Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

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Jeudi 6 mars 2014 - 70 e année - N˚21502 - 2¤- France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède A trois semaines des élections munici- pales, à trois mois des européennes, Marine Le Pen peut se frotter les mains. La droite dans l’opposition comme la gauche au gouvernement se char- gent, chacune à sa manière, d’apporter de l’eau à son moulin. La droite, d’abord. Deux ans après la défai- te de Nicolas Sarkozy, un an après la lutte sans merci qui a opposé François Fillon et Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP, elle escomptait bien panser ses plaies et retrouver les faveurs des Français à l’occa- sion du scrutin municipal. Deux méchantes affaires risquent de torpiller cet espoir. Depuis quelques jours, c’est le président de l’UMP qui se retrouve, une nouvelle fois, sur la sellette. Hier accusé d’avoir triché pour s’emparer de la présidence de l’UMP, le voilà soupçonné d’avoir favorisé indûment une société de communication dirigée par deux de ses anciens collaborateurs. Selon une enquête du Point, cette société aurait récupé- ré, en particulier, la gestion des meetings de M. Sarkozy durant sa campagne de 2012 et les aurait lourdement surfacturés. Quand on se rappelle que les comptes de campagne de l’an- cien président ont été rejetés par le Conseil constitutionnel et que les militants de l’UMP ont été invités à éponger la note de 11 millions d’euros, on peut douter qu’ils apprécient. Et que fait Jean-François Copé ? Loin de répondre précisément à ces accusations, il se pose en victime d’un complot et s’efforce de mouiller tout le monde, en exigeant une loi de transparence absolue des comptes des par- tis politiques. Non seulement c’est prendre son camp en otage. Non seulement c’est oublier que cette législation existe depuis un quart de siècle et que les comptes de tous les partis sont consultables auprès de la Commis- sion nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Mais c’est, sur- tout, alimenter le « Tous pourris ! » ressassé depuis toujours par le Front national. La seconde affaire n’est pas plus brillante. Pendant des années, selon Le Canard enchaî- , Patrick Buisson, influent conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, aurait discrète- ment enregistré ses discussions avec l’an- cien président et son entourage. On croit rêver ! Ce n’est plus « Tous pourris ! », mais « Tous tordus ! »… Pathétique. M. Sarkozy pourra dénoncer la trahison d’un homme ; il ne pourra échapper ni au ridicule de ces révélations, ni au climat délé- tère dont elles témoignent. Pour celui qui s’estime seul capable de contrer, demain, le FN et de faire regagner la droite, le camouflet est cinglant. Quant à la gauche au pouvoir, c’est plus simple. Pas de vilain scandale à l’horizon. Mais son impuissance à lutter contre la crue du chômage, sa panne de résultats appa- rents dans le redressement de l’économie du pays, la purge fiscale opérée depuis deux ans, le discrédit profond du président de la République et la faiblesse du gouvernement se conjuguent pour expliquer la crise de confiance dont elle est victime. On le constate : la présidente du Front national a bien toutes les raisons de se réjouir. Les autres travaillent pour elle. Sans qu’elle ait besoin d’en rajouter. Hélas ! p ET PROCHAINEMENT LE 29 AVRIL : SOURIRES D’UNE NUIT D’ÉTÉ SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE SONATE D’AUTOMNE ÉGALEMENT DISPONIBLES EN ET COLLECTOR - INCLUS UN LIVRET INÉDIT ET DES BONUS EXCLUSIFS - SOURIRES D’UNE NUIT D’ÉTÉ • LES FRAISES SAUVAGES LE SEPTIÈME SCEAU • LA SOURCE • PERSONA SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE • SONATE D’AUTOMNE 7 FILMS INGMAR BERGMAN VERSIONS RESTAURÉES INÉDITES ACTUELLEMENT AU CINÉMA UKRAINE : POUTINE CALME LE JEU FACE AUX PRESSIONS INTERNATIONAL – LIRE PAGES 2-3 En Centrafrique, chronique d’un échec annoncé INTERNATIONAL – LIRE PAGE 4 NOUGARO CÉLÉBRÉ EN MAÎTRE DE MUSIQUE CULTURE – LIRE PAGE 12 Intégrer une grande école avec ou sans prépa Les classes préparatoires aux grandes écoles étaient jusqu’ici la voie royale pour intégrer les grandes écoles. Celles-ci se sont ouvertes depuis aux étudiants de licence, master, DUT ou BTS, qui peuvent tenter le concours par admission parallèle. Mais le succès est mitigé au regard du poids des traditions. CAHIER ÉCO PAGES 7-8 Au Sénat, Jean-Pierre Bel jette l’éponge Dans une tribune au Monde, le président du Sénat annonce qu’il quit- tera son fauteuil après les sénatoria- les de septembre. Il renonce à toute « fonction élective ». DÉBATS – PAGE 18 Pluie, chaleur : hiver record en France C’est le 2 e hiver le plus chaud depuis 1900, avec une plu- viométrie extrême et des tempêtes à répétition. Breta- gne ou Côte d’azur, aucune région n’a été épargnée. FRANCE – PAGE 10 La course à la compétitivité affole l’Europe Les pays de l’Union se livrent une bataille féroce. La France, l’Espagne et l’Italie jouent la carte du coût du travail. Mais l’Alle- magne a déjà pris dix ans d’avance. CAHIER ÉCO – PAGE 3 L’hydrogène entre en bourse Plus d’infos p.3 du cahier économie ÉDITORIAL La droite sous le choc des écoutes Buisson AUJOURD’HUI UNIVERSITÉS Marine Le Pen peut se frotter les mains… UK price £ 1,80 t L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy a enregistré secrètement des réunions tenues à l’Elysée en 2011 LIRE P. 7 LE REGARD DE PLANTU VIOLS EN SYRIE : ENQUÊTE SUR UNE ARME DE GUERRE t « Le Monde » a recueilli de nombreux témoignages de femmes violées en Syrie, faisant état d’une pratique systématique Patrick Buisson, en 2011, lors de la cérémonie du 11-Novembre dans la cour d’honneur des Invalides. LUDOVIC/REA D ans le flot d’horreurs per- pétrées dans la guerre en Syrie, il est un crime plus tabou que les autres : le viol. Filles violées devant leur père, femmes devant leur mari, opposantes au régime torturées et victimes d’abus sexuels en série… Malgré la honte et la peur des représailles, des femmes syrien- nes ont accepté de se confier au Monde. Témoignages souvent insoutenables qui viennent appuyer le constat des organisa- tions internationales : le régime de Bachar Al-Assad utiliserait le viol comme une arme de guerre systématique. p LIRE L’ENQUÊTE D’ANNICK COJEAN P. 20-21 Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

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Jeudi 6 mars 2014 - 70e année - N˚21502 - 2 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice: Natalie Nougayrède

Atroissemainesdesélectionsmunici-pales, à troismois des européennes,Marine Le Pen peut se frotter lesmains. La droite dans l’opposition

comme la gauche au gouvernement se char-gent, chacune à sa manière, d’apporter del’eau à sonmoulin.

Ladroite, d’abord.Deuxans après la défai-te de Nicolas Sarkozy, un an après la luttesans merci qui a opposé François Fillon etJean-François Copé pour la présidence del’UMP, elle escomptait bien panser ses plaies

et retrouver les faveurs des Français à l’occa-sion du scrutinmunicipal. Deuxméchantesaffaires risquent de torpiller cet espoir.

Depuis quelques jours, c’est le présidentde l’UMP qui se retrouve, une nouvelle fois,sur la sellette. Hier accusé d’avoir triché pours’emparer de la présidence de l’UMP, le voilàsoupçonné d’avoir favorisé indûment unesociété de communication dirigée par deuxde ses anciens collaborateurs. Selon une

enquête du Point, cette société aurait récupé-ré, en particulier, la gestion des meetings deM.Sarkozy durant sa campagnede 2012 et lesaurait lourdement surfacturés. Quand on serappellequelescomptesdecampagnedel’an-cien président ont été rejetés par le Conseilconstitutionnel et que lesmilitants de l’UMPontété invitésàéponger lanotede 11millionsd’euros, onpeut douter qu’ils apprécient.

Et que fait Jean-François Copé? Loin derépondre précisément à ces accusations, il sepose en victime d’un complot et s’efforce demouiller tout le monde, en exigeant une loidetransparenceabsoluedescomptesdespar-tis politiques. Non seulement c’est prendreson camp en otage. Non seulement c’estoublier que cette législation existe depuis unquart de siècle et que les comptes de tous lespartissontconsultablesauprèsdelaCommis-sion nationale des comptes de campagne etdes financements politiques. Mais c’est, sur-tout, alimenter le «Tous pourris !» ressassédepuis toujours par le Front national.

La seconde affairen’est pasplus brillante.Pendantdes années, selon LeCanard enchaî-né, Patrick Buisson, influent conseiller de

Nicolas Sarkozy à l’Elysée, aurait discrète-ment enregistré ses discussions avec l’an-cien président et son entourage. On croitrêver ! Ce n’est plus «Tous pourris ! », mais«Tous tordus !»…Pathétique.

M.Sarkozy pourra dénoncer la trahisond’un homme; il ne pourra échapper ni auridicule de ces révélations, ni au climat délé-tère dont elles témoignent. Pour celui quis’estime seul capable de contrer, demain, leFNetde faire regagner ladroite, le camoufletest cinglant.

Quant à la gauche au pouvoir, c’est plussimple. Pas de vilain scandale à l’horizon.Mais son impuissance à lutter contre la cruedu chômage, sa panne de résultats appa-rentsdans le redressementde l’économiedupays, la purge fiscale opérée depuis deuxans, le discrédit profond du président de laRépublique et la faiblesse du gouvernementse conjuguent pour expliquer la crise deconfiance dont elle est victime.

On le constate : la présidente du Frontnational a bien toutes les raisons de seréjouir. Les autres travaillent pour elle. Sansqu’elle ait besoind’en rajouter.Hélas !p

ET PROCHAINEMENT LE 29 AVRIL :SOURIRES D’UNE NUIT D’ÉTÉ • SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE • SONATE D’AUTOMNE

ÉGALEMENT DISPONIBLES EN ET COLLECTOR- INCLUS UN LIVRET INÉDIT ET DES BONUS EXCLUSIFS -

SOURIRES D’UNE NUIT D’ÉTÉ • LES FRAISES SAUVAGESLE SEPTIÈME SCEAU • LA SOURCE • PERSONA

SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE • SONATE D’AUTOMNE

7 FILMS

INGMAR BERGMAN

VERSIONS

RESTAURÉES INÉDITES

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955

– 19

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ACTUELLEMENT AU CINÉMA

UKRAINE : POUTINE CALMELE JEU FACEAUXPRESSIONSINTERNATIONAL–LIRE PAGES 2-3

EnCentrafrique, chroniqued’unéchecannoncéINTERNATIONAL–LIRE PAGE 4

NOUGARO CÉLÉBRÉEN MAÎTRE DE MUSIQUECULTURE–LIRE PAGE 12

Intégrer une grandeécole avec ou sans prépaLes classes préparatoires auxgrandes écoles étaient jusqu’icila voie royale pour intégrer lesgrandes écoles. Celles-ci se sontouvertes depuis aux étudiantsde licence,master, DUTou BTS,qui peuvent tenter le concourspar admission parallèle.Maisle succès estmitigé au regarddupoids des traditions.CAHIERÉCOPAGES7-8

AuSénat,Jean-PierreBeljette l’épongeDansune tribuneauMonde, leprésidentduSénatannoncequ’il quit-tera son fauteuilaprès les sénatoria-lesde septembre.Il renonce à toute«fonctionélective».DÉBATS– PAGE18

Pluie, chaleur:hiver recordenFranceC’est le 2ehiver lepluschauddepuis1900,avecuneplu-viométrieextrêmeetdes tempêtesàrépétition.Breta-gneouCôted’azur,aucunerégionn’aété épargnée.FRANCE–PAGE10

Lacourseà lacompétitivitéaffole l’EuropeLespaysde l’Unionse livrentunebataille féroce.LaFrance, l’Espagneet l’Italie jouentla carteducoûtdutravail.Mais l’Alle-magneadéjàprisdixansd’avance.CAHIER ÉCO–PAGE3

L’hydrogèneentre en boursePlus d’infos p.3

du cahier économie

ÉDITORIAL

LadroitesouslechocdesécoutesBuisson

AUJOURD’HUI

UNIVERSITÉS

MarineLePenpeut se frotter lesmains…

UKprice£1,80

tL’ancien conseillerdeNicolas Sarkozyaenregistré secrètementdes réunions tenues à l’Elyséeen2011 LIRE P.7

LE REGARD DE PLANTU

VIOLS EN SYRIE :ENQUÊTESUR UNE ARMEDE GUERREt «LeMonde»arecueillidenombreux témoignagesde femmesviolées enSyrie,faisantétatd’unepratiquesystématique

PatrickBuisson, en 2011,lors de la cérémoniedu 11-Novembredans la cour d’honneurdes Invalides.LUDOVIC/REA

D ans le flot d’horreurs per-pétrées dans la guerre enSyrie, il est un crime plus

tabouque les autres : le viol. Fillesviolées devant leur père, femmesdevant leur mari, opposantes aurégime torturées et victimesd’abus sexuels en série…

Malgré la honte et la peur desreprésailles, des femmes syrien-nes ont accepté de se confier auMonde. Témoignages souventinsoutenables qui viennentappuyer le constat des organisa-tions internationales : le régimede Bachar Al-Assad utiliserait leviol comme une arme de guerresystématique.p

LIRE L’ENQUÊTED’ANNICKCOJEANP.20-21

Algérie 150 DA,Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤,Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤,Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £,Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤,Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

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international

KievEnvoyé spécial

P endantdixjours, lesilencedeVladimir Poutine au sujet del’Ukraine avait été très com-

menté. Indécision, improvisationou bien planmuet pour placer lesOccidentaux et l’Etat voisin, à ladérive, devant le fait accomplid’une occupation partielle? Lesspéculations n’ont pas été étan-chées par la conférence de pressequ’a finalement donnée le prési-dent russe,mardi 4mars.

Destinée à ranger, «pour l’ins-tant», les claironsde la guerre, cet-te intervention a marqué uneesquisse d’apaisement. Mais elleest loin d’avoir levé les ambiguïtéssur la position russe. « Si nousvoyons que le désordre commencedans les régions de l’est, nous nouslaissons le droit d’utiliser tous lesmoyenspour défendre les citoyens,d’autantque lademandenousenaété faite par le président[Ianoukovitch]», a précisé Vladi-mir Poutine.

L’optionmilitairen’estdoncpasune question de principe, mais decirconstances. Dans cette pause,difficile de mesurer le rôle qu’ontjoué les indicateurs catastrophi-ques sur les marchés, la chute durouble, ou bien lesmises en gardeoccidentales, soulignant l’isole-ment de la Russie. Les dernièresattaques ont été déclenchées àKiev,mardi, par le secrétaired’Etataméricain, John Kerry, venu offrirun crédit de 1milliard de dollars(728millions d’euros), simpledébutd’unecoopération intense.

Après s’être rendu à Maïdan,M.Kerry – qui devait rencontrerson homologue russe mercredi àParis – a tenu un discours battanten brèche les affirmations russessur l’insécurité en Ukraine. «C’estladiplomatieet le respectde lasou-veraineté, pas la force unilatéralequi peuvent résoudre aumieux lesdisputesdecettenatureauXXIe siè-cle», a-t-il conclu.

Pendantcetemps,VladimirPou-tine ne semblait absolument pasnerveuxousurladéfensivedevantles journalistes. Ni contrarié par lamenace de sanctions occidentales,estimant que « les dommagesseraient mutuels». « Il a défendufarouchement les intérêts russes,mais il s’estditprêtenmêmetempsà des compromis, explique à Mos-cou Vladimir Jarikhine, le vice-directeurdel’Institutpour lespaysde la Communauté des Etats indé-pendants. Il a déjà atteint son but:arrêter l’expansion nazie et natio-naliste dans l’ouest, qui menaçaitl’Ukraine d’une guerre civile.» Unvocabulaire banalisé dans les cer-

clesmoscovites et à la télévision.Sanssurprise, leprésident russe

a qualifié la nouvelle révolutionukrainienne de « renversementanticonstitutionnel» et de «couparmé». Il a eu quelquesmots posi-tifs à l’égard des manifestants deMaïdan–maispaspourdéplorerlacentaine de morts – disant «com-prendre» leursdemandesde chan-gements radicaux. Puis le prési-dent russe a emmuré vivant sonancien homologue ukrainien, Vik-tor Ianoukovitch, qu’il a vu «il y adeux jours». Tout en dénuant tou-te légitimité à son successeur parintérim, Olexandre Tourtchinov,VladimirPoutineaestiméqueVik-tor Ianoukovitch n’avait «pasd’avenir politique». La Russiel’auraitaidé,dit-il,pourdesraisons«humanitaires».

Contretouteévidence,VladimirPoutineassurequeseulsdes«grou-pes d’autodéfense» locaux agis-sent en Crimée et non des élé-

ments de sa propre armée. Mais ilveut bien répondre par avance àl’hypothèse d’une interventionmilitaire plus large. Son principeserait tout à fait « légal», dès lorsque les habitants de certainesrégionsappellent laRussie à la res-cousse, face au «chaos». D’autantque, selon le président russe,Mos-coune sentirait alorsplus lié par lemémorandumde Budapest sur ladénucléarisation de l’Ukraine, en1994 : une révolution signifiel’émergenced’unnouvelEtat, aveclequelMoscoun’ariensigné.Etran-ge façonde se délester des engage-ments passés de la Russie, quandBoris Eltsineétait président.

«C’estunedémonstrationinvrai-semblable de cynisme, de doublelangage, souligne à Kiev GuiorguiKassianov, chef du départementd’histoire contemporaine à l’Insti-tutd’histoire.Poutine tord les faits.Il parle par exemple de “terreur” àKiev,deviolences. Jemarchedansla

rueet j’encherchelespreuves. Delamême façon, il refuse la légitimitédes autorités ukrainiennes, mais iln’a aucun problème avec les nou-veauxpouvoirs locauxenCrimée. Ilveut y créer une enclave, un quasi-Etatmarionnette.»

Vladimir Jarikhine, lui, voit lastratégie du Kremlin au-delà de laCrimée. A l’écouter, la seule façonde préserver l’intégrité territorialede l’Ukraine, quitte à affaiblir soncentre, «est de mettre en place safédéralisation, politique et écono-mique, avec une élection de ses

représentants régionaux. Il ne fautplus que l’Ukraine soit au cœurd’un jeu entre Washington et Mos-cou. C’est un pays compliqué quidoit rester là où il est, entre l’Unioneuropéenneet la Russie».

Lapausemilitairen’aurait doncrien à voir avec la stratégie politi-que sur le terrain, très large.D’autant que Vladimir Poutinerefuse toute leçon de droit de lapart desOccidentaux, en faisant laliste des entorses américaines :Irak, Afghanistan, Libye. Selon lui,Washington aurait agi à chaquefois sans résolution du Conseil desécurité de l’ONU, ou bien en lescontournant.

Le chef de l’Etat russe a multi-plié les attaques contre les Etats-Unis, dont les experts se livre-raient «à des expérimentations[sur l’Ukraine] comme sur des ratsde laboratoire». Dénonçant un«coup d’Etat très bien préparé»,VladimirPoutineamis encause le

rôle des « instructeurs occiden-taux».

La référence la plus incroyabledanssarhétoriqueest leKosovo.Laguerre de 1999 a été unmarqueurmajeurdanssavisiondes relationsinternationales. Il évoque l’ancien-ne province serbe, devenue indé-pendanteenfévrier2008,àproposdu principe du droit des peuples àl’autodétermination. Il est peuclair, pourtant, de quel peuple deCrimée – mosaïque complexe –parle le président russe, et quelleest sa visée. Poutine assure queMoscoun’apasdeplanderattache-ment de la Crimée à la Fédérationde Russie, mais sans jamais préci-ser qu’elle fait partie intégrante del’Ukraine.Or, la tenued’unréféren-dum dans la péninsule, annoncépour le 30mars, pourrait confir-mer le détachement de facto de laCriméedurestedupays.Toutes lesoptions restentdoncouvertes.p

Piotr Smolar

LedrapeauukrainienaretrouvédroitdecitédanslesruesdeDonetsk

LeprésidentrusserefusetouteleçondedroitdelapartdesOccidentaux,

enfaisantla listedesentorsesaméricaines

LapausemilitairedeVladimirPoutineenUkraineFustigeantlesOccidentaux, leprésidentrusseseréserveencore ledroitd’intervenirchezsonvoisinukrainien

Donetsk (Ukraine)Envoyé spécial

Il est revenudansDonetsk.Mardi4mars, le drapeauukrainienestd’abordréapparuautourde latailled’une jeune fille. Lamilitan-te solitaire était venuedevant lepalaisdugouverneur, occupédepuis la veillepar les activistesprorusseset pavoiséenhommageà laRussie. «Je ne suis pasd’accordque flotte ce drapeauétranger»,avaitdit cettedemoiselle à l’âmede Jeanned’Arc. Elle restera sansnompuisque l’entretien fut aussi-tôt écourtéparunedouzainedegrosbrasmenaçants, élémentsradicauxqui l’encerclèrentet lachassèrentmanumilitari de l’es-planadedont ils ont fait leur fief.

Depuisplusieurs jours, le jauneet le bleu étaientbannis de cettegrandeville russophonede l’estdupays. Ils ne flottaientplus guè-reque commeune survivancesurlamairie et, cequi estmoinsnégli-geable, sur lesmanchesdes tenuesde lapolice.Ailleurs, le drapeau tri-coloredupuissantvoisin régnait

enmaître. Les activistesprorussesoccupaientpour la deuxièmejour-née le siègede l’administrationrégional. PavelGoubarev, leurdiri-geant, réitérait son intentiond’or-ganiserunréférendumsur l’ave-nirduDonbass, proposant soit unstatutd’autonomieau seindel’Ukraine, soitun rattachementavec laRussie. Ces partisansne fai-saient aucunmystèrede leurpré-férence, en scandant«Russie! Rus-sie!»devant les équipesde télévi-sionmoscovitesqui avaient traver-

sé enmasse la frontièrepour écou-ter ce chantd’amour.

Puis le drapeauukrainienaresurgi, cette fois devant l’univer-siténationale deDonetsk. Il avaitété déployépar des étudiants, àl’occasionde la visite de Svyatos-lavVakarchuk. Ce chanteur, lea-der dugroupeOkeanElzy, estimmensément connudans lepays. Bienqu’écrits enukrainien,ces textes sont écoutés par toutela jeunessedupays, d’ouest enest. A 39 ans, il est égalementconnupour ses prises depositioncitoyennes, pro-occidentales. Ilfutundes grands soutiens de la«révolutionorange», fin 2004.

Il devintmêmedéputé en2007, avant dedémissionner,dégoûtépar lesmagouillesdanslesquelles se délitaient les rêvesdémocratiquesde la société ukrai-nienne. Récemment, il a soutenulesmanifestantsdeKievqui ontrenversé le présidentViktorIanoukovitch.Depuis deux jours,mettant en jeu sapopularité, l’ar-tiste a commencéune tournéed’explicationdans l’Est.

Dans l’amphithéâtrede 500pla-ces, plusdemille personness’étaiententassées, débordant jus-quedans lehall. Pendant troisheu-res, acclamé, SvyatoslavVakar-chukadit son souhaitd’uneUkrai-neunie.«Comment faire pourqueles gensde l’Est et de l’Ouestpuis-sent s’entendre, se comprendre,vivre ensemble?», a-t-il demandé.Enukrainienet en russe,maîtri-santparfaitement cesdeux lan-gues, il a fustigé lespoliticiensdesdeuxcampsqui jouentdesdivi-sionsculturelles et linguistiquespourasseoir leur clientèle.

Il a dénoncé la corruption, leniveau intellectuel affligeantdesélus,mais aussi l’indifférenced’une sociétéqui semble s’êtrerésolueà la concussionet à ladémagogie.«Depuis vingt-troisansque l’Ukraineest indépendan-te, les gens veulent toujours lamêmechose: une vienormale,mais ils se font voler cette espéran-ce si simple.» Lavedetten’apaséludé les questionsd’étudiantsplusque réservés sur ce qui sepas-sait àKiev. A la finde la réunion,

aux fansqui lui demandaientunechanson, il a entamé l’hymnenational, reprispar sonauditoire.

Endébutde soirée, le drapeauukrainiena finalement retrouvédroitde cité àmême les trottoirs.Unemanifestationdespartisansde l’uniténationale était organi-séedevant l’égliseSaint-Michell’Archange, à trois centsmètres àpeinedupalais dugouverneur.

«Ukraine! Ukraine!»Vers 18heures, ils étaient àpei-

nequelques centainesquibrandis-saient l’étendardnational auboutd’unehampeous’endrapaient lesépaules. Etpuis lesminutespas-sant, sans doute l’effetduboucheàoreilledes réseauxsociaux, lafoule apeuàpeugrossi. Ils seretrouvèrentbientôtplusd’unmillier, étonnésde leurpropreaudace, scandant«Ukraine!Ukrai-ne!», tandisquedesvoituresklaxonnaienten signed’approba-tion. Bien sûr, ils étaientdix foismoinsnombreuxqueceuxd’enface, le samedi 1ermars. Pasdequoifairevaciller lesprojets des séces-

sionnistesoudePoutine.Maisc’était aumoinsunacted’ex-istenceaprès ces joursde catacom-bes. Youri, unentrepreneurde43ans,Maxime,unouvrier sidé-rurgistede 35 ans, Vladislava,uneassistantesocialede 25 ans,disaient leur souhait que la situa-tionpolitique s’apaise. CommelechanteurVakarchuk, ils espé-raientmêmeque lanation sorti-rait renforcéede cette épreuve.

Lamanifestationétait protégéepar les «ultras» duChakhtarDonetsk, le grand club de footballde la ville. Yegor, 22 ans, et Sviatos-lav, 25ans, évoquaient l’amour deleurpays.D’ailleurs, il y a deuxjours, ces supporteurs réputésindocilesont organiséune rencon-tre amicale avec leurs ennemisjurés, les «ultras» duDynamoKiev. Lematchamical s’est termi-né sur un résultat nul 1-1. «Si noussommesarrivés à nous entendre,les autres le peuventaussi», expli-quaient-ils.Mercredimatin, le dra-peauukrainien flottait à nouveausur le palais dugouverneur.p

BenoîtHopquin

Vladimir Poutine lors de sa conférence de presse, le 4mars, dans sa résidence officielle de Novo-Ogarievo. ALEXEI NIKOLSKIY/REUTERS

50 km

RUSSIEB IÉLORUSSIE

ROUMANIE

MOLD.MOLD.MOLD.

POLO

GNE

U K R A I N E

Kiev

Crimée

Kharkiv

Simferopol

Mer Noire

Donetsk

2 0123Jeudi 6mars 2014

Page 3: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

international

Une grandeécole mériteUne grandeprépa

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BerlinCorrespondant

T outunsymbole: aumomentoù, jeudi 6mars, les chefsd’Etat et de gouvernement

européens se réuniront à Bruxel-les pourprendre, éventuellement,des «sanctions ciblées» contre laRussie, lenumérodeuxdugouver-nement allemand devrait être àMoscou…pourparler affaires.

Sigmar Gabriel, ministre del’économie et président du Partisocial-démocrate (SPD), doit effec-tuer jeudi et vendredi «un voyageprévude longuedate»dans lacapi-tale russe pour rencontrer, entreautres, son homologue chargé del’économie.

L’enjeu: discuter de «politiqueénergétique et de développementéconomique», indiquait le minis-tremardi.Maiscelui-ciétantégale-ment vice-chancelier, des entre-tiens avec d’autres dirigeants nesont pas exclus. Vladimir Poutinen’a-t-il pas rencontré durant uneheure vingt le «simple» ministredes affaires étrangères, Frank-Wal-ter Steinmeier, le 14 février? Sig-marGabriel, qui pourrait faireunehalteàKiev,devraitégalementplai-der auprèsdes Russes la cause éco-nomiquede l’Ukraine.

Lundi, lors de la réunion desministres des affaires étrangèreseuropéens à Bruxelles, l’Allema-gne a, sans surprise, fait partie despays les plus opposés à des sanc-tionscontreMoscou.Elle ademul-tiples raisons.

DépendancesUne des caractéristiques de la

diplomatie allemande depuisWilly Brandt est d’être un «pont»entre la Russie et l’Occident. «Latransformation par le rapproche-ment», expliquait l’ancienchance-lier social-démocrate (1969-1974).Les échanges téléphoniques qu’aeus,cesderniers jours,AngelaMer-kel avec Vladimir Poutine, BarackObamaet avec le premierministreukrainien,Arseni Iatseniouk, s’ins-crivent dans cette tradition decréer«ungroupede contact»pourrapprocher lesparties.

Une des difficultés d’AngelaMerkeldepuisdimancheestdepri-vilégier le dialogue avec Moscousans avoir l’air de se désolidariserde la fermeté américaine, notam-ment en matière de sanctions.Pour l’Allemagne, il n’y a pas depaix en Europe sans, et encoremoinscontre,laRussie.D’oùlaréti-cencede Berlin à boycotter le som-metduG8de Sotchi prévuen juin.D’où, aussi, le voyage de SigmarGabriel. Pour le moment, la pro-chaine rencontre annuelle entreles deux gouvernements, prévueenavril à Leipzig, estmaintenue.

L’histoireetlaproximitégéogra-phiqueentrelesdeuxpaysn’expli-

quent pas tout. L’économie joueunrôlemajeurdanscettestratégie.Apriori, laRussien’estqu’unparte-nairesecondairepourl’Allemagne.Leonzième.L’Allemagneneréaliseque4%desoncommerceavecMos-cou.Moins qu’avec Varsovie.Maisles échanges atteignent quandmême 76milliards d’euros. Sur-tout, la Russie est le principal four-nisseur de gaz naturel, loin devantla Norvège: 31% du gaz allemandvientdeRussie.

La présence de l’ancien chance-lier social-démocrate GerhardSchröder à la tête de Nord Stream,l’une des principales filiales dugéant russe Gazprom, illustre onne peut mieux les intérêts croisésdes deux pays dans le domaineénergétique. Incidemment, plusde la moitié de ce gaz transite parl’Ukraine. La Russie fournit égale-ment 35% du pétrole consomméen Allemagne. De plus, environ6000entreprisesallemandessontimplantéesenRussie. SelonRainerLindner, directeur de la commis-sion Est du patronat allemand,environ «200000 emplois en Alle-magne dépendent du commerceavec laRussie».

Le 18février, plus de 250 invités,dontdesministres,desdiplomates

etdesdéputés,ontassistéàlarécep-tionannuelledecettecommission.«Dans au moins 80 des 83régionsrusses, vous trouverez des entrepri-ses dont les Allemands sont partieprenante. Même au-delà du cerclepolaire. Les collaborateurs alle-mands y apportent leur culture etleur conception de la démocratie»,se félicitait Eckhard Cordes, prési-dentde la commission.

On cherchera, en vain, la moin-dre critique du régime de Poutinedans ce discours. En revanche,selon Eckhard Cordes, égalementprésident du directoire du groupede grande distributionMetro, trèsprésent en Russie, « l’Union euro-péenneavraimentcommisunegra-ve erreur dans le passé en dévelop-pant le Partenariat oriental sansengager avec la Russie un dialogueefficace».

Pour cepuissant lobbypatronalquiplaide pour «une zonede libre-échange de Lisbonne à Vladivos-tok», des sanctions à l’égard de laRussie seraient particulièrementmalvenues. «Il faut voir les consé-quencesquienrésulteraient,lespos-sibles contre-sanctions dans ledomaine des matières premières»,alerte l’association. p

Frédéric Lemaître

«L’Europedoitcontinuerdedénonceruneattitudeinacceptable»UrmasPaet,ministreestoniendesaffairesétrangères, souhaiteque l’UEresteunie faceà l’«agression»russe

Simferopol (Ukraine)Envoyé spécial

L ’ordre russe régnant désor-mais en Crimée, du moinsdans les principalesvilles, un

début de processus politiquedevait s’enclencher, mercredi5mars à Simferopol, la capitalerégionale. Les employés du Parle-ment n’ont plus à contourner unbarrage de chaises et de tables bri-sées qui obstruait encore récem-ment ses portes. Les douze dépu-tés qui s’y sont présentés mardiglissaientensilencesuruncarrela-gepropre.

Mercredi, ces douze députésconstituant le présidiumduParle-ment, rassemblés autour du prési-dentVladimirKonstantinov,devai-entdéfiniravecplusdeprécisionlaquestion sur « l’autonomie» de larégionqui doit être posée par réfé-rendum annoncé pour le 30mars.Sa tenue avait été votée le27février, à la veille de l’invasionrusse, à huis clos par un nombreimprécis de députés. Jeudi,M.Konstantinov doit s’envoler

pourMoscou,àlatêted’unedéléga-tion de trois parlementaires. Puisune réunion plénière réunissantles100députésdoitvaliderlaques-tion posée au référendum. Leministère de l’économie russe achargé la chambredecommerceetd’industriedetrouver3,6milliardsd’eurospour soutenir laCrimée.

Autonome,larégionl’estdéjàenpartievis-à-visdeKievdepuis 1991.Elledisposed’unstatutdeRépubli-que en Ukraine, d’une Constitu-tion, d’un Parlement et d’un gou-vernement local. Ses compétencesont été réduites en 1995, dernièrepériode pendant laquelle le statutde la péninsule a été débattu. BorisEltsine avait tranché en refusantunrattachementà laRussie.

Depuis l’invasion, les pouvoirsdu gouvernement de Simferopolnecessentdes’étendre.Lepremierministre, Sergueï Aksionov, nonreconnu par Kiev, s’est arrogésamedi l’autorité sur la police etles forces armées de la région. Lesagents semblent obéir. Ils évitentles lieuxdepouvoir, gardéspar lesmilicesqu’ontforméeslepartiUni-té russe de M.Aksionov (un nomquirappelleRussieunie, lepartideVladimir Poutine) ainsi que des

groupuscules prorusses. On voitdespoliciers contrôler les excèsdevitesse sur la route de Sébastopol.

L’armée, quant à elle, poursuitsa résistance passive aux soldatsrusses qui encerclent ses bases.Mardi, une colonne de 300 hom-mes de la base aériennede Belbek,proche de Sébastopol, a accompliun petit fait d’armes non violent:ils ont marché désarmés et chan-tant vers l’aéroport civil voisin. Ilsont été repoussés par une douzai-ne de soldats russes sans signe denationalité, qui ont tiré des coupsde semonce.

Autour de ces derniers pans deterre encore sous l’autorité deKiev, se négocient divers aban-dons de souverainetés: redditiondes armes et des troupes à l’arméerusse ou à celle, encore inexistan-te, de la République autonome deCrimée, ou garde conjointe avecles forces russes. Ces discussionsrelèvent du droit et du symbole.Les forces ukrainiennes n’ont pasla capacité de résister aux plus de25000hommes du contingent deSébastopol, basede la flotte russe.

A ce rapport de force établi, unréférendum pourrait donner unelégitimité populaire. Irait-oncependantjusqu’àproposerlarup-ture avec Kiev, ou un rattache-ment à la Russie? Refat Chouba-rov,patrondel’organereprésenta-tif des Tatars de Crimée (musul-mans, 12% de la population), lemajlis, un groupenon institution-nel mais puissant, en doute. « Ilsessaient de séparer la Crimée del’Ukraine, dit-il, mais il est encoretrop tôt.» Depuis quelques jours,M.Choubarov est courtisé par lenouveau pouvoir : « Ils nous pro-mettentunevice-présidenceduPar-lement,troisministèresetonzepos-tes de collaborateurs gouverne-mentaux.» Il a refusé:«Cegouver-nement est illégitime.»

Les partis favorables à un ratta-chement à la Russie disposaientavantlacrised’uneaudiencenégli-geable en Crimée. Aujourd’hui,Kiev paraît loin et on craint les«émeutiers»deMaïdan.Mais lais-ser débattre d’une rupture, ceserait réveiller de vieilles lignesdefracturesentrecommunautésrus-se, ukrainienne et tatare, et don-ner un espace d’expression aunationalismeukrainien.

«Ils leferontendeuxtemps,esti-me Refat Choubarov. D’abord unréférendum sur l’autonomie. Puisils trouverontunprétexte, un refusde Kiev de signer leurs conditions.Et ils organiseront un autre votesur le rattachement à la Russie.» Ilreste vingt-cinq jours pour ouvrirune campagne. p

Louis Imbert

LespatronsallemandsneveulentpasdesanctionscontrelepartenairerusseLevice-chancelier, SigmarGabriel, doit serendreàMoscou, jeudi6mars,pourparleréconomie

Lespartisfavorablesàunrattachement

àlaRussiedisposaientavantlacrised’uneaudiencenégligeable

LaCrimées’émancipedeKievsansserésoudreaumariageavecMoscouLenouveaugouvernementcriméenpréparele référendumdu30mars sur l’autonomie

Unconseil OTAN-Russie devaitse tenirmercredi 5mars àBruxel-les, entre les ambassadeurs des28paysmembres de l’Allianceatlantiqueet leur homologue rus-se. A l’issue de sa deuxième réu-nion sur le sujet,mardi, consulta-tionprovoquéepar la Pologne,l’OTANapublié une déclarationcommuned’attente. «La Russiecontinue de violer la souveraine-té et l’intégrité territoriale del’Ukraine, et de manquer à ses

obligations internationales,dit-elle.Nous nous engageons à pour-suivre et à intensifier, en étroitecoordination et en consultation,l’évaluation rigoureuse et conti-nue des implications de cette cri-se pour la sécurité de l’Alliance.»Aucunplan d’interventionmilitai-re n’est pour l’instant élaborépar l’OTAN, lesOccidentauxmisant sur l’ONU, l’Union euro-péenne et l’OSCEpour régler lacrisepar la voie diplomatique.

Vladimir Poutine et l’ancien chancelier allemandGerhard Schröder, patrond’une filiale du géant russeGazprom, le 6septembre 2011, àPortovaya, pour l’inauguration dupipelineNord Stream. ALEXEÏ NIKOLSKY/REUTERS

Entretien

L ’offensive russe en Ukraine achoqué l’Europe. Mais ladémarcheduKremlin,menée

aunomdeladéfensedesminoritésrusses d’Ukraine, a surtout de quoidonnerdessueursfroidesauxtroisPays baltes, où réside une impor-tantecommunautérusse.

Leministreestoniendesaffairesétrangères,UrmasPaet, faitpartauMondede ses préoccupationset deson soulagement que l’Europe aitcaractérisé l’attitude de la Russied’«agression».L’offensive de la Russie pour«défendre» les Russes deCri-mée est-elle unemenace pourvotre pays?

Toute la communauté interna-tionale,toutel’Europedoitêtrepré-occupée! C’est un problème grave.

Il s’agit d’envahir un pays voisin.C’est très sérieux.Une attaquenet-te envers l’intégrité territoriale del’Ukraine. De la réaction de l’Euro-pe dépendra la confiance enversl’Union européenne (UE). La com-munauté internationale doit êtreclaire afin de faire cesser au plusvitetoutrecoursàlaforcemilitaire.L’attitude de l’Europe vous sem-ble-t-elle appropriée?

La décision du gel des visas etd’autres sanctions qui pourraients’appliquer est nécessaire. C’est unpremier signal fort. Il faut agir, oui,maisnousdevonsagirensemble. Ilnous faut rester unis pour dénon-cer ceque fait laRussie.

Je suis satisfaitde la réuniondesministres européens des affairesétrangères [lundi 3mars] qui acaractérisé l’attitude de la Russied’agression.Cequi estun fait.

L’Europeestmaintenantprête àprendre des mesures supplémen-taires si l’escalade se poursuivait.Nousnousréunironsjeudi [6mars]pour en décider. D’ici là, l’Europedoit continueràdénonceruneatti-tude inacceptable.

Cela suppose aussi de tendre lamain à l’Ukraine, lui proposer unelignedecréditetunpackageécono-mique avec son lot de réformesvisant à mettre sur pied une vraiedémocratieetfairecesserlacorrup-tion.N’aurait-il pas fallu agir avant?

Il est toujours bon d’avoir unepositionlisibleet rapidemaisnoussommes vingt-huit Etats. Obtenirle consensus nécessite un mini-mumde temps. L’essentiel est quel’Europe ait employé lesmots adé-quats pour qualifier le comporte-mentde laRussie.

Près de 29%de la populationd’Estonie est russophone. Exis-te-t-il une solidarité envers laRussie?

Non.Unepartiedelapopulationest russophone mais aussi ukrai-nienne (22000personnes). Tout lemonde, et c’est naturel, est inquietvis-à-visde laRussie.Vladimir Poutine prétend, lui,défendre la communauté russe.

Tout cela est complètementfaux, c’est de la propagande pure.M.Poutinefaitde lapolitiqueémo-tionnelle. Il rêve d’uneunion eura-sienneet veuty inclure l’Ukraine.L’Europe a-t-elle pris lamesuredudanger de cette agressionpour les Pays baltes?

Il suffit de regarder une cartepours’en rendrecompte!LesPays baltes ont, par le pas-sé, plaidé pour une réforme de

l’article5 du traité de l’OTANquipermet de réagir par la force àl’agression d’un pays voisin.

Jenecroispasquecelasoitnéces-saire. L’article4, qui permet uneconsultation lorsque l’intégritéd’un pays est menacée, suffit. LaTurquie l’a utilisé dans le cadre duconflit syrien. Toutes les organisa-tions, UE, OTAN, doivent avoir lemêmediscourspourdénoncer l’at-titude inacceptabledeMoscou.L’Europe aurait-elle dû davanta-ge seméfier deMoscou?

L’Union européenne a été troparrogante quand elle a proposé unrapprochement à l’Ukraine et àd’autres pays comme la Géorgie etla Moldavie. La «mise aux nor-mes» de ces pays prend du temps.Il fallait leur accorderundélai.p

Proposrecueillis parClaireGatinois

Nouvelle réunion de l’OTAN

30123Jeudi 6mars 2014

Page 4: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

international

Lesréfugiéscentrafricainsnesontpasprèsderentrer FrançoisBozizédanslecollimateurdelaFrance

Analyse

L a Centrafrique vit sa crisesécuritaire et humanitaire laplus aiguë depuis l’indépen-

dance,proclamée en 1960. Le paysestenproieàunevaguedetueries,de transferts forcés de popula-tionsetdepillagessansprécédent.Les crimes de guerre ont touchétout le monde. Et la purificationethnique,quivise la communautémusulmane, est radicale.

Trois mois après le lancementde l’interventionmilitaire françai-se «Sangaris», souhaitée et saluéeparuneimmensemajoritédeCen-trafricainsetbénéficiantd’unefor-te légitimité internationale, leconstat est amer.

Si, à terme, les troupes étrangè-res–deSangaris,del’Unionafricai-ne,del’Unioneuropéenne,etbien-tôt de l’ONU– parviennent à réta-blir une certaine sécurité dans lepays, l’opération a été menée detellemanière qu’elle n’a pu éviter

que la tempête se déchaîne surune Centrafrique déjà meurtriepar une année de crimes commisparlaSéléka,unmouvementrebel-le musulman venu du Nord. Lesforces étrangères ont assisté à unecampagne croisée de tueries quisera un jour qualifiée, si la justiceinternationale s’en saisit, de «cri-mes contre l’humanité».

Aujourd’hui, un calme relatifne revientque fauted’ennemisoude cibles, dans les endroits où la

purificationethniqueaétécouron-née de succès. Et la guerre est loind’être finie.

La première étape fut le désar-mement de la Séléka et son départdeBangui, symbolisée par la chutedu président Michel Djotodia, le10janvier.Maislacoalitiondecom-battantsmusulmans, appuyés pardes mercenaires tchadiens et sou-danais, a quitté la capitale sansavoir été véritablement désarmée.Ils occupent toujours plus de lamoitiéde laCentrafrique.

La deuxième étape est le conflitcontre les anti-balaka (les «anti-machettes», les«invincibles»), cesmilices chrétiennes qui occupentl’ouest du pays et qui, de la luttecontre la Séléka, sont passés à uneguerre sans pitié contre la popula-tion musulmane. Elles se divisentactuellement sur leurs prochainsobjectifs,latendancelaplusradica-le souhaitant combattre le gouver-nementet les forcesétrangères.

La troisième étape, prévisiblemême si nul ne peut affirmerquand elle aura lieu, devrait denouveau opposer les forces étran-gères et la Séléka, si celle-ci –com-me cela semble être le cas depuisun mois environ– stoppe sonretrait pour tenter de conservercertaines régions et de diviser lepays. Actuellement, la ligne dedémarcation va des régions deKabo aunord àMobaye au sud, enpassantparKaga-BandoroetBam-bari. La Centrafrique est de factodivisée entre l’ouest et l’est.

A l’est de cette ligne invisible etque nul n’évoque officiellement,la Séléka contrôle encore des terri-toires où elle se livre à des assassi-nats et despillages.Dans certainesvilles, les chrétiens sontmajoritai-res, comme à Bambari ou Bangas-sou, ou représentent la moitié dela population, comme à Bria. Cesrégions sont aussi celles, stratégi-ques, du diamantet de l’uranium.

Jusqu’àprésent, la guerre a pro-voqué lemouvementd’unquart à

untiersde lapopulationcentrafri-caine, selon l’ONU. Environ300000Centrafricains sont réfu-giés à l’étranger, au Tchad, auCameroun, en République démo-cratique du Congo, et dans despays où ils ont été évacués paravion. La majorité des civils quiont fui leurs maisons sont toute-fois encore dans le pays, dans descamps de réfugiés. Ces déplacésinternes sont aumoins 700000.

Il resterait entre 100000 et150000musulmanspiégésensec-teur contrôlé par les anti-balaka,dans l’Ouest, enattentedeconvoisd’évacuation. Ils sont le plus sou-vent assiégés autour demosquéesoudemairies.Parailleurs,deschré-tiens peuplent de nombreux

campsdedéplacés,mêmedans lesrégions d’où la Séléka s’est retirée,effrayésparl’insécuritéet lespilla-ges. Et ils sont encore des centai-nes de milliers dans l’Est, livrésauxviolencesde la Séléka.

«Sangaris est légitime et utile,mais lamanièredont l’opérationaétéconduiteestvraimentlachroni-queamèred’unéchecannoncé,s’in-digne un observateur européen,finconnaisseurde laCentrafrique.Le seul véritable succès est en faitl’objectif initial : le départdeDjoto-dia et de la Séléka de Bangui.Mais,depuisque l’armée françaisea lais-sé les anti-balaka commettre lemassacredu5décembre2013àBan-gui sans réagir, et parce qu’en troismois elle n’a fait que de l’interposi-

tion molle, sans tuer ni arrêter lespires criminels de guerre, elle adéçu les Centrafricains, trahi sonmandat. La France sera un jourquestionnée sur le fait que sonarmée a assisté à une campagneradicale de tueries et de “purifica-tion ethnique” sans réagir.»

Aurait-ilétépossibled’agirautre-ment?Desofficiersfrançais,outréspar le déni de réalité en vogue àParis et dans les discours officielsfrançais à Bangui, pensent queoui.«Ilyaeuàlafoisunproblèmepoliti-que de volume du contingent et derègles d’engagement, et un com-mandement trop timoré, critiqueunofficiersupérieur.Quel’onpren-ne quelques semaines, malgré sescrimes passés, pour désarmer l’ar-mée de la Séléka, et ainsi éviter unconflittropviolent,c’estcompréhen-sible. Mais en revanche, qu’on n’in-tervienne pas tout de suite et dure-ment contre les anti-balaka, quisont devenus les principaux crimi-nels de guerre depuis troismois, estincompréhensible.C’estdugâchis.»

Et de poursuivre: «Malgré desopérations ponctuelles utiles sur leterrain, je crains que nous soyonsde facto un jour accusés de non-assistanceàpopulationendanger,ce qui était précisément la raisonde l’intervention.»

Les organisations humanitai-res telles qu’Amnesty Internatio-nal et Human Rights Watch dres-sent lemême constat très critiqueenvers Sangaris, même si l’inter-ventionmilitaire est perçue com-me légitime. L’ONUet ses diversesagences,quiontétéd’une ineffica-cité spectaculaire pendant cettepériode d’urgence humanitaire,semblent prendre, bien que tardi-vement, la mesure de la tragédie.NewYork tentedésormaisdemet-tre sur pied l’une des plus impor-tantes opérations militaires ethumanitairesde la planète.

Pour lesmusulmans de Centra-frique, et àmoins d’un retour fortimprobable, il sera trop tard. Lapurification ethnique aura vain-cu, suraumoins lamoitiédu terri-toire.

