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Lucie Gabourg L Ombre du dorlis L Ombre du dorlis

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LIS Lucie Gabourg

21.74 584998

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 282 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 21.74 ----------------------------------------------------------------------------

L’Ombre du dorlis

Lucie Gabourg

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Aux anciens pour leurs témoignages. Un grand merci à ceux qui se reconnaîtront pour leur sagesse, pour m’avoir accompagnée dans ma quête de l’existence réelle de ces êtres que l’on appelle incubes ou succubes, plus communément appelés dorlis.

Dans la culture antillaise, c’est un mythe incontournable qui prend tout son sens en fonction de la croyance mystico-religieuse de chaque individu.

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« Dans le monde physique qu’on appelle Brute, les forts

enfoncent les faibles. Un pulmonique ne crève pas le poitrail d’Hercule. »

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« Dans le monde intellectuel et social, c’est l’opposé, les faibles foulent au pied les forts.

Quelle dérision, mais c’est comme cela.

Joli petit monde ! »

Barbey d’Aurevilly

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Dans la mythologie hébraïque, le dorlis (incube) serait un ange déchu par la luxure, devenu démon, qui chercherait

à pénétrer des femmes pendant leur sommeil.

Le mot incube vient du latin incubus qui veut dire « ce qui couche dessus », contrairement à la succube (femme dorlis) qui veut dire « celle qui se couche dessous ».

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L’avion de la compagnie d’Air France,

précisément le vol AF 841 en provenance de Paris aéroport Charles-de-Gaulle, venait d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport Aimé-Césaire de Fort-de-France. Il était 17 heures, heure de Martinique.

Le voyage s’était moyennement déroulé en raison des nombreuses zones de turbulences. Les craquements de l’appareil avaient créé une sensation de mal-être à cette jeune femme qui allait découvrir les Antilles pour la première fois.

Accompagnée de son époux, les yeux pétillants de bonheur, elle suivait pas à pas tous ces passagers qui après un ouf de soulagement empruntaient le couloir pour récupérer leurs bagages sur le tapis roulant.

Ce jeune couple avait choisi la Martinique pour vivre leur idylle suite aux nombreux problèmes rencontrés concernant leur union.

Albert et Anna entendaient bien profiter de l’opportunité qui leur avait été donnée pour s’épanouir avec leurs deux fils.

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Il venait d’obtenir une mutation en tant que policier dans son pays d’origine. Anna, la belle Indienne, avait fui son Inde natale pour se marier en toute illégalité, malgré un père tyrannique et riche. Elle avait agi contre sa volonté, violant la coutume ancestrale qui obligeait les jeunes filles à épouser l’homme qui leur avait été choisi.

Changer de prénom était pour la jeune femme le seul moyen de ne pas se faire repérer par les instances policières déployées dans toute l’Europe. Albert, faisant lui-même partie de l’une d’entre elles en France métropolitaine, possédait toutes les cartes en main pour contrecarrer les plans de ces hommes de loi. En réalité, elle s’appelait Amiya.

Albert, devenu l’unique héritier de sa mère décédée, avait en sa possession une belle villa située dans la plaine du Lamentin, en zone franche, artisanale et commerciale.

Une partie de la ville avait accueilli, au début des années 1960, des personnes qui avaient migré depuis le nord pour y trouver du travail et avaient emporté dans leurs bagages des pratiques malsaines.

Celles-ci faisaient parler d’elles depuis l’Antiquité et venaient à combler les indésirables avides de sexe.

Albert, qui ne savait pas ce qui l’attendait précisément et à vrai dire s’en fichait, était heureux de revenir au pays avec celle qu’il aimait, et ses deux adorables beautés princières à la peau mate et aux cheveux bouclés.

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De beaux jours s’annonçaient pour cette belle famille, tout semblait lui sourire. Le père d’Anna était un riche marchand de tissus dans la capitale indienne. Chacune de ses filles, même avant qu’elles ne voient le jour, était déjà promise.

Étant la dernière d’une lignée de six, son mariage se préparait avec toutes les facettes d’une incommensurable et grandiose fête, les autres déjà « livrées » à leurs époux.

Elle avait toujours été contre cette pratique, mais ne disait rien de peur de se voir privée de la vie confortable que lui offrait son père. C’est ainsi qu’à l’âge de douze ans, elle rencontra la famille de son futur époux.

Agréablement surpris par la beauté de la jeune fille, impressionné par sa démarche gracieuse, quand il l’aperçut avançant vers lui accompagnée de ses parents, il resta sans voix. Maladivement timide, il détourna la tête lorsqu’elle pointa son regard dans sa direction. À son tour, elle baissa la tête.

