JOSSOUR - FORUM DES FEMMES MAROCAINES...
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JOSSOUR - FORUM DES FEMMES MAROCAINES (FFM)
LA CITOYNNETE DES FEMMES AU MAROC :
POUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION
Version finale 10 octobre 2012
Pr. Malika Benradi
Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales
Rabat Agdal
GSM : 06 61 48 93 48
Fixe : 05 37 71 34 26
Fax : 05 37 71 34 50
E-mail : [email protected]
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LISTE DES ACRONYMES
ADS Agence de Développement Social
AFARD Association des femmes Africaines pour la Recherche et le
Développement (AAWORD)
AFEM Association des Femmes Entrepreneures du Maroc
AMLAC Association Marocaine de Lutte contre l’Avortement Clandestin (AMLAC)
AREF Académie Régionale d’Education et de Formation
Art. Article
AT Avortement thérapeutique
BO Bulletin Officiel
BSG Budget Sensible au Genre (BSG)
CC Conseil Constitutionnel
CCI Comité de Concertation Interministérielle
CEEC Commission d’équité et d’égalité des chances
CEDEF Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard
des Femmes
CES Conseil Économique et Social
CF Code de la famille
CNEF Charte Nationale d’Éducation et de Formation
CNDH Conseil National des Droits de l’Homme
COSEF Commission Spéciale d'Éducation et de Formation
CSE Conseil Supérieur de l’Enseignement
CSP Code du Statut Personnel
DAO Dar Al Oumouma
DH Développement Humain
DGSN Direction Générale de la Sûreté Nationale
DUDH Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
EEG Égalité et Équité de Genre
ESSB Établissement de Soins de Santé de Base
FAES Fonds d’Appui à l’Égalité entre les Sexes
FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population
FP Fonction Publique
GTZ Coopération Technique Allemande
HACA Haute Autorité de Contrôle de l’Audio-visuel
HCP Haut Commissariat au Plan
IES Institutionnalisation de l’Égalité des Sexes
INDH Initiative Nationale de Développement Humain
IPP Indice de Participation Politique
IPS Indice de Parité Sexuelle
IPC Instance de Prévention de la Corruption
ITB Indice de Transparence Budgétaire
ISF Indice Synthétique de Fécondité
IVG Interruption Volontaire de Grossesse
MAEC Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération
MDSFFS Ministère du Développement Social, de la Femme, de la Famille et de la
Solidarité
NU Nations Unies
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NUF Nations Unies Femmes
OIT Organisation Internationale du Travail
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONG Organisations Non Gouvernementales
PASMT Plan d’Action Stratégique à Moyen Terme
PGR Projet Générateur de Revenu
PIB Produit Intérieur Brut
PIDESC Pacte International de Droits Economiques, Sociaux et Culturels
PIDCP Pacte Internationale de Droits Civils et Politiques
PMT Programme à Moyen Terme
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PSMT Programme Stratégique à Moyen Terme
RAMED Régime d’Assistance Médicale
SNEES Stratégie Nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les Sexes
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SOMMAIRE
1- Présentation du pays
1- Situation privilégiée
2- Etat de la population : une transition démographique avancée
3- Les indicateurs du développement humain : des handicaps permanents
4- Le système politique : un processus démocratique engagé
2- Présentation de l’étude
1- Les objectifs de l’étude
2- La démarche adoptée
3- L’approche privilégiée
4- Les résultats attendus
5- Le plan de l’étude
INTRODUCTION
I - EGALITE DE GENRE AU MAROC : ETAT DES LIEUX
I-1 Présence des femmes dans les institutions nationales, régionales et locales élues
I-2 Présence des femmes dans le gouvernement
I-3 Présence des femmes dans la fonction publique et accès aux postes de responsabilité
I-4 Présence des femmes dans le pouvoir judiciaire
I-5 La présence des femmes dans les instances à caractère consultatif
II- EGALITE DE GENRE AU MAROC : AVANCEES, OBSTACLES ET
DEFIS
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II-1 L’égalité de genre dans l’espace privé
1- Evolution du pouvoir au sein de la famille
1-1 Le rôle des femmes dans la nouvelle structure familiale :
La famille élargie cède le pas, de plus en plus, à la famille conjugale
1-2 L e rôle des conjoints dans la prise de décision familiale
1-3 L’apport des époux au budget familial
1-4 Le partage des tâches domestiques dans le couple
2- Le principe de l’égalité hommes – femmes dans le code de la famille
2-1 Les apports
- Le ministère public partie aux conflits familiaux
- La co-responsabilité familiale
- Le recouvrement de la pension alimentaire : la mise en application du
Fonds d’entraide familiale
- Le partage des biens acquis pendant l’union conjugale
2-2 Les contradictions
- La représentation légale
2-3 Les résistances
- Le consentement au mariage : la question des mariages précoces et/ou
Forcés
- Les empêchements au mariage : le mariage de la marocaine musulmane
avec l’époux de confession non musulmane
- La polygamie : la fragilité socio-économique des femmes impose le
consentement de la première épouse
- Le régime successoral : texte et contexte ou l’historicité du texte
coranique
II-2 L’égalité de genre dans l’espace public
