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Mémoire La crise de l’industrie musicale Sylvain LE BARILLEC Master 1 Economie et Gestion Université de Caen Basse-Normandie Année Universitaire 2005 - 2006 Sous la direction de M. Albéric Tellier

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Mémoire

La crise de l’industrie musicale

Sylvain LE BARILLEC

Master 1 Economie et Gestion

Université de Caen Basse-Normandie

Année Universitaire 2005 - 2006

Sous la direction de M. Albéric Tellier

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« Sans la musique, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil »

Friedrich Nietzsche (1844-1900), Crépuscule des idoles, 1888

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REMERCIEMENTS

Nous remercions Monsieur Albéric Tellier pour la supervision de ce travail.

Nous tenons également à remercier ceux qui, par des relectures et par leur soutien,

ont permis l’accomplissement de ce travail. À ce titre, nous remercions Madame Chantal Le

Barillec, Mademoiselle Aurélie Lopez et Monsieur Mathieu Raballand.

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GLOSSAIRE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES

AAC: Advanced Audio Coding

ATRAC 3: Adaptive TRansform Acoustic Coding

DRM: Digital Rights Management

IFPI: International Federation of Phonographic Industry

MP3: Moving Picture Experts Group 3

MP4: Moving Picture Experts Group 4

NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques

P2P: Peer to Peer

RIAA: Recording Industry Association of America

RTC: Réseau Téléphonique Commuté

SACEM : Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique

SNEP: Syndicat National de l'Edition Phonographique

WMA: Windows Media Audio

WMP 10: Windows Media Player version 10

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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS...................................................................................................3 GLOSSAIRE.............................................................................................................4 TABLE DES MATIÈRES............................................................................................5 INTRODUCTION.....................................................................................................7 I L’INDUSTRIE DU DISQUE : FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS

RÉCENTES...............................................................................................................9

1.1 Historique et description du secteur…….............................................…9

1.1.1 L’industrie du disque : concentration et innovations……….…………..……..9

1.1.2 Une structure de marché : l’oligopole……………………………………...……..12

1.1.3 La chaîne de valeur de l’industrie……………………………………………………13

1.1.4 La distribution des revenus : de fortes disparités………………………..……16

1.1.5 Le modèle des cinq forces de M. Porter, appliqué à l’industrie du

disque………………………………...............................................................................17

1.1.6 Tarification et évolution des prix….....................................................20

1.2 Evolutions récentes de plusieurs marchés…...........................................21

1.2.1 Le marché mondial : les principales tendances……..............................22

1.2.2 Le marché américain : précurseur de la crise…...................................24

1.2.3 Le marché français : concentration de l’offre et chute des

ventes………..............................................................................................……….25

II LES CAUSES DE LA CRISE………………………………………………………………….29

2.1 Internet et P2P, le lien avec la crise……………………………...………..…29

2.1.1 Montée de l’Internet et des applications P2P……………………..........….…29

2.1.2 Les effets du P2P……………………………………………………………..........……33

2.2 Les autres facteurs…………………………………………………….........……38

2.2.1 Cycle de vie du CD…………………………………………………….........…….……38

2.2.2 Radio et répertoire……………………………………………….…………….........…40

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2.2.3 Le piratage industriel et domestique………………….......……………………41

III DÉMATÉRIALSATION ET CHAINE DE VALEUR DE L’INDUSTRIE…….........…..44

3.1 Vers une dématérialisation des œuvres : une nouvelle forme de

distribution………………………………………………………………………………...........44

3.1.1 La chaîne de valeur de la musique dématérialisée……………......….…....44

3.1.2 Les principes de facturation……………………………………………….…..........52

3.1.2.1 Les systèmes proposés…………………………………….......………...52

3.1.2.2 Les flux générés……………………………………………………......…...53

3.2 Perspectives d’évolution et de rentabilisation……………………......…...54

3.2.1 Perspectives d’évolution du marché ………...................…………….........54

3.2.2 Perspectives d’évolution des différents acteurs…………………….........…..55

CONCLUSION……………………………………………………………………………...........57 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………….........58 ANNEXES…………………………………………………………………………………...........61

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INTRODUCTION

Phénomène contemporain, la consommation de musique a su au fil des 30

dernières années prendre une place notable dans le temps de loisir. D’après une

enquête d’opinion1 réalisée pour la SACEM2, les Français perçoivent en la musique,

un art indispensable pour 74 % d’entre eux, avec une durée d’écoute moyenne

journalière atteignant 2 heures. D’après cette même enquête, 16% des Français ont

déjà téléchargé de la musique sur l’Internet, que ce soit légalement (2%) ou en

fraudant (14%).

Souvent décriées par les artistes indépendants, parce qu’elles ne favorisent

que les vedettes et réduisent le champ créatif, les maisons de disques sont depuis la

fin des années 90 entrées dans une période de crise. D’une part, on constate un

effondrement de la vente de CD, concomitant à la diffusion des accès à l’Internet à

haut débit dans les ménages des pays développés : le taux de pénétration de ces

connexions passant entre 2001 et le deuxième trimestre 2005 de 2,9 % à 11,8%

pour les pays de l’OCDE. D’après les statistiques du SNEP3 et de la RIAA, 1999 a

marqué un tournant dans l’évolution des ventes de CD, même si la baisse des ventes

ne s’est surtout faite ressentir en France qu’à partir de l’année 2003. En un an, le

secteur a ainsi perdu 14,6% de son chiffre d’affaires en valeur et 11,5% de son

volume de production (unités physiques).

Vites pointés du doigt par les majors4, les réseaux peer-to-peer5 sont-ils à eux

seuls responsables de cette désaffection du public pour les enregistrements légaux ?

Comment s’est caractérisée cette crise sur l’industrie du disque ? Quelles causes

peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène ? Quelles sont les évolutions

subies par cette industrie ?

1Enquête d’opinion TNS-Sofres publiée le 22 juin 2005, et disponible à l’adresse suivante : http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/270605_musique.pdf 2 Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique 3 SNEP : Syndicat National de l’Edition Phonographique, défendant les intérêts des industriels. 4 Major du disque : Entreprise du disque qui assure la phase de recherche de « nouveaux talents » jusqu’à la distribution. Cet oligopole de 4 compagnies regroupe à lui seul 75 % des ventes du secteur musical dans le monde. 5 Peer-to-peer (pair à pair): Réseau décentralisé d’échange de données informatiques. Contrairement aux premiers réseaux d’échanges, il n’existe pas de serveur central regroupant un index des fichiers disponibles, ce qui rend la tâche plus laborieuse pour les rendre inopérants.

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Dans une première partie, nous décrirons le secteur et traiterons des faits

empiriques s’étant produits durant la dernière décennie, ainsi que les principales

évolutions qu’a connu l’industrie du disque, notamment en quantifiant les impacts de

la crise.

Nous verrons ensuite que l’origine de la baisse des ventes de CD revêt de

multiples facettes : les réseaux d’échanges de données , l’intégration quasi

systématique de graveurs dans les ordinateurs, l’implémentation d’applications dans

les systèmes d’exploitation, permettant d’outrepasser les lois sur les droits d’auteurs,

mais aussi le rétrécissement des goûts des consommateurs (dû en grande partie à

une faible médiatisation des petits artistes, et une surexposition des vedettes), des

phénomènes d’achat à la carte, et une politique tarifaire peu transparente ne sont

que quelques unes des raisons pouvant être invoquées.

Enfin, nous nous focaliserons sur les effets immédiats et à long terme de cette

tendance sur l’industrie, et les moyens mis en oeuvre pour y répondre. Pour cela,

nous montrerons les mutations de la chaîne de valeur de l’industrie du disque, liées à

la mise en place d’offres légales de téléchargement.

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I L’INDUSTRIE DU DISQUE : FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS

RECENTES

1.1 Historique et description du secteur

La filière musicale a subi par le passé de nombreuses mutations liées

notamment à l’apparition de nouveaux formats, et à de nouvelles façons de

consommer le bien musical. Nous allons donc retracer ici, les principales évolutions

et leurs conséquences sur cette industrie.

1.1.1 L’industrie du disque : concentration et innovations

L’invention du phonogramme6 par Thomas Edison en 1877 ainsi que

l’apparition du gramophone7 ont permis de démocratiser la musique et de la diffuser

à large échelle. Dès les années 1890, les premiers appareils domestiques

apparaissent, et après une bataille entre les deux standards, le gramophone est

adopté, et le 78 tours est alors utilisé comme format par défaut.

Il fallut cependant attendre les années 30 pour que les premiers

enregistrements longue durée8 et les supports magnétiques voient le jour.

L’apparition de la radio et d’autres formes de loisirs, durant ces années, couplés à la

crise économique ont toutefois marqué un frein dans l’évolution des ventes de

disques. De multiples rachats eurent lieu après cette période de marasme, tendant

donc à concentrer les maisons de disques. À cette époque, les firmes sont déjà en

nombre restreint, et 4 acteurs dominent le marché suite à cette vague de fusions et

de rachats : Aux États-unis, deux acteurs radiophoniques prennent le contrôle de

nombreuses maisons de disques9, tandis qu’en Europe, Decca voit le jour en 1929,

suivie par EMI10. RCA et CBS forment donc deux entités fortement intégrées. Suite à

6 Appareil permettant de resituer le son grâce à un stylet et un amplificateur. Les enregistrements se faisant sur un cylindre. 7 Le Phonographe quant à lui restituait le son à partir d’un disque en cire. 8 LP (Long Play) 9 RCA rachète Victor et CBS fait main basse sur Columbia Records (à l’origine, CBS était une filiale de Columbia Records, mais fut vendue à la fin des années 20, conséquence de sa faible rentabilité). 10 EMI est la résultante des fusions entre Victor, Columbia.

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ces restructurations, la radio fait partie intégrante de la stratégie des firmes, leur

permettant ainsi de faire la promotion de leurs propres disques.

Le tournant essentiel de l’industrie reste malgré tout postérieur à la seconde

guerre mondiale. En effet, les facteurs clés du secteur (l’innovation, la

standardisation et la production de masse) permirent une croissance singulière. La

concrétisation commerciale des enregistrements de longue durée vit le jour en 1948

grâce au 33 tours. Le 45 tours voit aussi le jour, mais ses capacités de stockage sont

moindres. Il s’agit dès lors d’une guerre entre les deux géants américains CBS et

RCA, car tout deux sont détenteurs d’un des brevets. Cependant, le 33 tours, dont

les droits d’utilisation ont été cédés gratuitement à toutes les maisons de disque

devient le standard par défaut pour les albums, alors que les singles sont pressés en

45 tours. Warner ne se contente plus du cinéma, et s’introduit dans le milieu du

disque à la fin des années 50 : cette firme poursuivra sa progression en rachetant

Elektra Records et Atlantic Records. La stéréophonie fut quant à elle introduite en

1958, et la commercialisation de supports magnétique (cassettes audio) fut effective

dès 1963. La demande importante pour ce type de biens des adolescents du baby

boom et le perfectionnement de la qualité des supports dans les années 60 ont

souvent été avancés comme cause de cette demande11. En 1962, le nouvel entrant

MCA se lance dans l’industrie du disque en rachetant Decca Records12. La portabilité

est aussi un élément essentiel à prendre en compte depuis la commercialisation des

premiers Walkman par Sony en 1979.

Dans les années 80, il y eut une segmentation du marché en deux. D’une part,

l’industrie produisait des disques vinyles destinés à un usage domestique, et d’autre

part, des cassettes audio destinées à être utilisées dans les autoradios ou dans les

appareils portatifs. 1981, année précédant l’introduction du CD Audio de Sony et

Philips fut une année de forte vente de vinyles LP (+19.88% en volume). Malgré

tout, depuis la fin des années 70, l’industrie du disque a connu un point d’arrêt dans

la croissance de ses ventes. D’une part, le vieillissement de la population et

l’introduction de cassettes audio vierges permettant d’effectuer des copies illicites se 11 Vogel (2004), Entertainment Industry Economics: A Guide for Financial Analysis, Cambridge University Press. 12 Le nombre d’acquisition de MCA étant trop important, on peut s’en tenir au fait que Seagram, détenteur de MCA a fusionné les activités de MCA et PolyGram en 1998 pour donner naissance à Universal Music Group.

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traduisent par une diminution des ventes. Cependant le changement de format

musical majeur de ces 25 dernières années fut l’introduction du CD, qui a limité cette

chute. En effet, durant les premières années d’existence du CD, les foyers ont eu

tendance à racheter les œuvres qu’ils possédaient sous un autre format (vinyles,

cassettes audio). Il faut d’autre part noter que la marge sur un CD est plus

importante que sur un vinyle. Ainsi, les rentes tirées de la vente de CD ont permis à

l’industrie d’accroître ses profits. La fin des années 80 est aussi marquée par une

vague d’acquisition du japonais Sony, et CBS en fait les frais.

Depuis les années 90, de nombreux formats alternatifs ont vu le jour, mais

demeurent cependant utilisés par un nombre restreint de personnes : On peut

notamment citer le Minidisc13, dont la taille modeste en fait un atout, et qui vit le jour

en 1992, mais dont les ventes n’ont jamais été probantes14. L’introduction du DVD

audio15 en 1998 et du Super Audio CD16 sur le marché en 1999 a eu un impact peu

significatif sur la vente de musique. A la fin des années 90, 2 formats sont cependant

plébiscités par le grand public. D’une part, le format MP317 dont la gratuité et la

légèreté font deux de ses avantages, et d’autre part les DVD musicaux, qui

contrairement aux CD ont connu une forte expansion depuis les années 2000, et qui

sont un signal fort à l’industrie de l’importance de la vidéo, depuis que les chaînes

musicales se sont répandues18. En août 2004, la joint-venture Sony-BMG Music

Entertainment, détenue à parts égales entre le japonais Sony et le groupe allemand

Bertelsmann A.G., voit le jour, tendant à concentrer encore plus le secteur musical.