Les deux questions des semai-nes et mois à venir sont de taille :comment aider le gouvernementde Bangui à prendre le contrôle del’Ouestauxmainsdesanti-balaka?Puis comment l’aider à maintenirl’unitéterritorialedupaysenrepre-nant le contrôlede l’Està laSéléka?L’Est où, là aussi, des milices anti-balaka sont à l’affût et pourraientcommettre des tueries égales oupiresà cellesde l’Ouest.p

RémyOurdan

Centrafrique:«Sangaris»oula«chroniqued’unéchecannoncé»Troismoisaprès le lancementde l’opérationfrançaise, ladivisiondupayss’estaccrue

Reportage

Mbitoye, N’Djamena (Tchad)Envoyée spéciale

Assis sur unenatte sous le soleilen cette fin d’après-midi defévrier, BoubacarYeola a encoredumal à y croire. Il y a unmois, cepère de famille centrafricain etmusulmanhabitait à Bocaranga,à l’ouest de la Centrafrique (RCA).Il y vivait de commerce et d’unpeud’agriculture. Aujourd’hui, ilest réfugié de l’autre côté de lafrontière, au Tchad, àMbitoye. Safamille, commed’autres, est ins-tallée sous unmanguier, dansunabri de fortune.«Là-bas, ils onttout brûlé», explique-t-il, abattu.

Petiteville ruraledusudduTchadperdueaumilieude labrousse,Mbitoyese trouveà10kmde laCentrafrique,3kmduCameroun.Lorsque lesviolencessesont accruesenRCAendécem-bre2013, labourgadeavuaffluerdesmilliersdeCentrafricainsvenusde tout l’ouestdupays: enl’espacede sept semaines, 13000personnesont traversé ceposte-frontière, chrétiens fuyant l’insécu-ritépourcertains,musulmanspour laplupart.«Lesanti-balaka[miliceschrétiennes]nousontaccusésd’êtredesTchadiens, etnousontdit departir, de rentrercheznous», expliqueAladi Séré,ancienvoisindeBoubacarYeola.

CentrafricainsouTchadiens ins-tallésde longuedate enRCA, cesmusulmans,accusésd’être compli-cesdes rebellesde la Sélékaquirégnaientsur lepaysdepuismars2013, ontdû fuirdevantl’avancéedesanti-balaka.«L’imam, leprêtre et le pasteursontallés les voirpournégociermais çan’apasmarché», raconteYunusSaleh, lui aussi originairedeBocaranga, assis devant lecamionfamilial. Face àuneatta-que imminentede la ville, ilembarquefamille et voisinsdanssoncamionpour lesmettreà l’abriauTchad.Enune semaine, il feracinqallers-retourspour évacuerdesdizainesd’autresmusulmans.

«Onn’a plus rien là-bas»Ases côtés, Aboubacar, com-

merçant souriant au français par-fait, a lui aussi fait le trajet encamion,mais depuis la ville deBozoum.Plus d’une semainedevoyage. «Tous les villages quenous traversions étaient déserts»,indique-t-il, expliquant avoir étéescortépar deshommesde la Sélé-ka. Comme les autres, il reste sidé-répar cette flambéede violenceintercommunautaire: «Dans lepassé, nousavons connudes atta-ques de l’armée. Chrétiens etmusulmans fuyaient ensemble.Mais ça, ce n’était jamais arrivé.»

Aprèsun tel déchaînementdeviolence, aucunn’envisagede ren-

trer enCentrafrique. Yunus Salehdit savoir que la force africainedelaMisca et les Françaisde «Sanga-ris» se sont rendusdans l’ouestde la RCApourpatrouiller,maiscetteprésencene le rassurepas.Aladi Séré est plus amer: «Mêmedansdix ans, cette guerre ne serapas finie», estime-t-il.

Chacunest à la recherched’unlopinde terre à cultiver, d’uneéchoppeà installer. Femmeénergi-queetdébrouillarde, SadiaHamatiadéjàmontéunepetite cantinelocaleàMbitoye. Elle y loueunemaisonpour loger les enfants.«Detoute façon, jen’ai aucuneattacheailleursauTchad», dit-elle.OumaMaya,uneéleveusepeuled’unetrentained’années, resteraelle aus-si ici, à la recherched’unespaceoùfairepaître les animaux: «Pour-quoi voulez-vousque l’ony retour-ne?Onn’aplus rien là-bas.»

Sur lesmilliers de réfugiés arri-vés àMbitoye, unepartie a conti-nué sa route vers d’autres villesduTchad; une autre a décidédes’installer dans la région. Face àcet affluxdenouveauxarrivants,les autorités localesne cachentpas leurs craintes. «Les cases desfamilles sont déjà pleines, et l’ac-cès à l’eaudifficile», rappelleSalehAboutDjarma, le sous-pré-fet de la circonscription.Dans cet-te région rurale, où l’on vit de laculturedu coton et d’une agricul-ture vivrière, la périodede soudu-

re, entre deux récoltes, est déjàlonguepour beaucoupde foyers;les prix s’envolent facilement etl’équilibre entre agriculteurs etéleveurs est fragile.

L’inquiétudedépasse large-ment les villes frontalières. Prèsde80000personnesont affluéauTchaden l’espace dedeuxmois. Le gouvernement, qui neveutpas voir des campsde réfu-giés s’installer commece fut le casà la frontière soudanaise lors de lacrise duDarfour, s’emploie àtransférer les réfugiés vers descentres de transit et, de là, à leurretrouverd’anciens liensdeparen-té au Tchadpour ceuxqui enont.

«Mais cet afflux s’est fait trèsrapidement et risquede provo-quer des tensions sociales, souli-gneQasimSufi, chef demissionde l’Organisation internationalepour lesmigrations.Beaucoupétaient des commerçants. Il va fal-loir leur trouver uneplace. Enoutre, ceuxqui envoyaient chaquemois de l’argent au Tchadne pour-rontplus le faire. C’est uneperteimportante.»

Des inquiétudes reprisespar lareprésentanteduHaut-Commis-sariat desNationsunies pour lesréfugiés. «La communauté inter-nationalea les yeux fixés sur laCentrafrique, elle ne voit pas l’im-pacthumanitaire sur le Tchad»,prévientAminataGueye.p

CharlotteBozonnet

«Jecrainsquenoussoyonsunjouraccusés

denon-assistanceàpopulation

endanger,cequiétaitprécisémentlaraisondel’intervention»Unofficier français

RÉPUBL IQUE DÉMOCRATIQUEDU CONGO

CONGOCAMEROUN

TCHAD

SOUDAN

SOUDANDU SUD

RÉP. CENTRAFRICAINEBouar

Bossangoa

Sibut

Berberati

Zone contrôléepar les anti-balaka

Zone contrôléepar la Séléka

Bria

Bangassou

Bambari

Mobaye

Kabo

Kaga-Bandoro

Bangui

250 km

Le5février àBangui, des soldats des Forces armées centrafricainesont lynchéunhommeaccuséd’êtreunex-rebelle de la Séléka. J.DELAY/AP

«BOZIZÉ et ses fils jouentun rôleinsupportable», estime leministè-re françaisde la défense.Avant ledéclenchementde l’opération«Sangaris», le 5décembre 2013,diplomatesetmilitaires françaisjugeaient l’implicationde l’ex-pré-sident centrafricainderrière lesmilicesanti-balakanégligeable.Celui-ci, disaient-ils, tentait toutauplusde récupérer lemouve-ment.Mais cette analysea changé.

Après son renversement, enmars2013, par les rebelles de laSéléka, FrançoisBozizé a circuléentre le Cameroun, la France, leKenya, l’Ougandaet le SoudanduSud. Selondes sources concordan-tes, il est actuellement installé àKampala, où il bénéficiede la bien-veillancedes autorités ougan-daises. Le chefde l’Etat déchuatoujoursnié être derrière les anti-balaka, se limitant à les considérercommedes «résistants». Mais unenregistrementaudio circulantdepuisplusieurs jours sur Inter-net confirmeses liens avecdescommandantsde cettemilice.

Selondes sourcesmilitairesfrançaises, François Bozizé et desmembresde sa famillemanipu-lent les groupesqui font la chasseauxmusulmans.«Ilsméritent laCour pénale internationale [CPI]»,avanceunhaut responsable fran-

çais. Le bureauduprocureurde laCPI a ouvert le 7février un exa-menpréliminaire, étapepréalableàune enquêteofficielle, sur les cri-mes commis enCentrafriquedepuis septembre2012.

Gel des avoirsParis travaille actuellementau

Conseil de sécuritéde l’ONUpourgeler les avoirs et à interdiredevoyagehuitpersonnalitéscentra-fricaines,dont FrançoisBozizéetson fils Jean-Francis, unancienministrede ladéfensequi étaitencoreen janvier en France. Selonunesourceprochedes servicesderenseignement, la familleBozizéauraitplacé aumoins 156millionsd’euros surdes comptesen Suisse,auLuxembourget dans les îlesanglo-normandesde JerseyetGuernesey.Des fondsauraientaus-si étéplacés enAfriqueduSud.

Unautrepersonnageest aussidans le collimateurde la France:NoureddineAdam, l’ex-chefdesservicesde renseignementdupré-sidentdéchuDjotodia (issude laSéléka), considéréparParis com-meleprincipalacteuragissantpourunepartitiondupays.Aprèss’être réfugiéauBénin, il serait,selonunesourcegouvernementa-le française,passéauNigeria.p

Cyril Bensimon

4 0123Jeudi 6mars 2014

Page 5: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

international

L a menace d’une guerre enUkraine n’empêche pasBarack Obama de reprendre

les rênes du dossier de la paix auProche-Orient. Alors que les pour-parlers israélo-palestiniensmenéspar le secrétaire d’Etat John Kerryont peu de chances d’aboutir,avant la date butoir du 29avril, àl’«accord-cadre» recherché par lesAméricains, le président des Etats-Unis a reçu le premier ministreisraélien, Benyamin Nétanyahou,lundi 3mars à la Maison Blanche.Le président palestinien, Mah-moud Abbas, aura droit au mêmehonneurdansdeux semaines.

L’entouragedeM.Obamalesou-ligne à dessein : le processus depaixaétéaucentredesdiscussionsplutôt détendues avecM.Nétanyahou, et non pas lenucléaire iranien et la décolonisa-tion, sujets sur lesquels les deuxhommes s’étaient opposés lors deleursprécédentesentrevues.L’heu-re est venue «de prendre certainesdécisions difficiles », a déclaréM.Obama à l’adresse du premierministre israélien. «Israël a fait cequ’il devait et, je suis désolé de ledire, les Palestiniens n’en ont pasfaitautant», a répliquécedernier.

Mais le discours deM.Nétanyahouasignificativementchangé, mardi, lorsqu’il a pris laparole à Washington devant les10000délégués de l’AmericanIsrael Public Affairs Committee(Aipac),leprincipaletpuissant«lob-by américainpro-Israël», comme ilse définit lui-même. Le premier

ministre israélien s’est alors muéen ardent promoteur d’un accorddepaixavec lesPalestiniens.«Nousavons toustantàgagnerà lapaix»,a-t-il lancé, reprenant la rhétoriqueaméricaine. Alors que John Kerryessuie de vives critiques en Israëlpour ses déclarations mettant engarde lepays contre le risqued’êtreisoléetostracisés’iléchoueàfairelapaix avec les Palestiniens,M.Nétanyahou a rendu hommageau «secrétaire d’Etat qui ne dortjamais», allusion aux incessantesnavettesdeM.Kerry.

Depuis son élection de 2008,Barack Obama s’est, à deux repri-ses, exprimé en personne devantl’assembléeannuelledel’Aipac.Cet-te année, il a préféré laisser sonsecrétaired’Etat l’y représenter.Unsigne qui correspond au nouveaurapport de force récemment établipar le président américain avec lepuissant lobby. En septembre2013,la renonciationdeM.Obamaàuneintervention militaire en Syrie,

ardemment défendue par l’Aipac,avait constitué un premier reverspourlegroupe.Plusrudeencorefutlechocencaisséaudébutdefévrier,lorsque la vigoureuse campagnemenéepar le «lobby»en faveurduvote de nouvelles sanctions contrel’Irans’étaitheurtéeauxfortespres-sionsde laMaisonBlanchevisantàpréserver les négociations avecTéhéransur lenucléaire.

«Elan brisé de l’Aipac»Les lobbyistes, qui avaient réus-

si à convaincre pas moins de59sénateurs (dont 16démocrates)de voter les sanctions, ont dû bat-treenretraitepubliquementetontcessé, jusqu’à présent, leurs pres-sions sur les sénateurs démocra-tes. Le New York Times titra alorssur «L’élanbrisé»de l’Aipac.

Barack Obama semble avoirébranlé la tactique de l’Aipac quiconsiste à prétendre agir sur unebase «bipartisane» alors que cer-tains de ses responsables présen-

tent le président comme un fauxami d’Israël. De facto, M.Obama aaussimisencauselaplacerevendi-quéeparl’organisation,quiacollec-té 3,1milliards de dollars (2,25mil-liardsd’euros)d’aideenfaveurd’Is-raël en 2013, de représentant uni-que des Américains pro-Israël. Enréalité, 70% des juifs américainsont voté en sa faveur en 2012,contredisant l’idée selon laquelleleur préférence irait au plus viru-lent défenseur des autorités israé-liennes.

Les réactions aux plaidoiriesinsistantesde l’Aipac sur ledossieriranienontmisenlumièreladiver-sité de l’électorat juif et le discoursdes groupes pro-Israël favorablesau président, tel J. Street. Le nou-veaumairedeNewYork,BilldeBla-sio, a été critiqué par des juifs degauche pour avoir pris la parolelorsd’une réunionde l’Aipacqu’ilsont qualifié de «défenseur du gou-vernementintransigeantd’Israëletde ladroite qui le soutient».

Un nouveau front s’est ouvertpour l’organisation américaine,avec la virulente condamnation,mardi, par M.Nétanyahou, de lacampagne de boycottage d’Israëlqu’il a qualifiée d’«antisémite».Baptisé «Boycott, désinvestisse-ment et sanctions» (BDS), le mou-vement a récemmentpris de l’am-pleur aux Etats-Unis avec l’adhé-sion d’une importante associationdeprofesseurset chercheurs.p

PhilippeBernard

Lire aussi la tribune p. 18

CHINE

Pékinaugmenteencoresonbudgetmilitaireen2014PÉKIN.LaChineaannoncé,mercredi 5mars, qu’elle augmentaitde 12,2% sonbudgetmilitaire en2014,unenouvellehaussequiinquiète lespays impliquésdansdesdifférends territoriauxaveccepays. Pékindevrait allouer808,23milliardsdeyuans (95,9mil-liardsd’euros) à sa défense, a indiqué leministèredes financesàl’Assembléenationalepopulaire. Lebudgetde la défensechinoiseest ledeuxièmeplusélevédumonde,mais restenettementderriè-re celuidesEtats-Unis (460milliardsd’eurosen2014). Lesexpertsoccidentauxconsidèrentcependantque lesdépenses réellesdePékindépassent très largement les chiffres annoncés. – (AFP.)p

Egypte Interdiction duHamas palestinienLECAIRE.Un tribunal égyptiena interdit,mardi 4mars, leHamas, le soupçonnantde s’allier avec les Frèresmusulmanspour commettredes attentats. Lemouvementpalestinienaupouvoir dans la bandedeGaza a accusé LeCaire de «servir» ainsi«l’occupation israélienne». – (AFP.)

MaliUn commando djihadiste attaque unhautresponsable du principalmouvement touaregKIDAL.Des djihadistesont attaqué,mardi 4mars, dans la soirée,à Kidal, dans lenord duMali, unhaut responsablede la sécuritéau seinduprincipalmouvement touareg, leMouvementnatio-nal pour la libérationde l’Azawad (MNLA). Blessé par balles, Aha-bi AgAhmeidaa été évacuépar les forces françaises versGaooùsonétat était,mercredi, jugé critique. Il représentait leMNLAauseindu comitéde liaison,mis enplace après les électionsde 2013pour tenter d’apaiser les tensions locales, comprenantunmem-brede l’ONU, de l’arméemalienneet d’un autre groupe touareg,leHautConseil pour l’unité de l’Azawad.

NucléaireGreenpeace s’attaque à plusieurscentrales nucléaires dans six pays européensPARIS.Pourdénoncer le vieillissementdes centralesnucléaireseuropéennes, l’organisationécologisteGreenpeaceamené,mer-credimatin 5mars,plusieursactions,notammentenSuisse et enFrance. SelonGreenpeace, sur les 151 réacteurs en fonctionnementenEurope,66ontplusde30anset 7ont étémisen service il y aplusdequaranteans. – (Reuters,AFP.)

PollutionPoursuivi enAmazonie, Chevron obtientle soutien de la justice américaineNEWYORK. Le groupepétrolier Chevrona gagnéunemanchecontre le jugement équatorien infligeant, en 2011, une amendede6,9milliardsd’euros pourpollutiondans la forêt amazonien-ne. La justice américaine a infirmé,mardi 4mars, la décision ren-duepardesmagistrats équatoriens en faveur des 30000plai-gnants, qui ontdécidé de faire appel. – (AFP.)

BarackObamameten gardeBen-yaminNétanyahou au sujet de la«construction accélérée dansles colonies» dans un long entre-tien publié par le siteBloombergView, dimanche 2mars. «Si lesPalestiniens arrivent à la conclu-sion qu’un Etat palestinien souve-rain et contigu n’est plus possi-ble, alors notre capacité à gérerles conséquences internationa-les sera limitée», ajoute le prési-

dent américain.M.Obama se ditconvaincuqueM.Nétanyahou«est assez fort pour que, s’il déci-dait qu’ [avancer vers des discus-sions de paix] était la bonne cho-se à faire pour Israël, il pourraitle faire». Dans le cas contraire,ajoute le président, « il doit pro-poser clairement une approchealternative. Et (…) il est difficiled’en faire émerger une qui soitconvaincante».

Lepuissant lobbypro-israélienAipacaperdudesoninfluencefaceàM.ObamaAWashington,BenyaminNétanyahoufait l’élogeduprocessusdepaixmenépar laMaisonBlanche

Leprésident américainmet engarde contre la colonisation

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Page 6: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

Achevé en 1997, le barrage deMesochora n’a jamais étémis en eaugrâce à lamobilisation des habitants. TOM STODDART ARCHIVE/GETTY IMAGES

international& planète

BruxellesBureau européen

M ichel Barnier ne s’avouepas vaincu. Le Françaisjouesonva-toutcesjours-

ci pour être désigné chef de file desa formation, le Parti populaireeuropéen (PPE), en vue des élec-tionsdemai.Maislaparties’annon-ce rude. Jean-Claude Juncker, l’an-cien premierministre luxembour-geois, est donné favori lors ducongrèsdeDublin,quidoitdéparta-ger les deux hommes, jeudi6 etvendredi7mars.

Dans un entretien au Monde,Michel Barnier considère néan-moinsque«le jeuestassezouvert»,en dépit des pronostics qui le don-nentbattud’avance.«Personnen’arien à perdre dans un tel débat»,veut-il croire pour justifier sadémarche, tandis que Jean-ClaudeJuncker aurait préféré ne pas avoird’adversaire avant d’être désignéavec l’appui des chrétiens-démo-crates d’Angela Merkel. «NousdémontronsquelePPEauneappro-chedémocratiquedecechoix,cequin’a pas toujours été le cas», lâcheMichelBarnier:«Celacorrespondàlalogiquedeladésignationduprési-dent de la Commission à la faveurdes élections européennes. Jemûriscette idéedepuis longtemps.»

Jusqu’au vote des quelque800délégués du PPE, vendredi,Michel Barnier entend s’appuyersursonexpériencedecommissaireaumarchéintérieuretauxservicesfinancierspourrallierdessoutiens.« Le seul candidat du PPE quiconnaisse laCommission, c’estmoi.C’est un fait objectif», dit-il, sansrougirdubilan,pourtantcontrover-sé, de l’équipe dirigée par JoséManuel Barroso: «La Commissionajouésonrôlepoursauvegarderl’es-sentiel, l’euro et le marché unique,quiont failli exploser.»

A l’en croire, cette expériencevaudrait àMichel Barnier de nom-breuxappuis chez les eurodéputésduPPE.Sonconcurrentdispose,lui,après dix-huit années commepre-mierministre du Luxembourg, demultiples connexions parmi leschefs d’Etat et de gouvernement,dans l’optique d’une éventuellenominationà la têtede laCommis-sion européenne après le scrutin.«Le vainqueur devra rassemblerune majorité au Parlement, une

majorité qualifiée au Conseil euro-péen, et être enmesure dediriger laCommission»,prévientMichelBar-nier:«Celane s’improvisepas.»

Sur le fond, le Français veut ren-forcer « l’indépendance de l’Euro-pe». «De Gaulle, Churchill, Ade-nauer ne feraient plus de discourssur l’indépendancenationale,maissur l’indépendance de l’Europe»,veut-il croire. «Nous ne sommespas condamnés à acheter des pro-duits et des technologies fabriquéspar lesChinoisou lesAméricains.»

Pour lui, il est tempsdemusclerl’économie numérique, la politi-que énergétique et la stratégieindustrielle des Européens. Il fautaussi accélérer la mise sur piedsd’une diplomatie commune, afinde peser davantage sur la scèneinternationale et dans le voisinagede l’Unioneuropéenne.«La remiseà plat des relations avec la Russiedoit être prioritaire», dit-il à lalumièrede la criseukrainienne.

PourM.Barnier,untelprogram-medoitservird’antidoteauxpopu-lismesdetousbords,enparticulierenFrance.Acejour, l’ancienminis-tre de Nicolas Sarkozy et JacquesChirac ne croit pas à une victoiredeMarine Le Pen le soir du25mai:« Il n’y a pas de fatalité», assure-il.«C’est insensé de vouloir sortir del’euro, c’est semettre dans la maindesmarchés financiers, c’estperdrece qui nous reste de souveraineténationale», affirme l’ex-chef de ladiplomatie française (2004-2005),qui avait été contraint de démis-sionneraprès lavictoiredu«non»auréférendumsur la Constitutioneuropéenne.

«Pourautantque lespartiseuro-péens prennent au sérieux cettecampagne, il est possible de contrerle Frontnational»,dit-il.Danscettelogique,MichelBarnierseméfieduslogandel’UMPpourlacampagne:«Une autre Europe». «Je préfére-rais “Nouvelle Europe”, qui signifienouvel élan.»

«Il faut être juste avec l’Europe,etpréserverceque l’onafaitensem-ble.Elledoitcesserd’êtrepouruncer-tain nombre d’hommes et de fem-mes politiques un bouc émissaire,même dans ma propre famille»,prévient-il. Pour lui, l’UMP, toutcomme le PPE dans son ensemble,doivent poursuivre dans la voieouverte pendant la présidenceSarkozy, en cherchant la synthèseentre le «oui » et le «non» à laConstitution: «En 2009, j’étais têtedeliste,etnousavionsgagnélacam-pagnesur cette ligne-là: clairementproeuropéenne, mais sans naïveté,etpaseuro-béate.»p

PhilippeRicard

n Sur Lemonde.frLire l’intégralité de l’entretiensur le blog «La bataille de Bruxelles».

AthènesCorrespondance

L es défenseurs du fleuveAchéloos bataillaient depuisvingt anspour sa sauvegarde.

Ils viennentd’emporterunevictoi-requalifiéed’historique: leConseild’Etat grec vient de mettre un ter-me au très controversé projet dedérivation du plus long fleuve dupays.Les juges estiment qu’il violeleprincipededéveloppementdura-ble inscrit dans la Constitution etqu’ildoit à ce titre êtreabandonné.

«C’est la première fois enEuropequ’une cour se réfère auprincipededéveloppement durable pour met-tre fin àunprojet qui constitueunevéritable catastrophe écologique»,se félicite Théodota Nantsou, duFonds mondial pour la nature(WWF). Depuis plus de vingt ans,WWF, Greenpeace, mais aussi laSociétéhelléniquedeprotectiondel’environnementluttaientpartousles moyens possibles – manifesta-tions, concerts, recours en justice –pour empêcher le détournementprévu de 600millions de mètrescubes d’eau par an vers les plainesagricolesdeThessalie.

Le fleuve Achéloos, surnomméle «fleuve blanc», prend sa sourcedanslemassifmontagneuxduPin-de,aunord-ouestdupays,ets’écou-lesur220kilomètresjusqu’àlamerIonienne,dans l’unedesrégions lesplus sauvages de Grèce. L’une desplus préservées aussi, dont plu-sieurs sites sont classés dans leréseau européen Natura 2000. Ledelta de Missolonghi, où le fleuvese jettedans lamer, est l’undesdixsites grecs protégés par la conven-tiondeRamsar sur les zoneshumi-de (1971) et abrite des espècesd’oiseauxprotégéesparunedirecti-veeuropéenne.

Plus à l’est, de l’autre coté desmonts du Pinde, se situe la plainede Thessalie. 80% du coton euro-péen est produit dans ces vasteschamps, soit plus de 230000 ton-neschaqueannée.Uneculturepar-ticulièrement gourmande en eauet qui amodifié en profondeur lesressources hydrauliques de larégion. «Pendant soixanteans, lesagriculteurs ont pompé sans aucu-ne retenue. A grands coups decanons à eau. Les lacs naturels sesont asséchés, les nappes phréati-ques se sont saliniséesou sontdeve-nues inexploitables, car contami-nées par les pesticides utilisés pourprotéger lesplantsdecotontrès fra-giles», soutientThéodoraNantsou.

Le président de l’Associationgrecque du coton, ApostolosDondas, reconnaît que les prati-ques d’irrigation ont longtempsété problématiques, mais affirme«que tout a radicalement changédepuis dixans. Nous sommes touspassés au goutte-à-goutte et nousnousmontrons beaucoupplus res-

pectueux de la ressource, enessayant de limiter l’évaporationliée au soleil, par exemple».

Face à ces problèmes d’approvi-sionnementen eaude la Thessalie,les autorités grecques ont, dès lemilieu des années 1980, ressortides cartons le projet de dérivationdu fleuve Achéloos, qui remontaitauxannées1930.Pasmoinsdequa-tre barrages et lacs de retenue enplusieurspointsdufleuve,associésà deux tunnels et un canal de déri-vation d’environ 18km, ont ainsiétéentreprisdès 1990.

Mais une vaste campagne euro-péenne, lancée en 1992 par desdizaines d’associations de protec-tion de l’environnement, a débou-ché en 1994 sur le refus de l’Unioneuropéenne de financer le projet.S’en est suivie une longue bataillejudiciaire.Des dizaines de déci-sionsde justiceont concluà l’aban-don du projet, sans que jamais lestravaux soient réellement stoppéspar legouvernementgrec.

Unbarragede 135mètresaainsiété achevé en 1997 à proximité duvillage de Mesochora : il attenddepuissamiseeneau.Lamobilisa-tiondes habitants, qui refusent dequitterleursmaisons,vouéesàdis-

paraître sous l’eau, a de fait empê-ché toute inaugurationde l’ouvra-ge.Cequeleprésidentdel’Associa-tion grecque du coton regrette.«La Grèce a déjà dépensé plus de340millions d’euros pour cesgrands travaux et on ne peut pasles utiliser ? C’est de l’argent jetépar les fenêtres!, s’indigneM.Don-das. Je ne comprends pas la déci-sion du Conseil d’Etat. Nous avonsbesoin de cette eau pour survivre.Quereprésententquelquesoiseauxrares et leurs nids face à l’avenir denos enfants? Notre pays doit créerde la richesse pour rembourser sesdettes et l’agriculture doit devenirun secteur prioritaire.»

Pour Théodota Nantsou, « lespolitiques n’ont jamais osé propo-ser des solutions alternatives à cesagriculteurs, qui sont une clientèleélectoraleà bichonner, et personnen’ose leurdire quede toute façon lecoton grec est fini. Il ne peut pasêtre compétitif avec le coton turcou égyptien!» De fait, depuis l’ef-fondrement de l’industrie textilegrecque, le coton de Thessalie estprincipalement voué à l’exporta-tion dans un marché mondialultracompétitif,où lesprixse sontcontractés ces dernières années.«La culture du coton grecque ne

survitdepuisdesdécenniesquegrâ-ce aux subventions européennes,mais ça change, et je ne vois doncpas pourquoi il faudrait détournerle cours d’un fleuve qui remonte àl’Antiquité pour alimenter uneplante vouée à disparaître», affir-meThéodotaNantsou.

En réalité, la Politique agricolecommune européenne (PAC) pré-voit encore des subventions pourle coton grec pour la période2014-2020, conformément auxengagements du traité d’adhésiondelaGrèce.MaislesproducteursdeThessalie devront désormais cher-cher ailleurs l’eau dont ils ontbesoin. «Nous allons être vigilantsdans les prochains mois et vérifierque le nouveau plan de gestion deseaux pour la Thessalie, que doitremettreleministèredel’environne-ment, respectera bien la volonté duConseil d'Etat et n’utilisera pas uneastuce juridique pour remettre auprogramme demanière détournéeles travaux sur l’Achéloos »,prévientThéodotaNantsou.

Le porte-parole duministère del’environnement,ThodorisKaraou-lanis, affirme que les travaux liés àla gestiondes ressources en eau enThessalieserontplanifiésenaccordaveclesétudesenvironnementalesréalisées. «Nous attendions la déci-sionduConseild’Etatpournouspro-noncer», assure-t-il.Les défenseursdu fleuve attendent donc encore latraduction politique de l’injonc-tionjuridiqued’abandonnercepro-jet.C’estseulementaprèsqu’ilssou-lèverontlaquestiondelaréhabilita-tion des sites défigurés par les tra-vaux. Une autre longue bataille enperspective.p

AdéaGuillot

«LeseulcandidatduPPEquiconnaisse

laCommission,c’estmoi.

C’estunfaitobjectif»Michel Barnier

MichelBarniercroitenseschancespourconduirelacampagneduPPERéuniencongrès, lePartipopulaireeuropéendésignesonchefde fileauxélectionsdemai

«Quereprésententquelquesoiseauxrareset leursnidsfaceàl’avenir

denosenfants?»ApostolosDondas

Association grecque du coton

EnGrèce, lefiascoécologiqueduprojetdedérivationdufleuveAchéloosLeConseild’Etatgrecvientd’ordonner l’abandonduprojet,destinéà irriguer la cultureducoton

Legouvernementet lestalibanspakistanaisveulentcroireàleurprocessusdepaixEndépitd’attaquesmenéespardes insurgéshostilesaudialogue, lesdiscussions sepoursuiventpourpacifier la frontièreafghano-pakistanaise

100 km

Mer Egée

MerIonienne

Achéloos

G R È C E

MACÉDOINE

ALBANIE

Athènes

P É L O P O N N È S E

Mesochora

NewDelhiCorrespondant régional

L e gouvernement pakistanaisparaissait toujours engagémercredi 5mars dans les dis-

cussions de paix avec les talibansdu Tehrik-e-Taliban Pakistan(TTP), deux jours après une san-glante attaque dans un tribunal àIslamabad qui a fait onzemorts etune trentainede blessés.

Alors que les contacts formelsont débuté il y a un mois entredeuxdélégations – l’une nomméeparlepremierministreNawazSha-rif, l’autredésignéepar leTTP–, lesdiscussions visant à mettre unterme à l’insurrection islamisteconcentrée dans la zone pachtou-ne frontalière avec l’Afghanistan

sepoursuiventdansunclimatd’in-certitudes, voire de scepticisme.

Porté au pouvoir à l’issue desélections législatives de mai2013,Nawaz Sharif, chef de la Liguemusulmane du Pakistan-Nawaz(PML-N, parti conservateur), sem-ble résolu à continuer d’explorertouteslesvoiesdudialogue,confor-mément à sa promesse électorale.Les réticencesd’unepartiede l’opi-nion, laperplexitéde l’arméeet lesdivisions des insurgés – dont cer-tains groupes radicaux prônent lemaintien de la lutte armée – sou-mettenttoutefoislabonnevolontédeM.Sharif à rudeépreuve.

L’assautdu lundi 3marsaucen-tre d’Islamabad, perpétré par uncommando lourdement armé, estsurvenu deux jours à peine après

que le TTP a décrété un cessez-le-feuunilatéral–unegrandepremiè-re depuis la formation de cettegalaxie de groupes djihadistes fin2007. L’attaque du tribunal d’Isla-mabad a été revendiquée par ungroupepeuconnu,Ahrar-ul-Hind,composédedissidentsduTTPhos-tiles auprocessus depaix.

Frappes aériennesLeTTP lui-mêmeanié touteres-

ponsabilité – ce qui a apparem-ment convaincu le gouvernementde poursuivre les contacts. L’état-major taliban s’était résolu le1ermars à appeler à faire taire lesarmes pendant une durée d’unmois alors que les pourparlersétaientsurlepointdedérailler.L’ar-mée avait procédé pendant une

dizaine de jours à des frappeschirurgicalescontrecertainsrepai-res du TTP au Nord-Waziristan,sanctuaire abritant des groupestalibanspakistanaisetafghans,ain-siquedesnoyauxdjihadistesorigi-naires d’Asie centrale (Tadjikistan,Ouzbékistan). L’aviation d’Islama-bad était intervenue en repré-sailles à des attentats revendiquéspar le TTP, en particulier l’assassi-nat collectif, le 16février, de 23 gar-des-frontière retenus prisonniersaprès leur enlèvement en 2010dans la zone tribaledeMohmand.

Affaibli par cette vaguede frap-pesaériennes, leTTPs’est résignéàdemander à ses combattants unecessation provisoire des combats,sans exiger les pré-conditionsqu’il avait initialement avancées.

Dèsl’ébauchedescontacts, ladirec-tion des talibans pakistanais avaitréclamé l’application de la charia(loi islamique) à l’ensemble dupays et le retrait de l’armée deszones tribales. Le fait de ne plusimposerdetelspréalablesàunces-sez-le-feuindiqueque leTTPsur ladéfensive cherche à «gagner dutemps», afin d’«éviter une inter-ventionmilitaire au Nord-Waziris-tan», écrivait lundi le quotidienpakistanaisTheNews.

Selon des sources militairesrelayées par la presse pakistanai-se, l’arméeseraitprêteàuneopéra-tion terrestre à grande échelle auNord-Waziristan, du type de cellequ’elle avait menée en 2009 auSud-Waziristan, fief historique duTTP.NawazSharifnesembletoute-

fois pas prêt à valider l’opérationtant qu’il n’aura pas épuisé toutesles ressources du dialogue. Lesfrappes qui ont ciblé le Nord-Waziristandansladeuxièmequin-zainedefévrierontpermisaugou-vernement d’envoyer aux tali-bansunsignal clair : une interven-tionmilitaire d’ampleur reste uneoption si le dialogue échoue.

L’actuel scénario se dérouledans le contexte d’un rapproche-ment entre IslamabadetWashing-ton.Faitsansprécédent,laCIAaces-sé ses frappes de drones dans leszones tribales depuis deux mois,cédant ainsi aux requêtes deNawaz Sharif, qui demandait auxAméricains de ne pas torpiller leschancesdudialogue. p

Frédéric Bobin

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Page 7: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

france

APPEL DES ARCHITECTES

Pour que chacunpuisse habiter

Pour que nouspuissions tous

habiter ensemble !

Chers électeurs, chers concitoyens,

Vous choisirez bientôt les élus de votre commune.Ils ont en charge l’aménagement des villes et villages où nous vivons tous etautorisent la construction des logements.

C’est une responsabilité essentielle et les enjeux sont immenses.Notre pays traverse une crise du logement qui n’est pas sans rappeler la crisedes années cinquante. Le retard accumulé depuis trente ans fait qu’aujourd’hui3,5 millions de nos concitoyens sont mal logés ou sans logement.

Le logement est une « impossible marchandise » ; il ne doit pas être traité commeun produit financier.Pour tous, l’habitat est un besoin vital, fondamental. Chacun de nous y a droit.L’équilibre d’une société, l’emploi, la qualité de nos vies, l’éducation des enfantsen dépendent.Ne laissons pas se développer, aux portes de nos métropoles, de nouveauxbidonvilles.Faisons du logement pour tous une priorité nationale et engageons notreresponsabilité collective.

Il y a crise du logement et en même temps - incroyable paradoxe! - la Franceconstruit de moins en moins entraînant une crise du bâtiment qui met en péril lesemplois et les savoir-faire.

Il faut à nos élus une volonté politique forte pour construire 500000 logementspar an et en rénover autant.

Mais prenons garde, il ne s’agit pas de construire n’importe où et n’importequel logement. De lourdes erreurs ont été faites dans le passé que notre sociétécontinue de réparer.

En construisant des logements standardisés et éloignés de tout, en consommantsans retenue les terres agricoles ou naturelles, en multipliant à la périphérie desvilles des zones sans qualité et inaccessibles sans voitures, nous préparons le mal-logement de demain!Nous avons besoin de construire des logements près des transports encommun, des commerces et des services.Nous avons besoin de logements spacieux, lumineux, calmes, avec desbalcons et des terrasses, des greniers et des caves.Nous avons besoin de logements économes en énergie.Nous avons besoin de logements adaptés aux évolutions des modes de vie.Nous avons besoin d’un urbanisme concerté, solidaire et respectueux del’environnement pour vivre ensemble dans des villes accueillantes, belles etécologiques.

Soyons vigilants et ambitieux! Les projets d’aménagement, de construction etde réhabilitation permettent d’allier développement économique vertueux etcréations d’emplois, solidarité et mieux vivre.

Les 30000 architectes français sont les acteurs de l’habitat au quotidien.Ils sont à vos côtés et sont prêts à mettre leur savoir-faire et leur imagination auservice de la ville de demain.

Ils sont à la disposition de vos futurs élus, parce que

L’ARCHITECTURECONCERNE CHAQUE CITOYEN

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L a Sarkozie ne voulait pas ycroire. C’est pourtant vrai :Patrick Buisson enregistrait

bien Nicolas Sarkozy à son insu,lors de réunions privées à l’Elyséependant le précédent quinquen-nat. Le Canard enchaîné et le siteInternet Atlantico dévoilent mer-credi 5mars plusieurs extraits quine laissent aucundoute.

LeCanardpubliecequ’ilprésen-te comme le verbatim d’une réu-nion à l’Elysée, enregistrée à l’aided’un dictaphone par l’ex-conseiller de M.Sarkozy. Selon lejournalsatirique,lascènesedérou-le le 27février2011, lors d’une réu-nion de travail autour du prési-dent, à quelques heures du rema-niement qu’il va annoncer. OutreNicolasSarkozyetPatrickBuisson,le secrétaire général de l’ElyséeClaude Guéant, le conseiller spé-cial Henri Guaino, le conseiller encommunication Franck Louvrier,le publicitaire Jean-Michel Gou-dardetlesondeurPierreGiacomet-ti sont présents.

D’après la retranscription del’hebdomadaire, les six hommeset le chef de l’Etat échangentnotamment sur l’allocution queva prononcer M. Sarkozy pourannoncerleremaniementministé-riel. Brice Hortefeux est en passed’être remplacé par ClaudeGuéant à l’intérieur et MichèleAlliot-Marie par Alain Juppé auQuaid’Orsay.

Lors de cette réunion privée,Nicolas Sarkozy demande à sesconseillers s’ils n’ont «pas d’étatsd’âme» à évincer du gouverne-ment son fidèle Brice Hortefeux.RéponsecinglantedePatrickBuis-

son: «Le problème est de faire unchoix politique», fait-il valoir,avant de regretter que M.Horte-feux soit « inhibé » en matièred’immigration. «Une partie denotre électorat manifeste une cer-taine impatience», affirme leconseiller venu de l’extrême droi-te,quia inspiré lastratégiededroi-tisation de Nicolas Sarkozy pen-dant la campagne présidentiellede 2012. A l’issue de la réunion,M.Buisson se moque aussi desex-ministres Roselyne Bachelot,Michèle Alliot-Marie ou XavierDarcos, qu’il juge «archinuls».

Contacté par Le Monde, PatrickBuisson s’est refusé à tout com-mentaire.Desoncôté, sonavocataconfirmémardi soir l’authenticitéde l’enregistrement de la réunionde travail retranscrite par LeCanard. « Je confirme qu’il s’agitd’un enregistrement authentiqueet que c’est bienmon client PatrickBuissonquiaprocédéàcetenregis-trement », a admis Me Gilles-WilliamGoldnadel.

M.Buisson avait pourtant niéen bloc les accusations publiéesparLePoint,datédu12février,révé-lant l’existence de ces enregistre-ments pirates. L’hebdomadaireécrivait que M.Buisson avait saisi«des heures et des heures de réu-nionsstratégiquesà l’aided’undic-taphone dissimulé dans sa veste».Patrick Buisson avait alors annon-cé son intention de déposer uneplainte pour diffamation contreLe Point.

DanslafouléeduCanard,Atlan-tico a mis en ligne des extraitssonores de quatre autres enregis-trements datant du 26février2011

à la Lanterne, à Versailles, lorsd’une réunion consacrée au rema-niement, soit la veille de la réu-nion évoquéepar Le Canard.

On y entend l’ancien patron dujournal d’extrême droite Minutetenir en aparté avec Jean-MichelGoudarddespropospeuamènesàl’égarddeNicolasSarkozyetdeCar-la Bruni-Sarkozy. Les deux hom-mes ironisent sur les « interven-tions percutantes» de l’épouse duchef de l’Etat. M.Buisson s’agaceaussi du manque de fermeté deM.Sarkozy sur l’immigration, enregrettant de devoir revenirconstamment«à la charge».

Un autre sujet paraît plusgênant: lesdeuxhommess’inquiè-tent du changement de fonctionde Claude Guéant, qui passe dusecrétariat général de l’Elysée auministère de l’intérieur. PatrickBuissonsembleredouterlessuitesjudiciairesdesaffaires impliquantla Sarkozye. Il s’interroge sur lacapacité du nouveau secrétairegénéral de l’Elysée, Xavier Musca,

à savoir «se mouiller» autant queClaude Guéant pour les «affairesdu parquet». «Tu vois l’avantagede Guéant, là depuis trois mois,c’est qu’il connaissait un petit peules dossiers, notamment pour lesaffaires auprès du parquet. Il semouillait unpetit peu», relève-t-il.

L’ancienjournaliste seplaintaussià propos du remaniement de nepas avoir « réussi à entraîner latête» du ministre de la justiceMichel Mercier, qu’il qualifie de«totalement calamiteux».

Selon son entourage, NicolasSarkozy est « furieux» d’avoir étéespionnépar celui qui a fait partie

de son premier cercle. « Il se senttrahi» par son ancien conseillerqu’il a continuéàconsulterdepuisson départ de l’Elysée. La dernièrefois que les deux hommes se sontentretenus, c’était le 11 février,juste après les révélations duPoint. Ce jour-là, M. Buisson adémenti devant l’ex-président lesrévélationsde l’hebdomadaire.

Les proches de Nicolas Sarkozyaffirment qu’il n’a jamais su qu’ilétait enregistré à son insu. C’est lastupéfaction. «Si c’est vrai, c’estconsternant», déplore l’un de sesproches. «La confiance a été tra-hie, c’est vraiment une trahison.Nous vivons tous cet événementcomme une sorte de viol », s’estinsurgé Henri Guaino sur FranceInfo. «Moi, cela ne m’étonne pas.Buissonestundingueetaagi com-me un historien en voulant garderdes archives», souligne un autre àproposdupatronde la chaîneHis-toire.

Dans les rangs de l’UMP, plu-sieurs dirigeantsont exprimé leur

consternation, à l’instar de Jean-Pierre Raffarin jugeant sur Fran-ce2 la méthode des enregistre-ments «inacceptable» et «intolé-rable».

Pour les sarkozystes, pas ques-tion de surréagir à la polémique:l’ancien chef de l’Etat a donnéconsigne à ses troupes de ne pasdonner tropd’échos à cette histoi-re peu reluisante. Aucuneprise deparole ou dépôt de plainte deM.Sarkozy ne sont prévus. L’idéeestdefaireledosrond,enespérantque cela passe… Mais un granddéballagen’est pas à exclure.

Mardi soir, l’avocat de M.Buis-son a affirmé sur i- Télé que sonclient rendrait «coup pour coup».Un sarkozyste redoute que l’affai-re donne lieu à un feuilleton, ali-menté par des révélations poten-tiellement dévastatrices pour soncandidat: «Le problème, c’est quepersonnene sait jusqu’oùcelapeutaller maintenant que la boîte dePandore est ouverte…»p

AlexandreLemarié

Sondagesdel’Elysée: lesjugessurlapistedesbandes

LesécoutesBuissonfontvacillerlaSarkozieL’ancienconseillerdeNicolasSarkozyreconnaîtavoirenregistrédesréunionsconfidentiellesà l’Elysée

LESENREGISTREMENTSdePatrickBuisson intéressentdepuisplusieurs semaines lesjuges SergeTournaire et Roger LeLoire chargésde l’enquêtedite dessondagesde l’Elysée et danslaquelle l’ancien conseiller deNicolas Sarkozy joueun rôle-clé.Une série de perquisitions a étéréaliséeauxdomicilesdeM.Buis-son,mais aussi dans ses bureauxàTF1. Toutefois, unhaut responsa-ble de la police judiciaire a assuré,mardi 4mars auMonde, quelquesheures après les révélationsduCanardenchaîné, que la police«n’apas découvert de documentssonores» lors de ses recherches.

Les échangesentre l’ex-conseillerdeM.Sarkozyet lagarderapprochéede l’ancienprésidentpourraientéclairer les enquêteurssur lamanièredontM.Buisson,notamment,apubénéficier,entre2007et 2012,decontratsdeplusieursmillionsd’eurosattri-buéssansappeld’offres.Révéléeen juillet2009par laCourdescomptes,qui avait alorsdénoncéunmarché«exorbitant»,auregarddes règlesde ladépensepublique, cette affaireest cellequiinquiète leplus le clanSarkozy.Des faits de«favoritisme»et de«détournementsde fondspublics»sonten jeu.

Enmai2007,M.Sarkozyn’étaitpaséludepuis trois semainesquesadirectricede cabinet, Emma-nuelleMignon, accordait, en troisparagraphessurune feuillevolan-te sansen-tête, ledroit àM.Buis-sonde rédigeret decommanderdesenquêtesaux institutsdeson-dagesde sonchoix.Pour la seuleannée2008, le conseiller aprésen-téune factured’1,5milliond’eurosà l’ElyséeaunomdesasociétéPublifact.

LaconventionaccordéeàM.Buissonaensuiteété renouve-léechaqueannéepar Jean-MichelGoudard, l’amipublicitairedeNicolasSarkozy. LorsqueLeMon-de, à l’automne2012, avait interro-

gé l’ancienconseiller stratégieduprésidentpour savoir s’il avait ladélégationdesignaturepour le fai-re,M.Goudards’étaitmontrésur-pris:«Unedélégationdequoi?»

Au total, l’Elyséea versé en cinqansplusde 3,3millionsd’eurosauxsociétés dePatrickBuisson.Les contratsde conseil passés avecla sociétéGiacometti Péron,uneautre société amiede lamaison,respectentdavantage la forme,mais l’Elysée y a consacré 2,56mil-lionsd’euros entre2008et 2012.

Caisses de documentsL’enquêtesur les sondagesa

misdu tempsàdémarrer. Pendantplusde trois ans, le dossier est res-té sur lebureaudu jugeSergeTour-naire sansque celui-ci, saisi parl’associationAnticor,puisseenquê-ter. LeparquetdeParis, alors repré-sentépar Jean-ClaudeMarin, s’yétaitopposécar, selon lui, l’immu-nitéduchefde l’Etat s’étendait àses collaborateurs. LaCourde cas-sationa jugédu contraireendécembre2012et ainsi renduaujuge ledroitd’instruire.

Depuis, les enquêteurs s’effor-centde ramasser documents ettémoignagesqui pourront lesaider à y voir plus clair dans cespassationsdemarché et à identi-fier le donneurd’ordre. Outre lesperquisitionsmenées chezPatrickBuisson, les policiers sesont rendusdans les différentsinstitutsde sondages. Ils ont égale-ment récupéréune quinzainedecaissesde documents auprèsde lasociétéGiacometti Péron.

M.Sarkozypourrait êtredirecte-mentrattrapépar cette affaire. Sila justice établitque«les sondagescommandésrépondentàune initia-tivepartisaneoupersonnelle»,expliqueMe JérômeKarsenti, l’avo-catd’Anticor, «cesactes détacha-blesde la fonctionprésidentielle»neseraientalorspluscouvertsparl’immunitéprésidentielle.p

LaurentBorredonet Emeline Cazi

Selonsonentourage,l’ex-présidentest«furieux»d’avoirétéespionnépar

celuiquiafaitpartiedesonpremiercercle

70123Jeudi 6mars 2014

Page 8: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

france

«L’indispensable»DanielCohn-Benditn’estpascandidataurenouvellementdesonmandateuropéenAl’approchedesélectionseuropéennes, «Dany»n’épargnepasEELV,qu’il soutientmalgré tout

C et hiver, c’est à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Sei-ne) que les cadors de l’UMP

défilent. Dans ce fief de la droiteoù, selon Roger Karoutchi, séna-teur des Hauts-de-Seine, « l’UMPfait70%lorsdespériodesdemaréebasse politique», Alain Juppé estvenu au gymnase des Abondan-ces, mardi 4mars, quittant untemps la campagne municipalebordelaise pour soutenir sonanciendirecteurdecabinetàMati-gnon, Pierre-MathieuDuhamel.

Maire UMP de la ville de 2007 à2008, mais relativement éloignédes arcanes du parti, M.Duhamels’était fait ravir l’investiture UMPlors des précédentes municipalesau profit du sarkozyste Pierre-ChristopheBaguet. Six années ontpassé,et la toute-puissancede l’an-cienprésidentdelaRépubliquesurladirectionde l’UMPégalement.