II-2-1 Dans le champ social : les femmes sont de plus en plus visibles
II-2-1-1 L’accès à l’éducation
1- Au niveau de l’enseignement préscolaire : des performances en
deçà des efforts consentis
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2- Au niveau de l'enseignement fondamental : le problème de
l’efficacité perdure
3- Au niveau de l’enseignement supérieur : les écarts de genre se
réduisent
II-2-1-2 L’accès à la santé : la question de la santé reproductive
1- Planification familiale et prévalence contraceptive
2- Mortalité maternelle
3- L’avortement clandestin : les résistances des conservateurs
3-1 La position des instruments internationaux
3-2 La position de la Chariaa
3-3 Interprétations et positions du Fiqh
3-4 La position des législations dans certains pays musulmans
3-5 Solutions fondées sur le Qyas pour admettre l’avortement
3-6 Solutions fondées sur le consensus Ijmaa
3-7 Solutions fondées sur l’Ijtihad
4- La Couverture Médicale de Base
II-2-1-3 L’accès à l’emploi
1-Au niveau du ministère de l’emploi et de la formation
professionnelle : une nouvelle démarche
2- Au niveau du département de l’agriculture : les PGR visibilisent les
femmes rurales
3-Au niveau du département du commerce : des initiatives
informelles
4-Au niveau du département de l’artisanat : une contribution
appréciable au rayonnement du produit marocain
5-Au niveau du département du développement social : le
programme INQAD contre l’exploitation économique des
petites filles domestiques
6- L’entreprenariat féminin : l’esprit d’initiative des femmes
II-2-3 Dans le champ politique : les femmes rompent avec leur rôle traditionnel
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III- LES FONDEMENTS DU PRINCIPE DE L’EGALITE HOMMES –
FEMMES / L’AMBIVALENCE DU SYSTEME JURIDIQUE MAROCAIN
III - 1 Le cadre international de l’égalité de genre
1- La DUDH
2- Le PIDCP
3- Le PIDESC
4- La CEDEF
5- La Déclaration du Millénaire (OMD)
6- La Déclaration et la Plate Forme de Vienne
7- Le Programme d’action de Beijing
8- Les Recommandations de Barcelone
9- Les Conclusions d’Istanbul
III- 2 Le cadre national
1- Le rôle de la société civile dans la prise en considération de la question
féminine
2- La volonté royale : des discours engagés en faveur de la citoyenneté des
femmes
3- Les déclarations gouvernementales : la reconnaissance du rôle des femmes
dans la construction démocratique et le développement socio-économique du
pays
4- Les stratégies nationales : l’égalité hommes – femmes est reconnue comme
une priorité
4-1 La stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes par
l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes
de développement
4-2 L’Agenda gouvernemental pour l’égalité 2011-2015
4-3 Le plan gouvernemental pour l’égalité des genres pour la période 2012-
2016 (Plan IKRAM)
III-3 Le contexte régional / le printemps arabe : les acquis
1- La CEDEF : La levée des réserves
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2- L’adoption de la nouvelle Constitution plutôt favorable à l’égalité de
genre
IV- LA MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION :
LES DEFIS DE L’HARMONISATION
IV- 1 Au niveau de l’arsenal juridique marocain
1- Le code de la Famille
- Le mariage des mineures
- La polygamie
- Le mariage des marocaines musulmanes avec les non - musulmans
- La procédure du divorce par Khol
- La tutelle légale
- La filiation paternelle
- Le partage des biens acquis pendant le mariage
- La législation successorale - La médiation familiale
2- Le code de la Nationalité
3- Le livret de l’Etat civil
4- Le code pénal
- Art 420 L’excuse de provocation
- Art 453 La protection des femmes contre l’avortement clandestin à risques
- Art 475 De l’enlèvement et de la non représentation des mineurs
- Art 486 Le viol
- Art 488 La défloration
- Art 490 Les relations sexuelles en dehors du mariage
- Art 494 L’enlèvement de la femme mariée
- La loi cadre sur les violences de genre
2 - Les droits économiques, sociaux et culturels
2-1 Le code du travail
2-2 Le code de la fonction publique
- Les fonctions d’autorité
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- Les allocations familiales
- Le régime des pensions civiles
- Le régime des retraites
2-3 Le droit à l’éducation
2-4 Le droit à la santé
2-5 Le droit à une image valorisante dans les médias et les productions
artistiques
3- Les droits politiques
- Le code électoral
- La charte communale
IV-2 Au niveau des actions spécifiques
IV-2-1 Les stratégies complémentaires à adopter en faveur de l’égalité de genre
1- La stratégie d’information, de communication et de sensibilisation
2- La stratégie de formation, d’éducation et de diffusion de la culture de
l’égalité
3- La stratégie de conciliation vie professionnelle /vie familiale : pour une
véritable politique familiale
4- La stratégie de lutte contre les préjugés, les stéréotypes et l’image
dévalorisante des femmes dans les médias
5- La stratégie de lutte contre les violence de genre
6- La stratégie de recherches et études sur la question féminine
IV-2-2 Les mécanismes et instruments à opérationnaliser pour réaliser l’égalité
hommes - femmes
- l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toute forme de discrimination
- Le Conseil Consultatif de la Famille et de l'Enfance.
