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- 1 - la Tradition judéo-chrétienne la Bible et Israël Vers 1900, il existe des minorités juives dans tous les pays d'Europe. C'est là théoriquement le résultat d'une dispersion (ou diaspora) qui a commencé dès avant le 8 e siècle avant J.-C. et s'est poursuivie tout au cours de l'histoire. Ces minorités sont souvent en butte à l'hostilité des populations au milieu desquelles elles vivent. La tradition hébraïque est une composante essentielle de la civilisation européenne, cependant que la religion juive, dont sont issus le Christianisme et l'Islam, reste l'une des religions monothéistes du monde. L'ANCIEN TESTAMENT La Bible* est le livre saint des Juifs et des Chrétiens. Comme le montre l'histoire même de son nom, c'est une collection d'écrits qui a fini par être considérée comme un ouvrage unique et le Livre par excellence parce que la Parole de Dieu était réputée y être contenue. La Bible est divisée en deux recueils principaux. Le premier est l'Ancien Testament ou livre de l'Ancienne Alliance. C'est l'apport proprement juif d'Israël à la Bible. L'autre recueil, le Nouveau Testament ou livre de la Nouvelle Alliance est, lui aussi, à une exception près, l'oeuvre d'auteurs juifs écrivant en grec, mais il représente à certains égards une interprétation particulière de l'Ancien : il est l'expression propre du. Christianisme. Pour les Juifs, la Bible se limite à la Bible hébraïque soit l'Ancien Testament. Ils la désignent sous le nom de Tanakh*. Textes canoniques et littérature judaïque Chacun des livres ou des groupes de livres de l'Ancien Testament, sans qu'aucune décision officielle ait été nécessaire, a progressivement conquis la vénération des hommes qui l'ont considéré comme faisant autorité, ayant un caractère sacré et un texte devant rester immuable. Cette canonicité a été atteinte par le Pentateuque avant la fin du 4 e siècle les Hébreux 1200 Les Juges en Canaan LE ROYAUME UNI 1030-1010 1010-970 970-931 966 931 Saül. David roi de Juda, puis de Juda et d'Israël. Salomon roi de Juda et d'Israël. 1 er Temple de Jérusalem. Israël se sépare du royaume de Juda JUDA ISRAËL 12 rois 9 dynasties Constitution du recueil "J". le prophète Isaïe 870 750 722 le prophète Élie Constitution du recueil "E". Prise de Samarie par Sargon II roi d'Assyrie. Fin du royaume d'Israël JUDA SEUL : 7 ROIS DE 715 À 587 715-687 700 621-587 587 les prophètes Isaïe et Michée. Constitution du recueil "JE" par fusion de J et E le prophète Jérémie. Prise de Jérusalem, destruction de la ville et du Temple par Nabuchodonosor, roi de Babylone. Déportation. les Juifs 1. L'ÉPOQUE PERSE 587-538 538 540-538 520-515 458 442-332 Captivité à Babylone. Édit de Cyrus : retour des captifs. le Second Isaïe. Construction du 2 nd Temple par Zorobabel. Repeuplement de Jérusalem par Esdras. Recueil du Pentateuque. 2. L'ÉPOQUE HÉLLÉNISTIQUE ET ROMAINE 332 312-140 200 175-163 167-140 160 140 135-37 37-4 Alexandre le grand en Palestine. les Séleucides dominent en Palestine. Début de la traduction de la "Septante". Antiochus IV Épiphane proscrit le judaïsme en Palestine. la révolte des Maccabées. le livre de Daniel. Rome reconnaît l'indépendance de la Judée. Règne des descendants des Maccabées ou Hasmonéens. Hérode-le-Grand supplante la dynastie hasmonéenne. Il embellit le Temple. 3. ÈRE CHRÉTIENNE 6 66-74 70 74 132-135 134 135 la Judée sous la tutelle des procurateurs romains. Grande guerre des Juifs contre les Romains. Incendie du Temple. Siège de Massada. Deuxième guerre des Juifs contre les Romains sous la conduite de de Bar-Kochba. Jérusalem prend le nom de Aelia Capitolina. Chute de Bethar, la dernière forteresse juive, et fin de l'État national juif. par François LEBRUN professeur émérite à l'Université de Rennes II (Belin, 1981)

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la Tradition judéo-chrétienne

la Bible et Israël Vers 1900, il existe des minorités

juives dans tous les pays d'Europe. C'est là théoriquement le résultat d'une dispersion (ou diaspora) qui a commencé dès avant le 8e siècle avant J.-C. et s'est poursuivie tout au cours de l'histoire. Ces minorités sont souvent en butte à l'hostilité des populations au milieu desquelles elles vivent. La tradition hébraïque est une composante essentielle de la civilisation européenne, cependant que la religion juive, dont sont issus le Christianisme et l'Islam, reste l'une des religions monothéistes du monde.

L'ANCIEN TESTAMENT

La Bible* est le livre saint des Juifs et des Chrétiens. Comme le montre l'histoire même de son nom, c'est une collection d'écrits qui a fini par être considérée comme un ouvrage unique et le Livre par excellence parce que la Parole de Dieu était réputée y être contenue. La Bible est divisée en deux recueils principaux. Le premier est l'Ancien Testament ou livre de l'Ancienne Alliance. C'est l'apport proprement juif d'Israël à la Bible. L'autre recueil, le Nouveau Testament ou livre de la Nouvelle Alliance est, lui aussi, à une exception près, l'œuvre d'auteurs juifs écrivant en grec, mais il représente à certains égards une interprétation particulière de l'Ancien : il est l'expression propre du. Christianisme.

Pour les Juifs, la Bible se limite à la Bible hébraïque soit l'Ancien Testament. Ils la désignent sous le nom de Tanakh*.

Textes canoniques et littérature judaïque

Chacun des livres ou des groupes de livres de l'Ancien Testament, sans qu'aucune décision officielle ait été nécessaire, a progressivement conquis la vénération des hommes qui l'ont considéré comme faisant autorité, ayant un caractère sacré et un texte devant rester immuable. Cette canonicité a été atteinte par le Pentateuque avant la fin du 4e siècle

les Hébreux 1200 Les Juges en Canaan

LE ROYAUME UNI

1030-1010 1010-970 970-931

966 931

Saül. David roi de Juda, puis de Juda et d'Israël. Salomon roi de Juda et d'Israël. 1er Temple de Jérusalem. Israël se sépare du royaume de Juda

JUDA ISRAËL

12 rois 9 dynasties

Constitution du recueil "J".

le prophète Isaïe

870 750 722

le prophète Élie Constitution du recueil "E". Prise de Samarie par Sargon II roi d'Assyrie. Fin du royaume d'Israël

JUDA SEUL : 7 ROIS DE 715 À 587

715-687 700

621-587 587

les prophètes Isaïe et Michée. Constitution du recueil "JE" par fusion de J et E le prophète Jérémie. Prise de Jérusalem, destruction de la ville et du Temple par Nabuchodonosor, roi de Babylone. Déportation.

les Juifs 1. L'ÉPOQUE PERSE

587-538 538

540-538 520-515

458 442-332

Captivité à Babylone. Édit de Cyrus : retour des captifs. le Second Isaïe. Construction du 2nd Temple par Zorobabel. Repeuplement de Jérusalem par Esdras. Recueil du Pentateuque.