Pierre-Mathieu Duhamel, biendécidé à reprendre son siège, peutcompter dans son entreprise dereconquête sur l’ancien maireUMP Jean-Pierre Fourcade et ledéputéUMPThierrySolère, qui neménagent ni leur énergie ni leurcarnet d’adresses pour convaincreles électeurs boulonnais de voterpour un candidat dépourvu del’étiquetteUMP.

Plusieurspoidslourdsontfait ledéplacementpour soutenir le can-didat dissident: Gérald Darmanin,député du Nord, David Douillet,ancienministredessports,BenoistApparu, ancien ministre du loge-ment, Bruno LeMaire, ancienministre de l’agriculture. Afficherle soutien du président-fondateurde l’UMP, «c’est affirmer son pedi-gree “droite républicaine”. Il estimportant que les électeurs se sen-tentlibresdevoterselonleursensibi-lité», estimeThierry Solère, experten dissidence et tombeur deClaudeGuéantà Boulogne lorsdes

législatives de 2012. L’ancien pre-mierministre est donc le certificatde compatibilité UMP de Pierre-MathieuDuhamel.

Devant plusieurs centaines desympathisants, Alain Juppé a vitetroqué son rôle de soutien dansune campagne locale pour revêtirle costumedechefde l’opposition.L’ancien premierministre a passéen revue la politique de l’équipeHollande,dénonçantledésengage-mentdel’Etatdanslefinancementdes collectivités locales, lamise enplace des rythmes scolaires,moquant Arnaud Montebourg –«notre flamboyant ministre duredressementn’a rien redressé»…

«Ecuries»Une fois le comptede l’exécutif

réglé, Alain Juppé présidentialiseencore son discours, développantsa vision d’une Europe plus inté-grée, soulignant la renaissance de« la guerre froide» et la nécessitépour la France de maintenir sonbudget de défense. Les municipa-les semblent bien loin.

Lesoutiend’AlainJuppéneman-quepourtantpas d’agacer lemairesortant:«Enpleinecampagne,cha-cunveuts’afficherenhommed’Etatdans notre UMP déliquescente,cogne Pierre-Christophe Baguet.Lesécuriesprésidentiellescommen-cent à se phagocyter les unes lesautres.Aujourd’hui, la stratégiedesJuppé, LeMaire, Bertrand consiste àfaireexploserlesyndicdecoproprié-té de l’UMP que codirigent Fillon etCopé, tout en empêchant le retourdeNicolasSarkozy.Mais lesBoulon-nais sont à 15000kilomètres de lacoursed’écuriesdontuneétapesem-ble se jouer à Boulogne.» Pierre-Mathieu Duhamel et Alain Juppéquittent côte à côte la salle alorsque le public lance: «Duhamel à lamairie, Juppéprésident!»p

EricNunès

MarseilleCorrespondance

A Marseille, le6e secteuret ses116000 habitants consti-tuent-ils la clé du scrutinde

mars?«C’estundesdeuxswingsec-tors», confirme régulièrement,accent du Vieux-Port en prime,Patrick Mennucci, le chef de filesocialiste. «Ces arrondissementssont importants pour gagner»,rétorque, sensible sur la question,Jean-ClaudeGaudin,enquêted’unquatrièmemandat demaire.

Alaprésidentiellede2012,Nico-las Sarkozy a laminé FrançoisHol-landedanscesquartiersEstdeMar-seille, où cités paupérisées, zonespavillonnaires et friches indus-trielles forment un échantillonassez représentatif de l’ensemblede l’agglomération. «C’était du55/45, rappelle Christophe Masse,le candidat PS-EELV. Ici, je m’atta-queàunvéritablemurde droite!»

Un mur qui affiche quandmême deux belles failles. «Toutréside sur deux inconnues, confir-me Denis Barthélemy, conseillergénéral PS et directeur de campa-gne deM.Masse. Le score du Frontnational, comme partout à Mar-seille, et surtout le nombre d’élec-teurs qui se porteront sur RobertAssante. Une quadrangulaire ausecond tour, ça change tout.»

Maire sortant de ces 11e et 12e

arrondissements, élu en 2008 surles listes UMP, M.Assante a choisila dissidence depuis quelquesmois. Ce conseiller général de61 ans est un ancien élève deM.Gaudin, «au collège comme enpolitique». «Et comme je ne suispas d’accord sur sa façon de gérerMarseille, il s’est mis en tête de mepunir, s’enflamme-t-il. Avec lui,c’estAssante aupiquet !»

Démissionnaire de l’UMP il y aquatreans,M.Assantes’estradicali-sé: «J’ai refusé de voter le nouveauplan locald’urbanismequibétonnenos quartiers, je me suis présentéauxlégislativescontre l’UMP», énu-mère-t-il. Bien calé dans son fau-teuil de maire de secteur, qu’ilentend «plus que tout, garder», ils’étonne: «Moi, j’aime ça la proxi-mité.AlorspourquoiGaudinveut-ilmepriverde cemandat?»

Tout à ses exercices d’équilibredans samajorité,M.Gaudin a pré-féré valider dans ce 6e secteur, unticket réunissant son premieradjoint, Roland Blum, et la dépu-

téeValérieBoyer. Reléguéà la troi-sième place, M.Assante, vexé, apris le maquis, entraînant septconseillersd’arrondissementsousétiquettedivers droite.

«Evidemment que ce n’est pasfacile de mener campagne sansl’appareil de l’UMP», reconnaît-il.La veille, il était venu seul rencon-trer une quinzaine d’électeurspotentiels sous les serresd’unamipépiniériste.Pasdestaff, quelques

tracts et un discours incendiairecontre le bilan Gaudin. «On nepeutpasvouloir restermaireparcequ’on a peur de s’ennuyer à laretraite», assène l’ex-ami.

Dans une villa cossue du quar-tier de la Treille, M. Blum etMmeBoyer animent, eux, un apéri-tifdecampagne.Derrière leportailde la propriété, les pins sontimmenses et les voitures alleman-des. Les deux candidats jouentl’union, même s’ils n’ont pas tou-

jours été proches. La première,directe et pugnace, est une fidèlede Guy Teissier. Le second, tout enonctuosité, un ami de trente-cinqans deM.Gaudin. «Vous allez voir,notrenuméroest bien rodé», glisseM.Blum, 68 ans, qui a promis lamairiedu6esecteuràMmeBoyer,de17anssacadette.Faceàunetrentai-ne d’habitants, verre de cassisblanc en main, le duo distille lesmessages-clés de la campagneUMP: «poursuivre le développe-ment deMarseille», «éviter la dou-ble peine socialiste » et «ne pasvotez FN, car cela favorise PatrickMennucci».

Quand un trentenaire pose laquestion des «74 ans de M.Gau-din», M.Blum encaisse et évoque2017 et la fin du cumul des man-dats:«Ceserauntournant…Lemai-rechoisira-t-il leSénatouMarseille?Je ne peux le dire.» Le cas Assante,lui, n’est même pas abordé. «Sui-vant son score, nousnégocierons cequ’il faudra.Ceseraviteréglé»,pro-metM.Blum.«Voilàleurproblème,s’énerve encore celui que tous sesadversaires surnomment désor-mais le “kamikaze”. Ilsn’ont jamaiscruàmadétermination.»

A gauche non plus, on ne voitpasRobertAssanteallerauboutdesa dissidence. «Tous les matins, jem’attends à lire son ralliement

dans La Provence», lâche M.Mas-se. Fils et petit-fils d’élus socialis-tes,ceconseillergénéral jouebeau-coup sur son nom. Lorsqu’il passeentrelestablesdel’EntraideSolida-rité 13, qui organise un loto pourlesseniorsduquartier,onl’attrapepour lui parler de Marius, sonpère, ou de Jean, songrand-père.

«J’essaie de m’inscrire dans cestraces.Cellesd’unélulocaldeproxi-mité», assure-t-il humblementaux anciens, qui s’impatiententdevantleurscartonsdejeu.Poussépar M.Mennucci à s’aligner dansce secteur-clé – il aurait préféré le7e, déjà PS –, M.Masse a déjà reçules visites des ministres ManuelValls etAurélie Filippetti.«Et cettefois, assure-t-il, j’ai un vrai pro-gramme à défendre pour fairechanger cette ville.»

AlorsquePapeDiouf aparachu-téuncandidatvenud’EELV–Ferdi-nandRichard,cofondateurdelaFri-cheBelle-de-Mai–etqueleFrontdegauche compte capitaliser sur lesnombreuses luttes socialesmenées dans ce secteur lourde-mentfrappéparladésindustrialisa-tion, la chancede lagauchedépendaussiduscoreduFrontnational.Eli-sabeth Philippe, la candidate Mar-seille Bleu Marine, a frôlé les 22%auxlégislativesde2012. p

Gilles Rof

Marseille: le«swingsector»quipourraittoutfairevalserPourgagner lamairie, lagauchemarseillaise doit conquérir le6e secteur, où ladroite s’estdivisée

I l n’estpascandidatmais il est lavedette de la journée. Mardi4mars, Daniel Cohn-Bendit,

68ans, est venu soutenir les têtesde listes d’Europe Ecologie -LesVertsauxeuropéennes.L’ex-leaderde Mai-68 agace les écologistesmais ceux-ci ne peuvent se passerde lui.

Avant de se rendre rue Lafayet-te àParis, où l’équipea éludomici-le jusqu’au 25mai, le chroniqueurd’Europe1 s’est offert la matinalede France Inter. Quelques heuresplustard,surlepas-de-portedusiè-ge de campagne, M.Cohn-Benditrépond encore et toujours auxjournalistes. A l’intérieur, tout lemonde attend que «Dany» termi-ne. Oui, il ne se représente pas etoui, il seradifficilede rééditer l’ex-ploit des 16,28% des voix de 2009.« C’était plus facile avec moi,lâche-t-il. Il faut que tous s’y met-tent. Ce sera plus collectif, ce quipeut être unavantage…»

Le chef de file, c’est désormaisPascal Durand, candidat en Ile-de-France, avec Eva Joly en deuxième

position. L’ex-secrétaire nationald’EELVestundesraresànepasêtresortant. Yannick Jadot se représen-te dans l’Ouest et José Bovédans leSud-Est.L’ex-leaderdelaConfédéra-tionpaysanneest aussi le candidatdesécologistesà laprésidencede laCommissioneuropéenne,avecl’Al-lemandeFranziskaKeller.

«C’est notre boussole»La tâche ne sera cependant pas

facile pour EELV, qui devra pro-mouvoir l’Europedansuncontex-te de fort euroscepticisme.Mais leparti deCécileDuflot, endifficultédepuis les 2,31%de la présidentiel-le, veut croire qu’un score à deuxchiffres est possible. «Nous som-mes à un point de basculement :soit on est surun replinationaliste,soit sur un saut fédéral, affirmeM.Jadot aumicro. Nousporteronsune conviction et une détermina-tionproeuropéenne.L’Europen’estpas néolibérale et conservatricepar essence. L’Europe est ce que lesmajoritéspolitiques en font.»

Tous se succèdent à la tribune.

Puis, «évidemment», vient le tourdeM.Cohn-Bendit.Artisanmajeurdusuccèsde2009etde la créationd’Europe Ecologie, le député euro-péen a depuis rendu sa carte. En2013, il confirmait qu’il ne brigue-rait pas un cinquième mandateuropéen. Très critique à l’égardd’EELV, il ne s’est pas privé detacler lanouvellepatronnedupar-ti, Emmanuelle Cosse: «On n’en arienàcirerde la secrétairenationa-le pour les élections européennes,a-t-il lancé sur France Inter. Cen’estpas la secrétairenationalequiafait lesuccèsd’EuropeEcologieilyaquatre ans et demi.»

Riende tout ça, rueLafayette. Lecoprésident du groupe Verts auParlementeuropéenesttoutsouri-re –« c’est notre boussole», diramême Karima Delli, candidatedans le Nord-Ouest. «J’ai passé unpacte de responsabilité avec EELV,explique M.Cohn-Bendit. Je suisprêtàdonneruncoupdemainpen-dant lacampagneetEELVestprêtàme donner un coup de main pourtransformerl’Europe.»Etdevanter

la «cohérence» des têtes de listesécologistes, contrairement auxautres partis politiques accusésd’avoir «nommé, négocié, mar-chandé leurs candidats» avec despréoccupations «beaucoup plusnationales qu’européennes». C’estoublierunpeuvitequelesdésigna-tions à EELV se sont faites dans ladouleur mi-décembre2013 aprèsuncongrèshouleux.

Qu’importe, laphotode familleest dans la boîte. M.Cohn-Benditenprofitepourglisser sapréféren-ce pour la présidence de la Com-mission européenne. A la surprisegénérale, il ne cite pas le nom descandidats écologistes –«soyonsréalistes», dit-il – mais celui deMichel Barnier, ex-ministre UMPde Nicolas Sarkozy et commissai-re européen sortant. «C’est le seulcandidatcrédible,unDelorsducen-tre droit», a plaidé le député euro-péen. Avec son savoir-faire et sonfranc-parler, M.Cohn-Bendit n’adécidémentpasfinidesurprendreses petits camarades.p

RaphaëlleBesseDesmoulières

BernadetteChiracveutconserversoncanton

M oncanton,moncanton,qui a volémoncanton?TelHarpagondésespéré

à l’idéequ’on lui eûtdérobé sa cas-sette, BernadetteChirac, conseillè-re généraledu cantondeCorrèze(Corrèze), a vilipendé,mardi4mars, le nouveaudécoupagecantonal qui fait passer «son»cantonà la trappe.

L’élueUMPétait la vedettedela conférencedepresseorganiséeparFrançois Sauvadet, député(UDI) et présidentduconseil géné-raldeCôte-d’Or, entourédequel-quesautresbarons locauxde l’op-position,pourprésenter le Livrenoir sur le redécoupagedes can-tonsde France, sous-titré «Les ter-ritoiresdeFrance sacrifiés».Souslesmicroset les camérasbraquésvers elle, l’épousede l’ancienpré-sidentde laRépublique,80ansettoute sonacrimonie, s’est indi-gnéequeson cantonde3445âmes –4,5foismoinsque lecanton lepluspeuplédudéparte-ment–, dontelle est l’éluedepuistrente-cinqans, eût été sacrifié,écarteléen troismorceaux, surl’auteldurééquilibragedémogra-phiqueetde laparité.

«Massacre»Depuis la promulgationde la

loi du 17mai 2013 qui a instauréun scrutinbinominalparitaire –deux conseillers, unhommeetune femme, dans chaque can-ton–, entraînant la diminutiondepresque lamoitiédunombrede cantons, a été engagéun redé-coupagegénéral du territoire can-tonal, le premier depuis… 1801.

Alors, les hobereaux locauxvicti-mesdu remembrement fustigentuneopération«qui n’a d’autrefinalité quede sauver lesmeublesduPS», selonM.Sauvadet.

Et dedéclarer la guerre –Berna-detteChirac en totem–à cetteinqualifiable atteinte aupatri-moinenational. La voilà doncquidéfend ses gens. «Je les connaistous et ilsme connaissent tous. Ilssavent tout le travail que j’aiaccomplipour eux», geint-elle,n’en revenant toujourspas qu’onait pu attenter à sondomaine.«Inimaginable», s’excla-me-t-elle. Pourplaider sa cause,elle a «fait des visites enhautlieu». Sans succès. Son illustrevoi-sin corrézienest resté sourdà sesdoléances.«Le présidentHollan-de abeaucoupde choses à faire. Jenepense pas qu’il se soit penchésur le problème, l’absout-elle. J’aiunepetite idéede ce que représen-te la charge d’unprésident de laRépublique.»Mais, après lemiel,la sommation: «Si je tombeà latrappe, je dirai un certainnombrede choses.»

En rang serré derrièreleurfigure de proue, les croisésde la ruralité sont fermementdécidés à engager tous lesrecours possibles pour empê-cher le «massacre». Avec lesecret espoir d’obstruer les voiesadministratives et de rendreimpossible la tenue des électionsdépartementales à la date pré-vue. «Elles auront lieu enmars2015, commeprévu», assu-re leministère de l’intérieur.p

PatrickRoger

«Juppéprésident!»,scandentlesmilitantsUMPdeBoulogneEnmeetingpour lesmunicipales, l’ex-premierministrea fustigé lapolitiquedeM.Hollande

«Moi, j’aimeça,laproximité.PourquoiGaudinveut-ilme

priverdecemandat?»RobertAssante

candidat divers droite dansle6esecteur deMarseille

ChristopheMasse, candidat PSdans le 6e secteur deMarseille, le 26février. P.GHERDOUSSI/DIVERGENCE POUR «LE MONDE»

8 0123Jeudi 6mars 2014

Page 9: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

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Page 10: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

france

P as un flocon de neige surParis de tout l’hiver.Unpetit17˚C à Colmar (Haut-Rhin), à

la veille deNoël, bien au-delà de lamoyenne des maximales de sai-son (5,7˚C). Des tempêtes à répéti-tion.L’hiver 2013-2014 en Franceest celui de tous les records : à lafoisextrêmementpluvieuxettem-pétueux mais aussi particulière-ment doux. Il se classe au deuxiè-merangdeshivers lesplus chaudsdepuis 1900, derrière celui de1989-1990 et parmi les plus arro-sés, selon le bilan climatiquepublié par Météo France mardi4mars.

Entre décembre 2013 etfévrier2014, la température a étésupérieure de 1,8 ˚C à la normale(lamoyennede 1981-2010). La plu-viométrie s’est révélée supérieurede40%auxnormalessur l’ensem-ble du pays, malgré un bilan trèsdisparate selon les régions. «Trèsabondantes sur la façade ouest dupays et du Sud-Est, les pluies sontenrevancherestéestrèsdéficitairesde l’Hérault aux Pyrénées-Orienta-lesainsiquedansleNord-Est», indi-queMétéo France.

Aurangdesrégionslesplustou-chées, la Bretagne a enregistré son

record de pluie depuis 1959. LesBretons ont dû ouvrir le parapluiedecinquanteàquatre-vingts joursau cours de l’hiver, soit quinze àvingt joursdeplusque lanormale.Au total, le cumul des précipita-tions sur la saison a atteint entre350 et 1 000mm selon lesendroits, c’est-à-dire près de deuxfoislamoyenne.«Cespluiesexcep-tionnelles,conjuguéesauxsubmer-

sions marines lors des grandesmaréesdejanvieretfévrier,ontpro-voquédesévèresinondations»,pré-cise Météo France. Morlaix etQuimperlé (Finistère) ont ainsi euàdenombreuses reprises lespiedsdans l’eau, suscitant la colère deshabitants.

Dans le Sud-Est, la région Pro-vence-Alpes-Côte d’Azur, en parti-culier le Var et les Alpes-Mariti-

mes, a également enregistré unrecorddeprécipitations.Elleaain-si compté entre trente et quarantejours de pluie et entre 350 et800mm de cumuls de précipita-tions,soitdeuxfoisplusquelanor-male. Des événements intensesqui ont provoqué la crue de plu-sieurs cours d’eau, ainsi que desglissementsdeterrainetdesébou-lements de falaise. Les skieurs onttoutefois pu en retirer un avanta-gepuisque laneigeaété trèsabon-dante sur les AlpesduSud.

La succession de tempêtesvenues d’Atlantique renforcéesparde forts coefficientsdemaréess’explique, selon Christine Berne,climatologue à Météo France,«parunezonededépressionsur l’Is-lande, plus creusée et active qued’habitude,ainsi qu’un fort anticy-clone reculé sur le sud, vers les Aço-res, qui laisse la porte de l’Atlanti-que ouverte aux perturbationshivernales». Ce phénomène a aus-si laissé passer des courants d’alti-tude d’Ouest et de Sud-Ouest, quiont apporté de l’air chaud.

Météo France décompte40dépressions depuis le début del’hiver, soit deux fois la normale.Mais dans l’Hexagone, contraire-

ment à la Grande-Bretagne, la for-ce des vents «n’a pas présenté decaractère exceptionnel», comparéà des tempêtes historiques com-me en 1999 avec la succession de« Lothar » et «Martin » ou«Klaus» en 2009.

La plus violente tempête de cethiver sur la pointe bretonne a été«Ulla», les 14 et 15février, avec desvents dépassant les 150km/h surles côtes, et des rafales jusqu’à110km/h à l’intérieur des terres.«Dirk», de son côté, s’est étendu àla quasi-totalité de la France du 23au25décembre.

«Cephénomèneest surtout rarepar sa durée : on comptabilise 56jourssur les65de l’hiverdurant les-quels la situationa été propice auxtempêtes, indique Pascal Yiou, cli-matologue au Laboratoire dessciences du climat et de l’environ-nement. C’est quelque chose quenous avons déjà observé à l’échelleeuropéenne en 2006-2007 ou à lafin des années 1990.Mais il faudraréaliser des études plus pousséespour savoir si c’est dû au change-ment climatique.L’an dernier, parexemple, l’hiver était à l’inversemoinspluvieuxet très froid.»p

AudreyGarric

Pluies, tempêtes,chaleur:l’hiverenFrancebattouslesrecordsLatempératuremoyenneestsupérieurede1,8 0Cparrapportauxnormales, lapluviométriede40%

Lesassautsdel’océanvontcoûtercherROUTESFERMÉES, entreprises etcommerces inondés, digues abî-mées, pêcheurs cloués à quai,champs submergés: lamultiplica-tiondes tempêtes qui ont assaillile littoral français, cet hiver, valaisser des traces.

Dans le Finistère, àQuimperlé(12000 habitants), l’undes épicen-tresdes inondations enBretagne,le débordementde l’Isole, rivièrede48kmde longqui traverse leMorbihanet le Finistère avantdese jeter dans la Laïta, a entraînél’évacuationet le relogementd’unequinzainede familles aprèsla découverted’importantes fissu-res dans les bâtissesduXIXesièclequi la bordent.

AHyères-les-Palmiers, villevaroisede 60000habitants, il esttombé, le 19janvier, autantd’eauen trois heures qu’il en tombed’habitudeen troismois. Selon lamairie, 800 logementsont étéinondés.

Lenombred’alertes à la vigilan-ce témoigne à lui seul duharcèle-ment subipar certainsdéparte-ments.Normalement limitées à

quelques jours par an, elles sesontmultipliées ces trois derniersmois, commedans le Finistère quifigure en tête de liste avec44 jours placés sous surveillancedeMétéo France, avant leMorbi-han, l’Ille-et-Vilaineet la Loire-Atlantique.

Affaiblis et épuiséspar lescoupsde vent exceptionnels, plusde 21000oiseauxmarins se sontéchoués sur les plagesdepuis finjanvier,«une hécatombehistori-que» selon la Ligue deprotectiondesoiseaux. Lemacareuxmoineet le guillemotde Troïl sont lesespèces les plus touchées. Lepin-gouin torda a été affecté dansunemoindremesure.

«La clé sous la porte»Le coût des assauts à répétition

de l’océan reste à préciser,maisdes chiffres commencent à circu-ler. Dans la régionAquitaine, lesdonnéesdisponibles sur le grigno-tagedes côtes sableusespar lamer sont impressionnants.Mêmesi le printempsdevrait ramenerunpeude sable sur le littoral, c’est

du jamais vu: le trait de côte areculé enmoyennede 11mètres,avecdes pics à 20mètres. Rienquepour les travaux liés à l’activi-té touristique estivale, il faudradébourser entre 2,5 et 3millionsd’euros. Face à cette inquiétanteaccélérationde l’érosiondu litto-ral, le présidentdu conseil régio-nalAlainRousset (PS) a interpelléleministre de l’écologie, PhilippeMartin, appelant à la «solidariténationale».

Les dégâts s’annoncent aussiimportantsdans les secteursde lapêche et de l’agriculture.«EntreNoël etmi-janvier, les bateauxsont sortis deux foismoins quel’annéedernière», s’inquièteBrunoDachicourt, de l’Unionnationaledes syndicats demarins-pêcheurs.Dans leNord-Pas-de-Calais,même les plus gros chalu-tiers ne sontpas sortis.

La chutedes ventes à la criée aeudes conséquences sur l’ensem-ble de la chaîne. Interrogéparl’AFP, Pierre Labé, le présidentdel’Unionnationalede la poissonne-rie française, estimeque la situa-

tion est «catastrophique»pourlesmareyeurs: «On s’attendàuneperte de 35%à40%du chiffred’af-faires et si ça continue, beaucoupvontmettre la clé sous la porte.»

Les agriculteursdont les terresont été noyées sousdes pluies tor-rentielles redoutent l’arrivée duprintemps: les légumesont pour-ri et les semisn’ont souventpaspuêtre faits. Sur les 130 sites deproductionde la coopérative bre-tonneSavéol, numérounde latomate enFrance, 20ont étéendommagés.

Dequelsmontants seront lesindemnisations? Le gouverne-ment a fait unpremier geste enreconnaissant l’état de catastro-phenaturelle dansprès de135 communes.Mais les assureursmutualistes sont les seuls, pour lemoment, à avoir avancé lemon-tant de la facture qui leur incom-be. Le syndicat desmutuelles d’as-suranceGEMAestimeque lesintempériesdu 23décembre au21février vont leur coûterunpeuplusde 133millions d’euros.p

Diane Jeantet

LesBretonsontouvert

leurparapluiequinzeàvingt joursdeplusquelanormale

cethiver

SOCIAL

Pactederesponsabilité:lesnégociationssetendentLeprojet de relevéde conclusionsdupatronat sur les contrepar-ties aupacte de responsabilité, envoyémardi 4mars aux syndi-cats, a suscité la colère de ces derniers.Dans ce texte, leMedef, laCGPMEet l’UPA refusentnotammentde s’engager sur des créa-tionsd’emplois ou sur l’obligationdenégocier dans les branches,en échangede la baissede 30milliardsd’eurosdu coût du travailpromisepar FrançoisHollande.«Soit ils reviennentà la raisonavec des objectifs quantifiésdans les branches, soit il n’y a pas depactede responsabilité», a dénoncé,mercredi, le secrétaire géné-ral de la CFDT, LaurentBerger, sur France Inter. Syndicats etpatronatdevaient se retrouver,mercredi en fin dematinée, pourtenter de s’entendre surun texte. p Jean-Baptiste Chastand

Police Enquête de l’IGPN sur un chantage présuméà la naturalisationLeministrede l’intérieurademandéà l’Inspectiongénéralede lapolicenationaled’enquêtersuruneaffairede chantageprésuméàlanaturalisation, rapportéemercredi 5mars par Le Figaro.Le com-mandantdu commissariatdeViroflay (Yvelines) auraitmenacéd’émettreun avis défavorable à la demandedenaturalisationd’une jeune fille russe, àmoins qu’ellene se rende à laManifpour tous du 10octobre 2013 et ne donne lenomdeparticipants.

Faits divers Agression homophobe à LilleDeuxétudiants ontporté plainte aprèsune agression, lundi3mars au soir, dans lemétrode Lille. Ces deux jeunes d’uneving-tained’années, qui se tenaient lamain, ont été insultéspar sixindividus, et ont reçu coupsdepied et coupsdepoing. – (AFP.)

Deux arrestations après unmeurtre au TrocadéroDeuxhommes soupçonnésd’avoirparticipé aumeurtred’unjeunehommede 20ansdans les jardinsdu Trocadéroà Paris, lanuit de la Saint-Sylvestre, ont été interpellés,mardi 4mars, et pla-cés en garde à vue. – (AFP.)

ASoulac-sur-Mer (Gironde), l’océanAtlantique a rongé quatremètres de dune en janvier. DUFFOUR/ANDIA.FR

J eneseraipascandidatpourexer-cer, pendant six ans supplémen-taires, un nouveau mandat. »

Dans une tribune publiée dansLeMondedujeudi6mars,Jean-Pier-reBel, présidentduSénatdepuis le1eroctobre 2011, annonce qu’il quit-tera son fauteuil du Palais duLuxembourgaprès les électionsdeseptembre2014, qui doivent enrenouveler la moitié des sièges.A62ans, M.Bel précise par ailleursqu’il ne se présentera à «aucuneautre fonction élective». Sénateurde l’Ariège depuis seize ans, prési-dent du groupe PS entre2004 et2011, ce prochede FrançoisHollan-de a été en 2011 le premier prési-dent socialiste du Sénat sous laVeRépublique.

Sa décision relève d’«un choixpersonnel très ancien», expli-que-t-il,dictépar«lesnouvellesdis-positions de la vie politique».«Pour redonner confiance dans laparole politique, on ne peut pass’en tenir à proclamer des princi-pes, il faut être capable de se lesappliquer et, d’abord, ne pas seconsidérer comme propriétaire desesmandats», détailleM.Bel.

Eluen2011faceauprésidentsor-tant, l’UMP Gérard Larcher, et à lacentristeValérieLétard, le socialis-te se retiredoncaprès trois annéesde mandat et un bilan mitigé. Aplusieurs reprises depuis le débutduquinquennat, les sénateurs onteneffetrejetédesloisfondamenta-les pour l’exécutif – comme cellesur les retraites en novembre2013ouleprojetde loide financesrecti-ficatifpour2014unmoisplustard.

Contrairement à l’Assembléenationale, lePSnedisposepasde lamajoritéabsolueruedeVaugirard.Une différence qui provoque unjeud’alliancesparfoisdifficileàsui-vrepourvoter–ourejeter–destex-tes gouvernementaux. «Fier de ceque [la] nouvelle majorité a puaccomplir», M.Bel regrette néan-moinsque les équilibresdans l’Hé-micycle aient rendu depuisjuin2012 «plus incertain et moinscohérent le positionnement politi-que du Sénat victime d’un rapportde forcepolitiquevolatil».

Sonretrait àvenirvaouvrirunenouvelle séquence pour désignerson successeur. A gauche, plu-sieurs profils sont envisageables.

A commencer par celui du séna-teur (PS) de Côte-d’Or et maire deDijon,FrançoisRebsamen,quipré-sidedepuis2011 le groupesocialis-te au Sénat. Autres prétendantspossibles : François Patriat, élusocialiste, lui aussi de Côte-d’Or,ou le président du Parti radical degauche et sénateur de Tarn-et-Garonne, Jean-MichelBaylet.

Unbasculement compliquéAdroite, lesénateur(UMP,Yveli-

nes)GérardLarcheradéjàannoncésa candidature. Celui qui fut prési-dent du Sénat de 2008 à 2011 aconfirméauMondequ’il avaitbienl’intention de reconquérir la prési-dence de l’institution si elle bascu-laitàdroiteenseptembre.«Jedépo-seraima candidature en cas de pri-maires», a-t-il déclaré le4février.

Sur sa route, l’ancien maire deRambouillet (Yvelines), âgé de64ans, pourrait retrouver Jean-Pierre Raffarin. Le sénateur de laVienne, 65 ans, avait déjà affrontéM.Larcher en 2008, mais, pourl’instant, il n’a pas encore exprimépubliquement ses intentions. «Ilfaut voir le rapport de force qui res-sort des électionsmunicipales et duvote sur les communautés de com-munes», explique son entourage.Autrementdit, l’ex-premierminis-tre se déterminera selon le résultatdu scrutin des 23 et 30mars, quilivrera une orientation quant à lafuture composition du Sénat – lesgrands électeurs sont désignés parles conseillersmunicipaux.

SiM.Larchermisesurunbascu-lement de la majorité sénatorialeen septembre, le défi semble trèscompliqué à relever. La droitecompte aujourd’hui six sièges demoins que la gauche: pour recon-quérir la Rue de Vaugirard, elleseraitdonccontrainted’enrepren-dre plus du double. La faute à laréforme du mode d’élection dessénateurs,votéeen juin2013,qui adonné davantage de poids auxcommunesdeplusde30000habi-tants et instauré la proportionnel-le pour les départements élisanttrois sénateurs, au lieu de quatreprécédemment. p

BastienBonnefousetAlexandre Lemarié

Lire la tribune de Jean-Pierre Bel page18

LeprésidentduSénatquitterasonfauteuilà l’automneJean-PierreBelannonceau«Monde»qu’ilneseprésenteraà«aucuneautrefonctionélective»

10 0123Jeudi 6mars 2014

Page 11: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

france

R omainLetellieraquittéletri-bunalcommeilyétaitentré:menotté. Premier prévenu,

depuisdelonguesannées,àcompa-raître détenu devant la 17echam-bre du tribunal correctionnel deParis, ce jeune père de famille nor-mandarejoint,mardi4mars,lacel-lule de Fresnes dans laquelle il vitdepuis sixmois. Il a été condamnéàunandeprison ferme,plusdeuxavec sursis, pour «apologie d’actesdeterrorisme»et«provocationàlacommission d’actes terroristes»,deux délits encadrés par la loi surlapressedu 29juillet1881.

La 17e est spécialisée dans lesdélitsdepresse. Il yestquestiondediffamation, d’injure, d’apologiede crime, de droit à la caricature etde liberté d’expression.On y com-paraît généralement libre, aucunede ces infractions ne prévoyant,jusqu’àrécemment,unplacementen détention provisoire. RomainLetelliera inauguréunedesdispo-sitions de la loi antiterroriste dedécembre2012,quiprévoitunetel-le mesure pour les deux chefspour lesquels il était poursuivi.

Aussi, l’apparition dans le boxdes accusés, barbe en friche etmenottes aux poignets, de ce chô-meur de 27ans tenté par le djihadvirtuel avait-elle quelque chosed’« inhabituel», de l’aveu mêmedu procureur, Annabelle Philippe.Prévoyant «qu’on n’aura pas àl’avenir d’exemple plus grave d’in-fractions prévues par la loi sur lapresse», la représentante du par-quet avait donc requis une peineelleaussi«inhabituelle» : trois ansde prison, dont la moitié assortiedu sursis. Le tribunal a eu lamainmoins lourde. Romain Letellierdevrait retrouver la liberté dansquelques mois. Il encourait jus-qu’à cinqans d’emprisonnement.

Ilestreprochéàcejeuneconver-ti à l’islamd’avoir, en sa qualité demodérateurdu forumAnsar-alha-qq.net, le deuxième plus impor-tant sitede propagandedjihadistefrancophone, publié la traductionenfrançaisde la revueen ligne Ins-pire. Un magazine anglophone,lancé en juillet2010 pour élargiraumondeoccidental l’ère du«dji-had médiatique» professé parAl-Zawahiri, le leader d’Al-Qaida.

Cette revue à la maquette soi-gnée vise à inspirer les «loups soli-

taires» en dispensant, entre deuxconsidérations théologiques, desappels au djihad et quelquesconseils pratiques pour mener àbien son projet terroriste. Elleapparaît, selon le parquet, dans laplupartdesdossiersd’autoradicali-sation. Sous le pseudonymed’Abou Siyad Al-Normandy (« ledescendant du Prophète de Nor-mandie»), Romain Letellier apublié deux numéros de la revuecontenant des textes appelant à«saigner les têtes de la mécréan-ce», ou glorifiant « la formidableopération du marathon de Bos-ton»,qui fit 3morts et 264 blessés,qualifiéede«parfait exempled’in-vestissementà bas coût».

La voix douce, parfois chevro-tante, Romain Letellier a laborieu-

sement expliqué qu’il regrettaitd’avoir publié cette revue, affir-mant sans convaincrenepasavoirlutouslespassagesvisésparl’accu-sation. Se décrivant comme«paci-fiste », il a admis avoir prisconscience, après son interpella-tion, qu’il avait été «très bête» depublier toutes les envolées djiha-distespatiemmentégrenéespar lejuge assesseur. « Pour moi, cen’était que des textes », s’est-ildéfendu. «Les textes ont un sens»,lui a fait remarquer lemagistrat.

Le sens, c’est cequ’AbouAl-Nor-mandyasembléchercheraufildesannées, en se rapprochant de l’is-lam jusqu’à en embrasser les éma-nations les plus radicales. Aucuneexpertisepsychologiquen’aétéfai-te,aregrettésondéfenseur,MeTho-mas Klotz, ce qui aurait permis decomprendre le cheminde ce jeunehomme sans histoire vers l’extré-misme religieux.

Les éléments biographiquessommairement évoqués àl’audienceont toutefoispermisdedevinerleparcoursd’unenfantéle-védansunvillageduCalvados,quiperd samère à l’âgede 4ans.Habi-té depuis le plus jeune âge par lacroyance en «une divinité», il seheurte au « tabou» de la religiondans sa famille, «athée» et «com-muniste» : «Quand je demandaisma religion à mon père, il medisait : “pas de religion.”»

Le jeune homme refoule sonélan mystique pendant desannées, jusqu’à son inscription

dansunlycéedeCaen,oùilrencon-tre des camarades musulmansavec lesquels il peut «enfin» s’ex-primer.L’islamluiapparaîtrapide-mentcomme«lavraiereligion», ilse convertit à l’âge de 20 ans et sedocumente en lisant des livres etsur Internet, ce qui le conduira à

découvrir le forum Ansar-alha-qq.net, dont il devient administra-teurdébut 2013.

Se sentant «insulté etméprisé»en tantquemusulman, il dévelop-peaugrédeseslecturesuneidenti-fication victimaire aux «musul-mans innocents tuéspar les dronesaméricains» et affirme avoir vou-lu « informer» de ces faits dont«lesmédiasneparlentpas». Lepré-venunepouvaitignorerlerôlecen-tral de la revue Inspiredans la pro-pagandedjihadiste.Sonavocatn’apas demandé la relaxe. «Certain»néanmoins que son client «nereprésente aucun danger », il ademandé de le «remettre en liber-té». Le jeune homme, qui a purgéla moitié de sa peine, dit vouloirretrouver sa vie d’avant, «sans lesforums, bien sûr».p

Soren Seelow

Bilel, étudiant grenoblois enlicence d’économie et pompiervolontaire, parti faire le djihadenSyrie, estmortmi-février àHomsd’une balle dans le cœur.Le jeune hommede 23ans avaitquittéGrenoble en voiture le5juillet 2013 avec d’autres jeu-nes Français, pour aller combat-tre en Syrie, a indiqué à l’AFP sasœurOumaïna, 22 ans. «Mon frè-re disait qu’il voulait aider le peu-ple syrien en apportant des médi-caments et de la nourriture etaussi en combattant le régimede Bachar Al-Assad», a-t-elleexpliqué. Bilel, dont la famille

estmusulmanemodérée, s’étaitradicalisé à la suite d’une ruptu-re amoureuse. «Mais on n’imagi-nait quand même pas qu’il allaitpartir en Syrie», a précisé sasœur.EnSyrie, il avait rejoint le FrontAl-Nosra, branche officielle d’Al-Qaida dans le pays, et continué àdonner régulièrement des nou-velles à ses parents. C’est undes amis deBilel sur place qui aannoncé son décès à la famille.«On aimerait bien voir son corpspour faire le deuil mais on nepeut pas, déploreOumaïna. On ajuste une photo de lui mort.»

I ncorrigible Gaston Flosse.Depuis sa réélection à la prési-dence de la Polynésie françai-

se, le17mai2013,l’inoxydableséna-teur (82 ans) a renoué avec lesméthodes qui ont contribué à sessuccès politiques mais aussi à sesdéboires judiciaires. Ces dernierssemblent ne jamais devoir se ter-miner : impliqué dans de nom-breuses affaires, pour l’essentielfinancières, celui que les Tahitienssurnomment «le Vieux Lion» est,selon nos informations, visé parune demande de levée de sonimmunité parlementaire. Saisiefin févrierpar le juged’instructionde Papeete Philippe Stelmach, lachancellerie s’apprête à transmet-tre la demande du magistrat aubureaudu Sénat.

L’initiativedeM.Stelmachsigni-fiequ’il envisagedeprendreà l’en-contre du sénateur (divers droite)polynésien des mesures coerciti-ves–enl’occurrenceunplacementen garde à vue. Il souhaite que lespoliciersl’interrogentsurlescondi-tions dans lesquelles fut passé lemarchédeconstructiondupharao-nique centre hospitalier de Taao-ne,lancéen2004àPapeete.Al’épo-que, M.Flosse était déjà présidentde la Polynésie française. Le fils dusénateur,RéginaldFlosse, a été lui-même mis en examen et placésous contrôle judiciaire dans cetteaffaire le 7février, demêmequ’unentrepreneur proche de GastonFlosse, Robert Bernut.

Les enquêteurs soupçonnentM.Bernut, attributaire par le biaisde sa société SMPP-Sogeba d’unepartie du marché de constructionde l’hôpital, d’avoir en échangecédé à vil prix à RéginaldFlosse sespartsdel’hôtelduTahara’a.GastonFlosse lui-même aurait pesé detoutsonpoidsenfaveurdelaSMPP-Sogeba. Un renvoi d’ascenseur quinourrit les soupçons de favoritis-me.SollicitéparLeMonde,MeFran-çois Quinquis, avocat de GastonFlossemais aussi de la SMPP-Soge-ba,n’apuêtre joint.

Gaston Flosse a par ailleurs étémis en examen, le 21 février, pour

détournement de fonds publics,dansunautredossierinstruitautri-bunal de Papeete. Le président del’AssembléedelaPolynésiefrançai-se, Edouard Fritch (gendre deM.Flosse), est poursuivi pour lesmêmes faits. Les deux hommessont soupçonnés d’avoir fait sup-porterà lacommunedePirae,dontilsonttousdeuxétémaires,l’appro-visionnement en eau de la villa deM.Flosse, située à Arue, communevoisine. Cette propriété, construitesur une zone alors dépourvued’eaupotable,a étéraccordéeàuneréserve située à Pirae, six kilomè-tres plus loin. Le pompage de cetteeau pour l’acheminer entre autresverslarésidencedeM.Flosseagéné-ré «des frais d’électricité et d’entre-tien colossaux», selon la Chambreterritorialedes comptes.

Ces avancées judiciaires inter-viennent dans un contexte dereprise en main politique. A l’évi-dence, « le système Flosse», fondésur le clientélisme et le culte duchef,areprisdeplusbelledepuis leretour aux affaires du Vieux Lion,écarté du pouvoir entre2008 et2013 –période durant laquelle ilfutmêmeincarcéré,dansuneaffai-re de corruption.

L’omnipotence de Gaston Flos-sesuscitedenombreusesinquiétu-des,notammentchezlesjournalis-tes locaux dont le travail se révèledeplusenpluscompliquélorsqu’ils’agit d’évoquer des faits suscepti-bles de mettre en cause le patronde la collectivité d’outre-mer. Ain-si, le groupe Média Polynésie(GMP), leader de la presse papierdans cette zoneduPacifique, vientde faire l’objet d’une prise decontrôle par la société Chin Foo,quidétientdésormaisnotammentles deux quotidiens de Tahiti, LaDépêcheet LesNouvelles.

Gérant de Chin Foo, PierreMar-chesini, futurdirecteurdecesdeuxpublications, a annoncé la couleuren début de semaine, dans lescolonnes du journal gratuit TahitiInfos : « Je m’engage à ne plusjamais accepter la publication, surl’undessupportsdugroupe,d’infor-mations transgressant le secret del’instruction, qu’il s’agisse d’un pla-cement en garde à vue ou d’unemise en examen.» Cette déclara-tion a suscité un vif émoi dans lesrédactions des deux quotidiens (lapresse n’est pas, il faut le rappeler,tenue au secret de l’instruction).Lesjournalistestahitienscraignentde ne plus pouvoir tenir la chroni-que des nombreuses mésaventu-res judiciairesdeM.Flosse…p

GérardDavetet Fabrice Lhomme

Leprévenuaprisconscience

d’avoirété«trèsbête»après

soninterpellation

Undjihadiste français de 23ans tué le 18 février enSyrie

AuprocèsducyberdjihadisteLetellier:«Pourmoi,cen’étaitquedestextes»LetribunalcorrectionneldeParisacondamnéàunandeprisonfermeunconvertipour«apologied’actesdeterrorisme». Ilavaitpubliésurunforumdesextraitsdelarevuedjihadiste«Inspire»

Al’évidence,le«systèmeFlosse»,

fondésurleclientélisme

etleculteduchef,areprisdeplusbelle

Outre les affaires de l’hôpital deTaaoneet de la communed’Arue,M.Flosse est poursuivi pour com-plicitédedétournementdefondspublicsdans l’affaire del’atoll Anuanuraro, qui sera jugéeen juin. Il a aussi été condamnéenappel, en février2013, à qua-tre ansdeprisonavec sursis ettrois ansd’inéligibilité pourpriseillégaled’intérêts et détourne-mentde fondspublics, dansundossier d’emplois fictifs – il s’estpourvuen cassation.M.Flosse aenfinété condamné, en jan-vier2013, enpremière instance,à cinq ansdeprison fermeet cinqansd’inéligibilité, pour trafic d’in-fluencepassif et corruption acti-vedans l’affairedes annuairestéléphoniques.

M. Flossemis en causedans plusieurs procédures

GastonFlosseviséparunedemandedelevéed’immunitéparlementaireUnjugedePapeetenourritdessoupçonsdefavoritismesur la constructiond’unhôpital

DOSSIER SPÉCIAL

MUNICIPALES0123

RENDEZ-VOUS JEUDI avec Le Monde daté vendredi 7 mars

Septième volet de notre série hebdomadaire

Alain Juppé, du haut de son Aventin

BORDEAUX

Et dans le sur

110123Jeudi 6mars 2014

Page 12: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

culture

Musique

L e 4mars 2004 mouraitClaude Nougaro, emporté à74ansparunemaladied’épo-

que, le cancer. Il n’avait pas aimél’école, ni le solfège. Né à Toulousele9septembre1929, il avaitétééle-vé par ses (bons) grands-parentstandis que son père –son «géni-teur», si craint, si admiré– mou-raitenscèneenchantantdedrama-tiquesopérasà longueurdesaisonlyrique. Sa fille Cécile, objet de lachanson, voudrait ancrer son pèreà Toulouse. Elle a acheté une péni-che, la Santacnox, pour en faire,sans doute en 2015, une MaisonNougaro, vagabonde, au fil del’eau.

Que nous a donné Nougaro? Ilétaitunhommedechoc,«charbon-neux», comme il aimait à le dire.Un «mineur de fond», comme ill’avait écrit en 1993 en hommage,et réponse, à Serge Gainsbourgdans Art mineur (musique du Zaï-rois Ray Lema) : «Je pratique l’artmineur/Qu’a illustré le beauSerge/Puisse-t-il sur l’autreberge/S’enivrer d’alcoolsmeilleurs/Est-ce bien sérieuxd’ailleurs/Passé les soixanteberges/De pratiquer l’artmineur/Qu’a illustré le beau Ser-ge?/ Pourquoi suis-je et àquoi sers-je/Dans la mine où jem’immerge/Charbon rouge demon cœur?/ Un projecteur sur lefront/Comme un casque demineur/Artiste mineur de fond.»Onappréciera, vingt ans plus tard,qu’unmonstresacréde lachansonfrançaise se soit si élégammentinsurgé contre l’idée que la chan-sonne pèse rien dans la vie de nossociétés et dans la formation del’intelligence individuelle.

Nougaro était un fils de Trenetet dePiaf,mais il avait très tôt por-té ses regards sur le monde noir,sur l’Afrique, creuset des civilisa-tions contemporaines. Le petitbonhommebrunavait surgid’uneToulousetellurique,«pèrecathare

toulousain, mère italienne avecascendants siciliens». En prime, lejazz lui était tombé dessus, via leposte de radio qui trônait dans lacuisine de sa grand-mère. Mais,dans les années 1950 et 1960, laFranceseposaitencore laquestionde savoir si l’on pouvait être blancet avoir le rythme. Nougaro rendcompte de la fin d’une époque, etde la modernité de cette transi-tion. C’est son karma. «Il y a danstout cela une flamme sacrée. L’artdoit faire dubien. La chansonrégé-nère, donne chaud. Moi, je suis unarchaïque qui prend les mots lesplus usés pour les frotter commedes cailloux pour en faire une peti-te étincelle», déclarait-il auMondeen 1994.

Des étincelles, il en a vécu. L’en-fantdesMinimes allait aucinéma,

il aimait Tarzan. Plus tard, il croiseJohnnyWeismuller à Los Angeles,«dansunbar spectral, à laKubrick,vieuxTarzandéchu, has-beende laliane». C’est sans doute un rêve,une presque-phobie, un rêved’Afriquemutilée,«chantdes Pyg-méesau zoo», éléphantsmorts.

Une petite fille, la chanson quil’a révélé au grand public en 1962,met en scène la révolution amou-reuse de l’après-guerre. L’émanci-pation des mœurs passait alorspar le dévoilement : glissementdes bas nylon, décolletés en cor-beille, déshabillage-effeuillage.Lui était champion en la matière.Commenttromper sa femmesanslevouloir,commentleregretterenrecommençant, comment êtrepapa en perdant des blondes et engagnant des brunes, etc. Le Ciné-ma, Les Don Juan, Une petite fillesont les textes fondateurs de cettemasculinitébe-bop,pasdemachis-me, de la féminité, beaucoup detorture.

En 1963, il est ramassé enmiet-tes sur le bord d’une route : l’acci-dent de voiture fait son entréedans la catégorie desphénomènesde masse. Il compose A bout desouffle à l’hôpital, adaptation deBlue Rondo à la Turk, de Dave Bru-beck, image duDon Juan vivant savie en travellingpanorama. L’ami-admirateur de Jacques Audiberti,le chanteur à l’accent caillouteux,passait des nuits au Rosebud, àMontparnasse, ou au Chat quipêche, le clubde jazzde la ruede laHuchette, à regarder ses démonsdansunverre. Il avait un sensaigude la jeunesse.

