Kaliningrad, entre l’Europe et la Russie

Séparée du reste de la Russie

depuis l'indépendance des pays Baltes,

la région de Kaliningrad va devenir une enclave russe

au sein de l'Union Européenne élargie.

Avant 1945, Kaliningrad s'appelait Königsberg

et était la capitale de la Prusse orientale.

Relater l'histoire d'une ville qui n'existe plus permet,

ici plus qu'ailleurs, de comprendre le présent

et d'imaginer, peut-être l'avenir. (d'après "Dessous des Cartes" – oct. 2003)

L'histoire de Kaliningrad commence au XIIIe s. autour de la Vistule et du Niémen

où vivent plusieurs tribus baltes, dont les Prussiens.

Ce sont des païens résistant aux tentatives de christianisation des missionnaires danois et polonais.

Ils s'attaquent au Duché de Mazovie, et pour contrer ces attaques,

le Duc de Mazovie fait appel en 1225 aux Chevaliers Teutoniques.

les Origines de la Prusse

la Conversion des Prussiens au christianisme

Les Chevaliers Teutoniques sont un Ordre ecclésiastique de moines-soldats,

qui ont déjà mené une croisade en Terre Sainte,

et ils dépendent des deux plus hautes autorités de l'époque,

le Pape et le Saint Empire Romain Germanique.

la Conversion des Prussiens au christianisme

A partir du pays de Kulm, territoire octroyé aux Chevaliers teutoniques au nord de la Pologne,

ces deniers lancent contre la Prusse païenne une véritable croisade,

forçant la conversion des Prussiens par la répression et la violence.

l'Avancée des Chevaliers Teutoniques

Les Chevaliers teutoniques marquent leur progression militaire

par la construction de forts le long des fleuves :

d'abord Thorn en 1231 sur la Vistule, puis Marienwerder, Marienburg, Elbing,

et Königsberg en 1255, le long de la Pregel.

l'État teutonique

En 50 ans environ, l'Ordre Teutonique organise en État l'ensemble des terres païennes

autour de la Baltique. Le reste de la région sera peu à peu soumise

et organisée grâce au commerce, sous l'effet des marchands de la Hanse.

la Ligue Hanséatique

La Ligue Hanséatique est une fédération de villes marchandes qui contrôle le commerce maritime

dans le nord de l'Europe, le long de l'axe Londres / Bruges / Lübeck / Riga / Novgorod.

Le bois, les céréales et les fourrures de l'Europe du Nord s'échangent

contre le vin, le sel, les étoffes de l'Europe occidentale et les épices d'Orient.

la Prospérité de l‘État teutonique

En confiant le commerce maritime vers la Prusse à des familles de marchands de Lübeck,

l'État teutonique rend prospère une région qui était jusqu'alors à l'état sauvage.

Par son organisation politique, il devient l'un des États les plus avancés d'Europe, au début du XVe s.

Il s'étend alors des États baltes à l'Oder.

Une civilisation prusso-allemande

Les populations prussiennes commencent alors à se mélanger aux populations allemandes

qui s'installent dans la région.

Cette assimilation fait ainsi émerger un pays, une civilisation, une identité prusso-allemande.

le Déclin de l'Ordre teutonique

Le XVe s. amorce une période de déclin pour l'Ordre teutonique :

à l'intérieur, marchands, artisans, et bourgeois se soulèvent pour revendiquer un partage du pouvoir ;

à l'extérieur, l'union entre Polonais et Lituaniens conduit à la guerre,

et au repli de l'Ordre teutonique sur la seule Prusse orientale.

L'ordre installe alors sa résidence à Königsberg.

Königsberg, résidence de l'Ordre

Au centre, on repère le fort construit par les Chevaliers teutoniques, nommé Königsberg

(Mont-Royal en français),

en l'honneur du roi de Bohême Ottokar II qui avait pris part à la conquête.

Königsberg, résidence de l'Ordre

Autour de ce fort devenu château se développe :

une vieille ville fortifiée, formée autour d'un marché entre la forteresse teutonique et le fleuve Pregel,

une nouvelle ville bâtie sur le flanc Est,

pour répondre à l'arrivée constante de marchands et d'artisans, et se nommant Löbenicht.

une troisième ville développée au XIVe s. face à la vieille ville, sur une île et nommée Kneiphof.

l'Influence protestante

Au début du XVIe s. Königsberg devient l'un des pôles de diffusion de la Réforme,

mais aussi des idées humanistes.

D'abord, le Grand maître teutonique Albert de Brandebourg se convertit au protestantisme.

Il élimine ainsi l'Ordre Teutonique et transforme la Prusse en un Duché héréditaire, à son profit.

l'Influence protestante

Il ouvre une imprimerie, permettant la traduction de la bible en allemand, vieux prussien et lituanien

Il fonde en 1544 une Université sur l'île de Kneiphof.