- La Délégation Interministérielle aux Droits de l'Homme
IV-2-3 Les mécanismes de renforcement de l’égalité de genre à mettre en place
- Le Ministère Chargé de la Question Féminine
- L’Observatoire de la Citoyenneté des Femmes Marocaines
CONCLUSION
Annexes
1- Texte intégral de la Constitution de 2011
2- Etude sur l’Autorité chargée de la Parité et de la Lutte contre toute forme de
10
Discrimination (Doc. PDF)
3- Tableau synoptique des mesures pour la mise en œuvre de la constitution
Bibliographie consultée
Lexique
1- Présentation du pays
1-1 Situation privilégiée Avec une situation géographique privilégiée (à l’extrême Nord - Ouest du continent africain et
à 14 Km de l’Europe), bordé par l’Océan atlantique à l’ouest et la Méditerranée au Nord, la
superficie du Maroc s’étale sur 710.850 Kms. Cette situation fait du Maroc un pôle stratégique
sur les plans économique et géopolitique.
1-2 Etat de la population : une transition démographique avancée
Selon le recensement général de la population et de l’habitat, en 2004, la population
marocaine est estimée à 29,9 millions d’habitants. En 2012, elle est de 32,3 millions ; elle
était de 11,6 millions en 1960, elle a presque triplé. L’indicateur le plus important de
l’évolution démographique est sans conteste la baisse continue du taux de croissance de la
population qui passe de 2,1 % entre 1982 et 1994 à 1,4% entre 1994 et 2004. Le taux est
descendu à 1,1 % entre 2004 et 2009. Avec ce taux, la transition démographique est dans une
phase avancée.
Au niveau de la pyramide des âges, 60,7 % de la population sont âgés de 15 à 59 ans, la
population âgée de 69 ans et plus représente 8,1%, elle augmentera considérablement à partir
de 2015 - 2020.
En 2011, selon les chiffres publiés par le Haut Commissariat au Plan, le Maroc compte 16,4
millions de femmes représentant 50,8% de sa population dont 41,6% vivent en milieu rural.
Les femmes rurales sont relativement plus jeunes que leurs concitoyennes citadines comme
l’indique le HCP, qui explique cette tendance, par une fécondité plus élevée qui atteint 2,7
enfants par femme contre 1,8 pour les citadines en 2011.
Le recensement de 2004 indique que le taux d’analphabétisme est encore élevé, il est de 43 %
avec une incidence plus marquée dans le milieu rural 60,5 % et surtout au détriment des
femmes (64,4%). Selon le HCP, 58,2% des filles et des femmes rurales âgées de 10 ans et
plus étaient sans niveau d'instruction en 2011 contre 29,8% en milieu urbain et seules 0,6%
ont un niveau supérieur contre 8,7% dans les villes.
Au niveau global, la population alphabétisée représente au niveau du préscolaire et primaire
29,5 %, de la population totale, alors que la proportion au niveau secondaire atteint 22,7%
tandis que celle-ci est à peine de 5 % au niveau supérieur. .
11
En 2011, 16,1% des ménages ruraux sont dirigés par des femmes contre 20,8% dans les villes,
concernant le niveau de vie, un ménage rural dirigé par une femme dépense en moyenne 37 %
moins que celui dirigé par une citadine (8.417 DH annuellement contre 13.317 DH). Cet écart
se traduit par des disparités importantes en termes de pauvreté.
Le taux d'activité des femmes rurales âgées de 15 ans et plus s'élève à 36,6 % en 2011, soit
près de deux fois celui des citadines.
Le chômage ne concerne que 2,1 % des femmes rurales qui travaillent surtout dans
l'agriculture avec un taux de 94 %, l'auto-emploi concerne 17,6 % alors que 3 femmes rurales
actives occupées sur 4 travaillent sans rémunération en tant qu'aides familiales.
En termes de mortalité, résumée par l'espérance de vie à la naissance, les femmes rurales
vivent en moyenne 6,4 années de moins que les citadines. Le recours des femmes rurales au
système de santé au cours de la grossesse ou lors de l'accouchement tend à se généraliser mais
reste encore au dessous des niveaux observés en milieu urbain, ce qui se traduit par un taux de
mortalité maternelle en 2009-2010, presque deux fois plus élevé dans les compagnes que dans
les villes (73 contre 148).