Il aimait le rap,parceque cet artpopulaire se nourrit d’une énergiegénérationnelle.Ilobservait,il can-nibalisait, avec une acuité aujour-

d’hui absente de la chanson fran-çaise. Ainsi, les événements demai 68 lui avaient inspiré un tor-rentielParismai,plaidoyerpour lavie, qui serait interdit d’antenne,bien que farouchement opposé àla politique, «cette guérite étroite,avec sa manche gauche, avec samanche droite, ses pâles oraisons,ses hymnes cramoisis, sa passiondu futur, sa chroniqueamnésie…».

Comme Brassens, Nougaro faitles frais d’une surdité qui, fautedemieux, s’accroche au vertige desmots. On les entend en «poètes»,acrobates des syllabes, patineurssur syntaxe, mais la musique, onn’enfaitpascas.Eux,oui :Brassensmélodiste, rythmicien, et Nou-garo, qui chante toujours si exact.Chez Nougaro, la musique est lelaserdesadiction.Quandilparle, ilchante. S’il surjoue, il joue. FaraC.,l’unedesplussubtiles connaisseu-ses de la musique africaine et dujazz, dit à son propos –on croiraitl’entendre lui, Nougaro, accent et

scansion compris : «En ces diverscourantsmusicaux qui, par l’effer-vescence créatrice, ont exorcisé lesaffres de l’esclavage, le gamin “aucartable bourré de coupsdepoing”reconnaît la trace de son exil. LeNègre cathare profère sa colère quise niche à l’hémistiche, instille un

swing inouï à la langue française,conte les tragiques destinsde gossede bidonville, de looser… Dans safaçonde chanter, on sent, à l’instardes bluesmen américains, le mus-cle, le souffle, la sueur, tout à la foisl’âpreté et l’exaltation de l’existen-ce. Comme eux, son génie créateur

transmue la douleur intérieure enjubilationpartagée.»

On y ajoutera ceci : sa conscien-cedefilsdepianisteprofessionnel-leetdebarytonconnuauraaiguisésa soif de musique. Nougaro seremetmal d’être un cancre en sol-fège. Il s’adaptera donc. Commed’autres – fous, saintes, philoso-phes– entendent des voix, lui ilentend desmélodies. Il les fredon-ne à l’oreille des compositeurs(Michel Legrand, Daniel Goyone,MauriceVander, Jean-ClaudeVan-nier, Christian Chevallier, MarcusMiller pour Nougayork). Eux sechargentd’habiller son chant –«lechant, c’est de la chair qui pense».

Ce qui est bien, chez Nougaro,c’est qu’il osait : il ose dire, écrire,proférer des trucs limites, des cli-chés,desnaïvetés.Çanelui faitpaspeur, et chaque fois c’est fort. Cer-taines de ces chansons fredon-nées, il les cosigne. En 1984, ilendosse seul une œuvre de poids,SaMajesté le jazz.

Dans une époque où les vedet-tes de variétés traitaient lesmusi-ciensenloufiats,Nougarolesécou-te, les célèbre, les aime. «Je ne jouepas du piano, je joue du MauriceVander» : cequin’empêchepas lesbrouilles, parfois de plusieursannées, idemavec l’immense IvanJullien,maisilreste,selonlaformu-le du batteur André Ceccarelli, «lechanteur des musiciens… Quandj’entends les sempiternelles bêtisessur le jazz, jemedis : aumoins, onaNougaroavecnous».

Respect desmusiciens, jeu égal,conscience que rien ne sépare lanotedumot: ily fautuntrèsgrandchanteur et les meilleurs autour.Le coffret de 29albums consacré àcetroubadour, le«virtuosedesver-tigineux» (FaraC., toujours) estornédesphotosde toutes cesmer-veilles humaines que sans lui legrand public ne connaîtrait pas :EddyLouiss,BernardLubat,Mauri-ce Vander –dans les années 1980,le trio devient aussi célèbre que lechanteur–, Baden Powell, MichelPortal,AldoRomano,PierreMiche-lot, André Ceccarelli, Richard Gal-liano,BernardArcadio,FrancisLas-sus… Mine de rien, Nougaro faitaccéder à la chansonnette DaveBrubeck, Quincy Jones, Monk,Chico Buarque, Gilberto Gil, Min-gus,WayneShorter…

Veut-on du bizarre ? Lui,auteur des paroles d’une génialeguignolade de Jean Constantin,bon pianiste de jazz au demeu-rant, Les Pantoufles à papa, il seretrouve le troubadour poignantd’un chant dédié à Montségur,Gloria.

Le thème est de Don Byas. Lamusique ne manque pas d’am-pleur sans verser dans l’emphase.L’album s’intitule Femmes, fami-nes (1976). Et, tout du long, un saxalto libre comme l’air, l’air d’évo-luer sur les ruines de Montségurtel un émouchet au chant léger,déchirant,guilleret,àcôtédelapla-que, parfaitement en place jus-qu’aux dernières notes : c’estOrnetteColeman, l’undesmaîtresdelatroisièmerévolutionenmusi-que afro-américaine, embarquédans cette épopée cathare, nul nesaura jamais comment. Toujoursest-il que, surprenant et décalé en1976,legesteaquelquechosed’évi-dent, de terrible et d’harmonieux.Ou plutôt d’harmolodique.L’amourmusicien.p

FrancisMarmandeetVéroniqueMortaigne

DU ITFOSUR LES TRACES

DU 8 AU 30 MARS 2014

TURAK THÉÂTRE

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D’unimposantcoffretàdescompilationsthématiques

CommeBrassens,Nougarofait lesfraisd’unesurditéqui,fautedemieux,

s’accrocheauvertigedesmots

ClaudeNougaro,plusquechanteur,musicienDixansaprèssamort,desdisquescélèbrentleToulousainquis’estfrottéaujazz,auxrythmesbrésiliensetafricains

AUFORMATd’ungros livre, entirage limité, contenant 29CDetun livret pleinde témoignagesamicauxd’artistes (Higelin, Al Jar-reau,Michel Legrand, Lubat,Mau-riceVander…), le coffretAmoursorcier en imposeparmi les publi-cationsmusicales consacrées àClaudeNougaro (1929-2004),pour la célébr ationdesdixans desamort.

Il contient les albumsenregis-trés en studios et lors de concertsparClaudeNougaropour leslabels Philips, Barclay etMercuryentre1962 et 1985, puis de 1991 à1999. Ainsi que lepremier albumde l’artiste pour le label Président,en 1959, des titres publiés sur desdisques45-tours, des versions dif-férentesde certaines chansons,unequarantained’inédits, la pre-mière édition enCDdedeuxalbumsenregistrés enpublic…Une somme.

Ony retrouve lemeilleur deNougaro, enparticulier celui desannées1960 et 1970qui va fairechanter sesmots commeperson-ne au contact du jazz –avec le pia-nisteMauriceVander, de la petiteformationaubig band–, de lamusiquebrésilienne, de l’Afriquenoire (L’Amour sorcier, Locomoti-ve d’or). Durantunevingtained’années, chacunde ses albums

contient auminimumquatre oucinqperles.

Et des tubes, concurrentsdeceuxdes yé-yé, des airs entrésdans le répertoire, classiquesde lachansonauprèsde ceuxdeBarba-ra, Brel, Ferré, BrassensouGains-bourg: Le Cinéma,Unepetite fille,Le Jazz et la Java, Cécilema fille,ChansonpourMarilyn, Il y avaitune ville, Je suis sous…, Bidonville,A bout de souffle, Armstrong, Sing-Sing Song, Toulouse,Quatre bou-

les de cuir, Parismai, La pluie faitdes claquettes, Dansez surmoi, Ilede Ré, Tu verras,Mondisqued’été…

En 1986, Nougaron’a plus demaisondedisques. Barclay, quionze ansplus tôt avait remerciéLéo Ferré, a fait demêmeavecNougaro. Pas assez vendeur, pasdans l’époque. Le coffret passedirectementàune série d’enregis-trementsde 1991 à 1999. Ceux

pourMercury, de bonne facture,mêmesi par endroitson sent com-medes redites, des facilités.

Pour compléter cet ensemble,il faudra seprocurerdeux coffretsconçusparWarnerMusic, autremajordudisque. Lepremier,Made inUSA, contient le grandsuccès commercial deNougaro,Nougayork,paru en 1987, avecrythmique funk, arrangementsde claviers et production«moder-ne». Unpied denez à ceuxquil’avaientmisunpeu rapidementdans la case anciennegloire. De laCôte est, Nougaropart pour laCôteouest, avec l’albumPacifique(1989), plus faible, bienplusmar-quéparun sonà lamode.

L’autre coffret, In Paris, regrou-pe les derniers chants deNou-garo.Dont ceuxde l’albumpos-thume LaNotebleue, sonultimehommageau jazz. Dans lesdeuxthématiques, américaine etparisienne,des enregistrementspublics (ZénithdeParis, ThéâtredesChamps-Elysées) enCDetDVDsont auprogramme.

Pourqui trouverait tout celaunpeu tropmassif, UniversalMusic commercialisedeuxcompi-lations.Avec la première,Best of1962-2004 («lemeilleurde...»), col-laborationavecWarnerMusic,quedu connu. La seconde,Quand

le jazz est là,présente, en deuxCD,les adaptationsde standardsdujazz chantésparNougaro. L’idéalpédagogiqueaurait été d’inclureles thèmesoriginaux.

Sous l’intituléPorte-plume,Uni-versalMusic proposeunparcourschez les interprètesdeNougaro:de JeanConstantin avec lefameux Les Pantoufles à papa à-M- avec La pluie fait des claquet-tes, de PhilippeClay interprétantIl y avait une ville àDeeDeeBrid-gewaterpourDansez surmoi, deNicoleCroisille pourToulouseàArnodans Je suis sous…

Enfin, toujours chezUniversalMusic, le doubleDVD L’Enchan-teurprésente les passagesà la télé-visiondeNougaro (émissionsdevariétés, actualités, reportages). Ily impose aussi sa présence, sa joied’artiste. p

SylvainSiclier

Amour sorcier, 1 coffret de 29CDMer-cury Records/Universal Music ;Made InUSA, 1 coffret de 4CD et 2DVDWEA-Rhino/Warner Music ; In Paris, 1 coffretde 4CD et 1DVD Parlophone/WarnerMusic ; Best of 1962-2004, 2CDMercu-ry Records/Universal Music ;Quandle jazz est là, 1CD Universal Classics&Jazz ; Porte-plume, 2CD UniversalMusic ; L’Enchanteur, 2DVDMercury/Universal Music.

Ilobservait,ilcannibalisait,avecuneacuité

aujourd’huiabsentedelachansonfrançaise

En juin 1976. PATRICK ZACHMANN/MAGNUM

«Nougayork»,paruen1987,pieddenezàceuxquil’avaient

misunpeurapidementdanslacaseanciennegloire

12 0123Jeudi 6mars 2014

Page 13: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

130123Jeudi 6mars 2014 culture

«offroad» (2014), installation de Céleste Boursier-Mougenot. CEDRICK EYMENIER

LaRochelleCorrespondant

C ’est,depuisplusd’unedécen-nie, lesujetpolémiquepréfé-ré de l’opposition rochelai-

se.Lesdivisionsauseinde lamajo-rité, de plus en plus affirmées àl’approchedesélectionsmunicipa-les, lui ont chipé ce monopole.Mais leréaménagementduMuséemaritime de LaRochelle, l’un desderniers grands chantiers menépar le maire socialiste MaximeBono, qui cédera son siège aprèstrois mandats, continue de fairedes vagues.

Del’avisdetous, lepassémariti-me de la ville mérite pourtant unécrinquimettraitenvaleur la flot-te patrimoniale réunissant leManuel-Joël, dernier chalutier enbois rochelais, le remorqueurSaint-Gilles, ou encore le ketchlégendaire de BernardMoitessier,Joshua, autourdelagrandefrégatemétéorologique France 1, fleuronqui domine le bassin des Chalu-tiers, en face de l’Aquarium deLaRochelle.

Pour l’instant, le Muséemariti-me créé en 1988 se résume auxbateaux, sans espace à terre. L’an-ciennehalle àmarée construite en

1956, où les chalutiers venaientdans le temps décharger leurpêche,adoncétéchoisiepourabri-terunespacedeplusde10000m2.En 2003, la muséographie a étéconfiée à Emmanuel de Fontai-nieu, directeur du Centre interna-tional de la mer, au scénographePhilippeDélis et à l’architecte EricCordier.

Le fruit de leur réflexion avaitde l’allureetde l’ambition, tropaugoût de la droite locale, qui yvoyait «un projet pharaonique»,estimé à plus de 14millions d’eu-ros. La suite ne lui a pas donnétort : plombé par des difficultésfinancières,PhilippeDélis aquittélagalèreencoursderouteetlamai-rie a dû réduire la voilure, allantmême jusqu’à reprendre une par-tie de la halle à marée pour ycréer…des studiosde cinémaetdetélévision.

En 2010, l’architecte PatrickBouchain, avec Patrick Schnepp,directeurdumuséedepuissacréa-tion,reprendleprojet.Celui-cipré-voitdésormaisdenouveauxespa-ces à terre dans la halle àmarée etautour du slipway, la grande ram-pe qui servait à hisser les navires,classé aux Monuments histori-ques.Unsitequiaccueilleralecen-

tre d’interprétation chargé deraconterl’histoiremaritimeroche-laise.

Unnouveauchantierde9,5mil-lionsd’eurosestlancé,dontlespre-miers éléments ont pris forme enfévrier, telle que la Galerie despavillons, sept cabanes surmon-téesde grands spis colorés, que lesélus eux-mêmes comparent sou-vent à des «chips».

Pourautant, lahoulea reprisdeplusbelleauseinduconseilmuni-cipal, où l’opposition continue detireràboulets rougessur ceprojet,dont elle dénonce « le coût exorbi-tant» et la démesure, à l’image dusémaphore de 32 mètres qui sur-plombera l’ensemble.

En décembre2013, elle a trouvéun allié des plus inattendus, en lapersonne de Jean-François Foun-taine, qui brigue la succession de

M.Bono à lamairie. Exclu du Partisocialistepournepasavoirrespec-té le résultat des primaires dési-gnant Anne-Laure Jaumouilliécomme candidate officielle du PS,celui qui avait fait campagnecontre Ségolène Royal lors deslégislatives de 2012 a critiqué lesdépenses supplémentaires enga-géesdans ce projet.

Cequin’apasmanquéd’entraî-nerune ripostedumaire,MaximeBono, entre stupéfaction et rirejaune: «Vous voulez peut-être queje vous rafraîchisse la mémoire?»Une référence à la première ver-sion avortée du projet, dessinéepar Emmanuel de Fontainieu, unproche de Jean-François Fountai-neetqui figured’ailleurssursa lis-te. «Jamais il n’a ouvert la bouchesur le sujet. Il se réveille à troismoisdes élections», relève DominiqueMorvant, candidate de l’UMP auxmunicipales.

Maxime Bono, lui, veut croireque son successeur mènera lechantier à son terme, tel qu’il a étédéterminépar l’équipemunicipa-le. p

Frédéric Zabalza

Prochain article : la Fondation Cartier,à Paris

PETERPETER

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Art

D uvent, dumouvement; unsilence trouble ; de l’eau etsesclapotis…Ilsuffitdetrès

peu à Céleste Boursier-MougenotpourfairedesAbattoirsdeToulou-se un lieu d’enchantement. Onsavait le plasticien français, musi-cien dans l’âme, capable de toutesles alchimies: transformant l’ima-ge en son, le labeur enmusique, lehasard aussi. Il a déjà offert à desoiseaux mandarins des guitaresélectriques en guise de nichoirs,pour qu’ils créent des concertostimidement punks en griffant lescordes.

Il a aussi, c’estundeseshits, faitflotter des bols de porcelainedansl’eau de piscines gonflables : endivaguant, en se heurtant, ilscréentunemélodiecristalline,mil-le variations. Mais voilà desannées que l’on ne l’avait vu enexpositionpersonnelle, en dehorsde la Galerie Xippas, qui le repré-sente à Paris. A Toulouse, il confir-me comme jamais son talent.

Les cinqinstallations qu’il pré-sente (dont deux produites pourl’occasion) sont simples, en appa-rence. Comme un haïku peutl’être.C’est-à-direqu’ellesnaissentd’une infinie sophistication, pouraboutiràuneévidence.Enguisededessous chics, elles ont des logi-ciels créés surmesure, d’improba-bles instruments de mesure, desheures et des heures de composi-tion.Nousn’enrévéleronsquel’es-sentiel. C’est avant tout la magiequi doit opérer.

Elles se nichent au sous-sol, lerez-de-chaussée et l’étage étantconsacrésàunensembletrèsrichedemultiplesœuvresdeSigmarPol-ke, ainsi qu’aux récentes acquisi-tionsdumusée.Mais,avantdedes-cendre, il faut d’abord les appré-hender depuis le balcon, qui plon-ge vers les très hautes salles encontrebas. Apparaît alors la scèned’un concert abandonné. Poséesur l’escalier,dansunbassind’eau,une batterie d’argent rutile. Auloin, trois pianos à queue, un peuvieillots.

Toutcequ’ilyadeplusnormal?Sauf que, de temps en temps, ilpleut sur la batterie. Et que les pia-nos sur roulettes se meuvent,obéissant à une force aveugle. Ilsse heurtent à peine, glissent avecgrâce, évitent par miracle lesmurs. «J’ai voulu mettre en placecommeunécosystème,avecsesélé-ments perturbants, à commencer

par la présence humaine. Une cho-régraphiequiinviteà ladéambula-tion,etfaitémergerlesilence», ana-lyse celui qui a grandi avec le théâ-tre et beaucoup collaboré avec lemetteur en scènePascal Rambert.

Quel est le secret de ces objetsanimés?«Unegirouette etunané-momètre sont posés sur le toit dumusée et, en fonction de la force etde la direction du vent, ils influentsur les comportements des pia-nos.»Si la tempêteapproche, leurserrances se font plus nerveuses.«Ces pianos, on dirait des bêtes,reconnaît l’artiste. J’ai un rapporttrès animiste, parfois inquiet, auxobjets, à la question des fluides etdes flux.»

Impossibledeprédireoùleventpoussera ces colosses à cordes : lelogiciel complexe qui les guideobéit à toutes sortes de paramè-tresquirendentleurparcourscom-plètement aléatoire. Il a été créésurmesurepardesétudiants ingé-nieurs de Toulouse. Des camérasau plafond cartographient l’espa-ce, et l’ordinateur crée une choré-graphie en fonction du vent, desincidents du terrain, des visiteurs.«L’ordinateur fait croire aux pia-nos qu’ils sont dans un paysage,avec des reliefs particuliers à cha-cun : c’est le côté science-fictionqu’ont amené les ingénieurs. Ces

objets inanimés sont donc animés,maisavecuneconsciencede l’espa-ce qui est fausse.» Parfois, on nesait pourquoi, l’un des visiteursest désigné par les dieux: il attire-ra les pianos, quand d’autres lesrepoussent. Et soudain le magné-tisme cessera, sans qu’on sachepourquoi.

Quant à la batterie, que lui arri-ve-t-il ? Posé à quelques mètresd’elle, un drôle d’instrument livreson secret : c’est une roue cosmi-que, ou télescopeàparticules, prê-téparun laboratoired’astrophysi-ciens de Marseille. Il perçoit lesrayons cosmiques, ces très finesparticules émanant du soleil, quitraversent tout, suscitent les auro-res boréales et seraientpeut-être àl’origine de la vie sur terre. Pasmoins. A chaque fois qu’un de cesrayons frappe les Abattoirs, unepluie tombe du plafond et vientjouer sur la batterie. Manière de

«rendre tangible un phénomèneinvisible, de faire comprendre quecesrayonsnoustraversent». Cequiamuseaussi l’artiste, c’est«d’arro-ser cette batterie collector desannées 1960 : c’est comme si tumouillais une guitare Gibson, çarend fou les rockers»…

Tout comme les larsens qu’onperçoit dans la salle adjacente. Ilssont produits par un ballon-sondeblanc,munid’unmicro.Ausol,desventilateurs créent des vents per-turbants. Et trimballent la mini-montgolfièred’uncoinà l’autredela salle, où sont posés des haut-parleurs. Les rencontres provo-quent des larsens, retravaillés parl’artiste. Et parfoisperturbéspar lasonnerie d’un téléphone, posédans le hall : à chaque fois que lemotfantômeapparaîtdanslesaler-tesGoogle,ilretentit.«Unautopor-trait», commente pudiquementl’artiste. Le vent, lemouvement, lesilence et ses ruptures : ce dontsont aussi faits les spectres. p

Emmanuelle Lequeux

Perturbations, de Céleste Boursier-Mougenot. Les Abattoirs, 76, alléeCharles-de-Fitte, Toulouse. Tél. :05-62-48-58-00. Dumercrediau vendredi de 10 à 18heures, samediet dimanche de 11heures à 19heures.Entrée 3¤ à 7¤. Jusqu’au 4mai.

Rencontre

P our le rendez-vous, AlexisMichalik a proposé deuxadresses diamétralement

opposées : le café Jaurès, dans le19earrondissement de Paris, ou lemythique Café de Flore, dans lequartier de Saint-Germain-des-Prés. Le Flore, commeun clind’œilà l’ascension de cet artiste prolifi-que. On choisira le Jaurès, à deuxpas du conservatoire municipalqu’il a fréquenté.

Comédien, auteur, metteur enscène, scénariste,AlexisMichalik a«expérimentétouteslespistesartis-tiques depuis dix ans et, aujour-d’hui, tout arriveenmêmetemps»,résume-t-ilaveccalme.A31ans, cetautodidacte au physique de jeunepremiervoit lesportes s’ouvrir.Authéâtre, deux de ses pièces sontactuellement à l’affiche à Paris. Sapremièrecréation,LePorteurd’his-toire, un succès, joue les prolonga-tions au Studio des Champs-Ely-sées, tandis que son nouveau etenchanteur spectacle, Le Cercle desillusionnistes, est promis à un belavenir à La Pépinière Théâtre. Al’écran, il incarne un photographechasseur de scoops dans «KaboulKitchen»,lasériedeCanal+.Derriè-relacaméra,ilaréalisésonpremiercourt-métrage,Au sol, retenu dansla prochaine sélection de TalentsCannes.

«J’aibeaucoupd’envieset j’aimeêtreunélectron libre», fait valoir cejeune artiste. Alexis Michalik estun«démerdard»,dit-il.Etdétermi-né.Dès le lycée, il s’inscritàdescas-tingset trouveunagent.A 18ans, ildécroche son premier tournage etempoche 10000francs pour cinqjoursdetravail. Il quittealorssa facde maths. Puis il obtient le rôle-titre de Juliette et Roméo sous ladirection d’Irina Brook. Admis auConservatoire national supérieurd’art dramatique, il cède sa place:«Jen’avaispasenviedemerevendi-quer d’une école et puis on ne pou-vait pas travailler à l’extérieur pen-dant le cursus», justifie-t-il sansvanité.

Lui veut bosser. Il multiplie lesrôles dans des téléfilms et, grâce àson premier cachet de comédien,se paie son premier Festival offd’Avignonavecsa«bande»,lacom-pagnie Los Figaros. Il y présente LaMégère à peu près apprivoisée etR&J, du Shakespeare largement

revisité en spectacles déjantés. «Jecroyais uniquement à l’adaptationde classiques et ne pensais pas àl’écriture théâtrale contemporai-ne».Mais,un jour,BenjaminBelle-cour, avecqui il jouedans«KaboulKitchen», lui demande d’«écrirequelque chose» pour le lancementde son festival Mises en capsulesauCiné13Théâtre, àParis (18e).Ain-si naît en 2011 Le Porteur d’histoire,qui, d’Avignonà Paris, a conquis lepublic.

Selon Alexis Michalik, il y a«deux types d’auteurs : ceux quiontdes chosesàdire sureuxet ceuxquiécrivent sur le restedumonde».Parcequ’iln’a«aucuntrauma;jeu-nesse heureuse, parents aimants»,il se classe dans la seconde catégo-rie.LeCercledes illusionnistes s’ins-crit dans la droite ligne du Porteur

d’histoire : unepièce à tiroirsoù lessiècles et les récits s’entremêlent,oùlescomédiensinterprètentavecmaestriaplusieurs rôles. Cetteder-nière création emporte le specta-teur dansun tourbillonhistoriqueet romanesque qui fait rêver, rire,s’interrogersurleshasardsdelavieet les tours jouéspar ledestin.Onycroise Robert-Houdin et GeorgesMéliès, ces illusionnistes duXIXesiècle.

LapièceserajouéecetétédansleOff d’Avignon, cette «jungle répu-blicaine» qu’AlexisMichalik affec-tionne. «Ce sera mon dixième Off.Avignon,c’estuneécolede l’humili-té et ma madeleine de Proust. »Dans Le Cercle des illusionnistes,l’horloger narrateur évoque « lesaiguilles du temps. Certains pen-sent que la vie est un trait. Mais lavie est un cercle puisque nous tour-nons tous. La seule question est desavoir quand notre tour arrivera».Celuid’AlexisMichalikestarrivé. p

SandrineBlanchard

Le Cercle des illusionnistes, La Pépiniè-re Théâtre, 7, rue Louis-Le-Grand,Paris2e. Theatrelapepiniere.com.Le Porteur d’histoire, Studiodes Champs-Elysées, 15, av. Montaigne,Paris 8e.Comediedeschampselysees.com

AuxAbattoirs,unconcertdehaïkusAToulouse, labelle installationdeCélesteBoursier-Mougenotdonnevieetvoixauxobjets

Del’avisdetous,lepassédelavillemériteunécrin

quimettraitenvaleurl’ensembledelaflotte

patrimoniale

Untourbillonhistoriqueet

romanesquequifaitrêver,rire,s’interroger

AlexisMichalik,leconteurd’histoiresDanssapièce«LeCercledes illusionnistes»,le jeunetouche-à-toutmêle les récits

L’ordinateurcréeunechorégraphieenfonctionduvent,

desincidentsduterrain,desvisiteurs

LeMuséemaritimen’enfinitpasdeballotterLaRochelleLesbataillesculturellesdesmunicipales7/18Unprojetcontestéparplusieurscandidats

Page 14: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

VoyageLaprovinceautrichienne,quipossède lesplushautssommetsdesAlpesorientaleset lesplusgrandsglaciers,disposedesuffisammentd’atoutspourattirer lestouristesentoutesaison

LeTyrol,cœurhautperchédesAlpes

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YallerC’est peut-être le seul point noirdu voyage: la desserte est compli-quée. Plusieurs trajets sont possi-bles. Idéalement, la voiture restelemoyen de transport le plus pra-tique. Pour l’avion, l’aéroport leplusproche est celui d’Innsbruckà80km,mais il est, hélas,moinsbien desservi que ceux deMunich(280km) et Zurich (280km). Entrain via Zurich.Par tous lesmodes de transport,il faut compter environ 10heuresaudépart deParis pour rejoindreSölden.

Se logerASölden.DasCentral. Membrede la chaîne prestigieuseBestWellnessHotels Austria, cet hôtelde 121chambres est situé dansl’un des plus beaux endroits de lavallée de l’Oetz. Pour l’été, nuit enchambredouble à partir de

142euros par personne. Denom-breuses formules sont proposéespour les familles, notamment unhébergement gratuit pour lesenfants demoins de9ans. Il dis-posede quatre restaurants. L’ac-cèsauspa est gratuit pour les rési-dents. [email protected] etCentral-soelden.at

SedétendreA l’entrée de la vallée de l’Oetz,l’Area47 (parce que situé à 47˚de latitude) est un parcde loisirsaquatiques de 8hectares où l’onpeut faire aussi bien du canyo-ning que du rafting. On y trouveaussi, pour les plus audacieux, leplongeoir le plus haut d’Autriche(27,50mètres de haut).Area47.at.A Langenfeld. Tout aussi aquati-quemais plus calme que l’Area47, l’AquaDome. Des thermesavec piscines chauffées de plein

air et des bains à remous.Aqua-dome.at.

Se renseignerASölden, dans le centre-ville, à LaFreizeit Arena.Soelden.comOffice autrichien du tourisme.Austria.infoGuide: le Routard Autriche.Hachette Tourisme. Edition2013-2014, 480p., 14,20euros.

Sölden (Autriche)

I l y a vingt ans, seuls les Autri-chiens ou les fondus de ski – etpas seulement de fond ! –,

connaissaient la vallée de l’Oetz auTyrol.Mais ça, c’était avant…Avantqu’un couple de randonneurs alle-mands ne découvre, en 1991, celuiqui fut opportunément baptiséOetzi, parce que trouvé dans cetterégion. Oetzi, un chasseur quadra-génaire du néolithiquemort il y a5300ans. Il reposaitàplusde3200mètresd’altitude, à la frontière ita-lo-autrichienne. Conservé par laglace, il est l’une des plus vieillesmomies connues dans un état deconservationexceptionnel.

Depuis cette date et ce coup deprojecteur, cette vallée attire deplus en plus de visiteurs, été com-me hiver. Pourtant, la desserte n’yestpasfacile (enaviondeZurichouMunich), et lamaîtrisede la languede Goethe est souvent indispensa-ble.Mais qu’importe: le Tyrol vautle voyage! La montagne est omni-présente. Tout comme le sont leséglises, chapelles et crucifix quifontdecebastioncatholiquelapro-vince laplus touristiquedupays.

C’est ici, eneffet, que l’on trouveles plus hauts sommets des Alpesorientales, les plus grands glaciers,les villages les plus haut perchés.

Pour justifier de telles richesses etautant de superlatifs, les habitantsde la vallée aiment raconter unelégende selon laquelle, lors de lacréationdumondeetdeladistribu-tion des merveilles de la nature,leurs ancêtres avaient fait deuxfois laqueue…

L’une des stations les plusconnues de la vallée de l’Oetz estsanscontesteSölden.Parcequecel-le-ci est la plus étendue d’Autrichemais aussi parce qu’elle accueillerégulièrement des épreuves de laCoupedumondedeski.Etpourcau-se : le domaine skiable peut êtreune bonne alternative aux Alpesfrançaises. Avec près de 150 kmdepisteset35remontéesmécaniques,le sportif accompli comme l’ama-teur y trouveront leur bonheur.Bleues, rouges, noires, pistes pourskide fond, l’offre est complète.

Depuis 2009, un nouveau télé-siègedehuitplacesdessertleGiggi-joch, domaine plutôt réservé auxdébutants. Un net avantage: capa-ble d’acheminer 3700 skieurs àl’heure, il réduit le tempsd’attentepar rapport à l’ancien télésiège.

Söldenne compte pasmoins detrois sommets culminantàplusde3000 mètres d’altitude. Baptisésles Big3, ils sont tous accessiblespar des remontées mécaniques etoffrent des vues panoramiques à

couper le souffle: le Gaislachkogl(3058m),avecsonpanoramaàper-tedevue.

Le Tiefenbachkogl (3 250m),d’où l’on peut admirer le le Wilds-pitze (3776m) et la Schwarze Sch-neide (3340m), dont la plateformenaturelle offre un panorama à360˚ sur les Dolomites. Les plustéméraires pourront s’aventurersurlecircuitproposéparleBig3Ral-

lye,maismieuxvaut êtrebienpré-paré, les meilleurs skieurs et lessnowboardersavertismettentenvi-ronquatreheurespoureffectuerleparcours…

Pour faire une pause, durant letrajet, on peut s’arrêter à l’IceQ,nouveau restaurant d’altitude duGaislachkogl,pourlequell’architec-te n’a utilisé que des matériauxlocaux faisant la part belle au boisetdotéd’immensesbaies vitrées.

Lasaisontoucheraàsafindébutavril, avec le concert de clôture del’Electric Mountain Festival, quiaccueille cette année le DJ françaisMartinSolveig.

Pour ceux qui n’ont pas d’appé-tence particulière pour les sportsd’hiver, le Tyrol n’en reste pasmoins attirant en d’autres saisons.Larégionrecèlebiendestrésors, lesbeaux jours venus. A la sortie deSölden, à environ 5km, à Zwiesels-tein, la vallée se divise en deux :GurglerTaletVenterTal.Aelleseu-le, la Gurgler Tal vaut le détour. Neserait-ce que pour rejoindre le ver-sant sud du Tyrol, en direction deBolzano, en Italie, par la très belleroute du col de Timmelsjoch(2509m). Une voie que l’on peutégalementemprunterpour rejoin-dre le lac de Garde. Cette routepanoramique–privée–,ouvertedemaiàoctobre,estsoumiseàunpéa-ge (18eurospourunaller-retourenvoiture).

Le long de cette artère se trou-vent cinq bâtiments contempo-rains conçus par l’architecte Wer-ner Tscholl. Des édifices qui sontdes œuvres en soi : Walkway, Sch-muggler, Telescope, Garnets et lePassMuseum,oùest retracée laviedespionniersdecetteroutealpine.Ce petit musée, construit sur unpromontoire, offre un incroyableporte-à-faux.

Fidèle à sa tradition catholique,c’est au Tyrol que l’on trouve l’unedes plus belles abbayes cistercien-nes d’Autriche: Stams, près de Silz,àunequarantainedekilomètresdeSölden. Située sur le chemin tyro-lien de Saint-Jacques-de-Compos-telle,onnevoitqu’elledanslevilla-ge, avec ses deux imposants clo-chersbulbeux.

Fondée au XIIIesiècle par Elisa-bethdeBavièreenmémoiredesonfils,elleaétéreconstruiteàlafinduXVIIesièclepourêtre«baroquisée»auXVIIIe, commelepréciseleguidefrancophone. La grille des Roses,chef-d’œuvre de la ferronnerietyrolienne, devant la chapelle duSaint-Sang, est souvent mise enavant,mais levéritable trésor restel’Arbre de vie en bois sculpté quis’enracine à partir d’Adam et Eve.Semblant jaillir du maître autel,tels des fruits sur les branches,84saintsetprophètessedétachentsurundrapéà fondbleu. p

FrançoisBostnavaron

Musique

M anu Dibango a eu 80ansle 12décembre 2013.Maisil a décidé d’en différer la

célébration, afin de s’approprierson costume d’octogénaire et des’y sentir à l’aise. Le saxophonisteestunoctogénairejoyeux,évidem-ment. Très tendre aussi. Il a publiéen 2013 une autobiographie, Bala-de en saxo, dans les coulisses demavie (éd. L’Archipel), qui finit ainsi :«Je vaismereposerunpeu, car toutresteà faire.»

«Grand-père» (quatre petits-enfants) a repris du saxo à l’Olym-pia, mardi 4mars. Manu Dibangomesure le temps qui le sépare deson enfance en revenant à ses pre-miers émois musicaux, quand,enfant, il chantait dans la choraledu temple de Douala. En prélimi-naire,ilfaudradoncsuivreManuleCamerounais sur les pentes d’unprotestantisme presque anachro-nique–il invitelaChoraleEspéran-ce Dipita en première partie, puisen scène avec lui pour un thèmedédiéàsesparentsdisparus,SangoYesus Christus. Ce chœur d’hom-mes distribue des «alléluias», et,bien que fondé à Paris en 2002,nous gratifie d’un chant patrioti-que dédié à la jeunesse camerou-naise digne de l’euphorie desannées 1960, quand tout espoirétait permis pour l’Afrique indé-pendante.

Manu Dibango n’est pas unhomme révolté. C’est un marieur.Il a cherché à cerner un panafrica-nisme qui lui semblait vital pourl’Afrique, l’a trouvé en vivant enFrance, en partant aux Etats-Unis;il l’a regardé depuis le Congo, per-duen rentrant s’installer auCame-roun. Il n’a jamais été pauvre. Sonpère, fonctionnaire, l’avait envoyéfaire des études en France. Il s’estbien sûr enrichi, d’abord parcequ’il a écrit en 1972 un tube plané-taire, SoulMakossa, dont le refrain«Ma-mako, ma-ma-sa, mako-mako ssa» demeure l’objet desattentions artistiques – MichaelJackson l’avait copié sans autorisa-tion en 1983 pour Wanna Be Star-tin’ Something (dans Thriller), en

2007, Rihannameublait sonDon’tStop the Music de quelquesemprunts «makossa» (les deuxcasontétéconcluspardesarrange-ments financiers à l’amiable).

A l’Olympia, dès son entrée enscène,ManuDibangoimposel’effa-cement de la nostalgie au profitd’un univers de musiciens, avecsontoujoursexcellentSoulMakos-sa Gang, où les meilleurs (PaulSimon,Sting)sontallésparlepassérecruter pour leurs propresbesoins.

Hommede lamondialisationManu Dibango et son groupe

(basse, guitares, flûtes, saxopho-nes, claviers, batterie, percussions,deux choristes) donnent à l’Olym-pia une leçon de styles. Lui estl’homme de la mondialisation,l’un des créateurs de la worldmusic dans son versant disco desannées1970.Ausaxophone,ilorga-nise avec fluidité la traversée dumonde noir. Il joue comme à sesdébuts, très bal africain, dans l’or-chestre de Joseph Kabasélé, dit leGrandKallé, as de la rumba congo-laise, qui avait intégré Dibangodans sonorchestre, l’African Jazz, àl’aubedesindépendances.Puisilseglisse dans la biguine ou le reggae,citeCharlieParker, rendhommageà Sydney Bechet, Maurice Cheva-lier ou Henri Salvador. Le groupeest jazz, jazz-rock, puismamboà lacubaine, «guitar hero» échevelé,percussionnistesàlatimbale,salse-roduSpanishHarlem.En rupturesconstantes.

D’une voix grave, ferme, legéant africain – crâne lisse, lunet-tes noires, chemise brodée, souri-re éclatant – chante, presque auralenti. Les chocsmusicaux impo-séspar leGang, lavélocitédusaxo-phonisteDibango s’apaisent dansune heureuse superposition d’af-fects.Dehors,unetrentainedejeu-nes gens de la Chorale EspéranceDipita organisent une photo degroupe devant les néons rougesdel’Olympia,sallereinedumusic-hall parisien.p

VéroniqueMortaigne

Balade en saxo, 1CD EGT/Wagram

Les«Big3»,accessiblespardesremontéesmécaniques,

offrentdesvuespanoramiques

àcouperlesouffle

Carnetde route

ManuDibango,80ansdechocsmusicauxAl’Olympia, le saxophoniste camerounais afêtésonanniversaireavecune leçondestyles

100 km

RÉPUBL IQUETCHÈQUE

ALLEMAGNE

ITAL IE

SUISSE

SLOV.

Sölden

Munich

Zurich

Bolzano

La route panoramique du col duTimmelsjoch (2509m), que l’on peut emprunter pour rejoindre le lac deGarde, en Italie. CHRISTIAN ADAMS/GETTY IMAGES

14 0123Jeudi 6mars 2014

Page 15: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

150123Jeudi 6mars 2014 mode

AlessiaXoccato,architectetextileàl’italienne

L a mode est-elle soluble dansle quotidien? Il n’existe pasde réponse simpleouunique

à cette question. Une chose estsûre: cet art textile appliqué s’ex-primemieux quand il est en priseplusoumoinsdirecteaveclasocié-té. Sans cela, il est menacé d’as-phyxie et de stérilité. Et, à l’instardu cinéma, de la littérature ou dela peinture, la mode propose unreflet déformé du monde, uneinterprétation qui dépend de lasensibilité du créateur et de sontalent à communiquer.

A ce jeu, difficile de battre KarlLagerfeld.PourChanel, ilarecons-titué sous la verrière du GrandPalais un supermarché de13000m2 remplide100000vrais-faux produits inspirés par laculturede lamaison.Enseprome-nant dans les rayons, les specta-teurs découvrent des mouchoirsen papier «Les larmes de Gabriel-le» (le prénom de Coco Chanel),lesbouteillesde«TweedCola», lesboules de «cocotons», la tronçon-neuse à chaîne Chanel ou les«brossesàreluire»etpâtesen for-medelion,emblèmedelamaison.

Cette opération qui amis le feuau site Instagram n’est pas qu’unamusement pour réveiller unpublic blasé. A force de guetter sessaillies verbales, on oublie pres-que que le couturier est un hom-mecultivéquisuit l’actualitémon-diale dans plusieurs langues. «J’aieu cette idée au moment du der-nier défilé dans undécor de galeried’art, raconte-t-il. Je me suis dit :puisque l’art est devenu un grandsupermarché, autant aller directe-ment au supermarché.»

Avec sa fausse grande surface,Karl Lagerfeld questionne le rôlede la créationdans une époque oùtoutsevaut,oùlemanquedereculet d’éducation fait facilementprendre des vessies pour des créa-tions originales. Et si les manne-quins déambulent dans les

rayons, panier au bras, cen’est pasqu’il les considère comme desménagères ; au contraire KarlLagerfeld a son idée sur l’égalitédes sexes : «On parle de parité,maisunefemmenepeutpassesen-tir l’égalede l’hommesi elle tangueen talons-échasses. Il lui faut destalons plats, c’est pour cela que lesmannequins sont en baskets.»

Ces baskets de tweed (qui exis-tent aussi en version montantes)complètentunvestiairemoderne,drôle et séduisant au confort raffi-né. Des vestes et des robes à épau-les conques, à taille fine et soupleparée de zips à ouvrir pour libérerle corps, les grands manteaux ensoiematelasséeauximprimésnéo-

Bauhaus, les tweeds aux texturessavantes (des créations exclusivespour la maison) ou des pantalonsfaçon jogging en cachemire libè-rent l’allure avec légèreté ethumour. Chaque accessoire estunetrouvaille:sacboîted’œufsoupaquet de bonbons, manchette àcapsule de cannette, pochette ber-lingot, ou la nouvellemontre Pre-mière à bracelet chaîne triple toursontdes hits assurés.

L’atmosphèreestplusintimistechezValentinomaislesdeuxdesi-gners de lamaison, Pier Paolo Pic-ciolli et Maria Grazia Chiuri ontempruntédesréférencesàlasocié-té italienne. Après avoir beaucoupexploré l’histoire de l’art, ils sesont tournés vers des artistesromaines à penchants féministesdes années1960 et 1970: GiosettaFioroni,CarolRamaetCarlaAccar-di. Après l’ère Silvio Berlusconi,l’Italieabesoindeserappelerqu’el-leadéfendubrillammentla condi-tion féminine et peut retrouverces valeurs.

Le vestiaire de Valentino,luxueux et maîtrisé, n’exhibe pasles corps. Les grandes capes et lesjupes de cuir à motifs géométri-ques arrondis évoquent l’esthéti-quedesannées 1970tandisque lessilhouettes fluides à manches-capesoulesmarqueteriesdelosan-geset lesbroderiesdepapillonsenessaims renvoient à l’aristocratieromaine. Dans ce luxe cultivé

maisopulent, les féministespuris-tespourraientnepas se retrouver;mais sa grâce et son élégancemet-tent parfaitement la femme envaleur.

C’est vers le futur que se tourneIris van Herpen : la créatrice néer-landaise s’interroge, dans sa noted’intention, sur les dérives de lagénétique (on peut désormais fai-re commerce de gènes), les limitesentreprivéetpublic,etl’appropria-tion du corps. Alors que le droit àl’avortement est de nouveau aucœur du débat et que les réseauxsociaux font de la vie privée unspectacle, le thèmedecetteprésen-tationrésonnefortement.Lamodequi traduit ces concepts est la foisradicale et poétique.

Alors que des mannequinsvivants sont présentés « sousvide» comme des organismes ensuspension (un happening totale-mentsécurisé), lessilhouettesdelacollectionalternentune simplicitéétrange (des tailleurs pantalons etdesrobestailléesdansunesoieflui-de comme le mercure) et desconstructions high-tech, des robessculptures aux effets 3D façonbranchies, des broderies commedesécaillesrondesauxrefletschan-geants.Undébat sur labiologiequia de l’allure.

Avec son tempérament depunk, l’Anglais AlexanderMcQueen aimait aborder lessujets dérangeants comme la sur-

consommation (avec un défilé surun podium orné de vieux décorsbrûlés)oulaconditiondesfemmes(un show en l’honneur d’une sor-cière martyre, un autre baptisé«viol dans lesHighlands»).

Sarah Burton, qui l’a remplacéaprèssamort, adavantageuntem-pérament de conteuse. Les défilésde lamarque ont, en conséquence,un peu perdu en substance. Maispas en poésie. Sa collectiond’hiverdéfile dans un décor de lande au

parfum de terre et ses silhouettesontune beauté sauvage.

Les bustes étroitement corsetéscontrastentavecdes jupes trapèzeaux volumes extra-amples. Lesbroderiesanglaisesvirginalescroi-sentlesfourruresépaisses,lesmar-queteries de plumes, les veloursdévorés ou les cuirs vernis. Cettecréaturemi-princessemi-sorcièretraduitunepart de rêvequi comp-te aussi dans lamode.p

CarineBizet

ENCORE INCONNUEenFrance, lacréatriceAlessiaXoccatoprésen-tait son travail à Paris pour la pre-mière fois. Cette talentueuse Ita-liennede 31 ans a déjà fait parlerd’elle dans sonpays. En 2009, elleremportait le projet NewGenera-tion, destiné à encourager les sty-listes émergents en Italie, avecune collection inspirée des réalisa-tionsde l’architecte FrankGehryet de l’œuvre dupeintreUmbertoBoccioni.

En 2012, fraîchementdiplôméede l’école demodemilanaise

DomusAcademy, elle est finalistedu concoursVogueTalents. Sontravail sur les volumes traduitsonamourde la sculpture et del’architecture.

SobriétéAlessiaXoccato reconnaît

d’ailleurs l’influencemajeured’ar-tistes commeAnishKapoor surson travail.Mais reste fidèle à sesracines.«Tousmesmodèles sontréalisés en Italie. Outre la dimen-sionmilitante et le souci de propo-ser des pièces très qualitatives,

c’est aussi unemanière de réaffir-mermes origines.Mon esthétiqueest en réalité plus proche de lamodeparisienne.»

Adeptede la sobriété, elle sou-haite véhiculer l’image «d’unefemme intelligente qui n’a pasbesoindemiser sur unglamourostensible, de dévoiler son corps àoutrance, pour être séduisante».Sa ligne hiver joue sur les contras-tes: «J’aimixé de l’extralargeàdes éléments cintrés, proposantdes pièces très longues ou, aucontraire, très courtes… Jeme suis

aussi intéressée aux formesgéo-métriques, tout en gardant l’espritmasculin-fémininque je dévelop-pedepuismapremière collec-tion.»

La styliste a utiliséune largegammedematériaux – tweed,vinyle, cuir ou encore raphia, samatière fétiche. «J’aime sa textu-re, elle donnedu relief au vête-ment. Je l’associe généralementàunematière plus doucepour quela pièce ne soit pas trop rigide.»Un style à suivre. p

Aude Lasjaunias

Chanel. THIBAULT CAMUS/AFP

Iris vanHerpen. PATRICK KOVARIK/AFP

Valentino. MIGUEL MEDINA/AFP

DesdéfilésenrésonanceaveclasociétéLoind’êtredétachéede la«vraievie»des femmes, l’industriedustyles’en inspireetenrenvoieunrefletdéformé

PARIS PRÊT-À-PORTER | AUTOMNE-HIVER 2014-2015

Chaqueaccessoireestunetrouvaille:sacboîted’œufs

oupaquetdebonbons,

manchetteàcapsuledecannette…

Page 16: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

16 0123Jeudi 6mars 2014carnet

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Dès jeudi 6 mars,le volume n° 7

LA GRÈCE CLASSIQUE

Actuellement en kiosquele CD-livret n° 15

C’EST COMMENT QU’ON FREINE

Dès vendredi 7 mars,le volume n° 23 LA SOURCE

de Jean Auguste Dominique Ingres

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Le Muséedu

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ExpositionsVernissages

Communicationsdiverses

AU CARNET DU «MONDE»

Naissance

Margotest très heureuse de la naissancede son minuscule cousin,

Nathan,le 26 février 2014,

chezMarion CLAMENSet Thomas HUARD.

Décès

Giuliana et Tommaso Setariavec Charlotte et Nicola, Alice et Andrea

Ainsi que Dora Stiefelmeieret Mario Pieroni, Maria Thereza Alveset Jimmie Duhram, Marcoet Simona Bagnoli, Laurence Bossé,Chiara Parisi et Emmanuel de la Baume,Carolyn Christov-Bakargievet Cesare Pietroiusti, Lorenzo Benedettiet Katinka Bock, Pauline de Laboulaye,Chiara Fumai, Ida Gianelli,Alanna Heiss, Fabrice Hyber,Gloria Friedmann et Bertrand Lavier,Hans Ulrich Obrist, Suzanne Pagé,Maria et Michelangelo Pistoletto,Paola Pivi, Remo et Sally Salvadori,Grazia Toderi et Gilberto Zorio,

ont la tristesse de faire part du décès de

Carla ACCARDI,artiste majeure dont l’œuvre a marquéau fil des décennies, et jusqu’à son dernierjour, l’histoire de l’art contemporain,exemple lumineux pour les jeunesgénérations,

survenu à Rome, le 23 février 2014.

La cérémonie de commémoration a eulieu dans la Sala del Carroccio inCampidoglio, le vendredi 28 février.