Des artistes, des savants tels que Copernic viennent à Königsberg.

C'est dans cette université que le philosophe Emmanuel Kant enseignera.

l'Émergence de la Prusse

A partir du XVIIe s. la Prusse devient un puissant État européen,

qui va jouer un rôle décisif dans l'histoire allemande.

La dynastie des Hohenzollern, qui règnent sur le Brandebourg,

hérite du Duché de Prusse en 1618, et de la Poméranie orientale après la guerre de Trente Ans.

Un Roi en Prusse

Le prestige de la Prusse se trouve grandi lorsque en 1701,

Frédéric III de Brandebourg se fait couronner à Königsberg Roi en Prusse, et non roi de Prusse,

afin de ne pas froisser l'Empereur du Saint Empire.

la Fin de la discontinuité territoriale

Dès lors, les Hohenzollern développent un État centralisé,

qui s'agrandit avant tout au détriment de la Pologne, démantelée à la fin du XVIIIe s.

Un vent de liberté venant de Königsberg

Début XIXe, c'est de Prusse orientale que part la rénovation de l'Etat et de la société.

Car après la défaite prussienne face aux troupes de Napoléon 1er,

c'est à Königsberg que s'est réfugié le couple royal.

C'est de là aussi que partent les idées libérales influencées par la philosophie de Kant,

qui vont apporter : fin du servage, liberté du travail, réforme de l'éducation, émancipation des Juifs.

la Guerre de libération

C'est de Königsberg que débute la libération de l'Allemagne des armées françaises de Napoléon,

jusqu'à la victoire de Leipzig en 1813 sur l'empereur des Français.

l'Unité allemande

En 1871, l'unité de l'Allemagne se réalise sous l'égide de la Prusse.

La Prusse orientale devient alors une partie de l'Empire allemand.

la Position carrefour de Königsberg

Comme depuis l'époque de la Hanse, Königsberg joue par sa position géographique

un rôle de carrefour commercial entre Allemagne, Baltique et Russie.

Elle est au cœur des réseaux ferrés :

Est-Ouest, Berlin-Saint-Pétersbourg, - et Nord-Sud, Odessa-Saint-Pétersbourg,.

De plus, ses ports de Pillau et Memel sont libres de glaces.

la Prusse orientale entre les deux guerres

Avec les pertes territoriales de l'Allemagne après la Première Guerre mondiale,

la Prusse Orientale est séparée du reste du pays par le corridor de Danzig,

qui avait été établi en 1920 pour fournir un accès à la mer à la Pologne ressuscitée.

la Prusse orientale entre les deux guerres

Avec les pertes territoriales de l'Allemagne après la Première Guerre mondiale,

la Prusse Orientale est séparée du reste du pays par le corridor de Danzig,

qui avait été établi en 1920 pour fournir un accès à la mer à la Pologne ressuscitée.

l'Occupation soviétique

La Prusse orientale ne se relèvera pas de la deuxième guerre mondiale.

Conformément aux accords de Yalta et Potsdam,

les territoires situés à l'est de la ligne Oder-Neisse

sont placés sous administration soviétique et polonaise. Et de facto, ils sont annexés.

Königsberg devient Kaliningrad

Le nord de la Prusse orientale devient une entité territoriale de l'Union soviétique.

Les populations allemandes qui n'ont pas encore fui

sont expulsées vers l'Allemagne à partir de 1948.

Le nom de Prusse disparaît de nos cartes d'Europe. Königsberg devient Kaliningrad en juillet 1946

en l'honneur de Kalinine, président du Soviet Suprême, décédé un mois plus tôt.

Une ville soviétique

Toutes les villes, villages, rues sont rebaptisés.

Le mot d'ordre est : transformer l'ancienne Königsberg en une ville modèle soviétique,

lui donner une autre identité, en faire un avant poste des bâtisseurs du communisme

dans la terre la plus à l'Ouest de l'URSS.

Après 1945 peu de territoire historique ont connu une rupture

aussi radicale et aussi violente

que cette Prusse orientale.

Échange complet des populations,

expulsion des Allemands, arrivée des peuples soviétiques,

éradication tout à fait volontaire

de tout ce qui pouvait faire penser à 700 ans d'histoire allemande.

Avec l'élargissement de l'Union à l'Est de l'Europe,

la région russe de Kaliningrad se retrouve enclavée au sein de

l'Union Européenne.

Quelles en sont les conséquences sur Kaliningrad, notamment au

niveau économique ?

Et quelle est la réponse apportée par la Russie?

Kaliningrad est au bord de la Baltique.

Elle est frontalière de la Lituanie au nord et à l'est, et de la Pologne au Sud.

