LA CRITIQUE ET LA CRISE DU CAPITALISME...
Transcript of LA CRITIQUE ET LA CRISE DU CAPITALISME...
1
LA CRITIQUE ET LA CRISE DU CAPITALISME GLOBAL
Flávio Bezerra de Farias1
Introduction
Il s’agit ici de faire la critique de certaines approches économicistes de
la crise du capitalisme global qui se sont plus ou moins laissées influencer
par la thèse de la primauté des forces productives sur les rapports de
production, dans le cadre de la catégorie marxienne du mode de production
capitaliste. Ces approches s’éloignent de celle-ci dans la mesure où elles
soulignent la nature motrice tant des innovations financières du capitalisme
patrimonial que des technologies de l’information et de la communication du
capitalisme cognitif, au préjudice de la catégorie lutte de classes dans la
dynamique du capitalisme libéral contemporain. À partir de la configuration
historiciste régime d’accumulation, ces économistes prennent des points de
vue différents et se rapportent à la cohérence ou à la crise soit du
capitalisme global, lorsqu’ils deviennent réformistes (AGLIETTA et BERREBI,
2007; AGLIETTA, 2008), soit de la globalisation du capital, quand ils se font
radicaux (JOHSUA, 2006; 2009).
Pourtant, en tant que prolongement de la « crise de la nouvelle
économie », la « grande crise » actuelle « débouche à l’évidence sur un
autre monde dont nous ne pouvons pour l’instant que deviner les
contours. » (JOHSUA, 2009, p.126). Au lieu de mettre en place les « plans
de sauvetage » pour entrainer « la privatisation des profits et la
socialisation des pertes », la solution provisoire de la « grande crise du XXIe
siècle » exige, d’abord, « contrôler les finances » (Idem, p. 121 a 126).
Cependant, « en s’approfondissant, la crise elle-même montrera qu’on ne
peut s’en tenir à l’aspect financier, qu’il faut tout autant remodeler
l’économie réelle », sous la forme « d’un nouveau modèle de
développement », avec « planification » et « intervention » de l’État, dans
contexte de réforme et démocratisation des institutions internationales (p.
127 a 129). Pourtant, il s’agit plus de croire à la répétition de l’histoire des
formes capitalistes que d’affirmer la possibilité d’une grande transformation
1 Docteur d’État ès Sciences Économiques (Paris XIII). Professeur à l’Université
Fédérale du Maranhão (Brésil). [email protected]
2
sociale et historique, pour l’abolition de l’état de choses présent, en accord
avec les anticipations concrètes marxiennes.
Bien au contraire, tout en enfonçant le clou réformiste, le dépassement
positif de la grande crise du capitalisme global implique essentiellement la
modification tant dans les conditions structurelles du régime d’accumulation
que dans la nature de la régulation étatique et contractuelle néolibérale
(AGLIETTA, 2008, p.124). À plus long terme, il s’agit
« [...] de la fin du modèle de croissance fondé sur la montée inexorable de
l’endettement qui a été observé dans les vingt dernières années. Cette
période exceptionnelle a été due à la conjonction d’une gouvernance
d’entreprise tournée exclusivement vers la création de valeur pour
l’actionnaire en Occident qui a élargi démesurément les inégalités de revenus
et à une extension de la mondialisation après l’effondrement de l’URSS et la
montée des pays émergents qui a créé un marché du travail beaucoup plus
vaste avec un excès global de main d’œuvre. Parce que les évolutions des
salaires réels et de la productivité ont été déconnectées, la croissance dans
les pays développés, surtout dans les pays anglo-saxons où le phénomène a
été plus accentué, est venue de la baisse de l’épargne et de la consommation
à crédit. » (Idem, p.124).
À un degré distinct, ces deux formulations éclectiques portent la
marque de l’objectivisme, de la réification technoscientifique, etc. Bref, en
tant qu’idéologies fétichistes concernant l’ensemble de formes sociales et
historiques, elles peuvent servir pour exemplifier que « quand dans la
pensée du monde, l’être cesse de jouer son rôle de contrôle, tout devient
possible et tout ce qui est possible se réalise, du moment que cela arrange
les courants économiquement, socialement, politiquement puissants de
l’époque. » (LUKÁCS, 2009, p. 328). Les deux approches unilatérales de la
« praxis », alors qu’elle « désigne la vie de l’homme dans la totalité de leurs
déterminations réelles », ignorent « que le lien effectif grâce auquel cette
exigence de totalité peut être respectée c’est le fait de la historicité elle-
même » (CHATELET, 1972, p. 215).
Au lieu d’appliquer à l’échelle mondiale l’idée générale marxienne de
primauté de la base sur la superstructure, les deux courants historicistes
contribuent à ériger une économie politique de la globalisation, de manière
étroite, en tant que « discipline scientifique spécialisée », pour tenter de
« faire de l’objectivité des processus économiques une sorte de seconde
3
nature » (LUKÁCS, 2009, p. 389), qui détermine objectivement tout le reste
de la formation socioéconomique globale. Ne pas oublier le « devenir évite
le risque d’attribuer arbitrairement a une de ces dimensions un privilège
exorbitant, et garantit, d’une certaine manière, contre le dogmatisme
entrainé nécessairement par cet arbitre. » (CHATELET, 1972, p. 215).
C’est un penchant dogmatique, et comme auparavant « cette tendance
est également devenue prédominante dans la praxis scientifique
universitaire officielle » et, paradoxalement, certains courants
habituellement critiques de l’économie politique sont devenus « toujours
plus incapables de comprendre en termes ontologiquement corrects même
des moments partiels du processus global. » (LUKÁCS, 2009, p. 314).
Ce tout est perçu en tant que simple unité de parties conflictuelles,
mais régulables d’un procès sans sujet, au sein duquel les prolétaires a
priori ne constituent pas une classe décisive. D’ailleurs, la relation entre la
crise et la philosophie de l’histoire a été mise en évidence comme suit :
« Il appartient à la nature de la crise qu’une décision soit imminente, mais
qu’elle ne soit pas encore prise. Le fait que la décision qui sera prise reste
ouverte réside aussi dans sa nature. Pourtant, l’insécurité générale d’une
situation critique est traversée par la certitude selon laquelle, sans que l’on
sache avec certitude quand et comment, la fin de l’état critique est proche. La
solution possible reste incertaine, mais la fin elle-même, la transformation des
circonstances en vigueur – menaçante, peureuse ou désirée –, c’est sûre. La
crise invoque la demande au futur historique. » (KOSELLECK, 1999, p. 111).
Cependant, une approche « matérialiste et dialectique » saurait
premièrement « qu’il y a un penchant dangereux », chez l’historicisme qui
ne reconnait que des règles et des normes en particulier, « à faire
abstraction de l’action du sujet et à prendre les lois du monde social actuel
comme définitives et éternelles » (GOLDMANN, 1980, p. 23).
Deuxièmement, que « l’histoire est caractérisée par le fait que les lois
constitutives des sociétés humaines changent elles-mêmes avec le devenir
de ces sociétés. » (Idem, p.65).
Au contraire, pour le penchant économiciste et dogmatique, même s’il
s’agit d’une grande crise, elle ne serait capable d’offrir aux prolétaires la
« possibilité objective » d’une grande transformation sociale, en accord avec
ses intérêts spécifiques et suprêmes, pour « la réalisation historique » de
4
l’anticipation communiste, « qui ne peut exister qu’entre hommes
entièrement libres, communauté qui suppose la suppression de toutes les
entraves sociales, juridiques et économiques, à la liberté individuelle, la
suppression des classes sociales et de l’exploitation. » (p.14).
Pareillement aux révisionnistes du début du XXème siècle, « au lieu de
s’appuyer sur l’évolution telle qu’elle se présente actuellement, s’y
abstraient volontairement, pour rêver. » (LÉNINE, préface de 1915,
BUKHARIN, 1969, p. 15). Au début du XXème siècle, une fois niée au premier
abord une grande transformation sociale ayant pour référence
l’internationalisme socialiste, Aglietta et Berrebi (2007, p. 401) incarnent un
« esprit cosmopolitique », devant la crise économique globale. D’ailleurs,
avec ce même esprit, « les Nations Unies et les cours pénales
internationales se sont montrées incapables de garantir au monde une paix
stable et universale, on n’oserait pas le souhaiter pleinement » - car il s’agit
plutôt d’une utopie abstraite – « mais, seulement de conditionner un petit
peu la tendance des grandes puissances à utiliser ad libitum l’exorbitante
force militaire dont elles disposent. » (ZOLO, 2007, p. 19).
Au lieu d’adopter um idéal kantian démodé, dont le principal intérêt
téorique et politique réside dans le soutient du statu quo ante, il vaut mieu
aiguiser la pointe critique contre la régulation de la mondialisation. Étant
donné que la mondialisation impérialiste de la « Triade » entraîne la
déréglementation, la privatisation et la libéralisation, il s’agit d’un oximore
banal bien caractéristique des réformistes dans leur acceptation fataliste du
capitalisme global, au même temps qu’ils rejetent l’anticipation concrète
d’un monde meilleur qui passe par le socialisme. Ainsi, au lieu de devenir
une forme cosmopolite idéaliste, la mondialisation impérialiste « se produit
dans de telles conditions et à un rythme tel, de même que par
l’intermédiaire de tels antagonismes, conflits et convulsions – non
seulement économiques, mais aussi politiques, nationaux, etc. –», que
« l’impérialisme s’éfondra fatalement » (LÉNINE, préface de 1915,
BUKHARIN, 1969, p. 15), de sorte que le capitalisme soit enfin dépassé
dans un mouvement réel qui aboli effectivement l’état de choses présent.
Par contre, l’oximore de la régulation de la mondialisation a été créé
pour soutenir idéologiquement la pertinence de la raison techniciste, devant
l’échec large et catégorique du capitalisme libéral, y inclut sa base
5
historiquement déterminé. Sous le fétichisme de la primauté des forces
productives, on ne voit d’avenir que dans un régime qui n’ambitionne pas
de « refaire l’histoire par la base, mais seulement de la changer », il s’agit
donc du « régime qui devrait être cherché, au lieu d’entrer encore une fois
dans le cycle de la révolution. » (MERLEAU-PONTY, 2006, p. 273, épilogue).