2. L'ÉPOQUE HÉLLÉNISTIQUE ET ROMAINE

332 312-140

200 175-163

167-140

160 140

135-37

37-4

Alexandre le grand en Palestine. les Séleucides dominent en Palestine. Début de la traduction de la "Septante". Antiochus IV Épiphane proscrit le judaïsme en Palestine. la révolte des Maccabées. le livre de Daniel. Rome reconnaît l'indépendance de la Judée. Règne des descendants des Maccabées ou Hasmonéens. Hérode-le-Grand supplante la dynastie hasmonéenne. Il embellit le Temple.

3. ÈRE CHRÉTIENNE

6

66-74 70 74

132-135

134 135

la Judée sous la tutelle des procurateurs romains. Grande guerre des Juifs contre les Romains. Incendie du Temple. Siège de Massada. Deuxième guerre des Juifs contre les Romains sous la conduite de de Bar-Kochba. Jérusalem prend le nom de Aelia Capitolina. Chute de Bethar, la dernière forteresse juive, et fin de l'État national juif.

par François LEBRUNprofesseur émérite à l'Université de Rennes II

(Belin, 1981)

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La Bible hébraïque

LA TORAH : LA LOI LES LIVRES PROPHÉTIQUES LES ÉCRITS SACRÉS

LA GENÈSE décrit la création du monde et rapporte l'histoire primitive du peuple d'Israël, descendant d'Abraham "père des croyants", dans la perspective héroïque et fabuleuse de l'histoire universelle.

L'EXODE, récit de la sortie des Israélites d'Égypte sous la conduite de Moise, et de leur marche vers la Terre promise.

LE LÉVlTIQUE contient les règles rituelles intéressant les lévites ou prêtres.

LES NOMBRES racontent le séjour au désert et les dénombrements d'Israël qui y furent pratiqués, c'est-à-dire les recensements.

LE DEUTÉRONOME est une suite de discours moraux que Moise est censé adresser, peu avant sa mort, aux Israélites qui vont entrer dans la Terre promise.

La première partie de l'Ancien Testament est constituée par la Torah ou Pentateuque, c'est-à-dire les cinq livres de Moïse. Les appellations de ces livres sont constituées, en hébreu, par le premier vocable du texte de chacun d'eux. Plus familiers sont les noms qui proviennent de la traduction grecque.. Chacun d'eux désigne l'événement dominant du livre auquel il s'applique. Selon la Tradition, Moïse aurait été le rédacteur du Pentateuque. Les ordonnances religieuses lui auraient été révélées soit sur le mont Sinaï (ainsi les Dix Commandements ou Décalogue) soit dans la tente où il se rendait pour entendre la voix de Dieu. L'ensemble de la Torah est d'ailleurs considéré comme dicté par Dieu. Aujourd'hui encore, comme au temps de Jésus, la Torah calligraphiée sur le parchemin des rouleaux de la Loi est lue publiquement dans les synagogues. Mais la recherche historique explique la constitution du Pentateuque par un étalement sur plusieurs siècles, entre le milieu du 9e et le milieu du 5e siècle avant notre ère.

PROPHÈTES ANTÉRIEURS Josué - Juges - Samuel I et II Rois I et II

PROPHÈTES POSTÉRIEURS Isaïe, Jérémie, Ézéchiel

LES DOUZE Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.

Les Livres prophétiques, deuxième des trois parties de l'Ancien Testament, sont eux-mêmes divisés en deux séries. Les Prophètes antérieurs : livres où est retracée l'histoire d'Israël depuis l'instal-lation en Terre promise jusqu'à la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, en 587 avant notre ère. Ces ouvrages sont parfois appelés "livres historiques" en raison de leur caractère narratif, du sujet qu'ils traitent et des documents incontestables qu'ils renferment. Soucieux de rapporter les événements historiques, les prophètes le sont plus encore d'en déterminer la signification religieuse. Ils proclament des principes au nom desquels ils portent un jugement sur les épisodes qu'ils mettent en scène, ainsi que sur les hommes qui en ont été les acteurs. On s'accorde à situer ces textes entre la fin du 7e siècle et la fin du 5e siècle avant notre ère. Les livres des Prophètes postérieurs nous transmettent les messages des trois grands prophètes et des douze petits prophètes, ainsi nommés d'après l'étendue des livres qui portent leur nom. Ce sont des messagers inspirés que Dieu dépêche vers le peuple ou vers son roi pour leur signifier le jugement qu'il porte sur certaines situations sociales, politiques et religieuses et leur annoncer les conséquences qui en seront la sanction. Les grands prophètes dont on rapporte la biographie et dont on conserve les oracles sont Isaïe, Jérémie et Ezéchiel. Le Livre d'Isaïe réunit les prophéties de plusieurs inspirés. Les deux principaux sont le Premier Isaïe qui exerça son ministère à Jérusalem dans la seconde moitié du 8csiècle avant notre ère et le Second Isaïe, qui consola les déportés d'Israël durant l'exil à Babylone, au 6e siècle avant notre ère. Jérémie prophétisa lui aussi à Jérusalem au début du 6e siècle, lors des événements qui aboutirent à la ruine de Jérusalem et à la fin du Royaume de Juda. L'activité d'Ézéchiel se déroula au 6e siècle auprès des exilés de Babylonie. Il les consola de la catastrophe nationale qu'il avait prédite et justifiée et leur fit espérer la régénération et presque la transfiguration d'Israël et de son pays. Le livre des Douze groupe des textes prophétiques datant du 8e au 4e siècle avant notre ère.

1. LIVRES POÉTIQUES Les Psaumes, collection de 150 poèmes répartis en cinq livres, probablement à l'imitation du Pentateuque. Le Psautier, qui regroupe des compositions poétiques souvent anciennes, représente l'expression lyrique de la foi d'Israël.

Le livre de Job, un débat poétique sur les souffrances du Juste.

Le Livre des Proverbes, textes de sagesse de provenances et de caractères divers qui énoncent les règles, enseignées par l'expérience, d'une vie conforme à la volonté de Dieu et, pour cette raison, heureuse.

2. LES "CINQ ROULEAUX" Le Cantique des Cantiques, une suite de chants d'amour ; Ruth, court récit situé à l'époque des Juges ; Les Lamentations, cinq poèmes déplorant la ruine de Jérusalem et, pour cette raison, faussement attribués au prophète Jérémie ; L'Ecclésiaste proclame la vanité de toutes choses, à l'exception d'une vie conforme à la volonté de Dieu ; Le Livre d'Esther, récit, de caractère non historique, racontant comment une jeune femme juive, Esther, devenue l'épouse du roi de Perse Assuerus, réussit à empêcher le massacre de tous les Juifs de l'Empire.

3. DANIEL

4. ESDRAS – NÉHÉMIE CHRONIQUES 1 ET II

Les Écrits sacrés ou Hagiographes forment la troisième et dernière partie de l'Ancien Testament, dont la composition s'échelonne entre la fin du 5e et le début du 2e siècle avant notre ère. Le livre de Daniel remonte à une époque de peu postérieure à la persécution d'Antiochus Épiphane, au 2e siècle avant notre ère. Après un bref résumé généalogique des générations qui séparent Adam de Saül, les Chroniques retracent l'histoire de Juda, de David à l'édit de Cyrus autorisant la reconstrUction du Temple de Jérusalem. Les livres d'Esdras et de Néhémie, qui précèdent aujourd'hui les Chroniques, en constituaient, à l'origine, la suite immédiate. Ils racontent le retour à Jérusalem d'une partie des exilés babyloniens avec la reconstrUction du Temple, le repeuplement de la Ville, la réfection des murailles de Jérusalem.

