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Kalvingrad et autres cités Krisroy Witold

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Kalvingrad et autres cités

Krisroy Witold

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----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 144 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,055 mm) = 9.92 ----------------------------------------------------------------------------

Kalvingrad et autres cités

Krisroy Witold

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Prologue

Sortir les choses de la pensée, oublier celles qui restent pensées, penser de nouvelles choses, sans les remâcher sans cesse (penser à éviter la répétition à répétition) ; déboucler la boucle, réaliser et ne pas oublier de respirer.

Recette de cuisine de Kalvingrad et d’ailleurs

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Au cœur de la galaxie

Lors de notre première rencontre, je lui ai offert « Les jolies choses », un livre dont le titre me plaisait. Lors de notre dernier café, elle m’a donné « Voici Macbeth, l’assassin du sommeil », un hommage à William Shakespeare, comme petit cadeau de Noël à la sauvette, un fascicule où l’on peut lire en presque toutes les langues cette citation :

Brûle, fonds, brève bougie ! La vie n’est qu’une ombre qui fuit, un pauvre histrion Qui parade et pleure un temps sur scène Puis sombre dans le silence. C’est une histoire Contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur Sans aucune signification.

Email du 19 février 2005 : Voilà deux semaines que nous sommes séparés. Notre séparation la plus longue depuis notre première nuit. Bien sûr, il y a eu des séparations invisibles, beaucoup plus longues, celles de ta « double vie » qui ne finira sans doute jamais.

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Los Angeles

Quatre voies dans chaque sens le long du Pacifique, l’autoroute entre Santa Barbara et LA. Du chardonnay frais, plein de saveurs, et des pâtes aux fruits de mer reposent en nous. Petit délire culinaire délicieux consommé avec la douce jouissance d’êtres anodins.

Elle est au volant, moi à ses côtés, somnolant. Je me penche pour ramasser une carte postale qui

traîne à mes pieds : quelques dunes du désert de la Vallée de la Mort. Une pensée de fin subite m’effleure tandis qu’elle accélère et bifurque brusquement. Elle perd le contrôle de la vieille Hyunday alors qu’elle tentait de dépasser une autre voiture.

Angle mort dans le miroir, mort sans reflet devant nous, mort imminente. Je n’ai pas encore trente ans. Le soleil se couche dans la mer, imperturbable ; il se lèvera demain de la terre, toujours imperturbable.

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Du sable sépare les deux sens au trafic dense à cet endroit précis, alors que juste avant et juste après, c’est un mur de béton qui aurait achevé notre course.

Elle parvient à immobiliser la voiture dans ce sable, notre minuscule Désert de la Vie qu’aucune carte postale ne représentera jamais.

Ainsi, elle évite une première mort dans le sens et une deuxième mort dans la séparation entre les sens et une troisième mort dans le contresens.

Elle est sous choc, je reprends le volant et continue le chemin vers l’immensité de la ville amorphe.

Vivre, simplement vivre.

Suite de l’email du 19 février 2005 : Je commence à retrouver un certain calme et une certaine sérénité par rapport à nous, Aurora, toi et moi, ainsi qu’à notre entourage et les choses de la vie.

Calme trompeur. La haine mange l’âme.

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Paris

Sms 1 : J’ai une proposition à te faire : vivre tous les trois ici et maintenant, tout recommencer sans passé, loin de Kalvingrad, faire l’amour, faire notre bonheur et celui de notre fille, jouir de la vie. Sans autre.

Réfléchis, ressens. Sms 2 : Tu m’as offert un champ de hariclots, je

t’offre les champs élychés, sans tricher !

Sms 3 : Le cadeau d’anniversaire post « Assassin du sommeil » est un désire nommé « Résurrection du réveil ».

Sms 4 : Réveil des sens Sms 5 : Réveil de la lucidité Sms 6 : Réveil du rêve

Sms 7 : Réveil du réveil Dernier sms : Assassin du sommeil ou sommeil

assassin ?

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Aucune réponse. Sommeil assassin : la résurrection du réveil n’aura

pas lieu.