Avec la crise globale, il y a la mise en cause du « privilège spécifique du
capitalisme libéral » qui consiste à « s’exonérer de ses plus spectaculaires
échecs et de se rétablir sans cesse dans la position du modèle
indépassable. » (LORDON, 2008a, p. 119-120).
À partir de sa barricade d’idées, le régulacionisme suggère une
réforme dans cette configuration de la société bourgeoise, avec un retour
cosmopolite de l’interventionnisme, pour vaincre la bataille de la nouvelle
« grande crise » - en supposant qu’elle ne conduit pas nécessairement au
contexte de dépassement du capitalisme, mais « il désigne analytiquement
l’arrivée aux limites d’un régime d’accumulation et l’ouverture d’une phase
indécise qui verra la recomposition d’une nouvelle cohérence capitaliste. »
(LORDON, 2008b, p. 203).
Par contre, dans sa barricade d’idées le marxisme doit montrer la
possibilité sociale et la necessité historique du dépassement radical de la
société bourgeoise, en particulier dans le capitalisme libéral, dans l’époque
située au-delà du fordisme et dans la globalisation, qui porte la marque de
la réification planétaire. Au sens propre, devant la chosification
régulationniste, bureaucratique et impérialiste, on souligne l’importance de
l’actualisation da la problématique du sujet collectif révolutionnaire, dans le
mouvement réel qui aboli l’état des choses présent.
La crise globale et le retour de la régulation
La crise mondiale du capitalisme met en évidence le phénomène de la
persistance objective de la division capitaliste du travail liée de manière
organique à la subjectivité de la lutte de classes, tout en donnant de la
substance aux structures étatiques gouvernementales, qui sont en train
d’être transformées dans le crucial début du XXIe siècle, dans tous les
niveaux spatiaux, des locaux aux globaux. En même temps, l’échec de
l’idéologie néolibérale stimule souvent l’imagination holistique des partisans
6
des pactes de classes keynésiens, transposés en ce moment à un contexte
plus large, sous l’empire de la gouvernance mondiale.2
Pour certains régulationnistes, deux leçons peuvent être tirés de la
crise actuelle, a savoir : d’une part, elle montre la faillite d’une idéologie qui
a conduit les autorités à abandonner sa fonction de régulation et
surveillance, d’autre part, elle met en avant les dangers d’une globalisation
qui ne se suit pas des coopérations internationales exigées par celle-ci
(BRENDER & PISANI, 2009, p. 5). Ainsi, en situation de sauve-qui-peut et
d’annonce de grande crise, il faut combattre de toute urgence l’utopie du
marché libre et éternel, surtout quand cette configuration se trouve dans
l’imminence d’entraîner un « état de guerre sociale » (VINCENT, 2004,
p.56), occulté ordinairement tant par le voile pseudo-concret, dans le
rapport salarial postmoderne, que par le voile objectiviste, dans l’idéologie
fétichiste des innovations. Actuellement, l’exploitation de l’homme par
l’homme est dissimulée, comme si l’argent faisait de l’argent,
superficiellement, en circulation illusionniste, qui dissémine
« des objets sociaux porteurs de jouissances, notamment les objets sociaux
qui incorporent des technologies nouvelles. La force de suggestion de cette
surface brillante est telle qu’elle semble se subordonner la production de biens
et de services. Le renouvellement ininterrompu des marchandises se donne
pour le moteur de la dynamique sociale, la production ne faisant que
s’adapter au développement insatiable des besoins. De cette façon, la
production devient partie prenante de la superficie. Le profit lui-même n’est
plus qu’un indicateur technique d’une adaptation réussie aux mécanismes de
marché et à la combinaison optimale des facteurs de production. Les crises
deviennent des fluctuations économiques causées par une insuffisante
mobilité des capitaux, des matières premières et, bien sûr, de la main
d’œuvre. La part des profits qui échoit aux capitalistes est, dans cette logique
2 Cf. Mathieu et Sterdyniak, in [http://gesd.free.fr/ofce1103.pdf] 2/8/09. Dans
l’économie politique de la globalisation, il y a les keynésiens, comme Stiglitz qui
sont plus proches d’un étatisme bienfaisant exterieur à l’économie et élargi à
l’échelle mondiale et comme l’école de la régulation qui pensen que « le capitalisme
n’est pas viable sans un appareil d’institutions venant enquadrer et réguler les
tendances autrement déstabilisatrices du fonctionnement spontané des marchés. »
(LORDON, 2009, p. 245-246). Au sein de cette école, il y a les différents niveaux
concernant l’affirmation de la thèse selon laquelle le marché et les institutions sont
« congénitaux » (idem, p. 246). On est encore très loin de la thèse matérialiste et
dialectique de l’organicité entre l’État et le capital (FARIAS, 2000), y incluse la
dimension globale.
7
de la superficie, la juste rémunération de leur créativité et de leur capacité à
anticiper l’évolution des marchés. » (Idem).
Contre « le fanatisme du marché » devenu démodé – alors qu’il était
pris dans le capitalisme néolibéral pour libre et éternel –, s’élève sur les
épaules de ses apologistes plus au moins explicites tant le mythe du State
building (FUKUYAMA, 2005) que l’utopie de construire « un autre monde »
avec le concours fétichiste de formes étatiques bénéfiques et techniquement
neutres vis-à-vis des intérêts antagoniques et sous un régime politique
davantage démocratique de « gouvernance globale » (STIGLITZ, 2006).
Cependant, cette démocratisation est discutable, car la gouvernance
pratiquée partout au monde signifie un ensemble de normes anglo-
saxonnes inhérentes à la gouvernance corporative, devant les quelles tous
les pouvoirs politiques et économiques devraient se plier, y inclus les États,
de sorte que cela devient une redoutable menace à la démocratie
(VÉDRINE, 2008, p. 62). On ne peut donc pas changer le monde sans
toucher à l’État dans la forme globalisée, à l’époque de « l’invention de
nouveaux territoires » (ARTOUS, 2010, p. 87 et suivantes).
Au début du moment des adversités montantes de la globalisation,
toutefois, le réformisme apparaît en tant qu’horizon indépassable de notre
époque (GIRAUD, 2008, p. 158). Au sens propre, une réforme pour
démocratiser la gouvernance est prise pour cruciale (AGLIETTA, 2008, p.
115), y inclus l’arrivée au point de concrétiser l’idéalisme cosmopolitique de
l’État global (AGLIETTA & BERREBI, 2007, p. 400). Devant les difficultés de
la mondialisation néolibérale – dans la logique de laquelle il n’y aurait pas le
besoin d’une gouvernance politique (Idem, p. 399) –, sans une théorie
réformiste, il n’y a pas une pratique réformiste. Pour cela, s’est érigée une
« approche transversale » (p.7), tout en donnant une nouvelle impulsion
keynésienne à l’idéologie du « capitalisme patrimonial »3, par l’intermédiaire
de la téléologie d’une régulation du capitalisme mondial. Ce néo-
interventionnisme qui implique la globalisation et la démocratisation de la
gouvernance a deux composantes idéologiques, a savoir : la première est
3 Cette catégorie a des implications positivistes, en ce qui concerne la possibilité de
faire du sistème bourgeois un type idéal de société désirable, c’est-à-dire, un
monde meilleur, avec une nouvelle régulation de la société salariale (AGLIETTA,
2008, p. 108). Pour cette raison, les régulationniste les plus critiques préfèrent la
désignation « régime d’accumulation financiarisé », ou « régime d’accumulation
sous la dominance financière » (LORDON, 2008a ; 2008b).
8
explicitement libérale, tout en universalisant la devise républicaine « de la
liberté, de l’égalité et de la fraternité » (p.420), tandis que la seconde est
implicitement conservatrice, tout en universalisant la devise positiviste « de
l’ordre et du progrès », comme nous avons souligné ailleurs (FARIAS,
1988 ; 2000, p.90). Le résultat c’est l’artifice stratégique diffusé dans le
roman Il Gattopardo de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : « Si nous voulons
que tout reste inchangé, il faut que tout change ! »4 Dans la logique
régulationniste, un retour pendulaire des pratiques étatiques et
contractuelles normalisatrices, pour une nouvelle expérience historique de
production vertueuse des objets, cela rendrait encore une fois possible
l’unité sans lutte entre les pôles au sein de la nouvelle société salariale.
Avec la crise globale, il s’agit d’installer un nouveau régime de croissance,
car celui qui existait avant la crise a mis en évidence son caractère
insoutenable ainsi que ses dangers et, une fois écartée la répétition du
fordisme national, devient possible l’émergence soit d’un capitalisme
organisé sous régulation supranationale, soit d’un régime mixte sans
étatisation nationale, un capitalisme financiarisé global, libéral, mais
complété par des instances régulatrices elles-mêmes mondiales (DOCKÈS &
LORENZI, 2009, p.61-62).
Même pour ceux qui aiment les antinomies, il n’est pas facile
d’accepter ce mélange historique assez bizarre. D’autre part, la
démocratisation de la gouvernance signifie une contradiction dans les
termes, car elle est une expression phénoménale du fait que, dans la
conjoncture actuelle, l’intensification des rapports organiques entre l’État et
le capital implique une configuration socioéconomique autoritaire (FARIAS,
2003, p. 161). Cette tendance est perçue « lorsque l’on considère ces
relations entre catégories dans une ‘vue transversale’ du processus
d’ensemble, et non en tant que succession et résultantes dans son
déroulement... » (LUKÁCS, 2009, p.354). Au contraire de l’approche
transversale régulationniste, dans la totalité concrète formée par l’État et le
capital, «on observe, dans leur action commune, la même structure
dynamique, la même compénétration dans la dialectique de leur autonomie
de principe et de leurs multiples interdépendances. » (Idem). D’ailleurs,
4 [http://it.wikipedia.org/wiki/Il_Gattopardo_(romanzo)] 20/7/09.