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avant notre ère. Celle des Prophètes est acquise vers 200 avant J.-C. Celle des Hagiographes est constituée vers 100 avant l'ère actuelle. Toutefois, certains livres continueront à être discutés jusqu'au 2e siècle de l'ère chrétienne. La constitution progressive du Canon* des, Écritures explique la manière dont le texte de l'Ecriture a été transmis.

Les éditions modernes de la Bible hébraïque ne reposent pas sur un texte original, mais sur des manuscrits qui en dérivent. Les manuscrits les plus anciens qui nous soient parvenus ne datent que du haut Moyen Age. Ils contiennent un texte de l'Écriture qui, unifié au préalable par les Scribes des alentours de l'ère chrétienne, a été pourvu de voyelles et de ponctuation par des savants juifs appelés Massorètes ou transmetteurs. Le texte qu'ils ont ainsi établi est désigné du nom de texte massorétique. Cependant on a découvert en 1947, à Qumrân, sur les bords de la mer Morte, des rouleaux contenant le livre complet d'Isaïe et des fragments de presque tous les livres de la Bible hébraïque dans un texte antérieur à celui qu'avaient arrêté les Scribes.

A côté des livres canoniques qui forment la Bible hébraïque, existe une importante littérature dont l'autorité ne fut pas reconnue par le Judaïsme. Sa transmission a été l'œuvre du Christianisme. Voilà pourquoi nous possédons ces ouvrages presque essentiellement en traduction grecque*. L'Église catholique leur reconnaît un caractère canonique certain quoique inférieur à celui des livres du canon

juif ; elle les dénomme pour cette raison les "livres canoniques du second rang". Les protestants au contraire ne leur reconnais-sent qu'un caractère édifiant, utile pour la foi ; ils les désignent du nom d'Apocryphes*, "livres tenus ca-chés", non authentiques par rapport au Canon. Ces livres figurent dans les éditions catholiques de la Bible. Il faut mentionner, en outre, une immense littérature de caractère assez analogue, inspirée par l'Écriture, mais toujours nettement extérieure à Elle. Ces ouvrages représentent des intermédiaires entre l'Ancien et le Nouveau Testa-ment. C'est pour cela qu'on les désigne souvent du nom de littérature intertestamentaire. Ainsi les manuscrits de la mer Morte qui, appartenant vraisemblablement à la communauté des Esséniens*, nous éclairent sur l'état intellectuel et spirituel de certaines sectes juives à la veille de l'ère chrétienne.

Fragment d'un manuscrit biblique de la mer Morte, écrit au calame (sorte de stylet) sur rouleau de cuir (début de l'ère chrétienne). Musée Bible et Terre Sainte (Institut catholique de Paris).

Passages de la Genèse, extraits de la "Bible arc-en- ciel" éditée à Leipzig par Paul Haupt (1896). Les documents dont a été composé le texte sont distingués par des couleurs différentes.

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LES APPORTS HÉBRAÏQUES

La conception centrale est celle du monothéisme ou croyance en un Dieu unique et personnel, c'est-à-dire en un être vivant intelligent, accessible aux prières, sanctionnant le bien et le mal. Le monothéisme est l'apport majeur d'Israël à la civilisation universelle. On ne trouve rien qui lui soit réellement comparable dans la religion d'aucun autre peuple de l'Antiquité. La découverte du monothéisme est inséparable des vicissitudes de l'histoire d'Israël. Il a fallu beaucoup de temps aux Israélites pour concevoir que leur Dieu existait seul, à l'exclusion de tous les autres. C'est parce qu'ils admettaient l'existence d'autres dieux à côté du leur, auquel ils rendaient pourtant un culte exclusif, que des figures comme Moïse ou David ne sauraient être considérées comme des monothéistes au sens strict du terme. La lutte contre les Philistins qui menaçaient l'indépendance des Israélites, au 10e et au 9e siècle avant notre ère, conduit les Prophètes, âme de la résistance nationale et religieuse, à exalter la puissance de leur Dieu et à affirmer son monopole en terre d'Israël. Cette prédication s'accompagne d'une dépréciation systématique des autres dieux dont on nie d'abord le pouvoir, puis tout simplement l'existence. Cette évolution parvient à son stade ultime à l'époque de la Captivité de Babylone, au 6e siècle avant notre ère. On la trouve clairement et nettement accomplie chez le Second Isaïe dans des proclamations telles que celles-ci : "Je suis le premier et je suis le dernier, hormis moi, pas de Dieu" (44, 6) ; "Je suis Yahvé sans égal, moi excepté, il n'y a pas de Dieu... qu'on sache du Levant au Couchant, tout est néant hormis moi" (45, 5-6). Dieu vivant, le Dieu d'Israël est aussi un Dieu spirituel qui échappe à l'appréhension sensible et aux prises de l'intelligence. Aucune réalité naturelle ne saurait lui être comparée et toute représentation figurée le rabaisserait. Les poètes hébraïques se heurtent à sa présence dans tous les recoins de l'univers, mais Dieu qui emplit tout ne se trouve réellement nulle part. Un abîme le sépare de tout ce qu'il a créé. Il est, selon la formule d'un historien des religions, le Tout Autre, le Dieu terrible et saint en face duquel tout l'univers n'est qu'un néant de cendre et de poussière. La sainteté n'est en effet qu'une désignation de la toute-puissance et de la majesté redoutables de la divinité, qui colorent de crainte la ferveur du culte qu'on lui rend. Mais, dès les origines, Dieu est considéré non seulement comme le Tout-Puissant, mais aussi comme un dieu sage, juste, bon et véridique, sur lequel l'homme est sommé de se régler, le modèle suprême de toute pureté, de telle sorte que la sainteté devient un idéal humain : "Vous serez saints puisque Je suis saint" (Lévitique, 11, 45 ; 19, 2).

Le Royaume de Dieu. Le contrôle exercé par Dieu sur les hommes culmine dans l'idée que la divinité dirige l'histoire de l'humanité d'après un plan préétabli. L'histoire a un sens. Elle ne se déroule pas au hasard ni selon les lois d'une aveugle nécessité, mais en conformité avec la providence divine et par rapport au peuple d'Israël que Dieu s'est choisi pour en faire un "Royaume de Prêtres" et le porteur de sa vérité. La prospérité ou les désastres nationaux sanctionnent la fidélité ou l'apostasie* d'Israël dont les souffrances dépassent cependant les exigences de la. justice. Le Second Isaïe explique ces excès de malheur en présentant le "petit reste" d'Israël, purifié par les souffrances de l'exil. Homme des douleurs, honni et persécuté, il porte les maladies de tous les hommes et expie pour leurs péchés. Sa mission est de régénérer tout Israël, de porter jusqu'aux extrémités de la terre l'annonce du salut de Dieu, d'être la lumière des nations. En effet, l'histoire des hommes, obéissant à un canevas établi par Dieu, tend à une conclusion : après la succession des grands empires à prétentions universelles - incarnant le mal et symbolisés par des bêtes féroces - au cours de laquelle les ténèbres auront semblé ne faire que s'épaissir sur l'humanité, le pouvoir sera donné à jamais à un "fils d'homme". Cette expression désigne tout d'abord l'empire des Saints, c'est-à-dire Israël régénéré et rétabli dans son pouvoir temporel, religieux et politique, un empire humain et non plus bestial comme les empires précédents. L'univers connaîtra alors un véritable âge d'or. L'injustice, la douleur auront disparu de la terre, le voile de la mort ne sera plus suspendu sur l'humanité. La guerre aura cessé même dans le règne animal.