Christophe, Bertrand, Mart ine,Geneviève,ses enfantset leurs conjoints,

Charlotte, Juliette, Grégoire, Clément,Jérôme Barré,

Paul, Thomas, Hélène Barré,Lucas Pépin,Samuel, Hanaé Taxis,

ses petits-enfantset leurs conjoints,

Ses arrière-petits-enfants,Claude Bordet,

son frère jumeauEt les familles Barré et Bordet,

ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Benoîte BARRé,née BORDET,

à Nancy, le 10 décembre 1923,chercheur, biologiste,

survenu à Dijon, le lundi 3 mars 2014.

La cérémonie religieuse sera célébréeen l’église Notre-Dame, à Dijon, samedi8 mars, à 10 heures.

L’inhumation aura lieu le même jour,à 12 h 30, au cimetière de Villeberny(Côte-d’Or), où repose son époux

François.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Famille Barré,40, rue de la Préfecture,21000 Dijon.

Sa familleEt sa belle-famille

ont la tristesse d’annoncer le passageà l’Orient Éternel, le 3 mars 2014, de

M. André BLAVY,ingénieur d’aviation en retraite,médaille de l’aéronautique,

membre pionnier des « Vieilles Racines »franc maçon du Grand Orient de France,

Vénérable d’honneur de la loge« Les Amis de la Tolérance »,

33e membre émérite du Suprême Conseil,Grand collège du REAA.

La levée de corps aura lieu levendredi 7 mars, à 9 heures, aufunérarium, 7, boulevard de Menilmontant,Paris 11e.

Son corps sera incinéré à 10 heures,au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.

Les cendres seront dispersées au jardindu souvenir, à 16 heures.

G G G mais Espérons.

Pierre, Michel et Gilles Blayau,ses fils,

Jeanne, Clarisse, Anne, Elsa, Vincent,Cécile et Antoine,ses petits-enfants,

Zoé et Romy,ses arrière-petites-filles

Et toute sa famille,

ont le chagrin de faire part du décès de

Renée BLAYAU,née COLLIN,

survenu le 2 mars 2014, à Rennes,à l’âge de quatre-vingt-six ans.

Ils rappellent à votre souvenir sonmari,

Noël BLAYAU,agrégé de l’Université,maître de conférences

d’histoire contemporaine à l’universitéde Haute-Bretagne,

décédé le 5 décembre 1971,à l’âge de quarante-six ans.

Les obsèques ont eu lieu ce mercredi5 mars, à 10 h 30, au cimetière de l’Est,place du Souvenir Français, à Rennes.

Ni fleurs ni condoléances.

Le conseil d’administration,La direction générale,L’ensemble du personnel

du Centre du logement des jeunestravailleurs, étudiants et stagiaires,ont la tristesse de faire part du décèsde leur président,

Yves DIETHELM,diplômé de l’Ecole supérieure de Paris,chevalier dans l’ordre national du Mérite,survenu le 1er mars 2014.

La cérémonie religieuse sera célébréeen l’église Saint-Jean-de-Montmartre,à Paris 18e, le vendredi 7 mars, à 10 h 30.

CLJT,20, rue d’Anjou,75008 Paris.

Isabelle et Robert Cimolino,Laurence et Jean-Bernard Quiot,Jacques-Olivier et Edith Douine,Béatrice et Jacques Prunis,ses petits-enfants

et arrière-petits-enfants,Catherine, Emmanuelle et Joseph Veil,

ont la tristesse de faire part du décès deMme Hélène DOUINE,

née VEIL,veuve de Albert DOUINE,agrégée de l’Université,professeur honorairede lettres classiques,

officierdans l’ordre des Palmes académiques,

survenu le 1er mars 2014,dans sa cent unième année.

L’inhumation a lieu ce mercredi 5 mars,à 16 heures, au cimetière du Montparnasse,Paris 14e.

Cet avis tient lieu de faire-part.13, rue des Magnolias,84300 Cavaillon.

M. Claude Farçat,son fils,

Sa famille,Ses proches,Ses amis,

ont la grande tristesse de faire partdu décès de

Henriette FARÇAT,née RENDER-HUBERT,inspecteur général honoraire

des affaires sociales,officier de la Légion d’honneur,

survenu le 2 mars 2014,dans sa quatre-vingt-seizième année.

La cérémonie religieuse sera célébréeen la collégiale de Poissy (Yvelines),le vendredi 7 mars, à 10 heures, suiviede l’inhumation dans le caveau familialdu cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e,où elle retrouvera son fils cadet,

Alaindécédé en 1973,et son époux,

le préfet FARÇAT,décédé en 1983.

Le présent avis tient lieu de faire-partet de remerciements.

[email protected]

François Gerin,son époux,

Agnès Trédé,Béatrice Trédé,Cécile Gerin,

ses filles,Alexis et Gaspard Samuylla,

son gendre et son petit-fils,Sa sœur, ses frères, sa belle-sœur,

son beau-frère,Ses neveux et niècesEt toute la famille,

ont la douleur de faire part du décès deMartine GERIN,

après une longue et courageuse luttecontre la maladie, le 1er mars 2014,dans sa soixante-neuvième année.

La cérémonie sera célébrée le jeudi6 mars, à 10 h 30, au temple du Marais,17, rue Saint-Antoine, Paris 4e, suiviede l’inhumation dans l’intimité.

Ni fleurs ni couronnes, des dons peuventêtre adressés à la Fondation ARCAD (Aideet recherche en cancérologie digestive),151, rue du Faubourg Saint-Antoine,75011 Paris.

Catherine,sa femme,

Claire, Marc, Chloé, Alice,ses enfants,

Lucas, Violette, Eliott, Octavio,ses petits-enfants,ont la grande tristesse de faire partdu décès de

Jacques INGUENAUD,designer,

fondateur d’Enfi Design,survenu à Paris, le 27 février 2014.

Un dernier hommage lui sera rendule jeudi 6 mars, à 10 h 15, en la coupoledu cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.

Laurent et Arlène Israël,Maurice et Martine Cukier,

ses enfants,Jérôme et Liora Pélisse,Dan et Amaëlle Israël,

ses petits-enfants,Rivka, Esther, Itaï, Matan, Eyal,

ses arrière-petits-enfants,Simone Weiller,

sa sœur,ont la grande tristesse de faire partdu décès de

Suzanne ISRAËL,née WEILLER,

survenu le 28 février 2014,dans sa centième année.

En rappelant la mémoire de son mari,Jean ISRAËL.

L’inhumation a eu lieu, le lundi 3 mars,à 15 h 30, au cimetière des Batignolles.

Ni fleurs ni couronnes.

Jean, Robert, Michel et Sylvie,Philip, Sylviane, Alessandra,ses enfants,

Alexandra et Allan, Anna et Didier,Elsa, Guillaume et Céline, Simon,François et Charlotte,ses petits-enfants,ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Denise LéVY,née SMAZA,

dans sa quatre-vingt-cinquième année.L’inhumation a eu lieu dans le caveau

de famille, le 28 février 2014, au cimetièredu Montparnasse, Paris 14e.

Pierre et Marc Nahum,ses enfantset leurs épouses, Virginie et Sandra,

Mathias, Lara, Shadé, Ilan,ses petits-enfants,ont la tristesse d’annoncer le décès de

Mme Claude MABILLE,fille de

Pierre MABILLEet

Hélène DETROYAT,survenu le 3 mars 2014, à Paris,à l’âge de quatre-vingt-six ans.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Christiane Menasseyre,son épouse,

Frédéric et Anne Menasseyre,Clara, Juliette, Hector,Anne-Sophie et Etienne

de la Vaissière,Leïla, Romain, Eloi,Laurence Menasseyre,

ses enfants et petits-enfantsAinsi que toute la famille,

ont l’immense tristesse d’annoncer ledécès de

Bernard MENASSEYRE,président de chambre honoraire

à la Cour des comptes,commandeur de la Légion d’honneur,officier dans l’ordre national du Mérite,

survenu le lundi 3 mars 2014,à son domicile.

La cérémonie d’adieu aura lieule vendredi 7 mars, à 10 h 30, en la salle dela Coupole du cimetière du Père-Lachaise,Paris 20e.

Elle sera suivie de l’inhumation aucimetière de Viarmes, dans le caveau defamille, à 16 heures.

Nos profonds remerciements auprofesseur Christophe Louvet et à sonéquipe de l’Institut mutualiste Montsouris,Paris 14e.

Aux f leurs , p ré fé rez , s i vousle souhaitez, un don à la recherche surle cancer.

10, rue de Maubeuge,75009 Paris.

Rémy et Maryvonne Piel,ses parents,

M. Laurent Piel,Mme Françoise Piel

et M. Vincent Lechevrel,son frère et sa sœur,

Mme Isabelle Brault-Duplenne,sa tante

Ainsi que toute la famille,Andréa Fuchs,Elsa Marmursztejn,

ont la douleur de faire part du décès de

M. Christophe PIEL,survenu à Paris, le 28 février 2014,à l’âge de quarante-trois ans.

Un hommage lui sera rendu le jeudi6 mars, à 14 h 30, au crématorium ducimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.

Ni fleurs ni couronnes, mais des donsau profit de la recherche médicale.

Remerciements à tous les soignants,tous les amis qui l ’on t s i b ienaccompagné.

Maryse Delarue-Rivoire,son épouse,

David et Thomas Rivoireet Philippe Delarue,ses fils,

ont la profonde tristesse de faire partdu décès de

M. Christian RIVOIRE,survenu le 1ermars 2014.

Il a été inhumé ce mercredi 5 mars,dans le caveau familial de Lambesc(Bouches-du-Rhône).

42, rue Henri Tomasi,13009 Marseille.

Commémoration

Commémoration de la déportationdes Juifs de France par l’association« Les Fils et Filles de Déportés Juifs deFrance », avec le soutien de la Fondationpour la Mémoire de la Shoah.

Cérémonie à la mémoire des déportésdu convoi n°69 parti, il y a 70 ans,du camp de Drancy pour le campd’extermination d’Auschwitz-Birkenau,avec à son bord 1501 personnes dont175 enfants.

Vendredi 7 mars 2014, à 12 heures.

Lecture des noms des déportés duconvoi n°69.

Mémorial de la Shoah,17, rue Geoffroy-l’Asnier,Paris 4e.

Renseignements : FFDJF.Tél. : 01 45 61 18 78.Email : [email protected]

Conférences

Le procès d’Olympe de Gougesdevant le tribunal révolutionnaire

M. Olivier Blanc,historien,

« Olympe de Gouges,des droits de la femme à la guillotine »,

Éditions Tallandier, 2014.Introduction,

Yves Laurin, avocat au barreau de Paris.

Jeudi 6 mars 2014, à 18 heures,1re chambre

du Tribunal de grande instance de Paris,(ancienne salle

du tribunal révolutionnaire),Palais de justice,

4, boulevard du Palais, Paris 1er.Inscription : [email protected]

Communication diverse

Rencontre au Mémorial de la Shoahde Drancy,

le dimanche 9 mars 2014, à 15 heures,hommage àMax Jacob,

lecture par Roland Bertin, comédien,sociétaire honoraire

de la Comédie Francaise,suivie d’une projection

de « Monsieur Max » de Gabriel Aghion.

Mémorial de la Shoah, Drancy,110-112, avenue Jean-Jaurès,

93700 Drancy.Entrée libre sur réservation

au 01 53 01 17 42.Navette possible depuis

le Mémorial de la Shoah à Paris.www.memorialdelashoah.org

Les Amphis de l’AJEF,Quelles frontières

pour l’Union européenne ?Le jeudi 6 mars 2014, à 20 heures,

conférence de Pascal Lamy,ancien directeur de l’OMC.

Lycée Louis-le-Grand,123, rue Saint-Jacques, Paris 5e.

Informations : [email protected]

Page 17: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqui, 75707Paris Cedex13 Tél. : 01-57-28-20-00Abonnements par téléphone: deFrance32-89 (0,34¤TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;par courrier électronique: [email protected] 1 an : Francemétropolitaine : 399¤Courrierdes lecteurs: blog:http://mediateur.blog.lemonde.fr/;Parcourrierélectronique:[email protected]édiateur:[email protected]: site d’information:www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi :www.talents.fr/ Immobilier:http://immo.lemonde.frDocumentation: http ://archives.lemonde.frCollection: LeMonde surCD-ROM :CEDROM-SNI01-44-82-66-40LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60

L eprincipeduconcoursdebeautépourmaisonsn’estpasune inventiondeFran-

ce2, commepourrait le laisseraccroire le succèsde«LamaisonpréféréedesFrançais 2014»,dontj’avais raté – jene sais àvraidiretroppourquoi– lesdiffusionsdesépisodespassés jusqu’à la finaledumardi4mars enpremièrepar-tiede soirée: Stylia ouMaison+,filiales«art devivre»et«déco»deTF1etCanal+,proposent régulière-mentdes sériesnord-américainesdévoluesaux«dixplusbellesmai-sonsdeplage», «dixplusbeauxchalets», etc. A ladifférenceprèsque l’émissionfrançaiseestouver-te auvotedes téléspectateurs.

Lemenude«Lamaisonpréfé-réedes Français 2014», qui sentàpleinnez lapoutreapparente,l’horloge franc-comtoiseet latomettede terre cuite,proposedepartir«à ladécouvertedevingt-deuxmaisons traditionnellesdenos régionsdeFrancemétropolitai-ne»etdepartager«les secretsderénovationet les astucesdedécora-tionde leurspropriétaires». (Maisd’ailleurs,pourquoiseulement laFrancemétropolitaineet sesvingt-deuxrégions? Lepatrimoineimmobilierdes territoiresd’outre-merneserait-il faitquedebico-quesdélabréeset immontrables?)

Parmi lesmaisonssélection-nées, chacun trouverason fantas-meimmobilier: cabanegéantedans lespins,maisondepêcheur,fermeprovençaleoualsacienne,ancienneécole communale,dat-chapicarde, etc.

N’ayantpas lemoindresensdubricolage, je suis évidemmentfasci-néparceuxquiparviennentà reta-perunevieille ruinede leurspro-presmains, à transformerune

cuveàmazoutenbaignoirehightech, à faired’unevieilleportedecabinetsune têtede lit façonRobertRauschenbergoude flot-teursdecasiersbretonsune sculp-tureà laCalder.

Mais l’obsessionde cesproprié-taires sembleêtredepomponnerleurbiencommele font lesmaî-tresavec leurs toutousdecompéti-tion.De sortequ’onasouvent l’im-pressionquecesmaisonsbichon-néessont surtoutconçuespourépater lesvoisins et lesobjectifsdes reportagespourmagazines(papierou télé)dedécoration.

Et j’avoueque lesbois flottésafricainssur la cheminéecoffréedechênedécapé, les chaisesd’ArneJacobsenassociéesàune tabledeformicacustomisée, leplaiddecachemirecannelle tombantsur ledossierd’uncanapébeigeou lemobilier industriel à la rouilleartis-tement«fixée» finissentparm’en-nuyerautantque le style LouisXVdes salonsbourgeois.

Aussi, les intermèdesquiprésen-taient lamaison futuristedePierreCardin (aveccesbubonsàhublotsprotubérants)et lavilladeSantoSospir (auxmurs tatouéspar lessoinspeinturlurantsde JeanCoc-teau)offraient-ellesunesoupaped’audaceet presquede«mauvaisgoût» rafraîchissantdans cepano-ramaauchic si tristementprévisi-ble.p

C’EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

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RigaRomeSofiaStockholmTallinTiranaVarsovieVienneVilniusZagrebDans le mondeAlgerAmmanBangkokBeyrouthBrasiliaBuenos AiresDakarDjakartaDubaiHongkongJérusalemKinshasaLe CaireMexicoMontréalNairobi

New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

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30 à 35° > 35°25 à 30°20 à 25°15 à 20°10 à 15°5 à 10°0 à 5°-5 à 0°-10 à -5°< -10°

Amiens

Metz

Strasbourg

Orléans

Caen

Cherbourg

Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

Montpellier

Perpignan

Marseille

Ajaccio

Nice

Clermont-Ferrand

Lyon

Chamonix

Bordeaux

Biarritz

Limoges

Besançon

Rouen

PARIS

Châlons-en-champagne

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bienensoleilléaverseséparses

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bienensoleillécielcouvertnuageuxenpartieensoleillébienensoleillécielcouvertaverseséparsesbienensoleilléassezensoleilléassezensoleillébeautempsbeautempscielcouvertbienensoleillécielcouvertassezensoleilléaversesdeneige

averseséparsesbeautempsbeautempsbienensoleillépluiesorageusesassezensoleillébeautempspluiesorageusesbeautempsenpartieensoleillébeautempssoleil,oragepossiblebeautempsbeautempsbeautempssoleil,oragepossible

beautempsassezensoleillébeautempscouvertetorageuxbienensoleillésoleil,oragepossible

bienensoleillé4-4bienensoleillé

averseséparsesbienensoleilléassezensoleilléassezensoleilléenpartieensoleillébienensoleillé 1715

enpartieensoleillébienensoleilléassezensoleilléassezensoleillébienensoleillésoleil,oragepossible

Vendredi

Jeudi 6mars06.03.2014

25 km/h

25 km/h

25 km/h

25 km/h

60 km/h

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Québec L’hiver battra encore son plein avec -21 degrés à Montréal

En Europe12h TU

L'anticyclone s'installera pour le bon.Il apportera un temps très ensoleilléen toutes régions. Quelques brumesou brouillardsmatinaux sévirontparfois du sud-ouest au nord-est,mais ils se dissiperont rapidement.Un léger voile nuageux circulera parailleurs vers le littoral de laManche.Douceur après quelques geléesblanches à l'aube.

Sainte ColetteCoeff. demarée 80/72

LeverCoucher

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Soleil et douceur

Aujourd’hui

Horizontalement Verticalement

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Solution du n° 14 - 054HorizontalementI. Fréquentable. II. Laminoir.Eux. III. Eva. Innocent. IV.Marle.Ipé. Dé.V.Muge. Avé. Kir.VI. Adénome. Fi.VII. Ré. Gué.Pétai.VIII.Duplessis. Nn.IX. Esses. Testée.X. Réintroduite.

Verticalement1. Flemmarder. 2. Ravaudeuse.3. Emarge. Psi. 4.Qi. Lenglen.5.Unie. Ouest. 6. Eon. Ames.7.Ninive. STO. 8. Trope. Pied.9. Ce. Fessu. 10. Bée. Kit. Ti.11. Lundi. Anet. 12. Exterminée.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. Toujours pertinents. 2. Pourraêtre contemplé et étudié. 3. EnSerbie. Prises dans l’apéro. Enréduction. 4. Convient très bien.Dame dumonde. 5. Couvre unegrande partie du globe. Roi desdieux sur le Nil. 6. Rendirent unpeu gai. 7. Evacuer les déchets.8. Essaies de réduire. Ne doit pasvenir àmanquer. 9. Bien piégée.Canton enHelvétie. 10.Ouverturede gamme. Grises, roses etmêmeroyales. 11.Du cochon dans lesmains des orfèvres. Est en tête.12. Facilitent les rapprochements.

I. Prête à raconter n’importe quoi.II. Souvent abrégé et dans lemême ouvrage. Souffle du sud.III. Prépare la salade. Petit à unbout. IV. Vient d’arriver. Viventen compagnie. Pli sur le tapis.V. Passée. Un peu trop salé.VI. Joliment arrondie. Belgeréaliste et visionnaire.VII. Capentre Valence est Alicante.Petit espace de culture. On doitpouvoir compter dessus.VIII. La deuxième est la plusconnue. De beaux et précieuxbéryls. IX.Gouverne dansles airs. Avait essayé de séduireCharlemagne.X. Fixés sur place.

Mercredi5marsTF1

20.50 Football.Match amical 2014. France - Pays-Bas.23.00 Les Experts.Série. Ennemis pour la vieU. Jouer au chatet à la sourisV. On n’oublie jamais sa premièrefoisU. Là où tout a commencéV (S11, ép. 15,20, 21 et 22/22). Avec George Eads (195min).

FRANCE2

20.45 3 Femmes en colère.Téléfilm. Christian Faure. Avec Marina Vlady,Florence Pernel, Bruno Todeschini (Fr., 2012).22.25 La Parenthèse inattendue.Invités : Jean-Christophe Rufin, Louis Chedid.0.40Grand Public. Magazine (45min).

FRANCE3

20.45Au cœur du Vatican.Documentaire. Stéphane Ghez (2014).22.35Météo, Soir 3.23.40 Les Chansons d’abord.Spécial Dalida. Divertissement.0.30Couleurs outremers (25min).

CANAL+

20.55Love Is All You Needpp

Film Susanne Bier. Avec Pierce Brosnan,Kim Bodnia, Trine Dyrholm (coprod., 2012).22.45Des gens qui s’embrassentFilm Danièle Thompson. Avec Eric Elmosnino,Monica Bellucci, Lou de Laâge (France, 2013).0.25 Braquo. Série (S3, 7-8/8, 115min)V.

FRANCE5

20.35 La Maison France 5. Magazine.21.40 Silence, ça pousse ! Magazine.22.35 C dans l’air. Magazine.23.45 Entrée libre. Magazine (20min).

ARTE

20.50Hommage à Alain Resnais :Mon oncle d’Amériquepp

Film Alain Resnais. Avec Gérard Depardieu,Nicole Garcia, Roger Pierre (France, 1980).22.55Méloppp

Film Alain Resnais. Avec Sabine Azéma, FannyArdant, Pierre Arditi, André Dussollier (Fr., 1986).0.20Camp 14, dans l’enfernord-coréen. Documentaire (110min).

M6

20.50 La Méthode Claire.En pères et contre tout. Téléfilm. Vincent Monnet.Avec Michèle Laroque (Fr., 2013, audiovision).22.40 La Méthode Claire.Téléfilm. Vincent Monnet. Avec Michèle Laroque,Christelle Chollet (Fr., 2012, audio., 90min).

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“Connaître les religionspour comprendre le monde”

Motscroisés n˚14-055 Sudokun˚14-055 Solutiondun˚14-054Jeudi6marsTF1

20.55 Section de recherches.Série. L’Emmerdeuse. Barbe-BleueU(S8, ép. 3 et 4/12, inédit) ; Partie de campagne(saison 7, 13/16)U. Avec Xavier Deluc.23.45 24 heures aux urgences.Documentaire (235min)U.

FRANCE2

20.45 Envoyé spécial.Au sommaire : Les Marchands de sommeil ;Impression 3D, la vie en relief ; etc.22.20 Complément d’enquête.Oradour, spoliations : quand les enquêtentcontinuent. Magazine. Invité : George Clooney.23.30Alcaline lemag. Avec Alex Beaupain.0.25 Au clair de la Lune.Jordi Savall, le concert des nations. Œuvresde Rameau. Par le Concert des nations (100min).

FRANCE3

20.45 Le BouletFilm Alain Berbérian et Frédéric Forestier.Avec Gérard Lanvin (Fr. - GB, 2002, audio.).22.35Météo, Soir 3.23.35 Ensemble, c’estmieux (120min).

CANAL+

20.55Homeland.Série. Opération Téhéran. Héros malgré lui(S3, 11 et 12/12, inédit)V. Avec Claire Danes.22.45Workingirls. Série (S3, 7-9/12, inédit).23.25MadMen. Série (S6, 10/13, inédit)U.0.10 Zero Dark Thirtypp

Film Kathryn Bigelow (EU, 2012, 155min)V.

FRANCE5

20.35 La Grande Librairie.Spécial romancières. Invitées : Nina Bouraoui,Murielle Magellan, Emmanuelle Richard...21.40 Duels. Mandela - De Klerk (audio.).22.35 C dans l’air. Magazine.23.45 Entrée libre. Magazine (20min).

ARTE

20.50De grandes espérances.Série [1 à 3/3]. Avec Oscar Kennedy (inédit).23.30 Rani. Série (saison 1, 7 et 8/8).1.20 Capitaine Conanpp

Film Bertrand Tavernier. Avec Philippe Torreton,Samuel Le Bihan (France, 1996, 125min).

M6

20.50 Bones.Série. Culpabilité (saison 9, ép. 9, inédit) ;Au service de sa majesté [1 et 2/2] (saison 4,épisodes 1 et 2/26). La vérité n’a pas de prix.Faux frère (S1, 1 et 2/22) (250min)U.

Lesjeux

Résultats du tirage dumardi 4mars.3, 5, 22, 27, 44, 1e et 6e

Rapports : 5numéros ete e : pas de gagnant ;5 numéros ete : 1 000384,00 ¤; 5 numéros : 41 682,60¤ ;4numéros ete e : 4 763 ,70¤ ; 4numéros ete : 197,10¤ ;4numéros : 79,00¤ ;3 numéros ete e : 57,90¤ ; 3 numéros ete : 13,50¤ ;3 numéros : 9,70¤ ;2numéros ete e : 18,60¤ ; 2numéros ete : 7,50¤;2 numéros : 3,40¤ ; 1 numéro ete e : 10,30¤.

Onasouventl’impressionquecesmaisonsbichonnéessontsurtoutconçuespourépater lesvoisins

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritairedes publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN0395-2037

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Imprimerie du « Monde »12, rue Maurice-Gunsbourg,

94852 Ivry cedex

Toulouse(Occitane Imprimerie)

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Président : Louis DreyfusDirectrice générale :Corinne Mrejen

170123Jeudi 6mars 2014

Page 18: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

Il ne faut avoir aucun regret pour lepassé,aucunremordpour leprésentet une confiance inébranlable pourl’avenir», disait Jean Jaurès, dontnouscélébronscetteannéelecente-nairedel’assassinat. Ilyalàdesbali-

ses qui jalonnentmonparcoursde vie.Le 1eroctobre 2011, la victoire de la gau-

che au Sénat a représenté un bouleverse-ment historique attendu depuis près decinquanteans; elleaégalementcontribuéà légitimer le bicamérisme en démon-trant que l’alternance était possible.

A la fin dumois de septembre, aurontlieu de nouvelles élections pour lamoitiédes sièges à pourvoir. Pour ce qui meconcerne, je ne serai pas candidat pourexercer, pendant six ans supplémentai-res, unnouveaumandat.

Dès les premiers jours qui ont suivimon élection à la présidence j’en ai infor-méFrançoisHollande, alors qu’il était lui-même candidat à la candidature pour laprésidence de la République. Lui et luiseul, carc’était laconditionpoureffectuer

cetteextraordinairemissionen touteplé-nitude.

C’est d’abord un choix personnel trèsancien. J’ai étéélusénateur ily aseizeans;j’y ai exercé diverses responsabilitésavant de devenir, grâce à la confiance demes camarades, président du groupesocialiste.Pendant sept ans, avec l’ensem-bledelagaucheetdesécologistes,rassem-blés,nousavonstravaillé,nousavonspré-paré minutieusement le changementdans cette assemblée qui, depuis si long-temps, ne l’avait pas connu.

J’ai été le candidat qui allait porter l’al-ternance. Premier président socialiste duSénat depuis le début de la VeRépublique,j’airessenticelacommeunimmensehon-neur, ce fut la responsabilité la plus pas-sionnante de toutes celles que j’ai eu àexercer. Cette décision, qui vient de loin,c’est un engagement souvent affirmé,vis-à-vis de moi-même, vis-à-vis de monentourage, un engagement auquel je nesouhaitepasme soustraire.

Avec les nouvelles dispositions sur lavie politique, je suis convaincu que nousentrons dans une nouvelle ère. Je suisconvaincu que pour redonner confiancedans la parole politique on ne peut pass’enteniràproclamerdesprincipes, il fautêtre capable de se les appliquer… et,

d’abord, ne pas se considérer commepro-priétaire denosmandats.

Je neprétends surtout pas à l’exempla-rité ; j’ai la chance deme trouver en situa-tion de pouvoir le faire sans mettre enpéril lespositionsdelagaucheetdessocia-listes ni dansmon département, l’Ariège,ni, demain, pour la majorité sénatoriale.Rien ne m’oblige et, pour répondre paravance à certains commentaires orientésou ignorants, en particulier pas la craintedes échéances à venir.

J’ai été presque le seul à annoncer, en2011, lebasculementàgaucheduSénat; jedis, aujourd’hui, pour l’avoir bien étudié,qu’il restera à gauche en 2014. Je suis fierde ce que cette nouvelle majorité a puaccomplir depuis deuxans et demi.

J’ai aimé le Sénat; je continue à l’aimerpour ce qu’il apporte à la démocratie, à la

qualité du travail législatif. L’heure n’estpas encore, en cemoment, au bilan;maisqu’onnes’y trompepas,nousaurons l’oc-casiondanslesmoisquiviennentdemon-trer le cheminparcouru.

La première année, exaltante, fut celleoùnotre actiona contribuéà la reconquê-te ; puis, depuis juin2012, l’absence demajorité gouvernementale a rendu plusincertainetmoinscohérentlepositionne-mentpolitiqueduSénat,victimed’unrap-port de forcepolitiquevolatile.

Certes, j’ai été confronté à nombre deconservatismes,maisj’aiexercécettehau-teresponsabilitéavecbeaucoupd’enthou-siasme enme gardant de toute tentationnarcissiqueou concessionsmédiatiques.

Voilà maintenant trente et un ans, jedevenaismaire d’une communedehautemontagneenAriège,puismairedeLavela-net, une ville ouvrière textile. J’ai étéconseiller régional, conseiller général ; jeme suis investi sans compter au Partisocialiste,exerçanttouteslesresponsabili-tés, de secrétaire de section jusqu’à cellededirigeantnationalauxfédérations,auxélections… J’ai accompagné à ces postes,Lionel Jospin, Henri Emmanuelli, Fran-çoisHollande…

C’est un long chemin. Je ne serai candi-dat à aucune autre fonction élective. Je

demandeàchacundecroireenmasincéri-té,àmesamis,àmesamispolitiques,maiségalementauxautresvis-à-visdesquels jemesuisefforcédetoujoursmecomporteravec respect et loyauté.

Je ne suis ni déçu ni blasé… bien aucontraire. Nous avons toujours mille rai-sons d’attendre et de ne pas entendre ;mais leprixdurenoncementestpluscherà payer que le prixdu courage.

Comme d’autres, comme BertrandDelanoë, je décide simplement moi-même,en toute lucidité, toutesérénitédumoment, dem’arrêter. C’est le plus granddesprivilèges.Jesouhaiteàchacundepou-voirendisposeraumomentqui luicorres-pond. Je continuerai, avec la même pas-sion, jusqu’au dernier jour pleinementinvesti dans la fonction qui est lamiennetoutenm’impliquantdans la campagneàvenir. J’encourage tous ceux qui veulentdonnerdu sens à leur citoyennetéà servirlaRépublique, à s’engagerdans la viepoli-tique.

J’exprime ma profonde reconnaissan-ceàtousmescollègues,enparticulieràcel-les et ceux qui ont partagé mes valeurs,des valeurs qui restent fortes, qui noushonorent.Jelesappelleàcontinuercemer-veilleux combat pour lequel j’ai consacréunegrandepartie demavie.p

C’était il y a quelques annéesencore : l’Espagne était déjàdurement frappée par la réces-sion mondiale. L’austéritémenaçaitlesfondementsenco-re fragiles d’un Etat-providen-

ce,tantauniveaucentralquedanslescom-munautés autonomes. Pourtant, à biendes égards, la société espagnole démon-traitunematuritéenviable, contribuant,àtravers le mouvement des «indignés», àquestionner les origines de la crise finan-cière et l’injustice profonde de ses consé-quences.

Celles-ci, à commencer par ces 26% desans-emploi, n’ont pu, durant les premiè-res années de récession, déraciner l’atta-chement des citoyennes et des citoyensespagnolsaux libertéspubliques issuesdela transition, à une justice qui s’était jus-qu’alorsmontrée très soucieusede remet-treencause l’immunitédesbaronslocauxainsi qu’aux piliers d’un Etat-providenceparmi lesquelsunsystèmedesantéfaisaitpartiedesplusperformantsd’Europe.

Mieux, sans que les élites politiques, àcommencerparlePartipopulaireactuelle-ment au pouvoir, en aient eu conscience,ces politiques adoptées augré d’une ému-lation positive entre communautés auto-nomes et des impulsions données par lesgouvernementsdirigésparJoséLuisRodri-guez Zapatero, ont contribué plus d’unedécennie durant à forger l’image du paysaux yeux de ses partenaires. Celle d’unesociété soucieused’égalité, de justice et deprotectioncontretouteformedediscrimi-nation.

En matière de politiques d’égalité degenre, l’Espagnea, en l’espacedequelquesannées,rejointunclubauseinduquelsem-blaient ne devoir être admis que les paysscandinaves. L’Espagne avait fait le choixde bâtir «par le bas» des politiques publi-quesefficacespour s’attaquerau fléaudesviolences faites aux femmes, soulignant àjuste titre leur spécificité: celle de se fon-dersurunehiérarchieentre lesdeuxcom-

posantesde l’humanité,nourrie à forcedestéréotypeset d’injusticesde tousordres.

La France s’est, depuis, inspiréede cetteexpérience pour adopter à son tour uneapprocheintégréede l’égalitédes sexes, sesaisissant elle aussi des violences faitesaux femmesqui y font encore, en propor-tion, près de 50% de victimes de plusqu’en Espagne. On trouve en particulierl’empreinte des progrès enregistrés sousles gouvernements PSOE de 2004-2011dans l’approche adoptée par le gouverne-ment français, sous l’impulsionduminis-tère des droits des femmes.Une influenced’autant plus significative qu’elle prove-naitd’unpaysproche culturellement.

Saper la cohésion socialeAprès plus de cinq années de crise, le

consensus bâti à grand-peine autour desvaleurs démocratiques communes à l’en-semble des Espagnols est sur le point devolerenéclats.Lestensionssurlefrontéco-nomique et de l’emploi, d’une part, etautour de la forme de l’Etat, d’autre part,nesontpasseulesencause.Danssonobsti-nationàvouloirrevenirsur ledroità l’IVG,le Parti populaire, qui contrôle l’essentieldes leviers de l’Etat et des régions, remeten cause le fondement de toute politiquevisant à reconnaître l’égalité pleine etentière entre les sexes : la reconnaissancede l’autonomiepersonnelledes femmes.

Mené, cruel paradoxe, au nom de « lasanté sexuelle et reproductive des fem-mes», leprojetdeloiportéparlegouverne-mentprésenteuncontenuprofondémentliberticide qui excède de loin l’engage-mentdecampagned’unerévisionde la loisur l’IVG adoptée en 2010 – et par consé-quent, le mandat donné par son propreélectorat.Cefaisant,dansuncontextepluslarge de retour en arrière en matière delibertés publiques, il contribue à saper lacohésion sociale et menace de ramenerl’Espagne quatre décennies en arrièredans la promotionde l’égalité.

Au regard du rôle demodèle gagné parl’Espagne au cours de la décennie passée,ce recul majeur revêt une gravité et unesignification qui dépassent amplementles frontièresdupays, etmettent en causeson imageet le sensmêmede sa contribu-tion à l’édification de sociétés européen-nes plus justes, plus égalitaires et plusdémocratiques. Il nous alerte égalementsurlanécessitédeneriencéderenmatièred’égalité et de lutte contre les discrimina-tions fondées sur le genre.

A ce titre, il appartient à l’ensemble desgouvernements soucieux d’égalité et deprogrès,etauxacteursdel’égalitéenEuro-pe, quelle que soit leur orientation politi-que, de rappeler le gouvernement espa-gnolàsesdevoirsetses responsabilités,ensoulignant qu’en matière d’égalité et delibertés civiques, tout retour enarrière estuneatteinteauxvaleursdémocratiquesetau«vivre ensemble».p

décryptages

Jean-PierreBelPrésident (PS) du Sénat

IvarEkelandPrésident de l’Association universitaire pourle respect du droit international en Palestine

RonyBraumanMédecin, essayiste

GhislainPoissonnierMagistrat

Pourredonnerconfiancedanslaparolepolitique,onnepeutpass’enteniràproclamerdesprincipes,

ilfautêtrecapabledeselesappliquer

Sansregret, sansremords,pourquoi jeneseraipluscandidat

Entantqueconsommateurcitoyen, jen’achè-tepasdeproduits israéliens tantqu’Israëlnerespecterapasledroit international; j’appel-le aussi mes concitoyens à faire de mêmeafin de faire pression sur Israël pour qu’ildémantèle le mur de séparation et les colo-

nies.» Pour avoir tenu de tels propos dans la rue oudans des commerces, pour les avoir écrits dans desmagazinesousurInternet,prèsd’unecentainedeper-sonnes sont traduitesen Francedevant les tribunaux.Il s’agit demembresd’associationsqui soutiennent lacampagne «Boycott-désinvestissement-sanctions»(BDS). Ces personnes sont poursuivies par les procu-reursenvertud’untexteinterneauministèredelajus-tice adopté le 12février 2010, dite circulaire Alliot-Marie, gardedes sceauxde l’époque.

La circulaire ordonne aux parquets de poursuivrepénalement les personnes qui appellent au boycotta-gedesproduits israéliens. Elle affirme, sans ledémon-trer,que l’article24alinéa8de la loi de 1881 sur lapres-se permettrait de réprimer les appels lancés par descitoyens ou des associations au boycottage de pro-duits issusd’unEtatdont lapolitiqueest contestée.Cetexteinterprètela loidemanièreextensive,encontra-diction avec la règle de l’interprétation stricte des loispénales.

Eneffet, l’article24alinéa8dela loide1881nes’atta-chepas à interdire les appels auboycottage,maisuni-quement les provocations «à la discrimination, à lahaineouà laviolenceà l’égardd’unepersonneoud’ungroupedepersonnesenraisondeleurorigineoudeleurappartenanceou de leur non-appartenanceàune eth-nie, unenation,une raceouune religiondéterminée».

LacirculaireAlliot-Marieaété critiquéepar lemon-de associatif au nom de la liberté d’expression. Maiségalement par de nombreux juristes, universitaires,avocats et magistrats, en raison de son contenu quiprocèdeàunusagedétournéde la loiprévuepour lut-tercontrelesproposracistesetantisémites.Desprocu-reurs ont même refusé de requérir oralement lacondamnation desmilitants de la campagne BDS, endépitdes instructionsécritesde leurhiérarchie.

La cour d’appel de Paris a prononcé en 2012 desrelaxes, considérant que les propos tenus relevaientde la critique pacifique de la politique d’un Etat. LaCour européennedes droits de l’homme, quant à elle,rappelle très régulièrementque les groupesmilitantsbénéficient sur des sujets politiques d’une protectionrenforcée de leur liberté d’expression. ChristianeTaubira a même déclaré publiquement à plusieursreprises que cette circulaire contenait une interpréta-tion de la loi qui pouvait être considérée comme«injuste»ou«abusive».

L’ensemble de ces éléments et le changement demajoritépolitiquepermettaientdepenserquelaprisede conscience du caractère absurde de cette situation

allait se traduire en acte. Or, la circulaire Alliot-Mariede2010esttoujoursenvigueuret lespoursuitespéna-les contre des militants de la campagne BDS conti-nuent.Ce faisant, la France se singularise enEuropeetdanslemonde:elleestleseulEtat,avecIsraël,àenvisa-ger la pénalisation d’une campagne pacifique etcitoyenne, demandant le respect du droit internatio-nal. Campagne pacifique en ce sens que les actionsd’appel au boycottage organisées consistent en desmesuresincitatives,quise limitentà faireappel,par ladiffusiond’informations,àlaconsciencepolitiquedesconsommateurs. Aucune forme de contrainte n’estexercéeniàl’égarddesclientsetdesdistributeursfran-çais, ni à l’égarddes producteurs israéliens. En France,l’appel au boycottage, forme d’action politique nonviolente, s’inscrit dans le débat politique républicaindepuisdesdécennies.

MmeTaubiral’amêmequalifiéde«pratiquemilitan-te, reconnue, publique» et admet l’avoir encouragé enson temps contre les produits sud-africains, dans lecadre d’une campagne internationale que personnen’avait alors envisagéd’interdire.

Campagne citoyenne en ce sens qu’elle repose surune mobilisation des sociétés civiles. La campagneBDSaétéengagéeen2005àlademandede172associa-tionsetsyndicatspalestiniens.Elleappellelessociétésciviles dumonde entier à se mobiliser pour que leurgouvernementfassepression sur l’Etat d’Israël.

En France, de nombreuses associations ont rejointl’appel lancé en 2005. Les actions qu’elles conduisentdans le cadredecette campagnese situentaucœurdela liberté d’expression et d’information des citoyensfrançais sur un sujet international. Ces actions neconsistent pas à discriminer les citoyens israéliens:elles visent à boycotter les institutions et les produitsd’Israël envuede faire changerunepolitiqued’Etat.

Campagne pour le respect du droit internationalenfin,dans lamesureoùlebutrecherchéestd’obtenirle respect des résolutions des Nations unies et la findes politiques déclarées illégales par l’avis du 9juillet2004 de la Cour internationale de justice de LaHayeque sont la construction du mur de séparation et lacolonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Lamobilisationdes sociétés civiles est rendue indispen-sable,car laplupartdesEtatsn’ontrienfaitoupresquepour pousser Israël à se conformer à l’avis de la Cour,notamment en prenant des mesures de sanctionspourque lemuret les colonies soientdémantelés.

Rien n’est plus faux que de laisser entendre que lacampagne BDS puisse être raciste ou antisémite. Cetamalgamerelèvedelamêmerhétoriquequecellepar-fois utilisée dans les années1970 et 1980 contre lesmilitants anti-apartheid comparés à d’irresponsablesmarxistes-léninistes ou à des racistes anti-Blancs.Aucun des militants de la campagne BDS poursuivisdepuis 2010 en vertu de la circulaire évoquée ne l’ad’ailleurs été pour avoir tenu des propos ou commisdesactes racistes et antisémites. Il est tempsdeprocé-der à l’abrogationde la circulaireAlliot-Marie.p

Droitàl’IVG:l’Europedoitrappeler l’Espagneàlaraison

Aucundesmilitantsdelacampagne«Boycottdésinvestissementsanctions»

poursuivisdepuis2010nel’aétépouravoirtenudesproposoucommis

desactesracistesetantisémites

DanielleBousquetPrésidenteduHautConseil à l’égalité

entre les femmes et les hommes (HCEfh)

MaximeForestPrésident de la commission enjeux

internationauxet européens duHCEfh,enseignant-chercheurà Sciences Po

Paris

SoledadMurillodelaVega

Professeure de sociologie à l’universitéde Salamanque, secrétaire générale

auxpolitiques d’égalitédugouvernement Zapatero

Cessonsdepénaliser leboycottaged’IsraëlIl fautabroger la«circulaireAlliot-Marie»

18 0123Jeudi 6mars 2014

Page 19: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

analyses

ANALYSEparMirel BranBucarest, correspondance

Si l’histoire des peuples est ponctuéede moments de grâce, les Moldavesont eu le leur, le 27février, lorsque leParlement européen a voté à unegrandemajorité la libéralisationdesvisas. Les portes de l’espace Schen-

gen vont s’ouvrir pour les Moldaves, qui seconsidèrent Européens à part entière et rêventd’intégrer un jour l’Union. «La Moldavie aconsenti de sérieux efforts ces dernières annéesenmettant en place des réformes difficiles et unprocessusde renforcement institutionnel», sou-ligne le Parlement européen dans son commu-niqué.«C’estunebonnenouvelleetunpastangi-ble vers une association plus étroite et une inté-grationéconomiqueavec l’Unioneuropéenne»,a commentéCeciliaMalmström, la commissai-re européenne chargéedes affaires intérieures.

Souventréduiteà la SyldaviedeTintinqu’el-le aurait inspirée, laMoldavie sort de l’oubli etarrive sur le devant de la scène à la faveur de lacriseukrainienne. Les yeux rivés sur lesmachi-nations de la Russie en Ukraine, les Occiden-taux découvrent ce petit pays enclavé entre laRoumanieet l’Ukraine.GrandecommelaBelgi-

que, laMoldavie compte 4millionsd’habitantsdont deux tiers sont roumanophones et untiers russophones. Ancien territoire roumain,elle a été annexée par l’Union soviétique aprèsla seconde guerremondiale. Devenue Républi-quesoviétique, laMoldavieaobtenul’indépen-dance en 1991 à la suite de l’effondrement del’ancienneURSS.

Son problème : la Transnistrie, sa partieorientale, qui a fait sécession en 1990. Cettezone àmajorité russophone redoutait une réu-nification de la Moldavie et de la Roumanie,paysquis’étaitdébarrasséen1989deladictatu-recommunistedeNicolaeCeausescu.Avecl’ap-puideMoscou, laguerreavaitéclatésurcepetitbout de terre qui s’est déclaré indépendant en1992. Un scénario qui se répète aujourd’hui enCrimée. «On va d’abord agir, et on expliqueraaprès!» :c’estainsiqu’en1992legénéralAlexan-dre Lebed, chef de la XIVearmée soviétiquebasée en Transnistrie, résumait la vision queMoscouavaitdecepays fantômequ’aucunEtatne reconnaît. Malgré la promesse de la Russie,en 1999, de retirer ses troupes de Transnistrie,ellessonttoujoursprésentesetlapetiterépubli-queautoproclaméedemeureuneplaieauxpor-tes de l’Europe.

Malgrécesdifficultés, lesMoldavesont reçu,le 30novembre 2013, une énorme boufféed’oxygène lors du sommet européen de Vil-nius, l’UEleurayantouvertlavoiepourlasigna-tured’unaccordd’associationetdelibre-échan-

ge. Certes, ils ont payé le prix fort. Après plusd’une décennie de gouvernance communistequiavaitplongélepaysdanslemarasmeécono-mique, les jeunesMoldaves ont fait leur petiterévolutionenavril2009.A l’époque, ils avaientpris d’assaut les rues de la capitale, Chisinau, etremis en question les institutions de l’Etat. Ungouvernement de coalition proeuropéen avaitétémis en place. Son désir d’intégrer laMolda-vie à l’UE avait été accueilli avec frilosité enEurope occidentale, où la fatigue de l’élargisse-mentarefroidi lespolitiqueset l’opinionpubli-que.

Bruxellesmet les bouchées doublesAvec l’échecukrainien, leprojeteuropéende

laMoldaviea rebondi.Aprèsavoirété rejetéparl’Ukraine de Viktor Ianoukovitch, Bruxellesmet les bouchées doubles pour satisfaire lesdoléancesde laMoldavie. Le rêvedesMoldavesdevoyager sans visadans l’UEaainsi vu le jour.Cette liberté est néanmoins assortie d’unecontrainte: les séjours dans l’espace Schengennedoiventpasdépasser90joursparpériodede180 jours. Et le Conseil européen, qui représen-te les 28 Etatsmembres, doit encore approuvercet accord au plus tard en avril. «Cette décisionaura un impact extraordinaire sur nos voisinsukrainiens, affirme le premier ministre IouriLeanca. Ilsvontcomprendrequesionsecompor-tecommeil faut, l’Unioneuropéennenoustraitebien. Regardez les pays de l’Europe centrale, la

Roumanie, la Bulgarie, les pays baltes ! La pers-pective d’adhérer à l’UE a été le meilleur levierpourréformernonseulementlesélites,maisaus-si la société.»

Longtemps oubliée par la diplomatie occi-dentale, la Moldavie commence à peser danscette partie dumonde où l’Occident se frotte àla Russie. En août2013, la chancelière alleman-de,AngelaMerkel, s’est rendueàChisinaupourassurer les Moldaves que leur pays pouvaittrouversaplaceauseinde l’UE. Endécembre, lesecrétaire d’Etat américain JohnKerry est venufouler le solmoldave. Le 3mars 2014,M.Leancaa été reçu à Washington par M.Obama. «LesEtats-Unis soutiennent sans réserve le parcourseuropéende la RépubliquedeMoldavie, a décla-ré le président américain. Je sais que ce ne serapas facile,mais nous soutenons l’intégrité terri-toriale et la souveraineté de votre pays. Je voussouhaitede toutmon cœurde réussir.»

Même son de cloche à Paris et à Berlin où lapetiteMoldavieseretrouvesurl’agendadeLau-rent Fabius et de son homologue allemand,Frank-Walter Steinmeier. Les deux ministresdes affaires étrangères vont organiser bientôtleurpremiervoyageconjointenMoldaviepouraffirmer le soutien de Paris et de Berlin à l’an-cienne république soviétique qui frappedepuisdesannéesauxportesdel’UE.LesMolda-ves les attendentdepuis unquart de siècle.p

[email protected]

MUNICIPALESTRAIN EUROPE1DES

LE

LE RÊVE DESMOLDAVESDE VOYAGERSANS VISADANS L’UEA VU LE JOUR

M aître William Bourdonestungêneurpatenté.Unavocat parisien aux

convictions sociales et politiquescertaines. Il n’aimepas l’ordre éta-bli, l’argent sale, lesdictateurs afri-cains, les hommes politiques cor-rompus, les systèmes répressifs.Aussi ne faut-il pas s’étonnerquand il publie un ouvrage docu-menté, instructif, intitulé Petitmanuel de désobéissance citoyen-ne. Il y est question d’un sujet quile taraude. Comment protéger surleplan juridiqueceuxqui, un jour,décident de se révolter contre unordre illégal, ou, mieux, en vien-nent à révéler des secrets d’Etat?