9
pour réaliser l’objectif de « stabilité globale », – dans les termes qui
intéressent aux grandes puissances, une fois maintenus les mécanismes de
développement inégal et combinés, « qui percent un abîme de plus en plus
profond entre les pays riches et les pays pauvres » —, « la guerre
d’agression globale, appelée soit comme guerre humanitaire, soit comme
guerre contre le terrorisme, c’est une prothèse nécessaire. » (ZOLO, 2007,
p. 117).
Dans les termes néo-positivistes de Aglietta et Brender (1984), la
société salariale fordiste est devenue capitalisme patrimonial postfordiste,
dont la dynamique réside désormais dans les métamorphoses financières
néolibérales. Le processus de libéralisation, dérégulation, etc., renforcé par
la normalisation postmoderne, aurait favorisé les innovations financières, –
tout en changeant en profondeur le mode de circulation des capitaux et des
risques –, lesquelles favorisent la croissance dans tous les pays, si
l’intervention publique se charge de la limitation des dérives des finances,
ainsi que de la canalisation de leurs développements (BRENDER & PISANI,
2009, p. 121). Ces auteurs affirment que les crises successives récentes
soulignent les retards de ces interventions de surveillance et
d’encadrement, ainsi que l’insuffisance des coopérations mises en place, de
sorte que mettre la globalisation financière au service du développement
économique exige moins une réforme de la finance ou du capitalisme
qu’une redéfinition du rôle de l’État dans le fonctionnement de la finance et
du capitalisme (Idem).
On constate qu’avec la crise du néolibéralisme à l’échelle globale,
l’étatisme remonte à la surface. Ainsi, un auteur annonce même l’arrivée
d’un « retour des nations », dans le cadre planétaire d’un « changement de
siècle politique », de manière qu’au lieu du siècle américain, c’est le
nouveau siècle XXI qui s’est installé (SAPIR, 2008, p. 37). Pour un autre
auteur, la nouveauté concerne la reprise de la régulation – qui suppose le
retour providentiel des interventions étatiques, puisque, dans la crise
actuelle, l’État est redevenu « le pivot de l’activité économique et
financière. » (AGLIETTA, 2008, 123). C’est le retour, aussi, de la taxonomie
dichotomique keynésienne de l’emploi, où la force de travail est fractionnée
en fonction de son accès à la condition d’emploibilité, toujours supposée
bénéfique, mais effectivement légitimatrice du profit. Dans les marchés des
10
pays centraux, l’obtention du profit et la garantie de l’emploi auraient des
difficultés originaires de la « concurrence des pays émergents » (AGLIETTA
e BERREBI, 2007, p. 63). En accord avec l’intégrationniste keynésien, le
profit de l’entrepreneur n’est pas le résultat de l’exploitation capitaliste,
mais il vient d’une juste récompense du risque de déclencher l’activité
productive préalable à l’accumulation de capital. Cependant, la primauté des
finances est interprétée en tant que soumission de « l’accumulation de
capital aux exigences de rendement financier, qui induisent comportements
déséquilibrants pour les entreprises et pour l’économie globale. » (Idem, p.
63). De manière analogue au martyre de la crise, la pénitence du risque est
inhérente au capitalisme ; mais, dans sa forme patrimoniale, les profits
financiers sont devenus impurs, lorsqu’ils échappent à la via crucis qui est
propre à l’activité productive. Sans pitié, le risque est relancé sur les
salariés, par l’intermédiaire de la déconnexion entre les salaires et la
productivité, du chômage et de la précarité (p.63). Contre la croyance selon
laquelle « la vertu sauvera le monde », deux questions ironiques se posent,
à savoir : « après la ruine financière, le salut à travers l’éthique ? »
(LORDON, 2008a); après la ruine financière, le salut à travers la scolastique
positiviste ? S’il y a critique du capitalisme, chez certains, « la négation du
capitalisme reste le plus souvent abstraite, morale, mêlée souvent de rage,
d’impuissance. » (VINCENT, 2004, p. 57). Chez d’autres, la critique du
capitalisme se réfugie dans la croyance selon laquelle « la barbarie du
Capital finira par susciter des réactions de plus en plus fortes, mais ils
doivent bien constater que de nombreuses réactions se tournent vers des
fondamentalismes ou des intégrismes religieux, voire des
communautarismes exacerbés » (Idem), sans oublier la logique de changer
le monde sans prendre le pouvoir (HOLLOWAY, 2002), de même que
l’illusion de l’Empire sans impérialisme (HARDT & NEGRI, 2000).
Dans le régime d’accumulation fordiste, la cohésion sans luttes aurait
favorisé les progrès nationaux (matériaux, techniques et sociaux), tandis
que dans le régime d’accumulation patrimonial les luttes sans cohésion
deviennent « désordres dans le capitalisme mondial » (AGLIETTA e
BERREBI, 2007). Sans doute, le positivisme régulationniste refuse le
désespoir tel qu’il s’exprime chez le Hamlet de Shakespeare : « Notre
époque est détraquée. Maudite fatalité, que je sois jamais né pour la
11
remettre en ordre ! »5 Pourtant, il s’agit de reformer le capitalisme mondial
pour le faire fonctionner de plus en plus mieux, dans l’intérêt de toute
l’humanité. Devant les inégalités de répartition de la richesse, le désastre
écologique, les désordres financiers et l’inefficacité des politiques
économiques nationales, alimentées par l’échec des institutions
internationales, qui n’ont pas réussi mettre en place leur projet de nouvelle
architecture après la crise asiatique, le « défi » actuel résiderait précisément
dans le processus que l’idéalisme hégélien désignait par « négation de la
négation » : d’abord l’État keynésien a été nié par la globalisation
financière ; ensuite, la disparition de la primauté du politique sur les
finances a entraîné les désordres du capitalisme mondial ; enfin, nier
l’inversion de la hiérarchie des valeurs entre le marché et le politique mise
en place par le néolibéralisme, cela revient à affirmer, de même que Ulrich
Beck, la conception cosmopolitique de l’État dans la mondialisation
(AGLIETTA e BERREBI, 2007, p. 400). Au niveau théorique, ces auteurs
s’approchent d’ailleurs des penseurs nostalgiques de la leçon kantienne qui
« soutiennent que les droits humains peuvent avoir des fondements
cognitifs et normatifs rigoureux, de sorte qu’il est évident qu’ils peuvent
être proposés à toute l’humanité sens que cela entraîne aucune forme
d’impérialisme culturel. » (ZOLO, 2007, p. 89). Par contre, dans la
perspective critique de l’idéalisme hégélien le processus de dépassement
tend vers une grande mutation sociale, qui n’est pas une simple utopie,
mais une synthèse de multiples déterminations « qui dans les différents
domaines s’opposent à la logique de la valorisation capitaliste », qui
s’accompagne de la « logique de la séparation et de l’affrontement dans la
soumission à des machineries sociales, qui sont comme des puissances
étrangères au dessus de la tête des hommes. » (VINCENT, 2004, p. 64).
Une grande transformation sociale orientée par l’anticipation marxiste d’un
monde meilleur, en accord avec la négation de la négation, exige le
dépassement effectif de la nature marchande simple et développée du
capitalisme et, donc, de l’exploitation de l’homme par l’homme – dont le
pseudo-concret réside dans la société salariale. Au lieu de rester au niveau
des réformes,
5 [http://www.shakespeare-literature.com/Hamlet/5.html/Time] [6/7/09].
12
« Il s’agit de réorienter la production sociale de façon à ce qu’elle cesse d’être
production du capital, de valeurs et de plus-values pour devenir production de
rapports sociaux. La production pour la satisfaction des besoins ne s’opère
plus dans le cadre d’une économie autonomisée, elle se présente comme une
production de biens et de services, de valeurs d’usage sans valeurs
marchandes. Elle est le support d’échanges libérés des contraintes de la
valorisation, elle ne suppose pas planification centrale lourde et pesante, mais
de multiples procès de concertation, des formes souples et mobiles
d’appropriation sociale. » (Idem).
Dans le néo-idéalisme régulationniste, au contraire, le capitalisme
mondial signifie le progrès inégal et combiné de multiples types de
capitalisme, dont la subsistance et la perpétuation exigent de l’ordre. Ainsi,
la coexistence des capitalismes divers en une même « finance globale » doit
être organisée à travers une « gouvernance politique transnationale », de
même que les États ne peuvent aboutir collectivement, en ce qui concerne
la « cohésion sociale » dans le cadre du système d’États, que s’ils cherchent
arriver à des « buts transnationaux de coopération » les uns avec les autres
– pour qu’ils puissent dépasser leur diminution et « rétablir une régulation
de la finance globale. » (AGLIETTA e BERREBI, 2007, p. 400).
En tant que deus ex machina, les finances globales imposent des
exigences fonctionnelles qui conduisent à l’avènement nécessaire des
formes étatiques cosmopolitiques, dont les rapports de causalité ont été
exprimés dans le tableau suivant (idem, p. 398). Dans la taxonomie
systématisée par les régulationnistes, les configurations polaires ont été
synchronisées, identifiées, distinguées et caractérisées seulement à partir
de critères soit financiers concernant le contrôle ou la libéralisation des
capitaux, soit politiques relatifs aux coopérations entre les États nationaux.
Dans la vision diachronique des régulationnistes, l’État keynésien a été
détruit par la globalisation financière propre au néolibéralisme, qui a établi
la primauté du marché sur le politique, de sorte qu’au lieu de mettre les
finances au service des buts collectifs, il prétend soumettre les choix
collectifs démocratiquement élaborés à l’avis des marchés financiers
globaux, sous une conception individualiste, d’une part ; et, d’autre part, il
soutient les politiques de privatisation de la protection sociale en faveur
d’une universalisme qui nie la spécificité dos modèles sociaux (p. 399).
