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la lettre n0 4 / été 2002

de l ’Académie des sciences

EditorialLa société se méfie des scientifiques.L’émergence des notions d’éthique et deprécaution s’est traduite à juste titre parde nouvelles contraintes réglementaireset législatives. Le bénéfice tiré de lascience est cependant évident. Face àcette situation où les sciences connais-sent une expansion et une féconditéjamais atteintes et où une sorte dedéfiance (sinon de rejet) s’est installéede la part de ceux là mêmes qui en béné-ficient, que fait l’Académie des sciences?

Elle a, en premier lieu, entrepris uneréforme qui l’amènera en cinq ans àaugmenter de cent le nombre de sesmembres et à un rajeunissement trèssensible ainsi qu’à accroître l’expertise,lui conférant un rôle privilégié dans l’ap-préciation et la conduite des relations deplus en plus complexes entre la scienceet la société.La décennie sera cruciale. On perçoit àtravers de nombreux rapports, en Francecomme à l’étranger, une désaffectiondes jeunes envers les sciences, alors que

notre pays va se trouver devant la néces-sité de recruter un grand nombre decadres scientifiques: enseignants, cher-cheurs, ingénieurs et techniciens nonseulement pour des besoins liés à l’in-novation technologique mais surtout àcause des départs à la retraite qui à euxseuls devraient représenter 80 % desrecrutements pendant cette période.Cette bataille de l’intelligence et lachasse aux compétences sont déjà àl’œuvre. Notre pays est dans certainssecteurs, comme celui de la recherchebiomédicale, victime d’une “ fuite decerveaux ” préoccupante vers les paysanglosaxons où la place de la rechercheest mieux appréciée par la société.Comme les Académies de tous les pays

occidentaux 1, l’Académie des sciences,poursuit une série de communications,d’actions, de réflexions, de conseils àdiverses instances gouvernementales.Ainsi, les études menées dans le cadredes rapports sur la Science et la Tech-nologie, commandées par le gouverne-ment, traitent des questions les plusactuelles. Les concepts et techniques enmutation font naître des collaborationsentre des disciplines jusque-là séparéesdans des domaines où sont attenduesdes avancées spectaculaires. Je citeraien exemple le rapport en cours depréparation sur les nanosciences etnanotechnologies et sur les mathéma-tiques dans leurs interactions avec lesautres disciplines scientifiques. Un effort particulier de l’Académie dessciences porte sur l’éducation. L’opéra-tion “ La main à la pâte ” initiée parGeorges Charpak et conduite avec undévouement et un talent qu’il faut souli-gner, par nos confrères Pierre Léna etYves Quéré, constitue la fierté de l’Aca-démie des sciences. Son objectif est celuide l’ensemble de notre Compagnie: fairede l’enseignement des sciences par l’ob-

servation et l’expérimentation activesdes enfants, une méthode d’éveil intel-lectuel et un modèle de raisonnementdès l’école primaire ? Cette méthodepédagogique a déjà produit des résul-tats intéressants contrastant avec lebilan plutôt négatif de l’enseignementtraditionnel des sciences à l’école. Avecle Conseil National des Programmes,l’Académie souhaite que son applicationse généralise en France.L’ Académie des sciences n’est pasisolée. Avec l’Académie nationale demédecine, et à la demande du ministrede l’Éducation nationale, elle a produitrécemment deux livrets destinés parti-culièrement aux enseignants du premierdegré et aux étudiants des IUFM (Insti-tuts Universitaires de Formation desMaîtres) : l’un traite de la santé enFrance, l’autre de l’environnement.Faciles à lire, basés sur une informationprécise, ils apportent une juste évalua-tion de la situation dans ces deuxdomaines-clés des relations entrescience et société. Ils fournissent desurcroît des recommandationssimples et pertinentes et représententun modèle de l’apport qu’on peutattendre de l’Académie, corps social dontl’autorité en la matière est reconnue partous. Enfin, je signalerai une autre action, encollaboration avec d’autres Académies,françaises et européennes : les Col-loques. Ceux-ci sont ouverts à un largepublic et rassemblent à l’Institut deFrance les meilleurs spécialistesmondiaux sur des problèmes scienti-fiques d’actualité qui préoccupent nosconcitoyens. Ainsi, le dossier du présentnuméro de “la Lettre de l’Académie” estconsacré à l’un de ces colloques dont lethème était “Cellules souches etthérapie cellulaire ” �

par Nicole Le Douarin

Secrétaire perpétuelle de l’Aca-démie des sciences, professeurhonoraire au Collège de France.

SommaireÉditorialL’Académie des sciences auservice de la sociétéNicole Le Douarin

page 2

DossierCellules souches et thérapie cellulaireNicole Le Douarin

page 3

Entretien avec Ian WilmutLucy Kukstas

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Les applications médicales descellules souches et des cellulesembryonnaires dans les différentspays. Aspects scientifiques etréglementairesMarianne Minkowsky

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Aspect médicaux et ethiques de l’utilisation des cellulessouchesMaurice Tubiana

page 11

Questions d’actualitéLes menaces biologiquesHenri Korn

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Pluridisciplinarité et synergies: un nouvel élan pour la recherche françaiseAlain Pompidou

page 16

La vie de l’AcadémieLe Comité de la recherche spatialeJean-Yves Chapron

page 17

La main à la pâte et la ChineYves Quéré

page 18

Une Académie en Côte d’IvoireYves Quéré

page 18

Le Comité pour les pays en voiede développement (COPED)Cellule de concertation inter-organismes (CDCI)François Gros

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La vie des séancesHommage à Jacques-Louis LionsPhilippe Ciarlet

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Élections d’associés étrangers à l’Académie des sciencespage 20

L’Académie des sciencesau service de la société

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la lettre n0 4 / été 2002

de l ’Académie des sciences

1 A cet égard, la National Academy des États-Unis et laRoyal Society en Grande-Bretagne sont très actives.

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Dossier

osseuse. Au cours de l’organogenèse, laformation des tissus est assurée par descellules embryonnaires dont le mode defonctionnement est celui des cellulessouches. Elles sont à l’origine descellules présentes dans les organes del’adulte et en assurent la pérennité.

Qu’entend-on par cellules souches?Il s’agit de cellules indifférenciéesdouées de la capacité de s’autorenou-veler tout en produisant d’autres cellulesqui s’engagent dans une ou plusieursvoies de différenciation. Les modalitésde leur fonctionnement sont variablesselon leur nature et le contexte danslequel elles sont placées. Au cours del’exposé qui suit les divers types de

Par Nicole Le Douarin1

Des cellules souches, capables d’as-surer l’homéostasie cellulaire des

tissus, existent chez l’adulte. Leur rôleest d’assurer le renouvellement descellules au cours de la vie. Celles qui sontà l’origine des cellules sanguines sontconnues depuis plusieurs décennies etune thérapie cellulaire est pratiquéecouramment pour traiter certainesleucémies par les greffes de moelle

cellules souches connus seront définisainsi que le niveau où elles se situentdans le cycle de vie de l’individu.C’est en étudiant certains tissus adultestels que le sang ou la peau que leconcept de cellules souches a été avancédès les années 1950-1960 pour rendrecompte du renouvellement nécessairedes cellules qui les constituent. Descellules souches qui fonctionnent lorsde la mise en place des différents tissussont aussi à l’œuvre chez l’embryon, austade de l’organogenèse.

1 Secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences,professeur honoraire au Collège de France

2 Ce colloque s’est tenu à l’Institut de France du 14 au16 mars 2001

3 Le colloque “Longévité et Vieillissement” s’est tenu àl’Institut de France et à l’Académie de médecine du 25 au 27 mars 2002

L es cellules souches, la thérapie cellulaire, l’espoir d’une nouvelle médecinerégénérative basée sur le remplacement de cellules lésées par des cellulesneuves provenant d’embryons, le clonage, voire le clonage dit thérapeutique:

tout le monde en parle et les journaux font de leur mieux pour éclairer l’opinion. Larévision de la loi de bioéthique de 1994 qui interdit en son état toute manipulation

expérimentale sur l’embryon humain est en chantier et le travailà cet égard devra se poursuivre.

Ces perspectives nouvelles offertes par la biologie suscitentà la fois l’espoir et la crainte et heurtent les consciences comme l’ont fait par le passéles technologies et découvertes qui ont changé notre regard sur le vivant.L’Académie des sciences ne pouvait rester en marge d’un débat de société dans lequelles sciences biologiques et l’extraordinaire développement qu’elles connaissent jouentun rôle de premier plan. Comme elle l’avait fait en 2001 à propos d’un problème desanté publique pour lequel la science demeure le seul recours, les Encéphalopa-thies Spongiformes Transmissibles 2 et à propos d’une question qui touche à la foissanté et société, la longévité et le vieillissement 3, l’Académie des sciences a orga-nisé cette année (du 25 au 27 mars 2002) une réunion ouverte au plus large publicintitulée “Cellules souches et thérapie cellulaire” en collaboration avec l’Aca-démie nationale de médecine et l’Academy of Medical Sciences de Grande-Bretagne.

ellules souches et thérapie cellulaireC

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DossierEnfin, les “cellules souches embryon-naires” (cellules ES pour EmbryonicStem cells) dérivées d’embryons trèsprécoces chez certains mammifères,sont une production artificielle desbiotechnologies en ce qu’elles prolon-gent sous la forme de lignées perma-nentes et indéfiniment transplantables,un stade très éphémère du développe-ment embryonnaire.

1. L’histoire des cellules souchesembryonnaires commence avec l’étude de tumeurs particulières du testicule, les tératocarcinomes.

Le rappel historique a été le thèmeessentiel des communications de MartinEvans 4 et Gail Martin 5. Leurs articles en1981, ont, pour la première fois, montréqu’il était possible de “dériver”, à partirde la masse cellulaire interne du blas-tocyste 6, des lignées de cellules qui, touten demeurant pluripotentes, continuentà se multiplier. Contrairement auxcellules couramment cultivées, lescellules embryonnaires mises en culturedans des conditions bien définies, nes’épuisent pas et peuvent apparemmentêtre indéfiniment repiquées. Tel n’estpas le cas des cellules provenant d’em-bryons plus âgés, de fœtus ou d’adultes.Même celles qui se prêtent le mieux auxconditions de la culture in vitro, commeles fibroblastes (issues de tissus de typeconjonctif), s’épuisent après un certainnombre de transferts. Seules les cellulesayant subi une transformation tumoralesurvivent indéfiniment en culture. Cettecapacité s’accompagne d’une altérationde leur génome qui se manifeste souventpar un caryotype anormal. Il n’en est riendes cellules souches embryonnaires quidemeurent euploïdes et conservent lepouvoir de se différencier en types cellu-laires variés si elles sont placées dansdes conditions de culture favorables.Le fait que le développement embryon-naire et les cellules tumorales présen-tent certains caractères en commun aété souligné de longue date: les unes etles autres se multiplient activement etsont capables de migrer au sein destissus de l’embryon ou de l’adulte.Dans les années 1960, l’intérêt decertains biologistes s’est porté sur destumeurs du testicule rencontrées chezl’homme et, avec une incidence particu-lièrement élevée, chez certaines souchesde souris, comme la souche 129. Cestumeurs renferment des tissus divers,souvent bien différenciés, (mais orga-nisés d’une manière anarchique) qui

coexistent avec des cellules de typeembryonnaire; ces tumeurs sont trans-plantables. En effet, des tératocarci-nomes finement fragmentés et injectésdans la cavité péritonéale d’une sourissaine de la même souche provoque ledéveloppement de tumeurs ascitiques.Ce phénomène peut même être obtenudans certains cas par l’injection intra-péritonéale d’une seule cellule prove-nant d’un tératocarcinome démontrantainsi l’existence de cellules souchestumorales. La frontière entre l’étatembryonnaire normal et ce type detumeurs est apparue encore plus floueà la suite de l’expérience décisiveréalisée en 1970 par le biologiste améri-cain Leroy Stevens. En greffant des blas-tocystes normaux dans des sites ecto-piques de l’adulte (sous la capsule durein ou dans la chambre antérieure del’œil) il remarqua que les embryons, loinde poursuivre leur développement,forment des tumeurs semblables auxtératocarcinomes contenant à la fois destissus différenciés et des cellules de typeembryonnaire appelées cellules EC(pour Embryonal Carcinoma cells). Dansles années 1970 à 1975, plusieurs labo-ratoires ont transféré en culture in vitroles cellules EC des tératocarcinomesspontanés ou expérimentaux7. Le but deces cultures était d’obtenir des cellulesembryonnaires en grande quantité et detenter d’élucider, sur ce matériel, quelssont les mécanismes responsables deleur différenciation vers tel ou tel typecellulaire.Au début des années 1980, Gail Martin

remarquait que les cellules EC cultivéesin vitro dans un milieu de culture condi-tionné par une couche de cellules nour-ricières8 demeuraient indifférenciées sielles étaient repiquées fréquemment(tous les trois jours) et formaient unecouche monocellulaire. Au contraire,dans les cultures prolongées, les cellulesformaient des agrégats qui se déta-chaient, flottaient dans le milieu, serecouvraient d’une couche de cellulesépithéliales et devenaient des “corps

embryoïdes” au sein desquels appa-raissaient divers tissus différenciés.Ces capacités de différenciation descellules EC peuvent aussi s’exprimer invivo, comme l’a montré en 1974 RalphBrinster (Philadelphie). Injectées dansun blastocyste normal de souris etreconnaissables des cellules de l’hôtepar un marqueur génétique, les cellulesEC (issues d’un tératocarcinome) serévélaient capables de participer à ladifférenciation de virtuellement tous lestissus de la souris. Tout comme dansla tumeur originelle (le tératocarcinome)ces cellules perdent leur caractère malinlorsqu’elles se différencient mais,contrairement à leur comportementanarchique dans la tumeur, elles s’intè-grent parfaitement aux tissus normauxde l’embryon hôte. Ces cellules cepen-dant ne paraissent pas pouvoir s’incor-porer à la lignée germinale de la sourisqui ne reste chimérique qu’au niveau deses cellules somatiques. Bien que lescellules EC aient été utilisées parplusieurs laboratoires dans les années1960, 70, pour étudier la différenciationcellulaire, elles ne constituaient pas unmatériel expérimental vraiment satis-faisant. Leur tendance à acquérir despropriétés tumorales en culture lesrendait peu fiables et l’idéal pour leschercheurs en biologie du développe-ment aurait été de disposer de cellulessemblables à celles d’embryons normauxmais qui auraient été douées des mêmespropriétés que les cellules EC c’est-à-dire celles de s’autorenouveler indéfini-ment en tant que cellules souches touten gardant la capacité de se différencieren types cellulaires variés.Après l’expérience de Brinster, il aura falluplus de 6 ans pour que soit mise au pointla culture à long terme de cellules souchesprovenant d’embryons normaux.Gail Martin a entrepris de cultiver lamasse cellulaire interne d’embryons desouris au stade blastocyste après qu’elleait été débarrassée du trophectodermeen utilisant un anticorps anti-souris enprésence de complément (procédé quiporte le nom d’immunochirurgie). Elle aeu l’idée d’utiliser un milieu conditionnépar des cellules EC pour augmenter lenombre de cellules embryonnaires. Letaux de succès de ces expériences, (quiportaient sur des souris outbred swiss)était faible: environ un embryon sur 100fournissait une lignée stable de cellulesES. A la même époque, Martin Evans en

Angleterre poursuit des travaux simi-laires et utilise une autre méthode pouraugmenter le nombre de cellulesembryonnaires mises initialement enculture, celle de l’implantation différée:si on pratique une ovariectomie peuaprès la fécondation, on empêche l’im-plantation de l’embryon dans la paroiutérine. L’embryon au stade blastocystereste donc dans la cavité de l’utérus etsa taille s’accroît. M. Evans utilise lessouris de la souche 129 et parvient à untaux de réussite bien plus élevé. Il s’estrévélé ensuite que cette souche 129, quise distingue aussi par une incidenceélevée en tératocarcinomes, se prêteparticulièrement bien à l’établissementde lignées stables de cellules ES.Comme pour les cellules EC, la condi-tion essentielle qui permet à ces cellulesde continuer à se diviser en restant indif-férenciées et pluripotentes est de resteren monocouche. Si ces cellules devien-nent abondantes, elles forment desagrégats et se différencient. Les cellulesES se distinguent des cellules EC prove-nant des tératocarcinomes par le faitqu’elles sont euploïdes alors que lescellules EC ont tendance à deveniraneuploïdes et à dériver ainsi vers lamalignité.