L’évolution du taux d’urbanisation est également significative, la population marocaine est
devenue en majorité urbaine à partir du début des années 90 ; le taux est passé de 42,7 % en
1982 à 51, 4 % en 1994 et à 55,1 % en 2004, en 2010 il atteint 56,8 %. Dans les projections
du Haut Commissariat au Plan (HCP), il atteindra, dans une quinzaine d’années, 65 %. Les
deux tiers de la population urbaine vivent dans les grandes villes, ce qui se traduit par une
forte demande de logement et explique le recours à l’habitat précaire (8 - 9%), caractérisé par
un déficit important en matière d’accès aux services essentiels (eau courante, électricité…), en
dépit des efforts consentis.
1-3 Les indicateurs du développement humain (DH) : des handicaps
permanents
Avec un PIB par habitant de 4900 $ en 2011, le Maroc figure parmi les pays en
développement1. Durant la dernière décennie, malgré une conjoncture économique
internationale difficile, la situation économique et sociale du pays s’est améliorée, traduisant
l’énorme effort entrepris par les pouvoirs publics pour l’amélioration des performances
économiques et la promotion du bien-être social.
En dépit de ces efforts, le Maroc occupe le 130 rang selon le rapport du développement
humain de 2011. Excepté l’espérance de vie qui a connu une évolution positive (72,2 ans en
moyenne en 2011), le Maroc demeure confronté à un taux d’analphabétisme encore élevé, qui
touche les femmes, principalement dans le milieu rural (64,4 %). Il en est de même du taux de
mortalité maternelle qui reste élevé en comparaison avec les pays à niveau socio-économique
similaire (112 décès par 100 000 naissances vivantes) et du taux de mortalité infantile qui
touche encore 40 cas sur 1000 naissances.
Le passif social de l’ajustement structurel entamé par le Maroc depuis les années 83 est
encore pesant sur une économie dont la croissance n’arrive pas à s’autonomiser par rapport au
1 L’évolution du PIB par habitant influe sur le rang du Maroc. En 2003 il est classé 136ième , en 2008 il occupait
le 148ième rang,.
12
secteur agricole trop dépendant des aléas climatiques. Le taux de pauvreté : 9,6 % en 2011
(plus de 3 millions d’habitants)2 et le taux de chômage plus de 9, 9 % pour la même année,
fragilisent les efforts entrepris. Dans ce contexte, l’émigration est devenue un phénomène de
société et la propension à émigrer atteint des niveaux importants3 et touche de plus en plus les
femmes. En même temps, le Maroc, espace de transit pour des milliers de migrants
subsahariens, devient de plus en plus un lieu d’établissement4 ; ce qui pose de nombreux
problèmes relatifs à la prise en charge économique et sociale de cette population.
Un observatoire du DH a été crée en octobre 2008 pour évaluer les politiques publiques et
élaborer des indicateurs nationaux.
En effet, malgré les incertitudes liées au Printemps Arabe, le Maroc a fait preuve de résilience
en termes de croissance en 2011 – tendance qui devrait se poursuivre en 2012 et 2013 – à la
faveur notamment d’une demande intérieure robuste et d’un dynamisme continu de la
production agricole et non agricole.
Le modèle de développement adopté ces dix dernières années par le Maroc, caractérisé par
l’ouverture, la libéralisation et la conduite de réformes structurelles, a permis à l’économie de
résister en 2011, dans un contexte national et international difficile. Au Maroc, le « Printemps
arabe », avec son lot de revendications sociales et politiques, a débouché sur l’adoption d’une
nouvelle Constitution et précipité la tenue des élections législatives. Malgré les tensions
internes et une conjoncture économique dégradée en Europe, principal partenaire économique
du pays, le Maroc a enregistré un taux de croissance réel de 4.6 % en 2011. Une bonne
campagne agricole et le dynamisme de la demande intérieure ont permis d’atténuer l’effet du
recul de la demande extérieure sur l’économie nationale. En 2012 et 2013, le taux de
croissance de l’économie marocaine devrait se consolider autour de 4.5 et 4.8 %
respectivement.
Cependant, malgré les bonnes performances économiques réalisées, le pays reste en butte à
d’importants défis sociaux, parmi lesquels la persistance des inégalités, les disparités sociales
importantes et les dysfonctionnements au niveau du marché du travail qui se traduisent par un
taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes diplômés et les femmes.