13
LES TYPES D’ETATS ET LES STRUCTURES DES FINANCES
Finances segmentées Finances globalisées
Souveraineté
nationale
séparée
État protectionniste
Croissance autocentrée
Barrières élevées aux
capitaux étrangers
État néolibéral
Finances libéralisées
Concurrence des systèmes
sociaux sous la domination des
finances
Instabilité financière endémique
Souveraineté
nationale avec
coopérations
transnationales
État keynésien
Contrôle des capitaux
limité
Garantie mutuelle contre
les crises de la balance
des paiements
État cosmopolitique
Formation d’espaces monétaires
régionaux
Coopération dans le
fournissement des biens publics
globaux
Il est vrai que les régulationnistes font la critique de l’idéologie
néolibérale en ce sens que celle-ci favorise une telle extension mondial des
marchés qu’elle dépasse toutes les particularités des groupes humains, pour
ne reconnaitre que l’individu soit disant rationnel et universel (p. 399).
Cependant, en tant que partisans de la théorie keynésienne de l’emploi,
utilisent la logique formelle pour esquisser un modèle dichotomique, à la
fois simple et fétichiste, ce qui les rend empiriquement incapables d’aller
au-delà de l’apparence immédiate du marché du travail, d’une part ; et, de
l’autre part, qui les rend adeptes d’une scolastique positiviste, passible
d’occulter la nature organique et historique du phénomène de l’emploi du
prolétariat, ainsi que sa dynamique interne.
La crise globale et la recomposition de la surpopulation relative
Avec la crise globale, le prolétariat des pays centraux a été touché par
la réduction des salariés actifs, par la chute des salaires, par la baisse de la
consommation, etc. Le BIT a fait une prévision d’augmentation du nombre
de chômeurs dans le monde de l’ordre de 50 millions de travailleurs.6
Dans la conclusion de son livre d’inspiration cosmopolitique, l’analyse
régulationniste des désordres du capitalisme mondial tombe dans le
provincialisme, concernant sa proposition de plein emploi, qui a été limité
dans la planète, en tant qu’un défi européen. En effet, avec la crise, le
chômage a augmenté tant dans l’espace européen que dans l’Union
6[http://gesd.free.fr/apexcri9.pdf] 2/8/09
14
Européenne.7 La France, notamment, devrait faire face à la compétitivité
commerciale mondiale de pays émergents comme la Chine et l’Inde, dont la
réserve de main d’œuvre et de productivité son immenses, d’une part ; et,
d’autre part, la France devrait aussi assurer un niveau de croissance de la
demande suffisante pour éviter de se laisser emporter dans le cycle réel
déflationniste actuel, en raison des capacités productives oisives (AGLIETTA
e BERREBI, 2007, p. 404).
Le défi latino-américain est d’une autre nature, car la crise va
entraîner des « séquelles », comme l’a avoué la Secrétaire-exécutive de la
CEPAL, Alicia Bárcena, dans sa présentation de l’étude économique
régionale 2008-2009.8 Dans cette période, les retombées sur le prolétariat
urbain régional se sont manifestées par la perte de l’emploi de plus d’un
million de travailleurs, ainsi qu’en général l’augmentation du taux de
chômage, des niveaux de pauvreté et de l’emploi informel.9
Cependant, au lieu d’accepter les schémas dualistes, tout en opposant
le travail formel versus le travail informel, l’employé versus le sans-emploi,
l’utilisation de la conception marxiste de l’unité et de la diversité du
prolétariat, avec ses frontières dynamiques, tout en obéissant aux lois
générales de l’accumulation capitaliste (MARX, 1976, p. 437 et suivantes),
peut servir à saisir et à dépasser la situation mondiale contemporaine de
travail flexible, mobile et précaire. Dans l’approche de ces « activités
humaines », la logique positiviste de l’emploi est insoutenable, en raison de
« les transformer en simples objets de manipulation (par le biais de
l’omnipotence des ‘informations’) », d’une part ; et, d’autre part,
« d’éliminer complètement l’être de la sphère de la connaissance »
(LUKÁCS, 2009, p. 312), pour l’intégrer et affaiblir la résistance prolétaire,
en tant que « résistance à l’exploitation économique, mais aussi, et ce n’est
pas secondaire, résistance des travailleurs à leur réduction à l’état de force
de travail corvéable et jetable. » (VINCENT, 2004, p. 59). La critique de
l’économie politique a montré le caractère inévitable de cette résistance, qui
« peut être réprimée et s’assoupir, mais elle est inextinguible et porte
7[http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/IYY_PUBLIC/3-31072009-BP/EM/3-
331072009-BP-EM.PDF] 3/8/09 8[http://mwglobal.org/ipsbrasil.net/nota.php?idnews=4934] 18/07/2009 9[http://www.bbc.co.uk/portuguese/noticias/2009/07/090715_cepalprevisaoalfn.shtml]
18/7/09.
15
toujours des aspirations à vivre autrement, autrement qu’en appendice des
machineries du Capital. » (Idem). Inversement, les apologistes néolibéraux
ont proclamé la fin de l’histoire, ou mieux, « la liberté pour le Capital
d’exploiter sans vergogne à l’échelle planétaire en se comportant comme un
prédateur qui n’obéit à aucune loi et n’a plus à craindre de contestation
majeures. » (p.61). Devant cela, la logique positiviste de l’emploi tombe
encore une fois dans le fétichisme du salut providentiel de l’humanité. Ainsi,
sous une abstraction humaniste, l’approche cosmopolitique soutient que les
individus n’ont la capacité d’exister que par l’intermédiaire de leur inclusion
dans un contexte social façonné par les règles et les institutions – dont la
légitimation passe par « le principe de souveraineté qui fonde l’inclusion des
individus dans un groupe humain. » (AGLIETTA e BERREBI, 2007, p. 400).
Au contraire, sous la forme d’armée active ou de réserve, la force de travail
susceptible d’être exploitée par les capitalistes est une importante
abstraction rationnelle marxienne, dont la méthode recouvre des aspects
gnoséologiques et ontologiques, simultanément.
Pour un analyste de l’économie politique de la mondialisation, la
première leçon que l’on doit tirer de la grande crise actuelle réside dans la
constatation de la permanence du capitalisme en tant que système
fondamentalement « anarchique » (JOHSUA, 2009, p.121). D’ailleurs,
lorsqu’il fonctionne c’est en profit de quelques uns, au détriment de la
majorité qui produit les richesses, tandis que lorsqu’il ne marche pas, il
entraîne toute la population dans sa chute (idem). Cependant, cette critique
oublie une remarque de Marx (1977, p. 165), sur le fait que la population
est une abstraction, lorsque l’on néglige par exemple les classes qui la
composent.
À partir de l’abstraction rationnelle qui applique la thèse de Spinoza,
omnis determinatio est negatio, à une analyse critique et révolutionnaire de
la catégorie surpopulation relative (MARX, 1976, p. 437 et suivantes), la
logique matérialiste et dialectique marxiste peut être développée et
actualisée, ainsi qu’enrichie par sa capacité d’utiliser les instruments
mathématiques, comme la théorie des ensembles, très intéressante pour
l’examen critique des informations statistiques officielles sur la population
touchée par la crise globale. Selon Spinoza,
16
« Pour ce qui est de cette idée que la figure est une négation mais non
quelque chose de positif, il est manifeste que la pure matière considérée
comme indéfinie ne peut avoir de figure et qu’il n’y a de figure que dans des
corps finis et limités. Qui donc dit qu’il perçoit une figure, montre par là
seulement qu’il conçoit une chose limitée, et en quelque manière elle l’est.
Cette détermination donc n’appartient pas à la chose en tant qu’elle est, mais
au contraire elle indique à partir d’où la chose n’est pas. La figure donc n’est
autre chose qu’une limitation et, toute limitation étant une négation, la figure
ne peut être, comme je l’ai dit, autre chose qu’une négation. » (SPINOZA,
2007, p. 283-284).
La dialectique marxienne part de cette idée spinozienne pour montrer
que les prolétaires ne s’unifient pas a priori, en tant que force de travail de
la population active, mais ils aussi se diversifient en tant que membres
d’une immense surpopulation relative, en accord avec le modèle suivant :
L’UNITÉ ET LA DIVERSITÉ DU PROLÉTARIAT
Le résultat obtenu illustre que la dialectique marxienne a refusé une
certaine « opération logique de la détermination » spinozienne qui consiste
en « dénier à la totalité toute figure », mais elle a accepté la thèse selon
laquelle « la négation comme moment de détermination de la figure de
toute chose finie exprime le rapport de tout être singulier à l’être-autre des
autres étants, sous une forme non problématique pour la pensée. »
(LUKÁCS, 2009, p. 168-169). Il s’agit de l’unité et de la diversité du
prolétariat, qui exprime un concret pensé, car il a été obtenu par l’analyse
concrète de l’existence différenciée du prolétariat dans la société capitaliste,
Légende Salariés Surpopulation relative
F1 + F2 + FA Flottante = F1 + F2 Latente = L1 + L2 Stagnante = E1 + E2
Sources MARX (1976) e FARIAS (1988).
17
où chaque paire 1 et 2 peut représenter les inégalités concernant l’âge,
l’espace, le sexe, l’éducation, parmi d’autres. En termes de logique formelle,
diverses inégalités combinées apparaissent dans un graphique publié par
l’OCDE,10 tandis les inégalités concernat les pays et les âges s’expriment
dans un tableau originaire de cette même institution internationale.11
Dans ce contexte d’inégalités diverses, survient toute forme d’attentat
à la dignité humaine, où les prolétaires « peuvent même se tourner contre
eux-mêmes et contre ceux qu’ils sentent plus faibles et possibles objets
d’agression dans une sorte de spirale régressive. » (VINCENT, 2004, p.57).
Pour les opprimés, les rapports sociaux cognitifs apparaissent souvent en
tant que rapports fétichistes et pseudo-concrets qui servent à dissimuler
l’exploitation de l’homme par l’homme, de sorte que « la barbarie des
rapports sociaux capitalistes peut ainsi être intériorisée et naturalisée et se
manifester comme barbarie des rapports interpersonnels, mais surtout
comme barbarie des rapports entre hommes et femmes...[etc.] » (Idem).
