LA FIBROMYALGIE - sante-centre.fr · Sérologies de lyme, hépatites B et C : négatives!...

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LA FIBROMYALGIE FMC Val de Creuse Argenton sur Creuse 09 septembre 2009 Dr Pascale VERGNE-SALLE Rhumatologue au CHRU Limoges

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LA FIBROMYALGIE

FMC Val de CreuseArgenton sur Creuse09 septembre 2009

Dr Pascale VERGNE-SALLERhumatologue au CHRU Limoges

n Me X, âgée de 55 ans consulte car elle se plaint depuis 8 mois de polyarthralgies touchant les poignets, les mains, les coudes, les genoux associées à des rachialgies. Les douleurs sont devenues permanentes, quotidiennes, avec une petite raideur matinale. Elle se sent très handicapée pour des actes simples de la vie quotidienne. Elle dort mal et se sent fatiguée.

n Elle a un antécédent de cancer du sein opéré et traité à l’âge de 51 ans.

n Elle prend du paracétamol qui ne la soulage pas.n Elle est mariée, elle a 3 enfants adultes et exerce le

métier de gérante d’un commerce avec un stress important.

n Elle a déjà consulté un médecin qui lui a prescrit des examens et lui a parlé de fibromyalgie.

n Elle a amené ses examens avec elle. Les résultats sont les suivants :

Radio des mains et des genoux normalesNFSplaquettes, créatinine, ionogramme, TGO, TGP,

phosphatases alcalines, CPK, calcémie, phosphorémie : normaux

Dosage de TSH normalSérologies de lyme, hépatites B et C : négativesn L’examen clinique est normal en dehors d’une sensibilité

exacerbée à la palpation des articulations et du rachis.

Sur les données présentées, peut-on retenir le diagnostic de fibromyalgie ?

n Non, car manquent : n VS, CRPn Scintigraphie osseuse, CA 15/3 (attention méta de K

du sein)n Des examens pour écarter une PR, une SPA, un

Gougerotn Attention aux douleurs musculosquelettique

iatrogènes : anti-aromatase, hypocholestérolémiant, quinolones, etc…

S’il s’agissait d’une fibromyalgie, quels seraient les domaines à évaluer ?

n Douleur : EVA, EN, Q multidimensionneln Evaluation de la fonctionn Evaluation psychologiquen Evaluation socio-professionnelle

Toujours dans le cadre d’une fibromyalgie, quel traitement antalgique pourriez-vous lui

prescrire ?

n Antalgiques niveau II, n ATD tricyclique, Cymbalta, Effexor, Ixel, n Lyrica

Quels seront les autres axes de votre prise en charge ?

n Autres axes :n Prise en charge psyn Kiné-balnéo avec des exercices de gymnastique

individualisésn Relaxationn TCCn Cure thermale

Vous la revoyez 6 mois après en pleine crise douloureuse, le médecin des urgences lui a prescrit de la morphine (SKENAN 50 mg matin et soir et ACTISKENAN 10 mg à la demande en cas de pic douloureux toutes les 4 heures) il y a 4 jours. Qu’en pensez-vous ?

n Morphine déconseillée. Diminution progressive des doses et arrêt.

Me G… vous consulte. Elle souffre de douleurs depuis plus de deux ans. Elle a beaucoup consulté. Son rhumatologue lui a fait faire des examens qui ne montrent pas d’anomalie.

Elle vous a résumé ses plaintes sur un page jointe et a rempli dans la salle d’attente le questionnaire de la douleur.

1/ Comment analysez vous les plaintes et le

questionnaire douleur ?

n douleurs permanentes rachidiennes, articulaires et musculaires associées à des paresthésies, céphalées, troubles sensoriels (vision), troubles de la concentration.

n Donc douleurs diffuses côté D et G, au dessous et au dessus de la taille depuis plus de 3 mois (rechercher points douloureux de fibromyalgie > 11/18) et signes fonctionnels associés

A quel diagnostic pensez vous ?

n fibromyalgie : critères diagnostics ACR et bilan étiologique négatif

Beaucoup de traitements médicamenteux ont échoué, comment analyser ces échecs?

n évaluer les symptômes : douleur EVA et Questionnaire ANAES, asthénie, troubles fonctionnels associés comme les céphalées ou les troubles de la concentration ou urologiques ?

n évaluer le retentissement fonctionnel : activité physique, travail ménager à la maison, activité de loisir

n évaluer le retentissement professionnel : évaluer les difficultés professionnelles, arrêt de travail ?

n évaluer le retentissement psychologique : en utilisant l’échelle HAD du questionnaire et par l’entretien

n évaluer le décalage entre l’attente de la patiente et le résultat obtenu par la prise en charge

n Rependre tous les traitements, les doses et évaluer les effets secondaires des médicaments et l’observance ++++

n évaluer la reconnaissance de la maladie dans le milieu familial, social et professionnel

Quelle prise en charge lui proposez vous ?