Le Maroc fait face à un problème structurel de chômage des jeunes urbains diplômés. Malgré
la création annuelle de 156 000 postes d’emploi, le taux de croissance économique moyen,
enregistré ces dix dernières années, reste insuffisant pour absorber l’arrivée des nouveaux
diplômés sur le marché du travail. Pour y remédier, le gouvernement vise une croissance
économique plus forte et poursuit des politiques publiques volontaristes, afin de faciliter
l’insertion des chômeurs et stimuler l’entreprenariat. La difficulté des jeunes chômeurs à
s’insérer sur le marché de l’emploi repose principalement sur l’inadéquation entre l’offre de
formation et les besoins du marché du travail, en raison d’un système éducatif inadapté. Par
ailleurs, la plupart de ces jeunes diplômés envisagent difficilement leur avenir en dehors de la
fonction publique. Dans ce contexte, les autorités marocaines ont engagé une réforme
ambitieuse de l’enseignement supérieur pour aligner les filières de formation proposées sur
les besoins du secteur privé.
2 Selon l’indice multidimensionnel de pauvreté créé par l’université d’Oxford pour le compte des NU, il est de
28 % , autrement dit 8,9 millions de la population marocaine sont pauvres. 3 Cf. Mohamed Khachani : Les Marocains d’ailleurs Publication AMERM Rabat 2004
Rapport Emploi, migrations et Développement -BIT-. Juin 2009. 4 Cf. Mohamed Khachani : La migration subsaharienne au Maroc. Publication AMERM 2006.
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1-4 Le système politique : un processus démocratique engagé
Le système politique marocain est une monarchie à fondement religieux, qui, juste après
l’indépendance, a adopté en 1962, sa première Constitution. L’évolution du système politique,
entre 1972 et 1992, montre une grande concentration des pouvoirs entre les mains de
l’autorité royale.
C’est la constitution de 1992 qui prévoit pour la première fois la nomination des ministres sur
proposition du premier ministre. La réforme constitutionnelle de 1996 introduit le
bicamérisme du parlement : la chambre des représentants, 325 élus pour six ans au suffrage
direct, et la chambre des conseillers, 270 élus par les représentants des collectivités locales,
des organisations professionnelles et des salariés.
La constitution de 1996 a été substantiellement révisée en 2011, suite aux protestations du
mouvement du 20 Février5. Adoptée par referendum populaire le 1er juillet 2011, la nouvelle
Constitution prévoit notamment le renforcement des pouvoirs du Chef de Gouvernement et du
Parlement. Le 25 novembre 2011, le Parti de la justice et du développement (PJD) - parti
islamiste modéré - a gagné les élections législatives anticipées, en remportant 107 des
395 sièges à pourvoir (61 sièges de plus qu’en 2007). Comme stipulé dans la nouvelle
Constitution, le Roi a nommé comme chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, secrétaire
général du parti Justice et Développement, ayant remporté les élections. Celui-ci a
officiellement formé son gouvernement le 3 janvier 2012 ; un gouvernement de coalition
constitué du PJD, du parti de l'Istiqlal (PI), du Mouvement Populaire et du Parti du Progrès et
du Socialisme (PPS).
Selon l’article premier de la Constitution de 2011, le Maroc est une monarchie
constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. Le Roi est commandeur des
croyants, il veille au respect de l’Islam ; il est le garant du libre exercice des cultes (Art 41),
il est le symbole de l’unité de la Nation et Arbitre suprême entre les institutions, veille au
respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la
protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens et des
collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume (Art 42).
Le système politique et juridique repose au Maroc sur le pluralisme politique, il garantit les
libertés fondamentales et le principe de la séparation des pouvoirs. Les changements
intervenus cette dernière décennie sont significatifs de la volonté politique de s’inscrire dans
les droits humains tels qu’ils sont reconnus universellement (Préambule de la Constitution de
2011).
Mais cette volonté politique sans précédent, fait face à des disparités importantes entre les
milieux rural et urbain et entre les catégories sociales nanties et celles défavorisées. Elles sont
renforcées par la situation des femmes, qui en dépit des avancées substantielles réalisées sur le
plan juridique, politique et social, demeure confrontée, sur le terrain, à de nombreux
obstacles. L’amélioration de la situation des femmes pose, par conséquent, un certain
nombre de défis qui interpellent toutes les composantes de la société marocaine.
2- Présentation de l’étude
5 Cf. Annexe 1 Texte intégral de la constitution de 2011
14
L’objet de cette étude est d’apporter un meilleur éclairage sur les avancées, les obstacles, les
défis et d’examiner les moyens de renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes au
Maroc à travers la mise en œuvre de la nouvelle constitution, qui pour la première fois,
consacre de manière solennelle les principes d’égalité et de non discrimination fondé sur le
sexe et prévoit la mise en place d’une autorité pour la parité et la lutte contre toutes les
formes de discrimination.
