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  • 23GRER ET COMPRENDRE JUIN 2008 N 92

    Cet article sintresse la question dlicate delemploi des seniors dans les entreprises, en vuedtablir les actions et moyens dont disposentles acteurs de lentreprise pour promouvoir leur main-tien en son sein et favoriser leur retour lemploi (1).Cette recherche sinscrit dans un contexte de dsqui-libre entre offre et demande de comptences sur lemarch du travail, dsquilibre qui apparat dj pr-gnant dans certaines rgions et dans certains secteurs

    de lconomie nationale. En sappuyant sur des don-nes secondaires (rapports dtudes, accords, conven-tions) et sur des entretiens raliss auprs de diri-geants et de responsables dentreprise, le prsentarticle vise poser, de faon pratique, les enjeux desrapports intergnrationnels dans lentreprise et pro-poser des solutions possibles pour viter une perte depotentiel de croissance (risque de pnurie de comp-tences) et pour permettre un meilleur quilibre descomptes sociaux, notamment celui des retraites(QUINTREAU, 2004).

    LA GESTION DESSENIORS EN ENTREPRISE

    Enjeux et esquisses de solution

    Tous les pays europens se trouvent confronts au vieillissement de leurpopulation et au ncessaire allongement de la vie professionnelle pourfinancer les retraites. Quelle peut tre la place des seniors au sein desentreprises alors que de nouvelles gnrations arrivent sur le march dutravail ? Le chmage des jeunes est-il une consquence du maintien des seniors ?Comment apprhender ces rapports intergnrationnels pour en faire une source derichesse et non dexclusion dans les organisations ? Il sagit l dun sujet stratgique,trop nglig en France. Il faut dire que cela remet en cause bien des habitudesprofondment ancres. La mentalit mme des responsables dentreprises doitvoluer, qui jusqu prsent se contentaient dappliquer une politique de dparts la retraite anticips pour faire place aux jeunes. Or la situation a chang : tout le monde a intrt accorder une place normale aux seniors. La France, avec ses 36,8 % de 55-64 ans au travail, na pas encore pris la mesure de lenjeu.

    Par Olivier MEIER, Institut de Recherche en Gestion Universit Paris 12

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    (1) Le taux de retour lemploi des plus de 50 ans nexcde pas 10 %,contre 60 % pour les moins de 30 ans (IMBERT, 2005).

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  • Il est en effet urgent, face une situation de dsqui-libre, que lentreprise puisse le plus rapidement pos-sible passer dune logique dans laquelle lge reprsen-te un facteur contraignant une pratique normale,ouvrant la voie au plein emploi des seniors.

    LA QUESTION DES SENIORS DANS LENTREPRISE

    La question des gnrations en entreprise est au curdes enjeux de demain en matire de dveloppement etde gestion des entreprises (GAUTHI, GUILLEMARD,2004). La gestion du vieillissement des personnels etcelle de leurs rapports avec les nouvelles gnrations seposent dsormais de manire cruciale au sein dorga-nisations en pleine mutation.Pendant plus de vingt ans, syndicats, salaris, pouvoirspublics et entreprises ont cherch faciliter le dpartdes seniors de lentreprise (prretraites progressives outotales, dispositif ARPE), comme lment derponse structurelle au problme du chmage desjeunes. Laugmentation du chmage, les restructura-tions conomiques et la volont de renouveler les qua-lifications ont, en effet, favoris un consensus social,plus ou moins explicite, autour de lide selon laquel-le le dpart de la vie active des salaris gs pouvaitconstituer une des politiques les moins douloureusessur un march du travail fragilis (MARIONI, 2005).Pouvoirs publics et partenaires sociaux ont ainsidonn corps cette acceptabilit sociale par diversesmesures. Ce consensus sest ainsi traduit par un tauxdemploi des seniors particulirement bas, en France,par rapport des pays comme les tats-Unis ou leJapon (GAUTI, 2006 ; VERGNIES, 2002) et par desembauches en dfaveur des seniors, notamment dansles entreprises innovantes, o le progrs technolo-gique tait mis en avant par les dirigeants.

    Le taux demploi des seniors, en France et dans lUnion Europenne

    La France se situe aujourdhui bien en-de de lamoyenne des pays industrialiss, y compris europens(OCDE, 2004 et 2003), de nombreux pays du Nord delEurope ayant, en effet, anticip le choc dmogra-phique il y a dj plusieurs annes, en dveloppant despolitiques de maintien dans lemploi (DAVID-AESCHLIMANN, 2005), avec, par exemple, la mise enplace de dispositifs visant stimuler la demande de tra-vailleurs gs par les entreprises, via des politiques detaxation ou la rglementation (DELTEIL, REDOR, 2003).

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    UNITS DANALYSE

    Les comportements et ractions des seniors (55-65ans) dans le cadre de la gestion de leurs activits ; Les perceptions des seniors par les dirigeants,managers et partenaires (consultants) des entre-prises ; Les modes de relation inter-gnrations ; Les expriences, approches et solutions dvelop-pes dans les entreprises en matire de gestion desseniors.