Intensifier l’accompagnement global et la prise en charge multidisciplinaire

n Traitement médicamenteux : prévoir un antalgique à la demande en cas de crise douloureuse

n Prise en charge physique : encourager les activités physiques quotidiennes, kinésithérapie, balnéothérapie

n Prise en charge psychologique : médicamenteuse et non médicamenteuse, renforcer l’attitude de coping avec des TCC, la relaxation, l’hypnose

n Autres : acupuncture, thermalisme n Prise en charge des pb socio-professionnels : assistante

sociale, médecin du travail, le médecin-conseil.

n Une Femme de 45 ans, sportive, se plaint depuis 6 mois de rachialgies, associées à des arthralgies sans arthrite, de difficultés pour dormir en raison des douleurs. Elle se sent rouillée le matin au niveau du rachis lombaire. Elle n’a pas d’autre symptôme. Son EVA est à 60 mm sur 100. Elle a pris du Doliprane sans succès.

n Elle n’a pas d’antécédent en dehors d’épisodes de sciatique tronquée résolutifs sous AINS.

n Elle exerce le métier d’aide ménagère avec des difficultés depuis l’apparition des douleurs.

n L’examen clinique est correct

Que faites-vous ?

n NFSplaq VS CRP créat, iono BH n sérologies de Lyme et hépatites n radio rachis lombaire et bassinn FAN, LWR, ac antiENA, Ac anticitrulline,

HLAB27 n Traitement par AINS à valeur de test

Les AINS l’ont amélioré, mais les douleurs ont récidivé à l’arrêt. Elles se sont diffusées et l’angoissent. Les examens demandés sont négatifs en dehors d’une VS très légèrement augmentée à 22 à la première heure. En l’interrogant à nouveau, vous retrouvez dans ses antécédents familiaux un psoriasis chez son père. D’autre part, elle vous raconte un épisode de 2e orteil du pieds droit gonflé et rouge.Quelles sont vos hypothèses diagnostiques et que faites-vous ?

n Fibromyalgie, spondylarthropathien Radio du rachis dorsal : syndesmophyte ?n IRM des sacro-iliaques : hypersignal en séquence

STIR des 2 sacroiliaquesn Revoir les critères d’Amor

n Douleurs nocturnes lombaires ou dorsales et/ou raideur matinale lombaire ou dorsale (1 point)

n Douleurs fessières uni- ou bilatérales (1 point)n Douleurs fessières à bascule (2 points)n Oligoarthrite asymétrique (2 points)n Doigt ou orteil en saucisse (2 points)

n Talalgie ou autre enthésopathie (2 points) 8 pointsn Iritis (2 points)n Uréthrite non gonococcique ou cervicite moins d’un mois avant le début d’une

arthrite (1 point)n Diarrhée moins d’un mois avant le début d’une arthrite (1 point)n Présence ou antécédent de psoriasis et/ou de balanite et/ou d’entérocolopathie

chronique (2 points)n Sacroiliite radiologique (3 points)n HLA B27 ou ATCD familiaux de SPA, sd de Reiter, de psoriasis,

d’entérocolopathies chroniques (2 points)n Amélioration en 48 h des douleurs par AINS (2 points)

DEFINITION

Syndrome caractérisé par:n Douleurs musculo-squelettiques diffuses,n D’origine inconnuen Associées à des plaintes fonctionnelles multiplesn Un examen clinique normal en dehors de points

douloureux localisés, identiques chez tous les malades

LA DOULEUR

n Douleurs articulaires, tendineuses et/ou musculaires des membres et du rachis

n Associées à:n sensation de gonflement articulairen impression de raideur matinalen fatigabilité musculairen douleurs temporo-mandibulaires

n Majoration par: efforts et inactivité, stress, climat,…

SIGNES ASSOCIES

Troubles du sommeil Troubles uro-gynécologiques

Fatigue générale Troubles sensoriels

Colopathie Paresthésies

Céphalées Difficultés de concentration

Troubles anxio-dépressifs Phénomène de Raynaud

Syndrome sec Impatiences, prurit, palpitations

CRITERES DIAGNOSTIQUESACR 1990 de la FM

n Douleur diffuse (côté D et G, au dessous et au dessus de la taille et rachis)

n Chronicité > 3 moisn Douleur à la palpation

( 4 kg de pression, doit blanchir l’ongle) de 11 sur 18 points d’insertion tendineuse