Dors bien, sans rêves.

Je fais le deuil qui s’y refuse, nuit blanche.

Le matin du 11 janvier 1999, une femme, débridée sur moi, jouit une dernière fois. Moi, qui suis déjà bridé par une autre femme que je labourerai le soir du même jour la première fois pour y semer et récolter tout ce que la terre offre d’amour et de haine.

Du Champ de fleurs, où fut exécuté un homme qui prêcha la terre ronde, aux ruines de la Baliverne. Destruction imaginée d’une conviction plate de cette terre qui deviendra mon image carrée de celle-ci. Ainsi pourrait-on résumer cette histoire.

Lecteur, ne cherche pas à comprendre tout de suite. Tout te sera dévoilé au fil des pages ou, à défaut, dans les lignes vides entre les paragraphes que tu combleras par ta propre histoire, qu’elle soit plate, ronde ou carrée. Et peut-être concluras-tu qu’il n’existe pas de formes pour raconter nos histoires, ni de contenus pour cerner ces formes.

Je regarde cette photo, jamais détruite, sur laquelle elle pose nue un dimanche matin après l’ivresse d’une chevauchée nocturne où l’Homme et la Bête sont devenus uns, bellissime, belliqueuse de l’amour.

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Suite de l’email du 19 février 2005 : Ce que je t’écris maintenant, je n’aurai pas pu l’écrire avant. Je ne sais pas si, à l’avenir, je l’écrirai ainsi.

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Dakar

Lumières qui noircissent la nuit, objets hétéroclites, telle Varsovie pendant l’état de guerre sous le général J., lumières pâles entre deux coupures de courant. Ville noire dans le noir. Capitale, à la marge de la marge : « A least developed country. »

« Atomisation globalisée, Afrique francophone et l’Organisation Mondiale du Tourisme – Une analyse futuriste du discours et de sa représentativité. » Livre, thèse de doctorat, une poésie sous couvert de travail scientifique, que je porte comme une bible dans ma découverte de cette terre brûlée. Dissertation, reflet de la beauté de cette femme sortie de la fable de l’univers. Fable qui sera écrite lorsque l’écriture sera aussi atavique que le sexe. Le sexe, « le génie italien » en allemand – « Genitalien », selon un graffiti aperçu l’autre jour. Le sexe, qui sert également d’orifice pour dégager ce qui a été avalé, noyé et broyé, ne l’oublions pas, nous autres euphémistes vespasiens du quotidien. Ou, à défaut, fable qui deviendra orale, voir muette,

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sans voix, voie sans issue. Rien ou tout, absolument, lire page 20 pour s’orienter dans le but de se perdre : « Le discours possède la puissance de générer des perceptions et de les légitimer. Ainsi, ce projet de recherche aboutira à une documentation de la mise en scène théâtrale de diverses réalités qui existent simultanément. »

Quelques objets s’étalent dans le restaurant où je lis à minuit quelques histoires courtes qu’elle m’a offertes (« Pour mon amour, histoires de Vienne à lire en Afrique lointaine »). Narrations brèves de la ville de sa mère, l’épouse Oiseau (Vogel). Objets recyclés de boîtes en fer blanc, « Moutarde de Dijon », « Insecticide », « Coca Cola », déchets que l’artisan anonyme a su récupérer d’une autre civilisation, les rendre beaux enfin et ainsi immortels grâce à leur nouvelle fonction qui n’en est plus une : orner.

Redonner vie. Le livre aussi est un objet, de même la femme « dans un monde dominé par les mâles » (tout comme la propriété serait également un sentiment, à en croire une ligne de dialogue maladroit d’un film que nous n’avons pas vu, car collés aux lèvres l’un à l’autre dans le noir de la salle obscure, aussi sombre que Dakar la nuit…). Sur mon petit écran de téléphone portable aux tarifs de communications usuraires luit l’image de ce personnage « of its own complexities ». L’incarnation de sa patrie perse, le pays de son père.

A la périphérie de toutes les choses éphémères,