Des cellules ES injectées dans unblastocyste génèrent des sourischimères tout comme les cellules ECmais, à leur différence, elles s’incorpo-rent à la lignée germinale de l’hôte.Les couches de cellules nourricièresutilisées par ces pionniers ont été bientôtremplacées par un “facteur de crois-sance” le LIF (Leukemia InhibitoryFactor) qui s’est révélé un puissant inhibiteur de la différenciation pour les cellules ES de souris. D’autressubstances peuvent aussi avoir cet effetcomme l’oncostatine M ou le CNTF(facteur découvert pour son effet tro-phique sur certains neurones).

2. Les différences espèces de mammifères se prêtent-ellesà l’établissement de lignées de cellules ES?

Il n’en est rien. Comme nous venons dele voir, dès les travaux des pionniers desdifférences nettes sont apparues, à cetégard, entre les diverses races de souris,la souche 129 se prêtant particulière-ment bien à ces expériences. Certainesespèces se sont montrées jusqu’àprésent, réfractaires à l’établissementde lignées de cellules ES; c’est le casdes bovins et du rat.

4 Cardiff School of Biosciences, Cardiff, UK5 UCSF, San Francisco, USA6 La masse cellulaire interne aussi appelée “ bouton

embryonnaire ” est destinée à fournir l’embryon lui-même. Elle est entourée d’une couche de cellulesformant le “ trophectoderme ” qui est à l’origine duplacenta.

7 Les références bibliographiques sont disponiblessur le site de l’Académie

8 Les cellules nourricières sont généralement deslignées de fibroblastes tumoraux (e.g. les cellules3T3) qui sont soit irradiées soit traitées par dessubstances antimitotiques afin qu’elles soientempêchées d’envahir la culture. Les cellules survi-

vent quelques jours à ces traitements et émettentdans le milieu de culture des substances diversesqui favorisent le développement des cellules que l’onveut cultiver. Cet effet “ nutritif ” est souvent désignécomme un “ conditionnement ” du milieu de culture.

Des clones de cellules EC peuvent être dérivés decellules individuelles (isolées dans une pipette) etcultivés in vitro dans un milieu de culture condi-tionné par une couche de cellules nourricières.Martin Evans 1975.

Souris chimères

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En 1995, des cellules ES ont été obtenuesà partir de blastocystes d’un primate, lesinge Rhésus, par des chercheurs duWisconsin Primate Research Center auxÉtats-Unis. En 1998, le même groupepubliait que des blastocystes humains seprêtaient aussi à cette évolution en culturemais dans des conditions différentes decelles qui sont favorables à la culture descellules ES de souris. En effet la diffé-renciation des cellules ES humaines n’estpas inhibée par le LIF, l’oncostatine M oule CNTF comme c’est le cas chez lasouris. Le milieu mis au point parJ. Thomson permet un doublement de lapopulation de la culture en 20 à 40heures.Les cellules humaines qui conservent uneactivité élevée de l’enzyme télomérasesont, au total, plus difficiles à cultiver età manipuler que celles de souris. Cepen-dant leurs capacités de différenciationtestées in vitro sont satisfaisantes. Denombreux types cellulaires ont jusqu’iciété obtenus en culture à partir des lignéesde cellules ES humaines tels que desneurones, de la glie, des hépatocytes,du muscle et des épithélia variés.Plusieurs stratégies ont été mises aupoint pour trier les cellules différenciéesen vue de leur transplantation éventuellepour la thérapie cellulaire. Il faut souli-gner que l’injection chez l’adulte decellules souches pluripotentes provoqueen général la survenue de tumeursmalignes, celles-ci doivent donc êtresoigneusement séparées des cellulesdifférenciées et exclues de l’inoculat dontle but est le remplacement de celluleslésées ou mortes.En conclusion, ces travaux encore préli-minaires suscitent de grands espoirsquant à l’utilisation des cellules ES pourla thérapie cellulaire en médecine.

3. Une autre source de cellulessouches: les cellules germi-nales des gonades de fœtus.

Très tôt au cours du développementembryonnaire certaines cellules échap-pent aux inductions qui pourraient enorienter la différenciation vers un typecellulaire particulier. Elles demeurentdans un état indifférencié et sont, aucours de l’organogenèse, animées d’uncomportement particulier: elles migrentvers les ébauches gonadiques, s’y logentet constituent une réserve de cellulesdestinées à perpétuer l’espèce. Cescellules germinales sont destinées, lemoment venu, à se différencier engamètes mâles (spermatozoïdes) oufemelles (ovocytes) selon leur équipe-ment génétique.

On a d’abord montré chez la souris queles cellules germinales extraites de lagonade et placées en culture dans desconditions adéquates peuvent proliféreret fournir des lignées de cellules tout àfait comparables aux cellules ES déri-vées à partir des blastocystes (elles sontappelées cellules EG pour les distinguerdes cellules ES et indiquer qu’ellesproviennent de cellules germinales).En 1998, John Gearhart 9 obtenait descellules souches embryonnaireshumaines à partir de cellules germinalesextraites des gonades de fœtus résul-tant d’avortements.

4. Des cellules souches del’embryon à celles de l’adulte.

Les tissus à renouvellement rapideLe concept de cellule souche a émergédes recherches réalisées dans lesannées 1950-1960 sur le renouvellementdes cellules sanguines. Celles-ci ont unedurée de vie courte (un globule rougehumain vit 120 jours) et doivent donc êtreremplacées pendant toute la durée dela vie. Le renouvellement est assuré pardes cellules résidentes de la moelleosseuse, capables de s’autorenouvelertout en produisant, par division asymé-trique, des cohortes de cellules à proli-fération rapide qui s’engagent dans lesvoies de différenciation les conduisant àproduire toute la variété des cellules dusang circulant.Ces mécanismes de renouvellementcellulaire existent pour tous les tissus.Chaque organe contient, à côté decellules différenciées et fonctionnelles,un contingent de cellules indifférenciées

capables de remplacer les cellulesmortes et de maintenir ainsi une homéo-stasie cellulaire.Ces cellules souches prennent leursource au cours du développementembryonnaire où leur sont assignéesune place déterminée dans l’organisme(une “niche”) et une fonction, celle derenouveler le tissu auquel elles appar-tiennent. Ainsi, le développement del’embryon étant achevé, la tâche de“réparer” les tissus altérés par l’usuredu temps est déléguée à ces cellules,peu nombreuses, mais douées, grâce àleur capacité d’autorenouvellement, dupouvoir de produire des cellules “neuves”sans que leur propre population nes’amenuise.L’origine des cellules souches hémato-poïétiques chez l’embryon a fait l’objetd’études approfondies. Ces travaux ontété rapportés par Françoise Dieterlen10 etBruno Péault11. L’un des résultats récentsles plus marquants de ces études est l’ori-gine commune des cellules endothélialesvasculaires et des cellules soucheshématopoïétiques.La démonstration de l’existence de cescellules souches capables de fournir leslignées sanguines et endothéliales, appe-lées hémangioblastes a été apportéedans plusieurs espèces telles que l’em-bryon d’oiseau, de souris et d’homme. De telles cellules subsistent chez l’adulteet peuvent être mobilisées dans desprocessus de cicatrisation et de néovas-cularisation via la voie sanguine.

Un autre exemple de cellules à renouvel-lement rapide chez l’adulte est celui de lapeau, organe important par son étendueet son volume (16 % du poids du corps)dont l’épiderme est le site d’un renouvel-lement cellulaire permanent à partir d’unecouche basale dite génératrice consti-tuée essentiellement de cellulessouches. Outre l’épiderme, les cellulessouches cutanées sont aussi à l’originedes phanères (poils, plumes, écailles) et de glandes cutanées telles que les glandes sébacées des mammifères. YvesBarrandon 12 en construisant des fol-licules pileux chimériques entre unesouris normale et une souris porteused’un marqueur génétique, a pu montrerla dynamique du renouvellement desdifférents types cellulaires de la peauainsi que la pluripotentialité très étenduedes cellules souches cutanées.Le tissu musculaire renferme à côté desmyocytes (cellules géantes multinuclééeset pourvues de myofibrilles contrac-tiles) des cellules indifférenciées ditescellules satellites susceptibles de devenirelles-mêmes des cellules contractiles.Ces cellules souches ont été utilisées parun groupe français représenté au Colloquepar Philippe Menasché13 pour traiter leslésions provoquées par un infarctus dumyocarde. Il s’agit là d’une première enmatière de thérapie cellulaire régénéra-tive chez l’homme à partir de cellulessouches adultes autres que les celluleshématoïétiques de la moelle osseuse oudu cordon ombilical et de la peau.

9 John Hopkins University, Baltimore, USA

Dossier

L’un des effets les plus marquants de la biologiemoderne sur notre culture occidentale est la déva-

luation du sacré dans le monde vivant. Pour labiologie moderne, tous les processus du vivant, ycompris naturellement la reproduction, résultentd’un certain arrangement de la matière et de sonévolution. C’est dire que le naturel et le sacré n’yont plus guère de place. Aujourd’hui, c’est l’em-bryon qui constitue souvent l’un des derniers refugesdu sacré dans la mesure où s’y prête le statut de cetembryon.François Jacob

10 Institut d’embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France, Nogent sur Marne

11 Unité 506 INSERM, Villejuif12 École normale supérieure, Paris13 CHU Bichat-Claude Bernard, Paris

Dossieron pensait que le destin était déterminédepuis le développement embryonnaire.Keiichi Fukuda20 a isolé une lignée decardiomyocytes à partir de cellules stro-males de la moelle osseuse.Le caractère sensationnel et inattendude ces résultats leur a ouvert lescolonnes de journaux réputés sélectifsdans leurs choix. Doivent-ils, pour cesraisons, bénéficier de notre adhésioninconditionnelle?

Etendue et limites de la multipotentia-lité des cellules souches de l’adultePlusieurs communications de cecolloque ont recommandé une certaineprudence quant à la généralisation de lapluripotentialité des cellules souchesspécialisées des tissus de l’adulte. Les

embryologistes qui suivent le devenirdes cellules dans l’embryon au cours dudéveloppement savent qu’un deséléments importants dans la détermi-nation des cellules vers un destin parti-culier est leur appartenance à l’un destrois feuillets embryonnaires. Un desphénomènes les plus frappants résul-tant des expériences récentes sur lescellules souches de l’adulte est quel’étendue de leur plasticité dépasse lesfrontières virtuelles des feuillets. Lesexpériences de Neil Theise 21 sont à cetégard spectaculaires car elles tendentà montrer que des cellules soucheshématopoïétiques (CSH) injectées chezune souris irradiée léthalement et parconséquent déplétée en cellules quiassurent le renouvellement rapide de

Cellules souches et tissu nerveuxIl a été longtemps tenu pour vrai quechez les vertébrés supérieurs le cerveaupossède à la naissance un contingent deneurones dont le nombre ne peut quediminuer au cours de la vie. L’arrêt de la neurogenèse au cours de la vieembryonnaire constituait un dogme quine paraissait souffrir aucune exception.Un premier et timide accroc à cette certi-tude est venue de l’étude du cerveau d’oi-seaux dont l’activité sexuelle saisonnières’accompagne de vocalisations riches etvariées qu’ils ne sont plus capablesd’émettre quand la saison des amoursest passée. Le centre nerveux de cesvocalisations disparaît en phase de repossexuel et réapparaît l’année suivantepour la saison de la reproduction.Nottebohm en marquant spécifiquementles cellules en division 14, a montré quela réapparition du noyau du chant étaitle résultat d’une néoneurogenèse seproduisant donc chez l’oiseau adulte. Ila fallu attendre les années 1990 pourqu’on admette que le cerveau adulte étaitbien le siège de la production denouveaux neurones. Les études du bulbeolfactif du rat ont effectivement mis enévidence une mort continue affectantcertains types de neurones qui devaientdonc être le siège d’un renouvellementconstant. On sait aujourd’hui que laneurogenèse adulte, bien que discrète,intéresse d’autres parties du systèmenerveux central telles que l’hippocampeet même le cortex cérébral.Parallèlement à ces controverses, desrecherches réalisées sur le développe-ment du système nerveux ont montréque, chez l’embryon, les différents typesde cellules qui se différencient enneurones et en cellules gliales dans leneuroépithélium, proviennent de lacouche de cellules la plus interne dutube neural primitif (l’épithélium ventri-culaire) dont certains éléments parais-sent jouer le rôle de cellules souchespluripotentes.La première démonstration que l’ébaucheneurale contient des cellules souches aété apportée pour la crête neurale, parNicole Le Douarin 15. La crête neuraleest une structure embryonnaire tran-sitoire à l’origine du système desganglions et nerfs périphériques ainsique de nombreux autres types cellu-laires (cellules pigmentaires, cellulesendocrines, cartilage, os, tissuconjonctif). La culture clonale de cellulede la crête neurale d’embryon d’oiseauet plus tard de rat a montré l’existencede cellules pluripotentes à partir

desquelles se développent des coloniesoù tous les types cellulaires normale-ment dérivés de cette ébauche se trou-vent représentés. Ainsi était définie unecellule souche de la crête neurale englo-bant le système nerveux périphériqueet ses autres dérivés. L’étape suivante aconsisté à découvrir la cellule souche dusystème nerveux central.Des cellules indifférenciées exprimantle gène de “nestin” (un filament inter-médiaire cytoplasmique) ont été identi-fiées dans l’épithélium ventriculaire parRon McKay 16 qui a émis l’hypothèsequ’elles pouvaient constituer les cellulessouches putatives du système nerveuxcentral. Cette hypothèse a été confirméepar de nombreux travaux et les mé-thodes d’isolement de ces cellules

souches neurales à partir de cerveauxembryonnaires et adultes (chez denombreuses espèces y compris l’hom-me) est désormais bien au point.Stefan Momma17, Perry Bartlett 18, etAngelo Vescovi 19 ont traité de l’isolementdes cellules souches du cerveau, de leurcaractérisation, de leur culture sous laforme de neurosphères et de leur capa-cité à se différencier en types cellulairestrès variés lorsqu’elles sont soumises àdes conditions d’environnement appro-priées.Plusieurs articles ont été publiés aucours de ces dernières années montrantla plasticité des cellules souches dont