Dans ce livre, de précieuxconseils sont dispensés à ces lut-teurs de l’impossible. On y croisedes figures désormais connues :IrèneFrachon,cemédecinquirévé-la lesdangersduMediator,EdwardSnowden, cet espion qui mit aujour les sales méthodes de la NSA,ou encore Hervé Falciani, l’infor-maticien de HSBC, qui pourfendles dérives des banques suisses.MeBourdon sait de quoi il parle, ilest le défenseur d’Hervé Falciani.Ce qui lui ôte évidemment uneobjectivité qu’il ne revendiquepas…

«Délégitimer la démocratie»La problématique est ancienne.

Mais l’auteur stigmatise de «nou-vellesformesdecollusionentre l’ar-gent et les pouvoirs qui ont contri-bué à délégitimer la démocratie».En ces époques arides, la soif dedémocratie demeure, pourtant.«L’exception de citoyenneté», ceconcept cher à William Bourdon,compte de vrais héros. Ainsi, cepetit juge provincial, PaulMagnaud, qui relaxa en 1898Loui-se Ménard, coupable d’avoir voléun pain, au motif qu’elle et son

enfant n’avaient pas mangédepuis 36heures. Et les lanceursd’alerte, cesanonymesquidevien-nent fameuxen révélant les turpi-tudesdusystème.MeBourdonsou-met une vraie idée, en examinantles lois en vigueur chez nos voi-sins. Prenez le Luxembourg, quidisposed’une loi exemplaire pourprotéger les lanceurs d’alerte. Uneforme de leurre, puisque dans cespays personne n’a intérêt à briserl’omerta. En France, une loi, votéeen décembre2013, permet à ces«saintsqui sontaussides traîtres»,d’être protégés sur le plan juridi-que, s’ils fontmontre de leur bon-ne foi. Cen’est certespas suffisant,assure l’auteur.

Qui appelledoncde ses vœux lacréation d’une autorité adminis-trative indépendante, protectrice.En attendant, MeBourdon recom-mande aux lanceurs d’alerte des’appuyersur leur réseaurelation-nel. Et de solliciter des avis juridi-ques, tout en faisant appel à desrelais médiatiques. Bref, de s’en-tourer, avantde dénoncer.p

GérardDavetet Fabrice Lhomme

Lacriseukrainienneredonne ses chancesà laMoldavie

Petit manuel de désobéissancecitoyenneWilliam BourdonJean-Claude Lattès, 218 p., 12,5 ¤

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Jeudi 22 janvier 2009Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur: Eric Fottorino

Algérie 80 DA,Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤,Autriche 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤,Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 650 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤,Malte 2,50 ¤,

Maroc 10 DH,Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1,9 DT, Turquie 2,20 ¤,USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,

Barack etMichelleObama, à pied sur Pennsylvania Avenue,mardi 20 janvier, se dirigent vers laMaisonBlanche. DOUGMILLS/POOL/REUTERSa Les carnets d’une chanteuse.Angélique Kidjo, née au Bénin, a chantéaux Etats-Unis pendant la campagnedeBarackObama en2008, et de nouveaupendant les festivités de l’investiture,du 18 au 20 janvier. Pour LeMonde, elleraconte : les cérémonies, les rencontres– elle a croisé l’actrice Lauren Bacall,le chanteur Harry Belafonte… et l’écono-

miste Alan Greenspan. Une questionla taraude : qu’est-ce que cet événementva changer pour l’Afrique ? Page 3

a Le grand jour. Les cérémonies ;la liesse ; lesambitionsd’unrassembleur ;la première décision de la nouvelleadministration: la suspensionpendant cent vingt jours des audiencesde Guantanamo. Pages 6-7 et l’éditorialpage 2

a It’stheeconomy... Il faudraà lanou-velle équipe beaucoup d’imaginationpour sortir de la tourmente financièreet économique qui secoue la planète.Breakingviewspage 13

a Feuille de route.« La grandeurn’est jamais un dû. Elle doit se mériter. (…)Avec espoir et vertu, bravons une foisde plus les courants glacials et enduronsles tempêtesà venir. »Traduction intégraledu discours inaugural du 44eprésidentdes Etats-Unis. Page 18aBourbier irakien.Barack Obamaa promis de retirer toutes les troupesde combat américaines d’Irak d’iciàmai 2010. Trop rapide, estiment leshautsgradésde l’armée.Enquêtepage 19

GAZA

ENVOYÉSPÉCIAL

D ans les rues de Jabaliya, lesenfants ont trouvé un nou-veau divertissement. Ils col-lectionnent les éclats d’obus et demissiles. Ils déterrent du sable desmorceaux d’une fibre compactequi s’enflamment immédiatementau contact de l’air et qu’ils tententdifficilement d’éteindre avec leurspieds. « C’est du phosphore. Regar-dez comme ça brûle. »Surlesmursdecetterue,destra-cesnoirâtressontvisibles.Lesbom-bes ont projeté partout ce produitchimique qui a incendié une petitefabrique de papier. « C’est la pre-mièrefoisque jevoiscelaaprès trente-huit ans d’occupation israélienne »,s’exclame Mohammed Abed Rab-bo. Dans son costume trois pièces,cette figure du quartier porte ledeuil. Six membres de sa familleont été fauchés par une bombedevant un magasin, le 10 janvier.Ils étaient venus s’approvisionnerpendant les trois heures de trêvedécrétées par Israël pour permet-tre auxGazaouis de souffler.Le cratère de la bombe est tou-jours là. Des éclats ont constellé lemur et le rideau métallique de la

boutique. Le père de la septièmevictime, âgée de 16 ans, ne décolè-re pas. « Dites bien aux dirigeantsdes nations occidentales que ces septinnocents sont morts pour rien.Qu’ici, il n’y a jamais eu de tirs deroquettes. Que c’est un acte crimi-nel. Que les Israéliens nous en don-nent la preuve, puisqu’ils sur-veillent tout depuis le ciel », enrageRehbi Hussein Heid. Entre sesmains, il tient une feuille depapier avec tous les noms desmortsetdesblessés, ainsi que leurâge, qu’il énumère à plusieursreprises, comme pour se persua-der qu’ils sont bienmorts.MichelBôle-RichardLire la suite page 5et Débats page 17

Ruines, pleurs et deuil :dans Gaza dévastée

WASHINGTONCORRESPONDANTE

D evant la foule la plus considérablequi ait jamais été réunie sur le Mallnational de Washington, BarackObama a prononcé, mardi 20 janvier, undiscours d’investiture presquemodeste. Aforce d’invoquer Abraham Lincoln,Martin Luther King ou John Kennedy, ilavait lui même placé la barre très haut. Lediscours ne passera probablement pas à lapostérité, mais il fera date pour ce qu’il a

montré.Unenouvellegénération s’est ins-tallée à la tête de l’Amérique. Une ère detransformation a commencé.Des rives du Pacifique à celles de l’At-lantique, toute l’Amérique s’est arrêtéesur le moment qu’elle était en train devivre : l’accession au poste de comman-dant en chef des armées, responsable del’armenucléaire,d’un jeunesénateurafri-cain-américain de 47 ans.

Lire la suite page 6Corine LesnesEducation

L’avenir deXavier Darcos«Mission terminée » :le ministre de l’éducationne cache pas qu’il seconsidérera bientôt endisponibilité pour d’autrestâches. L’historiende l’éducation ClaudeLelièvre expliquecomment la rupture s’estfaite entre les enseignantset Xavier Darcos. Page 10

AutomobileFiat : objectifChryslerAu bord de la failliteil y a quelques semaines,l’Américain Chryslernégocie l’entrée duconstructeur italien Fiatdans son capital, à hauteurde 35 %. L’Italie se réjouitde cette bonne nouvellepour l’économie nationale.Chrysler, de son côté, auraaccès à une technologieplus innovante. Page 12

BonusLes banquiersont cédéNicolas Sarkozy a obtenudes dirigeants des banquesfrançaises qu’ils renoncentà la « part variablede leur rémunération ».En contrepartie,les banques pourrontbénéficier d’une aidede l’Etat de 10,5 milliardsd’euros. Montantéquivalent à celle accordéefin 2008. Page 14

EditionBarthes,la polémiqueLa parutionde deux textes inéditsde Roland Barthes,mort en 1980, enflammele cercle de ses disciples.Le demi-frère del’écrivain, qui en a autoriséla publication, essuieles foudres de l’ancienéditeur de Barthes,François Wahl.Page 20

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Les Unes du Monde

0123

LE LIVRE DU JOUR

Protégerles lanceursd’alerte

190123Jeudi 6mars 2014

Page 20: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

20 0123Jeudi 6mars 2014

AmmanEnvoyée spéciale

C’est le crime le plus tu, perpé-tré actuellement en Syrie. Uncrime massif, organisé par lerégime et réalisé dans lesconditions les plus barbares.Un crime fondé sur l’un des

tabouslesmieuxancrésdans lasociété tra-ditionnellesyrienneetsurlesilencedesvic-times, convaincues de risquer le rejet parleur propre famille, voire une condamna-tionàmort.

C’estuncrimequianéantit les femmes,détruitlesfamillesetdisloquelescommu-nautés. Un crime que les hordes de réfu-giés fuyant la Syrie pour les pays alentourdésignent comme la cause principale deleur départ, mais que les enquêteurs del’ONU et toutes les ONG peinent à docu-mentertantlesujetestdouloureux.Uncri-meabsentdesdiscussionsdeGenèvealorsqu’il obsède les Syriens et hante des dizai-nesdemilliersdesurvivantes.Leviol. L’ar-mede guerre secrètede BacharAl-Assad.

Alma, 27 ans (les nomsdes victimesontété changés), est allongée, décharnée, surun lit d’hôpital au cœur d’Amman. Elle nemarchera plus, sa colonne vertébrale a étébrisée par les coups administrés par unmilicien du régime avec la crosse de sonfusil. Dès les premiers mois de la révolu-tion, cette mère de quatre enfants, diplô-mée en gestion, s’est engagée résolumentdu côté des rebelles, livrant d’abord de lanourritureetdesmédicaments,puistrans-portant des munitions dans un paquetnoué sur son ventre afin de passer pourune femmeenceinte.

Arrêtéeun jour à un checkpoint dans labanlieue de Damas, elle est restée trente-huit jours dansun centre dedétentiondesservices de renseignement de l’armée del’air,entouréeparunecentainedefemmes.«Abou Ghraïb, à côté, devait être un para-dis», dit-elle avec un pauvre sourire, allu-sion à la prison américaine en Irak. «J’aitout eu! Les coups, le fouet avec des câbles

d’acier, lesmégots de cigarette dans le cou,les lames de rasoir sur le corps, l’électricitédans le vagin. J’ai été violée – les yeux ban-dés–chaquejourparplusieurshommesquipuaient l’alcool et obéissaient aux instruc-tions de leur chef, toujours présent. Ilscriaient: “Tu voulais la liberté? Eh bien lavoilà !”» Toutes les femmes, dit-elle, enplus de leurs souffrances, pensaient queleur famille les tueraient si elles appre-naient leursort. Sadéterminationàs’enga-gerdansl’Arméelibren’enétaitquerenfor-cée. A sa sortie, elle est devenue l’une desrares femmes chef de bataillon, à la tête devingt hommes, avant d’être grièvementblesséeet évacuéeen Jordanie.

DescentainesdemilliersdeSyriensontafflué en Jordanie, et c’est là que nousavons pu, grâce à desmédecins, avocates,psychologues, collecter et croiser de nom-breux témoignages ainsi que rencontrer,en face à face, plusieurs victimes. Entre-tiens douloureux et sous haute pression:«Mavie est entre vosmains.»

«Il est grand temps que ce scandale soitdénoncé publiquement!», estime l’ancienprésident du Conseil national syrien,Burhan Ghalioun, membre influent del’opposition. Car c’est cette arme, selonmoi, qui a fait basculer dans la guerrenotre révolution qui s’était voulue pacifi-que.» Dès le printemps 2011, raconte-t-il,des campagnesdeviolspar lesmilicesontété organisées à l’intérieur des maisonsalors que s’y trouvaient les familles. Desfilles ont été violées devant leur père, desfemmes devant leur mari. Les hommes

devenaient fous et hurlaient qu’ilsallaient se défendre et venger leur hon-neur. «Je pensais,moi, qu’il fallait tout fai-repournepasentrerdansunephasemilita-risée, qu’armer la révolution allait multi-plier par cent le nombre de morts. Mais lapratique du viol en a décidé autrement. Etje crois que Bachar l’a voulu ainsi. Une foisles révolutionnairesarmés, il lui était faciledejustifierlesmassacresdeceuxqu’ilappe-lait déjà “les terroristes”.»

Difficile de vérifier cette thèse. Ce quiest avéré, en tout cas, c’est que les violen-ces sexuelles n’ont fait que s’accroître,contribuantauclimatdeterreur.«Lesfem-mes servent d’instruments pour atteindreles pères, frères etmaris, dénonce l’écrivai-ne Samar Yazbek, réfugiée en France.Leurs corps sont des champs de torture etde bataille. Et le silence de la communautémondiale sur cette tragédie me sembleassourdissant.»

Plusieurs organisations internationa-les ont fait état des viols commis par lerégime – Amnesty International, l’Inter-national Rescue Committee, la Fédéra-tion internationale des ligues des droitsde l’homme,HumanRightsWatch…Maistoutes évoquent l’extrême difficulté àobtenir des témoignages directs, le silen-

ce obstiné des victimes, la peur des cri-mes d’honneur perpétrés contre les fem-mes violées et l’anxiété née de la percep-tion généralisée qu’une femme arrêtéepar le régime a forcément été violée.

Un rapport particulièrement biendocumenté,publiéennovembre2013parl’Euro-Mediterranean Human RightsNetwork, confirme l’ampleur du phéno-mène et proclame l’urgence d’enquêtersur ces crimesde guerre qui, si leur plani-ficationétait avérée, pourraient être qua-lifiés de crimes contre l’humanité. «Lerégime a fait des femmes ses premièrescibles, affirme Sema Nassar, l’auteureprincipaledurapport, jointeparSkype,etdont les deux sœurs viennent tout justed’être arrêtées. Elles sont visées, en tantque telles, par les snipers, notamment lesfemmes visiblement enceintes. Elles ser-ventdeboucliershumains, commedans lequartier Ashria d’Homs, en février2012,quand l’armée a forcé des femmes àmar-cher devant les troupes ou les amême faitmonter dans les tanks pendant despatrouilles. Elles font l’objet de kidnap-pingspour rançons et échanges. Les violersystématiquement,qu’elles aient 9ans ou60 ans, est une façon de détruire durable-ment tout le tissu social.»

enquête

Annick Cojean

«Violerlesfemmessystématiquement,qu’ellesaient9ans

ou60ans,estunefaçondedétruiredurablement

toutletissusocial»SemaNassar

auteure d’un rapportsur les viols en Syrie

Desfillesvioléesdevantleurpère,desfemmesdevantleurmari:dèsleprintemps2011,peuaprèslesdébutsdelarévolution,leviolaétéutiliséparlerégimedeBacharAl-Assadcontresesopposants.Témoignages

SyrieLeviol,

armede

destructionmassive

Page 21: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

enquête

Oui,elleadeshistoiresàraconter,SemaNassar. Des cas précis, datés. Des dizaines.Comme celui de cette jeune fille d’Hama,actuellement réfugiée aux Etats-Unis, quise trouvait chez elle avec ses trois frèresquanddes soldatsont fait irruption, etontexigéque les trois jeunesgensviolent leursœur.Lepremiera refusé,on lui acoupé latête. Le deuxième a refusé, il a connu lemêmesort. Le troisièmeaaccepté, ils l’onttué sur la fille qu’ils ont eux-mêmes vio-lée. Ou l’histoire de cette Syrienne emme-née dans une maison de la banlieued’Homs, à l’été 2012, avec une vingtained’autres femmes, torturées et violées col-lectivement sous l’œil d’une caméra dontle filma été envoyé à sononcle, un cheikhconnu, prédicateur à la télévision, mem-brede l’opposition.

«La pratique est très fréquente lors desraids dans les villages, et systématiquedans les centres de détention des servicessecrets», affirme au Monde Abdel KarimRihaoui,présidentde laLiguesyriennedesdroits de l’homme, actuellement auCaire,qui estime à plus de 50000 le nombre defemmes violées dans les geôles de BacharAl-Assad depuis le début de la révolution.Les régions sunnites sont assurément lesplus touchées, et il note, dans les récits,

une forte implicationdes troupesduHez-bollah libanais et de la brigadeAbouFadeld’Irak. «Avec les tortures les plus sadiques,comme le rat introduit dans le vagind’unejeune fille deDeraaâgéede 15ans.Avecdesviols collectifs en public comme celui dequarante femmes, le matin du 5 janvier2014,àYelda.Etavecpourconséquencedescentaines de crimes d’honneur sur les fem-mes sortant de prison dans les régions deHama, Idlib ouAlep.»

C’estaucampderéfugiéssyriensdeZaa-tari,à80kilomètresd’Amman,qu’onaren-contré Salma, lourde, épuisée, le regardéteint. Née àDeraa il y a une cinquantained’années, mais ayant habité Damas avecsonmarietleurshuitenfants,elleaétéstu-péfaite en 2011 d’apprendre qu’en rétor-sion du soulèvement dans sa ville natale,ses enfants étaient renvoyés de leur école,danslacapitale.«Aunomdequoipunissez-vousmes petits? Ils ne sont pour rien dansles événements!», est-elle allée se plaindreà la directrice. Elle n’avait pas terminé saphrase que débarquaient les servicessecrets. Une cagoule sur la tête, elle a étéconduite dans le sous-sol d’un centre dedétention, jetée dans une cellule plongéedans l’obscurité et pleine de rats. Deuxjours à l’isolement, sans boire ni manger,

avant de rejoindre pour sixmois la celluleminuscule occupée par deux autres fem-mes.«Nousnepouvionspasnousallonger.Pas le droit de nous laver, y compris pen-dant nos règles. Et nous étions violées tousles jours aux cris de : “Nous les alaouitesallonsvousécraser.”Uneseuleprotestationetonavait lebâtonélectriquedans levaginou l’anus. On m’a tellement battue qu’onm’a cassé la jambe. Elle est devenue noire,on m’a opérée n’importe comment avantdemeremettredansmacellule.Ma famillen’a eu aucune nouvelle pendant six mois.Comme je ne sais ni lire ni écrire, j’ai signéavec l’empreinte de mon index n’importequelaveu.»Asasortie,sonmariavaitdispa-ruavec la voiture.

Oum Mohamed, 45 ans, a été arrêtéeavecsa fille le21septembre2012auhasardd’une rue et conduite à l’aéroportmilitai-redeMazzé.Leportabledel’étudianteaffi-chant ledrapeaude la résistanceet lapho-to d’un «martyr», les deux femmes ontété détenues pendant vingt jours, frap-pées, violées, enfermées dans une cellulede 4mètres sur 4 avec dix-sept femmes etplusieurs enfants. L’une, épouse enceinted’un membre de l’Armée syrienne libresuspecté d’avoir participé au kidnappingde quarante-huit Iraniens dans un auto-bus en août2012, était accompagnée deses enfants de 8 et 9 ans. Le mari d’uneautre, directeur de prison sanctionnépour s’être opposé à des tortures outran-cières, était détenu à l’étage au-dessous,de telle façon qu’il entende les cris de safemme pendant qu’on la violait. «Toutétait occasion de sévices sexuels», dit-elle,les yeux humides, ravagée à l’idée quel’avenir de sa fille, qui a perdu 20 kilos etnécessiteuntraitementpsychiatrique,estdéfinitivementcompromis.

L es médecins décrivent des vagins«ravagés», des corpsmartyrisés, destraumatismes «incurables». Yazan,

psychologue de 28ans venu s’installer àAmman pour «aider les victimes de laguerre», nous parle ainsi (en souhaitantresteranonyme)d’undesespatientsorigi-naires d’Homs, dont les voisins avaient

dénoncé des activités révolutionnaires,entraînant le kidnapping de sa femme etde son petit garçon de 3 ans. Arrêté quel-ques semaines plus tard, il a été emmenédans unemaison privée utilisée pour desséancesdetorture.«Tuferaismieuxdepar-ler! Ta femmeet ton fils sont là!

–Amenez-lesd’abord!»La jeune femme est exsangue : «Ne

dénonce personne! Ce que tu redoutais estdéjà arrivé.»On les a violemment frappéstous lesdeux.Puis, alorsqu’il était suspen-du au mur par les poignets, on a violé safemme devant lui. «Tu parles ou tu veuxqu’on continue?» La femme a alors bondi,s’est emparée d’une petite hache utiliséepar les bourreaux et s’est ouvert le crâne.Lepetitseraplustardégorgésoussesyeux.

Alors? Initiativesbarbaresetdisperséesmenées par des soudards livrés à eux-mêmes ou arme stratégique pensée,déployée par une hiérarchie aux ordres?Leprésidentde laLiguesyriennedesdroitsde l’homme, Abdulkarim Rihaoui, n’aaucun doute : «C’est un choix politiquepourécraserlepeuple!Technique,sadisme,perversité: tout estméticuleusementorga-nisé. Aucun hasard. Les récits sont similai-res et des violeurs ont eux-mêmes avouéavoiragisurordre.»LesavocatesjointesenSyriepartagent cette conviction,malgré ladifficulté à rassembler des preuves. «J’aides photos de boîtes de stimulants dont semunissent les miliciens avant de partir enraid dans un village», affirme Sema Nas-sar.Plusieurstémoignagesfontégalement

état de produits paralysants injectés dansla cuissedes femmesavant les viols.

L’une des victimes, Amal, explique quedansuncentrededétentiondeDamas,unmédecin – surnommé «Docteur Ceta-mol» – faisait le tour des cellules pournoter les dates des règles de chaque fem-me et distribuer des pilules contracepti-ves. «Nous vivions dans la crasse, dans lesang, dans la merde, sans eau et presquesansnourriture.Maisnousavionsune tellehantise de tomber enceintes que nous pre-nions scrupuleusement ces pilules. Etquandj’aieuunretardderègles,unefois, ledocteur m’a donné des cachets qui m’ontfait mal au ventre toute une nuit. » Untémoignage capital pour établir la prémé-ditationdes viols endétention.

Desbébésnaissentpourtantdecesviolscollectifs,provoquantdesdramesencasca-des.ALatakia,unejeunefemmes’estsuici-dée de n’avoir pu avorter. Une autre a étéprécipitée par son père du balcon du pre-mier étage. Des nouveau-nés ont été trou-vés aupetit jourdansdes ruelles deDeraa.«Mais comment aider ces femmes?, sedésespère Alia Mansour, membre de laCoalition nationale syrienne. Elles ont sipeur en sortant de détention qu’elles res-tent murées dans leur malheur sans pou-voir demanderde l’aide.»

A Homs, nous raconte la poétessesyrienne Lina Tibi, une femme a cepen-dant réussi à organiser en une semaine,dansleplusgrandsecret,cinquanteopéra-tions d’hymenoplastie sur des filles vio-léesde 13à 16ans.«C’était la seule façondeleursauver lavie.»Mais les famillesexplo-sent.Desmarissedétournentetdivorcent.Telle belle-famille d’Homsa rassemblé lesaffaires de sa bru en vue de son expulsiondu foyer avant même qu’elle ne sorte deprison. Des parents se précipitent pourmarier leur fille au premier volontairevenu, fut-il âgé et déjàmarié.

«Le monde se préoccupe des armeschimiques; mais pour nous, Syriennes, leviol est pire que lamort», murmure en unsanglotuneétudianteendroitquin’aenco-re osé confier son drame à personne. Sur-toutpas à sonmari.p

«J’aiétévioléechaquejour

parplusieurshommesquipuaientl’alcool

etobéissaientauxinstructions

deleurchef,toujoursprésent»

Alma

ÀL’INSUde sonpère, unopposantnotoire au régi-me, la jeuneAmal, âgée de18ans – le prénomaétéchangé–, participait auxactivitésd’un comité révo-lutionnairequand, enocto-bre2012, elle fut arrêtée àBaniaspar des hommesdela sécuritémilitaire. Empri-sonnéependantquatremois, elle sera l’objet et letémoindenombreuses tor-tures sexuelles infligéesauxdétenus. Réfugiée àAmman, elle rêvedereprendreun jour ses étu-des,malgré les projetsdesonpère de lamarier à unvieil homme.

Y“C’est toi,cettebrin-dille qu’on

prenaitpourunegéante?m’adit unofficier. J’ai uncompteà régler avec toi!”Il a enlevé sabague, sa che-mise, sonpistolet etm’apousséedansunescalierquimenait àun sous-sol.Nousavonsdescendu troisétages. J’entendaisdeshur-lements. Ça sentait le sang,le vomi, les excréments.Onaparcouruun immen-se couloir sombre, d’envi-ron3mètresde large.Desdeuxcôtés, deshommesnusde tous âges étaientcollés auxparois, bras etjambesécartelés. Certainsétaient fouettésou tabas-sés.Onm’a ligotée etmisedansune cellule où je nepouvaisnim’allongernitenirdebout. Puis onm’asortiepourme faireentrer, recroquevillée,dansunpneuqu’ona faitroulerdans le couloir.“Pour faire connaissanceavec l’endroit.”Dansunechambrede torturepleined’instruments, il y avaitdeshommessuspendusàuncrochet.Onm’a atta-chéede lamême façon,frappée, électrocutéepen-dantdesheures. Puis j’aiassisté àune condamna-tionàmort “par rat”. Unhommenu, trèsmaigre,attachédansune roue,s’est vuenfoncerun ratdans labouche.Unsoldat amaintenusabouche fer-méependantqu’unautrea coususes lèvres avecdufil et uneaiguille. Les ratspullulaient, onm’enabalancéun cartonà la figu-re alors que j’étais ligotée

dansmacellule. Le 4e jour,troishommes, en short etdébardeur, sont venusmevioler. J’ai perdu connais-sance et reprismes espritsenentendant lemédecindéclarer: “Je lui fais unepiqûrepourarrêter l’hé-morragie.”

[Aprèsuneaudiencekaf-kaïenneau tribunal civil deTartous, oùon lui annoncequ’elle sera jugéeàDamaspourhaute trahison,Amalsera transportéedansdiffé-rentes branchesdes servi-ces secrets, notammentàHoms, où le directeur la vio-leraavant son transfère-mentà la branche215 deDamas.]

Unofficier arméd’unbâtonélectriquem’a faitm’aligneraumur, avecseptautres femmes, dansune sallemuniede camé-ras. “Déshabillez-vous!”Mavoisine, d’une cinquan-tained’années, a protesté:“Je préfèremourir!”Deshommesont approché:“Vouspréférez qu’on le fas-se?” Ils ont ri, attenduqu’on retirenos sous-vête-ments, fait des remarquessalaces, sous-pesénosseins, et exigé qu’on fassedesmouvementsde gym-nastique. Les caméras fil-maient tout.Nousparta-gionsune cellulemaisavions l’interdictiondenousparler. Et, à heuresfixes, il y avait les séancesde torture: coups, fouetset bâtonprovoquantdesdéchargesélectriquespas-sé sur le corps ou introduitdans levagin, parfois sus-penduespar lespieds, têteenbas, parfois suspenduespar lespoignets et les

piedsdans l’eau,pourdémultiplier le choc.Unefois, j’ai vuune femmedeHomsrevenirdans sa cellu-le, hagarde, lesmainsplei-nesde sang. Elle avait réus-si à arracher l’œil d’unchefqui la violait. A la branche“Palestine”où j’ai ensuiteété transférée, leshorreursont continué.Un jour,nous étionsquatre fem-mesnues écartelées contrelemur, face àhuit hom-mesdans lamêmeposi-tion.Unofficier est venules interrogerunparun:“Alors, tu es deHoms? Et tuasparticipéàunemanifes-tation contreBachar?

–Non!”Il a pris une cisaille et a

coupé lepénis de l’hom-me. Il a fait demêmepourles suivants, dontun gar-çonde 14 ansqui enestmortaussitôt. J’ai vu recou-dredes plaies enduitesdesel sur le corps lacéréd’unhomme.Et j’ai rencontréune femmequ’onavaitallongéenue, dansune cel-lule, une cagoule sur latête, enobligeantdixpri-sonniers à semasturbersur elle. A l’und’euxonaordonné: “Viole-la!” Il arefusé,on l’a tabasséet cou-ché sur la fille avantde reti-rer la cagoule: c’était sasœur.Voilà. Toutétait pos-sible.Moi, lorsqu’onm’aemmenéedansune cellulepoury être violéepar cinqhommes, jeme suis éva-nouieet réveillée à l’hôpi-tal. Je n’étaisplus rien,j’étais commemorte.Onad’ailleursappelémafamillepour récupérermoncadavre.» p

A.C.

«Jen’étaisplusrien,

j’étaiscommemorte»

«Hama 30», 2011,encre sur papier, 40×50cm,tableau dupeintre syrienKhalil Younès. DR

210123Jeudi 6mars 2014

Page 22: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

Société éditrice du«Monde»SAPrésident dudirectoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirectricedu «Monde»,membre dudirectoire, directrice des rédactionsNatalieNougayrèdeDirecteur déléguédes rédactionsVincentGiretDirecteur adjoint des rédactionsMichel GuerrinDirecteurs éditoriauxGérardCourtois, Alain Frachon, Sylvie KauffmannRédacteurs en chefArnaudLeparmentier, Cécile Prieur, NabilWakimRédactrice en chef «MLemagazine duMonde»Marie-Pierre LannelongueRédactrice en chef «édition abonnés» duMonde.fr Françoise TovoRédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien LeloupChefsde serviceChristopheChâtelot (International), LucBronner (France), VirginieMalingre(Economie), Auréliano Tonet (Culture)Rédacteurs en chef «développement éditorial» Julien Laroche-Joubert (InnovationsWeb),Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)Chefd’éditionChristianMassolDirecteur artistiqueAris PapathéodorouPhotographieNicolas JimenezInfographieEric BéziatMédiateurPascal GalinierSecrétaire générale du groupeCatherine JolySecrétaire générale de la rédactionChristine LagetConseil de surveillancePierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président

L eTout-Paris émoustillé sepressait ce lun-di 3marsà l’hôteldeBeauharnais, à l’invi-tationde l’ambassadriced’Allemagne,

pourécouterGerhardSchröder.Onétait venul’entendrediredumal.Dumalde la France.Pré-dire, qui sait, uneattaquedesmarchés finan-ciers contre la FrancedeFrançoisHollandesiellenese réformaitpasassezvite. La jouteétaitprévued’avance,avecNicolasBaverez, chantrede la Francequi tombe, enmodérateur. L’équi-peHollandeavait fait serviceminimum,secontentantd’envoyer laporte-paroledugou-vernementNajatVallaud-Belkacem. Iln’enarienété. Lesbruitsdebottes russesenUkraineont conduit àunchangementdeprogramme.Schröder-le-modernisateur-de-l’Allemagnes’est transforméenSchröder-l’ami-de-Poutine.L’ancienchancelierallaitnousdonnerdesnou-vellesvenuesdu froid.

Schröder,Poutineet laRussie, c’estune lon-guehistoire. En2004, le chancelieradopteunepetiteorphelineoriginairedeSaint-Péters-bourg, la villedePoutine. Justeaprès sadéfaite,en2005, Schröderseretrouveà la têtede l’entre-prisechargéedeconstruire, sous l’égidedeGaz-prom,ungazoducà travers laBaltique,projetqu’il avait lancéen tantque chancelieravec son

amiPoutine.Postequ’il occupe toujours.Schröder, rentierdebientôt 70ans, est resté

fidèle. Il n’apasditunmot surPoutine.«L’Ukraine,qu’est-cequec’est?», esquive-t-ild’abord.Plus tard, il assurenepasavoir euautéléphoneleprésident russe.«Il ya les écou-tes»,glisse-t-il, remontécommetous lesAlle-mandscontre le systèmed’espionnageaméri-cain. Il neveutpasdireunmotde la situation,«pournepas jeterde l’huile sur le feu». Et serefuseà jouer lesmédiateursdans la criseukrai-nienne.Cetteaffairedoit être confiéeàdes insti-tutions, l’ONUou l’OSCE.

Enrevanche,Schröderestbeaucouppluspro-lixedèsqu’il s’agitdediredumaldesOcciden-taux. LadétestationdePoutinene saurait tenirlieudepolitique, Schröder l’a expliquémardisurEurope1:«Détestern’est pasuncritèredanslapolitique! Lapolitiquedoit être rationnelle,portéepar la raison.Beaucoupdeproblèmesdans lemonde, la Syrie, l’Iranou l’Ukraine, cesproblèmes-làonnepeut les résoudrequ’avec laRussie, etpas contre laRussie…»

Dans la criseukrainienne,uneerreur futdeconvoquerune réunionde l’OTAN,organisa-tionqu’il accusede«nepascréerde confiancemaisdenourrir les craintes».«Dites-moi ceque

vousattendezde l’OTAN! L’Ukrainen’estpasdans l’OTAN. Il doit yavoirune solutiondiplo-matiquecarpersonneneveutune interventionmilitaire.Quidevrait lamener?», demande-t-ilà lapresse. L’Europeest soudainbiencontentedenepasavoirouvert lavoiede l’adhésiondel’Ukraineà l’OTAN, commelevoulaitGeorgeW.Bushau sommetdeBucarest, en2008.Mer-ci àSarkozyetMerkeld’avoirbloqué l’affaire.Sinon, il faudraitappliquer le traitéatlantiqueetmourirpourKievet Sébastopol. Il flotteunpetitairqui rappelleClaudeCheysson: leminis-tredes relationsextérieuresdeFrançoisMit-terrandavait affirméaprès le coupd’Etatdugénéral Jaruzelski enPologne, endécem-bre1981: «Bienentendu,nousne ferons rien.»

Corriger la faute originelleIl ne restequ’àdiscuter, inlassablement.

Schröderneveutpasd’unboycottduG8deSotchiqu’imaginentFrançaisetAméricains:«Celane sert à riende chasser les RussesduG8;il faut les confronteravec leurspositions.»Selonlui, il faut corriger la fauteoriginelle, cellequiforça lesUkrainiensàchoisir entre lepartena-riatque leurproposaient l’Europeet l’Uniondouanièrechèreà laRussie.Onenest loin.

Lacrise russo-ukrainiennerend la fragilitédel’Europecrianteet donneraisonàHelmutKohl: «L’EuropeestunequestiondeguerreetdepaixauXXIesiècle», expliquait levieuxchance-lier. Les citoyenseuropéens l’ont compris, quisaluentà53%«lapaixentre les Etatsmembres»commeundesplusgrandsachèvementsdel’Unioneuropéenne.«L’Europen’apas été faite,nousavonseu laguerre», affirmaitdéjà ladécla-rationSchumandu9mai 1950.

La réalité estunpeuplus subtile.Cen’estpasl’Europequi fait lapaix,mais lapaixqui rendl’Europepossible.Cettedernièreapusedéve-lopper lorsqu’il fut clair qu’elleétait protégéede l’Unionsoviétiquepar lapaxamericanaet leboucliernucléairede l’OTAN; lorsqueFrançaisetAllemandsse sont sentisunisdansunecom-munautédedestin.Pourpreuve, ladernièregranderelancede l’Europe,qui conduisit aumarchéuniquepuis à l’euro, eut lieu lorsqueMitterrandsedéplaçaàBonnen janvier1983devant leBundestagpoursoutenirHelmutKohlet plaideren faveurde l’installationdefuséesPershingaméricainespour faire faceauxSS20soviétiques.

A l’opposé, l’UE régresse lorsque lesEuro-péenssedivisentetque secreuse le fossé tran-satlantique.Ce fut le cas lorsde l’aventure tiers-mondistedeDeGaulleavec sa sortiede l’OTANen1966; lorsde l’éclatementde laYougoslavieaudébutdes années 1990,ouavec l’invasiondel’IrakparGeorgeBushen2003.

Aujourd’hui, l’Europeest laisséeà elle-même.Orphelineduretrait inexorabledeWashington,ellen’aplusdegrandfrèreaméri-cainpour laguider. Elargie, elle ades centresd’intérêtsdivergents–laPolognes’intéresseautantà l’Afriqueque lePortugalà l’Ukraine;diluée institutionnellement,ellen’apasdestructurede commandementsusceptibled’enfaireunepuissanceactive. LamenacedeStalineaida l’Europeàse souderavec l’aidedesAméri-cains.Celle dePoutine,plus insidieuse, ladiviseetdonc lamenacepeut-êtreplusprofondé-mentencore.p

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L ’hellénismeatteignitsonapo-gée au Ve siècle avant notreèreetAthènesenfut lavitrine

incomparable,ainsique l’illustre leseptième volume de la collection«Histoire &civilisations» présen-téeparJacquesLeGoff,LaGrèceclas-sique.

Tout commence par l’inventiondeladémocratie,legsleplusimpor-tantd’Athènesànotrecultureocci-dentaleetpeut-êtremêmeaumon-de. Le «pouvoir du peuple», celasignifiait une alternance rapide aupouvoir, la mise en place de juryspopulaires, la publicité donnéeà laloiquenuln’était censé ignorer.

Dans cette période, la culturecomme la religion sont au servicedupolitique:l’inventiondel’histoi-re et de la philosophie participe delaréflexionconceptuelle,celledelarhétoriquedelagestiondeladémo-cratie, celle du théâtre de laconstruction identitaire et de l’éta-blissementduconsensus.

Luttes victorieusesPar un jeu demiroirs incessant,

l’art, les spectacles et les liturgiesrenvoient à la communauté sonimage idéalisée. La frise du Parthé-non, qui représente la processiondes Grandes Panathénées avec unéchantillonde toutes les catégoriesde la population, incluant lesancienscombattants,enestl’exem-pleemblématique.

C’estl’époquedeluttesvictorieu-sesaunomdelaliberté.Ladémocra-tie se fonde sur un tyrannicide.Avoir refoulé par deux fois l’enva-hisseur perse dans un combat iné-gal et démesurépermet auGrecdes’identifierparoppositionau«bar-bare» et d’imposer l’hellénismecommeseulmodèledecivilisation.L’idéal civique est représenté parl’hoplite, le paysan-soldat qui

défend sa terre. Mais les guerresmédiques n’ont pas conduit àl’union nationale. Jalouses de leurliberté, les cités grecques s’affron-tent entre elles dansdes guerresdevoisinage ou des guerres civiles.SparteetAthènes luttentpour l’hé-gémonie; Athènes surtout entredans une dérive impérialiste quientraînesaperte.

Atraverscemiracledelaculture,il faut voir aussi « les Grecs sansmiracles»aveclesparadoxesd’unedémocratie qui maintient au pou-voir lesmêmes familles tant qu’el-les savent créer le consensuspopu-laire, etqui s’avère fragile.

La démocratie n’est peut-êtrequ’une oligarchie, si l’on considèrelamassedes immigrés et des escla-vesparrapportaucorpscivique.Lesfemmes sont d’éternelles mineu-res.La justicedevientune justicedeclasse.Cependant,lemiraged’Athè-nes «école de la Grèce» reste tou-jours opérant, à travers des chefs-d’œuvre impérissables. p

Marie-FrançoiseBaslezprofesseurà la Sorbonne

EUROPE | CHRONIQUEpar Arnaud Leparmentier

UnamidePoutineàParis

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pTirage duMondedatémercredi 5mars 2014 : 299 742 exemplaires. 2

22 0123Jeudi 6mars 2014

Page 23: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

ASCOMÉTALDÉPOSESON BILANPOUR ALLÉGERSA DETTELIRE PAGE 5

Mini,mini,mini…LenouveaumantradesconstructeursautomobilesLIRE PAGE4

L’Afrique,prochaineldoradodescosmétiquesLIRE PAGE4

j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,19%

LE PREMIERMINISTRECHINOIS,LI KEQIANG,PLAIDEPOUR PLUSDE MARCHÉLIRE PAGE5

J PÉTROLE 108,98$ LE BARIL

Carrefour

Cette année sera sansdoute l’une des plusdélicates pour lepatron de Carrefour.

Arrivédepuisbientôtdeuxans,en avril2012, Georges Plassat aréussi à réveiller le numéro unfrançais de la distribution.C’étaità la fois leplusdur, car lamachine était bien grippée, etle plus facile, puisqu’un nou-veau patron peut plus aisé-mentutiliser les électrochocs.

Alors que le lent délitementdeCarrefourfaceàuneconcur-rencehyperagressivesemblaitinexorable, le retournementde situation est spectaculaire.Le groupe a publié mercredi5mars des comptes annuelsmeilleurs que ce qu’antici-paient les analystes financiers,pourtant globalement positifssur la nouvelle stratégie miseenœuvre.

Lerésultatopérationnelcou-rant du groupe progresse de5,3% (+9,8% à taux de changeconstants), à 2,24milliardsd’euros.Surtout,cesontlesper-formances du champion desgrandes surfaces sur son pro-

premarchéquidonnentlamesu-redu travail accompli.

Carrefour a renoué en 2013dansl’Hexagoneaveclacroissan-ce (hors ouverture de magasins)dans tous ses formats, avec35,4milliards d’euros de chiffred’affaires (+1%). Dans les maga-sins de proximité, les supermar-chés et surtout les hypermar-chés, où il a réussi à regagnerdespartsdemarché.Autotal,ledistri-buteuraffichesameilleurecrois-sance organique en Francedepuis2007.

Contre-révolutionGagnerdespartsdemarché,si

cela se fait en cassant les prix,peut ne pas mener très loin. Or,l’épicier Georges Plassat est par-venuàregagner la confiancedesclients, notamment sur la per-ception des prix, sans sacrifiersesmarges.

Mieux, le résultat opération-nelcourantdesactivités françai-ses bondit de 30% en 2013, à1,2milliard d’euros. Refaireconfiance aux chefs de rayonplutôt qu’à des consultants ausiège pour sentir l’évolutiondesattentes des clients n’est finale-mentpas si bête.

Cettecontre-révolutioncultu-relle ne se fait pas sans unevisionàpluslongterme.Ainsi, legroupe a-t-il augmenté de plusde 40% ses investissements en2013. Ils seront encore enhaussecette année.

Rééditer en 2014 l’exploit del’annéeécoulées’annoncediffici-le. D’autant que les risques dedéflation dans les grandes surfa-ces françaises doivent être prisau sérieux. Auchan, qui a perdudu terrain, pourrait, par exem-ple, riposter à son tour sur lesprix.Mais laremiseàplatdusys-tème informatique et le plan deréorganisation de la logistiquequi s’engagent devraient per-mettre des gains en efficacité eten coûts.

Maintenir la dynamiqued’ungroupede 365000 salariés et nepas faire retomber le soufflé, tel-le doit être l’obsession du cuisi-nier Plassat, formé à la dure éco-le hôtelière de Lausanne. Le Bré-sil et l’Espagne pourraient jouerles locomotivesà l’internationalcette année.Mais onnepeutpasdire que Carrefour soit aidé parla conjoncture.p

[email protected]

Réchauffement islandaisL’Islandes’est relevéede lachutedesesbanques,en2008.Leproduit intérieurbrutdevraitcroîtrede2,7%cetteannée.Lechômageest retombéde9,3%, en2010, à 5%.Maistoutn’estpasréglé. Lecontrôledescapitauxfreine l’essorinternationaldesentreprises.LIREPAGE2

Penser l’écologie commeune solution aux crisesFaire évoluer les processus deproduction et de consomma-tion vers unmodèle soutenablen’est ni punitif ni impossible:c’est ce que s’attachent àmon-trer deux essais : Transition éco-logique,mode d’emploietMiser(vraiment) sur la transition éco-logique.LIREPAGE6

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tLa Commission exigede la France qu’elle tienneses objectifs enmatière deréduction dudéficit budgé-taire. Et qu’elle coupe dansles dépenses publiquespour le ramener à 3%duPIB en 2015 commeprévu

tBruxelles pointe lesinsuffisances françaises enmatièrede compétitivité.Lespartenaires sociaux sesont rencontrésmercredipournégocier sur lescontreparties aupactederesponsabilité

tLesEuropéens se sontlancésdansune course à lacompétitivité sansprécédent. La France est enretardet ses choixpour serattraper laissent lesexperts sceptiques

LIRE PAGE3

François Hollande etJoséManuel Barroso,

en décembre2013,à Paris. THIBAULT CAMUS/AFP

Coût de l’heure de travail, en eurosdans l’Industrie et les servicesmarchands

32,57

20,99

35,47

France

EN 2013

Allemagne Espagne

j DOW JONES 16 395 PTS +0,41%

Jeudi 6mars 2014

Cahier du «Monde »N˚ 21502 daté Jeudi6mars2014 - Ne peut être vendu séparément

Page 24: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

PrintempsarctiqueL’Islandes’estrelevéede l’effondrementdesesbanques,en2008.Mais toutn’estpasréglé

L’ISLANDEBÉNÉFICIE

D’UNE FORCEDE TRAVAILJEUNE

–50% DE LAPOPULATIONA MOINS DE35ANS–ET TRÈSQUALIFIÉE

LE CONTRÔLEDES CAPITAUX,TOUJOURS ENPLACE, EST UNFREIN AU

DÉVELOPPE-MENT DES

ENTREPRISESÀ L’INTERNA-

TIONAL

plein cadre

Reportage

ReykjavikEnvoyée spéciale

Sudureyri, un petit village de300âmesaunord-ouestdel’Islan-de. Depuis quelques jours, uneinterminable tempête de neigebat le fjord. Impossible de distin-

guer la route sous l’épais manteau blanc.Pas de quoi décourager Elias Gudmunds-son.«Ilmefautdumatérielpouraménagerde nouvelles chambres, dit-il en prenant larouted’Isafjordur, la ville la plusproche. Jeprofiteducalmede l’hiver.»

Il faut dire que, depuis cinq ans, la fré-quentationestivaledesonpetithôteladou-blé, si bien que la quinzaine de chambresne suffit plus. «De la folie pure: l’été der-nier, j’ai dû refuser près de 1000demandesde séjours, faute de place!» Alors, commetous les hôtels de la région, celui d’EliasGudmundsson s’agrandit. D’après sescalculs, son chiffre d’affaires pour les cinqmois de la haute saison (demai à septem-bre inclus), de 100millions de couronnesislandaises (645000euros) en 2013,devraitdoublerd’ici cinqans.

Pour un peu, on croirait presque que lacrise n’est jamais passée par Sudureyri. Etpourtant… Il y a tout juste quatre ans, le6mars 2010, 93% des Islandais rejetaient,lors d’un référendum, le remboursementdes créanciers britanniques et néerlandaislésés par la faillite de la banque islandaiseIcesave. Le pays traversait alors la crise laplusviolentedesonhistoire.AprèslachutedeLehmanBrothers,enaoût2008, lestroisplus grands établissements de l’île (Kaup-thing,LandsbankietGlitnir),dont lesactifsreprésentaientprès de dix fois le PIB islan-dais, avaient fait faillite. «Ils avaient abusédes placements spéculatifs comme aucuneautre banque européenne», témoigneAsgeir Jonsson, ancien chef économistedeKaupthing.

Et ils ont entraîné tout le pays dans leurchute. Entre janvier et décembre2008, lacouronneislandaiseavaitperdu50%desavaleur, faisant au passage exploser le coûtdes crédits des nombreuxménages endet-tés en devises étrangères. L’inflation avaitgrimpé jusqu’à 20%. En deux ans, le PIBavait plongé de 11% et la dette publiques’était envolée au-delà de 100% du PIB.Désespéré, le premier ministre d’alors,Geir Haarde, avait appelé publiquementDieuà l’aide…

Maislapetite îleafait face.Pours’ensor-tir, elle a adopté des mesures à peu prèsopposées à celles prisespar les autrespaysdans la tourmente, comme laGrèceou l’Ir-lande. Après avoir sollicité unprêt du FMI,le gouvernement islandais a procédé àdescoupesbudgétaires–toutenrenforçantlesaidessocialespourlespluspauvres.Ilaaug-menté l’impôt sur les plus riches (de 17% à31%desrevenus)etamisaupointunauda-cieuxplanderéductiondedettesdesména-geset des entreprises.Radical. Et efficace.

Cinq ans après, le pays va mieux. Etmêmebien. «Les indicateurs économiquesrepassent dans le vert», se réjouit le pre-mier ministre de centre droit SigmundurDavidGunnlaugsson.LePIBdevraitcroîtrede 2,7% cette année, bienplusquedans lesautres pays de l’Organisation de coopéra-tion et de développement économiques(2,3% enmoyenne).Dopéespar l’effondre-ment de la couronne, les exportations depoissons, qui représentent 11%du PIB, ontexplosé. Tout comme le tourisme: près de800000personnes ont visité le pays en2013, 60% de plus qu’en 2008! «Ces deuxactivités ont porté l’économie islandaiseaprès l’effondrement des banques», com-menteMichel Sallé, spécialistede l’Islandecontemporaine.

Passé le choc, les Islandais n’ont pas tar-déàrebondir.«Lacréativitéaexplosé, ceuxquiontperdu leur jobontcréé leurentrepri-se sans hésiter», raconte AndriMagnason,qui, en 2008, a ouvert une pépinière destart-updansuneanciennecentraleélectri-que de Reykjavik. Des sites comme le sienont éclos dans tout le pays. Résultat : letaux de chômage est retombé de 9,3% en2010 à 5%, se rapprochant de son niveaud’avant crise (2%). Enthousiasmés parceschiffres, nombre d’économistes, com-me les Prix Nobel américains Paul Krug-manetJosephStiglitz,n’hésitentpasàqua-lifier la reprise islandaised’exemplaire.EnayantréussilàoùlaGrèce,soustutelledela

«troïka», peine encore, la petite île seraitmême, selon eux, la preuve de l’échec despolitiquesd’austéritéà l’européenne.Vrai-ment?

