La Dette, Quelle Dette ?

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    La dette, quelle dette ?

    Publi le 1 juin 2012 - 00:00 par Jean Gadrey [1]Type d'article: Dans les mdias [2]logotyfa.png [3]

    Dette

    Article de Jean Gadrey paru dans le Monde diplomatique[4] (un journal qui ne vit que par sesabonnements et ventes en kiosques: soutenez-le [5]!. Vous pouvez aussi en couter uneprsentation L-bas si jy suis du 11 juin en cliquant ici[6].

    Un parfum de printemps 2005 ? lpoque, le prsident de la Rpublique, M. JacquesChirac, avait convoqu un rfrendum visant ratifier le Trait constitutionnel europen(TCE). Les mdias se firent unanimes : il fallait approuver le texte. La campagne secaractrisa nanmoins par une mobilisation indite. Associations, organisations politiques etsyndicales semployrent dcortiquer, expliquer et dbattre un document pourtant peuengageant. Contre lavis des experts , les Franais dcidaient de rejeter le TCE prs de55 %.

    Sept ans plus tard, le chur des ditorialistes rsonne de nouveau : le fardeau de la detteimpose aux peuples europens de se serrer la ceinture. Et, bien quaucun referendum naitt prvu sur la question pour demander leur avis aux Franais, comme en 2005, unecampagne de terrain a pris le pari risqu dimposer dans le dbat public une questionque les mdias semploient taire : faut-il payer lensemble de la dette franaise ?

    Depuis lt 2011, lappel national Pour un audit citoyen de la dette publique rassemblantvingt-neuf associations, organisations non gouvernementales (ONG) et syndicats (etbnficiant du soutien de diffrentes formations politiques[i] [7]) a t sign par prs desoixante mille personnes[ii] [8]. Plus de cent vingt Comits daudit citoyen (CAC) se proposantde remplacer les agences de notations ont t crs depuis l automne 2011. Commentexpliquer un tel engouement ?

    Lun des animateurs de cette campagne, le philosophe Patrick Viveret rappelle que le motdsir ici, celui de simpliquer dans une mobilisation provient de d-sidrer : La sidration[9] a ceci de caractristique que mme lesvictimes pensent quil nest pas possible de faireautrement. La sidration[9] cest sur le plan conomique ce quon pourrait appeler la penseTINA (There Is No Alternative) de Margaret Thatcher, un tat o on dit juste oui cestcatastrophique mais non on ne peut pas faire autrement [iii] [10]. Il sagirait dun blocage de limaginaire , de lindignation et de la critique.

    Or, au sein des CAC, les choses se dcoincent lorsque les participants font certainesdcouvertes :

    Comment ? Les dpenses de lEtat franais nauraient pas progress depuis vingt ans, enpourcentage de la richesse totale produite ? Elles auraient mme un peu baiss, passant de24 % du produit intrieur brut (PIB) au milieu des annes 1980 22 % au milieu des annes

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    2000 ? En tes-vous certain ?

    Vous dites que les recettes de lEtat ont quant elles perdu quatre points de PIB, passantde 22 % 18 % sur cette priode ? Ils ont donc fait le choix de priver l Etat de recettes.

    Les cadeaux fiscaux dcids au cours des annes 2000 reprsentent-ils vraiment unmanque gagner de 100 milliards deuros par an ?

    De nombreux grands pays du monde, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, auraientune banque centrale qui prte directement lEtat des taux proches de zro et pas nous ?

    Si la banque centrale europenne (BCE) avait accept de prter directement aux pays de lazone euro comme elle le fait pour les banques, cest--dire 1%, aucun ne serait dsormaisconfront une dette juge insupportable , cest bien a (lire lencadr) ?

    On pourrait refuser de payer une dette publique quand on la contracte ? Mais, est-ce quea a dj t fait ?