Le prolétariat dans son tout arrive à avoir une certaine perception de
l’exploitation, de la domination et de l’humiliation qu’ils subissent au travail,
mais tout en restant attachés au marché du travail et au sauve-qui-peut du
quotidien, ils ne peuvent pas déchiffrer le rapport entre sa situation
concrète et la dynamique de l’accumulation du capital, de même que saisir
le rapports spécifique entre production et circulation dans le cadre de cette
dynamique, de manière que « beaucoup de travailleurs sont ainsi conduits à
juger de leur situation à travers le prisme de la surface, de leurs difficultés
à s’y affirmer et des frustrations qu’ils ressentent à chaque moment. »
(VINCENT, 2004, p. 57). Le capitalisme libéral a introduit des innovations
dans les domaines des mythes et des artifices qui cherchent soit à
segmenter le prolétariat et à l’empêcher d’appréhender sa propre vie
d’ensemble et de sous-ensembles, soit à cacher ses réalités et pratiques
spécifiques. Surmonter ces obstacles c’est
«...dépasser la vieille problématique de la prise de conscience, de la
progression de la conscience empirique de classe vers la conscience
révolutionnaire à travers les luttes. Par elles-mêmes les luttes, seraient-elles
très dures, n’indiquent pas les voies et les moyens à utiliser pour démonter
10 [http://ses.ens-lsh.fr/1240820270603/0/fiche__article/] 3/8/09 11 [http://gesd.free.fr/flas9320.pdf] 4/8/09
18
les constructions sociales autonomisées du Capital qui passent par dessus la
tête des hommes. C’est seulement lorsque les luttes ébranlent certains
éléments habituels de la reproduction des symboliques du Capital, les
représentations et les visions communément admises que les masses peuvent
entrevoir d’autres façons de vivre ensemble. » (Idem, p. 58).
Dans ces « temps liquides », caractérisés en tant qu’ « époque
d’incertitude », surtout pour un prolétariat qui subit à toute forme de
barbarie et d’exclusion, anticipées et dénoncées par les marxistes du début
du XXe siècle, on se plaint que
« ...maintenant la planète est pleine, et cela implique, entre autres choses,
que des processus typiquement modernes, comme la construction de l’ordre
et du progrès économique, se réalisent partout et, donc, dans toutes les
partie du monde se produisent et s’expulsent des ‘scories humaines’ en
quantités de plus en plus grandes ; en ce moment, toutefois, il y a un manque
de poubelles ‘naturelles’ appropriées au stockage et au recyclage potentiel. »
(BAUMAN, 2008, p. 79-80).
Avoir beau la critique incisive au capitalisme et la dénonciation agitée
de ses barbaries augmentent avec la crise du capitalisme global, ce refus
est loin de fournir automatiquement les moyens et les voies adéquates pour
la mise en place de son dépassement. Mais, la crise globale implique aussi
la nouvelle configuration de l’impérialisme et du sujet collectif
révolutionnaire.
La crise globale et la nouvelle configuration de l’impérialisme
Les analystes économiques positivistes et fonctionnalistes de la crise
actuelle, à la fin de leurs textes remplis de défis réformistes, attribuent un
nouveau rôle aux formes étatiques, sans préalablement examiner la nature
des formes étatiques nationales, régionales et globales au sein d’une
totalité concrète, complexe et contradictoire. Effectivement, on ne saisi pas
le processus de mondialisation en faisant abstraction de la Triade, qui a
joué un rôle décisif dans la mise en place des mesures de dérégulation,
privatisation, libéralisation, etc., surtout, dans la crise d’endettement des
pays du sud, ainsi que dans la stratégie de les éterniser en tant
qu’exportateurs de produits primaires. Aussi, on ne saisi pas le nouveau
impérialisme en affirmant les aspects universels d’homogénéisation et en
faisant abstraction les aspects spécifiques concernant la différenciation et
19
l’hiérarchisation, où « la violence des offensives du Capital contre les pays
dits émergents et contre les pays les plus pauvres sous différentes formes »
(y incluses celles originaires des formes étatiques globales) « a semé le
désordre, la misère dans une grande partie du monde. » (VINCENT, 2004,
p. 61).
L’approche concrète de la totalité étatique concrète devrait tout
d’abord obéir au principe méthodologique selon lequel une fonction étatique
signifie une forme prise par la forme étatique dans une situation donnée,
dans le temps et dans l’espace. Pourtant, cette forme (pour si, en
puissance) a une primauté ontologique sur sa fonction (en soi, en acte). Il
s’agit d’un rapport organique, dont le processus est irréversible,
historiquement déterminé, dans le contexte d’une nouvelle configuration de
l’impérialisme (GOWAN, 2003; HARVEY, 2004).
En général, « seule l’idée de l’historicité concrètement universelle des
catégories de tout être peut indiquer le chemin qui mène à une perspective
juste, en même temps unitaire et historiquement différenciée de façon
rigoureuse. » (LUKÁCS, 2009, p. 74). En particulier, « le marxisme, parce
qu’il met au centre de sa méthode et de ses applications concrètes le
caractère historique de l’être plus résolument que toute autre théorie, doit
voir dans le développement inégal la forme typique des processus socio-
historiques. » (Idem, p. 242). Toutefois, les meilleurs auteurs de l’économie
politique de la mondialisation ont très peut utilisé le référentiel théorique et
méthodologique de Marx (1976 ; 1977) pour dépasser les approches
fonctionnalistes.
En premier lieu, ils « centrent leur attention sur les contradictions
proprement économiques du capitalisme », de manière que l’on peut
facilement constater « que la dynamique économique n’apparaît pas reliée
chez eux de façon systématique et élaborée à la dynamique sociale. »
(VINCENT, 2004, p. 55). Même s’ils n’ignorent pas les luttes sociales et
politiques, celles-ci « ne sont pas intégrées dans des enchaînements et des
agencements d’ensemble », alors qu’il y a la primauté ontologique de
l’économie, mais cette primauté « a besoin de compter sur des rapports et
des processus sociaux et sur des agents qui doivent être reproduits
conformément à ses impératifs », d’un côté ; et, de l’autre, « d’être
20
confortée par une mise en tutelle de l’extra-économique, mais cela ne se
fait pas sans frictions ou sans crises. » (Idem). Ainsi,
« les rapports entre les classes sont sans cesse désarticulés et réarticulés et
les individus sont souvent en décalage par rapport à ce qu’exigent les
rapports de travail. Les mouvements de l’économie et les processus sociaux
se perturbent réciproquement en permanence, même lorsque en apparence il
n’y a pas de crise majeure. » (Ibidem).
En second lieu, ils se limitent à rechercher la solution des problèmes
économiques originaires des inégalités structurelles de développement, ainsi
que des abus propres à la financiarisation, à la spéculation, etc., pris pour
régulables à travers le simple contrôle publique de flux commerciaux et
financiers globaux. L’approfundissement de la crise elle-même indique qu’il
faut aller au-delà de la réforme financière pour « remodeler l’économie
réelle. » (JOHSUA, 2009, p. 127). Cependant, sur la primauté ontologique
de la base, « Marx a toujours eu raison de souligner ce caractère
ontologique de l’économie et de n’admettre aucune fétichisation de sa
nature réellement fondatrice. » (LUKÁCS, 2009, p. 118). Seulement dans
une réification de l’évolution du capitalisme, « à partir de la crise de 1929 »,
une trajectoire de la forme et des fonctions de l’État pourrait être abstraite
dans l’explication d’une « trajectoire du capital » (JOHSUA, 2006).
Par contre, Mandel (1969, p. 65), lorsqu’il a donné « la réponse
socialiste au défi américain », il a souligné aussi la quête de trouver une
nouvelle forme d’État correspondant à la nouvelle réalité socio-économique.
Il s’agissait d’une grande transformation historique – au sens de Engels
(1976, p. 70) – comme celle d’aujourd’hui. S’il y a globalisation du capital, il
y a aussi globalisation de l’État en raison de la propre organicité entre ces
formes.
Aux origines du processus de globalisation, – à la base duquel il y a eu
la gestation d’une mondialisation du capital ou d’un capitalisme mondial –,
la marche vers le marché mondial dépasse les « frontières », mais non les
« barrières » nationales, et aussi de nouvelles idéologies sont nées, « selon
lesquelles l’intégration de fait aurait désormais dépassé ces barrières
nationales et l’humanité aurait devant elle, comme perspective actuelle, des
formes d’intégration plus développées et plus vastes. » (LUKÁCS, 2009, p.
343).
21
Nous avons fait une critique des utopies postmarxistes occidentales,
concernant l’État globalisé (FARIAS, 2004b). Il est toujours étonnant de
constater avec Védrine (2008, p. 65), qu’une catégorie aussi puissamment
totalitaire puisse rester attirante pour une certaine gauche anti-totalitaire.
Dans la perception élémentaire de la permanence des formes étatiques
nationales, celles-ci sont prises par le régulationniste en tant qu’institutions
utiles pour la gestion de la crise généralisée, dans la mesure où elles sont
capables d’introduire les grands moyens exigés par l’ampleur des difficultés
affrontées. En dépit des différences formelles, les plans mis en place par
chaque État national doivent suivre les mêmes principes, surtout le rôle
providentiel de financer ces opérations de soutient massif au système
financier. C’est le fonctionnalisme qui légitime ces actions étatiques, tout en
acceptant naturel et passivement que l’État élève la dette publique, comme
une mesure souveraine qui lui est inhérente (AGLIETTA, 2008, p. 81).12 Le
sauvetage de la forme capital prime sur le sauvetage de la forme État, qui
voit sa subsistance fisco-financière mise en cause (JOHSUA, 2009, p. 119).
Au lieu de s’en soucier, le régulationniste dore la pilule avec des menaces
effrayantes, tout en insistant que la socialisation des pertes comme sortie
de la crise actuelle c’est sûrement trop cher, mais indispensable pour éviter
une terrible dépression (AGLIETTA, 2008, p. 87).