13 Le Minidisc combine à la fois lecture optique et enregistrement électromagnétique. 14 Même si le support était peu onéreux, le coût du lecteur-enregistreur était rédhibitoire. 15 Le DVD audio permet de restituer jusqu’à 6 canaux contre 2 pour le CD, pour une durée de 74 minutes. 16 Le SACD quant à lui restitue jusqu’à 110 minutes de musique. 17 Le codage au format MP3 consiste à expurger le spectre originel du CD en n’encodant que les fréquences audibles pour l’oreille humaine. Cette transformation permet de générer des fichiers musicaux de taille modeste (environ 6 Mégaoctets pour une chanson de 4 minutes, à 192 Kbps) 18 La création de MTV aux Etats-Unis. (Ainsi que son adaptation à différents marchés : adaptation géographique et musicale)

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1.1.2 Une structure de marché : l’oligopole

Le secteur musical dont les rentes sont accaparées par quatre acteurs19

principaux20, se partageant les ! des ventes, peut être assimilé à un oligopole à

frange concurrentielle21 : Universal Music Group, détenant à elle seule 25,5% du

marché mondial, la joint-venture Sony-BMG (21,5%), EMI Group (13,4%) et Warner

Music Group (11,3%).

Graphe 1 : Répartition du volume pour l’année 2004 (source IFPI)

Les majors sont les firmes qui peuvent se prévaloir d’artistes de grande

envergure, leur permettant ainsi d’accroître leur part de marché par rapport aux

indépendants qui eux, sont confinés à une production plus confidentielle. Les majors,

ayant des impératifs financiers prennent moins le temps de parfaire les œuvres

qu’elles distribuent : elles appartiennent à de grands groupes. Ces quatre entreprises

intègrent des fonctions de producteur et de distributeur (Cf. section 1.1.3), leur

donnant ainsi un accès facilité aux réseaux de distribution, mais aussi leur

permettant une diffusion aisée sur plusieurs marchés (Nous verrons plus tard que les

19 Source : IFPI 20 Nous ne traiterons pas du cas particulier du Japon, où la part de marché des indépendants atteint 51,6% des ventes totales de supports enregistrés. 21 La frange concurrentielle est formée par les indépendants.

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indépendants ne sont pas dans cette situation). Universal est la firme dominante sur

les marchés américain et européen tandis que Sony-BMG est leader sur les marchés

asiatique et océanien.

Les indépendants quant à eux, sont situés sur des niches de marché, et

prennent en général plus de risques que les majors en se spécialisant sur des styles

musicaux sollicités par un public de taille plus modeste. Cependant, ils bénéficient

d’une plus grande flexibilité, se manifestant par une proximité accrue des différents

acteurs de marché. Ainsi, les indépendants consacrent en général plus de temps à la

production des œuvres que les majors. Ils sont aussi plus proches du public et des

vendeurs finaux. En effet, ne bénéficiant pas de campagne de publicité à grande

échelle, ils doivent, pour écouler leurs productions, créer un lien singulier avec ces

acteurs.

1.1.3 La chaîne de valeur de l’industrie

Il est généralement admis que dans le secteur musical, les artistes surexposés

(vedettes), vendant beaucoup d’albums et qui sont donc profitables, permettent de

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subventionner les artistes qui ne génèrent pas assez de cash-flow. Ainsi, on chiffre à

10% le nombre d’artistes vedettes.

Avant que l’œuvre musicale ne soit disponible à la vente, il faut préalablement

que différents acteurs prennent part à sa réalisation. Ci-dessus, la chaîne de valeur

simplifiée de l’industrie musicale22.

Les majors sont des sociétés composées de labels. Comme nous l’avons vu

précédemment, les regroupements successifs ont réduit de façon drastique les

offreurs sur le marché. Les labels qui composent les majors ont comme objectif de

rechercher les nouveaux talents (A&R. Artiste et Répertoire), et se focalisent sur un

style musical particulier (Blue Notes pour la Jazz, la Motown pour la soul par

exemple). Ces entités sont comparables à des centres de recherche-développement,

car elles permettent aux majors de renouveler leur offre. Néanmoins, cette activité

n’est pas sans risque et nécessite des compétences artistiques et commerciales afin

de réduire les risques de méventes encourus par le label.

D’autre part, les labels sont chargés de produire les artistes qu’elles jugent

comme commercialement profitables. Les artistes retenus (1 sur 1000) sont liés à la

firme par un contrat les verrouillant sur une période définie ou sur un nombre

d’albums à réaliser. D’autres clauses sont incluses, mais ce mémoire ne s’y

intéressera pas (Nombre minimal de ventes à réaliser, …). Étant donné leur faible

pouvoir de négociation, les nouveaux talents bénéficient de contrats peu avantageux

par rapports aux artistes vedettes. Lors de la phase d’enregistrement, certains

artistes perçoivent une avance pécuniaire. Cette phase est financée par le label.

Vogel donne une approximation du coût de production : il se situerait aux alentours

de 125.000 USD, pour un album dont le potentiel commercial est élevé. Cependant, il

existe de fortes disparités, en fonction de la notoriété de l’artiste. La qualité de

l’enregistrement dépendra donc de cette variable.

Vient ensuite le pressage du disque, qui se fait à partir du master23. Ici, les

majors bénéficient d’économies d’échelle, car certaines d’entre elles disposent de

leurs propres usines, et n’ont donc pas à sous-traiter cette activité (ou seulement

lorsqu’elles doivent affronter une forte demande), contrairement aux indépendants

22 Les activités de soutient, ou de support apparaissent en jaune. Les activités principales sont en cyan. 23 Le master est le support original sur lequel a été fixé l’œuvre, et qui sert à la duplication en série.

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qui sont dépendants de presseurs. En sus, les indépendants produisent des volumes

plus petits, et bénéficient donc de tarifs moins attractifs que les majors qui sous-

traitent cette activité. D’après Labarthe-Piol, les majors bénéficient à ce stade d’un

avantage en terme de coûts allant de 1 à 5. Cependant, les coûts variables liés au

pressage ne représentent qu’une part minime du coût final (Environ 1 USD).

L’activité marketing consiste à aviser les médias (radios, télévisions,

journaux, …) afin que l’œuvre y bénéficie d’une visibilité auprès des consommateurs

potentiels. Étant donné le nombre d’œuvres produites par l’ensemble du secteur, et

donc la concurrence de plus en plus intense pour obtenir de la place dans les médias,

cette activité est essentielle. Le pendant à cette activité a été la promotion accrue

des artistes mainstream, ou peu novateurs, afin d’attirer le plus de demande

possible, en vue d’une rentabilisation plus rapide. En effet, d’après le SNEP24, la

programmation des radios musicales s’est concentrée ces dernières années sur

quelques artistes25, et 2005 a été marquée en France par une baisse de moitié du

nombre de nouveaux talents diffusés. D’autre part, ces médias sont de bons

pourvoyeurs de demande26 : la radio a influencé 75% des consommateurs

américains, les chaînes de télévision musicales 45% et la visibilité dans les rayons de

magasin 42%. L’industrie peut donc agir sur trois des quatre premiers facteurs

influençant la demande (Le bouche à oreille arrivant second avec 46%).

Vient ensuite la distribution : les majors disposent de leurs propres réseaux.

Les indépendants doivent négocier la diffusion avec les majors pour bénéficier de

leurs réseaux. Il existe cependant des regroupements d’indépendants fonctionnant

par syndication. Cette étape consiste à négocier avec les vendeurs pour que le bien

musical soit distribué dans leur(s) magasin(s). Il s’agit en fait de segmenter la vente

de CD par marché, et les majors ont un avantage : leur présence mondiale. Les

vendeurs peuvent d’une part être organisés en centres d’achat (grandes enseignes

spécialisées, grande distribution) ou en coopératives (pour les petits vendeurs de

type commerçants de quartier), ce qui permettra d’obtenir des rabais.

24 http://www.disqueenfrance.com/actu/ventes/vente2005_3.asp 25 Sur certaines radios, le Top 40 représente plus de 75% de la programmation musicale. 26 An economist’s guide to digital music, Peitz M., Waelbroeck P., Discussion Paper n°32, Décembre 2004, GESY

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1.1.4 La distribution des revenus : de fortes disparités

Graphe 2 : Répartitions des recettes tirées de la vente de CD (source : Laing)

La distribution, la vente ainsi que la production sont les activités les plus

rémunérées. En effet, plus de 50 % du CD revient à ces acteurs27 ; les artistes quant

à eux perçoivent des royalties, qui dépendent de leur succès. Les royalties reversées

sont négociables, mais, une moyenne de 10% semble acceptable. Les revenus sont

moindres car on retient sur les royalties les coûts de promotion. Malgré tout, les

gains retirés lors des opérations de merchandising sont empochés par les artistes (T-

shirts, stickers, concerts, …). Cependant, ce commerce étant en pleine expansion,

l’industrie musicale s’y intéresse de plus en plus.

Il existe un seuil de rentabilité que seul un artiste sur dix atteint, les neuf

autres étant donc des artistes non-profitables. L’industrie essaie donc de retirer un

maximum de cash-flow de ses vedettes et a construit son business plan en intégrant

ces difficultés : elle utilise des stratagèmes pour rentabiliser les artistes en revendant

à plusieurs reprises les mêmes titres (Single, Album, Bande Originale de film, Best

Of, Compilation,…).

27 http://www.icce.rug.nl/~soundscapes/DATABASES/MIE/Part1_introduction.html

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Cette industrie est caractérisée par des coûts fixes élevés, et des coûts marginaux

faibles (Voir nuls dans le cas de la dématérialisation des œuvres. En effet, reproduire

un fichier informatique a un coût négligeable). Les coûts élevés sont en grande partie

liés à la production : la location de studios, le producteur…

1.1.5 Le modèle des cinq forces de M. Porter, appliqué à l’industrie du

disque

Avant l’entrée sur le marché de site de musique légale, le secteur était

caractérisé de la façon suivante :

-L’intensité de la concurrence intra-sectorielle était assez forte. En effet, les

coûts pour s’installer sont élevés. Il existe d’une part des coûts irrécouvrables

importants, notamment liés à la production (nous avons précédemment chiffré à

125.000 USD les coûts liés à l’enregistrement). D’autre part, les concurrents ne sont

pas de taille identique : les majors bénéficient d’économies d’échelle, et peuvent

grâce à leurs filiales se développer sur différents marchés. La différenciation des

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produits est surtout établie entre indépendants et majors. Les majors étant plus

généralistes, la concurrence entre elles est plus intense, malgré leur volonté d’élargir

la gamme de styles musicaux qu’elles proposent. Les switching costs des acheteurs

sont importants. Les barrières à l’entrée sont relativement importantes, mais tendent

à s’affaiblir depuis la numérisation de l’industrie, tendant donc à accroître cette

rivalité.

-Etant donné leur faible concentration, les fournisseurs, qui sont ici les artistes

et les nouveaux talents ont un faible pouvoir de négociation, s’ils ne font pas partie

des 10% de vedettes. Ils peuvent rarement imposer leurs conditions lors de la

signature de contrat. Le fait que pléthore d’artistes veuillent sortir un disque accroît

d’autant plus leur difficulté à s’imposer. D’autre part, il ne peut y avoir un

attachement à la marque (i.e. aux artistes) sauf si ceux-ci sont déjà connus. Enfin,

les switching costs liés à un changement de maison de disque sont importants.

Les indépendants ont quant à eux une autre variable à prendre en compte,

car ils doivent négocier les tarifs liés au pressage et les coûts de distribution: si le

volume à presser est important, ils peuvent néanmoins obtenir des réductions.

-Les substituts sur le marché étaient les MP3 et CD piratés d’une part, et

d’autre part, les autres formes de loisirs. Sauf pour les MP3 et les CD piratés, il s’agit

de substituts imparfaits car ils ne répondent pas aux mêmes besoins. (I.e. l’écoute

de musique28), mais influent fortement sur la demande de CD. De plus, l’offre de

loisirs s’est élargie au cours des dix dernières années. Les coûts liés à la substitution

sont nuls dans le cas du CD piraté, ce qui est loin d’être le cas pour le MP3, car il faut

préalablement disposer d’un ordinateur.

-Les nouveaux entrants sont nombreux, et bénéficient parfois d’un appui

financier solide, ce qui facilitera d’autant plus leur entrée que les coûts diminuent. Ils

peuvent bénéficier d’économies d’échelle, et de coûts de communication faibles.

D’autre part l’accès à la technologie est facilité pour nombre d’entre eux. La fidélité

28 La radio est aussi un substitut imparfait, car l’écoute est contrainte à la programmation de la station : l’écoute se fait de manière non sélective.

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des clients à la marque est nulle : un acheteur de CD se préoccupe rarement de

savoir quelle maison de disque a signé l’artiste. Même si les majors ont développé

leurs propres canaux de distribution, certaines des compagnies peuvent déployer des

façons plus atypiques pour distribuer la musique.

D’une part, les sociétés multimédias peuvent avoir l’ambition d’élargir leur

offre à de la musique (ce fut notamment le cas des studios Warner qui dans les

années 50 ont décidé de ne plus se cantonner qu’au cinéma, mais aussi de produire

de la musique). Les sociétés informatiques, bénéficiant d’un fort potentiel

d’innovation peuvent aussi constituer des entrants potentiels. Enfin, les groupes de

télécommunication, peuvent intégrer à leur portail des liens vers de la musique en

ligne.