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16 Laboratory of Molecular Biology, NIH, Bethesda, USA17 Karolinska Institute, Stockholm, Suède18 President, Australian Neuroscience Society, Walter

and Eliza Hall Institute of Medical Research ParkvilleVictoria, Australie

19 Institute for Stem Cell Research, Milan, Italie

14 Opération qui consiste à injecter à l’animal un précur-seur radioactif de l’ADN incorporé dans le noyau descellules lorsqu’elles se divisent et dupliquent leurschromosomes

15 Institut d’embryologie cellulaire et moléculaire duCNRS et du Collège de France

20 Institute for Advanced Cardiac Therapeutics, Tokyo,Japon

21 New York University Medical Center, New York, USA 22 Center for Cell & Gene Therapy, Houston, USA

différents tissus, y compris l’épithéliumendodermique de l’intestin et desbronches, peuvent contribuer, non seule-ment à la lignée sanguine mais aussi àl’épithélium intestinal et bronchique.Margaret Goodell 22 montre que, mêmeentre les mains de chercheurs compé-tents et prudents, des interprétationserronées peuvent être apportées à cesexpériences complexes. Son article parudans PNAS en 1999 montrait que descellules issues du muscle pouvaient, sielles étaient injectées à une souris irradiée, participer à la reconstitutionhématopoïétique de l’hôte. Ce rôle étaitattribué aux cellules satellites des

cellules musculaires dont le rôle dansla néogenèse musculaire tout au longde la vie est bien connu. En utilisant unsystème chimérique dans lequel lescellules injectées proviennent d’unesouris porteuse d’un marqueur géné-tique permettant de les reconnaître descellules de l’hôte, elle a conclu récem-ment que malgré les précautions priseslors de ses expériences, la compositiondes cellules injectées bien que prove-nant du muscle n’était pas homogènemais contenait à côté des cellulessouches du muscle, des cellules sou-ches hématopoïétiques résidentesdont elle a pu identifier les caracté-ristiques et qui sont en fait à l’originedes cellules sanguines apparues chezl’hôte irradié.

Cimetière de San Michele, Venise.

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Dossieren 1997 en ait démontré la faisabilité.En effet, bien que la reprogrammationpar le cytoplasme de l’ovocyte de noyauxprovenant de cellules en cours de diffé-renciation (et même différenciées) aitété démontrée chez les Amphibiens parles expériences de Robert Briggs etThomas King puis de John Gurdon, lestentatives réalisées pour cloner lesmammifères étaient restées longtempssans succès. Certains chercheurs consi-déraient même que cette classe devertébrés ne se prêtait pas à ces expé-riences.En 1984 cependant, Willadsen réussis-sait un clonage chez le mouton partransplantation de noyaux provenant decellules d’embryons précoces (stade 8-16 blastomères). Le taux de développe-

ments embryonnaires n’était cependantque de 2,5 %. Le clonage d’un mammi-fère à partir du noyau d’une celluleadulte ne devait survenir qu’en 1997.L’équipe du Roslin Institute en a été l’au-teur. La revue Nature publiait en effet le27 février 1997 un article rapportantqu’un clone d’une brebis morte depuisplusieurs mois avait été obtenu. 277transplantations nucléaires avaient éténécessaires pour qu’un fœtus viableatteigne le terme de la gestation etsurvive après la naissance. L’origine desnoyaux utilisés dans cette expérienceétait une culture de cellules de la glandemammaire prélevées chez la brebisoriginelle et maintenues vivantes parrepiquages successifs.Les techniques de clonage reproductifappliquées aux mammifères constituentune part importante de l’activité de l’Ins-titut Roslin et Ian Wilmut (voir l’interview

d’autant plus critiques au cours ducolloque qu’il suit de peu la publicationde deux articles dans Nature du 4 avril2002 dans lesquels les auteurs montrentque si des cellules souches sont culti-vées en présence d’autres cellules d’ori-gine adulte (eg., moelle osseuse oucellules du système nerveux central),elles ont une tendance jusque-là insoup-çonnée à générer spontanément deshybrides somatiques par fusion cellu-laire. Ces hybrides ont une formule chro-mosomique double du stock chromoso-mique de l’espèce et présentent lescaractères cytoplasmiques des cellulesdifférenciées avec lesquelles les cellules

souches ont fusionné. Bien que cesexpériences aient été réalisées in vitro,elles jettent un doute supplémentairesur l’interprétation apportée aux résul-tats de certaines expériences précé-dentes qui concluait à la grande étenduede la plasticité des cellules souches del’adulte.

5. Transfert des noyaux somatiques dans l’ovocyte

Les problèmes posés par le transfert dunoyau de cellules somatiques dans l’ovo-cyte ont été envisagés par quatre cher-cheurs, Ian Wilmut, Keith Campbell,John Clark 24 ainsi que par Jean-PaulRenard25.Cette méthode de clonage reproductif estcouramment appliquée aux Mammifèresdepuis que la naissance de la brebis Dolly

plus bas) a dressé un tableau des pers-pectives offertes par cette technologie.A ce jour, des clones ont été obtenuschez plusieurs espèces de mammifères(mouton, vache, souris, chèvre, porc,chat) tandis que les essais réalisés chezle chien et le singe rhésus sont restéssans succès.Les types cellulaires utilisés pourprélever les noyaux sont divers. La surviedes clones décroît au cours de l’expé-rience depuis la fécondation in vitro enpassant par l’embryon, le fœtus puisl’adulte. De plus, les animaux qui attei-gnent le stade adulte souffrent denombreuses anomalies. A la naissance,ils sont en général, d’un poids supérieurà la normale. Cet état se prolonge parune obésité (observée en particulier chezla souris). D’autres symptômes sontfréquemment observés tels que des diffi-cultés respiratoires, des troubles du fonc-tionnement du système immunitaireaboutissant à une réduction de la longé-vité. Il semble que ces anomalies soientde nature épigénétique.Jean-Paul Renard revient sur la patho-logie des fœtus produits par clonage dansson laboratoire. La grande expérienceque ce chercheur a acquise dans leclonage des bovins et des souris l’amèneà la notion que la mortalité foetaleaugmente avec l’âge des individus surlesquels les cellules donneuses denoyaux ont été prélevées. Dans les expé-riences de clonage, la mort des fœtus,fréquemment observée, s’accompagned’anomalies telles que l’hypertrophie duplacenta, celle de la langue et de la tête,etc… La reprogrammation nucléaireconstitue la phase la plus critique duprocessus de clonage. Elle implique desmodifications au niveau des histones,protéines étroitement associées à l’ADNet qui participent au contrôle de l’activitétranscriptionnelle. Pour faciliter cettephase critique, l’auteur préconise l’utili-sation de noyaux en métaphase prélevéssur des fibroblastes en culture.

6. Thérapie cellulaire et transfert de noyau somatique dans l’ovocyte.

Les embryons obtenus par transfert dunoyau provenant de cellules adultespeuvent être utilisés, comme lesembryons zygotiques pour produire descellules ES.

23 Standford University School of Medecine, StandfordCA, USA

24 Roslin Institute, Edinburgh, UK25 INRA, Jouy en Josas

Il faut saluer la poursuite des travauxaccomplis par Margaret Goodell pouridentifier avec un degré de certitudetoujours plus grand la nature descellules injectées. La difficulté princi-pale de ces expériences résidait en effetdans la pureté de l’inoculat. Une conta-mination par une seule cellule d’un typenon souhaité peut entraîner des erreursd’interprétation majeures compte tenudu pouvoir important de prolifération decertaines cellules si elles sont placéesdans un contexte qui leur est favorable.Irving Weissman 23 revient sur cesprécautions. Ses travaux ont défini, parle passé, les caractéristiques molécu-laires des cellules souches hémato-poïétiques qui permettent de les identi-fier et en connaître les migrations, la

localisation tissulaire et le nombre. Ildémontre aujourd’hui que les cellulessouches hématopoïétiques bien querésidant essentiellement dans la moelleosseuse sont mobilisées et deviennentcirculantes dans une proportion plusgrande qu’on ne le croyait. Chez lasouris, environ 30000 cellules souchestransitent dans le sang circulant par jour.Ceci implique que de nombreusescellules souches sont dispersées dansles tissus (rejoignant ainsi les observa-tions de Margaret Goodell). Une grandeprudence doit donc être apportée à l’in-terprétation de résultats récents suggé-rant que des cellules souches de tissusautres que la moelle osseuse (parexemple le muscle, le cerveau, etc…)sont capables de se convertir en cellulessanguines.Le problème de la plasticité des cellulessouches de l’adulte a été posé en termes

Jardin des plantes, Paris.

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Existe-t-il aujourd’hui des raisons indis-cutables de produire des cellules souchesembryonnaires par transfert de noyausomatique sans l’ovocyte?Plusieurs orateurs ont plaidé en faveurdu développement de cette technologiepour:

- l’étude des variations de la toxicité etdu métabolisme des médicaments enfonction du terrain génétique. Celles-cipeuvent présenter une ampleur encoreinsoupçonnée

- Certaines maladies présentant unecomposante génétique pourraient êtreétudiées sur des lignées obtenues parcette méthode d’une manière approfondietotalement inenvisageable sur les indi-vidus atteints.Selon John Clark, il est peu probable quela transplantation nucléaire dans l’ovo-cyte humain soit une technologie valablepour la thérapie cellulaire. Il est doncprématuré car non justifié dans l’étatactuel de la technologie de susciter, chezles malades, des espoirs de guérison

tion de cellules hétérologues estsusceptible d’entraîner des réactionsde rejet immunologique, celles-cipeuvent être combattues par les traite-ments immunosuppresseurs qui ontlargement fait leur preuve dans lesgreffes d’organes. De plus, l’obtentiond’un certain degré de tolérance de l’hôtevis-à-vis des cellules ES de départ nesemble pas inenvisageable.

Utilité thérapeutiqueD’une manière plus spécifique, dansle cas du diabète de type 1 pour lequelcette technique est envisagée, ladestruction des îlots de Langheransproducteurs d’insuline (cellules � ) dumalade est le résultat d’un dérèglementde son système immunitaire. Lescellules des îlots � sont détruites parles lymphocytes T cytotoxiques sommele seraient des cellules greffées prove-nant d’un tiers (allogreffe) ou descellules du soi infectées par un virus(“soi” modifié). La greffe d’îlots portantle CMH de l’hôte (autogreffe) risqueraitdonc d’être détruite comme l’a été lecontingent normal de cellules � de l’in-dividu. L’utilité de telles greffes risquedonc d’être nulle.Leur utilisation dans la maladie deParkinson pourrait être bénéfique maisrien n’indique qu’elle le serait davan-tage que celle des neurones provenantd’une banque de cellules souches allo-géniques. En effet, les hétérogreffes decellules mésencéphaliques embryon-naires pratiquées chez l’homme depuisplusieurs années ne paraissent pas êtrel’objet de rejet immunologique. L’utilitémajeure de cellules isogéniques concer-nerait les cardiomyocytes.

Produites chez l’homme à partir descellules somatiques d’un patient, ellespourraient constituer une source privi-légiée de cellules différenciées utili-sables en thérapie cellulaire. En effet,elles possèderaient le même génomeque le malade à qui ces cellules sontdestinées et ne seraient donc passoumises au rejet immunologique quedéclenchent les hétérogreffes.La mise en œuvre de cette technique,appelée couramment clonage théra-peutique, se distingue nettement duclonage reproductif puisqu’elle aboutità la production de lignées de cellulesmais en aucun cas au développementd’un individu. Elle est cependant pros-crite dans de nombreux pays bien qu’ellepuisse être utile dans le traitement decertaines affections telles que la maladiede Parkinson et pour la production decardiomyocytes.Le fait que des îlots de cellules � produc-trices d’insuline aient été obtenus àpartir de cellules ES de souris (RonMcKay) permet aussi d’envisager de lesutiliser pour le traitement de certainesformes de diabète.

Intérêt des cellules ES obtenues partransfert noyau somatique pour lathérapie cellulaire chez l’hommeJohn Clark a résumé l’état de la ques-tion et a présenté, d’un point de vuecritique, l’intérêt réel que pourrait avoirde telles cellules chez l’homme, ainsique les difficultés de divers ordres quiaccompagnent leur utilisation.Selon cet auteur, dans l’état actuel denos connaissances, le facteur limitantdans la production de cellules par trans-fert de noyau somatique dans l’ovocyte(en dehors des problèmes éthiques) estle nombre d’ovocytes humains requispour obtenir les cellules différenciéesnécessaires au patient. Ainsi, si l’ondisposait de 400 ovocytes de “bonnequalité”, on pourrait espérer obtenir,après fécondation in vitro, un taux de10 % de développements atteignant lestade blastocyste, soit 40. A partir desblastocystes on estime à 20 % leschances d’obtention de lignées decellules souches, soit 8 lignées seule-ment. A partir de ces lignées, une tech-nologie complexe doit être mise enœuvre pour obtenir une culture homo-gène de cellules différenciées (ne conte-nant pas de cellules souches pluripo-tentes) susceptibles d’être injectées.Il s’agit là d’une médecine personna-lisée, qui s’oppose aux techniques théra-peutiques plus ou moins “universelles”utilisées jusqu’à présent et qui s’endistingue notamment par un coût trèsélevé. Selon John Clark, la transplan-tation de cellules provenant de lignéesdéjà établies paraît aujourd’hui plusréaliste. S’il est vrai que la transplanta-

Dossier

Différents types de cellules souches

Propriétésdes cellules pour la transplantation

Histocompatibilité

Nombre de cellules disponibles

Capacités de différenciation

Durée de vie des cellules

Sécurité

Disponibilité

Lignées établiesde cellules ES

obtenues à partir

d’embryonszygotiques

+++

++

+++

?

+++

Cellulessouches

dérivées d’em-bryons obtenus

par transfertnucléaire

++++++++

+++?+

Cellulessouches adultes

+++????+

Les propriétés des cellules souches obtenues par les différents procédés

basés sur la mise en œuvre du transfertnucléaire à visée thérapeutique. Cepen-dant, cette méthode, si elle est convena-blement encadrée du point de vueéthique, devrait se révéler importantepour la recherche.