"Le loup habite avec l'agneau, la panthère se couche près du chevreau, veau et lionceau paissent ensemble sous la conduite d'un petit garçon. La vache et l'ourse lient amitié, leurs petits gîtent ensemble. Le lion mange de la paille comme le bœuf. Le nourrisson s'amuse sur le trou du cobra, sur le repaire de la vipère l'enfant met la main. On ne fait plus de mal ni de ravages sur toute ma sainte montagne, car le pays est rempli de la connaissance de Yahvé comme les eaux comblent la mer." Isaïe, Il, 6-9

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Le Temple de Jérusalem rebâti sera une maison de prière pour tous les peuples. Toutes les nations se seront en effet converties à la religion du Dieu d'Israël. Ce sera le Règne ou le Royaume de Dieu, véritable et seul roi légitime d'Israël. Selon la plupart des traditions juives, le pouvoir royal divin s'exercera sur Israël et l'humanité par l'intermédiaire d'un roi idéalisé, le Messie, conçu le plus souvent comme un "descendant de David". Comme Moïse, il sera roi, prophète, grand prêtre. Selon les représentations les plus répandues, l'instauration du Royaume de Dieu sera précédée par une période d'accablante détresse, par les malheurs les plus grands, voire par des cataclysmes cosmiques ou la fin du monde actuel, misérable et impie.

Toutes ces notions se retrouvent transposées dans la pensée chrétienne. L'Église n'est tout d'abord que la communauté des Israélites sauvés par la foi en Jésus et groupés dans l'attente de la manifestation imminente du Royaume. Le Christianisme a reconnu en Jésus le roi idéal et libérateur d'Israël, roi, prophète et grand prêtre, Messie ou Christ, c'est-à-dire oint par Dieu en vue de la mission dont il l'avait chargé.

Bible : le mot vient de Biblia, neutre pluriel, signifiant en grec les livres et devenu féminin singulier dans le latin tardif, le Livre.

Tanakh : sigle formé des consonnes initiales des mots hébreux désignant les trois grandes parties de la Bible hébraïque : Torah, la Loi ou l'enseignement de Moïse ; Nebiim, les Prophètes ; Ketoubim, les Écrits sacrés ou hagiographes.

Canon : le mot signifie proprement règle, modèle, il désigne ici le catalogue des livres réputés sacrés. Traduction grecque de la Bible, dite des Septante, parce que la légende l'attribue à soixante-douze traducteurs. Commencée à Alexandrie d'Égypte, au 3e siècle avant notre ère, adoptée par l'Église, la Septante a été la Bible du Christianisme et a, de ce fait, exercé une influence considérable. C'est à partir du texte des Septante que saint Jérôme établit la Bible en latin, dite Vulgate.

Apocryphes ou Deutérocanoniques : ce sont les additions grecques à Esther et à Daniel ; Judith ; Tobie 1 et II ; Maccabées ; la Sagesse de Salomon ; la Sagesse de Ben Sirach ou l'Ecclésiastique ; Baruch ; la lettre de Jérémie.

Esséniens : un des ordres réformateurs, ou sectes, du Judaïsme antique, avec les Sadducéens, les Pharisiens, et la "quatrième philosophie" qui sera la matrice des mouvements de résistance aux Romains, dont les Sicaires et les Zélotes.

Apostasie : abandon d'une religion pour une autre.

Verre doré juif du 4 e siècle ap. J.- C. Dans la moitié supérieure du fond décoré, une arche de la Loi, où sont disposé s 9 rouleaux en 3 rangées. De chaque c6té, un oiseau perché sur un globe monte la garde. Dans la partie inférieure, un chandelier à sept branches (ménorah) allumé, flanqué de deux lions. (Rome, Catacombes juives)

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Évangile et Églises chrétiennes A la veille de 1914, de Moscou à Madrid, de Londres à Rome, de Paris à Vienne, le Christianisme,

sous sa forme catholique, orthodoxe ou protestante, imprègne profondément les mentalités et les comportements des masses populaires comme des classes dirigeantes. Partout, les croix qui culminent aux clochers des églises, qui surplombent les tombes des cimetières ou qui jalonnent les routes et les chemins de campagne, marquent l'empreinte du Christianisme sur les paysages européens.

LA CROIX ET LA RÉSURRECTION

La croix est en effet le signe de la religion chrétienne, car elle rappelle la mort de son fondateur, Jésus, Juif de Galilée, exécuté à Jérusalem la dix-huitième année du règne de l'empereur Tibère. Ce Juif, né quelque trente-trois ans plus tôt d'une jeune fille nommée Marie, reçoit d'abord le baptême de Jean, prophète juif qui prêchait alors un baptême de purification en vue du Royaume imminent. En effet, les Juifs de ce temps attendaient le Messie (oint ou roi, en grec Christos) qui devait délivrer Israël de la domination étrangère et restaurer le Royaume de Dieu sur la terre. Le message de Jésus semble répondre à cette attente : Les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu est proche, repentez-vous et croyez en, la bonne nouvelle (en grec, euaggelion, : évangile).

Il indique dans son enseignement les conditions concrètes pour accéder au Royaume et s'adresse en priorité aux Juifs les plus déshérités de son temps (les paysans des campagnes de Galilée), mais aussi aux païens. Il appuie ses propos par une série de miracles et choisit parmi les disciples qui se pressent autour de lui douze hommes appelés bientôt apôtres, avec Pierre à leur tête, qu'il associe à son action et qui prendront sa place après sa mort. Venu à Jérusalem pour la Pâque*, il partage avec eux le repas de la fête peu de temps avant d'être arrêté par les autorités juives comme blasphémateur et livré au gouverneur romain Ponce Pilate qui fait exécuter la sentence : crucifié comme un esclave, Jésus meurt juste avant les fêtes de la Pâque, vers l'année 30, et son corps est mis au tombeau. Il ressuscite le troisième jour, d'après ses disciples auxquels il apparaît, avant de les quitter définitivement quarante jours plus tard. Les apôtres, réconfortés et confiants, se mettent alors à prêcher le message de Jésus mort et ressuscité et son retour prochain.