-Les clients et les acheteurs forment un amas disparate. D’une façon générale,

la concentration des acheteurs et la normalisation des produits limitent le pouvoir de

négociation des industries du disque. Les menaces d’intégration en amont sont

réduites. Enfin, il est difficile pour les acheteurs de changer de fournisseur. En effet,

chaque major distribue des produits dont elle détient les droits, et qui par essence ne

peuvent être proposés par la concurrence. Le pouvoir de négociation est donc limité

de chaque côté, mais s’est accru du côté vendeur quand les centrales d’achat de

supermarché ont pris de l’importance : ces centrales d’achat de magasins non

spécialisés de type hypermarchés, ont au cours des années 90 accru leur pouvoir de

négociation. Elles peuvent donc négocier avec les majors sur un pied d’égalité, et

s’imposer lorsqu’il s’agit d’indépendants. En effet, plus de 50% des ventes de CD se

font dans ce type de magasins. Ainsi, ces centrales peuvent négocier non seulement

le type de CD que les majors doivent leur fournir, mais aussi obtenir un prix de gros.

Enfin, d’autres types de clauses telles que les retours d’invendus peuvent être

négociés. Les chaînes de magasins spécialisés (FNAC, Virgin Mégastores, …)

bénéficient aussi de ce fort pouvoir de négociation. Les disquaires indépendants ont

quant à eux un faible pouvoir de négociation lié au volume infinitésimal réalisé chez

ces commerçants. Ils peuvent d’autre part se voir imposer des ventes groupées

d’albums, si la major veut promouvoir un artiste.

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1.1.6 Tarification et évolution des prix

La tarification des CD est évolutive. Elle suit le degré de nouveauté et la

demande attendue de l’artiste29. Le CD suit donc le cycle de vie du produit en ce

sens qu’il sera proposé à des prix différents suivant la demande effective et son

obsolescence.

Le marché est caractérisé par trois types de prix : le full-price, le mid-price et

le budget-price.

Lors de sa sortie, le CD est généralement proposé au full-price (i.e. le prix

maximum), voir à un prix légèrement inférieur (comme les « prix verts » dans les

FNAC), si les ventes attendues sont faibles. Cependant, le prix de sortie se situe dans

la fourchette haute.

Le mid-price sera quant à lui appliqué lorsque le CD aura atteint un certain

stade de vieillissement, ou que les ventes réelles sont faibles.

Enfin, le budget-price est appliqué lorsque le CD a achevé son cycle de vie :

les œuvres vendues à ce prix ont un potentiel commercial faible. Pour un exemple de

grille tarifaire complète de CD hors musique classique, on peut se référer au site de

la Competition Comission30. On peut néanmoins estimer que le mid-price représente

65% du full-price. Le budget-price représentant quant à lui 50% de ce prix.

Il faut toutefois noter que la partie la plus significative des ventes réalisées par

les majors se situe dans la catégorie des full-prices. En effet, il faut vendre

relativement plus de mid-prices ou de budget-prices en volume pour obtenir le

même cash-flow qu’en vendant des full-prices. D’autre part, le signal envoyé aux

consommateurs lors de la baisse du prix d’un CD est paradoxalement perçu de façon

négative : la baisse du prix indique l’obsolescence du bien et le consommateur en est

conscient. Les mid et budget-prices ne doivent donc pas être appliqués trop

rapidement pour ne pas repousser les consommateurs.

29 Voir Bulletin de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. (Décision 98-D-76) 30 http://www.competition-commission.org.uk/rep_pub/reports/1994/fulltext/356a7.1.pdf

Page 21: la-crise

-21-

De manière globale, le prix des CD varie d’un marché à l’autre (Les taux de

TVA expliquant une partie du différentiel). Cependant, d’après Liebowitz31, le prix des

CD a peu varié en monnaie constante au cours des vingt dernières années aux Etats-

Unis, mais le poids respectif de chaque catégorie de prix serait impliqué dans les

résultats de son étude. L’apparition de vendeurs non spécialisés de type

hypermarchés et supermarchés bénéficiant d’un fort pouvoir de négociation a eu

comme conséquence une concentration de l’offre sur un nombre restreint de CD.

Conséquemment aux moindres surfaces de vente disponibles pour les biens

musicaux, ces commerçants tendent à se focaliser sur un nombre limité de

références. De surcroît, ces magasins ont réussi à acquérir une position dominante32.

1.2 Évolutions récentes de plusieurs marchés

Le CD a-t-il achevé son cycle de vie ? Rien n’est moins sûr, car la

consommation de CD en fonction des pays est hétérogène. Nous verrons qu’il est

possible de tracer une tendance généralisable à l’ensemble des pays malgré

l’existence de fortes disparités régionales : il existe ainsi des marchés où les CD sont

plébiscités. C’est le cas notamment de la Norvège, du Royaume-Uni, de l’Islande et

des États-unis, si on se réfère à la vente de musique par tête, et qui fortement

corrélée au PIB par habitant disponible pour les activités de loisir.

Cependant, les cinq premiers pays acheteurs de CD sont les États-unis, le

Japon, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne.

Nous allons nous intéresser dans les paragraphes suivants à l’évolution sur le

marché mondial, puis nous traiterons le cas du marché américain, et enfin, le cas

français, car le marché américain a été le premier marché touché, tandis que le

marché français a été plus tardivement affecté, mais l’ampleur de la crise fut plus

considérable.

31 Liebowitz, Will MP3 annihilate the Record Industry ? The evidence so far, Dallas, University of Texas, Juin 2003. 32 En France, le premier disquaire est la FNAC, suivit par le groupe Carrefour.

Page 22: la-crise

-22-

1.2.1 Le marché mondial : les principales tendances

D’une façon générale, le secteur de la musique a été caractérisé par plusieurs

crises depuis un siècle. Cependant, depuis 1999, les ventes de CD ont baissé sur

plusieurs marchés. La baisse des ventes se fait aussi bien ressentir sur les grands

acteurs que sur les petits indépendants. D’une part, la baisse de vente de singles

s’est faite particulièrement ressentir sur plusieurs marchés (France, États-unis).

Graphe 3 : Ventes mondiales (source : RIAA)

Page 23: la-crise

-23-

Graphe 4 : Chiffre d’affaire mondial de l’industrie / source RIAA

(Ces données ne sont pas déflatées, elles ne donnent qu’une tendance)

Le marché mondial, dont les données figurent en annexes a connu un point

d’arrêt dans la croissance des ventes de CD en 1999. Il s’avère que les pays de

l’OCDE pour lesquels sont disponibles ces chiffres connaissent des situations

diamétralement opposées. Cependant, certains pays qui jusqu’à présent avaient

échappé à la crise, y sont entrés en 2004. Le Royaume-Uni, qui avait connu une

croissance sur 1997-2003 n’a donc pas échappé à cette situation. De 236.8 millions

d’unités vendues en 2003, les ventes sont passées à 174.6 en 2004.

Il existe cependant des pays pour lesquels le constat est moins clair. Les cinq

premiers pays acheteurs, qui représentent 75% de la part de marché mondiale ont

été confrontés à une baisse dès 1999, et l’année 2003 a été l’année durant laquelle

la dégradation a été la plus perceptible.

Page 24: la-crise

-24-

1.2.2 Le marché américain : précurseur de la crise.

Marché Américain 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Unités 66,7 56 55,9 34,2 17,3 4,5 8,3 3,1 Valeur 272,7 213,2 222,4 142,7 79,4 19,6 35,9 14,9 Singles

Evolution / n-1 ø -16,04% -0,18% -38,82% -49,42% -73,99% 84,44% -62,65% Unités 753,1 847 938,9 942,5 881,9 803,3 745,9 766,9 Valeur 9915,1 11416 12816,3 13214,5 12909,4 12044,1 11232,9 11446,5 Albums

Evolution / n-1 ø 12,47% 10,85% 0,38% -6,43% -8,91% -7,15% 2,82%

Ventes d'albums et de singles (USA)

0

200

400

600

800

1000

1200

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Albums

Singles

Graphe 5 : Ventes en volume (source : IFPI)

Le marché du disque américain a été le premier à décliner, avec la chute du

nombre de singles vendu en 1999, mais il est aussi le premier à avoir vu son chiffre

d’affaires croître en 2004, lié à la reprise dans les ventes d’albums. Les DVD

musicaux ont aussi cru, et sont désormais le deuxième format vendu sur ce marché.

L’autre particularité de ce marché tient au fait qu’il a vu le format single

décliner depuis 1997. Cependant, l’industrie a des marges faibles sur ces supports.

En effet, ils sont surtout utilisés pour promouvoir les albums et être classé dans les

divers hits parades (Billboard Hot 100), permettant ainsi une plus forte visibilité de

l’artiste. De plus, le prix des singles a eu tendance à augmenter au fil du temps, afin

de favoriser la vente groupée de titres (albums), avec comme but ultime une

rentabilisation plus rapide des frais engagés pour produire et promouvoir l’artiste.

L’impact financier de cette baisse sur les rentes des majors fut donc limité. La chute

Page 25: la-crise

-25-

des ventes de singles fut vertigineuse aux États-unis : les données de l’IFPI et de la

RIAA33, montrent qu’entre 1999 et 2004, le déclin de ce format fut caractérisé par un

recul des ventes de 52,8 millions d’unités, en volume, soit un taux de décroissance

de 94,5%34 (de 55.9 millions d’unités à 3.1 millions en 2004). Nous verrons

ultérieurement que cette tendance est en déphasage avec le comportement des

consommateurs sur les plateformes de téléchargement. En effet, sur ces sites, les

clients plébiscitent l’achat au morceau, et achètent rarement un album entier.

Les albums ont sur le marché américain accusé une baisse durant la même

période, mais de plus faible ampleur. Ainsi, la chute fut limitée à 18.31%.

Néanmoins, elle n’a pas été continue sur la période. En effet, 2004 fut une année

marquée par la reprise des ventes de CD (+2,82%) en volume et en valeur

(+1.90%).

La vente de musique a globalement décru, mais le format DVD vidéo semble

en plein essor. Le taux de croissance de ce support a été aux États-unis de 56.4% en

2004. Le volume vendu entre 2000 et 2004 a été multiplié par 9. Il semble offrir une

nouvelle alternative au CD.

1.2.3 Le marché français : concentration de l’offre et chute des ventes

Marché Français

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Unités 44,3 40,9 37,2 38 39,1 40,5 30,9 24,3

Singles Evolution / n-1 ø -7,67% -9,05% 2,15% 2,89% 3,58% -23,70% -21,36% Unités 123,1 123,7 120,6 119,7 132,6 135,9 120,8 106,4

Albums Evolution / n-1 ø 0,49% -2,51% -0,75% 10,78% 2,49% -11,11% -11,92%

Note: les ventes d'albums incluent les CD, vinyles, et cassettes audio sur toute la période, les ventes de Minidiscs sont incluses en 1999 et 2000.

Source : Calculs réalisés d’après données du SNEP

33 RIAA: Recording Industry Association of America (Yearend statistics) 34The Recording Industry in Numbers, IFPI.

Page 26: la-crise

-26-

Ventes d'albums et de singles (France)

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Albums

Singles

Graphe 6 : Ventes en volume (source : SNEP)

En France, entre 2003 et 2005, la population non acheteuse de disques est

passée de 11 à 24 %, avec un tassement du nombre d’albums et de singles

vendus35. Seuls les DVD musicaux ont connu une progression sur la période.

En France, le format single a lui aussi enregistré de fortes baisses, notamment

en 2003 et 2004. De surcroît, les ventes d’albums ont décru de façon plus intensive

qu’aux États-unis. L’industrie se retrouve donc en 2004 dans une situation de

récession. Le chiffre d’affaire 2004 est au même niveau que celui de 1993.

(Respectivement 953 et 945 Millions d’Euros)

35 Source: SNEP

Page 27: la-crise

-27-

19951996

19971998

19992000

20012002

20032004

2005

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

Albums commercialisés

Singles commercialisés

Graphe 7 : Références commercialisées en France (source : SNEP)

Le nombre de nouvelles références d’albums commercialisées en France en

2004 est au même niveau que celui de 1999 (2065 contre 2063 références), et le

nombre de références de singles a été divisée par deux entre 1997 et 2004.

La tendance qui se dessine aux Etats-Unis semble aussi être présente en

France : les vidéos musicales connaissent une croissance en volume de 17.1% entre

2003 et 2004 (une baisse en valeur du chiffre d’affaires de 2%), et il en fut de même

entre 2002 et 2003 avec un accroissement de 88%.

Un constat peut donc être tiré : le format CD single est mort et le format

album est en phase de décroissance. Ceci pose un problème majeur aux majors ; ces

dernières rentabilisent les œuvres grâce à la vente d’album. Les inquiétudes dont

cette industrie fait part sont donc motivées. Cependant, le manque à gagner chiffré

par l’industrie doit être manipulé précautionneusement, car les majors indiquent des

Page 28: la-crise

-28-

pertes brutes liées au piratage. Elles incluent donc dans le manque à gagner des

ventes qui ne se seraient jamais produites si le piratage avait été nul.

Plusieurs questions se posent : La crise que subit l’industrie est elle

ponctuelle ? Quelles sont les raisons de cette baisse ? Le modèle de vente est-il à

remettre en question ? Le CD est-il arrivé en fin de cycle de vie ?