2-1 Les objectifs de l’étude
L’étude se fixe comme principaux objectifs :
- rendre compte de l’évolution du statut des femmes au Maroc, dans les différents
espaces,
- identifier les avancées dans les différents domaines à la lumière des conventions
internationales ratifiées et des engagements pris par le Maroc (CEDEF, Plan d’action
Pékin plus 15, Conclusions de Barcelone plus 10, Recommandations d’Istanbul et
Plan d’action de la Politique Européenne de Voisinage) ;
- évaluer l’impact des différentes actions menées par les principales composantes de la
société marocaine sur le statut des femmes dans la société ;
- analyser les obstacles qui limitent la citoyenneté des femmes ;
- permettre l’élaboration d’un plan d’action pour la mise en oeuvre des dispositions
constitutionnelles en faveur du principe de l’égalité hommes – femmes et notamment
l’article 19.
2-2 La démarche adoptée
Pour établir un diagnostic réel et fiable de la situation de l’égalité hommes – femmes dans la
société, l’approche retenue a consisté, en premier lieu :
- Dans la consultation des rapports, études, recherches et tous les documents produits par les
différentes composantes de la société marocaine sur la question des droits des femmes :
départements ministériels, société civile, partenaires (cf. Bibliographie).
- En second lieu, dans l’implication, sur la base d’un diagnostic participatif, d’un certain
nombre d’acteurs – actrices importants - es ciblés - es au niveau des départements, de la
société civile, des partenaires et des chercheurs - es.
Afin de valider cette démarche et d’impliquer le plus grand nombre d’intervenants dans le
débat et la réflexion sur la mise en œuvre de la nouvelle Constitution et notamment
l’identification des obstacles et des défis à relever, Jossour/FFM entend, à travers cette étude,
organiser un ensemble d’ateliers régionaux durant octobre - décembre 2012 afin de lancer le
plaidoyer pour la mise en œuvre de l’article 19 de la constitution.
2-3 L’approche privilégiée : l’approche égalité de genre.
L’introduction du concept genre a profondément modifié le mode selon lequel la situation
des femmes doit être analysée. Partant du fait que les rapports hommes – femmes sont
construits culturellement, politiquement, juridiquement et socialement, cet outil d’analyse et
d’action permet non seulement la compréhension de cette construction dans toutes ses
dimensions mais également la déconstruction par des actions en faveur de l’égalité hommes –
femmes, conformément à l’article 19 de la Constitution. En effet, penser l’inclusion des
femmes dans le champ social, c’est mettre à nu les rapports socialement et historiquement
15
construits responsables des nombreuses inégalités entre les sexes tant dans l’espace privé que
dans l’espace public.
Dans le champ politique, champ décisionnel par excellence, où se prennent toutes les
grandes orientations qui engagent la société, l’approche genre est particulièrement exigeante
puisqu’elle oblige à décrypter les discours, à analyser les pratiques qui relèvent d’un domaine
particulièrement confisqué par les hommes.
2- 4 Les résultats attendus :
- une meilleure connaissance de l’évolution de l’égalité de genre dans la société
marocaine,
- l’identification des mesures/actions à prendre et des mécanismes à mettre en place pour
assurer une meilleure mise en œuvre de la Constitution.
- la sensibilisation des décideurs politiques et des acteurs de la société civile quant aux
obstacles identifiés, auxquels se heurte la citoyenneté des femmes ;
- l’ouverture de débats entre les différentes composantes de la société marocaine, sur les
priorités nationales pour mettre en œuvre la nouvelle Constitution et renforcer le rôle
des femmes dans les différents espaces ;
- proposer un projet de Plan d’action national de mise en oeuvre de la Constitution de
2011, conformément aux principes de l’égalité et de non discrimination clairement
exprimés dans le texte suprême et dans les dispositions de la CEDEF.
L’intérêt de cette étude et de cette réflexion, se justifie à plusieurs titres dont trois au moins
revêtent une importance particulière :
- la revendication de l’égalité interroge les exigences démocratiques qui sont à l’ordre du
jour au Maroc et qui conditionnent inévitablement les chances d’aboutissement du processus
démocratique engagé,
- elle conditionne le développement social et économique du pays
- et interpelle le respect des droits humains fondamentaux reconnus à la personne
humaine quel que soit son sexe.
Au terme de plus d’une décennie de réformes (2000-2012), il est permis d’interroger le
contexte
pour mesurer l’impact de ces réformes sur la situation des femmes,
pour analyser l’évolution de la citoyenneté des femmes au regard de la nouvelle
Constitution et des instruments internationaux ratifiés par le Maroc ;
pour comprendre les représentations des rôles des femmes et leur participation à la
prise de décision dans les espaces public et privé.
2-5 Le plan de l’étude :
Cette étude s’articule autour de quatre axes :
1er Axe : Etat des lieux de l’égalité genre au Maroc
A la lumière des actions menées par toutes les composantes de la société en faveur de l’égalité
de genre, cet axe s’attachera essentiellement à mettre en exergue la place qu’occupe la
16
question de l’égalité dans les préoccupations des décideurs, des acteurs de la société civile,
des partenaires, et leur traduction dans la contribution des femmes à la prise de décision à
tous les niveaux et dans les différents espaces.