Conclusion

Le tableau résume l’état des connais-sances sur les différentes caractéristiquesdes cellules souches dont on peut en prin-cipe disposer dans l’état actuel de lascience et leur intérêt respectif pour lathérapie cellulaire. Bien que des donnéestrès encourageantes émergent des expé-riences réalisées jusqu’à présent, on voitque beaucoup de recherches restent àfaire en particulier pour améliorer la diffé-renciation des cellules mises en cultureainsi que la sécurité des greffes quidoivent impérativement être dépourvuesde cellules souches pluripotentes à causedu risque de transformation cancéreusequ’elles présentent �

Boulevard Beaumarchais, Paris.

une structure publique. Je suis donc payépar le gouvernement, mais je suis consul-tant pour une compagnie qui contribue àmes frais de recherche, donc j'ai un pieddans chaque type de structure.Voyez-vous un intérêt financier à cegenre de recherche?Il y en a plusieurs, mais il reste impor-tant d’explorer de nouvelles recherchesà visée thérapeutique. Peut-être serait-il possible d’étudier certaines maladiestelles la sclérose latérale amyotrophiqueou maladie de Charcot très pénible etmortelle dont est atteint Steven Hawkins,l’astronome anglais. On connaît un gènequi serait impliqué mais il y en a d’autres.A partir de cellules prélevées chezSteven Hawkins, on pourrait obtenir unembryon et des cellules souches ca-pables de produire tous les types detissus, tels les neurones, et étudier sureux les causes de dysfonctionnement.On pourrait aussi observer les effets demédicaments sur ces cellules clonées.Une autre application serait la produc-tion de cellules pour traiter une crisecardiaque: prélever des cellules d’unpatient en vue de produire un embryon,puis des cellules souches et des cardio-myocytes. Ces cellules étant immuno-logiquement compatibles avec le patient,celui-ci pourrait les recevoir pour uneréparation du cœur. On fait actuellementdes expériences chez la souris et un journous n’aurons plus besoin de trans-plantations d’organes, elles seront rem-placées par des cellules immunologi-quement compatibles se substituant àla zone endommagée.

Que pensez-vous des tentatives declonages humains?L’idée d’utiliser cette technique en vued’un clonage reproductif serait irres-ponsable, car comme je vous l’ai dit, lerésultat est encore inefficace et donnedes effets désastreux sur certainsenfants et, bien sûr, leurs mères. Je suiscontent de vivre dans un pays où leclonage reproductif est illégal, idée àlaquelle je suis opposé. Les espoirsplacés dans un enfant cloné sont énor-mes et inacceptables, même si les tech-niques se révèlent sûres. Il faut du tempsà la société pour se faire un jugementmais je sais que certains pensent diffé-remment.

Et concernant le problème du vieillisse-ment prématuré des animaux clonés?Aujourd’hui, la discussion est centréesur le remaniement de la structure dela chromatine. Dans certains types cellu-laires, il existe une partie de la chroma-tine que l'œuf ne peut reprogrammer.Nous ne savons pas s’il s’agit de lalongueur des télomères, je ne le pensepas. Nous pouvons observer chez lesanimaux clonés la restauration de lalongueur des télomères. Il peut s'agird'un problème de méthylation de l'ADNou quelque chose de ce genre �

nouvelle voie de recherche et on doit s’at-tendre à une technique beaucoup plusefficace dans les années à venir. Peut-être l’impact le plus grand porte surnotre façon de penser. On croyait aupa-ravant que les cellules de l’adulte étaientfixes, non transformables. Actuellement,on réfléchit sur les moyens de trans-former des cellules pour traiter lamaladie de Parkinson, le diabète ou l’en-dommagement de la moelle épinière,par exemple. Voilà comment Dolly aurale plus grand impact.

Cela a ouvert de nombreuses voies deréflexion sur la bio-éthique. Ne pouvait-on pas réfléchir aux répercussions decette technique avant de la mettre enpratique?Cela a suscité de nombreux débats etengendré de l’anxiété. Une des difficultésde la recherche réside dans le faitd’aborder les questions d’éthique de cegenre avant la réussite de la démarcheexpérimentale. C’est peut-être regret-table, mais inévitable. La recherche sedoit d’être ambitieuse. Nous devonsréfléchir ensuite aux applications et auxjugements éthiques et sociaux.

Vous croyez donc qu' il est préférable delaisser faire la recherche et de réfléchirensuite aux résultats.Les chercheurs réfléchissent aux pers-pectives de leur recherche au fur et àmesure, mais en matière de recherche,on ne peut prédire les résultats, ni lesapplications de connaissances nouvelles.La société doit décider une fois laconnaissance disponible. Historique-ment, il existe de nombreux d’exemplesde découvertes inattendues. C’est suiteà une longue période que l’on peutdiscuter de leurs utilisations.

Aviez-vous prévu l’impact de Dolly surle monde scientifique?La publication de l’article a suscité sanssurprise intérêt et inquiétude sans quel’on puisse mesurer pour autant la duréede ces réactions. L’intérêt pour le sujetse maintient depuis 5 ans, date de sanaissance. Aussi vous et moi sommes-nous aujourd’hui en train d’en parler,cela je ne l’avais pas prévu. Toute l'in-formation sur le clonage animal ne nousparvient pas; par exemple, aux États-Unis ont été publiées des informationssur la santé et la physiologie de vachesclonées, mais celles-ci n'avaient quequatre ans, alors que leur espérance devie est théoriquement de quinze. Nous

devons réfléchir à l’utilisation desrecherches sur le clonage. On a tort depenser que cette technique est mainte-nant éprouvée pour la reproductiond'animaux en agriculture. Certainespersonnes se montrent trop optimistes.Personnellement je pencherais pourd’autres approches, comme la trans-plantation des organes de porc chez l'hu-main : dans ce cas, seule la premièregénération serait clonée et les généra-tions suivantes proviendraient d’unereproduction classique. Dans un autretype d'expérience, un groupe de re-cherche aux États-Unis essaie actuelle-ment d'insérer chez la vache des gènescodant pour des immunoglobulineshumaines dans des perspectives théra-peutiques ou de diagnostic.

Le problème vient de la société:comment peut-on combattre lesyndrome "Frankenstein"?La seule façon est d'expliquer patiem-ment et longuement les procédés et lesrépercussions. Pour moi, prélever lescellules d'un embryon humain estacceptable. Alors qu’il est infinimentpetit, il lui faut encore plusieurs se-maines de développement avant que l’onpuisse constater la présence d'un sys-tème nerveux. Même s'il s'agit d'un êtrehumain potentiel, il n'a ni conscience, nisensation et dans ce sens là ce n'est pasencore un être humain.

S'agit-il de problèmes philosophiques?Il y a une réticence à utiliser du matérielhumain, “ conscient ” ou pas.Les différences de points de vue ne meposent pas de problème, mais il y fauttenir compte de l’opinion de la société.Il n'est pas normal que des chercheurs,des patients ou des thérapeutes fassentla loi : une discussion parlementaireapprofondie sur ces problèmes estnécessaire.

En France, l'Académie de médecine estréputée moins "progressiste" qu’à l'Aca-démie des sciences. La première parlede l'embryon comme d'un “ patient ”.Je suis partisan de la recherche pourcomprendre les maladies génétiques etun jour éventuellement les corriger, cequi est différent de l'utilisation descellules embryonnaires pour traiterquelqu'un.

Travaillez-vous pour une compagnie àbut lucratif?Je travaille pour le Roslin Institute qui est

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Dossier

Entretien avec Ian Wilmut 1

Réalisé par Lucy Kukstas 2

Ian Wilmut, le père de Dolly, est aujour-d’hui à l’Académie des sciences de l’Ins-titut de France où il participe au colloque“ Cellules souches et thérapie cellulaire ”organisé en collaboration avec l’Académienationale de médecine et le MedicalSciences of the United Kingdom. Il aaccepté de répondre à quelques ques-tions concernant le clonage.

Question: Cette visite à Paris au colloqueest l’occasion de vous interroger survotre motivation au moment de tenterle clonage d’un grand mammifère? Etait-ce un défi technique?

Ian Wilmut:Notre recherche a commencé 5 ou 6 ansavant la naissance de Dolly, dans le butde produire des modifications génétiqueschez des animaux de ferme à partir decellules prélevées chez l’embryon. Aucours du projet, nous n’avons pu obtenirdes cellules embryonnaires (souches).Le transfert d’embryons, en revanche,s’est révélé être une technique remar-quablement puissante. Le but étaitatteint mais pas avec les moyens prévus.

Si vous n’aviez pas réussi cette tech-nique, pensez-vous que d’autres cher-cheurs l’auraient fait à ce moment del’histoire de la recherche?Certainement. Rien ne dit que d’autreséquipes ne travaillaient pas sur le mêmesujet. Je reste convaincu que l’utilisationdes cellules différenciées est une tenta-tive à laquelle s’attachaient d’autreschercheurs.

Cela fait maintenant 5 ans et demi queDolly est en vie. Ces années vous ont-elles appris davantage sur la techniquedu clonage?Le clonage reste une technique nouvellemais insuffisamment efficace. Utiliséechez les animaux, cette méthode peutprovoquer selon les espèces des avor-tements, des anomalies, ou la venue aumonde d’individus morts-nés. C’est une

1 Professeur au Roslin Institute, Edinburgh, UK2 Docteur en neurosciences, productrice de l’émission

“ In vivo ” à France Culture

HelloDolly

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DossierAux États-Unis, une décision de laMaison Blanche, en août 2001, autorisel’utilisation des lignées de cellulessouches déjà existantes qui sont réper-toriées au NIH mais interdit tout finan-cement fédéral pour l’isolement denouvelles lignées ou la création d’em-bryons pour la recherche.Ces débats se retrouvent au niveaunational associés aux débats entre scien-tifiques et politiques et conduisent à desdécisions parfois antinomiques.Selon l’enquête effectuée par l’ESF en2000, le clonage reproductif est trèsgénéralement interdit légalement. Lespays qui n’ont pas encore légiféré ontnéanmoins signé et pour certains ratifiéla Convention sur les droits de l’Hommeet de la biomédecine. Par contre, cetteenquête, comme celle que la Commis-sion européenne a publié en novembre2001, a révélé des différences considé-rables dans la prise de conscience et letraitement des différentes approchesscientifiques qui utilisent les cellulessouches humaines.En effet, parmi les 23 pays (sur les 27 payseuropéens membres de la Fondation) quiont répondu à cette enquête, seuls 10d’entre eux ont une législation qui interdit(Allemagne, Espagne, France, Italie,Norvège) ou autorise (Royaume-Uni, Finlande, Suède, RépubliqueSlovaque et Slovénie) la recherche surles cellules souches embryonnaires

issues d’embryons surnuméraires créés par fécondation in vitro. Parmi cesderniers, seuls le Royaume-Uni et laFinlande ont franchi une étape supplé-mentaire et autorisent, pour la recher-che, la création d’embryons par trans-fert nucléaire. A l’opposé, l’Allemagneest en voie d’interdire jusqu’à l’importa-tion de lignées de cellules embryon-naires pour la recherche.Sans aller jusqu’à cet extrême, le paysagelégislatif évolue très rapidement dans lesdifférents pays européens au fur et àmesure que les gouvernements et lesparlements relèvent ce nouveau défi.Il parait essentiel, comme le recom-mande l’ESF dans son communiqué, quetous les pays européens créent un cadrelégislatif et réglementaire pour super-viser et contrôler les laboratoires et les scientifiques qui poursuivent destravaux sur et avec les cellules soucheshumaines ainsi que les travaux eux-mêmes. Mais il est tout aussi essentielque ces pays, en développant ce cadrelégislatif, prennent en considération queles patients de tous les pays et du leuren particulier, voudront bénéficier desprogrès thérapeutiques réalisés grâceà ces travaux �

1 Senior Scientific Secretary for Biomedical Sciences,European Science Foundation, Strasbourg

2 Toutes ces références bibliographiques sont consul-tables sur le site de l’Académie

par Marianne Minkowski 1

Créée en 1974,la Fondation

Européenne de laScience (ESF) estune organisationinternationale nongouvernementale

à but non lucratif dont le siège est àStrasbourg. Elle regroupe actuellement70 institutions nationales qui se consa-crent à la promotion de la recherchescientifique dans 27 pays dont plusieurshors de la Communauté européenne.Cette mission de promotion scientifiquene serait pas cohérente si elle ne s’ac-compagnait pas d’une réflexion appro-fondie sur les conséquences morales etéthiques que peuvent avoir certainesavancées scientifiques, particulièrementdans le domaine des sciences du vivant.

La recherche sur et avec les cellulessouches humaines, en particulier, faitnaître de nouveaux espoirs pour le trai-tement de maladies jusqu’alors incu-rables mais soulève également desquestions morales et éthiques et suscited’importants et nombreux débats, voireune opposition croissante de la part dupublic et du monde politique danscertains pays.Chargée par les Présidents des Orga-nismes Nationaux de Recherche del’Union Européenne (EUROHORCS) deprendre ce problème en considération,l’ESF a confié cette étude au groupe d’ex-perts de haut niveau qu’elle avait mis enplace dans le cadre d’une réflexion géné-rale sur “la Biologie dans la Société”.Les travaux de ce groupe ont abouti à lapublication, en juin 2001, d’un commu-niqué intitulé “Human stem cellresearch: scientific uncertainties andethical dilemnas”2, qui résume les ques-tions scientifiques et éthiques etprésente la position de l’ESF.Dans ce communiqué, qui s’adresse àses Organismes Membres et à la

communauté scientifique européenne,la Fondation soutient tout particulière-ment la recommandation d’autoriser lestravaux de recherche sur les cellulessouches humaines, qu’elles proviennentd’embryons, de tissus fœtaux ou detissus adultes, afin de pouvoir déter-miner et comparer leur potentiel, à lacondition que ces travaux soient correc-tement réglementés.Elle approuve par ailleurs le principe del’interdiction du clonage reproductif maispréconise l’autorisation du clonage partransfert nucléaire à des fins derecherche sous contrôle renforcé.Les conclusions et recommandations dugroupe d’experts se sont basées sur uneenquête menée dans le cadre de sestravaux pour avoir une vue d’ensemblede la manière dont les différents payseuropéens traitaient, sur un plan régle-mentaire et éthique, le clonage repro-ductif d’une part et l’utilisation descellules souches humaines adultes,fœtales ou embryonnaires pour larecherche d’autre part.Avant de donner les résultats de cetteenquête il est important de mentionnerla dimension religieuse du débat actuel

sur la recherche sur l’embryon humainet l’utilisation de cellules souchesembryonnaires à des fins thérapeu-tiques.En effet, les positions exprimées parcertaines des principales religions ontinflué et influent considérablement surce débat: les opinions sur la question dustatut de l’embryon humain varient demanière significative selon les croyancesreligieuses et à l’intérieur d’une mêmecroyance et sont à prendre en comptedans l’admission ou le refus de l’utilisa-tion des embryons pour la recherchethérapeutique.Selon le rapport du Comité internationalde bioéthique (Unesco) et celui duComité de bioéthique de l’Académie dessciences israélienne, une questionessentielle se pose : l’embryon, aumoment de la fécondation, est-il un être

humain et, si ce n’est pas le cas, à quelmoment cet embryon le devient-il? Unequestion subsidiaire revêt égalementtoute son importance pour la recherche:l’embryon créé par fécondation in vitroet maintenu in vitro a-t-il ce statut?Brièvement, la Loi biblique et talmudiqueconsidère que le statut d’être humain estacquis progressivement pendant le déve-loppement embryonnaire et non lors dela fécondation. Un embryon créé parfécondation in vitro n’aura le potentielde devenir un être humain qu’aprèsimplantation dans l’utérus maternel.Selon la tradition islamique, dans laShari’a, l’embryon ne devient unepersonne morale qu’après le premiertrimestre de grossesse, période àlaquelle il acquiert une âme. Dans la tradition catholique romaine, aucontraire, l’être humain commence sonexistence dès la fécondation. La vie d’unembryon créé in vitro conserve soncaractère sacré.Ces différents points de vue sont unecomposante importante dans les débatstant au niveau européen et internationalque national et influent nécessairementsur les législations mises en place.