Page 29: la-crise

-29-

II LES CAUSES DE LA CRISE

Les origines de la crise sont multiples et les téléchargements illégaux, même

s’ils contribuent à cette tendance, ne peuvent à eux seuls l’expliquer. Nous verrons

dans une première partie les effets négatifs et positifs du P2P sur l’industrie, tandis

que dans une seconde partie nous nous intéresserons aux autres facteurs ayant un

impact sur les ventes de CD.

2.1 Internet et P2P, le lien avec la crise

2.1.1 Montée de l’Internet et des applications P2P

Le nombre de foyers ayant accès à l’Internet haut débit est en constante

croissance, ce qui facilite la distribution et le partage de fichiers plus volumineux

qu’avec des connexions RTC standard.

Comme le montre ce schéma, entre 1999 et 2004, le nombre de foyers

raccordés à l’Internet haut débit a été multiplié par 2836. (De 4,1 à 116,8 millions de

foyers connectés dans les pays de l’OCDE). Dans le même temps, on a assisté à une

diffusion très rapide de logiciels permettant l’échange de fichiers : le premier du

36 OECD Key ICT indicators

Page 30: la-crise

-30-

genre étant Napster37 en 1999, qui permettait uniquement l’échange de fichiers MP3.

Depuis cette date, de nombreux protocoles et applications ont fait leur apparition,

permettant des échanges plus efficaces.

Les réseaux d’échanges basés sur les réseaux eDonkey2000 (eMule) ,

FastTrack38 (KaZaA) Gnutella (LimeWire) ou BitTorrent (application du même nom)

accueillent entre 4,5 et 6 millions d’utilisateurs instantanés, et ont par le passé connu

un pic à 10 millions d’utilisateurs. Chaque protocole apporte des innovations et n’est

pas destiné aux mêmes usages : les réseaux Gnutella et FastTrack sont conçus pour

l’échange de petits fichiers comme la musique numérisée, tandis que eDonkey2000

est spécialisé dans l’échange de fichiers plus importants, tout comme BitTorrent.

Ce dernier est par ailleurs le plus efficace, car il repose sur une mutualisation du

fichier : plus le fichier est « récent », plus il est demandé, et plus il sera facile de le

télécharger. En effet, cette application permet d’égaliser les flux de données

ascendantes et descendantes, évitant ainsi les « problèmes » liés aux passagers

clandestins39 (free riders).

D’après Cachelogic40, le trafic engendré par les échanges de fichiers audio et

vidéo serait de l’ordre de 60% des échanges de données. À titre de comparaison, les

pages Web et les courriels représentent respectivement 30 et 5 % du trafic Internet.

37 Depuis, le logiciel a été relancé sous une forme payante. 38 Fast Track est un logiciel propriétaire. Des licences d’exploitation sont donc acquises par des sociétés voulant exploiter cette technologie. D’autre part, des spyware, et des applications non désirés peuvent être installés à l’insu de l’utilisateur. 39 Dans le cas des réseaux P2P, il s’agit d’un individu ne laissant pas ses fichiers « en partage », mais qui profite des réseaux pour télécharger de la musique de façon égoïste. Les passagers clandestins représentent 70% des utilisateurs. 40 http://www.cachelogic.com

Page 31: la-crise

-31-

Graphe 9 : Source : How Much Information 2003, Université de Berckley

La proportion des fichiers disponibles évolue : les fichiers audio qui

représentaient la quasi-totalité des fichiers disponibles et téléchargés lors du

lancement de Napster représentent environ 11% des fichiers échangés, la vidéo

étant responsable de 61% des échanges41. Cependant, il faut prendre en compte le

fait que les échanges en volume ont augmenté, et surtout que les fichiers vidéo sont

plus volumineux que les fichiers musicaux. En 2003, les utilisateurs de réseaux

FastTrack « pesaient » 5000 térabits, pour 600 millions de fichiers et 3 millions

d’utilisateurs. D’autre part, l’Université de Berckley a mené une étude qui démontre

que 10% des utilisateurs représentent 60 % du poids des fichiers et 32% du nombre

total de fichiers. Les utilisateurs de ces réseaux n’ont donc pas un comportement

homogène, ce qui explique les difficultés pour quantifier les effets du P2P.

Cependant, ces réseaux ont accusé une baisse de fréquentation dans le

courant de l’année 2004, s’expliquant par les milliers de procédures judiciaires ayant

eu lieu aux Etats-Unis, ainsi que la mise en place de solutions payantes de

téléchargement : la fréquentation de ces réseaux a ainsi baissé de 23,53% entre

41 Le reste est composé des échanges d’applications, d’images, de fichiers textes, et de fichiers zippés.

Page 32: la-crise

-32-

2003 et 2004. Cette baisse s’est par ailleurs poursuivie, et la réduction du nombre

total d’utilisateurs américains a été estimée à 50%. Cette forte réduction s’est

accompagnée d’un accroissement des ventes de CD. Cependant, tous les pays

n’évoluent pas dans la même direction. Ainsi, les Etats-Unis, qui représentent 55%

des utilisateurs mondiaux sont relégués à la deuxième position si on se tient au

pourcentage de la population totale utilisant les réseaux P2P42.

Pays

% d'utilisateurs P2P dans la population mondiale d'internautes

% d'utilisateurs P2P dans la population totale du pays

États-Unis 55,4% 0,9% Allemagne 10,2% 0,6% Canada 8,0% 1,2% France 7,8% 0,6% Royaume-Uni 5,4% 0,4%

La quantité de fichiers échangés n’est donc pas négligeable : en 2003, ces

échanges ont été estimés à 150 milliards, alors qu’ils ne représentaient que 3

milliards en 1999. Le nombre moyen de titres téléchargés mensuellement par foyer

s’établit en France à 34 fichiers en 2005 contre 15 en 200443.

De nouvelles tendances voient le jour aux Etats-Unis. Ainsi, selon le rapport

Pew44, pour éviter de se faire épingler, les échanges de fichiers se font de plus en

plus par courriel ou messageries instantanées. D’autre part, les baladeurs

numériques semblent aussi devenir un vecteur d’échange. Le pourcentage de

personnes utilisant les courriels pour échanger de la musique s’établit à 20% des

utilisateurs d’Internet et l’échange par baladeurs numériques atteint un score de

15% (Dans cette étude le P2P est utilisé par 16% des utilisateurs). En effet, les

services de messagerie instantanés sont en plein essor45, et des perspectives futures

d’interopérabilité entre ces services sont en cours d’élaboration notamment entre

Yahoo! et Microsoft. Cette technologie est actuellement bridée par le nombre

42 Source : OCDE 43 Le Monde, « Le téléchargement illégal explose en 2005 », 18 janvier 2006 44 Pew Internet & American Life Project, Mars 2005 45 MSN Messenger et Yahoo ! Messenger: 33 millions d’utilisateurs aux USA tandis que AIM pèse 23 millions d’utilisateurs.

Page 33: la-crise

-33-

d’utilisateurs présents dans chaque liste de contact mais aussi le manque de

compatibilité entre ces applications, tendant à augmenter les coûts de recherche et

limitant de facto les échanges.

2.1.2 Les effets du P2P

La non-rivalité des fichiers numériques distribués sur l’Internet induit un non-

respect de la propriété intellectuelle, et donc une non-rémunération des acteurs. En

effet, le coût nul de la distribution sur les réseaux informatiques fait qu’aucun

consommateur ne sera exclu. C’est un des enjeux de la diffusion du bien musical sur

l’Internet : trouver des solutions techniques qui rendent le bien rival (voir section

3.1.1 et l’utilisation de DRM) ou permettant d’accroître les externalités négatives liées

à l’utilisation de tels réseaux en créant une désutilité, notamment en augmentant les

coûts de recherche. En effet, l’industrie du disque utilise la rivalité pour exclure de la

consommation, c’est-à-dire de l’écoute. Traditionnellement, la musique est rattachée

à un support physique qui permet d’exclure les consommateurs. Sans cette rivalité, le

bien devient un bien public46, et d’après Zhang47, la musique disponible sur l’Internet

remplit les deux conditions du bien public : quand la musique est laissée en partage,

on ne peut exclure un consommateur, et d’autre part, la consommation d’un individu

(le rapatriement du fichier sur son disque dur) ne réduit pas l’utilité et la

consommation des autres utilisateurs. Il y aura donc des répercutions au niveau du

producteur, car les consommateurs n’adressent pas leur véritable demande aux

acteurs du marché musical, ce qui tend à réduire la diversité des œuvres produites.

D’autre part, se posera un problème lié à la rentabilisation des œuvres : les majors

vont et ont déjà relevé le seuil de rentabilité pour produire une œuvre.

A priori, les fichiers numériques semblent être des substituts plus proches des

singles que des albums, cependant, l’évidence ne se confirme pas dans la réalité, car

la substitution n’est pas parfaite. En effet, le coût nul du fichier numérique associé

46 Un bien public pur est caractérisé par une non-rivalité et une non-exclusion. 47 Zhang, A review of Economic Properties of Music Distribution, Novembre 2002.

Page 34: la-crise

-34-

aux coûts marginaux faibles de duplication (gravure48) provoquerait une baisse des

ventes beaucoup plus importante que celle constatée les années passées si la

substitution était parfaite: l’industrie affronte une crise, mais n’est pas anéantie.

Les effets du P2P sur l’industrie sont difficilement quantifiables, et il s’avère

nécessaire de désagréger en groupes, les différents types d’utilisateurs ayant un

comportement homogène. Cependant, des études globales menées par les

économistes concluent que le P2P a un impact négatif, directement mesurable sur les

ventes de CD, mais il n’existe pas un consensus d’auteurs.

Les travaux économétriques de Liebowitz montrent qu’il existe certes une

corrélation entre le téléchargement de fichiers sur les réseaux P2P, mais que d’autres

facteurs sont impliqués. Ainsi, la diffusion de lecteurs portables, le prix des CD et le

PIB par habitant sont aux Etats-Unis corrélés avec la chute des ventes de disques :

toutefois, ces variables n’expliquent qu’une faible partie de la crise49.

Le piratage musical serait cependant impliqué dans une proportion plus ou

moins variable de cette décroissance. Il faudrait 5 à 6 téléchargements pour que la

vente d’une unité n’ait pas lieu. Certaines études évaluent l’effet du téléchargement

comme marginal sur l’industrie du disque. D’une part, l’accès à l’Internet favoriserait

l’achat de CD chez les sujets de plus de 25 ans, tandis que l’inverse serait constaté

chez les plus jeunes. D’autre part, le P2P permettrait d’évaluer la qualité du bien

avant de l’acheter. En effet, la musique en plus d’être un bien d’information est un

bien d’expérience : avant de l’avoir écouté, le consommateur ne peut pas savoir si

celui-ci valait la peine d’être acheté, et pour l’écouter, le consommateur doit avoir

connaissance de son existence.

Malgré tout, Peitz et Waelbroeck ont estimé que les téléchargements illégaux

avaient provoqué une baisse de 12% des ventes de CD aux Etats-Unis, alors que cet

effet aurait touché les ventes mondiales à hauteur de 7% (le plus fort taux de

pénétration des accès haut débit aux Etats-Unis est une des raisons de ces résultats).

La légende qui veut que les petits artistes bénéficient d’une promotion gratuite grâce

48 Les personnes qui téléchargent sur l’Internet ont un comportement les poussant à graver les fichiers sur CD sous forme audio, et non sous la forme d’un CD de données, ce qui leur permet de multiplier le nombre de lecteurs compatibles. 49 Le coefficient de corrélation du test économétrique de Liebowitz est de 0,345.

Page 35: la-crise

-35-

au réseau P2P tombe aussi à l’eau : en effet, les fichiers disponibles sur ces réseaux

sont relativement connus, et font partie des meilleures ventes. Ceci s’explique

notamment par le fait que les productions confidentielles ont une probabilité moins

importante de se faire encoder pour être par la suite distribuées sur l’Internet. Pour

soutenir cette thèse, on peut juste signaler que 99% des échanges se font sur des

biens numériques copyrightés.

D’autre part, les travaux économétriques menés par l’OCDE renversent l’effet

de causalité précédemment expliqué. En effet, il s’agit plutôt de l’inverse qui se

produit : les gens choisissent de prendre un accès haut débit pour profiter des

réseaux P2P et non de fréquenter de tels sites s’ils bénéficient déjà d’un tel accès, ce

qui renvoie implicitement la responsabilité sur les fournisseurs d’accès à l’Internet,

qui ont promotionné leurs offres haut débit sur des spécificités techniques.

Pour se rendre compte de la corrélation existante entre pénétration de

l’Internet et amoindrissement des ventes, on peut tracer les deux graphes

suivants50 : le premier pour le marché américain, et le second pour le marché

français.

50 Graphiques effectués à partir de données provenant de la RIAA (taux de croissance des ventes d’albums aux Etats-Unis) , du SNEP (taux de croissance des ventes d’albums des ventes d’albums en France) et de l’OCDE. (C.f. Annexe 2)

Page 36: la-crise

-36-

La relation en France est nette, tandis que pour les États-unis, 2003, mais

surtout 2004, sont des années de changement dans la tendance. Il est aussi

nécessaire d’éclairer un point, celui de la diffusion de logiciel P2P, du piratage plus

intensif aux États-unis qu’en Europe : ces logiciels ont été adoptés plus tôt outre-

atlantique, car les opérateurs téléphoniques ont proposé des forfaits bas débit

illimités. En Europe, les connexions illimitées n’ont fait leur apparition qu’au début

des années 2000, lors de la diffusion des accès ADSL. D’autre part, les procès

peuvent expliquer ces baisses. Aux États-unis, les majors ont directement attaqué les

individus qui étaient auteurs de téléchargements illégaux. Si on se tient au fait que

les téléchargements font baisser les ventes, ceci expliquerait pourquoi le marché

américain a été le premier à décliner (en 2001 pour les albums).