DIAGNOSTIC D’ELIMINATION

n Rhumatismes inflammatoires: PR, SPAn Maladies systémiques: Gougerot Sjögren, lupusn Maladies musculaires: polymyosite, myalgies

iatrogènes (quinolones, hypolipémiants, anti-H2, biphosphonates, interférons, anti-aromatases …)

n Troubles endocriniens: hypothyroïdien Métabolisme phosphocalcique: hyperparathyroïdie,

diabète phosphoré, ostéomalacien Pathologies infectieuses: hépatites B et C, lyme, HIV

EPIDEMIOLOGIE

n Prévalence = 2 à 6% de la populationn Prévalence augmentant avec l’âge:

chiffre > 7% entre 60 et 79 ansn Prédominance féminine de 80 à 90%n Représente: - 2 à 5% des Cs de médecine générale - 10 à 25% des Cs de rhumatologie(2e rang après l’arthrose)

FORMES CLINIQUES

n Formes associées: Gougerot, PR, lupus (16,7%, Grafe 99), maladies inflammatoires digestives (30%, Buskila 99)

n Formes régionales: sd douloureux du mb sup, sd myofascial, cervicalgie, FM unilatérale ou incomplète

n Formes de l’enfant: n prévalence de 1,2 à 6,2% (Mikkelsson 99)n 28% avec début dans l’enfance ou l’adolescencen évolution plutôt favorable (73% de rémission à 30 mois, Buskila 95)

PHYSIOPATHOLOGIE

n Hypothèses musculairesn Le système neuro-endocrinienn Le système nerveux centraln L’origine psychiatriquen Facteurs génétiques

TRAITEMENTS

n Traitements médicamenteuxn Antalgiques: tramadoln Certains anti-dépresseursn Anti-épileptique: prégabaline et gabapentinen Anti-émétiques: sétrons

n Traitements non médicamenteux ++++

ANTALGIQUESn Paracétamol: meilleur rapport efficacité /tolérancen Tramadol: nette amélioration sous réserve d’une

bonne toléranceRésultats confirmés vs placebo par Russell (2000) sur 69 malades, mais

sélectionnés au départ pour leur bonne tolérance au tramadol

n Morphine: fortement déconseilléeInefficace, mal tolérée, risque de dépendance

psychique

AINS et CORTICOIDES

n AINS: peu d’intérêts, mal tolérés91% des FM en recoiventà évitern Corticoïdes: pas d’indication, à éviter

ANTIDEPRESSEURS TRICYCLIQUES

Amitriptyline essentiellementPlusieurs essais contrôlés contre placebo (≈ 180 malades)

Résultats:n Efficacité modérée sur tous les paramètres habituels

d’apparition assez rapide (1 à 2 sem)Amélioration surtout qualité du sommeil et sympt dépressifsn Amélioration à court terme dans 25% des casn Forte réponse au placebon Effets II de type anticholinergique ⇒ nbx arrêts de

traitement

SEROTONINERGIQUES

Fluoxétine= Prozac

Wolfe 9430 malades

Pas de ≠, mais bcp de sorties d’essai, durée = 6 sem, dose =20 mg/jFluoxétine

= ProzacGoldenberg 96fluoxétine+amitriptyline31 malades

Efficacité > de l’association sur EVA et QIFMais pb méthodologiques

Fluoxétine= Prozac

Arnold 2002&possible jusqu’à 80 mgDurée = 12 sem60 malades

Amélioration QIF, EVA, score de fatigue, Mc Gill Pain Q, score de dépressionDose moy = 55 mg/j

Anti-dépresseurs inhibiteurs mixtes:

Milnacipran= Ixel

Gendreau 2005125 malades

Amélioration douleur, fatigue, humeur

Duloxétine= Cymbalta

Plusieurs études Amélioration douleur, fatigue et humeur

LES ANTAGONISTES DU RECEPTEUR DE LA 5-HYDROXYTRYPTAMINE (5-HT3)

n ondansétron (Zophren) vs paracétamol (Hrycaj 96)Réponse positive chez 11 patients sur 21n Tropisétron (Navoban) vs placebo (Farber 2000)418 malades, traitement sur 10 jours avec des résultats positifsÀ la visite à 12 mois: intensité de la douleur encore en dessous de

l’intensité initiale chez les répondeursANTI-EPILEPTIQUES

n prégabaline = LyricaCrofford 2005 : 529 maladesà 450 mg/J: amélioration de la douleur, fatigue, sommeil et qualité

de vien gabapentine = Neurontin (résultats positifs, Arnold et col, 2007)

TRAITEMENTS NON MEDICAMENTEUX

I / TECHNIQUES PHYSIQUESn Balnéothérapie et massages:Eau chaude et massages doux (le moins agressif

possiblen Physiothérapie: résultats variables, amélioration

avec la chaleur, TENS peu efficace.n Cures thermales:A condition: adaptation de l’intensité et du rythmeAucune station réellement spécialisée

n Exercices physiques:

n Exercices physiques souhaitables (musculation douce, entraînement progressif à l’effort, étirements)

Marche rapide, natation, gymnastique en eau tiède et vélo

n Programme adapté à chaque pers et présélection des pers motivées

II / RELAXATION / SOPHROLOGIE

n Résultats difficiles à évaluerCependant: élément important dans la prise en chargen Psychothérapie souvent associéen Hypnose: ≈ 50% des malades seraient améliorés(Eisinger 1999)

III / THERAPIE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE

Apprentissage des différentes techniques de gestion du stress et de la douleur

⇒Modification de façon durable des comportements non souhaités (facteurs d’entretien) en y substituant des attitudes plus adaptées

⇒Dans plusieurs études: ≈ 70% d’amélioration vs 40% pour le traitement classique

Recommandations EULAR 2006n 1: L’abord de la fibromyalgie nécessite une évaluation globale

de la douleur, de la fonction et du contexte psychosocial. Elle doit être considérée comme un état complexe et hétérogène où un processus douloureux anormal s’associe à d’autres présentations cliniques (niv IV, force D)

n 2: le traitement optimal nécessite une approche multidisciplinaire associant des traitements médicamenteux et non médicamenteux, adaptés à l’intensité de la douleur, à la fonction et à d’autres présentations cliniques telles que la dépression, la fatigue et les troubles du sommeil en collaboration avec le patient (niv IV, force D)

n 3: Les bains en eau chaude avec ou sans exercices sont efficaces (niv IIa, forceB)

Recommandations EULAR 2006n 4: Des programmes d’exercices individualisés incluant

des exercices aérobies et de renforcement peuvent être bénéfiques pour certains patients (niv IIb, force C)

n 5: Les thérapies cognitives et comportementales peuvent être bénéfiques pour certains patients (niv IV, force D)

n 6: D’autres thérapies comme la relaxation, la rééducation, la physiothérapie et le soutien psychologique peuvent être proposées selon les besoins individuels des patients (niv II b, force C)

Recommandations EULAR 2006

n 7: Le tramadol est recommandé dans la prise en charge de la douleur de la fibromyalgie. Les antalgiques tels le paracétamol, les opioïdes faibles peuvent aussi être utilisés. Les corticoïdes et les opioïdes forts ne sont pas recommandés (niv I b, force A)

n 8: Les antidépresseurs: amitriptyline, fluoxétine, duloxétine, milnacipran, moclobémide et pirlindole diminuent la douleur et améliorent souvent la fonction. Ils sont recommandés dans le traitement de la fibromyalgie (niv I b, force A)

n 9: Le tropisétron, le pramipéxole et la prégabaline diminuent la douleur et sont recommandés dans le traitement de la fibromyalgie (niv I b, force A).

CONCLUSIONn Pathologie complexe dont la physiopathologie reste

inconnuen Pathologie souvent non reconnuen Traitement difficile, souvent décevant: 1. antidépresseur ou anti-épileptique + prise en charge

physique + prise en charge psychologique2. Rotation des AD et AE3. Antagoniste des R 5HT3, agoniste dopaminergique4. Association techniques antalgiques ++++n « Primum non nocere »: pas de corticoïde, pas d’opioïde

fort