    A ces questions glanes au fil des runions, les rponses toutes positives circulent en

    rseau. De sujet repoussoir ou inatteignable, la question de la dette publique devient dsirable chez ceux qui ont commenc matriser le sujet, comme ils lavaient fait avec larforme des retraites en 2010, ou le projet de TCE en 2005. On a donc vu fleurir nonseulement des livres, des textes et des diaporamas experts mais, surtout, dinnombrablespreuves dune relle appropriation collective : des dessins humoristiques (lun dcrit une mamma BCE gavant un nourrisson obse dont le bavoir indique Banque ) ; des quizz( Les dtenteurs de la dette sont-ils : 1/ Les banques, 2/ Les assurances, 3/ Les mirs duptrole ou 4/ On ne sait pas [iv] [11]) ; des affiches de films dtournes ; des squencesthtrales ; des vidos qui font leur chemin sur le Net (on citera, par exemple, La dette c estchouette [v] [12]) ; etc.

    Un centre existe, mais comme nud de rseaux : il organise des rassemblements nationauxet des contacts internationaux ; il rpercute les analyses. Celles dpeignant des pays richestrs endetts soumis, aprs les PPTE (pays pauvres trs endetts) des annes 1990, aumme type de dictature politico-financire que les premiers. Certains, comme le Comit pourlannulation de la dette du Tiers-monde (CADTM) avaient montr comment la dette du tiersmonde , qui avait dcoul, partir de 1979, de dcisions unilatrales prises aux Etats-Unis,tait devenue le principal moyen dasservissement nocolonial du Sud de la plante. Ils nontgure de mal convaincre que la mme dynamique est l uvre au sud de lEurope, etque la contagion peut affecter tous les autres pays, Allemagne comprise, par le biais de sesbanques fragilises.

    La dmocratie revendique par ces collectifs, autant que leur pluralisme conduit tout mettre plat. Ainsi, des controverses apparaissent, aussi bien entre les experts nationaux de cesrseaux (conomistes atterrs, Attac, Fondation Copernic, CADTM, partisans de ladmondialisation) que dans les dbats locaux. La principale, au premier trimestre 2012,porte sur le rle des remboursements dintrt accumuls dans le gonflement de la dettepublique. Pour certains, cest lexplication majeure : le montant cumul des charges dintrtverses par lEtat franais entre 1980 et 2009 slve 1 340 milliards deuros de 2009, soit90 % du stock de dette en 2009 (1 500 milliards). Pour dautres, la question serait secondaire(en tout cas en France). Lopration de cumul sur longue priode serait dpourvue de sens,car rien ne dit que le prt systmatique taux nul soit juste , compte tenu de l inflation etde la croissance. Lexcs de dette proviendrait dabord, selon eux, des cadeaux fiscauxconcds aux plus fortuns, des ingalits et des diffrentes oprations de sauvetage desbanques.

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    Dautres dbats surgissent du ct des experts nationaux, en particulier sur le besoindendettement public : un Etat doit-il sendetter en permanence ou, pour le dire autrement,existe-t-il une partie des dpenses publiques (potentiellement finance par la dette) que lonpeut estimer socialement et cologiquement inutile ou nuisible, impulse par des lobbiesdaffaires et par la concurrence destructrice entre pays ou territoires[vi] [13] ?

    Mais les collectifs locaux peroivent trs bien que les diffrents points de vue se compltentsans sopposer. Quimporte les dtails de lanalyse, des propositions font consensus : retireraux marchs financiers le monopole du financement des Etats et en revenir des tauxdintrt trs faibles. Et tous insistent sur lexigence dune forte rduction des ingalits etdune rforme fiscale radicale, la Roosevelt .

    Toujours plus pragmatiques que thoriques, les dbats locaux retiennent une hypothseassez keynsienne selon laquelle une partie de la dette publique franaise estprobablement lgitime, sous rserve dinventaire. Mais une partie seulement : en Francecomme ltranger (en Belgique, en Allemagne, dans plusieurs pays du sud de l Europe),des collectifs plaident au contraire que lide dillgitimit sappuie sur trois arguments dontchacun suffirait justifier lusage de ce terme, dans son acception courante : Qui nest pasconforme au bon droit, lquit, sur le plan moral, intellectuel ou matriel.