Certains auteurs51 ont tenté de désagréger les individus en plusieurs groupes,

leur permettant ainsi de promulguer des conclusions et des orientations à suivre pour

les majors. Il faut donc que l’industrie incite les individus à acheter, non seulement

en tenant compte de leur disposition à payer, mais aussi en s’efforçant de créer de la

valeur, notamment en modifiant la chaîne de valeur de l’industrie musicale.

Moteni et Ordanini ont donc distingué cinq groupes d’utilisateurs, dont deux

51 Molteni, Ordanini, Consumption Patterns, Digital Technology and Music Downloading, 2003

Page 37: la-crise

-37-

seulement peuvent être orientés vers l’achat légal. Le premier groupe (30%) est

constitué d’individus qui achètent toujours de façon traditionnelle la musique, donc

sous forme matérielle et l’utilisation de réseaux P2P n’a pas d’impact majeur sur leur

consommation. Le deuxième groupe (11%) est constitué d’individus s’adonnant au

téléchargement sans but particulier, hormis une certaine jouissance liée à la

distraction : la conclusion est défavorable à l’industrie, en ce sens, où il sera

relativement difficile d’orienter ces individus vers les plates-formes légales. Un autre

groupe (14%) posant problème, est lui composé d’individus qui substituent la

musique gratuite à celle trouvée sur l’Internet. Ce groupe a donc nécessairement

contribué à la baisse des ventes de CD, et il faut que les maisons de disques utilisent

des stratégies crédibles, notamment en jouant sur les prix pour que ces utilisateurs

soient incités à effectuer des achats légaux. Les poursuites légales devant les

tribunaux sont aussi envisageables. Cependant le tableau n’est pas entièrement noir.

En effet, il existe deux autres groupes pour lesquels l’industrie peut espérer un

changement de comportement. Le premier (24%) représente un quart des individus,

et est composé de pionniers : ces individus accordent une place importante aux

nouvelles technologies, à la découverte, mais aussi aux contenus liés à l’achat de

musique (Biographies, information sur l’artiste,…). La diversité des œuvres

disponibles est aussi à prendre en compte, car le P2P offre un large choix de

références, qui ne sont pas disponibles dans les magasins traditionnels, ce qui

entraîne un phénomène d’acculturation à de nouveaux styles musicaux. Ces

utilisateurs sont donc prêts à se détourner du téléchargement illégal à condition que

l’industrie revoit sa façon de distribuer et de promouvoir la musique. Enfin, le dernier

groupe (21%) est composé d’individus ayant une disposition à payer de la musique

légalement très faible, car elle n’est pas perçue comme un élément assez important.

D’autre part, les goûts musicaux de ce groupe sont assez étroits. Un abonnement

pour ces utilisateurs est la meilleure façon de les inciter à acheter de la musique

légale.

Le constat entre P2P et ventes est donc délicat. D’une part, il produit une

chute des ventes, cependant, il aura eu aussi comme point positif, l’adoption plus

rapide d’une nouvelle technologie, en accélérant notamment le cycle de vie du CD

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-38-

(voir point suivant). L’industrie utilise aussi ces réseaux pour anticiper les nouveaux

styles musicaux. Enfin, la substitution entre MP3 et CD n’est pas perçue comme telle

par les consommateurs. En effet, il existe des différences entre ces deux formes de

consommation. D’une part, la qualité (différenciation verticale) est différente, et

d’autre part, la valeur perçue n’est pas la même: les éditions « collectors », livrets,

imports, éditions limitées, font que le contenu a de l’importance, mais aussi que le

contenant prend une place de plus en plus importante. Même s’il existe des sites

Web permettant de trouver les livrets, l’impression sur la face du CD, sa fabrication,

et le temps de recherche sont autant de variables incitant le consommateur à

acheter légalement. Il y a donc une valeur et une qualité perçue par le

consommateur qui seront supérieures dans le cas des CD originaux.

D’autre part, pour pouvoir pirater efficacement, il faut que tous les contenus

soient disponibles facilement. Dans ce cas, il faut préalablement qu’il y ait un

acheteur ayant encodé l’œuvre pour la première fois, et l’ayant mis à disposition, ce

qui ne se révèle pas rationnel. En effet, aucun individu n’a intérêt à être le premier à

acheter. D’autre part, les logiciels, aussi évolués soient-ils, ne permettent pas des

recherches simplifiées. Il existe donc des difficultés liées à l’incertitude d’utilisation de

réseaux, mais aussi au temps de recherche P2P incitant l’utilisateur à acheter le bien.

2.2 Les autres facteurs

2.2.1 Cycle de vie du CD

Les réseaux P2P n’ont fait qu’accélérer l’obsolescence du CD en modernisant

la façon de distribuer la musique et de la consommer.

La théorie du cycle de vie du produit est composée de quatre étapes :

l’introduction, la croissance, la maturité et le déclin.

Lorsque le CD a été introduit sur le marché pour remplacer le vinyle ce dernier était

en déclin. En effet, les années précédant l’introduction du CD furent marquées par

une décroissance des ventes de ce support. L’introduction des SACD et autres

formats n’a pas été concluante. Une question se pose donc : la musique numérique

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-39-

va-t-elle prendre le relais du CD ? Et surtout, l’industrie musicale va-t-elle réussir à

redynamiser le marché en s’investissant dans un nouveau format ?

Durant les premières années d’existence du CD, la croissance du support fut

portée d’une part par l’adoption d’un standard commun par l’industrie, et d’autre part

par des achats d’œuvres que les foyers possédaient déjà sur un autre support.

On constate pendant la période de maturité des coûts faibles et des profits

importants liés aux économies d’échelle. Cependant, la diminution des ventes

couplée à la diminution des profits et des prix tend à démontrer que le CD est entré

récemment dans la phase de déclin. D’autre part, les nouveaux moyens pour obtenir

de la musique ne font qu’accentuer ce déclin. Nous verrons ultérieurement que

malgré un début difficile, les plateformes légales de téléchargement semblent trouver

un public.

L’industrie du disque a donc tenté de maintenir les ventes et les profits de ces

supports physiques en poursuivant les personnes téléchargeant de la musique et en

privilégiant les retours sur investissements rapides. En effet, la demande sur le

marché du CD est saturée, et une augmentation des profits ne peut être effective

que si les coûts en amont diminuent. Ceci statue donc une prise de risque minimale

pour les maisons de disque52. Le financement d’artistes de renommée est délicat, car

ceux-ci malgré leur prestige sont plus fréquemment exposés à un échec potentiel.

D’autre part, les majors se sont introduites tardivement dans la musique en

ligne alors même qu’en 1999 les échanges de fichiers commençaient sur l’Internet.

Les plateformes de musique légales sont donc en train de prendre le relais des

supports CD. En effet, ces vendeurs connaissent une croissance des ventes qui laisse

deviner une étape d’introduction. En effet, les coûts de ces plateformes sont toujours

élevés, et les prix pratiqués sont relativement faibles par rapports aux coûts réels.

(Ce qui est en désaccord avec la théorie du cycle de vie. Cependant, pour attirer des

52 On pourra notamment citer comme exemple à cet essoufflement, les ventes liées aux émissions de télé-réalité, qui ont soutenu le marché du disque.

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-40-

consommateurs ces plateformes doivent pratiquer un prix relativement bas, car les

réseaux P2P permettent un téléchargement gratuit)

2.2.2 Radio et répertoire

Comme nous l’avons vu, la radio permet la promotion53, mais depuis une

dizaine d’années, on a constaté des changements dans les logiques des diffuseurs,

notamment une convergence des radios musicales sur un nombre restreint de titres

en vue de satisfaire le public le plus large. Or, les radios sont en nombre limité. (Les

webradios accueillent à ce jour un public marginal). Cette focalisation a donc

entraîné non seulement une augmentation des rotations, mais aussi un tassement du

nombre de nouveautés54, car les titres restent plus longtemps dans la

programmation de la station. Ce resserrement de la programmation s’est surtout fait

ressentir sur les radios musicales à destination des jeunes.

D’après le SNEP, la rotation moyenne d’un titre du Top 20 est de 8 passages

par jour, et atteint 15 passages pour certaines radios. (La rotation de titres

francophones est plus intense, car des quotas de chansons francophones ont été

instaurés)

Le tableau ci-dessous définit les nouvelles tendances. Le top 40, qui occupait

60,4% des diffusions en 2003 contre 62 en 2005, tend de plus en plus à devenir un

Top 20.

Radio Top 40 Top 20 Top 40 (2003) Europe 2 51% 30% Na Fun Radio 74% 48% 66% Le Mouv' 46% 29% 44% NRJ 73% 46% 65% Skyrock 73% 54% 66%

(Pourcentages pondérés par le nombre de diffusions)

53 Les consommateurs qui achètent un disque en connaissant en partie le contenu forment plus de 90% de la demande adressée aux maisons de disques. 54 Les données de cette sous partie proviennent du SNEP, et plus particulièrement du « Livre Blanc, 7 Propositions pour a diversité musicale en radio», décembre 2005.

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-41-

La part des nouveautés diminue elle aussi, et de manière très importante : de

56% à 50% en moyenne pour les radios jeunes et adultes, or cette catégorie de la

population est celle qui achète le plus de musique.

Vogel explique par ailleurs que le renouvellement des titres dans la

programmation des radios aux Etats-Unis est de l’ordre de 10%, ce qui semble être

le cas en France, car le nombre de nouvelles entrées en programmation est de

l’ordre de 2500 titres. Un titre restera donc en moyenne plus de 2 mois dans la

programmation de la station.

Étant donné le nombre de radios existantes, le pourcentage de

recouvrement55 des programmations est en augmentation. L’offre des radios est

donc convergente.

Comme nous l’avons précédemment signalé, la valeur du bien musical ne sera

évaluée qu’a posteriori, or, cette tendance contribue elle aussi à la diminution des

ventes de CD, en réduisant l’information adressée aux consommateurs potentiels.

2.2.3 Le piratage industriel et domestique

Le piratage « professionnel » ou « commercial » est enfin, une des dernières

raisons invocables, et crédibles à une baisse des ventes de CD. Ce type de piratage

nécessite des investissements substantiels, car il s’agit là de reproduire en masse les

enregistrements légaux. Cependant, depuis l’abaissement des coûts des graveurs, les

fabriques de CD-R piratés ont proliféré.

La copie sera proche de l’original, car elle reprend les caractéristiques du CD

manufacturé: le CD, mais aussi le boîtier, le livret, etc.…

Cependant, le piratage n’a pas vraiment évolué (en volume) depuis 2001, car

les maisons de disques démantèlent les fabriques clandestines. De 640 millions

d’unités produites clandestinement en 2000, la production s’est établie à 950 millions

d’unités en 2001. Les dernières statistiques disponibles montrent une légère

55 Nombre de titres présents dans plusieurs programmations musicales.

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augmentation sur la dernière année, pour s’établir en 2004 à 1155 millions d’unités,

pour un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’USD. Ce phénomène affecte cependant

des marchés spécifiques ayant un accès plus restreint aux nouvelles technologies,

comme les pays d’Europe de l’Est, d’Amérique Latine et d’Asie. Cependant, le

manque à gagner sur ces marchés est important et atteint plus de 50% des ventes.

Si on rapporte le nombre de CD piratés aux ventes mondiales, on obtient un

taux de piratage de 30%. Or, ce piratage est encore plus « dangereux » que le

piratage Internet, car ici, les consommateurs achètent (même si le prix est modique)

le bien contrefait, en moyenne 50% moins cher que l’original. Or sur l’Internet, nous

avons vu que le bien avait un coût nul et que le contenant avait aussi son

importance. La substitution s’opérant entre les CD contrefaits et les enregistrements

légaux apparaît comme plus intense. Plus que d’abaisser les ventes des maisons de

disques, ces copies commerciales anéantissent l’offre d’enregistrements légaux

locaux, et plus généralement d’offres légales à long terme, car les risques

économiques pour les maisons de disques sont accrus.

Conjointement, les copies illicites de CD effectuées par les ménages s’avèrent

faire baisser le nombre de CD vendus. Cependant, l’ordre de grandeur n’est pas le

même, car la cassette audio enregistrable avait aussi dès son introduction été

accusée de faire baisser les ventes. D’autre part, il faut que le réseau de relation soit

en accord avec les goûts de la personne (il existe donc des coûts de recherche

importants). Malgré tout, le marché du CD-R est lui aussi en plein essor, et l’on

estime que 50% de ces supports sont utilisés pour reproduire des contenus protégés.

Le constat est donc clair, les maisons de disque disposent de nouveaux

formats pour distribuer leurs artistes, mais semblent enclines à soutenir le CD, or

certains marchés, comme le cinéma, ont profité de ce manque de dynamisme. En

effet, il s’est opéré une substitution de la musique aux autres formes de loisir. La

consommation des ménages a au cours des dernières années fortement évolué dans

le domaine des loisirs. Les jeux vidéo, les logiciels prennent une part plus importante

des dépenses des ménages consacrées aux loisirs. La consommation de films sous

formats DVD suit elle aussi le même sentier de progression. Cependant, le piratage

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-43-

informatique est un des facteurs qui tendent à faire décroître les ventes d’albums,

mais comme, nous l’avons vu, d’autres variables sont aussi à considérer. La fin du

format single quant à elle tient surtout au fait que la portabilité a entraîné une perte

d’utilité de ce format, et son coût élevé dû notamment à des économies d’échelle

nulles ont entraîné un coût élevé à l’achat et donc une désaffection du public.