Au niveau européen, dans le protocoleadditionnel à la Convention sur les droitsde l’homme et la biomédecine qui portesur l’interdiction du clonage d’êtreshumains, le Comité Directeur pour laBioéthique (CDBI) du Conseil de l’Europelaisse “la définition de l’être humain àchaque législation nationale”. Le Groupeeuropéen d’éthique des sciences et desnouvelles technologies de la Commis-sion européenne, dans son rapport surles aspects éthiques de la recherche surles cellules souches, rappelle que, surla base du pluralisme légal et éthiqueen Europe, la législation sur l’isolementde cellules souches à partir d’embryonshumains revient à chaque État. A l’issuedu rejet du Rapport Francesco Fiori parla Commission temporaire sur la géné-tique humaine et les autres technolo-gies nouvelles en médecine modernemise en place par le Parlement euro-péen, son président, le député européen,Robert Goebbels, conclut que “le légis-lateur doit se borner à prescrire l’inac-ceptable, notamment le clonage humainreproductif”.

Les pplications médicales des cellules souches et des cellules embryonnaires dans les différents pays

Aspects scientifiques et réglementairesa

L a dernière demi-journée qui s’esttenue à l’Académie de médecine

était consacrée aux aspects médicauxet éthiques. Les exposés 2 ont montréque les expérimentations animalespermettent d’espérer, dans un avenirplus ou moins lointain, des progrèsdans trois domaines:

� Les maladies neurodégénéra-tives : maladie de Parkinson, scléroseen plaque, maladie d’Alzheimer, choréede Huntington, paraplégie ou tétra-

� Les maladies caractérisées par undéficit cellulaire : diabète, les cellulesembryonnaires de la souris peuventdonner naissance à des lignées de cellulescapables, chez la souris, de sécréter del’insuline en réponse au glucose et de s’as-sembler en îlots in vivo et in vitro, infarctusdu myocarde en utilisant des cellulessouches musculaires (P. Menasché4) ;hépatite, des cellules souches hémato-poïétiques, marquées génétiquement,injectées à des souris irradiées présen-tant une insuffisance hépatique peuventnon seulement régénérer le systèmeimmunologique et sanguin mais être à

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plégie d’origine virale ou traumatique.A cette fin ont été utilisées des cellulessouches neurales provenant de lasouris adulte et des cellules embryon-naires humaines dont on a montréqu’elles pouvaient se différencier encellules neurales. Des cellules soucheshématopoïétiques peuvent régénérerchez l’enfant un cerveau atteint decertaines maladies neurodégénéra-tives et arrêter la progression de lamaladie, voire la guérir complète-ment3.

l’origine d’hépatocytes normaux capablesde guérir les troubles hépatiques,certaines maladies génétiques. La greffede cellules souches hématopoïétiques aété utilisées pour traiter des troubles del’ostéogenèse. Des maladies génétiquesentraînant une déficience immunologiqueincompatible avec une vie normale ont ététraitées avec les cellules souches dumalade dans lesquelles, hors de l’orga-nisme (ex-vivo) des gènes normauxavaient été introduits avant réinjection aumalade. Ce type de traitement peut êtreeffectué avec des cellules embryonnairesou obtenues par transfert nucléaire.

1 Président de l’Académie nationale de médecine,Membre de l’Académie des sciences

2 Notamment ceux de M. Cavazzana-Calvo (HôpitalNecker Enfants Malades, Paris) et A. Mc Laren (CRCInstitute, Cambridge, UK) 3 Voir sur site internet la bibliographie complète 4 CHU Bichat-Claude Bernard, Paris

Dossier

par Maurice Tubiana 1

L es travaux effectués sur les cellules souches depuiscinq ans sont à l’origine d’une véritable révolution

biologique et médicale, les historiens des sciencesparlent d’un changement de paradigme. Leurs résultatsremettent en cause la conception que nous avions de

l’embryogenèse et de la différenciation cellulaire selonlaquelle le potentiel de différenciation cellulaire était irré-

versiblement amoindri au cours des divisions cellulaires etlié à une perte progressive du potentiel de prolifération. Dès lors,

des perspectives exaltantes s’ouvrent non seulement pour la lutte contreun grand nombre de maladies mais aussi contre la sénescence des tissus due dansune très large mesure à la perte de leur capacité de prolifération et de régénération.

Aspects médicauxet éthiques de l’utilisationcsdes

ouchesellules

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Dossier

� Réification et commercialisationde tissus humains. On rejoint là lesdébats classiques concernant la trans-fusion sanguine et le don d’organe pourtransplantation.On pourrait d’abord rappeler que commel’expérience tragique de la transplanta-tion l’a montrée, que le don volontaire etgratuit n’évite pas les risques sanitaires.On ne réduit ceux-ci que par la mise enœuvre (et la compréhension par lesmédecins et le public) des règles desanté publique fondées sur l’analyse dedonnées biologiques et épidémiolo-giques. Les risques de contaminationn’ont été réduits que par l’accroissementdes connaissances qui a permis la miseen œuvre de règles de sélection desdonneurs.Il n’en reste pas moins qu’il faut éviterles dérives commerciales et que l’on nepeut y parvenir que par la limitation et la surveillance des centres derecherches.

� L’instrumentalisation des em-bryons humains faisant de ceux-ci desmoyens alors qu’ils devraient avoir ladignité de personnes potentielles. Il fauttout d’abord remarquer que le momentoù l’embryon acquiert la dignité d’unepersonne varie selon les religions 5.C’est ce que reconnaît de façonimplicite la règle permettant ladestruction au bout de cinq ansdes embryons surnumérairescréés pour les besoins de lafécondation in vitro. Il est plusnoble pour ces embryons, vouésà la destruction, de contribuer à desrecherches susceptibles de sauver lavie et la santé d’êtres humains. C’est cequi a été reconnu par le Parlementanglais (Chambre des communes etChambre des Lords) et, lors du vote enjanvier 2002, à l’Assemblée nationaledu projet de loi sur la bioéthique. Maisceci, bien entendu, nécessite unconsentement éclairé des parents et unencadrement étroit de ces recherchesdans les quelques laboratoires oùcelles-ci seraient autorisées.Il faut, d’ailleurs, noter qu’il serait para-doxal de s’opposer à l’utilisation de cesembryons surnuméraires pour larecherche, alors que l’on autorise l’in-terruption volontaire de grossessejusqu’à la dixième semaine, soit long-temps après que soit apparu unsystème nerveux central.

� Certains cancers, en permettantla régénération du tissu sain dans lequels’était développée la tumeur après quece tissu ait été détruit par le traitement.Historiquement la guérison des leucé-mies grâce à une destruction dans l’en-semble des tissus hématopoïétiques,suivie d’une transplantation des cellulessouches hématopoïétiques d’un sujetsain a été la première et la plus specta-culaire application de cette démarche;mais celle-ci pourrait théoriquements’appliquer à d’autres types de cancers.

Nous disposons de trois types de cellules souches et il convient d’encomparer les avantageset les inconvénients

� Les cellules souches provenantde tissus adultes. C’est l’application laplus ancienne puisqu’elle est effectuéedepuis plus de quarante ans, ce quipermet d’en mesurer les avantages etles limites. Rappelons qu’en France, en2001, 800 greffes de moelle ont été effec-tuées, dans 85 % des cas pour traiter desleucémies, dans 15 % pour traiter desaffections hématologiques bénignes oules maladies génétiques. Les principalesdifficultés sont liées à l’incompatibilitéimmunologique: il faut trouver des don-neurs “ compatibles ” ce qui est souventextrêmement difficile ; de plus mêmedans ces cas, il faut administrer, pouréviter les rejets, des médicamentsimmunodépresseurs souvent très maltolérés, toujours sources de handicaps.De plus, les cellules souches sont dansde nombreux tissus très peu nom-breuses, celles provenant de sujets âgésont un potentiel de prolifération et derégénération diminué, elles se cultiventmal in vitro. Par contre, leur plasticité,c’est-à-dire leur capacité à régénérerd’autres tissus et à donner naissance àdes lignées cellulaires ayant les carac-téristiques des tissus dans lesquels ellesse sont fixées, est beaucoup plus grandequ’on ne l’avait cru, notamment en cequi concerne les cellules hématopoïé-tiques; néanmoins, on se heurte à deslimitations qui commencent à appa-raître; seule une très faible proportionde cellules souches adultes semble avoircette propriété, ce qui pourrait limitertrès considérablement les possibilitésd’application clinique. Bien que lescellules souches adultes soient, de trèsloin, celles qui sont les mieux connuespuisqu’elles sont étudiées depuis plusde 30 ans, les recherches doivent êtrepoursuivies pour étudier les facteursinfluençant leur plasticité et les condi-tions de transdifférenciation. Mais ilapparaît déjà que les cellules souchesadultes ne peuvent pas être utiliséesdans toutes les situations cliniques.

Pr P. Jouannet montre, en réalité, ladisponibilité d’un nombre d’ovocytessuffisant pour les recherches, grâce auxprélèvements sur les ovaires de piècesopératoires ou d’autopsie.

Avantages et inconvénients de ces différents typesde cellules souches

L’obtention de cellules souches à partirde tissus adultes est celle qui pose lemoins de problème. Mais il est vrai-semblable que ces cellules ayant uneplasticité et un potentiel de proliférationlimité se prêteront mal à certaines utili-sations cliniques.Les cellules souches embryonnaires ontun potentiel de prolifération, de diffé-renciation beaucoup plus grand. Mais ilfaut pour les utiliser à des fins théra-peutiques les faire, in vitro, se multiplieret se différencier jusqu’au stade corres-pondant à l’utilisation clinique envisa-gée, ce qui nécessitera beaucoup derecherches et de mises au point, d’au-tant qu’il faudra aussi se prémunir contreles risques de cancérisation et réduirele risque de rejet immunologique quiconstituera un obstacle majeur enclinique humaine.Les cellules souches embryonnairesobtenues par transfert nucléaire sont,pour l’instant, les seules qui échappentau risque de rejet immunologique. Ellesouvrent, par ailleurs la porte à la possi-bilité d’obtenir un grand nombre decellules provenant d’une tumeur ou d’unsujet atteint d’une maladie génétique,ce qui permettra des recherches biochi-miques et pharmacologiques et descorrections du trouble génétique irréa-lisables sans cette technique.Cependant, il faut souligner que pources trois types de cellules, les connais-sances ne sont que préliminaires et quede longues recherches seront néces-saires avant d’en arriver aux essaisthérapeutiques. Il faut donc éviter dedonner des espoirs prématurés auxmalades. C’est là un aspect éthiqueessentiel.

Aspects éthiques

Ceux-ci ont fait l’objet d’innombrablesdébats dans plusieurs parlements et auComité national d’éthique. Ils posenttrois questions distinctes qui ont étéanalysées par les orateurs au cours dela séance consacrée à ce thème.

� Les cellules embryonnaires. Chezl’homme, l’embryon vers 5 – 7 jourscontient une centaine de cellulescapables de proliférer in vitro et stablessur le plan chromosomique. Elles sontpluripotentielles mais cette pluripoten-tialité diminue avec le nombre de divi-sions cellulaires. Les conditions deculture influencent la différenciationmais les facteurs spécifiques n’ont pasété identifiés. Un énorme travail restedonc nécessaire, d’autant qu’il apparaîtpossible de modifier les caractères géné-tiques par des transfections pendant lapériode de culture. Les deux difficultésmajeures sont la possibilité de prolifé-ration autonome, donc de cancéroge-nèse, après transplantation et la tolé-rance immunologique car après dif-férenciation ces cellules peuvent ne plusêtre tolérées.Les embryons qui ont été utilisés pourobtenir ces cellules embryonnaires sontdes embryons issus de fécondation invitro. Quand un couple recourt à ce modede reproduction, on produit un grandnombre d’embryons dont seulsquelques-uns sont ensuite implantésdans l’utérus maternel. Les autres sontconservés à basse température, tout enrestant à la disposition des parents aucas où ils souhaiteraient d’autres gros-sesses. La loi prévoit qu’au bout de cinqans, les embryons non utilisés sontdétruits. Au lieu d’être détruits, et avecle consentement des parents, cesembryons peuvent, dans certains pays(Royaume-Uni, Suède, Finlande), êtreutilisés pour des recherches spécifiquessous le contrôle d’une haute autorité.

� Les cellules souches obtenues partransfert de noyau. Le transfert de noyaud’une cellule somatique dans un ovocytecrée une cellule souche totipotentielledont les caractéristiques génétiques etdonc immunologiques sont celles dudonneur du noyau. Le noyau a été repro-grammé par des facteurs contenus dansl’ovocyte et il redevient une cellulesouche tout en conservant ses caracté-ristiques génétiques. Ces cellules en sedivisant deviennent un embryon quiimplanté dans l’utérus d’une femelle dela même espèce peut, dans certains cas,évoluer vers un fœtus puis un être vivant(la brebis Dolly). Si on arrête, in vitro, laprolifération au stade de blastocyte, ondispose de cellules embryonnaires quiont l’avantage si elles sont utilisées chezle sujet de qui provient le noyau d’êtreparfaitement tolérées puisqu’elles sontgénétiquement identiques. Un petitnombre d’études effectuées avec cescellules souches confirment que c’estbien ce qui est observé mais ne permet-tent pas encore d’apprécier l’intérêtpratique de cette approche.Cette technique nécessite l’utilisationd’ovocytes féminins, ce qui a fait craindreun commerce des ovocytes. L’exposé du

5 Lady O’Neill (Newnham College, Cambridge, UK),D. Pellerin (Membre du Comité national d’éthique),A. Fagot-Largeault (Correspondant de l’Académie dessciences, professeur au Collège de France).

une incohérence entre lesbuts (faire de la France un des

pays leaders dans le monde enbiotechnologie) et les moyens

(interdire certaines recherchesparce que la France est un pays où on

n’est pas sûr de faire respecter la loi).L’analyse des aspects législatifs etréglementaires dans les différents paysindustrialisés montre que parmi les paysscientifiquement dynamiques, nombreuxsont ceux qui autorisent ces recherchesmais toujours en les encadrant trèsétroitement et en limitant le nombre de

laboratoires où elles sontautorisées6.