La vie et l'enseignement de Jésus sont connus par les récits, dits évangiles, écrits par quatre disciples, Matthieu, Marc, Luc et Jean*, à des dates tardives et incertaines qui s'échelonnent sans

4 Naissance de Jésus

ÈRE CHRÉTIENNE

30 62-64

Mort de Jésus Mort de Pierre et Paul

14

Avènement de Tibère

303

Persécutions anti-chrétiennes sous Dioclétien

311

Édit de tolérance

330

Fondation de Constantinople

325 430

Concile de Nicée Mort d'Augustin

476

Fin de l'Empire d'Occident

547

Mort de Benoît de Nursie

523

Avènement de Justinien, Empereur de Byzance

869

Mort de Cyrille

800

Couronnement de Charlemagne

1000

1054

Christianisation de la Scandinavie Schisme de Michel Cérulaire

1099

Prise de Jérusalem par les Croisés

1233 1267

Débuts de l'Inquisition Somme théologique de Thomas d'Aquin

1209

Croisade contre les Albigeois

1492

Christophe découvre l'Amérique

1520

1541

1563

Excommunication de Luther Calvin, Institution chrétienne Fin du Concile de Trente

1560

1598

Début des guerres de religion en France Édit de Nantes

1685

Révocation de l'Édit de Nantes

1870

Concile de Vatican I

1801

Concordat entre Pie VII et Napoléon Ier

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doute entre 65 et 100. Vers 70, Luc s'est également fait le chroniqueur, dans les Actes des Apôtres, des premières étapes de l'évangélisation du monde romain, cependant que quelques disciples, auxquels s'est joint Paul, Juif converti en 37, ont laissé des lettres, ou épîtres, écrites aux premières communautés chrétiennes du bassin oriental de la Méditerranée. Évangiles, Actes des apôtres, Épîtres (surtout de Paul) constituent avec l'Apocalypse* de saint Jean ce qu'on appellera le Nouveau Testament et contiennent le message prêché par les premiers apôtres.

Le Jardin spirituel, image populaire. Bien que daté e de 1824, cette image est une gravure sur bois du 17e siècle reprise sans changement par l'imprimeur toulousain Abadie j usqu'au milieu du 19 e, preuve de la permanence de certaines formes de la piété populaire. Sous le titre Le Jardin spirituel , elle illustre les différentes étapes de la Passio n du Christ ; la prière de Jésus au Jardin des Oliviers, la flage llation, le couronnement d'épines, le portement de croix, la crucifixion ; à chaque étape, est représentée une " âme dévote" guidée par son Ange gardien. Encadrant l'image, les couplets d'un "Cantique sur la Passion de N.-S. Jésus-Christ".

Le salut, la foi, l'amour

Ce message, cette "bonne nouvelle", ne prétend nullement abolir la loi de Moïse, mais l'accomplir en la dépassant. Jésus, puis ses disciples, promettent le salut à ceux qui croiront en lui et suivront le commandement : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même." Paul résume ainsi l'essentiel du message chrétien : "Si de ta bouche tu confesses que Jésus est Seigneur et si dans ton cœur tu crois que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé."

Le Christianisme est une religion de foi et de salut : foi dans le Christ incarné, mort et ressuscité pour sauver tous les hommes, c'est-à-dire les libérer des puissances du mal (hommes et démons) qui asservissent le monde présent, et y restaurer le Royaume de Dieu fait de justice, d'amour et de liberté. Paul, vers l'an 56, écrit aux chrétiens de Corinthe : "Je vous rappelle, frères, l'évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés et par lequel vous serez sauvés, si vous le retenez tel que je vous l'ai annoncé ; autrement vous auriez cru en vain. Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais reçu moi-même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures. Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour (…). Si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi notre foi." 1. Cor. XV, 1-4, 14

Le Christianisme est aussi une religion d'amour : amour de Dieu, amour des hommes, de tous les hommes, Juifs et Grecs, esclaves et hommes libres, hommes et femmes, précise Paul, avec une

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prédilection pour les plus faibles, les plus déshérités, tous ceux qui sont rejetés par l'ordre politique, social et religieux établi. Ce commandement d'amour résume tout l'enseignement du Christ, tel qu'il s'exprime notamment dans le Sermon sur la montagne et dans de nombreuses paraboles. L'apôtre Jean insistera plus tard dans sa première épître :

"Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, car l'amour vient de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. Qui n'aime pas n'a pas découvert Dieu, puisque Dieu est amour. Voici comment s'est manifesté l'amour de Dieu au milieu de nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés ainsi, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres." Jean IV, 7-9, 11

L'Église

Avant de quitter ses apôtres, Jésus leur avait donné comme consigne : "Allez par le monde entier proclamer l'évangile à toutes les créatures." De fait, en dépit des obstacles rencontrés de la part des Juifs, le Christianisme se répand peu à peu dans l'Empire romain, à Rome, à Alexandrie, à Antioche, en Asie mineure, puis en Gaule (Lyon) et en Afrique (Carthage), sous la forme de petites communautés ou églises (du grec ekklesia, assemblée). Les membres de ces communautés, hommes et femmes, se recrutent en priorité dans. le petit peuple des villes méditerranéennes, esclaves, affranchis, artisans, particulièrement attirés par le message de fraternité universelle, avant de gagner toutes les couches de la société. Les diverses églises locales constituent l'Église chrétienne.

Après avoir attendu le retour imminent du Christ justicier, l'Église s'installe et développe ses institutions : des diacres sont chargés de la vie matérielle et de l'assistance ; des prêtres, des fonctions liturgiques et spirituelles. Puis, à partir de la fin du 1er siècle, l'évêque (en grec episcopos, surveillant), assisté des prêtres et des diacres, dirige la communauté.

La structure hiérarchique de l'Église catholique* est alors en place: elle est épiscopale, et les évêques, qui se réunissent en synodes ou conciles provinciaux ou régionaux dès la fin du 2e siècle, détiennent l'autorité et définissent l'orthodoxie, c'est-à-dire ce qui est conforme à la doctrine de l'Église (du grec orthos, droit, doxa, opinion).

Mais le refus de l'Église de toute compromission avec le monde païen, ajouté à son intransigeance monothéiste, la font apparaître d'emblée aux païens comme un corps étranger, et à la longue comme une menace pour l'Empire. C'est là l'origine des persécutions du 3e siècle. La dernière, celle de Dioclétien, au tout début du 4e siècle, cherche à éliminer le Christianisme du monde romain (3000 à 3500 victimes dites martyrs*). Après l'échec de cette politique, le nouvel empereur, Constantin, reconnaît l'existence de l'Église, dont il se fait une alliée, avant que le Christianisme ne devienne, avec l'empereur Théodose, la religion officielle de l'Empire à la fin du 4e siècle. C'est là une étape essentielle dans l'histoire de l'Église, jusque-là communauté persécutée, maintenant, et pour des siècles, puissance établie, liée au pouvoir temporel, bien que distincte de lui.

Du fait de cette évolution, les conversions se multiplient et avec elles un certain relâchement spirituel. C'est alors que des chrétiens épris de perfection totale quittent le monde et fuient au désert pour y trouver Dieu dans la contemplation et la solitude : le monachisme* se substitue ainsi au martyre et d'Égypte gagne le reste de l'Orient, puis l'Occident où Augustin au début du 5e siècle, puis Benoît de Nursie au début du 6e rédigent des règlements, ou règles, de vie monastique.

HÉRÉSIES ET SCHISME

En même temps, la doctrine se précise, face aux dangers de déviations. En effet, malgré la prière de Jésus la veille de sa mort (Père, qu'ils soient un comme nous sommes un), les chrétiens ne réussissent pas à préserver leur unité. Dès les premiers siècles, les luttes doctrinales aboutissent à la condamnation de diverses hérésies (du grec hairein, choisir), c'est-à-dire d'opinions contraires à la foi catholique officiellement définie. Au début du 4e siècle, un prêtre d'Alexandrie, Arius, remet en cause la divinité du Christ : il affirme que seul le Père est vraiment Dieu, son fils Jésus, créé par lui, lui étant subordonné et inférieur. L'arianisme est condamné en 325 par le concile de Nicée qui rédige un credo (du latin credo, je crois) affirmant la divinité une en trois personnes :

"Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes choses, visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, unique, engendré du Père, c'est-à-dire de l'essence du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non point créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été créé, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, qui, pour nous les hommes, et pour notre salut, est descendu et s'est incarné et s'est fait homme, a souffert et

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est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts. Et au Saint-Esprit."