Les protestations de masse en europe (en France, en Grèce) indiquent
que les prolétaires ont une autre perception des récentes intromissions
étatiques, qui cherchent à rétablir une prétendue normalité capitaliste avec
tout un arsenal d’aides extrêmement copieuses pour ceux qui personnifient
le capital sous ses diverses formes. Il s’agit d’arrangements étatiques
illégitimes et douteux concernant la privatisation des profits et la
socialisation des pertes. Ainsi, dans le combat à la récession, dans les plans
fiscaux d’augmentation des dépenses et de diminution des impôts, dans les
plans de sauvetage d’entreprises et de banques en faillite, etc., la dépense
publique est élevée dans tous les pays, en même temps que le soulagement
de la dette privée devient la pesanteur extrême de la dette publique. La
générosité envers les entrepreneurs se fait en contraste avec la timidité des
12 Sur l’endettement publique en France et au Brésil, voir : [http://economia.uol.com.br/ultnot/afp/2009/06/30/ult35u70392.jhtm] 2/8/09. [http://www.agenciabrasil.gov.br/noticias/2009/06/29/materia.2009-06-29.6202274701/view] 2/8/09.
22
aides aux prolétaires, qui restent les plus grandes victimes de la crise.
Toutefois, comme auparavant, ces moments de protestation et de
sentiment d’injustice ne représentent pas encore la « construction de
nouvelles pratiques », ni l’avènement « de nouvelles lectures collectives de
la société et du monde » et, même s’il est important que les opprimés
résistent, « les intuitions qu’ils portent et les aspirations qu’ils manifestent
ne sont pas transformées ipso facto en armes critiques contre les rapports
sociaux de connaissances asservies aux machineries du Capital. »
(VINCENT, 2004, p. 58).
La reproduction élargie du capital social total ne se poursuit pas de
manière cohérente et équilibrée, elle ne se réalise pas comme un cercle
vertueux. Il s’agit d’un contexte où se produit « la dévalorisation, qui est le
lot du plus grand nombre, les déprécie à leurs propres yeux et aux yeux des
autres, les transformant en victimes, coupables de ne pas avoir réussi »
(idem, p. 57), d’une part ; et, de l’autre, « le Capital ne fait pas qu’exploiter
les salariés employés dans la production de valeurs et de plus values, il
s’approprie des revenus, des capitaux en expropriant massivement des
couches entières... » (p.55). Il recompose la surpopulation relative
mondiale, car
« les capitaux dévalorisés lors des crises servent la valorisation d’autres
capitaux dans la mesure où toute dévalorisation massive de capitaux modifie
sur une grande échelle les conditions de l’accumulation. Que cela entraîne des
destructions matérielles ou l’exclusion de la production de nombreux salariés
est tout à fait secondaire, ce qui prime c’est la poursuite de la marche aveugle
du Capital. » (Idem).
L’État y joue son rôle tant comme prémisse que comme médiation des
contradictions du capital en général et des capitaux nombreux. Dans
l’analyse des formes étatiques globales (FARIAS, 2001; 2004a; 2004b;
2005; 2007), on a pu constater la pertinence de la thèse selon laquelle
« malgré tous les problèmes que les effets économiques du marché mondial
ont engendrés, les formes nationales du capitalisme ont réussi à se
maintenir. » (LUKÁCS, 2009, p. 343). Cependant, les formes étatiques se
sont intégrées dans une totalité concrète, complexe et contradictoire qui
tend à envelopper dans un même syllogisme ses déterminations
universelles, particulières et singulières, comme dans le tableau suivant :
23
Cette totalité sous la forme d’un syllogisme « s’affirme, en tant que
tendance, causalement, de façon inégale, contradictoire, en produisant des
oppositions, etc., comme toutes les orientations importantes du processus
de socialisation des hommes. » (Idem, p. 342). Les éléments de l’empire
réellement existant sont des catégories spécifiques concernant « les germes
d’une réalisation sous la forme du marché mondial et de ses conséquences
sociales et politiques, dans lesquelles se manifeste dans les faits pour la 13 Sous l’hégémonie de la Triade. Il s’agit d’un concept distinct de celui de l’
« impérialime collectif » de Samir Amin (2002). 14 Sous l’hégémonie de l’Amérique du Nord (sans le Méxique). Il s’agit d’un concept
distinct de celui de l’ « impérialisme hégémonique global » de Mészáros (2003). 15 Sous l’hégémonie de l’Union Européenne. Pour Mandel (1969, p.14), le Plan
Marshall et la construction économique européenne débutent le nouvel essor des
multiples puissances impérialistes régionales, mais dans le cadre d’une
grandissante interdépendance vis-à-vis des États-Unis. Sans que la France soit une
véritable exception, cette condition au sein de l’alliance impérialiste mondiale était
voulue et revendiquée par les puissance européennes, en accord avec leurs
« intérêts de classe et leur défense de classe face aux puissances et aux
mouvements non-capitalistes. » (Idem). 16 Sous l’hégémonie de l’UNASUL. « L’impérialisme correspond à l’expression
perverse de la différentiation subie par l’économie mondiale, en tant que résultat de
l’internationalisation de l’accumulation capitaliste, qui a oposé au schéma simple de
division du travail – cristallisé dans le rapport centre versus périphérie, qui
inquiétait la CEPAL –, un système de rapports beaucoup plus complexe. » (MARINI,
1992, p. 137). Voir aussi Marini (1972, p. 92 et suivantes). 17 FARIAS, 2004. 18 Cette tendance vient d’être confirmée, par sa pleine incorporation aux forces
militaires de l’OTAN. 19 « La dictature militaire brésilienne a mis en place une pratique sous-impérialiste
qui avait pour objectif la conversion du pays en un centre intermédiaire de pouvoir,
au sein du système mondial de domination structure au tour des États-Unis, avec
une projection préférentielle sur l’Amérique latine et, en général, sur l’Atlantique
Sud. » (Marini, 1992, p. 135). Évidemment, dans ce contexte, les formes sous-
impérialistes régionales et nationales actuelles ne se sont pas encore consolidées,
mais elles se manifestent déjà avec pompe et circonstance dans l’occupation du
Haïti, surtout par les pays membres de l’UNASUL, le Brésil à la tête. Sans oublier le
rôle que la diplomatie brésilienne essaie de jouer dans les affaires iraniennes. 20
Sur ce syllogisme, voir Henri Lefebvre (1980, p. 172).
LE GRAND SYLLOGISME : L’EMPIRE RÉELLEMENT ÉXISTANT
Universel Particulier Singulier
Forme Globale Formes Régionales Formes Nationales
Impérialisme collectif ideal planétaire13
Impérialisme hégémonique central nord-américain14
Sous-impérialisme central européen15
Sous-impérialisme périphérique latino-americain16
Impérialisme étatsunien17 Sous-impérialisme français18 Sous-impérialisme brésilien19
Petit Syllogisme 1
Petit Syllogisme 2
Petit Syllogisme 3
Homogénéisation - Différenciation - Hiérarchisation20
24
première fois la tendance à aboutir à l’unité sociale effective de
l’humanité. » (p. 342). Pour l’instant, l’humanité reste intégrée sous la
barbarie impérialiste, en l’absence de l’intégration socialiste, c’est-à-dire,
sous un véritable internationalisme prolétaire.
Par contre, le champ réformiste de l’économie politique du capitalisme
global soutient que l’avènement d’un régime de croissance durable passe
par la coopération internationale entre les grandes constructions régionales
mondiales – sous la régulation de la Triade –, car sans cette coopération, la
correction désordonnée des déséquilibres pourrait entraîner de reculs
protectionnistes et exacerber les rivalités politiques (AGLIETTA & BERREBI,
2007, p. 404). En accord avec cette realpolitik, il ne reste à la périphérie
latino-américaine, africaine, etc. que d’y prendre conscience et se
conformer à la nouvelle donne. Pourtant, la sortie régulationniste pour la
crise financière globale anticipe le renforcement tant de l’impérialisme
collectif idéal planétaire, que de celui des pays dits émergents, de sorte
que, dans les prochaines années, sur toute la planète, il y aurait un
changement dans le centre de gravitation du pouvoir économique, dans la
mesure où les déficits publiques iront affaiblir tant les États-Unis, que
l’Union Européenne (AGLIETTA, 2008, p. 65).
Au sens propre, s’éternise l’affaiblissement étatique national, en dépit
de leur efforts de coopération, sous le risque de voir leurs aspirations au
multilatéralisme devenir en réalité une association des impuissances
(VÉDRINE, 2008, p. 68). On souligne que l’État national « n’est plus
l’unique représentant exerçant sa suprématie sur les organisations sociales,
politiques, économiques et culturelles », dans cette nouvelle configuration
où « l’intégration mondiale est totale et profonde », ce qui pose « un défi
inconnu dans l’histoire » (LIANG & XIANGSUI, 2003, p. 306).
Toutefois, le champ critique et révolutionnaire s’était déjà rendu
compte que seulement la socialisation peut fournir une sortie pour cette
construction que n’arrive pas à émergir nette, claire et totalement, en
même temps que mettait la lutte pour les États Unis socialistes de l’Europe
directement en opposition aux monopoles américains et européens
(MANDEL, 1969, p. 161).
Malheureusement, la régionalisation réellement existante, en Europe et
ailleurs, reste une construction néolibérale. L’existence au sein de la Triade
25
de « rapports de concurrence en matière économique et fiscale ne doit pas
masquer qu’ils exercent une véritable tutelle sur une grande partie de la
planète et cherchent sans cesse à la renforcer » (VINCENT, 2004, p. 63), y
inclut à travers la financiarisation globale. Dans ce domaine, la rationalité
économique de l’exploitation se combine avec une logique sociale de
domination et d’humiliation, qui se soutiennent mutuellement dans une
société mondiale, laquelle « n’est en aucun cas une société unifiée, c’est au
contraire une société tronçonnée, fragmentée, divisée contre elle-même,
marquée par des mouvements erratiques et par des guerres régionales à
répétition. » (Idem, p. 61).