Depuis l’antiquité la peur de la trans-gression de la connaissance, a été illus-trée par le mythe de Prométhée danslequel l’innovation est d’abord perçuecomme une transgression de l’ordredivin (Prométhée après avoir volé le feusur l’Olympe est condamné pour l’éter-nité à avoir son foie dévoré par desvautours) puis gracié (Hercule le délivreet lui rend hommage) quand l’utilité del’innovation est reconnue. Il ne faut paslaisser l’éthique être utilisée pour luttercontre l’innovation et il faut se rappelerque pour un médecin la règle éthiquefondamentale est de soigner le mieuxpossible les malades.Mais peut-être, dans ce débat moral etéthique, faut-il laisser le dernier mot àla Bible: “ C’est avec le même airain quel’on forge la lame des glaives et le socdes charrues ”. L’homme n’est grandque quand il n’enfonce pas sa tête dansle sable et affronte son destin en étantprêt à faire triompher le bien sur le mal.Espérons que ces mots ont encore unsens dans la France de ce début du XXIème

siècle �

6 Marianne Minkowski (European Science Foundation,Strasbourg)

� Le risque de dérive vers un

clonage reproductif.Ce r isque neconcerne queles transfertsdans l’ovocytedu noyau d’unecellule souche

somatique. Il fautreconnaître que les

premières étapes duclonage reproductif et de cetransfert (parfois impropre-

ment appelé clonage théra-peutique) sont les mêmes.

Mais comme l’ontsou-

ligné les débats au Comité nationald’éthique, à l’European Science Fonda-tion et au Parlement anglais, ainsi qu’aucours du colloque, il est relativementaisé d’encadrer ces recherches etd’empêcher une telle dérive. En effet,faire un clonage reproductif nécessitedes infrastructures coûteuses. Pourquoiceux disposant des capitaux et descompétences s’exposeraient-ils aurisque de faire ces recherches dans despays où elles sont interdites alors qu’ilexiste tant de pays au monde où aucundispositif législatif ou policier ne s’yoppose? A la limite même, il serait plussimple pour eux de les faire sur desbateaux naviguant sur les eaux interna-tionales. De plus, exclure ces recherchesen France, sous prétexte que les inter-dictions prévues par la loi y seraientinopérantes témoignerait d’un singuliermanque de confiance envers l’efficacitédes lois dans notre pays. Si nos légis-lateurs pensent qu’une loi n’est res-pectée que quand le public y adhère, l’ob-

jectif devient d’expliquer la loi et sa légi-timité plutôt que d’y renoncer. On nesaurait bâtir l’avenir d’un pays surla reconnaissance de la tyrannie del’opinion sans rien faire pour s’y opposer.En réalité l’attitude négative est fondéesur l’idée que d’autres pays effec-tuent ces recherches sur le trans-fert nucléaire et que si celles-ciaboutissent il sera temps, pournotre pays, d’autoriser cette produc-tion, de même qu’on s’est opposé à lacréation de lignées de cellules embryon-naires mais qu’ayant pris conscience duhandicap que cela représente pour noschercheurs on autorise leur impor-tation. Une telle attitude est peucompatible avec le statut de larecherche dans notrepays. Il révélerait

Mandragore: créaturenée de la fécondationdu sol par la semenced’un pendu.

Dossier

Les principales menacesNombre d’agents biologiques sontsusceptibles d’être militarisés; une listenécessairement provisoire en a étéétablie (Arrêté du 18 juillet 1994, JournalOfficiel ; Arrêt de l'Advisory Committeeon Dangerous Pathogens, Health Department, UK; Directive européennen° 90/679/CEE).

Les agents naturels vivantsIls peuvent occasionner des épidémiesmais l'aspect capricieux des facteurs decontagion font qu'ils sont difficiles àmanier et qu'ils peuvent se retournercontre leur utilisateur. Les expertsconcentrent donc aujourd’hui leur atten-tion sur les agents à transmissiondirecte, par voie aérienne ou cutanée,muqueuse et digestive, selon que lamenace est de nature terroriste ou qu'ils'agit d'armes de sabotage. Ils sontrépartis en deux catégories.

� Les bactéries, rickettsies et my-cètes, tels le bacille du charbon ou celuide la peste (facteurs de panique dansune population non avertie), de la tula-rémie, ces trois affections étantmortelles en l’absence de thérapie et les agents de la fièvre Q (invalidante et particulièrement contagieuse) ou decertaines mycoses pulmonaires (gravesen cas de déficit immunitaire) de lamorve et de la typhoïde.

� Les virus, d’abord celui de la varioleparticulièrement virulent, hautementcontagieux, sans thérapeutique connueet à l’égard de laquelle certaines popu-lations sont redevenues sensibles, ainsique ceux responsables d'encéphaliteset de fièvres hémorragiques.

Les agents moléculairesCertains sont infiniment plus redou-tables que des agents chimiques deguerre. Leur structure chimique permetde distinguer:

� Les toxines, réparties en deuxfamilles, (a) celles de petit poids molé-culaire, non protéiques, qui perturbentle fonctionnement de canaux ioniques(saxitoxine) ou altèrent la synthèse desprotéines (trichothécènes) et (b) les

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Questions d’actualité

1 Membre de l’Académie des sciences, professeurhonoraire à l’Institut Pasteur

2 Les références bibliographiques sont sur le sitede l’Académie

par Henri Korn 1

Jusqu'à une période récente, ledanger que pouvait représenter l’armebiologique semblait, à nombre d’entrenous, relever du fantasme ou de lascience-fiction. Tel n’est plus le cas.Plusieurs faits récents sont à l’originede cette prise de conscience. Le premierest la menace, largement médiatisée,qu’a fait peser l’Irak sur la communautéinternationale, après que ce pays eutemployé l’arme chimique contre saminorité kurde et lors de sa guerre avecl’Iran. Le second a été la découverte duterrifiant arsenal biologique accumulépar l’Union Soviétique et des risques quelaisse encore planer sa dissémination.Le troisième a été la démonstration quenon seulement certains États maiségalement des groupes terroristesappartenant à des nations industriali-sées n’hésitent plus à employer ces

“ bombes atomiques des pauvres ”. Entémoigne la contamination volontairepar la fièvre typhoïde de 750 personnes,en 1985, liée aux agissements d’unesecte établie dans l’Oregon, l’attentat ausarin mené à Tokyo en 1995 par la secteAum, et le mystère apparemment nonrésolu de la dissémination de l’anthraxqui a suivi, aux États-Unis, l’attentat du11 septembre.

Un peu d’histoireLa militarisation du monde vivantremonte à l’Antiquité: Hannibal l’avaitemployée sous la forme de reptiles, lesGrecs et les Romains souillaient lespoints d’eau ennemis à l’aide decadavres en décomposition et il en futde même lors des croisades et de laguerre de cent Ans. Plus célèbre est lecas des Tatars assiégeant la ville de Kaffaqui fut conquise après qu’ils eussentcatapultés sur elle leurs morts de lapeste, en 1346. Des marchands génoisla ramenèrent un an plus tard en Europeoù elle fut sans doute, à l’origine de laterrible épidémie de 1348 (la peste noire).Plus près de nous, en 1763, un capitaineanglais en guerre contre les Indiens dansl’Ohio réduisit ceux-ci après leur avoirfait parvenir des couvertures ayant servià des malades atteints de la variole. LesJaponais ont mené une guerre biolo-gique contre les forces chinoises entre1939 et 1942, la guerre du Viêt-Namenfin a vu l’emploi massif par les ÉtatsUnis de défoliants (agent orange) dontles séquelles (cancers, leucémies,malformations) demeurent2.L’usage de gaz toxiques lors de laPremière Guerre mondiale, suscita uneindignation générale qui conduisit lesÉtats réunis sous l’égide de la Sociétédes Nations, à adopter le 4 Mai 1925 leProtocole de Genève qui bannissait

“ l’emploi à la guerre de gaz asphyxiants,toxiques ou similaires ” et qui étendaitcette interdiction “ aux moyens de laguerre biologique ”. La France, suivied’abord par 40, puis finalement par 125nations, fut le premier pays à le ratifier,les États-Unis attendirent 1975 pour s’yassocier. Ce protocole représentait avanttout un engagement moral, chaque paysse réservant la liberté de riposter si l’ad-versaire faisait usage le premier d’unetelle arme. Du fait de ces réserves, laplupart des pays industrialisés ont pour-suivi des recherches, voire la productiond’agents biologiques à visées militaires,sous le couvert d’une politique dedéfense.

Ambiguïtés et aspectdual du problème

Les armes biologiques, qui sont appe-lées ABO (Agents of Biological Origin)sont issues du monde animal, végétalou microbien. Autrement dit, un agentbiologique est défini comme “un micro-organisme qui provoque une maladiechez l'homme, les plantes ou lesanimaux, ou qui produit une détériora-tion des matériaux”. Cette définition aété étendue aux substances produitespar des micro-organismes, par desanimaux ou par des plantes (toxines).Elle englobe par conséquent les risquesliés aux progrès des biotechnologies età celles du génie génétique.Les toxines et peptides biologiquementactifs sont, au terme de la Conventionde 1972 (voir plus loin) des agents biolo-giques “stricto sensu”. Mais le fait quecertains puissent être synthétisés et queleur concept d'emploi soit très prochede celui des agents chimiques, rend deplus en plus floue la frontière entreagents de “ guerre chimique ” (que nousn’envisageons pas ici) et de “ guerrebiologique ”. Avec l’inventaire de ces substances et de

leurs dangers, les mesures de protec-tion et de prévention qu'elles imposent,on voit s’effacer la distinction entre appli-cations militaires et recherches en santépublique ; Il révèle au grand jour unproblème grave, resté trop longtempsconfidentiel. Celui-ci relève sans aucundoute, et beaucoup plus que par le passé,d'une approche duale, à la fois civile etmilitaire. Cet état de fait doit permettre,enfin, à la communauté scientifiqued'aborder, sans arrière-pensées, undomaine qui relève directement duchamp de ses compétences.

menacesbiologiquesLes

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Questions d’actualité

substances peptidiques ou protéiques,telles la toxine botulinique, facile àproduire et le plus puissant des poisonsactuellement connus, les entérotoxinesstaphylococciques, la ricine et l’afla-toxine, efficaces à faible dose, relative-ment faciles à produire et à conserver.D’autres toxines ont longtemps été écar-tées de l'évaluation des risques en raisonde leur difficulté de production, mais legénie génétique a radicalement modifiécette situation.

� Les substances simulant despeptides endogènes: neuropeptides ethormones peuvent entraîner des pertur-bations des grandes fonctions biolo-giques conduisant à des troubles fonc-tionnels ou comportementaux (de l’ attention ou de l’agressivité ) majeurs.Telles la substance P, l'endothéline, latufsine et d'autres qui participent auxrégulations des métabolismes tissu-laires et cellulaires et aux réponses àdes agressions. Leur petite taille les rendaccessibles à la synthèse chimique.

Les développements des biotechnolo-gies et de l’ingénierie des protéinespeuvent être employés à des finsdiverses. D’abord pour rendre plusredoutable un agent naturel en le modi-fiant. On peut actuellement sélectionnerdes résistances particulières à un ouplusieurs antibiotiques, créer une patho-génicité sélective pour une populationdonnée, introduire des éléments géné-tiques exogènes dans des vecteursbactériens, viraux ou cellulaires, leshôtes pouvant dès lors exprimer unetoxine qui leur est inhabituelle. Les ABOpeuvent donc être "optimisés" pourobtenir un prodigieux accroissement deleur virulence, l’inefficacité des vaccinsconnus, l’ extension de leurs cibles tissu-laires, etc…Pour mettre, enfin, au pointdes composés nouveaux qui associentplusieurs agents chimiques et/ou biolo-giques permettant à ceux-ci d’agir isolé-ment ou en synergie. Il pourra s'agird'agents génétiquement sélectifs, defacteurs de virulence inductibles à retar-dement, de vecteurs d'éléments géné-tiques capables de provoquer des patho-logies secondaires, de souches de cellules(procaryotes ou eucaryotes) produisantdes toxines ou des biopeptides. Commel’ont souligné nombre d’observateursbien des pays suspects ont acquis lesmoyens en hommes et en équipementspour mener des études dans ce do-maine. L’évaluation et la surveillance deces technologies n’en sont que plus diffi-ciles, d’autant qu’il s’agit, là encore, dedisciplines duales militaires mais égale-ment utilisées pour améliorer la santéet l’environnement.

Insuffisances de la législation actuelleLe Protocole de 1925 ne prévoyait aucunemesure de vérification et ce point estl'objet de tous les litiges passés et à venir.Une Convention d’interdiction des armesbiologiques, a été rédigée en 1972. Elleinterdit “le développement, la produc-tion, le stockage, l'acquisition ou le trans-fert d'agents micro-biologiques (biolo-giques) ou à type de toxines et enquantités qui n'ont pas de justificationspour des utilisations en prophylaxie,protection et autres applications paci-fiques”. Elle exige également leurdestruction si des stocks existent chezl’un des contractants. La Convention aété revue lors de plusieurs Conférencesd’examen, en particulier celles de 1986et de 1996, qui portent respectivementsur les agents obtenus par synthèse arti-ficielle et leurs analogues ou les agentsissus des études en biologie moléculaireet sur le génome. D’autres acquisnotables s’inscrivent dans le cadre desmesures de confiance telles la coopé-ration et l’assistance internationales, lesnécessaires déclarations des activitéspassées (depuis 1945) ou celles, préa-lables aux activités envisagées. Actuel-lement 145 pays l'ont ratifiée. Mais leprincipal problème sur lequel butent lesnégociateurs est d'ordre juridique: dequel type d'administration, de quelsmoyens financiers et légaux peutdisposer un organisme de surveillancepour rendre cette Convention réellementefficace.

Plusieurs raisons à celaLes États-Unis, peu favorables à un accordgénéral, bien qu’ils soient signataires dela Convention, ont privilégié des alliancesdirectes avec les États et se sont toujoursopposés à la mise en place de procéduresde vérification. Le triptyque “ prévention,dissuasion, défense” qui caractérise leurpolitique militaire les a conduit à adopterune attitude paradoxale, caractérisée a lafois par le développement de recherchespoussant à leurs extrêmes limites lesinterdictions de la Convention ( ils n’ontpas été les seuls à agir ainsi), tout en s’en-gageant dans un programme ambitieuxcontre leur prolifération, centré en premierlieu sur la destruction des gigantesquesstocks de l’ex URSS.D’autre part la liberté du commerce, l’ex-tension des échanges internationaux etdes coopérations scientifiques entre leslaboratoires rend d’autant plus difficile laconception de mesures de vérificationappropriées que les travaux sur les agentsvivants et les interactions hôtes/agentssont à la croisée de multiples applications.

� L’ évaluation des risques émer-gents.Ils se situent à plusieurs niveaux: celuidu perfectionnement des procédésindustriels, des biotechnologies et de lachimie des protéines, et celui de la diver-sification des outils produits par le géniegénétique

� La participation aux mesures deprévention, de détection des ABO et aurenforcement des accords internatio-naux. Il s’agit d’abord de veiller à limiterles transferts de technologies: ces trans-ferts sont explicitement interdits par laConvention de 1972 dès lors qu'ilsconcernent les produits sensibles. Unedouzaine de nations sont en mesure deproduire des armes biologiques. Parmielles non seulement la Chine, Taiwan lePakistan et la Corée du Nord mais égale-ment la Libye, la Syrie et Israël, qui n’aratifié aucun des traités de non-prolifé-ration. D’autres cherchent à y parvenir.Des restrictions légales aux transfertsde souches bactériennes ou virales ontété établies, en même temps que la listedes pays à risques, mais elles doiventêtre sans cesse ré-actualisées. Il fautensuite sensibiliser la communautéscientifique aux risques car une coopé-ration internationale est nécessaire pourrenforcer la confiance et le respect des partenaires, la transparence desrecherches, le soutien mutuel enmatière de vérification des sites sen-sibles ou de tentatives présumées d'em-ploi. Il convient enfin d’améliorer lesoutils existant pour renforcer lesmesures de vérification concernant lecontrôle du développement, de laproduction, du stockage, de l'acquisitiond'agents biologiques et toxiques àd'autres fins que pacifiques. Les tech-niques utilisables peuvent être amélio-rées grâce à la mise au point des “ biosenseurs ” et au recours à des labora-toires spécialisés.