2° Axe : Analyse de la situation : avancées, obstacles et défis
Cet axe permettra, sur la base de l’analyse, d’évaluer les actions menées en faveur des
femmes, de faire ressortir les obstacles et les défis à relever. Le but de ce diagnostic est
d’identifier les priorités et les mesures à engager dans le cadre de l’élaboration d’un Plan
d’action national conformément aux dispositions de la Constitution et des engagements
internationaux du Maroc.
Certaines répétitions se justifient en raison de la problématique abordée dont le domaine est
sans doute vaste, complexe et sensible. La condition des femmes au Maroc interpelle les
politiques de développement, la responsabilité de tous les acteurs – es de la société et
forcément le double référentiel sur la base duquel les droits des femmes, particulièrement
dans l’espace privé, sont réfléchis et octroyés.
Il est nécessaire au préalable, d’interroger le contexte dans lequel évolue la question des droits
des femmes au Maroc, sur la base certes, de la philosophie des droits humains, reconnue
solennellement dans le préambule de la Constitution de 2011, mais compte tenu surtout du
rôle réel et de la place qu’elles occupent dans les différents espaces.
L’analyse du contexte marocain, particulier à bien d’égards, est indispensable pour
comprendre la nécessité aujourd’hui pour les femmes marocaines d’accéder pleinement au
statut de citoyennes à part entière.
En effet, même si les rôles des hommes et des femmes sont fortement enracinés dans les
cultures, elles ne sont pas statiques, il importe de les analyser dans leur mouvement pour
déceler les évolutions favorables à l’égalité et celles qui résistent.
Recadrer la citoyenneté dans le souci de l'égalité des sexes a des conséquences importantes
dans le champ privé et dans le champ social et conduit à dépasser le clivage public/privé en
prenant en considération les droits des femmes comme partie intégrante des droits humains
fondamentaux.. Ceci exige que les femmes bénéficient de tous les droits fondamentaux, en
jouissent et les exercent pleinement.
Axe 3 : Les fondements du principe de l’égalité hommes – femmes/ L’ambivalence du
système juridique marocain
Cet axe se focalisera sur les cadres international, régional et national pour interpeller la
responsabilité de l’Etat marocain à honorer ses engagements à l’égard des femmes. Les
différents instruments, stratégies, plans d’action, déclarations, discours et dispositions
constitutionnelles seront présentés pour appuyer la mise en œuvre de la Constitution. Cet
argumentaire mettra en exergue les fondements de l’égalité de genre dans tous les domaines et
dans les différents espaces, pour permettre, in – fine, de prendre les mesures et les actions
prioritaires.
Axe 4 : La mise en œuvre de la nouvelle constitution
17
Cet axe ciblera les priorités devant appuyer l’élaboration d’un plan d’action national pour la
mise en oeuvre de la Constitution. Les différents droits expressément prévus par la nouvelle
Constitution feront l’objet de propositions concrètes, à court, moyen et long terme. Les
mesures relatives à l’élaboration de stratégies complémentaires spécifiques et la mise en place
des mécanismes nécessaires à la concrétisation de ces actions seront également proposées.
INTRODUCTION
Depuis la nuit des temps, le principe de l’égalité a fait l’objet de multiples débats, qui ont
interpellé de nombreuses disciplines, ont opposé divers courants de pensée et ont mobilisé
différents acteurs. Perçue comme idéal par les universalistes, l’égalité est, dans une logique
juridique positiviste, principe fondateur des rapports des citoyens et des citoyennes à la LOI,
expression de la volonté générale.
La consécration de l’égalité comme principe universel la place inévitablement au coeur du
débat sur la citoyenneté des femmes. C’est pourquoi, l’égalité a constitué et continue de
constituer la principale revendication du mouvement des femmes.
Mobilisée à juste titre par le mouvement des femmes pour consacrer la pleine citoyenneté des
femmes, la traduction du principe de l’égalité dans les normes juridiques a dû recourir à
différents mécanismes inscrits dans les constitutions, en tant que textes suprêmes, pour
instaurer l’égalité réelle en droits entre les hommes et les femmes :
- L’égalité devant la loi ( mécanisme inscrit dans toutes les constitutions marocaines
depuis de 1962)
- l’égalité sans discrimination fondée sur le sexe ( Constitution de 2011);
- l’égalité de résultats ;
- l’égalité de chance (Constitution de 2011);
- l’égalité en dignité humaine.
Ces mécanismes, élaborés à l’échelle mondiale, n’ont malheureusement pas porté leur fruit
et instauré, dans le DROIT et dans les pratiques quotidiennes, l’égalité réelle en droits et en
obligations entre les femmes et les hommes.
La question légitime qui se pose : pourquoi la mise en oeuvre du principe de l’égalité
constitutionnel, au profit des femmes a toujours constitué une entreprise délicate voire
difficile ?