Parée d’un sari, mise en valeur par les nombreux bijoux qu’elle portait, elle était encore plus en beauté ce jour. Elle gardait la tête baissée, et ce durant tout le temps que les parents discutaient de leur éventuel mariage.

De temps en temps son père, discrètement, lui faisait quelques signes pour qu’elle sourît. Maladroitement, elle s’en efforçait, comme si elle effectuait une tâche difficile. Timidement, elle laissait

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se dessiner un sourire forcé sur ses lèvres de jeune pubère.

La rencontre fut de courte durée, son père étant contrarié par son attitude. Néanmoins, il restait fier de son choix d’époux pour la dernière de ses filles. Choix qui s’était porté sur le jeune fils d’un homme riche de la capitale indienne, qu’il connaissait bien.

Davantage intéressé par l’argent, il se frottait déjà les mains à l’idée que ce jeune homme était non seulement parfait pour sa fille, beau, et plein aux as, mais en plus, étant l’unique fils de son ami, il hériterait d’une fortune de plusieurs millions de roupies.

La jeune pubère, qui avait bien entendu la tête ailleurs à douze ans, pensait à ses copines. Elle n’était pas complètement sortie du stade de l’enfance. Pré-adolescente, elle commençait juste à se découvrir. Que connaissait-elle de l’amour ? Elle restait la promise de ce jeune homme selon la coutume.

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Quelques années passèrent, et la voilà devenue

encore plus belle. La décision des parents était toujours au goût du jour, mais la jeune fille semblait avoir oublié qu’elle était promise à ce jeune homme qu’elle n’avait pas revu.

Avec la complicité de quelques copines, elle s’était inscrite à des cours de danse indienne, sans l’autorisation de ses parents, pour qui exhiber son corps à moitié nu dans une salle était une entrave à son éducation et contraire à leurs principes.

Elle adorait danser. Il lui arrivait de s’exprimer en ce sens sous le regard de son père, de sa mère, de sa grand-mère qui disait l’initier, car elle seule était dans la confidence : Amiya lui avait dit qu’elle restait aux cours du soir au lycée, pour pouvoir se rendre aux cours de danse.

La jeune femme dansait tellement bien que ses parents se doutaient de quelque chose, n’empêche qu’ils étaient très contents de savoir que leur fille était une bonne danseuse, ce qui serait un atout aux yeux

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de son futur époux. La danse indienne faisait aussi partie de leurs traditions.

Elle continuait de se rendre à ses cours de danse en cachette, accompagnée de ses copines qui elles aussi partageaient le même sort qu’elle. Il leur arrivait de temps en temps de se fondre dans la masse bruyante de la capitale, mais Amiya avait une peur farouche de tomber nez à nez avec son père qui sillonnait parfois les routes en tant que commercial pour vendre ses marchandises.

Les adolescentes observaient seulement quelques règles de conduite par rapport à leur éducation très stricte, mais de temps en temps elles partaient dans un délire exagéré à la vue de certains beaux jeunes gens qui leur faisaient la cour.

Ces attitudes flatteuses les conduisaient à de tels états d’excitation qu’elles en arrivaient, sur un coup de main, à attraper une petite marchandise sur les étals des marchands qui, occupés à vociférer pour vendre leurs produits, ne voyaient presque rien. Elles devenaient dans ces moments-là de vraies chipies.

Lors d’un délire, Amiya fut prise la main dans le sac et fut poursuivie par le vendeur. Ce jour-là, la chance encore une fois lui avait souri car elle fut sauvée in extremis par un inconnu au coin d’une rue, qui se trouvait là depuis quelque temps, en mission d’observation dans le cadre de son travail.

Elle se sentit alors happée par quelqu’un qui la serra tout contre lui, donnant son dos à cet instant au

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vendeur qui poursuivit son chemin dans la mauvaise direction.

D’un geste brusque, elle le poussa quand elle se rendit compte que son poursuivant ne l’avait pas repérée, tout en le regardant. Quand elle découvrit la beauté pure qui lui faisait face, il se passa quelque chose en elle qu’elle ne put expliquer.

Elle fut prise de panique et partit aussi rapidement qu’elle était arrivée dans ce couloir sombre où il se trouvait, avec l’image de cet inconnu qui la suivait comme son ombre, gravée au plus profond de sa mémoire.

Tout en s’éloignant, elle se retournait de temps en temps pour voir s’il l’observait. Le jeune inconnu avait déjà disparu, se fondant lui aussi dans la masse des marchands et acheteurs qui occupaient une bonne partie de la place spécialement consacrée à la vente de produits en tout genre. Néanmoins son image restait présente dans son esprit.