Les données de ce credo étant indémontrables, les accepter est un acte de foi qui ne peut être qu'un don de la grâce de Dieu. Cela ne signifie pas pour autant que l'homme, bien que corrompu par le péché originel*, ne puisse coopérer à son propre salut. D'une part, la grâce est indispensable, mais l'homme est libre de l'accueillir ou de la refuser. D'autre part, cette grâce sera inefficace si l'homme n'en use pas pour pratiquer librement le bien.

C'est dans ces perspectives que s'inscrit, tout au long du 4e siècle, l'œuvre de grands théologiens appelés Pères de l'Église. Leurs écrits, parfois influencés par la pensée grecque, surtout celle de Platon, sont les éléments essentiels de la Tradition qui, s'ajoutant aux Écritures (c'est-à-dire Ancien et Nouveau Testament), constitue avec elles la doctrine officielle de l'Église : Écritures et Tradition sont considérées comme ayant été inspirées à leurs auteurs par l'Esprit-Saint et sont donc la Révélation par laquelle Dieu se fait connaître aux hommes. Plus que quiconque, Augustin, évêque d'Hippone* mort en 430, contribue par ses multiples traités doctrinaux à cette défense et illustration de la foi chrétienne, notamment face au moine Pélage qui nie le péché originel et exalte la liberté de l'homme. Toute la pensée d'Augustin est centrée sur deux problèmes essentiellement liés, la grandeur de Dieu et le destin de l'homme perdu par le péché, sauvé par la grâce. Dieu est amour et c'est l'amour seul qui sauve. Ainsi le pessimisme augustinien concernant la nature humaine est compensé par une confiance absolue dans l'amour de Dieu qui éclate dans cet extrait des Soliloques :

"Dieu, de qui on ne se détourne que pour choir, vers qui se tourner c'est se lever de nouveau, et en qui demeurer c'est trouver un solide appui ; sortir de toi c'est mourir, revenir à toi c'est revivre, habiter en toi c'est vivre ; Dieu que nul ne perd s'il n'est trompé, que nul ne cherche sans appel préalable, que nul ne trouve s'il ne s'est purifié d'abord ; Dieu, dont l'abandon équivaut à la mort, la recherche à l'amour, la vie à l'entière possession ; Dieu, vers qui la foi nous pousse, vers qui l'espérance nous dresse, à qui la charité nous unit ; Dieu, par qui nous triomphons de l'ennemi, c'est à Toi que j'adresse ma prière ! I,1. (Trad. de Labriolle)

Les Églises orthodoxes

Un autre danger menace l'unité de l'Église, le schisme (du grec skhisma, division). Alors que l'hérésie est une dissidence doctrinale, le schisme est une séparation causée par une opposition à l'autorité de l'Église. Le plus grave par ses conséquences est le schisme d'Orient. Il a pour origine la conjonction de deux phénomènes: les invasions barbares qui bouleversent la partie occidentale de l'Empire romain à partir de la fin du 4e siècle, et la rupture progressive de l'unité culturelle entre pays de langue grecque et pays de langue latine, jusque-là unis en une civilisation commune. Ainsi s'explique l'évolution divergente de deux mondes qui ne se comprennent plus (Orient byzantin et Occident barbare), de deux Églises qu'agitent, à partir du 5e siècle, des problèmes doctrinaux spécifiques et qui s'opposent en tout dans le style de vie chrétienne qu'elles proposent.

A partir de 451, le titre de patriarche est donné, en Occident, à l'évêque de Rome, successeur de Pierre; en Orient, aux évêques d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem. La situation de fait acquise par l'évêque de Constantinople depuis la fondation de la capitale de l'Orient par Constantin (330) est ainsi reconnue comme un privilège de droit. L'évêque de Rome Léon le Grand (440-461), puis ses successeurs, se refusent à reconnaître ce privilège, d'autant plus que Constantinople l'étend peu à peu sur tout l'Orient. Un concile réuni, en 691, dans la capitale de l'Empire byzantin, proclame que le patriarche de Constantinople a les mêmes droits que l'évêque, ou pape, de Rome. De plus, le concile se démarque nettement des coutumes latines en admettant notamment que des hommes mariés puissent devenir prêtres. La liturgie* byzantine diffère peu à peu de la liturgie romaine. L'unité elle-même est rompue et rétablie à plusieurs reprises, mais à mesure que le temps passe l'incompréhension s'aggrave.

La Cène, peintur e, manuscrit arménien, 14e siècle . Autour d'une table ronde, symbole d'unité et de communion, les 11 apôt res (le 12 e, Judas, le traitre, s'est exclu de lui-même) se disposent à partager le corps et le sang du Christ sous la forme du pain et du v in. Cette i mage, très différente des figurations de la Cène dans l'art ch rétien occidental, illustre par là même l'universalité du message évangélique.

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Enfin, en 1054, le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, rompt avec le pape Léon IX et entraîne avec lui l'évêque de Kiev, patriarche de Russie*. Cette fois, l'unité ne sera pas rétablie. En 1453, la prise de Constantinople par les Turcs aboutit à la division de l'Église d'Orient en deux grandes zones géographiques : d'un côté, la Russie, avec le patriarcat de Moscou; de l'autre, Roumains, Bulgares, Serbes, Grecs, qui conservent leur liberté religieuse sous la domination turque. On aboutit ainsi peu à peu au morcellement de l'Église d'Orient en Églises autonomes, dites autocéphales. Elles continuent de partager, avec l'Église romaine la même foi chrétienne et sont dites, de ce fait, orthodoxes (c'est-à-dire conformes à la doctrine de l'Église) ; mais elles s'en séparent essentiellement sur le problème de la prééminence de l'évêque de Rome. Elles accepteraient de lui reconnaître une primauté d'honneur, mais refusent la conception du pouvoir papal, tel surtout qu'il s'affirme en Occident à partir de Grégoire VII (fin du 2e siècle), à savoir un pouvoir monarchique comportant notamment le droit de nommer les évêques.

Par ailleurs, les pratiques des deux Églises, ayant évolué de façon séparée, diffèrent sur bien des points. La liturgie byzantine, sous l'influence du faste de la cour de Byzance, est devenue somptueuse, alors que la liturgie romaine est restée beaucoup plus sobre. Le monachisme oriental est resté fidèle à l'idéal monastique primitif, c'est-à-dire le refus du siècle*, alors qu'en Occident les moines ont assumé très tôt un rôle essentiel au sein de la société paysanne. La théologie elle-même a pris en Orient une tonalité originale avec l'accent mis sur le dogme de la Trinité et la personne du Saint-Esprit.