Elle se trouve à 160 km de Gdansk, à 560 km de Berlin,

et à plus de 1200 km de Bruxelles ou de Moscou.

la Région de Kaliningrad

Kaliningrad, une enclave russe

Kaliningrad est russe. C'est l'un des 89 sujets de la Fédération de Russie.

Mais depuis la fin de l'Union soviétique, elle est séparée du reste de la Russie,

il faut passer trois frontières pour rejoindre Pskov,

la ville russe la plus proche, à 600 km de là.

Population de Kaliningrad

Kaliningrad fait 15 000 km², soit l'équivalent d'une région française comme la Franche-Comté.

Elle a 950 000 habitants, dont la moitié vivent dans la capitale,

qui se nomme également Kaliningrad,

d'après le nom de Kalinine, président du soviet suprême jusqu'en 1946.

Population de Kaliningrad

Le reste des habitants de cette région vit surtout dans les villes de

Sovietsk, Tcherniakovsk, Baltiisk.

78 % de la population est russe, 8 % biélorusse, 7 % ukrainienne, 2 % lituanienne,

la population restante se composant de Polonais, d'Allemands et au fond

de quasiment toutes les nationalités de l'ex-URSS (Arméniens, Azéris, Kirghizes, Kazakhs...).

les Atouts de Kaliningrad

L'économie de la région se base sur la filière bois et papier, l'électronique (fabrication de télévisions)

et surtout l'exploitation du pétrole, sur terre et en off shore

(mise en service du gisement D6 fin 2003).

les Atouts de Kaliningrad

Avec 10 Mns de t. de réserves prouvées, ce gisement permettra à la compagnie Lukoil

de doubler ses revenus, donc ceux de la région (Lukoil contribuant déjà à 15% du budget régional).

D'ailleurs on parle souvent de Kaliningrad comme de la "Lukoil-City".

90 % des réserves mondiales d'ambre se trouvent à Yantarny, au nord de la ville de Kaliningrad.

Une région très tournée vers la mer

Kaliningrad a la deuxième flotte de pêche de toute la Russie. Elle dispose de plusieurs ports :

- celui de Kaliningrad, port fluvial sur la Pregolia, relié à la Baltique par un chenal de 42 km de long ;

- le port de Svetly tourné vers la pêche, et le pétrole grâce au terminal pétrolier mis en place en 2000 ;

- le port militaire de Baltiisk, où un port civil est en construction pour les containers,

afin de développer les liaisons maritimes avec la Pologne voisine, mais aussi le tourisme.

les Atouts touristiques

Kaliningrad dispose d'atouts touristiques qui ne sont pas négligeables :

des stations balnéaires (Svetlogorsk, Zelenogradsk, Pionerski) le long de la Baltique ;

le Cordon des Coures, un site naturel unique, qui est classé au patrimoine Mondial de l'UNESCO ;

et plusieurs lieux d'intérêts historiques, car Kaliningrad avant 1945, s'appelait Königsberg

et était la capitale de la Prusse orientale.

Un passé allemand

Hormis le tombeau du philosophe Kant, et les lieux des grandes batailles napoléoniennes,

comme Friedland, Eylau ou Tilsit, il ne reste presque rien du passé allemand.

Comme la Prusse orientale et Königsberg étaient considérées par les Soviétiques

comme "le bastion du militarisme allemand", ils ont fait disparaître toutes traces du passé allemand

pour les couper de leurs racines, et ainsi tenter de mieux assimiler ce nouveau territoire.

Kaliningrad, une fonction stratégique

A l'échelle de l'Union soviétique, l'oblast de Kaliningrad jouait un rôle stratégique important.

La Baltique était alors le lieu d'affrontement entre Est et Ouest, pacte de Varsovie face à l'OTAN.

Kaliningrad abrite donc le siège de la flotte de la Baltique, car ses eaux sont libres de glace.

Avec la fin de la guerre froide, Kaliningrad n'a plus cette importance.

Kaliningrad, une fonction stratégique

Les effectifs de la Flotte de la Baltique sont passés

de plus de 100 000 hommes en 1991 à 10 000 à peine aujourd'hui.

Le commandement de la Flotte a été rattaché à Saint-Pétersbourg, tout comme la région d'ailleurs,

qui dépend du district du nord-ouest,

l'une des 7 super-régions créées par Vladimir Poutine en 2000.

"La petite Russie"

Kaliningrad représente à peine 0,1% du territoire de la Russie, le plus grand pays du monde.

Si bien qu'on l'appelle familièrement "petite Russie"

par opposition à la "grande Russie", la mère patrie.

l'Enclavement de Kaliningrad par l'Union européenne

Kaliningrad est séparée du reste de la Russie par la Lituanie et la Biélorussie

devenues indépendantes en 1991.