Concernant les réseaux P2P, nous verrons quelles sont les solutions qui ont

été mises en place, notamment les plateformes légales de téléchargement. L’essor

des lecteurs portables a aussi permis une augmentation du piratage. Lors de

l’introduction du premier iPod par Apple en 2001, il n’existait aucune plateforme

légale de téléchargement. Les utilisateurs étaient donc obligés d’encoder eux-mêmes

leurs CD, ou de télécharger illégalement les titres sur l’Internet. En 2003, les lecteurs

MP3 représentaient 13,3% des ventes de dispositifs portables en Europe.

Quelles solutions ont été mises en place pour que les utilisateurs se tournent

vers une consommation légale de musique ? Comment l’industrie du disque a-t-elle

cherché à créer de la valeur ?

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DÉMATÉRIALISATION ET CHAINE DE VALEUR DE L’INDUSTRIE

Face à la montée des téléchargements illégaux, l’industrie ne pouvait pas

rester passive : elle s’est donc adaptée à cette nouvelle forme de distribution de

contenu. La principale évolution est l’utilisation de fichiers musicaux avec DRM56 et la

mise en place de plateformes légales de téléchargement. Il faut signaler que, non

seulement les œuvres fournies proviennent toujours des majors, mais aussi que la

mise en place des plateformes a concentré les distributeurs57. Cette innovation s’est

aussi caractérisée par la disparition de certains acteurs de la chaîne musicale, et

l’entrée d’entreprises issues du monde de l’informatique (Apple, Microsoft, Packard

Bell), de fournisseurs d’accès à l’Internet et plus généralement d’opérateurs

téléphoniques (Wanadoo, NC Numericable, SFR…), mais aussi du monde des médias

(MTV, M6, NRJ…). Cette nouvelle forme de distribution du bien musical s’est

accompagnée d’une baisse des coûts de distribution, car celle-ci se fait à coût

marginal faible, mais aussi d’un abaissement des barrières à l’entrée. D’autre part, de

nouvelles méthodes de marketing visant à informer le client sur le bien sont aussi

apparues, car le choix plus large des plateformes de téléchargement peut entraîner

des coûts de recherche importants. Nous verrons tout d’abord les modifications de

cette chaîne de valeur, et surtout les enjeux pour l’industrie, mais aussi les

perspectives d’évolution et de pérennisation de cette forme de distribution.

3.1 Vers une dématérialisation des œuvres : une nouvelle forme de

distribution

3.1.1 La chaîne de valeur de la musique dématérialisée

Afin de comprendre les enjeux de ce nouveau marché, il est préalablement

nécessaire de décomposer la chaîne de valeur, comme nous l’avons fait pour la

méthode de vente traditionnelle. Les acteurs entrant dans le processus sont ici plus

56 DRM (Digital Rights Management) : Gestion des droits numériques. 57 À ce jour, on compte 6 principaux fournisseurs en ligne : iTunes Music Sore, OD2-Loudeye, VirginMega, FNACMusic, E-Compil, Sony Connect. Certains indépendants se sont regroupés pour créer des plateformes, mais leur catalogue reste restreint à quelques milliers de titres disponibles.

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nombreux, et les majors doivent faire face à des acteurs dont le pouvoir de

négociation est accru.

Les nouveaux acteurs sont ici présents car les majors ne disposent pas de

tout le savoir faire technique nécessaire à la vente et à la promotion en ligne.

La recherche de nouveaux talents par les labels, et la phase d’enregistrement

restent inchangées, même si les NTIC apportent sans conteste un abaissement des

coûts, et donc des barrières à l’entrée. La musique, sous la forme numérique, vendue

sur les plateformes reste la même que celle vendue par le système traditionnel. Les

artistes seront cependant touchés par les ventes si l’achat au morceau se diffuse

(I.e. une diminution des ventes d’albums « complets » impliquera une moindre

rémunération des artistes, car ceux-ci perçoivent un pourcentage sur les ventes

effectuées). Cependant, les rémunérations obtenues grâce aux exécutions publiques

pour les stars (reversements liés aux passages radios, clips, …) et aux concerts

représentent une part importante des revenus des artistes. En effet, il ne faut pas

oublier que, des royalties perçues sur les ventes sont défalqués les frais liés au

marketing, ce qui peut représenter des coûts importants. Les artistes se trouvent

dans le cas de la musique dématérialisée tributaire de la publicité finançant les

médias, ce qui n’est pas le cas des producteurs, car ils ne bénéficient pas du même

système de rémunération. La numérisation des œuvres requiert l’accord de l’artiste,

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si aucune clause permettant une commercialisation sous n’importe quel support n’a

initialement été prévue dans le contrat.

Un des changements importants est lié à la promotion. Cette étape est

prépondérante pour informer le consommateur de l’existence du bien. Il est ici

nécessaire d’introduire les notions de push et de pull. Le push est caractéristique de

l’industrie musicale traditionnelle : le client reçoit l’information sur les biens, par le

biais des médias et des majors (Les coûts de marketing sont alors très élevés).

L’Internet est plus adapté à une méthode de pull, car les consommateurs vont

chercher l’information sur les biens, notamment sur les plateformes de

téléchargement58. La promotion se fait alors à coût faible, mais la richesse

informationnelle obtenue peut non seulement être détachée des majors (sites

personnels, forums de discussion, etc.…) mais aussi engendrer des coûts de

recherche élevés. C’est ainsi, que des sociétés chargées d’adresser des informations

pertinentes et en adéquation avec la demande des utilisateurs ont pris une place

importante dans ce schéma59. Ce processus, appellé matching et réalisé par des

infomédiaires abaisse donc les coûts de recherche en fournissant une information

ciblée, par une détermination du profil de l’utilisateur. Les biens proposés seront

donc faiblement différenciés horizontalement. Les infomédiaires peuvent donc avoir

comme objectif de promouvoir aussi bien des stars que des artistes plus

confidentiels, de telle sorte que les sites de téléchargement légaux fassent la

promotion de petits artistes qui n’auraient pas été téléchargés sur les réseaux P2P.

En effet, sur les réseaux P2P, ce sont les artistes stars qui sont téléchargés

massivement.

L’encodage est une étape cruciale, et consiste à numériser l’œuvre dans un

format protégé par une licence d’utilisation. Sans cette dernière, la lecture est

impossible. Ainsi, chaque album est encodé et désagrégé en autant de fichiers que

de pistes que comporte l’album, permettant ainsi une vente au morceau, ou une

58 Les consommateurs peuvent notamment obtenir des avis d’utilisateurs, des conseils tel que « les utilisateurs ont aussi acheté », les meilleures ventes de l’artiste, ou envoyer le liens à des amis et recevoir des conseils personnalisé en fonction du chemin effectuer sur le site. 59 Leur rémunération provient de la plateforme de vente

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vente en lot, c'est-à-dire de l’album en entier. À cette étape, les données relatives

aux morceaux y sont incluses. Les métadonnées comportent un descriptif précis de

l’œuvre encodée, pour permettre au consommateur de classer ou de hiérarchiser sa

discothèque de fichiers numériques. Le coût associé à la numérisation est de l’ordre

de 20 à 80 centimes par piste, ce qui constitue un coût fixe faible. Le système de

protection employé est généralement basé sur des fichiers avec gestion des droits

numériques. D’autres formes de protection existent : il s’agit notamment du

watermarking qui a d’abord été utilisé dans la photographie pour laisser une trace

indélébile, une empreinte sur le fichier et qui ne se révèle qu’avec l’utilisation d’une

application dédiée, rendant impossible sa perception à l’oreille humaine. Les

informations contenues étant indélébiles (même si le fichier est tronqué ou altéré),

permettent notamment de contrôler le nombre de diffusions, de transferts…

La multiplicité des formats utilisés, des applications en permettant la lecture, des

baladeurs numériques, ainsi que des restrictions contenues dans les DRM sont autant

de barrières à l’utilisation de plusieurs services, ce qui limite de facto la concurrence

entre les plateformes. D’autre part, les législations locales font qu’il est difficile de

comparer la vente de morceau sur les différentes plateformes au plan mondial60.

Il existe à ce jour trois principaux formats de fichiers DRM : le premier est le WMA

protégé, développé par Microsoft, l’AAC61, évolution de la norme MP4 et pour lequel

Apple a développé un système de gestion des droits numériques propriétaire baptisé

FairPlay. Le dernier format utilisé est l’ATRAC 3 Open MG utilisé par Sony. Ces trois

formats sont fermés, ils ne sont donc pas lisibles avec n’importe quelle application.

D’autre part, ces systèmes de protection sont relativement peu flexibles, car toute

modification du système informatique implique une perte de la licence.

Se pose ici un problème : le manque d’interopérabilité. Ainsi, le format AAC

étant propriétaire, n’est commercialisé que par Apple, n’est lisible qu’avec

60 Le marché de la musique en ligne est cloisonné en marchés nationaux. (i.e. la plateforme visitée refuse toute vente vers un ordinateur dont l’adresse I.P. n’est pas localisée dans le pays) D’autre part, les législations locales font que pour certains pays comme les Etats-Unis, les prix indiqués ne tiennent pas compte des sales taxes dont les consommateurs sont redevables non pas au plan fédéral, mais local. 61 AAC : Advanced Audio Coding. Cette norme succède au MP3 et permet de conserver une plus grande qualité de restitution au morceau codé à une fréquence d’échantillonnage identique, voire inférieure au MP3.

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l’application iTunes et surtout est illisible62 sur la plupart des lecteurs portables sauf

l’iPod. Le problème est identique pour l’ATRAC 3 de Sony, lisible uniquement sur un

Walkman et avec l’application SonyConnect. Le WMA est quant à lui lisible sur une

plus grande gamme de lecteurs portables. D’autre part, Microsoft permet l’utilisation

de son format à d’autres entreprises, en vendant des licences d’utilisation63, ce qui

explique la plus grande gamme de lecteurs compatibles. Néanmoins, la stratégie de

Microsoft, en permettant l’utilisation du WMA protégé a été de répandre ce format,

et par la même occasion, l’utilisation du Windows Media Player 1064.

L’utilisateur une fois le fichier rapatrié sur son disque dur doit télécharger une

licence d’utilisation, comportant les caractéristiques du morceau téléchargé. Sont

notamment contenues des informations relatives au nombre de gravures qu’il peut

effectuer. À titre d’exemple, Ecompil65 (groupe Universal Music) propose un nombre

de 7 gravures, son concurrent Sony Connect66 n’en propose que 3, tandis que

l’iTunes Music Store67 ne propose aucune limitation. Une autre limitation est le

nombre d’ordinateurs sur lequel le fichier peut être lu, c'est-à-dire pour lesquels la

licence a été téléchargée et activée : à un instant T, le fichier ne peut donc être lu

simultanément que sur 1 à 5 ordinateurs. D’autre part, pour que la lecture soit

possible, il faut que l’application que fournit la plateforme soit installée.

Le transfert vers les baladeurs numériques est lui aussi limité, et un logiciel

dédié doit être utilisé afin de transférer la licence, et de la modifier pour décrémenter

le nombre de transferts futurs possibles : 3 transferts possibles vers des lecteurs

portables semble être le nombre généralement proposé68. D’autre part, il faut que le

lecteur portable soit compatible avec la norme utilisée. Les spécifications sont

incluses dans les conditions générales de vente.

62 Il existe bien des moyens de détourner ces problèmes de compatibilité, mais qui peuvent s’avérer fastidieux : la technique consiste à graver le fichier sous la forme d’un CD audio, de le réimporter dans un format non protégé, et enfin de le transférer sur un lecteur portable. 63 http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/licensing/interim.aspx 64 Le comportement de Microsoft fut par ailleurs jugé comme anticoncurrentiel par la Commission Européenne en 2004. (IP/04/382) 65 http://www.ecompil.fr/main/legal.html?type=CG 66 http://www.connect-europe.com/FR/fr/website/static/node982.html 67 http://www.apple.com/fr/support/itunes/legal/terms.html 68 Seul l’iTunes Music Store propose un nombre de transferts illimité.

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Plateforme Standard Utilisé Lecture possible Transférable sur Incompatibilité

E-Compil WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA

DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,

Mac OS

FNACMusic.Com WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA

DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,

Mac OS

iTunes Music Store AAC FairPlay Windows & Mac OS

X (iTunes 4 à 7) iPod Walkman et autres lecteurs portables

MSN Music (OD2) WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA

DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,

Mac OS

SonyConnect ATRAC 3 Open

MG Windows (Sonic

Stage) Walkman iPod et autres lecteurs portables, Mac OS

VirginMega.fr WMA DRM Windows (WMP 10) Baladeurs WMA

DRM iPod, Walkman et baladeurs ne gérant pas le WMA DRM,

Mac OS Aucune plateforme ne propose des téléchargements légaux pour les plateformes Unix/Linux

Sources : E-Compil, FNACMusic, Apple, OD2, SonyConnect, Microsoft.com

L’hébergement de chaque morceau sur un serveur est une activité sous-

traitée, et nécessite étant donné le catalogue important qui a été numérisé au cours

du passé, et étant donné le nombre de plateformes de vente, des quantités

appréciables de stockage. L’hébergement de chaque Gigaoctet de fichiers a un coût

de 20 USD par an. Ce coût fixe se révèle relativement faible. Les coûts de duplication

seront des coûts marginaux, eux aussi relativement faibles par rapport au modèle de

vente traditionnelle. En effet, les usines de fabrication disparaissent totalement de la

chaîne de valeur.