LES RÉFORMES DU 16e SIÈCLE

Aux 14e et 15e siècles, l'Occident traverse une crise matérielle exceptionnellement grave (guerres, pestes, famines). De plus, deux, puis trois papes se disputent le trône pontifical, cependant que des mouvements hérétiques se développent en Angleterre avec John Wycliff et en Bohême avec Jean Hus qui, l'un et l'autre, dénoncent l'autoritarisme et la cupidité du clergé et préconisent un retour à la pureté de l'Église primitive, telle du moins que l'évoquent certains passages des Actes des Apôtres :

"La multitude de ceux qui étaient devenus croyants n'avait qu'un cœur et qu'une âme et nul ne considérait comme sa propriété l'un quelconque de ses biens ; au contraire, ils mettaient tout en commun. Une grande puissance marquait le témoignage rendu par les apôtres à la résurrection du Seigneur Jésus et une grande grâce était à l'œuvre chez eux tous. Nul parmi eux n'était indigent: en effet, ceux qui se trouvaient possesseurs de terrains ou de maisons les vendaient, apportaient le prix des biens qu'ils avaient cédés et le déposaient aux pieds des apôtres. Chacun en recevait une part selon ses besoins." Act. IV, 32-35

Partout se font jour une profonde inquiétude religieuse et un grand désir de réformer l'Église. Pour mettre fin au schisme et promouvoir les réformes souhaitées, plusieurs conciles se réunissent au 15e siècle. Ils rétablissent l'unité sous l'autorité d'un pape unique. Par contre, ni les conciles, ni le pape ne réussissent à opérer la réforme de l'Église. Or, au début du 16e siècle, celle-ci apparaît de plus en plus nécessaire. On reproche aux papes leur luxe et les impôts très lourds qu'ils font peser sur toute la Chrétienté, aux évêques leur absentéisme trop fréquent, aux membres du bas-clergé l'ignorance de la majorité d'entre eux. Surtout, ce que réclament les meilleurs des chrétiens, tels Érasme, Lefèvre d'Étaples, Martin Luther, c'est un clergé dont les membres ne soient pas seulement des dispensateurs des sacrements*, mais des hommes capables d'enseigner la Parole de Dieu et de répondre ainsi aux inquiétudes et aux préoccupations du temps.

Le luthéranisme

Martin Luther (1483-1546), moine du couvent allemand de Wittenberg, acquiert la conviction, à la lecture de certains écrits de Paul et d'Augustin, que les œuvres humaines (et à plus forte raison les indulgences*) ne jouent aucun rôle dans le salut individuel : seule la foi en Dieu peut rendre l'homme juste et le sauver. Il répond ainsi à l'attente de beaucoup de ses contemporains :

"Consciences troublées, âmes inquiètes, qui portez le poids de votre péché, allez au seul remède de votre misère. Croyez d'une foi invincible au pardon gratuit, à la grâce imméritée qui se trouve ici. Sans cette foi, nulle œuvre, nul travail n'apaisera votre conscience. La paix se trouve dans la foi seule; il n'y a plus de trouble et d'angoisse que pour l'incrédulité."

De même il estime que tous les chrétiens sont égaux par le baptême et sont donc tous prêtres (c'est le sacerdoce* universel). Il récuse ainsi la supériorité spirituelle du pape, des évêques et du clergé en général. Enfin, tout en reconnaissant une certaine valeur à la Tradition, il affirme que la Révélation est contenue tout entière dans la Bible. En conséquence de ces principes qui lui valent

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d'être excommunié* par le pape en 1520, Luther rejette le rôle du clergé : les pasteurs, qui ne sont pas astreints au célibat, sont de simples fidèles dont la fonction est d'enseigner la Parole de Dieu. Il nie le rôle d'intercesseurs reconnu à la Vierge et aux saints. Enfin, il ne conserve que trois sacrements, simples rites extérieurs sans effet par eux-mêmes : le baptême, la pénitence et

l'eucharistie (il admet la présence réelle, mais non la transsubstantiation*). Les Saintes Femmes au tombeau, peinture sur bois de Duccio (1260-1319), Musée de la cathédrale, Sienne . Selon le récit concordant des quatre évangélistes, trois pie uses femmes sont venues se recueillir devant le tom beau vide, un Ange du Seigneur : "Il avait l'aspect de l'éclair e t son vêtement était blanc comme neige. Il prit la parole et dit aux femmes : Soyez sans crainte. Je sais que vous cherc hez Jésus le crucifié. Il n'est pas ici, car il est ressuscité comme il l'avait dit. Venez voir l'endroit où il gisait." (M atthieu, 28. 1-1)

Ses idées sont formulées de façon systématique en 1530 par l'un de ses disciples, Melanchton, dans la Confession d'Augsbourg, credo des luthériens. Le luthéranisme se répand en Allemagne grâce à l'appui d'un certain nombre de princes, ce qui amène Luther à leur reconnaître des droits très étendus qui en font, en quelque sorte les chefs spirituels de leur État. Hors d'Allemagne, la réforme luthérienne gagne les pays scandinaves.

Le calvinisme et l'anglicanisme

Quelques années après la Confession d'Augsbourg, le Français Jean Calvin (1509-1564) publie d'abord en latin (1536), puis en français (1541) l'Institution de la religion chrétienne où il expose l'essentiel de la doctrine qu'il a peu à peu élaborée sous l'influence des idées de Luther. Comme celui-ci, il fonde la religion chrétienne sur la justification par la foi, le sacerdoce universel et l'autorité de la seule Bible, mais en poussant plus loin les conséquences de ces trois principes. Pour lui, la justification par la foi postule la prédestination, c'est-à-dire "le conseil éternel de Dieu par lequel il a déterminé ce qu'il voulait faire d'un chacun homme". Pour autant, cette façon de voir ne débouche pas sur la désespérance, car, pour Calvin, le seul fait de recevoir la Parole de Dieu et de suivre ses commandements est un signe certain que l'on est élu. Bien plus, certains calvinistes en viennent à penser que la réussite matérielle ici-bas, fruit d'un travail honnête et acharné, est un signe d'élection,

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ce qui peut contribuer à expliquer le dynamisme économique de certains pays calvinistes.

Par ailleurs, la Bible seule constitue le dépôt de la Révélation et chaque fidèle doit pouvoir y accéder par une lecture directe et quotidienne. Enfin, Calvin, esprit précis et rigoureux, organise fortement chaque Église locale. S'il n'y a pas de sacerdoce particulier, il y a des ministères, c'est-à-dire des fonctions diverses dévolues à divers ministres*. Le culte des saints est rejeté et le nombre des sacrements ramené à deux, baptême et cène (avec présence réelle, mais dans un sens purement spirituel). De Genève, où Calvin s'est installé et dont il a fait la "Rome du protestantisme", le calvinisme se répand en Allemagne, en Europe centrale, en Angleterre, en Écosse et en France où sa diffusion se heurte à une violente répression qui dégénère en guerre de religion.

A la différence du luthéranisme et du calvinisme, la réforme en Angleterre est avant tout l'œuvre des souverains. En 1531, le roi Henri VIII rompt avec Rome et se fait reconnaître comme chef suprême de l'Église d'Angleterre. Les choses vont plus loin avec Édouard VI et surtout Élisabeth 1re : l'anglicanisme devient un compromis entre le catholicisme et le calvinisme. Sous la seule autorité du roi, l'Église d'Angleterre conserve, à peu de choses près, la hiérarchie et la liturgie catholiques (tout en rejetant le célibat ecclésiastique et le latin comme langue liturgique), mais elle adopte un dogme en 39 Articles (1563) d'inspiration calviniste : justification par la foi et autorité de la seule Bible.