«Lavérité estplusnuancée», commenteAsgeir Jonsson, amusé par les « fantas-mes» que suscite son pays. «Le choc a étébiengéréà court terme,mais lesproblèmesde moyen et long terme ne sont toujourspas réglés», abonde Thorolfur Matthias-son,de l’universitéd’Islande.

A commencer par la délicate questiondu contrôle des capitaux. En théorie tem-poraire, celui-ci a été instauré en novem-bre2008 pour stopper l’effondrement dela couronneet les sortiesde fondsdupays.Cequi abien fonctionné.L’ennui, c’est quele contrôle est toujours en place. Et qu’ilreprésenteunfreinaudéveloppementdesentreprisesà l’international.«Ellesnepeu-vent pas investir à l’étranger, puisqueacquérir des euros ou des dollars depuisReykjavik est impossible », résumeAndriMagnason.De plus en plus de socié-tés songent à délocaliser leur siège, à Lon-dresouNewYork.

Le gouvernement ne semble pas pourautantpresséde lever lecontrôledeschan-ges. Il faut dire que, contrairement à uneidée reçue, l’Islanden’a pas claqué la porteà tous ses créanciers étrangers en refusantde leur verser une couronne.Après le réfé-rendumdu 6mars 2010 sur Icesave, suiviparunsecondà2011,unplanderembourse-ment progressif avait été conclu. La situa-tion est encore plus complexe pour lescréanciers–parmilesquelsnombredehed-ge funds américains– des autres banquesqui ont fait faillite. «Depuis l’instaurationdu contrôle des changes, leurs actifs sont

toujours bloqués dans le pays, et ils s’impa-tientent de pouvoir les retirer», expliqueGunnarHaraldsson, directeur de l’Institutd’étudeséconomiquesdeReykjavik.

Selonsesestimations, ces sommess’élè-veraient à près de 2000milliards de cou-ronnes,soit13milliardsd’euros.PlusquelePIB Islandais.«Laisser cet argent sortir dés-tabiliseraitbientropnotremonnaie,ajoutel’économiste. Il faudrabien le faireun jour,maispersonnene sait comment.»

Second défi pour le pays : trouver,après l’effondrement de son sec-teur bancaire, un nouveaumodèlede croissance. L’île ne manque pas

de richesses. Elle bénéficie d’une force detravail jeune –50% de la population de320000âmes a moins de 35ans– et trèsqualifiée. Mais quel secteur économiquefaut-ilprivilégier? Lapêche?Oui,mais lesstocks de poissons offerts par l’océanAtlantique sont limités. «Nous avonsmisen place un système de quotas élaborépour éviter de l’épuiser», rappelle GudnyKaradottir, du programme parapublic«Pêche responsable en Islande».

Le tourisme? Le sujet fait l’objet dedébats brûlants dans le pays. Tropde visi-teursnerisquent-ilspasdedégraderlefra-gileécosystèmedel’île?«Nosinfrastructu-res ne sont pas dimensionnées pouraccueillir tant de monde», s’inquièteM.Matthiasson. Faut-il, à l’inverse, misersuruntourismehautdegamme,réservéàuneélite?«Noussommesunpeuperdus.»

Autre source de croissance: l’énergie.Grâce à ses ressources géothermiques ethydrologiques, l’Islande profite d’uneélectricitéabondanteetbonmarché.Mais

qu’elle ne peut pas exporter. Ces derniè-resannées,ellea invitédesusinesd’alumi-nium à s’installer sur ses terres pour enprofiter. La coalition de centre droit aupouvoir, élue en avril 2013, envisaged’autoriser la construction d’une dizainedenouvelles centrales électriques. Et son-ge à installer un câble sous-marin jus-qu’au Royaume-Uni, afin d’exporterenfin le courant islandais.

Ellert Grétarsson, photographe etmili-tantécologique,dessineuneligneà l’hori-zon du champde lave. «Là, c’est le cratèreEldvorp, forméauXIIesiècle :unemerveillegéologique», décrit-il. Nous sommes surla péninsule de Reykjanes, non loin de lacapitale, Reykjavik. «Si la construction denouvelles centrales est autorisée, il y aurades pipelines et des lignes à haute-tensionpartout: l’horreur!» Comme lui, les asso-ciationsécologistessont inquiètes.Mêmesi le gouvernement assure que les projetssont sérieusement étudiés et débattus,elles redoutent leur impact sur la nature.Et sur le tourisme.

Reste la délicate question de l’Unioneuropéenne. Le 21 février, le gouverne-ment, eurosceptique, amis un terme auxnégociations sur l’adhésion. «Les Islan-dais ont toujours balancé entre ouvertureet repli sur soi », explique M. Jonsson,redoutant que, lassés de ne pouvoirinvestir à l’étranger, les entrepreneursfinissent par fuir le pays. Quand on luidemande si le sujet l’inquiète, Vala Hall-dorsdottir, jeune créatrice de jeux vidéo,hausse les épaules en citant ce dicton trèspopulaire dans l’île : «Thetta reddast.»Ças’arrangera… p

MarieCharrel

Le centre thermal BlueLagoon àGrindavik.ANALDUR HALLDORSSON/

BLOOMBERG VIA GETTY/IMAGES

L’îleséduit lesréalisateurshollywoodiens

«BIENVENUEau tour spécial “Gameof Thrones”!»Apeine descendusdel’avion, la cinquantainedepassa-gers est accueilliepar deuxguidesspécialisés. Il y a trois ans encore,rares étaient les touristesqui s’aven-turaient enpleinhiver jusqu’àAku-reyri, une petite ville des fjordsduNord.Mais la célèbre série américai-ne a changé la donne. «C’est un bonfilonpour le tourisme, les gens veu-lent voir où se sont déroulées les scè-nes», confie l’un des guides.

BatmanBegins, LaVie rêvéedeWalterMitty, Prometheusou encore

Noé, le nouveaublockbusterde Rus-sell Crowe…Depuis quelquesannées, les tournagesde films et deséries américaines semultiplientsur la petite île de l’AtlantiqueNord.

20%des frais remboursés«Les réalisateurs sont attiréspar

l’incroyablediversitéde nospaysa-ges», expliqueEinarHansenTomas-son, le directeurde Film in Iceland,la société chargéedepromouvoir lepaysà l’international.«Nosplagesde sablenoir, glaciers, volcans, prai-ries et champsde lavepermettentde

reproduire le décorden’importequelpays.»Cen’estpas tout. Pourattirerles tournages, l’Islanderembourse20%des fraisdeproductionetdesdépenses réaliséessurplace.

Grâceà cela, l’industrie cinémato-graphiquepèse71millionsd’eurosdans lepays, chiffrequi augmentetous lesans. Leplus: les filmssontunepublicitégrandeurnaturepourlesbeautésde l’île, attirant toujoursplusde touristes.

Les réalisateurs islandais sontmoinsenthousiastes. Lacoalitiondecentredroit aupouvoir a eneffet

réduitde40%lebudget2014 (de6,8à3,8millionsd’euros)duCentredufilmislandais, qui soutient,notam-mentgrâce àdes subventions, lesproductionsnationales.

«C’estuncoupdur, ditHronnMarinosdottir,directriceduFestivalinternationaldu filmdeReykjavik.Si le budget2015 estaussi sévère, cer-tainsdenos techniciensqualifiéspourraients’expatrier. Et ce seraaudétrimentdesproductionsaméricai-nes, qui ontbesoinde leurs serviceslorsqu’elles tournent ici.»p

M.C.

2 0123Jeudi 6mars 2014

Page 25: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

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D ans lacourseà lacompétiti-vitéquise jouedans lazoneeuro, la France abat ces

jours-ci une carte importante. Lespartenaires sociaux ont rendez-vous, mercredi 5mars, pour uneséance de discussions sur lescontrepartiesaupactederesponsa-bilitéproposémi-janvierpar Fran-çois Hollande. Le président de laRépubliqueapromisauxentrepri-ses 30milliards d’euros de baissedechargessocialesetfiscalesd’icià2017 et il attend en retour embau-chesetinvestissementspourrelan-cer l’économie française.

La France n’est pas seule à sefocaliser actuellement sur la bais-se du coût du travail pour amélio-rersacompétitivité.EnEspagne, lepremier ministre, Mariano Rajoy,a annoncé, le 25février, l’instaura-tion d’une cotisation patronaleunique de 100 euros mensuelspour toute création d’un CDId’une durée d’au moins trois ans.«Cela suppose, pour un salairebrutannuelde20000euros,que lemontant payé par l’entreprise encotisations sociales, par an, passe-ra de 5700 euros à 1200 euros», adétaillé le chef du gouvernement.EnItalie, l’unedespremièresinitia-tives du nouveau premier minis-tre,MatteoRenzi, a été depromet-tre 10milliards d’euros de réduc-tions de charges sociales et/ou fis-cales.

«Si laquestiondelacompétitivi-té se cristalliseautourdu thèmeducoût du travail, c’est parce qu’il

s’agit du levier le plus efficace àcourttermepouraméliorerlacom-pétitivité-coût des entreprises etd’une économie», explique DenisFerrand,directeurgénéraldeCOE-Rexecode.Améliorer la compétiti-vité hors-coût prend en revanchebeaucoupplus de temps.

Maislabaissedescharges,privi-légiéeparlaFrancedepuisledébutdesannées 1990,n’a pas été le pre-mier choix de ses voisins euro-péens, qui lui ont souvent préféréla modération salariale. Et siaujourd’hui ils semblent s’yconvertir, c’est sans doute plus

dansunelogiquedesoutienàl’em-ploiet à leurdemande internequedans l’idée d’aller décrocher desparts demarché.

«Inertie à la hausse»L’Allemagne, modèle euro-

péen de puissance exportatrice, aouvert la voie au début desannées 2000. Le coût du travailpar unité produite (CSU) – lamas-se salariale (salaires plus charges)divisée par la richesse produite(PIB) – « a évolué au ralentientre2002 et 2007, sous l’impul-sion du chancelier [Gerhard]Schröder», explique M.Ferrand.Ce n’est qu’ensuite que le pays aprocédé à des baisses de charges,notammentparcequ’ellepouvaitse le permettre grâce à un soldebudgétaire revenu à l’équilibre.

En Espagne ou en Irlande, oùles CSU ont augmenté à un ryth-mebienplusrapidequ’enAllema-gne sur lamêmepériode, les ajus-tementsontététrèsrapidesetvio-lents à compter de 2010, avec à laclé une explosion du nombre dechômeurs. «En Espagne, l’amélio-ration de la productivité et de lacompétitivité de l’économie estpassée par une réduction de la

masse salariale, d’abord via lenombre de travailleurs et ensuitemécaniquement par le canal dessalaires », explique BénédicteKukla, économiste chez Créditagricole SA. A l’avenir, estimel’économiste, le coût du travailespagnoldevrait cesser de reculerpoursestabiliser.Lesgainsdepro-ductivité devraient donc se pour-suivre mais à un rythme moin-dre.

EnFranceouenItalie,onobser-veunevéritable«inertieà lahaus-se » des coûts du travail, noteM. Ferrand. Ainsi, alors qu’en2000 le coût salarial horaire étaitinférieur de 7,3% en France parrapportà l’Allemagne, il l’adépas-

sé dès 2004et le lui est désormaissupérieur de 8,9%.

L’écart entre l’Italie et l’Allema-gne s’est quant à lui resserré endéfaveur de l’économie transalpi-ne. Il n’est sans doute pas anodinde pointer que l’Italie depuis lesannées 2000 et la France depuisles années 1990 sont deux paysquiontleplus jouédel’outilbaissedescotisationssocialespatronalespour soutenir leurs entreprises.

Ailleurs, comme au Portugal,c’est l’outil fiscal qui est privilégiépour doper la compétitivité. AinsiLisbonnevaréduirel’impôtsur lessociétés. A 25% en 2013, il devraitêtre ramené à 23% en 2014 et 17%en 2016. L’essentiel des efforts de

l’exécutifportugaisdepuis la criseaconsistéàaméliorerl’environne-mentéconomiquedes entrepriseset à cibler les fonctionnaires dontles salaires avaient bien plus aug-menté avant la crise que ceux duprivé, expliqueMmeKukla.

Au Royaume-Uni, qui n’appar-tient pas à la zone euro, l’outilmonétaire et la dévaluation de lalivreontpermisà laGrande-Breta-gne,qui saitaussi jouerde la carot-te fiscale, de restaurer une partiede sa compétitivité perdue.

Danscettecourseàlacompétiti-vité, la France part aujourd’huiavecdixansderetardsur l’Allema-gne. Surtout, estime DenisFerrand, elle n’a pas chaussé lesbonnes baskets. «Avec le créditd’impôt pour la compétitivité etl’emploiet le pactede responsabili-té, le gouvernement vise deux liè-vres : l’amélioration de l’emploi etla compétitivité. Or cesmesures nesont pas calibrées pour aider lesentreprisesexportatrices…», regret-te-t-il. Et on s’interroge sur le délaiqui s’écoulera entre la mise enœuvre de ces dispositifs et l’amé-lioration desmarges des entrepri-ses, les décisions d’investir et lahaussede la demande.

L’autre question que pose cettecompétition entre les pays de lazone euro est celle de ses consé-quences. Ces politiques claire-ment non coopératives risquentdesetraduireparunedemandeausein de la zone qui resterait dura-blement en berne. Voire par unappauvrissement généralisé encas de déflation. p

AnneEvenoLa compétitivité économiqueC’est, selon l’Organisationde coo-pération et de développementéconomiques, «la latitude dontdispose un pays pour produire desbiens et services qui satisfont auxnormes internationales du mar-ché tout en augmentant simulta-nément les revenus réels de seshabitants dans le long terme».

La compétitivité-coût Elle com-pare l’évolution des coûts sala-riaux unitaires de la France à celle

de ses partenaires. De même, lacompétitivité-prix compare l’évo-lution de nos prix d’exportation àcelle de nos partenaires.

La compétitivité hors coût dési-gne les facteurs autres que lesprix et les coûts qui contribuent àla compétitivité.C’estparexemplelaqualité, l’inno-vation, l’imagedemarque, la logis-tique, lesdélaisdelivraison, lepro-cessus de vente, l’ergonomie, ledesign, etc.

LafollecourseàlacompétitivitédesEuropéensFrance,Espagne, Italie jouent lacartede labaisseducoûtdutravail.Danscettebagarre, l’Allemagneadixansd’avance

BruxellessommeParisderespectersesengagementsenmatièredebaissedudéficit

Dans lemaquis des indicateurs

SOURCE : EUROSTAT COE REXECODE*Estimations

Le match de la compétitivité salarialeCOÛTSALARIALUNITAIRE, base 100 en 2005

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013*

100

119,51 Italie

114,89 France

109,81

115,47

115,03

107,96

104,98104,43103,18

96,33

111,94

111,65

115,6

104,57

92,58

104,9

88,21

109,83 Allemagne

104,6 Espagne

98,2 Royaume-Uni

LACOMMISSIONeuropéenneattendbeaucoupdupactede res-ponsabilitémis enchantierparFrançoisHollande.PourBruxelles,leproblèmede compétitivitéde laFrancene s’améliorepaset sadéri-vebudgétaire inquièteauplushautpoint.

Le commissairechargédesaffai-res économiques,Olli Rehn,devaitprésenter,mercredi 5mars, sonbilandespayseuropéensquiontfait l’objetdumécanismed’alerteennovembre2013, et la Franceyoccupeuneplacede choix.

Grandepremière,M.Rehnutili-seunenouvelleprocédureà l’en-contrede la France (et de la Slové-nie): faceaurisquededérapagedudéficitbudgétaire français –laCommissionprévoitqu’il repré-sentera4%duproduit intérieurbrut (PIB)en2014,au lieude l’objec-tif de3,6%fixéàParis–, Bruxellesexercera«uncontrôle spécifique»descomptespublics français.

Il y amoinsd’unan,Bruxellesavait accordéundélaidedeuxansà la Francepouratteindre les 3%dedéficitprévuspar lepactedesta-bilitéà fin2015. ElledoutequeParispuisseyparvenir sansmulti-plier les coupesdans lesdépensespubliques.Elle adoncdécidédelancer cetteprocédure,quinenécessitepar l’aval desministresdes finances:Bercyest somméderéduiredrastiquementet rapide-ment ledéficit budgétaireen«cou-pantdans les dépenses», afindetenir le capdes3%en2015.

LaCommissions’inquièteaussi

de la«détériorationde labalancecommercialeetde la compétitivi-té» françaises, etdu«hautniveaud’endettementdu secteurpublic».Elle réitèresespréoccupations: fai-ble rentabilitédesentrepriseshexagonales, coûtdu travail,man-quede flexibilité etouverture limi-téedes servicesà la concurrenceconstituentautantde«déséquili-bres»et créentun«environne-mentdéfavorableauxaffaires».

L’Italie, autremauvais élèveSi la situationest jugée«sérieu-

se»pour la France, celle-ci restedans la catégoriedesEtats endésé-quilibre simple, sanspasserdanscellepluspréoccupanteetpluscontraignantedespaysen«désé-quilibresexcessifs». Aucontrairede l’Italie, quidevrait rejoindre lepelotondespaysàproblèmesmacroéconomiquesde l’Europe,avec la Slovénieet laCroatie.

LenouveauprésidentduConseil,MatteoRenzi,n’aurapasde tropd’une réformeparmois–promised’ici à juin–pour réta-blir la confiancedans l’économietransalpine, confrontéeàuntrèsfort tauxd’endettementpublic etàunepannedecompétitivité.L’Ita-lie remplacedans cette catégoriel’Espagne,qui confirme le redresse-mentrelatif de sonéconomie:Madridreste endéséquilibre,maiscelui-cin’estplus jugéexcessif.

LaFranceet l’Italiepourrontseconsolerdevoir arriverunautremauvaisélève: l’Allemagne.Bruxelles confirmeque lepays fait

l’objetd’undéséquilibremacroéco-nomique, en raisondeses excé-dents. Le surplusdeses comptescourantsest, depuis troisans,au-dessusduseuil de6% identifiéàBruxelles commeproblémati-que,dans le cadredunouveaudis-positifde surveillancemacroéco-nomiqueforgéauplus fortde lacrisede la zoneeuro.

A l’issued’unepremièreenquê-tepréliminaire lancéeà l’automne2013, laCommissionnemetpas encause lapuissanceexportatricedel’Allemagne,maisplutôt la faibles-sede saconsommation intérieureet sonmanqued’investissementsdans les infrastructures.Deuxdéfautsque le gouvernementdecoalitionentre laCDUet lessociaux-démocratesespèrepou-voir corriger avec l’instaurationd’unsalaireminimumetunepoli-tiquedegrands travaux.

Cetteprocédured’enquêteapprofondieneprévoitpasdesanctions,mais viseàmettre lapressionsur lespaysendéséquili-bre. Elle aété crééependant la crisede l’europourmettreenplace lesmécanismesdecontrôle afindelimiter lesdérapagescommeceluide laGrèceà la findesannées2000.Cette fois, laCom-missionne se contentepasdedis-tribuerdesmauvaispoints: leDanemark, le LuxembourgetMal-teont corrigé leursdéséquilibreset sont sortisde la liste. p

PhilippeRicard(Bruxelles, bureau européen)

etAlain Salles

30123Jeudi 6mars 2014

Page 26: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

économie& entreprise

AGenève

L ’heureétait aux«mini-citadi-nes» pour l’ouverture duSalonde l’automobileàGenè-

ve,mardi4mars.Quatrenouveauxmodèlesontétédévoilés.Renaultaprésenté la troisième générationdesaTwingo,dontleprofil ressem-ble à celui de la Fiat500, numéroun du segment. Peugeot a lancé sa108 à l’allure très «bourgeoise»,tandis que Citroën propose unenouvelle C1 à la «bouille irrésisti-ble», selon ses dires. Le japonaisToyota a, lui, dévoilé la secondegénérationde sonAygo.

Cette série d’annonces peutparaître d’autant plus étonnantequ’il ne s’est vendu, en 2013, qu’unmillion de «minis», soit moins de8%dumarché européen global. Etqu’aucun constructeur ne sembledégager de profits sur ces petitsvéhicules, concurrencés par lescitadines à bas coûts, bien moinschères.

«Ils sont persuadés que le publicsouhaite des véhicules toujourspluspetitspour les villes, etque, s’ilss’absentent de ce segment, ils per-dront des clients, explique un pro-fessionnel. Pourtant, rares sont lessuccès, à part la Fiat500.» «La ges-tation de toutes ces voitures a eulieu au cœur de la crise, en 2009,quandlesprimesàlacasseontpous-sé ce segment au-delà de 1,5milliond’immatriculations (12% du mar-ché)», rappelle Bertrand Rakoto,analysteà latêtedeD3Intelligence.

Avec les nouvelles venues, lecabinet Inovev anticipe d’ailleursune remontée de ce segment devéhicules à 12% du marché d’ici à2016.

«Quand vous êtes un généralis-te, qui plus est un spécialiste demoyennes et petites voitures, il estgênant de pas avoir demini-citadi-nes», relève JérômeStoll, directeurcommercial de Renault. «Si vous

voulez couvrir le cœur du marchéeuropéen, il faut offrir une paletteallant desmini-citadines aux berli-nes», confirmeDidierLeroy, lepré-sidentdeToyota enEurope.

Autre avantage pour lesconstructeurs: ces petits modèles,plus sobres, permettent de fairebaisser la moyenne des émissionsde CO2 de la flotte vendue par cha-quemarque, qui sera limitée après2020à95grammesdeCO2.

Avec des petits modèles, lesconstructeurspensentaussiattirerune clientèle plus jeune. ChezRenault et Toyota, l’âgemoyendesacheteurs d’une Twingo ou d’uneAygo est de 40ans, contre plus de50anspour le restede lagamme.

Personnaliser les véhiculesReste à traiter la question de la

rentabilité de ces véhicules. «Nousne lançons jamais de véhicule pourperdre de l’argent, rétorqueM.Leroy. Rendre profitable cettevoitureimposederevoirnotrestruc-turedecoûtset,surtout,delesparta-geravecunpartenaire.»

Laplupartdesconstructeurss’al-lient donc pour amortir, grâce auxvolumes(aubasmot200000véhi-cules), cesmodèles vendus àpartirde10000eurosetpourlesquelslesmarges sont de quelques pourcent.

Toyota s’est associé à PSA Peu-geot-Citroën. Renault s’est rappro-chéde l’allemandDaimler,maisonmère de Smart. Les sud-coréensHyundai et Kia partagent lesmêmesbases techniquespour leuri10 et Picanto, tandis que l’alle-mandVolkswagenadéveloppé sesUp! (marque Volkswagen), Mii(marque Seat) et Citigo (marqueSkoda) sur lamêmeplate-forme.

L’italien Fiat, qui produit la Kade l’américain Ford, sera bientôtseul. Mais il écoule chaque annéeplusde 300000mini-citadines…

Les constructeurs jouent aussi

la carte de la localisation des pro-ductions dans des pays à bas coûtsdemain-d’œuvre,delaRépubliquetchèque(PSA,Toyota,Volkswagen)à la Turquie (Hyundai), en passantpar la Pologne (Fiat) ou la Slovénie(Renault). Smart, qui produit enFrance,etl’allemandOpel,quifabri-que son Adam en Allemagne, sontles seules exceptions.

«Cette localisation ne fait pastout, il faut que l’usine tourne aumaximumdesacapacitépourtenirles coûts», précise M.Leroy. «Pourgagner de l’argent sur lesminis, lesconstructeurs multiplient lesoptionsdepersonnalisation», indi-queM.Rakoto. «Si le client obtientce qu’il souhaite, il est générale-ment prêt à payer pour», résume

FrédéricBanzet,lepatrondelamar-queCitroën.

Après l’Adam d’Opel, Renault,ToyotaouPSApoussentàlaperson-nalisation: il sera possible de créerle véhicule à son image, avec la oulescouleursdecarrosserieoul’inté-rieur de son choix. «Certainesoptions, comme des stickers, coû-tent peu à produire, mais permet-

tent d’augmenter significative-ment le prix de la voiture», relèveM.Rakoto. L’autre avantage, pour-suit-il, estdecontribueràrestaurerles marges des réseaux commer-ciaux.«Cesontlesconcessionnairesquimettent en place nombre d’op-tions. Il peuvent ainsi augmenterleurs revenus.» p

Philippe Jacqué

MarkPigott, l’oncled’AmériquedelaBNF

P arce qu’elle englobe désor-maisseptdesdixpaysdontlacroissanceest la plus forte au

monde, l’Afrique subsahariennedevient l’objet d’une stratégie deconquête très disputée entregrandsacteursmondiauxdelacos-métique.

Laclassemoyenne,qui consom-mece typedeproduits, y représen-tedéjàplusde300millionsd’habi-tants, autant qu’en Inde ou enChine. Et, selon l’African Develop-mentBank,elledevraitatteindre lecapdumilliarddepersonnesd’icià2060.Uneétude,publiéeendécem-bre2013 par le cabinet Roland Ber-ger, affirme que ce marché de labeauté et des soins enAfrique pas-sera de 6,9milliards d’euros en2012à 10,5milliardsen2017.

Ces chiffres, qui sont ceux d’Eu-romonitor, parient sur une crois-sance beaucoup plus forte (+10%par an en moyenne entre2007 et2017)qu’ailleursdans lemonde.

Ces statistiques sont toutefoisdifficilementcomparablesaveccel-les données par les grands acteurseux-mêmes, puisque ce périmètre– très large – inclut les produitsd’hygiène. L’Oréal, par exemple,évalue le seulmarché des cosméti-ques (hors savon, dentifrice…) enAfriqueà 2,7milliardsd’euros.

Pionnier dans la région d’Afri-que subsaharienne, où il est pré-sent depuis le début du XXesiècle,l’anglo-néerlandais Unilever reste,de loin, le principal acteur avec,selon Euromonitor, plus de 16,4%departsdemarché.

Le groupe n’est pas seulementbien implanté dans les pays lesplusriches, enAfriqueduSudetauNigeria, mais il a aussi introduitmassivement ses produits, en les

adaptantavecune«touche africai-ne»,auKenyaouenEthiopie.Unile-ver, qui a acquis lamarque africai-ne Alberto Culver dès 2001, vaouvrir un nouveau site de produc-tionenAfriqueduSud.

L’Oréal, le numéro deux de cemarché, n’est pas en reste. Le grou-pe français,qui comptevendre cet-te année 170millions de produits,

revendique, selon Geoff Skingsley,le directeur général de la zoneAfri-que-Moyen-Orient,8%departsdemarché en Afrique. En se donnantpourobjectif de conserver dans lesannéesàvenirunecroissancedeuxfoisplus importantequecelledesamaisonmère, ilespèrerattraperunjourUnilever.

Pour compléter ses deuxusinesen Afrique du Sud et au Kenya,L’Oréalaouvertunnouveausitedeproductionen Egypte, à l’automne2013, et cherche à ouvrir une qua-trièmeusine enAfriquede l’Ouest,qui seraitopérationnelleen2015.

L’Oréal s’appuie sur vingt-cinqansderecherchesurlescaractéristi-ques des cheveux et de la peau desAfricaines pour mettre au pointdesformulesadaptées.Selonlader-matologueMichèleVerschoore, deladirectionscientifiqueinternatio-nale, le cheveuafricainest plus fra-gile, plus sec, plus difficile à coifferetpoussepluslentementqueleche-veu européen. L’Oréal a lui aussiacquis desmarques locales, à com-mencer par les produits capillairesSoftsheenCarsonouDark&Lovely– le numéro un mondial des pro-duitsdedéfrisagedescheveux.

En 2013, le groupe a acheté lamarquekényanede soins du corpsNice &Lovely. Au total, 60% des

ventes de L’Oréal en Afrique pro-viennent de marques africaines(dont les produits Mizani destinésauxsalonsdecoiffure).

Procter &Gamble a, lui, l’ambi-tiondequadruplersesventesd’icià2020etconcentreseseffortssurlespays africains les plus rentables,l’AfriqueduSudet leNigeria.L’alle-mand Beiersdorf (Nivea) est aussiprésent depuis longtemps en Afri-que. D’importants groupesindiens, commeMarico ouGodrej,multiplientdepuis peu les acquisi-tions. Ce dernier a pris le contrôlede Darling Group au Kenya et deTura, unemarque de cosmétiquesnigérienne. Des groupes chinoisarriventégalementsur cemarché.

Tous doivent s’adapter auxdemandes spécifiques du marchéetproposerdestoutespetitesdosesde produit (moins de 100 millili-tres)vendues trèspeucher.

Pour l’heure, le parfum restepeu commercialisé sur ce conti-nent,fautederéseaudeventeadap-té. La distribution reste très frag-mentée et passe très majoritaire-ment par des échoppes, des mar-chés ou des épiceries. Il n’existe degrandes enseignes spécialiséescomme ShopRite ou Metcashqu’enAfriqueduSud.p

NicoleVulser

La troisième génération de la Twingo de Renault présentée au Salon de Genève, le 4mars. FABRICE COFFRINI/AFP

Lesmini-citadines,grosenjeuxpourl’automobileenEuropeRenault,Peugeot,CitroënetToyotaontdévoiléquatrenouveauxmodèlesauSalondeGenève

CarlosTavaresdressesalistedesprioritéspourPSA

P our laBibliothèquenationa-le de France (BNF), qui arécemmentpris l’eau, c’est

une excellentenouvelle.Mardi4mars, elle a reçuundon excep-tionnel d’unmilliond’eurosde lapart d’un industriel américain,francophileet philanthrope.

MarkPigott, 59ans, est l’incon-nudeSeattle. Il està la têtede l’en-treprise familialePaccar, fondéepar sonarrière-grand-pèreWilliamPigott Sr (1860-1929).Cet-te sociétéprésenteenFrance, avecsa filialeDAFTrucksquiyemploie1500personnes, est enpointedans lesbiensd’équipementdetransport.Descendantd’immi-grés irlandais, il n’apasde liensdirectsavec la France, saufunepassiondans sa jeunessepour leTourdeFrance.Mais chez lesPigott,depuisquatregénérations,il existeune longue traditiondemécénatauprèsdesgrandes insti-tutionsuniversitairesouculturel-lesqui les conduità faireprofiterde leurs largessesàdesbibliothè-quesoudesuniversitésauxEtats-Unis,mais aussienEurope.

Récemment,M.Pigott aaidé laBritishLibrary, l’équivalentbritan-niquede laBNF, et l’universitédeCambridge.EnFrance, leMuséeduLouvreadéjà reçu le soutienduMarkPigottLectureandResearchFund,à l’occasionde l’ex-

position«NewFrontier» consa-créeà l’art américainen2012.

«Il s’agitde l’undesplus impor-tantsdons faitsdans l’histoirede laBNF, en tout casdepuis la créationdusiteFrançois-Mitterrand», préci-seBrunoRacine,présidentde l’éta-blissementpublic.«Dansuncontexteéconomiquetrèscontraint, c’estuneheureusenou-velle et celadémontre leprestigeetle rayonnementde laBNF,horsdenos frontières»,ajoute-t-il.

Restaurer des boiseriesLe fondsendotationcréépar

M.Pigottvapermettrede soutenirdesboursesde recherche,de res-taurer lesboiseriesduXVIIIesièclede la sallede lecturedudéparte-mentdesmanuscritssur le siteRichelieuetd’acquérirunmicros-copevidéo3Dhautedéfinition,pour le laboratoiredeconserva-tionde labibliothèque.

M.Pigott sera l’undeshôtesdemarquedudéjeunerdesbienfai-teursde laBNForganiséen juin.«Peut-êtrequecelapermettrad’élargir le cercledenosmécènesàd’autres fortunesaméricaines», seprendàrêverM.Racine,dont l’ins-titutionavait annoncéen janvierqu’elle renonçaitàorganiserdegrandesexpositions, fautedemoyens. p

AlainBeuve-Méry

LaclassemoyenneenAfriquereprésente

déjàplusde300millionsd’habitants,

autantqu’enIndeouenChine

Lesgrandsacteursmondiauxdescosmétiquess’affrontentsurunmarchéafricaintrèsprometteurL’Oréal comptevendrecetteannée170millionsdeproduits enAfrique

TOUTACOMMENCÉparunpetit«couac»decommunication.AlorsqueCarlosTavares, le futurprési-dentdudirectoiredePSAPeugeotCitroën,devait réserver, selon legroupe, sespremièresparolesà lapresseauSalondeGenève–qui aouvert sesportesmardi 4mars–, ila accordéunentretien,dès lundi, àunsite Internet7PMNewset à latélévisiondeReuters.

L’ex-numérodeuxdeRenault,qui remplaceraofficiellementPhi-lippeVarin finmars, entend fairesavoirqu’il serabientôtnuméroun.C’estque lepersonnageestdirectetnes’en laissepas compter.Aprèsdeuxmoisd’auscultationdugroupe, il a déjàbienen tête sonplanpour«revenirdans la cour-se», qui seradévoilémi-avril.

M.Tavaresentendconcentrerunepartiedesonénergie sur ledéveloppementd’unnombre limi-tédenouveauxproduits.«Pourgagnerde l’argent, a-t-il confiéà lapresse,mardi,nousdevonsavoirdesproduitsque les gensveulent.Il faut concentrernosmoyenssurquelquesvoituresqui ferontladifférence.»

«Gaspillage de ressources»PSAnedevraitpaspourautant

réduireenEurope lesgammesPeu-geot, CitroënetDS (quideviendraprogressivementunemarquepro-pre).Mais il le fera significative-mentenRussie et enAmériquelatine, deuxzonesoù le construc-teurn’arrivepasàgagnerde l’ar-gentaprèsdenombreusesannées

deprésence.C’est enpartieà ceprixque le grouperetrouvera larentabilitéperduedepuis la findel’année2011, assureM.Tavares.

Côté industriel, le futurpatronjugequ’il existe«ungrandpoten-tiel d’améliorationdesusines».«Celanepassepasparunebaissedeseffectifs», précise-t-il,maisavant toutparune«meilleureeffi-cience»des sites et, à l’internatio-nal, parune«attitudemoinsnaïveetplus cynique»quand il s’agit dedimensionner la capacité indus-triellepar rapport aumarché.

L’usinedeKaluga, enRussie,prévuepourproduire100000véhicules, enaainsipro-duit àpeine20000en2013.«C’estdugaspillagede ressources», jugeM.Tavares.

AlorsquePSApeineàproduireàdes coûts compétitifs sur leVieuxContinent, la rumeurd’unenouvelleusineà lapériphériedel’Europepourproduiremoinscher, notamment les citadines, arécemmentressurgi.«Pour l’ins-tant, cen’est pasdu tout sur latable», insisteM.Tavares.

D’autant, ajoute-t-il, que«j’aidesusines enpériphériedenotrepaysqui sontàdesniveauxdecoûts compétitifs etne sontpassaturées, commeTrnava[Slovaquie], Vigo [Espagne]etMan-gualde [Portugal]». «Quandonades capacitésdisponibles, onn’apasbesoind’unsite deplus. C’estunequestiondebon sens», trancheM.Tavares.p

Ph. J. (à Genève)

4 0123Jeudi 6mars 2014

Page 27: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

économie& entreprise

il est tempsde parler d’économie

8H30DULUNDIAUVENDREDI

SUR

ShanghaïCorrespondance

L e gouvernement chinois ten-te l’équilibre entre préserva-tion de son taux de croissan-

ce et engagementde réformeséco-nomiques profondes qui affecte-ront laperformanceà court terme.Le premier ministre, Li Keqiang,maintientpour2014unobjectifdecroissance «modérément élevé»,similaire aux deux années précé-dentes de 7,5% de progression duproduitintérieurbrut(PIB).Cechif-fre est cette fois-ci précédé de l’ad-verbe «zuoyou», littéralement«environ»,carlaChineavaittermi-né l’année 2013 à 7,7% de croissan-ce, tout juste au-dessus de l’objec-tif officielqu’il était auparavantdecoutumede survolerde trèshaut.

Mercredi 5mars au matin, enouverturedelasessionannuelledel’Assembléenationalepopulaire, lechef de gouvernement a d’ailleursportéun regard lucide sur les diffi-cultés pesant désormais sur ladeuxièmeéconomiemondiale.

«Les conditions de base sur les-quelles est fondé le développementsubissent de profonds change-ments,desproblèmesdefondémer-gent, de douloureux ajustementsstructurels doivent être engagés, lerythme de la croissance économi-que change et les pressions négati-ves sur l’économie demeurent for-tes», s’est lamenté Li Keqiang sousla grande étoile rouge du plafondduPalaisduPeupleet faceàunpar-terredeprèsde3000officiels.

Li Keqiang était attendu sur lerythmedesréformespromisesà lami-novembre2013àl’issuedutroi-sièmeplénumduParticommunis-te chinois (PCC).En ce qui concer-ne la convertibilité du yuan et lafixation par le marché des tauxd’intérêt, deux sujets sur lesquelsla volonté de Pékin ne fait plusdébatmaisoù toutest questiondecalendrier, le gouvernementannonce les prochaines étapes.Alorsquelesautoritésfixentquoti-diennement un cours pivot faceaux devises étrangères au-dessuset en deçà duquel le marché nepeut faire bouger la monnaie quede 1%, le premierministre s’enga-

geà élargir labandede fluctuationdu tauxde change.

Quant aux taux d’intérêt prati-qués par les banques, thème surlequel Pékin a déjà avancé enjuillet2013 en cessant de fixer lecoût des crédits, un pas est franchivers la libéralisation de la rémuné-rationdel’épargne.LiKeqiangs’en-gage à établir un mécanisme degarantie sur les dépôts, le pré-requis pour protéger les épar-gnants avant d’introduire plus derémunérationetdoncde risque.

Réputé réformateur mais aussiéclipsécesderniersmoispar lepré-sident Xi Jinping, Li Keqiang étaitnotammentattendusurlapartie laplus délicate des réformes écono-mique: toucher aux très puissan-tes entreprises publiques et à leursprivilèges exorbitants, désormaisperçus comme un fardeau pesantsur lamodernisationchinoise.

Les résistances sont colossales.Le lobby des groupes automobilesétatiques, l’Association desconstructeurs automobiles deChine, bloque l’ouverture auxétrangers dumarché chinois – quise voient toujours imposerunpar-

tenaire local à 50%. «Les limita-tionsactuellesn’ontpasaffecté l’en-thousiasmedesconstructeursétran-gers investissant en Chine, doncpourquoi la Chine devrait-elle êtreplusouverte»,s’interrogeaitrécem-ment Dong Yang, son secrétaire-

général. De même, les banquesfont, elles, pression sur les autori-tés pour qu’elles réglemententdavantage les nouveaux place-ments très attractifs proposés parles géants du Net chinois, qui fontconcurrenceauxinstitutionsfinan-cières traditionnelles.

Lepremierministredoitdonnerdesgages. Il répèteà trentereprisesle terme «marché» et promet de«le laisser décider quelles affairessurvivent». Concrètement, il dési-

gne les secteurs – banque, pétrole,électricité, ferroviaire, télécommu-nications, ressources et services aupublic – dans lesquels le «capitalnon-étatique» pourra participer àun certain nombre de projets, res-tantàdéfinir.

Dès mercredi matin le géantpétrolier public CNPC, plus connusous le nom de sa filiale cotéePetrochina, annonce qu’il s’ouvri-ra aux participations du privédans la constructiond’oléoducs, ledéveloppement des gaz non-conventionnels (gaz de schiste) etles investissementsà l’étranger.

Depuis son arrivée au pouvoir,Xi Jinping a pris le secteur pétro-lier et surtout Petrochina commeemblème des dérives quasimafieuses dans la gestion de cer-tainsgrandsgroupesétatiques,fai-santarrêternombredesesanciensdirigeants et mettant celui que lapresse chinoise désigne désor-maiscommel’ancienparraindecesystème, l’ex-membre du Comitépermanent chargé de la sécuriténationale,ZhouYongkang,aujour-d’hui en grandedifficulté.p

HaroldThibault

C ’est un nouveau revers pourla sidérurgie française.Ancienne filiale d’Usinor, le

groupe Ascométal, qui emploie1900 salariés dans l’Hexagone,s’est déclaré, lundi 3mars, en étatde cessation de paiement auprèsdu tribunal de commerce de Nan-terre (Hauts-de-Seine), a-t-onappris de source syndicale.

«La direction nous a annoncéqu’elle allait déposer jeudi unedemandedemise en redressementjudiciairedevantletribunal»,assu-re au Monde Christian Pantous-tier,déléguéCGTàl’usineAscomé-tal de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), la plus importante dugroupe avec celles de Dunkerque(Nord) et d’Hagondange (Moselle).

Spécialiste des aciers spéciauxpour l’automobile et l’industriepétrolière, Ascométal est depuisplusieursmois l’objetd’unbras defer entre son actionnaire, le fondsd’investissement américain Apol-lo, et ses banques, américaineselles aussi, Morgan Stanley etBankofAmerica.

«Ascométal a été repris en LBO[achat avec effet de levier] en 2011et porte une dette de 360millionsd’euros dont elle n’arrive plus àpayer les échéances», explique unprochedu sidérurgiste français.

Concrètement, Ascométal doitrembourser chaque année 37mil-lions d’euros d’intérêts, sans par-lerdeladetteelle-même,unechar-ge insupportable pour une entre-prisequiaréaliséunchiffred’affai-res de 731millions d’euros et enre-gistré une perte nette de 59mil-lionsd’euros en 2012.

Un compromis semblait pour-tant avoir été trouvé il y a quin-

zejours : Bank of America et Mor-gan Stanley, qui ont pris Roths-childpourconseil, avaient acceptédeconvertirleurscréancesencapi-tal, ce qui leur aurait donné 49%de l’entreprise. En échange, Apol-lo, qui conservait 51% du capital,s’engageait à réinvestir 50mil-lionsd’euros dansAscométal.

«Tout s’est bloqué ces derniersjours sur des questions de gouver-nance et Apollo essaie de passer enforce, assure un proche des négo-ciations.Maissemettreenredresse-mentjudiciaire,c’estouvrir laboîtede Pandore.»

Pris en otageSelon nos informations, la ban-

queMessierMarisetAssociés,quiaété mandatée par Ascométal,aurait en effet trouvé cinq indus-triels, européens mais égalementétrangers,prêtsàdéposeruneoffredereprisetotaleoupartielledel’en-trepriseauprèsdutribunaldeNan-terre.LebrésilienGerdauseraitl’undescandidats lesplus sérieux.

ABercy, où l’onsurveille cedos-sier comme le lait sur le feu, ondisait continuer à négocier d’arra-che-pied pour éviter d’ici à jeudicette mise en redressement judi-ciaire, dont les conséquences sontdifficilementmesurables.

«On assiste à une bataille entreun fonds et des banques américai-nes dans laquelle un fleuron indus-triel français est pris en otage etvoit sa surviemenacée, ce n’est pasacceptable», explique-t-on dansl’entourage d’Arnaud Monte-bourg, le ministre du redresse-mentproductif.p

IsabelleChaperonetCédric Pietralunga

L’aciéristeAscométaldéposesonbilanpourapurersadetteL’actionnaireaméricain, le fondsApollo,estenconflit avec lesbanquescréancières

LegéantpétrolierpublicCNPCaannoncé

qu’ils’ouvriraauxparticipations

duprivé

Le premierministre chinois, Li Keqiang, lors l’ouverture de la session annuellede l’Assemblée nationale populaire, mercredi 5mars. ANDYWONG/AP

AuJapon, leshaussesdessalairesetdelaconsommationsemblentinsuffisantespourréveiller l’inflationLesentreprisesprivilégient lesprimes, et lesachatsde janvieranticipent lahaussede laTVA

RESTAURATION

LegroupeEliorveutretournerenBourseavantl’étéLe groupede restauration collective et commercialeElior a lancésonprocessusd’introductionenBourse, envue d’être coté àParis«d’ici l’été», a-t-il annoncémardi 4mars. Les fonds Charte-rhouse et Chequers, principauxactionnairesd’Elior, aux côtésdu fondateurRobert Zolade, cherchaientde longuedate à vendreleurparticipation. Elior a réalisé lors de l’exercice clos fin septem-bre2013un chiffre d’affairesprochede 5milliardsd’euros, à 40%à l’étranger. – (AFP.) p

EquipementBond de49%dubénéfice d’AdidasL’équipementier sportif allemandAdidas a annoncé,mercredi5mars, unbénéficenet enhaussede 49%, à 787millionsd’eurosen2013. Le PDG,HerbertHainer, dont lemandat a été renouvelépourdeuxans, compte sur leMondial de football auBrésil pouraccélérer l’allure en 2014. – (AFP.)

EnergieL’Algérie annule un projet avec TotalLepétrolieralgérienSonatrachadécidéd’annulerunprojetdeconstructiond’uneusinedevapocraquaged’éthaneennégocia-tionavecTotal, en raisond’undésaccordsur leprixdugaz. Sona-trachetTotal avaient signéen2007uncontratestiméà5milliardsdedollars (3,6milliardsd’euros)pour sa réalisation.– (AFP.)

Mines Imerys relève encore son offre sur AmcolLeproducteur français deminéraux industriels Imerys a denouveau relevé,mardi 4mars, sonoffre d’achat sur l’américainAmcol, auprix de 45,25dollars par action, afin de contrer celle deson rivalMineral Technologies. La nouvelleoffre valoriseAmcolà 1,7milliard dedollars (1,2milliardd’euros). – (AFP.)

Vidéo FilmoTVet Videofutur fusionnentLes deuxacteurs français de la vidéo à la demandeFilmoTVetVideofutur, ont annoncé,mardi 4mars, qu’ils créaientunpartenariatdans la vidéoà la demandepar abonnement.

LepremierministrechinoisentendlibéraliserplusieurssecteursLiKeqiangassurequeleprivéparticiperaàdesprojetsdanslabanqueoul’énergie

TokyoCorrespondance

L a fin du «shunto» approche.Les traditionnelles négocia-tionssalarialesduprintemps

au Japon se terminent le 12mars.Leurs résultats sont attendus parles salariés,mais aussi par ungou-vernementquicomptesurlesaug-mentations de revenus pourgagner son pari d’une inflation à2%d’ici au début de 2015.

Mercredi5mars,Toyotarencon-trait les représentants du person-nelpour la troisièmefoisdepuis ledébut du shunto en février. Leconstructeur automobile a déjàacceptéunehaussedes bonusver-sés en été et en hiver. Sur le pointde dégager des profits record àl’exercice2013 clos fin mars, legroupedeNagoya devrait verser àchaque salarié, en 2014, un mon-tantdebonussupérieurà2,08mil-lionsdeyens(14863euros), lasom-me accordée en 2013. Un accordsur une augmentation du salairedebaseseraitunepremièredepuis2008.

Mardi, la presse nippone faisaitsavoir que Panasonic pourrait fai-redemême.Aprèsdeuxansdeper-tes, le géant de l’électroniquedevrait renouer avec les bénéfices

et en faire profiter ses salariés.Toshiba, Hitachi ou encore Fujit-su… l’augmentation du salaire debases’échelonneraitentre1000et2000 yens (entre 7,1 et 14,2 euros)par salarié et par mois, un plusjamais observé depuis 2008,maisloin des 4000yens réclamés enmoyennepar les syndicats.

En acceptant ces augmenta-tions, les grands groupes sem-blent davantage répondre auxpressions du gouvernement quesuivrelesexigencesdeleursactivi-tés. Le premier ministre, ShinzoAbe, souhaite que la hausse dessalaires accompagne, voire pren-ne le relais, des deux «flèches» –dépense publique et assouplisse-ment monétaire – des «Abeno-mics» – lesmesures économiquesde son gouvernement – pour sou-tenir l’économie.

Signe positif pour lui, en jan-vier, le salaire de base a augmentépour la première fois en deux ansselonleschiffresdévoilésle4marsparleministèredutravail.Lahaus-se a atteint 0,1% pour un salairemoyen de 239 156 yens(1709euros), même si le total desgains, primes comprises, a reculéde0,2%.

Ces chiffres accompagnaientceux de la consommation, en pro-

gressionde 1,1% en janvier et de laproductionindustrielle,enhaussede 4%, un record depuis juin2011.De quoi espérer une croissancesoutenue au premier trimestre.Guèreplus, car les donnéesde jan-vier traduisent l’anticipation parlesconsommateursdel’augmenta-tion de la TVA de 5% à 8% le1eravril. Il s’estvendutroisfoisplusde réfrigérateurs en janvier qu’aumêmemois en 2013. Les ventes detéléviseurs ont crû de 21,4% et cel-les de climatiseursde 19,7%.

Affaiblissement du yenL’ampleur des achats anticipés

sembleconfirmerlescraintespourledeuxièmetrimestre2014.Lepro-duit intérieur brut (PIB) est atten-duenbaissede3,9%englissementannuel entre avril et juin, malgréun plan de soutien annoncé par legouvernementet lespromessesdela Banque du Japon d’intensifierl’assouplissementmonétaire.