Les institutions bancaires sont aussi essentielles, car elles permettent un

paiement instantané par le biais de carte de paiement, permettant une livraison

instantanée des pistes achetées. Cependant, les coûts liés à des paiements de l’ordre

de quelques euros peuvent s’avérer très importants, et l’industrie doit donc si elle

veut renforcer le système de vente numérique abaisser ses coûts, notamment en

favorisant les abonnements. On peut aussi signaler que des plateformes agrègent les

dépenses des consommateurs sur une période de 24 heures, afin de limiter les coûts

liés aux intermédiaires financiers. Ces coûts sont constitués d’un coût fixe et d’un

coût variable proportionnel aux dépenses effectuées sur la plateforme. Le coût fixe

représente 25% du prix d’une piste auquel il faut rajouter le coût variable. (entre

1.75 et 5%). De tels coûts ont incité certaines plateformes à créer des systèmes de

cartes prépayées. C’est notamment le cas de FNACmusic et de l’iTunes Music Store.

On peut d’autre part signaler que le nouveau modèle permet de bénéficier de

coûts fixes faibles, et de coûts marginaux faibles eux ici, contrairement au modèle

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traditionnel, pour lequel les barrières à l’entrée, même si elle tendaient à diminuer

restaient relativement élevées : la numérisation entraîne une baisse comprise entre

30% et 40% des coûts liés à la fabrication et à la distribution par rapport aux

supports physiques. Cette baisse peut par ailleurs se répercuter sur le prix de la

musique, en tendant à faire décroître le prix et donc en relançant la demande de

musique. D’autre part il pourrait en résulter une stimulation du côté offre. Enfin, un

autre aspect de cette baisse potentielle serait un marché plus concurrentiel qu’il ne

l’est actuellement. Ceci est déjà la réalité, car il existe un écart substantiel entre les

prix des plateformes et les vendeurs de CD physiques en ligne tels qu’Amazon, ou la

FNAC :

All The Roadrunning Red Hot Chili Peppers Mark Knopfler Dani California (Album) (Single) Amazon France 16,97 6,58 FNAC en ligne 16,99 3,99 iTunes Music Store 9,99 0,99 MSN Music (OD2) 9,99 1,19 VirginMega.fr 9,99 0,99 Ecompil.fr 9,99 0,99 FNACMusic.com 9,99 0,99 SonyConnect N.A. 1,29

Prix constatés en euros le 25/04/06

Il existe donc un avantage en termes de prix plus important sur les singles

que sur les albums, ce qui incite d’autant plus les utilisateurs à acheter de la musique

à l’unité. En effet, le prix de la piste achetée à l’unité peut représenter jusqu’à 6 fois

le prix du single, tandis que pour les albums, le gain sera limité à 42%.

Un des derniers acteurs est le fournisseur d’accès Internet qui permet de

transférer le fichier du serveur vers l’ordinateur du consommateur. Les coûts liés à ce

transfert sont payés d’une part par le client, et d’autre part par la plateforme de

vente. Les frais de distribution sont eux aussi moins importants que dans le schéma

traditionnel.

Enfin, les firmes qui fabriquent des lecteurs portables font partie intégrante de

cette chaîne de valeur, car elles participent au choix de la plateforme utilisée. Apple

et Sony ont toutes les deux des plateformes de vente légale, pour lesquelles elles

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-51-

détiennent un format d’encodage propriétaire permettant de protéger les œuvres.

Elles fabriquent également des baladeurs portables. Ces firmes ont eu comme

stratégie de verrouiller leurs clients. En effet, lorsqu’un client achète un baladeur

produit par ces deux firmes, il ne peut effectuer ses achats de musique légale que

sur la plateforme du constructeur : Sony et Apple interdisent à leurs concurrents

d’encoder la musique dans le format dont elles détiennent les droits (ATRAC 3 Open

MG et AAC FairPlay). La première conséquence est que les plateformes concurrentes

ne peuvent proposer de morceaux transférables sur les baladeurs Sony et Apple.

D’autre part, ces dernières ne rendent pas compatibles leurs baladeurs portables

avec les formats concurrents. Les clients sont totalement verrouillés. Enfin, si on se

projette dans le futur, et si les formats AAC et ATRAC 3 restent associés aux

plateformes iTunes et Sony Connect, le client restera verrouillé sur une longue

période. Lorsque ce dernier voudra changer son baladeur numérique, il devra

prendre en compte les coûts supplémentaires qu’induit un changement de

constructeur. Les coûts d’opportunités peuvent s’avérer élevés, car il faudra que le

client rachète toute la musique dans le nouveau format que gère son baladeur

portable. D’autre part, les entreprises ne disposant d’aucune plateforme de

téléchargement peuvent voir en celles existantes une opportunité, en rendant leurs

baladeurs compatibles avec le WMA DRM de Microsoft. Microsoft ayant par ailleurs

pris l’initiative de répertorier les baladeurs compatibles avec son format69.

Le dernier point à aborder est l’entrée de nombreux acteurs multimédias, de

fournisseurs d’accès Internet dans la vente de musique en ligne. Ces acteurs trustent

généralement beaucoup de visiteurs sur leurs sites. Cependant certains de ces

acteurs ne bénéficient pas de toutes les compétences en termes de filière musicale.

Ces acteurs s’introduisent donc sur le marché avec des plateformes à marque

blanche : Une plateforme à marque blanche, est une plateforme que fournit un

prestataire tel qu’OD270 et qui est customisée par l’entreprise, qui y appose son logo,

et plus généralement sa marque afin de l’intégrer à son site Internet. Il existe deux

69 http://www.microsoft.com/windows/windowsmedia/devices/default.mspx 70 OD2 est un service distribué en France sous les étiquettes MSN, MTV, Wanadoo, M6, Alice, Alapage, Cora, Système U, Packard Bell, M6.

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-52-

prestataires principaux, OD2, et MusicNet71, ce dernier n’étant disponible qu’aux

Etats-Unis.

Il est à noter que les distributeurs traditionnels tels que les détaillants

disparaissent de la chaîne de valeur, en laissant leur place à des acteurs dont le

pouvoir de négociation est plus fort. On peut signaler que les distributeurs de

musique numérique appartiennent soit à des majors, soit à des entreprises micro-

informatiques, soit à des tiers.

3.1.2Le principe de facturation :

3.1.2.1 les systèmes proposés

De nouvelles façons de consommer la musique ont donc vu le jour. Il en

ressort que deux principales façon de la commercialiser sont proposées aux

utilisateurs : la vente ou le streaming. Ces deux types de commercialisation se font à

l’acte, sauf aux Etats-Unis ou il existe des plateformes forfaitisant l’accès à la

musique72.

Dans le premier cas, le consommateur devient le détenteur de l’œuvre, et

peut enregistrer celle-ci sur son disque dur, et la transférer « à son gré » sur d’autres

supports : cette forme de consommation est plutôt destinée aux détenteurs de

baladeurs numériques. D’autre part, la vente peut avoir lieu « à la carte », c’est-à-

dire, par achat unitaire de piste provenant d’un album, ou par album.

Dans le second cas, le consommateur, pour un prix plus modique ne peut

qu’écouter une fois le morceau, sans avoir la possibilité de le conserver, de le graver,

ni même de le transférer sur un lecteur portable, car il n’en détient pas les droits. En

71 MusicNet fournit les plateformes de Yahoo.com, AOL.Com, Virgin Digital… 72 Aux Etats-Unis une troisième voie est proposée : elle consiste à payer un abonnement mensuel permettant de télécharger un nombre illimité de fichiers, qui seront lisibles aussi longtemps que le consommateur paye son abonnement. La licence du fichier est renouvelée périodiquement. Cette forme de consommation s’apparente à de la location.

Page 53: la-crise

-53-

effet, la musique est diffusée en temps réel sur l’ordinateur du consommateur,

obtenue sous forme de flux depuis la plateforme musicale.

3.1.2.2 Les flux générés

Deux scénarios sont possibles quant à la distribution des revenus, et surtout

au fait que l’industrie génère ou non un profit. Dans le premier cas, il ressort que

l’industrie vend à perte, c’est l’hypothèse basse, caractérisée par des coûts élevés,

tandis que dans le second, elle génère un léger profit sur chaque chanson vendue, et

dispose de coûts faibles. D’après EMI Music, la vente d’un morceau à 99 centimes ne

permettrait de dégager qu’un profit compris entre 5 et 10 centimes.

Si on part de l’hypothèse de base que la plateforme vend chaque titre à un prix de

0.99 euros, on obtiendra les flux suivants :

Hypothèse basse Hypothèse haute Major et Artiste 0,67 0,40 Institution Financière 0,30 0,10 Editeur 0,12 0,10 Frais d'exploitation 0,25 0,10 Prix de vente 0,99 0,99 Perte -0,35 Profit 0,29

Le prix payé est généralement de 99 centimes, et peut être modulé en

fonction des droits dont dispose le consommateur. Ainsi, le droit d’écouter un

nombre illimité de fois le fichier serait de 79 centimes. Le droit de graver le fichier

coûterait 15 centimes de plus. Enfin, le transfert sur un baladeur numérique aurait

un coût de 24 centimes. Les nouveaux acteurs présents dans la chaîne de valeur

comme les intermédiaires financiers, les entreprises chargées d’encoder les

morceaux, et les fabricants de baladeurs portables bénéficient de retombées

financières non négligeables.

Page 54: la-crise

-54-

3.2 Perspectives d’évolution et de rentabilisation

3.2.1 Perspectives d’évolution du marché

Le marché de la musique en ligne n’a réellement pris son essor que lorsque

les majors ont donné leur accord pour qu’une grande partie de leur répertoire soit

numérisé. Ce qui a donc permis aux plateformes légales de proposer un choix plus

important aux consommateurs potentiels. iTunes Music Store a récemment dépassé

le cap du milliard de téléchargements cumulés depuis son ouverture. Cependant, des

données fiables et récentes sont relativement dures à obtenir. Malgré tout, l’IFPI a

estimé que les téléchargements légaux ont été de l’ordre de 420 millions de titres

durant l’année 2005 (156 millions en 2004), représentant 6% des ventes mondiales

de musique73. Ainsi, en France, les ventes sont passées entre 2004 et 2005 de 1.5

millions de téléchargements à 8 millions de pistes téléchargées74. Cependant, ces

ventes peuvent paraître dérisoires par rapport au nombre de téléchargement sur les

réseaux P2P. En effet, les téléchargements légaux représentent moins de 5% des

fichiers musicaux téléchargés. En valeur, les téléchargements légaux ont été estimés

à 310 millions d’USD pour 2004, et les perspectives futures d’évolution tablent sur un

rythme de croissance annuel soutenu. Les téléchargements légaux représenteraient à

l’horizon 2009 de 10% à 15% tout au plus des ventes de musique mondiales.

Cependant, l’avenir est fortement incertain, car ce marché est analysé comme un

marché de niche par certains experts, tandis que d’autres pensent qu’il pourra

remplacer le CD.

Il faut aussi évoquer l’augmentation des prix. Même s’il existe sur certaines

plateformes une différence de prix entre les nouveautés et les titres plus anciens,

cette pratique n’est pas une généralité. Nous avons vu que les utilisateurs achetaient

plus rarement des albums « entiers », et préféraient un achat au morceau, car

l’avantage en termes de prix est plus important. Ainsi, les prévisions de croissance

des prix sont plus élevées sur les pistes achetées de façon isolée que sur les albums

73 L’IFPI inclue les sonneries pour téléphone portable dans ce pourcentage. 74 D’autres données sont disponibles : Etats-Unis (143 à 353), Royaume-Uni (5.8 à 26.4), Allemagne (6.4 à 21)

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-55-

entiers : les prix devraient donc croître de 21 % pour les morceaux achetés de façon

isolée à l’horizon 2008, tandis que les albums n’augmenteraient que de 2 %. En

effet, l’industrie doit revoir sa logique : dans le cas de la musique traditionnelle, nous

avons évoqué le cas du single, qui n’était pas rentable et qui avait un but

promotionnel. Cependant, étant donné cette nouvelle façon de consommer,

l’industrie doit revoir sa stratégie afin de tirer des profits sur les pistes vendues à

l’unité.

3.2.2 Evolution des différents acteurs

Concernant les perspectives d’évolutions des distributeurs traditionnels de

petite taille, la baisse des prix de la musique en ligne ne fera qu’accroître le

désintérêt des consommateurs pour le support physique, ce qui peut se traduire par

une limitation du nombre de références, une diminution des marges, mais aussi une

évolution de la surface de vente consacrée au DVD.

Les grandes surfaces qui représentent la majeure partie des ventes de CD

peuvent rechercher à créer des partenariats avec les maisons de disques et à

s’insérer sur le marché de la musique75 en ligne par le biais de plateforme à marque

blanche. D’autre part, la surface de vente consacrée aux CD, qui a diminué ces

dernières années va encore continuer à décliner. Seuls les artistes créant une

demande importante auront leurs albums placés dans ces magasins. Une entrée de

tels acteurs sur le marché de la musique en ligne créera une dynamique permettant

un abaissement des prix, car une guerre des prix n’est pas à exclure.