�Réflexion de nature déontologique.Les conditions dans lesquelles sonteffectuées les recherches de Défenserestent troubles. Plusieurs éléments ycontribuent. D'abord la nécessité dusecret contredit le caractère ouvert d'unerecherche performante. Ensuite, nousavons vu que, selon les termes de la loi,ces travaux ne peuvent porter que surdes aspects restrictifs, ce que contreditsouvent la réalité. Une réflexion sur cesenjeux, centrée sur les contradictions decette situation ainsi que sur les inévi-tables dérogations législatives au prin-cipe de précaution qu’imposerait unesituation d’urgence, qui serait conduitesans hypocrisie, et avec des représen-tants de tous les services concernés,aurait valeur d'exemple pour d'autrespays, comme ce fut le cas par exempleen 1983.lors de la création du Comiténational d'éthique �

Les nouveaux dangers

Les difficultés de vérification sont maxi-males lorsqu’elles s’inscrivent dans lecadre de la lutte contre un éventuelterrorisme biologique. Jusqu’à unepériode récente, celui-ci semblait êtreréservé à quelques groupes d’illuminésprovenant de pays industrialisés voirede quelques États connus. Mais on saitque diverses mafias, des guérillas “ dégénérées ” et des sectes apocalyp-tiques, souvent en liaison avec la grandecriminalité organisée dont les ressourcesfinancières sont considérables ont misen place des réseaux internationaux etdes infrastructures élaborées capablesde se procurer et même de traiter desagents chimiques et biologiques, voirenucléaires (non seulement au Pakistan,en Colombie ou en Asie Centrale maisaussi en Europe et aux USA). Selon unexpert les services des États-Unisavaient identifié en 1960 non moins de395 toxines, dont 305 pouvaient serviraux fins considérées ici. A condition qu’ilsaient une capacité de survie prolongée,leur pouvoir pathogène élevé (trois kilosde charbon peuvent tuer plus d’êtreshumains que la bombe de Hiroshima) etleur faible coût de revient (les armesconventionnelles ou biologiques revien-nent les premières, à 2000$, lessecondes à 1$ au km2) les rendent parti-culièrement redoutables.

Et la communautéscientifique?

Le danger des ABOs pose la question dela participation des acteurs civils à ladéfense. Leur contribution est encorefaible en France, au contraire parexemple de la Grande-Bretagne, où laRoyal Society a su se doter d'un comitéindépendant, et dont même l'opinionpublique est tenue au fait des risques,par les médias et les instances militaires.On doit noter toutefois que plusieursinstitutions au premier rang desquellesfigure l'Institut Pasteur, ont été asso-ciées très tôt aux recherches sur ledanger biologique. Le champ de cettecoopération se poursuit, par exemplepour la mise au point de vaccins et dansle cadre de réseaux nationaux de réfé-rence sur les maladies transmissibles .Les chercheurs peuvent intervenir dansplusieurs directions:

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Questions d’actualité

La formation à larecherche

Elle doit commencer dès l'enseignementprimaire et secondaire, à partir de laconception d'un projet éducatif appro-fondi et concerté afin de répondre à laperte d'attractivité des métiers scienti-fiques et techniques.La formation doctorale constitue unepièce maîtresse du développement dela recherche universitaire et donc del'enseignement supérieur; elle repré-sente un véritable apprentissage à larecherche approfondi et à l'acquisitionde l'esprit critique.Quant aux post-doctorants, il importe defavoriser leur mobilité thématique et

géographique afin de préparer leurrecrutement car il serait y avoir de statutpost-doctoral permanent.

Les métiers et acteursde la recherche:l’ouverture vers la pluridisciplinaritéet davantage de synergies

La recherche se fera de plus en plusaux interfaces et suscitera denouveaux métiers qui s'exercerontdans le cadre d'un travail en équipe.C'est en attirant les jeunes talents

recherche fondamentale et rechercheappliquée doit être assuré ainsi que l'in-teraction entre des approches discipli-naires diversifiées.

� La mise en commun des moyensde recherche devient primordiale.

� La constitution d'équipes pluridis-ciplinaires est à privilégier grâce à unemise en réseau de laboratoires visantà faire interagir un ensemble de compé-tences diversifiées, intégrant les diffé-rentes composantes d'un même projet.

1 Professeur à l’université René Descartes, députéeuropéen honoraire, membre du Conseil écono-mique et social, membre de l’Académie des tech-nologies

que l'on évitera la fuite des cerveauxet en favorisant des projets émer-gents pluridisciplinaires.Si les universités doivent rester le lieuprivilégié de la formation à la recherche,notamment dans leurs laboratoiresles plus spécialisés, la constructiond'alliances à partir d'une approchede base monodisciplinaire solides'avère indispensable.A cet effet, il convient de favoriser l'in-terpénétration en équipes de rechercheuniversitaire et laboratoires des EPSTet des EPIC grâce à la fertilisationcroisée, ciblant des objets précis etdes objectifs structurés.Les conventions inter-organismesdoivent être développées, de mêmequ'il conviendrait de donner plus decontenu aux accords cadres et auxcontrats pluriannuels.

Les interactions avec le monde économique

Tout en donnant toute sa place à unerecherche de base compétitive, il importede répondre aux besoins d'unerecherche orientée plus efficace. Lesgrandes entreprises industrielles béné-ficieront au mieux de l'appui des labo-ratoires institutionnels dans la mesureoù une concertation préalable permettrad'identifier les objectifs et d'élaborer desprojets dans un contexte de compré-hension mutuelle. Une telle démarchecontribuera ainsi à l'effort de compéti-tivité des entreprises dans un contextede mondialisation des échanges.

Pluridisciplinarité et synergies:un nouvel élanpour la recherche

françaisePar Alain Pompidou1

Confronté aux défis liés à la mondia-lisation de la science, de la techno-

logie, des technosciences, de l'économieet de la société, suscités par l'imprévuvoire même par l'inconcevable, le cher-cheur se trouve toujours davantageprojeté dans la gestion de la complexité.Il doit désormais élargir le champ de sescompétences et renforcer ses capacitésde dialogue pour répondre aux impéra-tifs de la compétitivité scientifique, tech-nologique et socio-économique.Afin de répondre à ces nouveaux défis,trois principes qui sont autant de condi-tions doivent être respectés:

� Les modes traditionnels de penséeévoluent: un va et vient permanent entre

17

La vie de l ’AcadémieQuestions d’actualité

de l’état des sciences et des

techniques utilisant des moyens

spatiaux, contribue à l’élabora-

tion de la stratégie de recherche

menée par notre pays dans

chacun des domaines des

sciences spatiales.

Dans cet esprit, le Comité de la

recherche spatiale a été à l’ori-

gine, ces quinze dernières

années, de plusieurs recom-

mandations de l’Académie des

sciences au Gouvernement,

dont certaines ont été rendues

publiques: note sur le projet

Topex-Poseïdon en 1987, réso-

lution de l’Académie sur le

programme européen d’infra-

structure spatiale Columbus en

1990, recommandation sur les

vols habités en 1991, déclara-

tion du Bureau de l’Académie

sur l’intégrité de l’environne-

ment spatial de la Terre en

1993, recommandation à l’occa-

sion du Conseil interministériel

européen sur l’espace qui s’est

tenu à Toulouse en 1995.

En 2002, le Comité a fait le point

avec M. Alain Bensoussan,

Président du Centre National

d’Études Spatiales, sur les

perspectives offertes par les

missions martiennes.

En outre, le Comité a

commencé une réflexion sur

l’évolution du secteur spatial au

sein de la recherche scienti-

fique, à l’heure où la recherche

française devra faire face à une

importante vague de départs à

la retraite: quelles priorités

budgétaires? Quels types de

moyens accorder? Quelles prio-

rités en termes de recrutement

et d’évaluation des chercheurs?

Cette réflexion sera menée

dans le dialogue avec les princi-

paux responsables des orga-

nismes et administrations

impliqués dans cet effort de

recherche �

Par Jean-Yves Chapron 1

Au milieu des années quatre-

vingt, l’Académie des sciences

a créé en son sein un comité de

la recherche spatiale qui a reçu

mission d’apporter son

concours, par ses études et

recommandations, à la défini-

tion du programme des

recherches scientifiques dans

l’Espace et de leurs applica-

tions. Il est composé d’une tren-

taine de membres. Le président

du CNES et, pour le CNRS, le

directeur de l’Institut national

des sciences de l’Univers parti-

cipent avec voix consultative

aux réunions.

Le comité, qui se tient informé

1 Chargé de mission à l’Académie dessciences

Pour les entreprises de moyenne ou depetite taille, et les entreprises artisa-nales, notamment technologiques, lecontexte de la recherche est différentdans la mesure où la compétition écono-mique se fait essentiellement à partir de“niches technologiques” qui doivent tenircompte de la demande afin de permettreun élargissement de leurs parts demarché.C'est à partir des laboratoires mixtes,de partenariats ciblés entre ces entre-prises et des laboratoires institutionnelsque les aides de l'État participeront à lamodernisation des laboratoires despetites et moyennes entreprises et à lacréation de “jeunes pousses” perfor-mantes animées par la nécessité devalorisation des activités de rechercheet développement.Quant à la recherche en région, elle doits'appuyer sur toute la spécificité descompétences régionales et permettrede nouer des collaborations, notammentau niveau européen, afin d'engager unepolitique ciblée de coopération scienti-fique et technique à partir des pôlestechnico-scientifiques régionaux, soitvers les pays en voie de développementà travers des transferts de technologiepermettant la réalisation des produitsadaptés aux besoins de ces pays, soitavec les nouveaux pays industrialisésdont l'économie émergente permet denouer des partenariats ciblés dans lecadre d'accords conduisant à des béné-fices mutuels et réciproques.

La construction de l'Europe de la recherche

Dans le respect des règles de subsidia-rité, il importe de promouvoir uneperception nouvelle du centre d'excel-lence comme un système amplificateurcapable de recevoir des impulsions, deles trier, de les reformuler, de lesrenvoyer sous une forme nouvellementélaborée. Le concept “d'escalier de l'ex-cellence” permettra d'assurer la parti-cipation de tous les États-membres.Trop longtemps la politique européennede la recherche est restée au stade descas “exemplaires”. La mise en œuvredes programmes communautaires,

conçus comme des leviers, doit rapide-ment faire place à une politique baséesur des choix stratégiques qui émanentnon plus seulement du haut mais davan-tage des équipes de chercheurs. Pourservir des thématiques précises, celles-ci s'organiseront en “consortium” suffi-samment large pour permettre d'af-fecter au domaine des “technologiesclés” les moyens suffisants.

La démarche éthique

Dans un contexte de mondialisation etde préoccupations d'un développementdurable de la science et de la techno-logie, la démarche éthique doit êtreprésente à tous les moments de larecherche quelle qu'en soit la nature.A la fois morale de l'action et pensée durisque technologique, cette démarchevise à situer l'être humain au centre dudébat en tenant compte des différencesde perceptions socioculturelles. Ceciconduit à engager une culture de la prisede risques technologiques fondée surune perception objective et à partir delaquelle l'éthique éclaire le droit, celui-ci, en revanche, ne saurait précéderl'éthique.A cette fin, il importe de sensibiliser ladémarche éthique de tous les acteursde la recherche, au sens le plus large,depuis les technosciences jusqu'auxsciences humaines et sociales.Il importe d'assurer l'objectivité et lapluralité de l'expertise et de donner toutela transparence nécessaire à la présen-tation de la réflexion en sachant que laphase initiale d'élaboration doit sedérouler de façon à assurer la liberté desdébats et ne pas entraver la dynamiqued'échanges. Ceci permettra de rappelerque le principe de précaution ne doit pasconduire à un moratoire étroit. Ceciconduit à promouvoir un principe deprécaution proportionné et actif.

Mieux gérée, en s'appuyant sur les moti-vations des femmes et des hommes,acteurs de la recherche, une démarchetechnico-scientifique intégrant lessystèmes dans une approche pluridis-ciplinaire et synergique permettra unfonctionnement mieux adapté des struc-tures et une meilleure allocation desressources.Répondre aux besoins présents, tout enanticipant l'avenir à moyen et long termedans un contexte de développementdurable pour la société du mondecontemporain, implique de s'appuyersur la prise de conscience de citoyenséclairés et responsables, respectueuxde la dignité de la condition humaine �

Le Comité de la recherche

patiale

18

1 Membre de l’Académie des sciences

La vie de l ’Académie

Comité pourles Pays enDévelop-pement(COPED)Cellule deconcertationinter-organ-ismes(CDCI)Par François Gros1

Vers le milieu des années

quatre-vingt-dix, l’Académie

des sciences s’est dotée d’un

comité permanent - compre-

nant une vingtaine de membres,

correspondants ou personna-

lités extérieures - avec la

mission de réfléchir aux initia-

tives susceptibles d’aider la

recherche française pour les

pays en développement.

Ce comité pour les pays en

développement (COPED) a

impulsé diverses activités se

rapportant à cette recherche:

Énergie et Santé dans les PED

(en liaison avec l’UNESCO);

appui au CIMPA (Centre inter-

national pour les mathéma-

tiques pures et appliquées) ;

problème des eaux usées et

surtout, à la demande du “Panel

international des Académies

des Sciences”, lutte contre la

mortalité maternelle et infantile

dans les PED, qui a donné lieu à

de nombreux colloques et à

certaines réalisations

concrètes.

Or, plus récemment, à la suite

de diverses démarches des

présidents de certains orga-

nismes de recherche (IRD à

l’époque de la présidence de

Philippe Lazar, puis CIRAD, par

l’entremise de Daniel Nahon), il

a été demandé au COPED de

créer une cellule de concerta-

tion inter-organismes (la CDCI)

pour faciliter le dialogue entre

les diverses instances fran-

çaises concernées par la R & D

dans les PED, que les instances

en question aient pour champ

d’intérêt direct les PED, ou

La mainà la pâteet la ChinePar Yves Quéré 1

Des liens forts se sont établis

depuis deux ans entre l’Aca-

démie des sciences et le Minis-

tère chinois de l’Éducation dans

le domaine de l’enseignement

des sciences à l’école primaire.