Outre la TVA, l’évolution de lasituationdes économies émergen-tes, affectées par le resserrementmonétaireauxEtats-Unis,nerassu-re guèrepour les exportations.

L’une des raisons de la haussedes profits des entreprises est l’af-faiblissement du yen, et non unréel surcroît d’activité. Annoncée

le 17février, la croissance au der-nier trimestre 2013 a déçu. Elle n’apas dépassé 1% en glissementannuel,enraisonnotammentd’ex-portations en hausse limitée à0,4%.

Et la troisième «flèche» des«Abenomics» peine à être déco-chée. Elle doit se traduire par desréformes structurelles, notam-ment du marché du travail et del’agriculture,quirestentàfinaliser.

Dévoilé le 19février, l’indice deconfiancedesentrepreneursmesu-répar l’agenceReuters enregistraitune légère baisse, la première encinqmois,parrapportà janvier.Dequoirendrelesentreprisespruden-tes avant de s’engager sur les salai-res,quireprésententuncoûtfixe,àla différence des bonus, lesquelsoffrentplusde souplesse.

D’après un sondage réalisé à lami-février par l’institut NikkeiResearch pour Reuters, 66% desentreprises consultées pré-voyaient une hausse des bonus,qui représentent 17% des revenusannuelsd’un salarié à tempsplein,mais pas du salaire de base. Seules11%envisageaient d’élever à la foisles bonus et les salaires, et unique-mentpourcompenserlahaussedelaTVAet l’inflation.p

PhilippeMesmer

50123Jeudi 6mars 2014

Page 28: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

H abituéeà l’avoir sous les yeux,la Francenevoit plus l’atoutqueconstitue son territoire.

Enseignants-chercheursàMontréal(Québéc)pour les deuxpremiers, etàl’universitéParis-Estpour le troisiè-me, les coauteursde cet essai fouillé,argumentéet chiffrénouspermettentd’enprendre conscience.

Ilsmontrent comment la fracture sisouventdécrite entre «Paris et ledésert français» a vécu.De 1982 à 2012,Paris,«tout en restant le centre incon-testéde la France, croîtmoins vite qued’autres régions». Les grandes capita-

les régionales –notammentToulouse,NantesouBor-deaux– tirent à l’inverse leur épingle du jeu. Et «ce sont lesagglomérationsmoyennes, de 5000000à 1milliond’habi-tants, et celles, urbainesou rurales, à proximitéde lamer etdusoleil, qui croissent le plus rapidement».

Décentralisation, aménagementdu territoire: l’actionpubliqueapréparé et accompagné cemouvementmaisne l’expliquepas. TellesNewYorkou Londres, Paris n’apas échappé à la «tertiarisation»: elle s’est désindustria-lisée et concentrée sur des activités de services.

Malheureusement,notre capitaleneparle pas la languedes élites de lamondialisation. Surtout priséepour sabeauté, son romantismeet ses attraits touristiques –plu-tôt quepour son régime fiscal favorable aux très hautsrevenus –, beaucoupviennentplutôt y acquérir…une rési-dence secondaire.

Unensemble uni et reliéLesdiplômés, face aux inconvénientsdeParis (prixdu

logement, tempsde transport…), ont tendance–quand l’en-fantparaît – àapporter leurs compétencesàd’autresmétro-poles, qui ont égalementpris le viragede la «tertiarisa-tion». Et qui, avec l’intégrationeuropéenne, sont aucœur,ouprochede la«bananebleue» – la zonegéographiquepri-vilégiéedudéveloppementéconomique–, oubiende limi-tes frontalières, offrantdes possibilitésdedéveloppement.Enfin, les retraités sont attirésvers les littorauxet le soleil,déplaçantaupassage les emploisde services.

AucontrairedeLondres–décaléedu restedu royaume–,oude l’Italie fracturéeentre sonNordet sonSud, Paris et lesrégions françaises fontunensemble territorial relative-mentuni et relié. Et,malgré ses autres fragilités, la Francedevraitpouvoir tirerparti de cet avantage substantiel. p

Adriende TricornotLa France avantagée. Paris et la nouvelle économie des régions,Mario Polèse, Richard Sheamur et Laurent Terral,éditions Odile Jacob, 220 pages, 23,90 euros.

publications

L’ÉCO DE LA TOILELaformation«sursite»

O rientation, insertion professionnelle, métiers, qualifica-tions et compétences, formation: tout ce qui touche auxstratégies à mettre en œuvre pour trouver un emploi de

qualité, le conserver, évoluer professionnellement, se reconvertirou retrouver du travail est expliqué, par lesmeilleurs spécialistes,sur lesiteduCentred’étudesetderecherchessur lesqualifications(Céreq).Cetétablissementpublicdépenddesministèresdel’éduca-tion nationale et du travail. Sa richesse est d’associer quinze cen-tres régionaux, implantés dans des laboratoires de rechercheuni-versitairescouvranttoutleterritoire,d’Aix-en-Provence(Bouches-du-Rhône)à Lille et deNantesà Strasbourg.

Sur le site, on peut accéder à unvaste éventail de statistiques etdedonnéessur le lienentre les formations, initialesouultérieures,et l’emploi,ainsiqu’àdesétudessurlessystèmesdecertificationetdevalidationdesacquisdel’expérience.Cesressourcess’adressentàunpubliclarge:desstagiairesauxseniors,deschômeursauxpro-fessionnelsdes ressourceshumaines,enpassantpar les acteursdela formationou lespartenaires sociaux.

Parmi lesdernièrespublications, onpourra lire «Politiqued’en-treprise et sécurisation des parcours» (Bref n˚318, janvier2014,4pages). Jean-ClaudeSigotetJosianeVeroydisentque«lemaintienchez l’employeuret lemaintiendans l’emploiou le retourà l’emploiencasdedépartdel’entreprisenerelèventpasdelaseulepolitiquedeformation,maisd’unspectreplus largequienglobe,enoutre, lapoli-tiquederessourceshumaineset l’organisationdutravail». Ilyaaus-si un rapport sur «Le développement des politiques régionalesd’apprentissage», coordonnéparDominiqueMaillardetClaudineRomani(Net.docno 118, janvier2014,40pages).Dequoienrichir«laboîteàoutils»pour inverser la courbeduchômage…p

Adriende Tricornothttp://www.cereq.fr/

LIVREPariset ledésertfrançais,lafind’unmythetenace

Dans un discours récent, pro-noncé àParis devant l’Organi-sation de coopération et dedéveloppementéconomiques(OCDE), la chancelière alle-

mande, Angela Merkel, qualifiait de«tâcheherculéenne» latransitionénergéti-que. Plusieurs publications font le pointsur la question, et plus largement sur latransitionécologique,quinepourrapasseréaliser, selon leurs auteurs, sans innova-tions sociales.

La première, Transition écologique,moded’emploi(LesPetitsMatins,«Alterna-tives économiques», 260p., 12 ¤), estpubliée sous l’égidede l’InstitutVeblen. Samission est de militer pour un mode dedéveloppement soutenable et une écono-miesocialement juste.Crééen2010, il por-te lenomdeThorsteinVeblen,économisteaméricain connu pour le fameux «effetVeblen», qui explique les mécanismes dela consommationostentatoire.

Philippe Frémeaux, journaliste àAlter-natives économiques,Wojtek Kalinowski,sociologue, et Aurore Lalucq, économiste,rappellent que, pour l’instant, les criseséconomiques et environnementales per-durent.Etque, si l’onpoursuitdans lavoieactuelle, «nous allons vers des lende-mains…qui font peur».

Ils estimentpourtant quedes solutionsexistent, qui n’ont rien de «punitif». Larévolution qui se prépare pourraitmêmepermettrede vivremieux.

Alors pourquoi les gouvernements nefont-ils pas le nécessaire? Pour plusieursraisons. D’abord, la sacro-sainte préféren-ce pour le présent. Ensuite la dynamiquedu capitalisme. «L’idée d’une société sanscroissance resteraparticulièrementdiffici-le à faire accepter tant que le chômage demasse sera au rendez-vous», écrivent lesauteurs; les gouvernements restent pri-sonniers du « logiciel productiviste».Enfin, il y a la fragmentation de la sociétéinternationale: le chacun pour soi règneenmaître. Le résultatde tout cela : «la fui-te dans la croissance».

Les auteurs identifient quatre raisonsd’espérer.Enfiniravecl’hyperconsomma-tionne serait pas undrame.Nospossibili-tés techniques, inédites, peuvent êtremises au service d’une économie quiréduirait sa pression sur les ressources.

Ilyauneprisedeconsciencedelanéces-sité d’engager la transition écologique,passeulementdanslespaysriches.Latran-sitiondémographique,enfin, s’opèreplusrapidementqueprévu.

« Il s’agit de transformer le monde»,disait Karl Marx, au XIXesiècle. Pour lesauteurs, il est urgent, au XXIe siècle, de«transformerl’économie».Maisest-ilpos-sible de rompre avec la «dictature du pro-duit intérieur brut» ? Le livre ne répondpasvraiment à cette question.

Optimistes, les auteurs de Miser (vrai-ment) sur la transition écologique (Edi-tions de l’Atelier, 144 p., 16¤), qui sort le13mars, veulent l’être également. «Nousvivonsune époque formidable qui va faire

oublier les “trente glorieuses”», assurentAlainGrandjeanetHélèneLeTeno,spécia-listes dudéveloppementdurable.

Le livre aborde notamment la questiondu financement de la transition écologi-que,« lenerfde laguerre». Il fautmettre lafinance au service de cette mutation ;mais le grand chantier de la régulationfinancière est inachevé.

Concernant nos dirigeants, le constatn’est pas très différent de celui de l’Insti-tutVeblen:manquede recul,dictatureducourt terme, pression des lobbies… Toutsemble à repenser en profondeur. «Nossystèmes de gouvernance, à tendance hié-rarchique,vontdevoirévoluerversdeslogi-quesde réseauetde subsidiaritébeaucoupplus fortes», disent les auteurs.

Le livre est convaincant, même si sonenthousiasme pour le modèle allemandde transition énergétique laisse scepti-que.Lecharbonreprésenteeneffetaujour-d’hui plus de 25% de la consommationd’électricité outre-Rhin. Et les Allemandseux-mêmes doutent de plus en plus dubien-fondé du virage énergétique prissous le chancelier Gerhard Schröder etaccéléré avecMmeMerkel.

Latransitionécologiquenedoitpasêtreun chemin de croix. Là-dessus, on suit lesdeux auteurs entièrement. Mais il y a du

painsur laplanchepour rendre le change-ment «souhaitable et désirable».

Signalons enfin un article de l’écono-miste Benjamin Coriat – «Transition éco-logique et politique industrielle», parudans le numéro83 (janvier-février2014)delarevuebruxelloisePolitique, etconsul-table sur leNet (Politique.eu.org/).Pour ceprofesseurà l’universitéParis-XIII, la criseécologique doit être l’occasion de procé-der à un véritable «aggiornamento» denotrepolitique industrielle.

Deuxaxes sont selon lui essentiels. Pre-mièrement, il faut s’orienter vers de nou-veaux modèles productifs et favoriser lerôledesmicro-entreprisesetdescollectivi-tés territoriales.Deuxièmement, la transi-tion écologique devra associer innova-tions techniques et innovations sociales.

«Lamise en place demodèles économi-ques reliant dans des coopérations renfor-cées des acteurs multiples, entreprisespubliques et privées, centres de rechercheet universités, collectivités locales, associa-tions et organismes à but non lucratif,poursuivantdesbutsd’utilitépublique, estune condition de la réussite de la politiquenouvelle», écrit-il.

Le rôle de l’Europe? « Idéalement, elleest le lieu privilégiépour assurer les impul-sions nouvelles», dit M.Coriat. Il déplorel’immobilisme des décideurs européens.Et rappelle ce propos de François Hollan-de, relayé par le ministre allemand del’énergie, Sigmar Gabriel, favorable à un«Airbuseuropéende l’énergie».Maispourcela, il fautaccorder lesFrançaiset lesAlle-mands.Une «tâcheherculéenne»? p

PhilippeArnaud

¶« Transitionécologique,moded’emploi »,PhilippeFrémeaux,WojtekKalinowski,Aurore Lalucq

LIRE AUSSINouvelle gouvernanceDeuxchercheurs, l’un français l’autre danois, exposentla genèsedu conceptdes «parties prenantes»d’uneentreprise – clients, salariés, collectivités,actionnaires, etc. – et samise enpratique.La Théorie des parties prenantesMaria-Bonnefous-Boucher et Jacob Dahl Rentdorff,collection «Repères », La Découverte, 125pages, 10euros.

CrimeparfaitCettenouvelle livraisonde la revueRegards croiséssur l’économie est consacrée à toutes les dimensionsde l’économie criminelle : crime, trafic, travail aunoir.Lumière sur les économies souterrainesLa Découverte, 244pages, 16euros.

Lepariperdudespolitiquesd’austéritéLecturesétrangèresLa«déflationvolontaire»estunpoison, assureunéconomisteaméricain

Larévolutionquisepréparepourrait

toutsimplementpermettredevivremieux

Latransitionécologique,horizonpourunevéritablesortiedecrisePlusieurspublicationsdressent leportraitd’unemutation, au-delàde lapeuroude l’enthousiasme

¶Miser(vraiment)sur latransitionécologique,AlainGrandjeanet HélèneLeTeno,préface deNicolas Hulot

N ous voici revenus dans les années1920! C’est le cri d’alarme de l’éco-nomiste Mark Blyth, professeur

àla BrownUniversity (Providence, RhodeIsland), auteurdeAusterity. TheHistory ofa Dangerous Idea (Oxford UniversityPress, 288p., 29,90¤).

A cette époque, les gouvernementsmanipulaient, sans le savoir, ledétonateurdescrisesquimarqueraientladécenniesui-vante.EnEurope,c’était le tempsduretourà l’étalon-or, accompagnéd’une «doctrinede la rigueur comparable à celle qu’affi-chent aujourd’hui les dirigeants du Fondsmonétaire international et de l’Eurozone».

AuxEtats-Unis, l’emballementdesmar-chésàlaveilledelacrisede1929s’accompa-gnait d’une forte concentration des fortu-nes. Une situation, là encore, comparableàcelle que nous connaissons puisqu’en2013, comme en 1928, la fortune des400Américains les plus riches se compareaveccelledes 150millionslespluspauvres.

Quelle est la cause première des criseséconomiques et financières se demande

l’auteur, keynésien déclaré? La confiance.Quelle est la condition pour en sortir? Laconfiance. Dans le premier cas, uneconfiance excessive, dévoyée, a conduit lemondede la finance à prendre des risquesexcessifs (la crise de 2008-2012, enrayéeavec l’argent du contribuable). Dans lesecond, une confiance restaurée donnel’envie de dépenser et d’emprunter. Lemoteurdelacroissancepeutalorsrepartir.

Solutions punitivesL’histoire économique montre que la

confiance ne naît jamais de la «déflationvolontaire». Punir, tailler dans la dépenseaumilieude latempête,n’estpas labonneméthodepourréveillerlesardeursetgéné-rer les anticipationspositives.

La manie des solutions punitives poursortirdescrisesestnéeàla finduXVIIIesiè-cle,àuneépoqueoùlesfinancespubliquesdes Etats monarchiques étaient géréessans transparenceet sans contrôle. Le sou-ci légitime de gestion parcimonieuse desfinances de l’Etat d’un Adam Smith s’est

transformé en une croyance dans la vertudecuresbrutalesdedésintoxication.

Justifiées à de rares exceptions – parexemple en Grèce ces dernières années –,les politiques d’austérité produisent laplupartdutempsuneffetcontraireàceluirecherché. «Elles cassent le moral desacteurs, suspendent la décision d’investis-sement, alourdissent les dettes au lieu deles réduire et retardent le moment de lareprise», nous ditMarkBlyth.

Pire,ellescreusentlesinégalités.L’ascen-seur social se bloque et les classesmoyen-nes sont entraînées sur la pente du décro-chage.«Jenepeuxpasoublierd’où jeviens,confesse l’auteur au début de son livre.Sans l’Etat-providence, orphelin demère, jeneseraisjamaispassédelapetiteboucheriedemonpère dans l’Angleterre pauvre à unpostedeprofesseurdansuneuniversitéchicde la Ivy League américaine…» Cette fran-chise mérite que l’on suive son parcoursdans le labyrinthe des crisesmal soignéesdepuisunsiècle. p

JacquesBarraux

¶JacquesBarrauxest journaliste,anciendirecteurde la rédactiondes «Echos»

6 0123Jeudi 6mars 2014

Page 29: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

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L a scène s’est passée à la ren-trée 2013 lors d’une réunionparents-professeurs dans

uneclassepréparatoire auxécolesde commerce d’un lycée parisien.«Sivotreenfantatropdemalàsui-vre, peut-être vaut-il mieux qu’ilintègre l’université puis qu’il tentelesconcoursd’entréepar lavoiedesadmissionsparallèles», avait aver-ti le professeurprincipal.

Appelé aussi admission surtitre, ce dispositif permet aux étu-diantsquisontformésàl’universi-té–licence,masteroudiplômeuni-versitaire de technologie (DUT)–outitulairesd’unbrevetdetechni-cien supérieur (BTS), d’intégrerunegrande école de commerceoud’ingénieurs en cours de cursus.

«Cettealternativeestapparue ilyaunevingtained’annéesdansunesprit d’ouverture», expliqueBrunoCohanier,directeurdumas-ter grande école chez Neoma(issue de la fusion de Rouen Busi-ness School et de Reims Manage-mentSchool). L’idée étant qu’inté-grer des profils différents et peut-êtremoinsformatésparlesclassesprépa serait un plus pour les éta-blissements.«Quelqu’unquiaunelicenced’histoireoudemathémati-ques nous intéressera», confirmeBernard Belletante, ex-directeurde Kedge désormais à la tête del’EM-LyonBusiness School.

Dans l’oreille de certains étu-diants et de leurs parents, le pro-posde«notre»professeuraététra-duitpar: il serapeut-êtreplus faci-le pour lui d’intégrer une grandeécole. Pas si sûr. «Contourner laprépa n’est pas un gage de réussi-te», avertit M.Cohanier. Selon undirecteur d’école, le taux de sélec-tion est de 80% lorsqu’on est issud’une classe prépa, il n’est que de40% à 50 % pour l’admission surtitre. Chez Neoma, il y a 175placesparcampuspourentrerendeuxiè-me année –et il faut être titulaired’un bac +3 ou +4– mais 330pla-cesparcampuspourceuxquivien-nentde classes prépa.

«Quelqu’un qui n’est pas obnu-bilé par les très grandes écoles estsûrd’intégreruntrèsbonétablisse-ment, même si la classe prépa estencore la voie royale pour entrerdans les écoles de la banqued’épreuves baptisée Ecricome [lesécoles Kedge, Neoma et ICN] et dela banque commune d’épreuves àvingt écoles de management[Ecole des hautes études commer-ciales (HEC), Audencia, Ecole supé-rieure des sciences économiqueset commerciales (Essec)]», insisteM.Belletante.

Les très grandes écoles de com-merceoud’ingénieurs–HEC,Essec,Polytechnique…– continuent eneffet de faire leurs «courses» danslesclassesprépa,entoutcasenpre-

mière année. «C’est un choix, affir-meMarie-NoëlleKoebel, directricedes études et des admissions de laGrande École à l’Essec. L’admissionsur titre s’ajoute àun parcours soli-dedéjàacquis.»

«Entretiendepersonnalité»L’Essec intègredesétudiantsen

deuxième année qui ont aumini-mumunmaster1. Les profils sonttrès variés : ingénieur, juriste,diplômés de Sciences Po. On trou-ve quelques médecins et mêmequelques linguistes… «La sélec-tionsefaitsurdossieretsur lamoti-vation, leprojetprofessionnel.Unefois qu’ils sont admissibles, ils pas-sent un entretien de personnali-té», indique MmeKoebel. En 2013,

l’Essec a ainsi intégré 160étu-diants français et 120étudiantsétrangers.

La prestigieuse HEC a aussi unattachement à la classe prépa. Endeuxième année, 25 étudiantsenviron sur 700candidats sontretenus. Le mode de sélection estdifférent.«Lesépreuvessontbeau-coupplusschématiques,iln’yapasde problèmes de mathématiqueset pas de dissertation», indiqueM.Belletante. Le concours reposesur des tests, questionnaires àchoix multiples sur plusieursépreuves. Néanmoins, le candidatà l’admission sur titre doit avoirundossierexemplaireetdevrasur-tout être bon à l’oral d’admissionpour convaincre le jury que son

profil est incontournable.«Ontes-tera peut-être sa culture généralealors qu’on ne le fera pas pour uncandidat passé par la classe pré-pa», ajoute-t-il.

De plus en plus, les écoles cher-chent des profils variés trouvantsouvent les étudiants de classesprépaunpeutrop«formatés». Lesécoles d’ingénieurs se sont ellesaussi ouvertes aux admissionsparallèles. Mais comme pour lesécoles de commerce, les très gran-des écoles d’ingénieurs, commePolytechnique ou les Arts etmétiers par exemple, recrutentessentiellement sur concoursaprès une classe prépa. Même sices établissements ouvrent quel-ques places chaque année: 18 sur

400 à Polytechnique et une cin-quantainepour lesArts etmétiers.

«Toutdépenddes écoles, confir-me Christian Lerminiaux, prési-dent de la Conférence des direc-teurs des écoles françaises d’ingé-nieurs (CDEFI). Dans certaines, letaux d’admis sur titre ne dépassepas les 10%, pourd’autres il atteintles 50%. Evidemment, si l’on veutentrer dans les écoles de très hautniveau, la voie royale c’est la classeprépa ou alors il faut être un excel-lent élève. Pour les établissementsplus standards, cela peut être unestratégie.»

OuvertureEtplus l’ondescenddansleclas-

sement,plus ildoitêtre faciled’en-trer par l’admission sur titre.«Attention, prévient M.Lermi-niaux, la voie commenceà se rétré-cir petit à petit. Par exemple,aujourd’hui un étudiant dans unIUT qui veut entrer dans une écoled’ingénieursde niveau correct doitêtre classé dans les quinze pre-miers.»

Malgrécetteouverture, les chif-fres prouvent encore que les clas-ses prépa gardent leur supréma-tie. Selon les chiffres de la CDEFI, àla rentrée 2012-2013, 16166 élèvesavaient suivi une classe prépa, lestitulaires d’une licence ou d’unmaster n’étaient que 2208, ceuxd’un BTS ou d’unDUT, 5529. «A lafin des années 1990, on formait18000 ingénieurs ; en 2013, ilsétaient34800.Or, lenombred’étu-diants qui entrent en classe prépane bouge quasiment plus », ditM.Lerminiaux.

Mais c’est la multiplication desécoles en cinq ans –post-bac– quiexplique aussi l’augmentation dunombre de diplômés. De plus enplusd’étudiantschoisissentcecur-sus : ils étaient 11672 à la rentrée2012-2013. « Si les écoles nes’étaient pas ouvertes à d’autresprofils, nous n’en serions pas à ceniveau.» p

NathalieBrafman

Intégrerunegrandeécole:prépaoupas?Lesadmissionsparallèlessemultiplient,mais lesétablissementslesplusprestigieuxrestentattachésàcettefilière

L’Ecolenationalesupérieuredesartsetmétierss’ouvreauxbachelierstechnologiquesL’établissementcréeunefilièrespécifiquepour formerentroisansdestechniciens supérieursdont l’industrie françaisemanquecruellement

ANNE-LISE BOUTIN

L es effectifs seront peu nom-breux, mais l’ambition estgrande. L’Ecole nationale

supérieure des arts et métiers(Ensam ParisTech) ouvrira un«bachelorentechnologie»,ensep-tembre,dont lebut est de «recons-truire la filière technologique», dulycée jusqu’audoctorat.

Ce sera la première formationpost-baccalauréat de l’Ensam.L’école, qui diplôme 1400 ingé-nieurs par an sur huit campus,recrute en effet essentiellement

àbac +2, notamment après prépa.Les quarante-huit premières pla-ces de ce bachelor sont ouvertes– jusqu’au 20mars, via admissionpostbac–auxbacheliersissusdelavoie «sciences et technologie del’industrie et du développementdurable» (bac STI2D). Pour com-mencer,deuxcampussontconcer-nés : Châlons-en-Champagne etBordeaux-Talence.

L’objectifestdeformerdestech-niciens supérieurs opérationnelsà bac+3, une espèce rare.

De fait, la filière technologiquen’est pas en grande forme. «C’estune vraie question posée au pays,adéclaré Laurent Carraro, direc-teur général d’Arts et métiers, enprésentant le bachelor. Depuis1995, de plus en plus de jeunesobtiennent un baccalauréat, mais,alors que la voie professionnelleprogresse, la voie générale stagneet la voie technologique baisse.Entre2000et 2010, celle-ci a perdu20%de ses effectifs.»

Par ailleurs, les bacheliers tech-nologiquessontenpositiondélica-teà l’entréedusupérieur:«Lespla-cessontcomptéesenDUT,enBTS,etle succès n’est pas assuré en prépaouà l’université», ditM.Carraro.

C’estlephénomène,bienconnu,de la perversiondes filièresdans lesupérieur: les bacheliers générauxprennent la placedes «techno» eninstitut universitaire de technolo-gie (IUT), lesquelspostulenten sec-tion de technicien supérieur (STS),une voie normalement réservéeauxbacheliersprofessionnels.

Unnouveau passageCebachelor de technologie leur

ouvreunnouveaupassage. La for-mation se distinguera des IUT etdes STS par une approche trèsconcrète, un enseignement fondésur les projets et les réalisationstechnologiques.

Après trois ans, les titulaires dubachelordevraientpouvoir s’insé-rer sur le marché du travail. Typi-quement,expliqueLaurentCham-paney, directeur général adjointde l’Ensam, ils pourraient occuperunpostederesponsabled’unepeti-te unité de production, associé

àune bonne compréhension de lagestion industrielle.

Maisunconcoursspécifiqueper-mettraàceuxquisouhaitentpour-suivreleursétudesd’intégrerlapre-mière annéedu cursus «ingénieurArts et métiers ». Il se pourraitd’ailleurs que cela devienne vite lanorme.Les institutsnationauxdessciences appliquées (INSA) avaientété créés pour former des techni-ciens intermédiaires. Or, ils n’ontjamais forméquedes ingénieurs…

«C’est unphénomène récurrent,se désole Maurice Pinkus, direc-teur délégué de l’Union des indus-tries et métiers de la métallurgie(UIMM). Les diplômes sont créésà finalité professionnelle, puis lapoursuite d’études apparaît, jus-qu’à finir parprendre le dessus.»

Or, souligne le responsable del’organisation patronale, «si nousavons des difficultés à recruter surlesmétiersdebase,auniveautechni-cien,c’estpresquepire.Levivierbais-se,etceuxquileconstituentpoursui-ventdeplusenplus leurs études».

Toutenconfirmantlapertinen-ce en termes de débouchés desobjectifsdeceprojetdeformation,M.Pinkus se dit «un peu pertur-bé»par laprésentationquiapuenêtre faite : «C’est ici plutôt la pour-suitedesétudesque l’insertionpro-fessionnellequiestmiseenavant.»

Mêmeréactionauseindel’Asso-ciationdesdirecteursd’IUT(Adiut).«Queplusieursopérateurss’intéres-sentàlaréussitedesbachelierstech-nologiques, c’est bien, estimeGuillaumeBordry,présidentdel’A-diut. Mais cela nous est présentécommeune prépa technologique àbac+3 ayant vocationà la poursui-

te des études. Or, le ministère [del’enseignement supérieur]n’a pascette lecture: il aavaliséune forma-tion de niveau bac +3 à vocationd’insertion professionnelle… Celam’étonne,carl’Ensamn’apasl’habi-tude de communiquer comme unvendeurde cravates…»

Si le ministère n’a pas réponduàla sollicitation duMonde, Arts etmétiersassume.«Les élèvesn’irontpas tous au niveau ingénieur, ditM.Carraro, mais il faut leur fairemiroitercela, les fairerêver.»Cequi

«ne va pas améliorer la lisibilité dupaysage»,craintM.Bordry.Lemon-tage de la formation est, il est vrai,un chef-d’œuvre de simplicité :appelé «bachelor» par l’Ensam, lediplôme ne porte pas officielle-mentcenom,quin’estpasreconnuparleministère. Il s’appelle«diplô-med’étudessupérieuresentechno-logie».Parailleurs,bac+3,ilnedon-nepasune licence,mais «ungradede licence» (seules les universitéspeuventdélivrer la licence). p

Benoît Floc’h

70123Jeudi 6mars 2014

Page 30: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

8 0123Jeudi 6mars 2014

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«Ilyaunedemandepourunenseignementpluspratique»QuestionsàAlbertoAlemanno, titulairede lachaire JeanMonnetdedroit européenàHEC

universités & grandes écoles

L ’Ile-de-France forme-t-elletrop d’avocats ? Le débatautourdecettequestionétait

récurrent.Lanouvelledirectiondel’Ecoledeformationprofessionnel-le des barreaux (EFB) a tranché :non, l’établissement ne forme pastrop d’avocats, mais il faut, enrevanche, mieux les préparer àleur profession. Pour ce faire, unevaste réformeducursusest entréeenvigueur le 1er janvier.

L’EFB est aujourd’hui le plusimportant des onze centres régio-naux de formation des avocats.Fonctionnant pour les neuf bar-reaux qui dépendent de la cour

d’appel de Paris – Paris, Auxerre,Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne,Essonne, Fontainebleau, Meaux,Melun, Sens –, l’EFB forme chaqueannée de 1700 à1800 élèves, soitprès de la moitié des futurs avo-cats de France.

Est-ce trop? L’ancien bâtonnierdu barreau de Paris (2012-2013),Christiane Féral-Schuhl, s’en étaitinquiétée dans nos colonnes(LeMonde du 28novembre2013).Elle préconisait une sélection plussévère à l’entrée de l’EFB.

«Les jeunes avocats défendentl’idée d’un numerus clausus parcequ’ilsontpeur»,noteLaurentMar-tinet, vice-bâtonnier depuis le1er janvier et, àce titre, présidentdel’EFB.Apriori, tropd’avocats sur lemarché, c’est moins d’affairespour chacun etun risque toujoursaccrudeprécarisation.

«Former 1900 jeunes avocatspar promotion, c’est beaucoup,mais ce n’est pas trop, estimeMeMartinet. Cette peur est infon-dée. En termes d’arbitrages, Parisest la première place de droit aumonde. Or, il y a moins d’avocatsàParisqu’àLondresouàNewYork!Enrevanche, la formationétait ina-daptée à la réalité de la profession.Il y aenoutredenombreuxmétiersvers lesquels les jeunes pourraientse diriger: avocat lobbyiste, avocatfiduciaire,agentd’artiste…Enfin, ilsn’exercentpasassezà l’étranger.»

Fortsdecetteconviction, lenou-veaubâtonnier, Pierre-Olivier Sur,et son vice-bâtonnier ont préparéune réforme au cours de l’annéeprécédant leur entrée en fonction(2013). Celle-ci est appliquée par lenouveau directeur de l’EFB, Jean-Louis Scaringella.

La sélection n’a pas été durcie,comme le préconisait Mme Féral-Schuhl. Quant au schéma généralde la formation, il n’a pas changé:six mois de cours, six mois pourdévelopper un «projet personnelindividuel» (PPI) ayant trait auprojet professionnel des élèves,puis, six mois de stage dans uncabinet français.

En revanche, «tout le program-me pédagogique a été redéfini»,expliqueMeMartinet.

L’idéedirectrice,c’estdedonneraux futurs avocats une formationtrèspratique.«L’important,enéco-led’avocats,cen’estplusl’enseigne-mentdudroiten tantquetel, préci-se Jean-Louis Scaringella, maiscommentutiliser ledroitauservicedes clients.»

«Notre formationmanquait depratique, déploreCarolineChancé,présidentedel’Associationdesélè-ves-avocatsdelapromotionBadin-ter (entrée à l’EFB en janvier2013).On survolait un peu tout sansentrer dans le concret, ce qui faitdéfaut à l’entrée en cabinet. Lescours magistraux en amphi, com-

meà l’université, cen’est pasadap-téquelquesmoisavantd’entrer surlemarchédu travail…»

La formation est déclinée encinq thématiques : déontologie,métier de l’avocat, managementet développement des cabinets,développement professionnel etdouze enseignementsélectifs.

Pour mettre en œuvre ce nou-veau corpus, le trio Sur-Martinet-Scaringella a frappé fort: 80% desintervenants ont été changés. Et ilaétédemandéauxnouveauxensei-gnants de transmettre leur savoirsans être payés. «Nous estimonsquecelafaitpartiede lamissiondesprofessionnels, dit Me Martinet.L’enseignement ne peut être unebéquillepourmauvaisavocats.»

Lamesure fait des vagues. Cettedécisionest«inacceptable»,ajugéle Syndicat des avocats de France(SAF), dansun communiqué.

«Les 75 euros de rémunérationhoraire jusque-là pratiqués n’ontjamais atteint un niveau suscepti-ble d’engendrer des dérives oppor-tunistes et avides, s’est indigné leSAF. Quel affront pour tous nosconfrères qui se sont investis d’an-née en année…»

Devant letollé, l’EFBlaissedoré-navantlesenseignantschoisir s’ilssouhaitent être payés ounon.

L’autre axe majeur de la réfor-me – l’international – a étémieuxaccueilli. L’EFB souhaite dévelop-per les partenariats avec des uni-versités étrangères.

La Fondation du droit, en coursde création, devrait permettre deredorer le blason académique del’école. «Elle nous permettra denousdonner lesmoyensdeprodui-rede laconnaissanceet, surtout,deladiffuser», préciseM.Scaringella.

L’objectif est que la moitiéd’unepromotioneffectuesonpro-jet personnel individuel à l’étran-ger. «Notre rôle, c’est d’ouvrir desmarchésaux jeunesavocats, décla-re Laurent Martinet. Nous devonsessayer d’exporter notre droit, le“droitcontinental”–que l’onoppo-se généralement au droit anglo-saxon –, en Asie, en Afrique ou auBrésil… Quitte à le faire enanglais.» p

Benoît Floc’h

LAGRANDEécolede commercefrançaiseHECet l’antennepari-siennede la trèsprivéeNewYorkUniversityont lancé, en janvier,une«cliniquedudroit européen»,sur lemodèledes«clinics» anglo-saxonnes,où les étudiants tra-vaillent surdes cas réels, voirepro-meuventdesavancées juridiques.

AlbertoAlemanno,professeurdedroit et titulairede la chaireJeanMonnetdedroit européenàHEC, à l’initiativede ceprojet,ancienréférendaireà laCourdejusticede l’Unioneuropéenneetex-associéaucabinetd’avocat Jean-tet et associés, explique l’originali-téde la démarche, appliquée ici audroit européen.Enquoi consiste une «cliniquedudroit européen»?

YC’estun labora-toire, unatelierquirassembleprèsde

vingtétudiantsdequatrièmeannéeàHEC, inscrits audoublediplômedemasterdedroit del’universitéParis-1-Panthéon-Sor-bonneetd’HEC. Ils sedestinentàêtre avocat,notammentdansdescabinetsd’affaires. Ils vont, avecunequinzained’étudiantsde l’an-tenneparisiennede l’universitéprivéedeNewYork, travailler surdes cas concretsdedécisionsde laCommissiondeBruxelles etd’autres institutionseuropéennes.Pouvez-vous nous donner desexemples?

Leur travail peutporter sur leplafonnementdesbonusdes ban-quiers, la possibilitéde cultiverdesorganismesgénétiquementmodifiés (OGM), la protectiondesdonnéesdétenuesparGoogle oula fiscalité des géants duNet. Ilsétudieront ainsi le fonctionne-mentdudroit européenet de laprisede décisiondans l’Union.

L’objectif est aussi de rendreplus transparentes et démocrati-ques les procéduresdécisionnel-les européennes et de populariserl’actioncollective citoyenne, enco-re trop confidentielle.

Les étudiants pourront lancerdes «initiatives citoyennes» – sielles sont signées par aumoinsunmilliond’Européens, elles obli-gent la Commissionàproposerune loi sur le sujet.

Ainsi, VincentChauvet, direc-teurduprogrammeàHEC, a pro-poséune initiativepour faire ces-ser les tarifs d’itinérance appli-quéspar les opérateurs téléphoni-quesquandon se trouve àl’étran-ger. Un grouped’étudiants, deuxAméricainset quatre Français,ontpour leur part demandéqueles avis d’une commission consul-tative sur la nominationdes jugeseuropéens soientpublics. Les étu-diantsde la «clinique»pourrontaussimettre leurs compétencesau serviced’organisationsnongouvernementalespourpeser surles décisions européennes.Pourquoi impliquer uneuniversité américaine,alors qu’il s’agit de traiterdu droit européen?

La «cliniquedudroit euro-péen» s’inspire desadvocacy cli-nics, très répandues auxEtats-Unis. Associer l’universitéprivéedeNewYorkva permettrede croi-ser les regards et les cultures surl’actiondes citoyens.

LesAméricains ontune visionoriginale du lobbyingdescitoyens,héritée duMouvementdesdroits civiques contre lességrégations, ou, aujourd’hui, des«class action», ou actions grou-pées. En France, la sensibilité s’estdéveloppée sur la protectiondesdonnéespersonnelles, avec la

Commissionnationale informati-que et libertés (CNIL).Pourquoi de grandes écoles demanagement commeHECsont-elles tentées d’enseignerle droit, en principe uneprérogative des universités?

Cela fait plusde trente ansqueHECenseigne le droit et, depuisquelquesannées, délivreundou-ble diplôme, enpartenariat avecl’universitéParis-1-Panthéon-Sor-bonne.Mais il y aune demandepourque l’enseignementdudroitsoit plus pragmatique, pratique.Universités et écoles de commer-ce sont, de ce point de vue, com-plémentaires. SciencesPo

aouvert la voie en créant son Eco-le de droit et en attirantde grandsjuristes, comme Jean-BernardAuby, professeurde droit public,ouMarie-AnneFrison-Roche, fon-datricedudroit de la régulation.

Il est regrettableque la recher-che juridique française, publiéeuniquementdans cette langue,nesoit pasouverte auxautresdroitsetdiscipline– économie,psycholo-gie, social –, et qu’ellen’ait quasi-mentpasd’audience internationa-le.Nous souhaitonscontribueràlarénovationde l’enseignementdudroit en France et au-delà. p

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L’écoleCréée en 1981, l’Ecole deformationprofessionnelle des bar-reaux de la courd’appel deParis(EFB), installée à Issy-les-Mouli-neaux, est chargée de la forma-tiondes avocats. Une année deformation au sein de l’établisse-ment coûte 1600euros. Les pro-motions comptent de 1600 à1800élèves (1727 cette année).

Cursus, diplôme et certificatAutermede leur formation –dedix-huitmois–, les élèves avocatsdoivent réussir un examen leurpermettant d’obtenir le diplômede l’école. Ils passent égalementle certificat d’aptitude à la profes-siond’avocat (CAPA), un examenorganisé par leConseil nationaldes barreaux et les écoles. CeCAPAest indispensable pour prê-

ter, devant la cour d’appel, le ser-ment professionnel des avocats.

Les intervenants L’EFB compte600professeurs,majoritaire-ment des avocats,mais aussi desmagistrats, des experts et desuniversitaires. Il n’y a pas de per-manentsmais un «noyau dur»rassemble vingt-cinq responsa-bles d’enseignement.

LaprofessionEn2012, il y avait56000 avocats en France, contre39000dix ansplus tôt (+42%).Avec23000avocats, le barreaudeParis concentre 41%du total.La profession se féminise. En2009, la proportion de femmesadépassé celle des hommes. En2012, elles étaient 52,7%contre46%dix ans auparavant.

Lagrandemuedelaformationdesjeunesavocatsd’Ile-de-FrancePragmatismeet internationalisationsont lesmaîtresmotsde la réformedesenseignements

Envigueurdepuis le1er janvier, lenouveaucorpusacadémique

s’accompagned’unrenouvellementdesintervenants

Unpassage obligé pour pouvoir prêter serment

Tribunal de Pontoise (Val-d’Oise), le 3 septembre 2013. JULIEN DANIEL/MYOP

Page 31: Journal LE MONDE Et Supplement ECO Du Jeudi 6 Mars 2014

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La plus belle perspectivesur 5 000 ans d’histoire

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Cette semaine, le volume 7 : LA GRÈCE CLASSIQUEDÈS LE JEUDI 6 MARS CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX

V endredi 28 février, àParis, les profession-nelsontpréféré le filmpopulaireà celuiqui a leplusdechancesde resterdans

l’histoireducinéma.Dimanche, à LosAngeles,lesprofessionnelsontdonné leur suffrageàl’œuvrehistoriqueempreintedegravitéplutôtqu’audivertissementpopulaire et spatialqui arapportédes centainesdemillionsdedollars.

Le César à LesGarçons etGuillaume, à tableplutôt qu’à LaVie d’Adèle ; l’Oscar à 12 YearsASlaveplutôt qu’àGravity.

On l’a dit, les trophéesne sontpasun instru-mentdemesurede la valeur desproductionsculturelles, qu’elles soient artistiquesou com-merciales. Cette valeur – qui sépareune toiledemaître d’une croûte, unemélodie sublimed’une scie, un classiquedu cinémad’unnavet– échappeà toutequantification.

Pourtant, chacun fait entrer dans l’évalua-tionde la place d’uneœuvredans sonart descritères qui relèvent de l’arithmétique la plussimple. Si aujourd’hui la place deVanGoghdans le panthéondes peintres est celle-là, c’estenpartie grâce à l’assureur japonaisqui, en1987, fit desTournesols le tableau le plus cherde l’histoire des enchères et aux investisseurset collectionneursqui lui emboîtèrent le pas.

Selon les traditions intellectuelleset artisti-quesdespays, cesargumentssonnantset trébu-chants sontplusoumoinsbienreçus.Alorsque, enFrance, l’opinionselon laquelleAutantenemporte le ventn’estpasun trèsbon filmestadmiseou tolérée, son statutdeplusgrandsuc-cès commercialde l’histoireducinémaafait del’adaptationduromandeMargaretMitchellunchef-d’œuvrerévéréauxEtats-Unis.

Unautre facteur économiquepeut entrerdans l’évaluation esthétiqued’uneœuvre: lepouvoir d’achat des amateurs. Lephénomèneest évident dans le domainede lamusiquepopulaire. Les artistes qui plaisent àunpublicadolescent, voire enfantin, sont généralementla cible de toutes lesmoqueries jusqu’à ce queleurs fans d’origine atteignent l’âge adulte etdisposentd’un certain…pouvoir d’achat.

A cemoment, les produits de cesmusicienssont réédités, s’il s’agit d’un groupe; lesmem-bres oublient leurs inimitiés et réunissent laformation.Devenus cadresou exerçant desprofessions libérales, les adolescentsquiavaient scotchéaumurde leur chambre le pos-ter de ces artistes jadis honnisdes arbitres dubongoût dépensentdes sommesqui leurauraient semblé astronomiquesvingt ans

plus tôt pour les voir dansdes stades bienplusgrandsque les salles où ils se produisaient.Avecunpeude chance, il se trouve, parmi cesfans, des journalistes, des animateursde télévi-sion enmesurede valider la réhabilitationd’unboys bandoud’unediva dudisco.

Il est vrai que la sagesse populairedumomentest propice à l’intrusionde la valeurfinancièredans l’appréciationdes arts. Il n’estplus guère de réussite quine semesure à sesgainsmatériels.Même l’AcademyofMotionPictureArts and Sciences, l’associationquigère lesOscars, a fait savoir, à la veille de la86ecérémonie, qu’elle gagnait de l’argent, etbeaucoup: 68millionsd’euros en2013.

Canonisation esthétiquePar ailleurs, lamodificationdu rapport de

force entremédias et public qu’a entraînée lasuprématiedes réseaux sociaux sur la trans-missionde l’informationa eu commeconsé-quencede faire entendreplus fort la voxpopu-li que la «voxmagistrorum». L’avis des criti-ques, des universitairesdésormaispèsemoinslourd face aux classementsdesbest-sellers,deshit-parades et dubox-office.

Nonseulement le fait d’êtremort riche à lafind’une carrière jalonnéede succès populai-resn’est plus un stigmate, c’est un argumenten faveur de la canonisationesthétique.

Lemythede l’artistemaudit a changédenature. Sa légende,dont la figuredeVanGoghest l’expression laplus connue, était fondée suruneexistencemisérable (ouaumoinsaustère)et sur l’incompréhensionde ses contempo-rains.Aujourd’hui,unartiste estmauditparcequeson succèspopulairen’estpas transformé

enassomptionesthétiquepar lesmaîtresàpen-ser. Il faut attendresamortpourque les élitesreviennentàdemeilleurssentimentset recon-naissent le géniedramatiquedeLouisdeFunès, le talentmélodiquede JoeDassin.

Enbref, la rentabilité a pris ses quartiersdans l’univers jadis éthérédes arts, beauxoupopulaires.Mais le résultat desOscarsmontreque sonemprisen’est pas totale, quemêmeenplein cœurde l’empire, d’autres considéra-tionspeuvent entrer en lignede compte.

Les praticiens savent queplus l’on calcule,moins l’on crée.Hollywoodenest unparfaitexemple, où l’applicationquasi-scientifiquede recettes élaborées avec l’appui des départe-mentsmarketinggénèredes filmsprévisiblesdont les amateurs les plus acharnés concèdentqu’ils ne présentent guèred’intérêt,mêmesileur consommationn’est pas désagréable.Onsait aussi que l’économied’un art nepeut seperpétuer en se contentantdeproduiredegrossesmachines.

Tantque les artistes serontmortels, il faudraen renouveler les effectifs et laisserunpeudeplaceaux jeunes. Et puis le goûtdupublic, aus-si encadré soit-il par les techniquesdumarke-ting, viral oupas, n’est pas immuable, et l’art,tout comme la technologie, abesoind’innova-tion. Seulementcelle-ci ne s’élaborepasdansles laboratoiresmaisdansdes espacesde liber-té, dontonnepeutprévoirni le coûtni la renta-bilité. Car l’offre culturelle est «mystérieuseetimprévisible», comme le disait récemmentunenouvelle venuedans l’économiedes arts,LaurenceParisot. p

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I l y aunanpresque jourpourjour,nousavionsécrit icimêmeque lesblogsn’allaient

pas fort, qu’ilsn’avaientpasbonnemine.Nous sommesau regretdeconstaterque leurétatde santénes’estpasamélioré.Aucontraire.

Que reste-t-il eneffet de cenou-veaumédia, gratuit, ouvert,influent, insolent, insoumis, trans-parent, indomptable, qui devaitréinventer l’information, régéné-rer la société et la démocratie?

Il faut dire la vérité : pas grand-chose.Onne s’en réjouit pas, c’esttout l’inverse.On sedit qu’uneoccasionunique s’est présentéede tisser unnouveau liendeconfianceet qu’on l’a peut-êtrelaissée filer. Et, commenousnesommesplus àunparadoxeprès,c’est surun blogquenous avonspu consulter le bulletin de santéle plus alarmant.

«C’est officiel, lit-on sur PresseCitron,Google n’aimeplus lesblogs.» (Goo.gl/jVO5dq). Lesauteurs en avaient l’intuition; ilsl’ont vérifiéméthodiquement.Dans ses réponses, quel que soit lesujet,Google privilégie doréna-vant les sites «institutionnels com-meceuxdu Figaro,de 20Minutes,duHuffingtonPost (…),deRTL oudesEchos»,note PresseCitron.

Les blogs, eux, sont «renvoyés»àl’incognitodes pages suivantes,celles que l’onne feuillette jamaisoupresque.

Est-ceGooglequin’aimepluslesblogs, oubien les sites «institu-tionnels» qui recueillent les fruitsde leurs investissements, de leursmutations,de leurs contributions,de leur référencement,de leuraudience?Onne sait.

Onpeut juste remarquerque,sur sapaged’accueil,Googleneproposeplusd’outil de recherchespécifiquepour les blogs, commec’était le cas autrefois.

CentralisationSurPresseCitron, laquestion

donne lieuà commentaires. Selonla consultanteet conférencièreMichelleBlanc (Goo.gl/cZUD3w),c’est l’algorithmedeGooglepourles sujets «chauds»qui auraitchangé,pour répondre, temporai-rement,«àunemontée exception-nellede requêtespourunmot-clé».

Uncontributeurnote que lesblogs d’infone sont pas les seulstouchés. Le commerce en ligneaussi : «Les enseignes traditionnel-les (…)détrônent gentimentmaissûrement les “pure players”.»

Cette formede centralisationest-elle«néfaste pour la démocra-tie», comme le suggère l’auteur etjournalisteThierryCrouzet(Goo.gl/XuGRDZ)?Dequoi s’inter-roger: et si ce n’était pas les blogsqui allaientmal.Mais l’Internettout entier. p

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ÉCONOMIE DE LA CULTURE | CHRONIQUEpar Thomas Sotinel

Lemystèrede lavaleur

C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUEpar olivier Zilbertin

Bulletindesanté

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LES TROPHÉESNE SONTPAS UN

INSTRUMENTDE MESURE

DE LAVALEUR DESPRODUCTIONSCULTURELLES

LES INDÉGIVRABLES | par Xavier Gorce

10 0123Jeudi 6mars 2014