Sous l’égide de la domination inhérente à la postmodernité, d’un côté,
« les tendances récurrentes à la baisse des taux de profit poussent les
capitalistes à pratiquer la prédation sans vergogne à travers les
spéculations financières et boursières », en même temps que les
organismes internationaux « sous couvert d’ajustements structurels,
organisent une véritable hémorragie de capitaux du Sud ver le Nord. » (p.
55). En tous lieux, du local au national,
« Les privatisations s’attaquent au secteur et à la Fonction publique pour les
piller et transformer les États nationaux en appareils d’expropriation réduisant
de plus en plus les systèmes de protection sociale et hypertrophiant les
instruments répressifs. Derrière la globalisation des marchés financiers se
dissimulent une hiérarchisation et une polarisation des plus accentuées du
monde sur un fond d’accroissement vertigineux. Les marchés sont en réalité
des lieux ou des dispositifs où s’affrontent les stratégies des multinationales
pour tirer le meilleur parti des faiblesses des autres acteurs économiques à
une échelle planétaire. » (p. 55-56).
Par ailleurs, l’impérialisme est potentialisé à travers de mécanismes
originaires des technologies de l’information et de la communication qui,
loin d’être neutres, se dédoublent tant en contrôle médiatique, qu’en
contamination et invasion culturel du american way of life, ainsi qu’en de
nouvelles croisades manichéistes. Il ne s’agit pas simplement de
« domestication de la culture », car
« la fantasmagorie marchande-médiatique ne fait pas que fasciner les esprits,
elle s’inscrit aussi dans les affectivités et les sensibilités. Les marchandises
vantées et transfigurées par la publicité se proposent sous des jours toujours
nouveaux à l’investissement libidinal des clients réels et potentiels, les images
26
et les sons électroniques (cinéma, télévision, internet) fournissent,
apparemment sans limites, des schémas de comportement, des objets
d’identification (personnes ou choses), des moyens d’évasion. Les
marchandises médiatisés et l’imaginaire marchand s’insinue en fait dans
l’inconscient et le psychisme des individus, en leur interdisant de saisir leurs
propres expériences et les modalités de leur insertion dans les rapports
sociaux. » (VINCENT, 2004, p. 57).
Enfin, le mythe antinomique du bien contre le mal se combine
parfaitement avec l’idéologie fétichiste – dévoilée par la critique de
l’économie politique – dans laquelle « la magie de l’argent qui engendre de
l’argent est une sorte de transcendance qui ne contredit pas d’autres formes
de transcendance, en particulier celle des religions révélées. » (Idem, p.
62). Ainsi, la sainte croisade du capital est naturalisée, éternisée et bénie à
l’échelle mondiale. Au niveau de la superstructure, cela se combine avec
« la justice des vainqueurs (de Nuremberg à Bagdad) », qui implique la
« guerre humanitaire » et la « guerre globale préventive » (ZOLO, 2007).
Avec la fin de la guerre froide, ou mieux,
« Depuis la fin de la bipolarité jusqu’à aujourd’hui, les puissances occidentales
ont non seulement utilisé arbitrairement la force militaire, comme aussi ont
mis explicitement la main sur l’ordonnancement juridique international au
nom de leur inconditionné jus ad bellum. De ce bilan d’échecs ne s’exclut pas
l’invention institutionnelle du XXe siècle, le droit pénal international... L’intérêt
dont il faut se mettre en quête avec la force des armes c’est la stabilité de
l’ordre mondial... Il s’agit, en somme, de garantir le développement des
processus de globalisation dans une démarcation de haute et croissante
asymétrie politique et économique dans les rapports internationaux. » (Idem,
p. 83 et 117).
Pourtant, il est pressant, donc, d’actualiser et de renforcer la position
anticapitaliste et anti-impérialiste, contraire au développement de la libre
initiative bourgeoise, spécialement sous sa forme dite sans sujet et, donc,
attachée au fétichisme de la société salariale postmoderne, élargie à
l’échelle mondiale et approfondie à travers une régulation cosmopolitique.
Conclusion
L’économie politique de la globalisation reste sur ses diverses
manifestations contraires à la forme de capitalisme de l’époque située au-
27
delà do fordisme et dans la globalisation, sans toutefois arriver à des
positions critiques et révolutionnaires et, donc, s’approcher effectivement de
positions classistes concernant l’émancipation du prolétariat. Par ailleurs,
elle écarte du moment de la crise globale, à la faveur de l’historicisme, la
dialectique entre le capital et l’État, dont la médiation n’est reconnue qu’en
tant que positive et régulatrice, surtout au niveau des capitaux nombreux,
des contradictions inter-capitalistes, des finances dominatrices des activités
productives. Lorsqu’il s’agit de la dépuration de la crise, quand ces
économistes essaient d’amoindrir les inégalités dans la répartition de la
richesse et les dégâts entraînés par les pratiques financières spéculatives,21
ainsi que les dits conflits entre le capital et le travail, ils ignorent que
l’émancipation humaine exige tant la lutte pour le dépassement des
conditions qui entraînent l’antagonisme entre capitalistes et prolétaires,
qu’une lutte plus générale contre les fondements des diverses formes
d’oppression inhérentes au capitalisme (COUTROT, in HUSSON, 2004, p.
78-79). Ainsi,
« La dominance de l’économie sur toute la société, sa pénétration dans toutes
les activités, l’empreinte qu’elle laisse sur le symbolique et l’imaginaire, tout
cela l’oblige à tenir compte de temporalités, de pesanteurs qui résistent plus
ou moins aux rythmes et aux modes de fonctionnement proprement
économiques. Les individus sont sans doute entraînés, bousculés par les
mouvements, leur vécu et leur quotidien ne peuvent jamais entrer de plain-
pied et complètement dans le monde du Capital. C’est pourquoi
l’économique... est en guerre permanente pour briser ce qui lui résiste. »
(VINCENT, 2004, p. 56).
Le sujet collectif résistant ne doit pas s’attacher bureaucratiquement à
l’économicisme, ni plonger dans le volontarisme, en tant que déviations
opportunistes, qui essaient respectivement influencer le prolétariat à travers
deux attitudes idéologiques, à savoir : la première, « qui doit sans aucun
21 Évidemment, avec une nouvelle eutanasie du rentier peut être inspirée de deux
évidences, à savoir : 1º « Les pirates ne sont pas, et ne seront jamais, les amis
sincères des navigateurs » Histoire de l’infamie, Jorge Luis Borgès, in
[http://gesd.free.fr/ofce1103.pdf] 2/8/2009.
2º « On ne peut donc devenir un Robinson sans qu'une pirogue accoste votre île,
sans que des cannibales y apparaissent un jour ou l'autre ! »
in [http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99%C3%89cole_des_Robinsons/16]
2/8/2009.
28
doute directement limiter, et même freiner, toute praxis réellement efficace,
socialement universelle », la seconde, « qui l’isole subjectivement de sa
base ontologique légitime, de la totalité dynamique du processus socio-
économique dans son ensemble. » (LUKÁCS, 2009, p. 208). Enfin,
« la totalité jamais complètement connaissable des déterminations de l’être
en question rend socialement possibles et nécessaires aussi bien le
fonctionnement prolongé et imperturbé de théories incomplètes contenant des
vérités partielles que leur dépassement. » (Idem, p. 48).
Dans la recherche de la sortie de la crise globale,22 il faut dépasser
l’économie politique tant de la globalisation du capital que du capitalisme
global, tout en développant en profondeur et en extension les recherches de
philosophie politique dans le sens critique et révolutionnaire.
Si l’on reste dans l’hypothèse historico-économiciste majoritaire d’une
« crise du régime de croissance », alors « c’est l’ensemble des formes
institutionnelles du capitalisme déréglementé sous la dominance financière
qui exige une profonde transformation. » (LORDON, 2008b, p. 212).
Cependant, il s’agit d’appréhender et de transformer le phénomène
substantiellement et, donc,
« Les actions collectives, même lorsqu’elles sont défensives, ne doivent pas
s’en tenir à l’immédiat, mais mettre en branle des processus visant à changer
en profondeur les positionnements des uns et des autres. À la production
sémantique du Capital et de ses agents, il faut opposer une autre production
sémantique qui, au lieu de vanter les vertus de l’entreprise capitaliste, de la
compétence et de la performance, dise explicitement la barbarie dans les
rapports de travail, les souffrances endurées. » (VINCENT, 2004, p. 58).
Sur la globalisation située dans le temps et dans l’espace, le
régulationnisme porte la marque de l’historicisme qui est propre à sa vision
du régime d’accumulation isolé abstraitement de toute généralité. Tout de
go, il met en évidence la spécificité de la catégorie en question, car pour lui
le capitalisme n’existe qu’à travers ses actualisations historiques et que
celles-ci sont, par définition, changeantes, d’une part ; et, de l’autre, il
occulte l’universalité du mode de production capitaliste, même s’il pondère
de la possibilité d’obtenir « un concept général du capitalisme » et que,
« dans cette matière, difficilement on ferait mieux que Marx » (LORDON,
22 [http://hussonet.free.fr/lacrise.htm]
29
2OO8b, p. 186-187). Toutefois, pour le régulationniste, ce concept « reste
nécessairement sous-déterminé » et c’est à « l’histoire » qui revient la
tâche de le compléter et de lui donner ses formes « concrètes » (Idem, p.
187). Il s’agit d’un complément théorico-méthodologique qui n’est pas sans
ambiguïtés techno-économicistes. D’une part, il tombe dans les réifications
du soi-disant capitalisme cognitif, attachés « aux développements de
l’informatique, qui tendent à faire croire que les problèmes de la société
peuvent être résolus par le progrès technique, la netéconomie, les
engouements pour des pseudo-solutions à des problèmes graves... »
(VINCENT, 2004, p. 58). D’autre part, il n’évite pas les engouements
économicistes proprement dits, dont la critique marxiste radicale se pose
naturellement en tant que « lutte contre la fragmentation des points de vue
en mettant en lumières des enchaînements, une lutte pour la totalisation
d’expériences éclatées contre les séparations fétichistes entre politique et
économie, vie privée et vie publique. » (Idem).