La Vice-ministre, Madame Wei

Yu, a décidé d’introduire en

Chine les principes de La main à

la pâte, c’est-à-dire de

remplacer progressivement,

dans ce pays, l’actuelle

méthode, qui est classique et de

type directif, par un enseigne-

ment rénové, fondé sur l’énoncé

des hypothèses, l’expérimenta-

tion, la discussion des résultats

et l’expression écrite et orale,

sur une implication forte des

enfants. La méthode correspon-

dante, appelée là-bas Learning

by doing, a été lancée dans

quatre villes de l’Est (Beijing,

Nanjing, Shanghai et Shantou) à

la suite d’un séjour d’un mois

en France, en novembre

dernier, d’un groupe d’ensei-

gnants chinois, séjour qui s’ins-

crivait dans le cadre d’un accord

signé en avril 2000 entre le

président de l’Académie des

sciences et la Vice-ministre.

Une délégation française –

composée de G. Charpak,

P. Léna et Y. Quéré, de l’Aca-

démie, ainsi que de M. J.-P.

Sarmant, inspecteur Général,

Mmes É. Saltiel, directeur du

groupe La main à la pâte, É. Plé,

professeur d’IUFM, M. Digne,

inspecteur d’Académie, et

M. R.-E. Eastes, PRAG à l’ENS –

s’est rendue en Chine du 3 au

18 avril. Outre plusieurs

rencontres à niveau directorial

(La ministre de l’Éducation, un

des Vice-présidents de l’Aca-

démie des sciences, des préfets

tuteurs des ressources (docu-

ments, fiches…) et leur offre un

forum de discussion, soit entre

eux (pour des questions d’ordre

pédagogique), soit avec un

réseau de scientifiques (pour

des questions d’ordre scienti-

fique). Un accord a été signé

pour amplifier cette collabora-

tion particulière et pour publier

en Chine l’ouvrage que le Minis-

tère de l’Éducation nationale et

l’Académie des sciences (La

main à la pâte). s’apprêtent à

publier à destination des

professeurs des écoles en

France.

Au total nous avons là, avec un

partenaire remarquablement

actif, une relation très forte qui,

à l’évidence, ne se déroule pas à

sens unique mais, déjà, donne

lieu à des retours très promet-

teurs. Des rencontres bilaté-

rales vont continuer à avoir lieu,

dès cet été en Chine, puis au

printemps prochain en France �

de provinces, des présidents

d’Université…), la délégation –

accompagnée tout du long par

Mme Wei Yu – s’est rendue dans

de nombreuses écoles mater-

nelles et primaires où elle a pu

assister à des leçons de

sciences au sens de La main à

la pâte et s’entretenir longue-

ment avec les institutrices et les

directrices d’écoles. Compte

tenu du temps très bref (depuis

novembre dernier) de formation

des enseignants rencontrés,

elle a été frappée par la qualité,

parfois remarquable, de

certaines de ces leçons.

À titre d’exemple,

on citera cette classe où les

enfants (de

8 ans environ) intégraient

raisonnement et expérimenta-

tion à propos

de la question suivante : “ Peut-

on ralentir la chute au sol d’une

balle de ping-pong ? ”.

Ce faisant, guidés par une

maîtresse exceptionnelle de

vivacité et d’intelligence, on put

voir ces enfants découvrir par

eux-mêmes la matérialité de

l’air ; imaginer des procédures

de ralentissement ; les expéri-

menter ; appréhender la notion

de frottement; et même

prendre conscience de ce qu’est

un mouvement relatif, celui de

l’air immobile créant un “ vent ”

sur la balle en cours de chute;

enfin rédiger le tout sur leur

cahier d’expériences. Faut-il

dire ici que ce type d’activité est

– en Chine plus encore qu’en

France – tout à fait contraire aux

habitudes et que, de ce fait, le

projet Learning by doing ne

progresse pas sans résistances

diverses, aux différents niveaux

du système éducatif. La volonté

de la Vice-ministre est cepen-

dant sans faille et elle a décidé

d’étendre maintenant l’expé-

rience aux régions pauvres et

déshéritées de l’Ouest.

Notre lien s’est aussi concrétisé

par la mise en “ miroir ”, en

Chine, de notre site Internet

Lamap, lequel fournit aux insti-

qu’elles aient une vocation plus

générale.

A ce jour la CDCI s’est déjà

réunie à quatre reprises à l’Aca-

démie, sous l’égide du COPED,

mettant ainsi en présence des

représentants des organismes

publics ou semi-publics: IRD,

CIRAD, INRA, INSERM, CNRS,

Institut Pasteur, IFREMER ainsi

que la CPU.

En outre, la CDCI a lancé un

programme de quatre mini-

forums dont le premier a eu lieu

le 20 décembre 2001 à l’Aca-

démie d’agriculture de France

sur le thème “Recherches sur

la mise en valeur agricole et la

sécurité alimentaire dans les

pays tropicaux”; le deuxième

aura lieu à l’Institut Pasteur le

14 juin 2002 sur le thème

“Recherche scientifique et

amélioration de la santé dans

les pays en développement”.

Les autres thèmes porteront

sur les questions de “Forma-

tion” et d’Énergie”.

Enfin une réunion élargie

regroupant un grand nombre de

mathématiciens de notre

Académie ou de l’extérieur,

notamment de diverses

Sociétés de mathématiques et

du CIMPA (Centre international

de mathématiques pures et

appliquées), s’est également

tenue à l’initiative de la CDCI,

dans le but d’examiner sous

quelle forme notre pays peut

contribuer à développer un

enseignement de haut niveau

en mathématiques et d’une

manière générale en sciences

fondamentales dans les PED et

de concert avec eux.

En ce qui concerne les mini-

forums, ils sont pris en charge

par les organismes concernés

avec l’appui de la CDCI et ils

donneront lieu d’ici la fin 2002 à

un forum de synthèse à l’Aca-

démie. Un rapport de type RST

pourrait être établi sur ces

bases �

1 Secrétaire perpétuel honoraire de l’Aca-démie des sciences, président du COPED,président de la CDCI, professeur honoraireau Collège de France

Remerciements

Le directeur de la publication et

le comité de rédaction tiennent

à remercier Madame MadeleineLamarre pour sa généreuse

contribution au financement de

la “ Lettre de l’Académie des

sciences ” �

UneAcadémieen Côted’IvoirePar Yves Quéré

Du 21 au 23 mai 2002 a eu lieu à

Abidjan, en la présence du

Président de la République,

M. Laurent Gbagbo, un colloque

international marquant la nais-

sance de l’Académie des

sciences, des arts et de la

culture de Côte d’Ivoire. Yves

Quéré y représentait à la fois

l’Académie des sciences et l’In-

terAcademy Panel (IAP) qu’il

co-préside. Il a pu ainsi témoi-

gner du soutien qu’apportaient

ces deux institutions à la créa-

tion de la nouvelle Académie.

Ce colloque avait pour double

but d’en présenter les idées

fondatrices et de les discuter.

L’une d’entre elles est que cette

Académie soit le lieu de

rencontres fécondes entre les

communautés scientifiques,

intellectuelles,…du pays et la

diaspora ivoirienne ou, plus

généralement, africaine, et

qu’elle puisse ainsi faire bénéfi-

cier la Côte d’Ivoire de l’exper-

tise de cette diaspora.

L’Académie sera officiellement

créée par décret à la suite de ce

colloque �

19

anciens élèves, quatre intervenants ontévoqué sa personnalité, son œuvrescientifique, son rayonnement, et sonhéritage intellectuel.

Hubert Curien, président de l’Académie,a rappelé la personnalité hors ducommun de notre confrère. PhilippeCiarlet, membre de l’Académie, a décritson œuvre mathématique exception-nellement riche et novatrice. AlainBensoussan, membre correspondant, aillustré par de multiples exemples l’in-fluence considérable qu’il a exercée dansle monde industriel. Enfin, Peter Lax,associé étranger, a brossé le vaste pano-rama de ses actions internationales, quilui ont valu reconnaissance et admira-tion dans le monde entier.Le texte qui suit est une très brèvesynthèse de ces quatre interventions.Jacques-Louis Lions, commandeur dela Légion d’honneur et grand officier del’ordre national du Mérite, élu membrede l’Académie dans la section dessciences mécaniques le 12 février 1973,est décédé le 17 mai 2001 à Paris. Né àGrasse le 2 mai 1928, ancien élève del’École normale supérieure, il fut profes-seur à l’université de Nancy puis à l’uni-versité Pierre et Marie Curie, avant dedevenir en 1973 professeur au Collègede France où il fut titulaire de la chaire“Analyse mathématique des systèmeset de leur contrôle” jusqu’en 1998. Il futaussi professeur à l’École polytechniquede 1966 à 1986, président de l’INRIA de1980 à 1984, président du CNES de 1984à 1992, président de l’Union mathéma-tique internationale de 1991 à 1995, etprésident de l’Académie des sciencesen 1997 et 1998.

Comme l’illustrent ses présidences del’INRIA et du CNES, il fut un artisanexceptionnel du rapprochement entre larecherche universitaire et la rechercheindustrielle. Dans le même esprit, ilprésida les Conseils scientifiques de lamétéorologie nationale, Gaz de France,France Télécom, et Electricité de Franceet il exerça des activités de conseil au

19

1 Membre de l’Académie des sciences

Par Philippe Ciarlet1

La séance du lundi 4 février 2002 del’Académie des sciences a été entiè-

rement consacrée à un hommage excep-tionnel à la mémoire de notre confrèreJacques-Louis Lions. Devant une assis-tance qui réunissait non seulement detrès nombreux confrères, mais aussi sescollègues, ses collaborateurs et ses

plus haut niveau auprès de Péchiney,Dassault Aviation, Saint Gobain,Thomson Multimedia, et Elf.

L’œuvre mathématique de Jacques-Louis Lions est immense. Il écrivit, seulou en collaboration, plus de vingt livres,dont la plupart sont devenus des clas-siques traduits en plusieurs langues,ainsi que plus de cinq cents articles. Parses travaux et par ceux de l’École qu’il acréée autour de lui aussi bien en Francequ’à l’étranger, il eut, et il aura long-temps encore, une influence considé-rable sur les mathématiques et leursapplications. Ses travaux ont porté surl’analyse mathématique, l’approxima-tion numérique, et le contrôle des solu-tions des équations aux dérivéespartielles linéaires et non linéaires, etaussi sur les applications dont elles sontissues, telles que la mécanique desfluides, la mécanique des solides, l’océa-nographie, ou la climatologie.Son œuvre est caractérisée par laqualité, la diversité, et la nouveauté desmathématiques utilisées, ainsi que parun souci constant d’aller défricher parmiles applications de vastes territoiresréputés jusque-là inaccessibles. Sestravaux lui ont valu d’être membre devingt-deux académies étrangères, dedevenir Docteur Honoris Causa de dix-neuf universités, de recevoir les prix lesplus prestigieux, tels que le Prix duJapon en 1991, et de donner les confé-rences les plus célèbres, telles que la“John von Neumann Lecture” en 1986.

Jacques-Louis Lions fut un visionnaire,qui perçut très vite que l’utilisation demoyens de calcul sans cesse plusperformants pouvait révolutionner lamodélisation des phénomènes et doncaméliorer la connaissance et la maîtrisedu monde physique, à condition que lesmathématiques correspondantesfussent créées et développées. C’est àcette tâche qu’il s’employa si admira-blement �

Hommage à Jacques-Louis

LionsLa vie des séances

19

20

La vie des Séances

Discipline “ Inter-division ”

Rodolfo LLINAS, professeur au

Département de physiologie et

de neurosciences de la “ New

York School of Medecine, USA

Klaus BECHGAARD, professeur

à l’université de Copenhague,

Danemark

Discipline “ Sciences de l’univers ”

Vladimir KOTLYAKOV, directeur

de l’Institut de géographie de

Moscou, Russie

Michel MAYOR, directeur de

l’observatoire de Genève,

Suisse

Discipline “Chimie ”

Luis Antonio ORO, professeur

au département de chimie orga-

nique de l’université de Sara-

gosse, Espagne

Herbert ROESKY, professeur à

l’Institut für Anorganishe

Chemie, Universitât Göttingen,

Allemagne

Discipline “ Biologie animale et végétale ”

Fotis C. KAFATOS, directeur de

l’EMBL à Heidelberg,

Allemagne

Elliot MEYEROWITZ, professeur

au California Institute of Tech-

nology, Pasadena, USA

Discipline “ Biologie cellulaire et moléculaire ”

Luigi Luca CAVALLI-SFORZA,

professeur au département de

génétique de l’université de

Stanford, USA

André GOFFEAU, professeur à

l’université de Louvain,

Belgique

Discipline “ Biologie humaine etsciences médicales ”Richard PETO, professeur de

statistiques médicales et d’épi-

démiologie à l’université d’Ox-

ford, UK

Jean ROSSIER, professeur au

laboratoire de neurobiologie,

École supérieure de physique et

chimiede Paris

Publication de l'Académiedes sciences

23, quai de Conti 75006 PARISTel: 01-44-41-43-68Fax: 01-44-41-43-84http: www.academie-sciences.fr

Directeur de publication:Nicole Le Douarin

Directoire:Nicole Le DouarinJean Dercourt

Rédacteur en chef:Jean-Didier Vincent

Secrétariat général de rédaction:Marie-Christine Brissot

Conception graphiqueDirection artistiqueNicolas Guilbert

Photographies:p. 1, 2, 3, 6, 7, 8 photo N.G., p. 4, 9, 10, 11, 14, 16, 18, 19 photo D.R..

Comité de rédaction:Jean-François Bach, Roger Balian, JackBlachère, Édouard Brézin, Pierre Buser, Paul Caro,Jules Hoffmann, Alain Pompidou, PierrePotier, Éric Spitz, Jean-Christophe Yoccoz

Photogravure & impression:Edipro/PrintreferenceTM

0141404900

la lettre n0 4 / été 2002

de l ’Académie des sciences

Discipline “ Mathématique ”

Masaki Kashiwara, professeur

à l’université de Kyoto, Japon

Jacob Palis, professeur à l’Ins-

titut de mathématiques pures et

appliquées, Rio de Janeiro,

Brésil

Discipline“ Sciences mécaniques ”

Richard Karp, professeur au

National Computer Science

Institute, Berkeley, USA

Amable LINAN, professeur à

l’École d’ingénieurs aéronau-

tiques de Madrid, Espagne

Discipline“ Physique ”

Daniel KLEPPNER, professeur

au MIT de Cambridge, USA

Gabriele VENEZIANO, profes-

seur à la division théorique du

CERN

Discipline“ Intersection 1ère

division ”

Ludwig D. FADDEEV, profes-

seur au V.A. Steklov Mathema-

tical Institute, St Petersburg,

Russie

Sergiu KLAINERMAN, profes-

seur à l’université de Princeton,

USA

Discipline “ Intersection2ème division ”

Suzanne CORY, directeur du

Walter and Eliza Institute of

Medical Research à Victoria,

Australie

Satoshi ÔMURA, professeur au

Kitasato Institute, Tokyo, Japon

Discipline “ Intersection des applications ”

Riccardo CORTESE, professeur

à l’Institut de recherche en

biologie moléculaire ( IRBM),

Rome, Italie

Ann Patricia DOWLING, profes-

seur à l’université de

Cambridge, UK

Élections d’Associésétrangers