Depuis quelque temps, elle avait remarqué sa présence au coin de cette rue, toujours posté à cette même place, pratiquement immobile, et les rares fois où leurs regards s’étaient croisés à distance, il semblait être indifférent, il restait impassible.

Surprise de penser à lui depuis l’instant où il l’avait presque serrée dans ses bras quand elle avait fui son poursuivant, couchée sur son lit, les yeux fixés au plafond, elle se posait beaucoup de questions, le

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sentant très proche d’elle, au point d’être sûre qu’il n’était pas très loin.

D’une beauté légendaire et divine, il lui donnait l’impression de n’avoir jamais existé, tant il paraissait parfait. La jeune fille n’avait qu’une hâte, c’était d’être au lendemain afin de le revoir, car elle était bien décidée à y retourner, et ferait tout pour attirer son regard.

En elle naquit un profond malaise et, en même temps, une étrange sensation de bien-être, qu’elle ne pouvait s’expliquer.

Le jour à peine levé, elle projetait déjà de l’apercevoir et même de s’en approcher pour constater qu’il était bel et bien réel. À cause de sa timidité maladive, elle ne pourrait jamais lui poser toutes les questions qu’elle voulait à elle-même et pourtant, en quête de réponses, elle en brûlait de désir.

À son grand étonnement, quand elle arriva là où il était la veille, aucune trace de son inconnu. Elle se mit à regarder partout, mais il n’y était pas. Alors elle se rendit en cours.

Les minutes lui parurent interminables, elle écoutait ce que disait son professeur sans entendre un seul mot de son discours. Celui-ci, qui ne la quittait pas des yeux, comprit qu’elle était dans un autre monde et d’un ton sec l’appela :

– Mademoiselle Amiya ! Elle sursauta.

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– Auriez-vous un problème ? poursuivit-il, vous regardez sans cesse votre montre !

– Non monsieur, répondit-elle gênée.

Elle baissa alors la tête, tandis que les autres se mirent à se moquer d’elle.

Impatiente, elle continua de compter les heures jusqu’à la fin de ce dernier cours. L’envie de revoir cet inconnu était plus forte qu’elle, dépassant son entendement. Elle s’en fichait presque, mais il lui fallait des réponses.

Enfin la sonnerie retentit ! Elle se rua la première vers la sortie. Le professeur avait les yeux rivés sur elle, se doutant bien qu’il se passait quelque chose, car il l’avait toujours connue très attentive, mais ce jour-là, elle était ailleurs que dans une salle de classe. Il voulut l’interpeller, mais déjà elle avait disparu dans les couloirs de l’établissement, empruntant les marches de l’escalier, qu’elle dévala deux par deux.

Ses copines la suivaient comme elles pouvaient. Dans la confidence, toutes voulaient voir ce jeune et bel inconnu, dont elle avait vanté les mérites sans vraiment le connaître.

Elles se mirent à courir aussi rapidement qu’elles purent, afin de se rendre directement à l’emplacement de celui-ci. Qu’elle ne fut leur grande surprise à toutes de constater qu’il n’était plus là !

Comme elles ne l’avaient pas vu, elles crurent un instant qu’Amiya leur avait menti, mais elle insistait, ce qui prouvait qu’elle disait vrai, qu’elle avait bien été

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sauvée par lui la veille. Elles repartirent déçues, mais promirent de revenir le lendemain.

Chose dite, chose faite, le lendemain, elles y étaient, mais le bel inconnu semblait s’être volatilisé, ses copines à ce moment-là eurent vraiment un gros doute et décidèrent de ne plus l’accompagner.

Les jours suivants, elle y retourna, mais l’emplacement restait vide. Elle ressentit alors un dégoût de tout. Après les cours, elle rentrait et demeurait cloîtrée chez elle, plus rien ne l’intéressait vraiment, même la danse qui représentait une part importante dans sa vie était mise de côté.

Amorphe, la jeune fille n’avait plus aucune motivation. Elle qui avait toujours été bonne élève, obtenait à présent des résultats scolaires médiocres, ce qui attira fortement l’attention de ses parents. Ils avaient bien remarqué que leur fille s’était renfermée, mais ils avaient mis cela sur le compte de la crise d’adolescence. Ils voulurent connaître les vraies causes et téléphonèrent à son chef établissement. Ils étaient loin de se douter qu’elle était amoureuse, et que c’était cela la vraie raison de son état, et qu’en plus celui qui était devenu son amoureux secret avait disparu, comme il était apparu dans sa vie.

Tombée amoureuse sans savoir qui était ce jeune homme. D’où venait-il ? Cela lui importait peu, l’essentiel était qu’elle avait eu la chance de s’être blottie contre ce corps d’athlète qui semblait sortir tout droit d’un autre monde, d’une autre planète. Elle