'armature sociale de la démocratie, à savoir une classe moyenne.

En troisième lieu, le libre marché se trouve au cœur même de ce que les sociologues appellent

la société civile, qui est constituée des organisations et des groupements de la société ne

relevant pas du gouvernement, tels que les syndicats du travail, et les associations religieuses

et professionnelles. La société civile est située entre le gouvernement et l'individu. Elle limite

le pouvoir du gouvernement et offre l'espace social nécessaire à l'exercice d'activités

indépendantes du gouvernement. Les organisations de la société civile dépendent de

l'économie de marché pour se procurer les fonds dont elles ont besoin pour fonctionner. Il ne

peut y avoir de démocratie sans société civile, ni de société civile sans économie de marché.

En quatrième et dernier lieu, le libre marché cultive deux habitudes qui sont essentielles à la

vie politique démocratique. La première est la confiance. Les citoyens d'un État démocratique

doivent pouvoir faire confiance au gouvernement quant au respect de leurs droits, et les

minorités doivent faire confiance à la majorité en sachant que celle-ci ne leur nuira pas et ne

les persécutera pas. Dans une économie de marché, acheteurs et vendeurs doivent se faire

confiance mutuellement en ce qui concerne l'exécution des contrats qu'ils passent entre eux,

faute de quoi il ne saurait y avoir de commerce.

L'autre habitude découlant du libre marché qui est essentielle à la démocratie est celle du

compromis. On peut en fait définir la démocratie comme le régime politique dans lequel le

compromis, et non la violence ou la coercition, est la modalité selon laquelle se règlent les

différends qui surviennent inévitablement dans toute société. Dans le déroulement des

activités quotidiennes de l'économie de marché, les gens apprennent à transiger : l'acheteur et

le vendeur doivent toujours négocier pour parvenir à un compromis sur le prix de l'objet de

leur contrat étant donné que le vendeur veut toujours être payé le plus possible, et que

l'acheteur veut toujours payer le minimum.

À partir du dernier tiers du XXe siècle, on en est venu à considérer pratiquement partout que

le libre marché était la meilleure forme d'organisation économique pour aboutir à la

prospérité. Toutes les sociétés souhaitent prospérer et elles ont donc, presque toutes, établi ou

essayé d'établir un régime économique fondé sur le libre marché. Étant donné que la première

tendance tend à promouvoir la seconde, l'expansion du libre marché a fait davantage que tout

autre facteur pour favoriser la remarquable expansion de la démocratie de par le monde.

B- La démocratie ne fonctionne qu’à La condition de citoyens actifs

La démocratie est un processus pratique qu’il faut cultiver chaque jour et partout. La

démocratie est susceptible de fonctionner plus efficacement et de mieux servir les intérêts de

ses citoyens si les individus formulent des exigences, exercent des pressions et contrôlent en

permanence les actions de leurs gouvernements13

. Dans une société moderne, c’est

13

La démocratie est davantage qu’un code électoral. C’est un code de comportement, une attitude et un état

d’esprit. Terry Davis, discours introductif à l’Université d’été pour la démocratie, organisée par le Conseil de

l’Europe, 2006.

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essentiellement par l’intermédiaire des organisations non gouvernementales et des medias que

les citoyens peuvent exercer ce contrôle.

Les organisations non gouvernementales (ONG) peuvent militer, éduquer et mobiliser

l’attention sur les grandes questions d’intérêt général, mais aussi surveiller le comportement

des gouvernements et des autres instances dirigeantes. Par le biais des ONG, les citoyens

peuvent être des moteurs et des vecteurs puissants du changement en faveur d’un monde plus

démocratique.

Les medias ont une fonction très puissante dans les démocraties : ils relaient les informations

et les opinions de divers acteurs sociaux et jouent un rôle de gendarme au nom des citoyens.

Mais ils ne peuvent remplir cette fonction qu’à la condition d’être indépendants des influences

et des intérêts du gouvernement et des entreprises, d’être attaches a la notion de service public

et de prendre leur mission au sérieux.

C- L’échec de La greffe de La démocratie libérale en Afrique noire : Les

racines coLoniaLes de L’autoritarisme

Les pratiques autoritaires, l’échec de la greffe de la démocratie libérale en Afrique noire ne

renvoient pas à la persistance d‘une culture traditionnelle dont la définition est au demeurant

impossible, mais bel et bien au moment colonial et à la reproduction de son héritage au

lendemain de l’indépendance. Les Africains en ont une conscience aiguë, qui cite volontiers

les abus du travail forcé, le style de commandement de l’administration française, ou ses

manipulations électorales. Mais les enseignements de l’histoire et de la science politique

corroborent d’une certaine manière leur perception. La corrélation entre le multipartisme et le tribalisme a toujours été beaucoup plus complexe que l’idée

que l’on s’en est fait en France. Tendancielle, elle n’a jamais été absolue, ainsi que l’ont

montré de nombreuses études de sociologie électorale, par exemple au Nigeria. En réalité, le

multipartisme laisse apparaître au grand jour le phénomène majeur de la vie sociale en