    MTHODE DE COLLECTE DE DONNES

    Valorisation des travaux dtude sur le manage-ment des comptences et la transmission des savoirsau sein des entreprises (tables rondes) organiss parla socit DPM, sous la direction dA. Cotte, runis-sant des dirigeants, DRH et managers dentreprises ; Entretiens semi-directifs effectus avec une cin-quantaine de dirigeants et managers (2) dentre-prises de taille diffrente (grande et moyenne entre-prise) dans le secteur public (EPUB) et dans le priv(EPRI) (3). Exploitation de plusieurs sources secon-daires (accords nationaux interprofessionnels, plansdaction pour lemploi des seniors, plans de forma-tion, rapports de missions, conventions, notes desynthse) ; Entretiens approfondis auprs des responsablesdun cabinet spcialis dans laccompagnementmanagrial des quipes mixtes (management inter-gnrationnel, gestion multiculturelle) au sein desentreprises. Explications et validation technique decertaines analyses de contenus.

    MTHODE DANALYSE

    tablissement de comparaisons entre les attitudes etles dmarches observes au sein des entreprises.Codage ouvert des donnes empiriques. Recherchedes lments de convergence et esquisse dapprochesconcrtes en matire de gestion des ges.

    (2) Les interlocuteurs interrogs nont pas souhait que leur entreprisesoit directement associe certaines mesures actuellement en cours dansleur organisation. Ils ont, en revanche, accept que lon retranscrive leursvisions et proccupations sous couvert danonymat. Une des raisonsinvoques (outre la confidentialit) est le caractre exprimental de cer-taines approches et labsence de certitude dans le domaine.

    (3) Les entretiens raliss portent plus prcisment sur huit entreprisesdu secteur priv (mcanique, distribution, banque, btiment, nouvellestechnologies) et sur cinq organisations publiques (entreprises ou orga-nismes) dans les secteurs de lnergie, des services et du transport. Lesentreprises (E) du secteur priv (PRI) ont t dsignes sous le nom de EPRI, celles du secteur public (PUB) sous le vocable EPUB.

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  • ExemplePlusieurs pays (notamment du Nord de lEurope) ontcherch favoriser lemployabilit et le maintien enactivit des personnes ayant une longue exprience pro-fessionnelle. Ainsi, par exemple, pour scuriser les tra-jectoires des travailleurs gs, la Sude a instaur unergle danciennet, dite last in, first out , qui prot-ge les plus anciens en cas de licenciement collectif. Tousles pays de lEurope du Nord (Sude, Finlande,Danemark, Norvge, Pays Bas) ont aussi cherch sti-muler la rintgration dans lemploi des chmeurs gs.Aux exonrations fiscales pour lembauche de chmeursde plus de 50 ou 55 ans, se sont ajoutes des mesuresvisant stimuler loffre de travail (lindemnisationchmage peut tre supprime, en cas de refus dunemploi ou dune formation). En Finlande, une prime lemploi est galement verse aux chmeurs gsacceptant un emploi temporaire peu rmunr.

    Une tude rcente ralise par Eurostar (2003)montre, en effet, que le taux demploi (actifs occu-ps/population) en France est de 36,8 %, ce qui situenotre pays au quinzime rang de lUnion Europenne(dont le taux moyen demploi des 55-64 ans est de42 %). La Sude occupe, dans ce domaine, le premierrang, avec un taux demploi de 68 %, la Belgiquetant relgue au dernier rang, avec un taux de 28 %.

    Dautres facteurs ont galement renforc cette ten-dance, comme les logiques de codification et de for-malisation des connaissances (passage dun savoir-faire tacite un savoir codifi), modifiant les modesdapprentissage et dpossdant les anciens salaris deleurs avantages comparatifs vis--vis de leurs collguesplus jeunes. En effet, ces derniers, grce aux proc-dures existantes et la standardisation du travail, onttrouv souvent plus facilement les repres techniquesncessaires la ralisation de leur fonction, devenantplus rapidement oprationnels, ce qui a par-l mmelimit le rle de lexprience gnralement octroy aux

    seniors dans les organisations. De plus, limportanceaccrue des comptences commerciales et cono-miques (profil gestionnaire), au dtriment des comp-tences techniques et pratiques, a pu, parfois, contri-buer rduire linfluence des salaris plus gs,comme le soulignent DELAY et HUYEZ-LEVRAT(2006). En effet, lorganisation administrative et lagestion technique des oprations, se sont progressive-ment ajouts dautres types de capacits, comme lap-titude des salaris communiquer et cooprer (ges-tion par projet, transversalit, fonctionnement enrseau), la polyvalence, le sens des affaires ou encore lagestion financire des activits. Autant de change-ments en principe susceptibles davantager des salarisplus jeunes et plus diplms (GAUTI, 2006 ; RICHET-MASTAIN et BRUNEI, 2002).

    Les seniors, des collaborateurs trop longtempsdlaisss

    Les modes de management m