L'Adoration des bergers, peinture de Van der Goes ( 1435-1482), musée des Offices, Florence. C'est la p artie centrale d'un tryptique dit Portinari, du nom de Tomaso Port inari, agent des Médicis à Bruges, qui l'a commandé au peintre flamand Van der Goes pour l'offrir à sa paroisse de Florence, Santa Maria Novella. Au centre, la Vierg e et l'Enfant, avec à gauche saint Joseph, à droite les trois bergers, paysans flamands peints avec réalisme. L'évangélist e Luc nous raconte (II, 8-18) comment, au moment de la naissan ce du Christ, un ange est apparu à des bergers qui se trouvaient à proximité pour leur dire : "Il vous est né aujourd' hui un sauveur qui est le Christ Seigneur, et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau né emmailloté et couché dans une mangeoire."

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Le concile de Trente

En dépit des aspirations des fidèles et de quelques réussites isolées, l'Église romaine s'est révélée incapable de promouvoir et d'opérer elle-même la profonde réforme religieuse tant souhaitée : celle-ci s'est faite en dehors d'elle et contre elle. Pourtant, Rome se décide enfin à réagir à partir de 1540 environ. De ce fait, l'œuvre entreprise est à la fois contre-réforme et réforme catholique : contre-réforme, c'est-à-dire réaction de défense (non seulement doctrinale, mais souvent violente) face aux positions adoptées par ceux que l'on appelle depuis 1530 les protestants ; réforme catholique, c'est-à-dire réponse originale apportée à l'attente des fidèles et comparable en cela aux diverses réformes protestantes.

En dehors de la création de la Compagnie de Jésus*, l'œuvre essentielle est accomplie par le concile de Trente, réuni en 1545 à l'initiative du pape Paul III. Le concile, qui tient sa dernière session en 1563, après plusieurs interruptions et reprises, définit beaucoup plus clairement qu'auparavant les points du dogme mis en cause par les protestants, en condamnant ceux-ci sans équivoque. Il réaffirme le rôle des œuvres dans le salut, la place de la Tradition comme élément de la Révélation, le caractère sacré des membres du clergé, l'existence de sept sacrements, la valeur du culte des saints (notamment celui de la Vierge). En matière de discipline, il condamne les abus comme la non-résidence des évêques ou le cumul de plusieurs évêchés, maintient le célibat ecclésiastique et le latin comme langue liturgique, et surtout recommande la fondation d'un séminaire dans chaque diocèse pour la formation morale, intellectuelle et religieuse des futurs clercs.

Les divisions de la chrétienté

La condamnation sans appel du protestantisme prononcée par le concile et l'autorité accrue que retire la papauté du succès de celui-ci, achèvent de consacrer la division de la chrétienté occidentale : vers 1600, à une Europe restée catholique s'oppose - outre une Europe orthodoxe à l'Est - une Europe protestante sous la forme soit luthérienne, soit calviniste, soit anglicane. Cette division se maintient aux siècles suivants, en dépit des tentatives de réunion, et va marquer profondément la sensibilité collective des peuples européens selon qu'ils sont catholiques ou protestants : le protestant est l'homme du contact direct avec Dieu par la lecture personnelle de la Bible, sûr de sa foi et de son élection ; le catholique est soumis à un clergé qui, sous l'autorité du pape, encadre étroitement le "peuple chrétien", notamment dans les grandes pratiques collectives. Pourtant, ces différences profondes n'empêchent pas d'importantes convergences entre les Églises issues des différentes réformes du 16e siècle : d'abord, une foi commune en l'Évangile et en la divinité du Christ ; ensuite, un même souci pastoral de mieux transmettre cette foi par le catéchisme et la prédication, et par là même de mieux christianiser des fidèles qui ne l'étaient souvent que superficiellement.

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Pâque : fête juive la plus importante, commémorant la sortie d'Égypte. Elle commençait par un repas. Ce rituel prend avec Jésus une signification nouvelle : l'eucharistie (en grec, action de grâces, remerciements) devient le rite qui va permettre à ses fidèles de continuer son œuvre avec l'appui de sa présence invisible. A ce dernier repas (en latin cena, cène), "prenant du pain et rendant grâces, il le rompit et le leur donna en disant : Ceci est mon corps qui va être donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Il fit de même pour la coupe après le repas disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui va être versé pour vous." (Luc, XXII, 19-20)Jean : il ne faut pas confondre Jean le prophète juif, dit le Baptiste, et Jean l'apôtre de Jésus, dit l'Évangéliste.

Apocalypse : le mot est la transcription d'un terme grec qui signifie "révélation". L'Apocalypse de saint Jean, dernier texte du Nouveau Testament, est une série de visions qui décrit la fin des Temps.

Catholique : du grec katholikos, universel ; en se qualifiant, dès le 2e siècle, de catholique, l'Église du Christ exprime sa vocation à l'universalité; à partir du 16e siècle, le terme désignera l'Église romaine par opposition aux Églises issues de la Réforme protestante.

Martyr : du grec martus, témoin, celui qui souffre la mort pour sa foi.

Monachisme : du grec monachos, celui qui vit seul. Les premiers moines étaient des anachorètes, c'est-à-dire des gens qui "prenaient le désert" comme on "prend le maquis", tel le paysan égyptien Antoine. Une autre forme de monachisme fut le cénobitisme, ou la vie en commun dans un monastère.

Péché originel : depuis la faute d'Adam, tout homme est corrompu par nature et naît pécheur, c'est-à-dire enclin au mal.

Hippone : en Afrique du Nord ; l'actuelle ville d'Annaba (Bône) en Algérie est à proximité de l'ancien site d'Hippone.

Liturgie : ensemble des cérémonies et des prières organisées en l'honneur de la divinité.

Russie : la christianisation de la Russie a commencé au 10e siècle à l'initiative des continuateurs des Grecs Cyrille (827-869) et son frère Méthode qui avaient entrepris, au 9e siècle, la conversion des Slaves dalmates et des Hongrois ; ils avaient traduit la Bible et la liturgie grecque en langue slave.

Siècle : dans la langue ecclésiastique, le mot désigne le monde profane dans lequel le chrétien, aux prises avec les tentations, a du mal à faire son salut.

Sacrements : signes sensibles institués par Jésus-Christ pour produire la grâce divine et sanctifier les âmes; les sacrements sont sept : baptême, confirmation, pénitence (ou confession), eucharistie (ou communion), extrême-onction (ou sacrement des malades), ordre, mariage.

Indulgences : rémission, totale ou partielle, de la peine de purgatoire due pour les péchés pardonnés ; pour gagner les indulgences, le fidèle doit accomplir les œuvres prescrites (prières spéciales, confession, communion). Sacerdoce : fonction du prêtre dans toutes les religions.

Excommunié : l'excommunication est une sentence prononcée par l'autorité ecclésiastique (pape ou évêque) et qui retranche le coupable de la communauté, ou communion, de l'Église.

Transsubstantiation : changement de la substance du pain et du vin en la substance du corps et du sang du Christ.

Ministres : ce terme employé par les calvinistes est synonyme de pasteurs chez les luthériens.

Compagnie de Jésus : fondée par l'Espagnol Ignace de Loyola (1491-1556), la Compagnie de Jésus est un ordre religieux de type nouveau, sorte "d'armée de la foi" au service du pape pour aller partout où son action serait nécessaire (prédication, enseignement, missions lointaines, etc.).