Ainsi, la primauté de la base (forme-capital) ne doit pas occulter que la
mondialisation concerne aussi la superstructure (forme-État). En termes
d’ontologie de l’être social, la situation historiquement déterminée n’élimine
pas l’analyse concrète, où l’économie n’est pas une seconde nature, etc. Le
processus d’accumulation du capital ne se restreint pas à des régimes de
croissance régulables étatique et contractuellement, car il « est mise en
branle et modulation des rapports sociaux dans la perspective de leur
reproduction en tant que rapports soumis aux mouvements de la
valorisation... » (p. 56). En effet,
Devant l’empire réellement existant, le sujet collectif révolutionnaire
ne doit pas « vouloir revenir aux souverainetés nationales », pour se
conformer simplement à l’idéologie étatique interventionniste, de même
qu’elle ne doit pas se limiter à la dénonciation des formes néolibérales du
capitalisme et de la modalité de l’action des institutions multinationales, car
« la mondialisation n’est pas seulement la globalisation des marchés
appuyée par des organisations internationales », bien que l’on ne doive pas
« abandonner les terrains nationaux et ne pas lutter contre les États tels
qu’ils sont dans leurs interdépendances multiples. » (p. 63-64).
Le sujet collectif qui totalise diverses formes de lutte contre
l’exploitation, la domination et les attentats à la dignité humaine ne doit pas
30
se limiter à la conquête tactique « de ce que le capitalisme est prêt à leur
concéder », mais stratégiquement et sous toutes les perspectives ou toutes
les références prises, « il doit toujours viser un au-delà du capitalisme et ne
pas se laisser absorber par le champ institutionnel, notamment le champ
politique profondément marqué par l’économisme. » (p. 59). D’où
l’exigence de changement dans la politique classiste prolétaire héritée du
XXe siècle, en ce sens de dépasser tant ses formes corporatistes et
bureaucratiques, que ses impositions autoritaires venues du dehors ou de
l’au-dessus des masses prolétaires, sans toutefois tomber dans le simple
spontanéisme ou anarchisme de l’anti-pouvoir. Le dépassement des crises
du capitalisme n’est pas le résultat d’une réforme du régime de
gouvernement, mais implique un processus de démocratisation « où la
société capitaliste est mise à nu dans ses différents mécanismes » (p. 60).
Dans ce sens,
« La conception militariste de la prise du pouvoir doit être écartée
comme conduisant à des impasses. La violence révolutionnaire n’est
n’importe quelle violence, elle est une contre-violence qui se fixe pour but
de combattre la violence des rapports. Elle n’est pas déchainement sans
mesure contre un ennemi de classe, mais maîtrise raisonnée et politique
des moyens de coercition et de répression. » (p. 60-61).
Les êtres politiques indispensables au dépassement du capitalisme
doivent agir « comme des organisations qui contribuent à augmenter les
capacités de réflexion autonome des masses en faisant retour avec elles sur
les incidences et les prolongements. » (p. 59). Par ailleurs, ce processus
pousse tant à « toucher aux rapports de propriété afin de promouvoir des
formes démocratiques de contrôle de l’économie et une politique de
démarchandisation de la force de travail » qu’à « l’exigence, sans cesse
réitérée, d’inscription de droits sociaux et politiques », ainsi qu’à la
proposition « d’une logique de démocratisation radicale du pouvoir
politique » (ARTOUS, 2010, p. 151).
L’objectif stratégique anticapitaliste ne doit pas être séparé des
concrétisations des transformations sociales à travers les diverses luttes
pour l’émancipation humaine, qui seraient inefficaces dans l’absence de
« contenu social intégral » (CHE GUEVARA, 2002, p. 114). Ainsi, « il doit y
avoir une dialectique permanente, un conditionnement réciproque entre
31
parti et mouvement social » (VINCENT, 2004, p. 60), pour que de la lutte
de classes dépasse l’économicisme et implique la conquête de droits
politiques et sociaux, dans un processus de démocratisation capable de faire
face au « schéma du pire... qui se réalise et qui à chaque jour rappelle à
tous ceux qui pensent l’immensité du désastre et les sanglants résultats de
ce désastre » (LEFEBRVRE, 1980), sous la forme du syllogisme de l’État
global.
Références
AGLIETTA, Michel. La crise. Paris : Michalon, 2008.
_____ Et BERREBI, Laurent. Désordres dans le capitalisme mondial.
Paris : Odile Jacob, 2007.
_____ Et BRENDER, Anton. Les métamorphoses de la société salariale.
Paris : Calmann-Lévy, 1984.
AMIN, Samir. Au-delà du capitalisme sénile. Paris : PUF, 2002.
ARTOUS, Antoine. Démocratie, Citoyenneté, Émancipation. Paris :
Syllepse, 2010.
BAUMAN, Zygmunt. Tempos líquidos. Buenos Aires: Tusquets, 2008.
BRENDER, Anton et PISANI, Florence. La crise de la finance globalisée.
Paris : La Découverte, 2009.
BUKHARIN, N. O imperialismo e a economia mundial. Rio de Janeiro :
Laemmert, 1969.
CHATELET, François. Logos e praxis. Rio de Janeiro : Paz e Terra, 1972.
CHE GUEVARA, Ernesto. La revolución. Buenos Aires: Printing Books,
2002.
DOCKÈS, Pierre / LORENZI, Jean-Hervé (Dir.). Fin de monde ou sortie de
crise ? Paris : Perrin, 2009.
ENGELS, Friedrich. Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie
classique allemande. Paris: Sociales, 1976.
FARIAS, Flávio Bezerra de. L’État et le processus de socialisation
capitaliste au Brésil. Doctorat d’État. Villetaneuse : Universidade Paris
XIII, 1988.
_____ O Estado capitalista contemporâneo. São Paulo : Cortez, 2000.
_____ A globalização e o Estado cosmopolita. São Paulo: Cortez, 2001.
32
_____ Filosofia política da América. São Paulo: Cortez, 2004a.
_____ A economia política do financeiro. In: Conferências da I Jornada
Internacional de Políticas Públicas, 9/2003. São Luís : UFMA. Revista de
Políticas Públicas, v. 7, nº 2, p. 141-174, jul./dez. 2003.
_____ Utopias pós-marxistas ocidentais sobre o Estado globalizado. São
Paulo, Instituto de Estudos Socialistas, Revista Outubro, nº 11, p. 93-109,
2004b.
_____ Do Capital ao Império. In: Conferências da II Jornada Internacional
de Políticas Públicas, 8/2005. São Luís: UFMA. Revista de Políticas
Públicas, v. 9, nº 1, p. 31-76, jan./jun. 2005.
_____ Crítica da Filosofia Política da Europa. In: Mesas Redondas da III
Jornada Internacional de Políticas Públicas, 8/2007. São Luís: UFMA.
Revista de Políticas Públicas, v. 11, nº 2, jul./dez. 2007.
FUKUYAMA, Francis. State building. Paris : La Table Ronde, 2005.
GIRAUD, Pierre-Noël. La mondialisation. Paris : Sciences Humaines,
2008.
GOLDMANN, Lucien. Recherches dialectiques. Paris : Gallimard, 1980.
GOWAN, Peter. A Roleta Global. Rio de Janeiro: Record, 2003.
HARDT, Michael / NEGRI, Antonio. Empire. Cambridge / London: Harvard
University Press, 2000.
HARVEY, David. O novo imperialismo, São Paulo: Loyola, 2004.
HOLLOWAY, John. Change the World Without Taking Power. London:
Pluto Press, 2002.
HUSSON, Michel et alii. Le marxisme face au capitalism contemporain.
Paris: Syllepse, 2004.
JOHSUA, Isaac. Une trajectoire du capital. Paris : Syllepse, 2006.
_____ La grande crise du XXIe siècle. Paris : La Découverte, 2009.
KOSELLECK, Reinhart. Crítica e crise. Rio de Janeiro : Contraponto / Ed-
UERJ, 1999.
LEFEBVRE, Henri. Une pensée denennue monde... Faut-il abandonner
Marx ? Paris : Fayard, 1980.
LIANG, Qiao / XIANGSUI, Wang. La Guerre hors limites. Paris : Payot &
Rivages, 2003.
LORDON, Frédéric. Et la vertu sauvera le monde... Après la débâcle
financière, le salut par l’ « éthique ». Paris : Raisons d’Agir, 2008a.
33
_____. Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières.
Paris : Raisons d’Agir, 2008b.
_____. La crise de trop : Reconstruction d’un monde failli. Paris :
Fayard, 2009.
LUKÁCS, Georges. Prolégomènes à l’ontologie de l’être social. Paris :
Delga, 2009.
MANDEL, Ernest. La réponse socialiste au défi américain. Paris:
Maspero, 1969.
MARINI, Ruy Mauro. América Latina. São Paulo: Brasil Urgente, 1992.
_____ Sous-développement et révolution en amérique latine. Paris:
Maspero, 1972.
MARX, Karl. Le Capital. Paris: Sociales, 1976.
_____ Contribution à la critique de l’économie politique. Paris:
Sociales, 1977.
MERLEAU-PONTY, Maurice. As aventuras da dialética. São Paulo : Martins
Fontes, 2006.
MÉSZÁROS, István. O século XXI: Socialismo ou barbárie. São Paulo:
Boitempo, 2003.
SAPIR, Jacques. Le nouveau XXIe siècle. Paris : Seuil, 2008.
SPINOZA, Baruch de. Traité politique / Lettres. Paris: GF Flammarion,
2007.
STIGLITZ, Joseph E. Un autre monde. Paris : Fayard, 2008.
VÉDRINE, Hubert. Continuer l’histoire. Paris : Flammarion, 2008.
VINCENT, Jean-Marie. Le trotskysme dans l’histoire. Critique
Communiste. Montreuil-sous-Bois, France : Révue de la LCR, nº 172, p.
48-64, printemps 2004.
ZOLO, Danilo. La justicia de los vencedores. Buenos Aires : Edhasa,
2007.