    Le premier argument est celui de linjustice des dcisions qui ont creus la dette : fiscalit declasse, niches pour riches, hausse des ingalits Le second renvoie des choix nonconformes lintrt gnral : confier les dettes publiques aux marchs, c est--dire auxspculateurs. Le troisime met en avant des dcisions prises la fois sur le dos et dansle dos des peuples : sur leur dos, en faisant payer la crise par ceux qui ne sont pour riendans lexcs dendettement ; dans leur dos, en raison du dficit de dmocratie et de lamainmise de loligarchie nolibrale sur linformation.

    Les comits ont prfr ne pas se lancer dans la voie dun chiffrage de la part de dette

    illgitime. Qualifier (d

    illgitimes) des dcisions et des politiques, en dduire qu

    une partie dela dette dcoule de politiques de classe , est une chose. Quantifier ce que les peuplesne devraient pas rembourser est un tout autre exercice. Il semble prmatur dans lamesure o il faut encore faire progresser lide dillgitimit avant de proposer un tel curseur,qui dpendra du rapport de forces.

    Les collectifs locaux ont commenc voquer lultime question du dfaut , marque elleaussi par des incertitudes politiques et techniques. Les exemples historiques de l Argentinedans la premire moiti des annes 2000[vii] [14], de la Russie en 1998, de lEquateur en2007-2008, de lIslande aprs la dbcle bancaire de 2008, offrent de nombreuses pistes derflexion. Mais, comme la France nest pas (ou pas encore) dans la situation des pays

    prcdents, ni dans celle de la Grce ou de l Irlande, la question reste ouverte : faut-ilenvisager une politique de non remboursement des cranciers pour une partie de la dette(annulation), un moratoire de plusieurs annes sur une fraction de la dette sans versementdintrts de retard ? Est-il prfrable que lexcs de dette soit pay, via des impts, par lescouches sociales et par les financiers qui lont provoqu et qui en ont souvent tir profit ? Cessolutions, qui peuvent tre combines, ont en commun le refus de faire payer la crise auxcatgories populaires.

    Encadr Un exemple de dbat men dans des collectifs locaux

    Suffit-il que la banque centrale europenne (BCE) prte directement aux Etats ? Pourcertains, la crise des dettes publiques en Europe prendrait fin si la BCE prtait des taux trsfaibles aux Etats en difficult. Ce serait certes trs efficace court terme. Les marchsauraient les bras coups et la spculation sur les titres publics prendrait fin.

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    Mais, si lon na pas rduit les ingalits (rvolution fiscale, autre partage de la valeurajoute), si lon na pas repris le contrle de la finance, les marchs iront spculer ailleurs :immobilier, matires premires, produits agricoles, devises, nouvelles technologies, etc. Il yaurait alors dautres quivalents de la crise des subprime, dautres dfauts bancaires etfinanciers, et donc dautres interventions publiques pour sauver la finance , dautres dettespubliques illgitimes et dautres plans daustrit. Dans ces conditions, on pourrait mmeimaginer qu un moment les dominants prnent lintervention directe de la BCE auprs destats de faon sauver lessentiel du systme et de leurs privilges. Nest-ce pas ce

    qu

    enseigne l

    exemple amricain ?Jean Gadrey

    [i] [15] DEurope Ecologie les Verts au Nouveau parti anticapitaliste (NPA), en passant par leParti communiste ou celui de la dcroissance.

    [ii] [16] http://www.audit-citoyen.org/[17]

    [iii] [18] Construire une rsiliAnce. De la sidration au dsir , treizime session de

    lUniversit Intgrale du Club de Budapest, 19 septembre 2011.

    [iv] [19] Toutes les rponses sont justes, sauf la 3.

    [v] [20] http://vimeo.com/33392696 [21]

    [vi] [22] Voir, sur le blog http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/ [23], le billet du 26septembre 2011.

    [vii] [24] Lire Maurice Lemoine, Face aux cranciers, effronterie argentine etfrilosit grecque , Le Monde diplomatique, avril 2012.

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