Afrique noire, que le régime du parti unique connaît aussi mais qu’il dissimule mieux au

regard de l’observateur étranger : à savoir le déchaînement des luttes factionnelles, qui

« parasitent » non seulement les institutions politiques mais aussi les administrations

publiques, les syndicats, les chefferies dites traditionnelles, les entreprises et jusqu’aux

Eglises chrétiennes ou aux confréries islamiques. Or, les différentes ethnies - pour autant que

ce terme veuille dire quelque chose, comme nous allons le voir- se partagent

systématiquement entre plusieurs entrepreneurs politiques rivaux. I1 n’y a jamais adéquation

parfaite entre appartenance ethnique et adhésion politique. De ce point de vue, les

interprétations « tribalistes » du politique en Afrique noire, qui se parent volontiers des vertus

de l’expertise et de l’érudition, sont dangereusement simplistes, ne serait-ce que parce

qu’elles laissent dans l’ombre des clivages historiques ou sociaux plus fins mais autrement

plus significatifs.

Même lorsqu’elle est repérable, la corrélation entre conscience ethnique et adhésion politique

ne s’inscrit pas dans la continuité d’une « tradition africaine » définie de manière atemporelle,

mais dans celle du moment colonial. Historiens et anthropologues ont en effet démontré ces

dernières années que l’Afrique précoloniale n’était pas constituée en ethnies closes sur elles-

mêmes mais en chaînes de sociétés pluriethniques et en étroite interdépendance. La

cristallisation de la plupart des identités ethniques contemporaines était très récente et

indissociable de la construction d’un champ étatique élargi par le colonisateur : celui de

1’Etat-nation. En d’autres termes, l’ethnicité n’est pas la contraire de l’État moderne mais fait

système avec lui ; elle n’est pas forcément contradictoire avec l’intégration nationale mais est

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un mode d’accès à ses bénéfices matériels; elle n’équivaut pas à la persistance de la tradition

mais au partage des ressources de la modernité.

I1 faut d’ailleurs souligner que ces conclusions des historiens et des anthropologues

africanistes rejoignent celles auxquelles sont parvenus dans le même temps leurs collègues

spécialistes de l’Inde (à propos des identités religieuses) et de l’URSS (à propos des

nationalités). Les identités dites primordiales sont de fabrication récente et appartiennent à la

modernité de ces différents Etats ; il est assez vain d’envisager un projet politique reposant sur

leur éradication volontariste, plutôt que sur leur régulation institutionnelle, par exemple par le

biais du multipartisme.

La thématique du chef, qui constitue un dispositif majeur de l’autoritarisme postcolonial, sur

le mode présidentialiste, est elle aussi, pour l’essentiel, d’origine coloniale. Dans de

nombreux cas, la chefferie dite « traditionnelle » a été construite de toutes pièces par le

colonisateur, notamment dans le contexte des sociétés lignagères acéphales. De plus, sous le

régime colonial, la chefferie s’est illustrée par ses abus, soit parce que, de tradition récente,

elle ne disposait pas des institutions délibératives qui auraient pu en limiter les excès, soit

parce que le soutien de l’administration a permis à ses détenteurs de s’autonomiser par rapport

aux conseils de notables qui les assistaient et les contrôlaient. Enfin, la plupart des oripeaux et

des symboliques de la chefferie - quelle qu’ait été son ancienneté, réelle - sont des « traditions

inventées » lors de la colonisation, par exemple à partir du répertoire monarchique victorien

en Afrique anglophone ou de la problématique pastorale du « peuple troupeau », du « peuple

enfant » dans les pays de mission catholique.

En dernier lieu, la thématique du « développement » et de sa mise en œuvre autoritaire par

une bureaucratie qui prétend au monopole de la modernité est elle aussi indissociable de cette

problématique pastorale du pouvoir. Elle est l’héritière directe du projet autoritaire de la

« mise en valeur coloniale » et du style de commandement de l’administration européenne de

l’époque. Les techniques coercitives de celle-ci ont d‘ailleurs été largement maintenues

(discours intimidateur, travail obligatoire sous l’appellation pompeuse de « l’investissement

humain », détention arbitraire, châtiments corporels).

BIBLIOGRAPHIE - Jean-François Bayart, La problématique de la démocratie en Afrique noire « La Baule, et

puis après ? », CNRS-CERI, juin 1990.

-« Démocratie », http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie.htm

-« Démocratique »,

http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1489

-« Les principes de la démocratie »,http://www.cap-concours.fr/enseignement/preparer-

les-concours/concours-de-crpe/les-principes-de-la-democratie-mas_civ_03

-« Les caractéristiques de l’Etat démocratique »,

http://www.memoireonline.com/10/06/217/m_analyse-etat-democratique-philosophie-

politique-eric-weil16.html

-« Les racines de la démocratie »,

http://iipdigital.usembassy.gov/st/french/publication/2008/07/20080707163448jreeduos0.516

8878.html#axzz2cP7Ys5YY