Les majors quant à elles en raison des faibles marges sur la musique

numérisée risquent de favoriser les ventes en volume et minorer leurs

investissements sur les nouveaux artistes. D’autre part, les techniques de marketing

direct permettant de toucher le consommateur directement doivent encore

s’améliorer. Les artistes vont quant à eux connaître des jours difficiles. Dans le

modèle classique, seul un artiste sur dix était rentable. Les maisons de disque vont

75 Système U en France. E. Leclerc ouvrira lui aussi un site de téléchargement en 2006.

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-56-

durcir leur sélection, car il sera plus difficile avec cette nouvelle forme de vente de

rentabiliser les coûts d’enregistrement.

Enfin, pour les consommateurs, l’impact principal sera un choix quasi similaire entre

les plateformes. La valeur ajoutée viendra notamment de la façon dont les

infomédiaires réussiront à clarifier l’offre.

L’avenir reste incertain, mais il est clair que les maisons de disques, qui

avaient connu un succès important avec l’introduction du CD devront aussi tendre à

diversifier leurs sources de revenus76. Au final, l’industrie du disque est en train de se

restructurer pour tenter de tirer profit de ce nouveau marché.

76 Les sonneries de téléphone portable semblent être un segment profitable. D’autres plateformes verront le jour, car il existe une convergence de nombreux appareils domestiques vers les contenus multimédias.

Page 57: la-crise

-57-

CONCLUSION

La musique numérisée est une évolution majeure dans cette industrie, qui

n’avait guère connu d’évolution technologique majeure depuis le CD dans les années

80. Les baisses des ventes liées au piratage sur les réseaux P2P pourront sans doute

être résorbées, si l’industrie sait exploiter ce nouveau canal de distribution. La

prospérité des plateformes légales réside en une clarification des tarifs proposés et

en une minimisation des coûts de recherche. D’autre part, le succès réside aussi sur

les plateformes ayant un catalogue important. Enfin, il faut que les différents acteurs

du marché permettent une compatibilité et une interopérabilité totales afin de

favoriser le développement du téléchargement légal, que ce soit d’une part en

standardisant le format de vente, et d’autre part des lecteurs portables qui y sont

associés. Il faudra qu’un consensus s’établisse entre les différentes firmes pour

assurer l’interopérabilité, et la pérennité du système de téléchargement avec gestion

des droits numériques. D’autre part, les fabricants de baladeurs doivent aussi inciter

les utilisateurs à acheter légalement. En effet, les baladeurs lisant les formats

protégés, et donc les fichiers achetés légalement sont vendus plus cher que les

baladeurs ne gérant pas les droits numériques, ce qui peut provoquer une certaine

antinomie : les consommateurs sont pénalisés quand ils achètent légalement de la

musique, car le fait de pouvoir la rendre mobile leur coûte plus cher que les individus

utilisant les réseaux P2P. Au final, l’entrée de nouveaux acteurs issus de la grande

distribution devrait accroître la concurrence sur le marché. La crise dans laquelle était

entrée l’industrie du disque s’est résorbée sur le marché américain, premier marché

consommateur de musique légale sous forme numérique et il est vraisemblable que

les opportunités de croissance sont élevées.

Page 58: la-crise

-58-

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-61-

ANNEXE 1 : STATISTIQUES DES VENTES DE MUSIQUES SUR LE MARCHÉ AMÉRICAIN DE 1994 À 2004(SOURCE :

RIAA)

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ANNEXE 2: DONNÉES RETRAITÉES : ÉVOLUTION DES VENTES D’ALBUMS ET DES

CONNEXIONS HAUT DÉBIT EN FRANCE ET AUX ETATS UNIS (SOURCES : OCDE,

RIAA, SNEP)

2001 2002 2003 2004 2005-Q2

France (foyers connectés en haut débit) 1,0 2,8 5,9 10,5 12,8

Evolution ventes albums France 10,78 2,49 -11,11 -11,92 Na

Evolution ventes albums Etats-Unis -6,43 -8,91 -7,15 2,82 Na

Etats-Unis (foyers connectés en haut débit) 4,5 6,9 9,7 12,9 14,5

ANNEXE 3: SOUSCRIPTEURS D’ABONNEMENTS À L’INTERNET DANS LES PAYS DE

L’OCDE (SOURCE: BASE DE DONNÉE DE L’OCDE)

1999 2000 2001 2002 2003

Total Internet subscribers (including broadband) 106,3 163,7 197,8 241,8 262,9

Broadband subscribers 4,1 15,2 33,2 56,1 83,9

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-63-

ANNEXE 4: FOYERS AYANT ACCÈS À L’INTERNET, EXPRIMÉ EN POURCENTAGE

DU NOMBRE DE FOYERS (SOURCE: BASE DE DONNÉES DE L’OCDE)

2001 2002 2003

Denmark 59 55,64 64,19

Netherlands .. 58 58,89

Norway .. .. 55,33

United Kingdom 40 49,72 55,11

Canada 48,7 51,4 54,5

Sweden 53,3 .. ..

Korea 39,87 51,33 ..

Germany 36 43,34 51,18

United States 50,5 .. ..

Finland 39,5 44,28 47,36

Australia 42 46 ..

Luxembourg .. 39,89 45,39

New Zealand1 37,4 .. ..

Austria .. 30,87 36,21

Ireland .. .. 35,62

Italy 27,34 30,92

France 18,1 23,04 27,81

Spain .. 17,36 25,23

Portugal 18 15,95 21,69

Czech Republic .. 16,41 ..

Greece .. 12,15 16,3

Mexico 6,2 .. ..

Internet access via any device (desktop computer, portable computer, TV, mobile phone etc.).

1. July 2000 - June 2001.

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ANNEXE 5: TAUX DE PÉNÉTRATION DE L’INTERNET HAUT DÉBIT DANS LES PAYS

DU G7 ET DE L’OCDE (SOURCE: BASE DE DONNÉE DE L’OCDE)

Canada Japan United States United Kingdom France OECD Germany Italy

2001 8,8 2,2 4,5 0,6 1,0 2,9 2,3 0,7

2002-Q1 9,6 3,0 5,2 0,8 1,3 3,4 2,9 1,0

2002-Q2 10,2 3,9 5,7 1,3 1,6 3,8 3,2 1,2

2002-Q3 11,0 4,8 6,4 1,7 1,8 4,3 3,6 1,3

2002 12,1 6,1 6,9 2,3 2,8 4,9 4,1 1,7

2003-Q1 12,5 7,4 7,5 3,0 3,5 5,4 4,6 2,4

2003-Q2 13,1 8,6 8,1 3,7 4,0 6,0 4,8 2,8

2003-Q3 13,9 9,6 8,8 4,4 4,6 6,5 5,2 3,2

2003 15,1 10,7 9,7 5,4 5,9 7,3 5,6 4,1

2004-Q1 15,8 11,7 10,3 6,3 7,1 7,8 6,1 4,9

2004-Q2 16,4 12,7 10,9 7,4 7,9 8,5 6,6 6,0

2004-Q3 16,8 13,5 11,7 8,8 8,8 9,2 7,2 6,7

2004 17,6 15,0 12,9 10,5 10,5 10,2 8,4 8,1

2005-Q1 18,6 15,6 13,7 12,2 11,9 11,0 9,3 8,9

2005-Q2 19,2 16,4 14,5 13,5 12,8 11,8 10,2 10,0

ANNEXE 6: RÉPARTITION DES DÉPENSES DE LOISIRS DES FRANCAIS (SOURCE:

INSEE, ENQUETE PERMANENTE SUR LES CONDITIONS DE VIE)

Dépenses culturelles et de loisirs

%

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

TV, Hi-Fi, Vidéo, Photo 14,7 14,2 12,8 12,3 11,7 11,4 10,8 10,4 10,5 10,6 10,8 10,7 10,3 10,0 10,0

Informatique (y compris logiciels, CD Rom) 1,9 2,1 1,9 2,3 3,1 4,3 4,8 5,6 6,5 7,1 7,7 7,1 6,9 7,0 7,5

Disques, Cassettes, Pellicules photo 5,9 6,1 6,3 6,3 6,3 6,2 6,0 6,1 5,9 5,7 5,5 5,7 6,0 5,8 5,5

Autres biens culturels et de loisirs 3,9 3,8 3,6 3,3 3,2 3,1 3,2 2,9 3,1 3,3 3,4 3,4 3,4 3,1 3,1

Jeux, Jouets, Articles de sport 8,8 9,0 9,0 8,6 8,6 8,7 8,5 8,6 8,4 8,3 8,5 8,8 8,9 9,0 8,7

Jardinage, animaux de compagnie 14,2 14,1 14,1 13,9 13,6 13,1 13,3 13,1 12,6 12,2 11,9 11,7 11,9 12,0 11,8

Spectacles, cinéma, voyages 14,1 14,0 13,9 14,6 15,3 15,1 15,6 15,7 16,0 16,1 16,4 16,4 16,7 17,4 17,8

Jeux de hasard 6,7 6,8 7,7 7,9 7,8 8,0 8,5 8,6 8,5 8,5 8,6 8,7 9,2 9,4 9,8

Services culturels (y compris redevance TV) 9,6 9,8 10,3 10,6 10,6 10,9 11,2 11,6 11,8 11,9 11,6 11,7 11,3 11,1 11,0

Presse, livres et papeterie 20,2 20,2 20,3 20,1 19,8 19,3 18,3 17,5 16,7 16,4 15,8 15,8 15,4 15,2 15,0

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ANNEXE 7 : NOMBRE DE RÉFÉRENCES COMMERCIALISÉES PAR SUPPORT

( SOURCE : SNEP)

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Albums commercialisés 1451 2102 2161 2307 2063 2188 2672 2535 3314 2065 1611

Singles commercialisés 720 1000 1012 1010 880 955 916 784 656 508 369

ANNEXE 8 : VENTES MONDIALES DE SUPPORTS MUSICAUX (SOURCES : IFPI &

OCDE)

Vente d'unités

Taux de croissance annuel

Valeur USD courants

Taux de croissance

1974 1036,1 5142,4

1975 1071,1 3,38% 5891,2 14,56%

1976 1204,1 12,42% 6882,1 16,82%

1977 1453,7 20,73% 8082,7 17,45%

1978 1570,5 8,03% 10191,8 26,09%

1979 1573,5 0,19% 10748,1 5,46%

1980 1527,4 -2,93% 11432,9 6,37%

1981 1831,1 19,88% 12292,5 7,52%

1982 1694,5 -7,46% 11192,5 -8,95%

1983 1782,2 5,18% 12000 7,21%

1984 1819,7 2,10% 11850,5 -1,25%

1985 1874,3 3,00% 12138 2,43%

1986 1880 0,30% 13888 14,42%

1987 2020 7,45% 16450 18,45%

1988 2378,3 17,74% 20207,7 22,84%

1989 2508,9 5,49% 21291,9 5,37%

1990 2678,6 6,76% 24103,8 13,21%

1991 2841,8 6,09% 37283,8 54,68%

1992 2624 -7,66% 28957,9 -22,33%

1993 2762,1 5,26% 30696,3 6,00%

1994 3078,3 11,45% 35761,6 16,50%

1995 3199,3 3,93% 39448,6 10,31%

1996 3334,8 4,24% 39464,6 0,04%

1997 3329,8 -0,15% 38179,1 -3,26%

1998 3330,5 0,02% 38074,7 -0,27%

1999 3390,6 1,80% 38588,9 1,35%

2000 3325,4 -1,92% 36666,1 -4,98%

2001 3155,4 -5,11% 34514,8 -5,87%

2002 2909 -7,81% 32277,8 -6,48%

2003 2746,5 -5,59% 32036 -0,75%

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-66-

ANNEXE 9: BILAN DES VENTES DE MUSIQUE POUR 5 PAYS SUR LA PÉRIODE

1995 À 2004 (SOURCE : SNEP)

Page 67: la-crise

-67-

ANNEXE 10: TAUX DE PÉNÉTRATION DES LECTEURS PORTABLES NUMÉRIQUES

SUR 6 MARCHÉS EN 2003 ET 2004 (SOURCE : IFPI)

ANNEXE 11: ESTIMATION DU NOMBRE DE FICHIERS MUSICAUX ILLÉGAUX

CIRCULANT SUR L’INTERNET, EXPRIMÉ EN MILLION DE PISTES (SOURCE : IFPI)

Page 68: la-crise

-68-

ANNEXE 12: INDICATEURS DE RESSERREMENT DES PLAYLISTS DES RADIOS

(SOURCE : SNEP)

ANNEXE 13: PART DE LA PROGRAMMATION OCCUPÉE PAR LES TITRES LES PLUS

DIFFUSÉS SUR LA SEMAINE DE RÉFÉRENCE DU 10 AU 16 JUIN 2005 (SOURCE :

SNEP)

Page 69: la-crise

-69-

ANNEXE 14: DÉCOMPOSTION DES ÉCHANGES DE DONNÉES SUR L’INTERNET

REPARTI PAR TYPE. (SOURCE : CACHELOGIC)

ANNEXE 15: CLASSIFICATION DES PROTOCOLES P2P UTILISÉS SUR UN PANEL

DE 29 PAYS (SOURCE : CACHELOGIC)

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ANNEXE 16: DÉCOMPOSITION DES FICHIERS ECHANGÉS, EXPRIMÉS EN

POURCENTAGE ET PONDÉRÉS PAR LE VOLUME (SOURCE : CAHCELOGIC)

ANNEXE 17: PROVENANCE DES PISTES MUSICALES TÉLÉCHARGÉES (SOURCE :

PEW INTERNET & AMERICAN PROJECT)

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ANNEXE 18: PROGRAMME DE LICENCE DU FORMAT WMA DE MICROSOFT

(SOURCE : MICROSOFT)