Elle se retrouve aujourd'hui dans une situation entièrement nouvelle,

car enclavée au sein de l'Union européenne, à partir du 1er mai 2004.

Comment gérer l'enclavement ?

La frontière entre l'enclave et la Pologne d'une part, et la Lituanie d'autre part,

va devenir une des frontières extérieures de l'Union européenne.

Or du fait de cet enclavement,

seule la Lituanie permet le transit routier et ferré des habitants de Kaliningrad vers la Russie.

Comment concilier libre circulation des Russes dans leur propre territoire, et respect de Schengen ?

le Transit de et vers Kaliningrad

En novembre 2002, Bruxelles et Moscou se sont mis d'accord

sur la mise en place d'un document de transit facilité.

Il s'agit d'un visa qui ne porte pas son nom, gratuit ou à un prix modique pour les entrées multiples,

qui permet le transit entre Kaliningrad et le reste de la Russie.

le Transit de et vers Kaliningrad

Cela permet à Bruxelles de contrôler les flux, tout en promettant en échange,

de financer une étude de faisabilité pour la construction d'un TGV sans arrêt via la Lituanie.

Ainsi, la Lituanie ne craint plus avec ce projet de devenir

un membre de l'espace Schengen de "seconde zone".

la Crainte du séparatisme

Moscou de son côté est rassuré, car la mise en place de visas aurait pu conduire

au développement de tendances séparatistes dans la région de Kaliningrad,

à l'instabilité de la région baltique.

Les Russes en allaient jusqu'à rappeler que c'est le "Corridor de Dantzig"

entre la Prusse orientale et l'Allemagne qui avait conduit à la guerre en 1939.

les Inégalités avec les autres pays de la région

Autre sujet d'inquiétude pour l'Union européenne, c'est l'important taux de chômage

et le faible niveau de vie comparé aux futurs membres de l'Union :

le PNB de Kaliningrad ne représente qu'un quart de celui des Lituaniens,

un huitième de celui des Polonais, et un quarantième de la moyenne en Union européenne.

les Inégalités avec les autres pays de la région

C'est donc une situation qui favorise la criminalité, la contrebande transfrontalière, les trafics

(de drogues, les réseaux de prostitution, les trafics d'armes),

les problèmes de santé publique avec la recrudescence du SIDA et de la tuberculose.

les Espoirs liés à l'élargissement de l'UE

Certains sont pourtant optimistes sur l'avenir de Kaliningrad,

et ils comptent sur l'effet d'entraînement

que peut produire sur Kaliningrad l'élargissement européen,

notamment au niveau économique.

les Espoirs liés à l'élargissement de l'UE

Tout dépendra de l'ampleur de cet entraînement,

car depuis son ouverture en 1990, la région rêve de devenir "un Hong Kong sur Baltique",

par la mise en place d'une zone économique spéciale.

Elle compte sur sa situation de carrefour pour devenir

une tête de pont du commerce russo-européen.

Kaliningrad et les pays voisins

Du fait des sensibilités historiques, le gouvernement allemand reste plutôt en retrait dans la région,

préférant s'en remettre à l'Union européenne et à ses Länder.

Ainsi, le Schleswig-Holstein et le Brandebourg, très liés historiquement à la Prusse orientale,

mènent aujourd'hui des politiques de coopération avec Kaliningrad dans divers domaines.

Économique, BMW a installé une ligne d'assemblages pour ses voitures destinées au marché russe.

Kaliningrad et les pays voisins

Les voisins Polonais et Lituaniens sont les plus actifs économiquement,

tout comme les deux voisins de la Baltique, le Danemark et la Suède,

qui se préoccupent du devenir de l'enclave

plus particulièrement au niveau de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité régionale.

Dans l'ensemble, les investissements étrangers sont restés plutôt faibles.

Quelles sont les perspectives pour Kaliningrad ?

La 1re option ce serait plus d'autonomie,

c'est un peu ce que souhaitent les habitants de Kaliningrad,

mais il y a peu de chance pour que Moscou cède de la

souveraineté,

cela ferait évidemment un mauvais exemple,

pour les républiques de la Fédération Russe.

La 2e option qui est négative

serait que l'enclave devienne

comme une sorte de double périphérie.

En périphérie de la Russie mais aussi de l'Union Européenne,

or ce n'est pas souhaitable,

ce n'est pas très simple, de vivre

comme une île hors de la mondialisation.

Et la 3e option qui est plus optimiste,

serait l'effet d'entraînement que peut avoir

un accord de coopération entre Moscou et Bruxelles.

L'effet d'entraînement, d'être tiré par le haut

par l'élargissement, par le commerce et les investissement,

c'est évidemment ce qu'il faut souhaiter,

parce que sinon, ce n'est pas très simple de vivre petit et enfermé.