Il est nécessaire de rappeler, dans le cadre de cette introduction, que la construction juridique
de l’égalité qui domine la majorité des systèmes juridiques nationaux et les instruments mis
en œuvre, n’a pas abouti à instaurer une véritable égalité juridique des femmes et des
hommes, parce qu’elle s’est heurtée, dans la pratique, aux constructions sociales où les
compétences sociales ont été pendant longtemps considérées comme des attributs biologiques
selon que l’on est homme ou femme. Or, être femme ou homme n’est plus interprété comme
une question biologique mais comme une question de pouvoir. Elle renvoie systématiquement
au partage de pouvoir dans les sphères privée et publique.
Ainsi, pendant longtemps, dans la majorité des systèmes juridiques, les droits reconnus aux
femmes en tant que filles, en tant qu’épouses, en tant que mères, ne sont pas des droits
subjectifs reconnus à la personne humaine, des droits propres de l’individu, mais des droits
18
exercés sous tutelle ou des droits dérivés de leur condition à tel ou tel statut civil ou social (
droit social, droit familial…).
Aussi, la place que la société reconnaît aux femmes et l’image qu’elle leur renvoie sont
traduites dans le DROIT. Celui-ci les a considéré, pendant longtemps, comme des membres
passifs d’une société hiérarchisée, organisée par les hommes, et qui, en les socialisant à
travers l’éducation familiale et les valeurs inégalitaires véhiculées par le système éducatif,
consacrent leur infériorité juridique.
A cet égard, les textes juridiques mettent souvent les femmes et les enfants dans les mêmes
catégories juridiques (droit civil, droit social, droit pénal,…) et même lorsque le droit vise la
lutte contre certaines discriminations, il fait figurer le sexe parmi d’autres
classifications comme la race, la couleur, la religion, l’ethnie… il réduit, de ce fait, les
femmes au rang d’une catégorie classifiée, supplémentaire aux autres catégories.
La dualité des sexes est par conséquent occultée et oubliée et on ignore que l’accès aux droits
et les conditions d’exercice des droits sont différenciés pour les hommes et pour les femmes,
pour les filles et pour les garçons, en raison des conditions de socialisation et des rapports
sociaux de genre qui traversent toutes les sphères de la vie en société. Le sexe en tant que
composante permanente de la personne humaine - que l’on pourrait qualifier de structurelle -
a fait l’objet d’une catégorie juridique particulière lorsqu’il s’agit des femmes. On ne peut
pas se contenter d’interdire de discriminer sur le motif du sexe, pour mettre fin aux rapports
sociaux de genre, ce serait méconnaître l’importance de la division sexuelle des tâches, des
rôles, des ressources et des pouvoirs entre les hommes et les femmes, édifiée et maintenue par
la société, que de se borner à instaurer une égalité abstraite entre les sujets de droit asexués.
Au contraire, c’est à partir de la dualité biologique qu’il faut souligner l’identité sociale de la
personne humaine et son inscription particulière dans les rapports économiques, sociaux,
politiques, civils et culturels ; il faut inscrire le GENRE dans la définition du sujet de droit
et tenir compte de cette donnée, universelle et objective, pour garantir matériellement et
réellement l’égalité des femmes et des hommes, des filles et des garçons. Chaque personne
s’est vue reconnaître le droit au respect et à la dignité, pour recevoir une certaine effectivité,
dans la contextualisation des institutions juridiques, ce respect implique que soit établie une
égalité de STATUT entre les deux composantes (hommes et femmes) de l’humanité,
titulaires des droits humains fondamentaux.
Ainsi, dans la plupart des systèmes juridiques contemporains, l’égalité est purement formelle.
Elle est problématique lorsqu’on tente d’apprécier les effets des lois sur les rapports de genre
au quotidien.
C’est pourquoi, dans les multiples tentatives de réalisation concrète du principe de l’égalité,
au niveau de tous les droits, on relève bien des hésitations et des résistances qui trouvent
fondamentalement leur expression dans l’écart entre la règle de droit et la réalité concrète. Cet
écart est encore plus perceptible, au niveau de l’espace familial, par excellence culturel.
Dans l’espace familial, culturel par excellence, et lieu de socialisation primaire, la mise à
l’épreuve du principe de l’égalité n’est pas à saisir dans sa formulation théorique mais
surtout à l’appréhender dans sa mise en œuvre pratique.
19
Aussi, malgré l’existence d’une dissymétrie universelle entre les hommes et les femmes,
attestée par les faits et les chiffres, la situation réelle des droits des femmes diffère d’un pays à
un autre.
Au Maroc, depuis plus de trois décennies, la « question féminine » constitue un sujet de débat
majeur et mobilise toutes les composantes de la société. Abordée d’abord sous l’angle social,
elle constitue aujourd’hui une problématique récurrente dans les discours tant des responsables
politiques à différents degrés que de la société civile. Elle est, par ailleurs, considérée par
tous les acteurs de la société comme un élément essentiel de la bonne gouvernance, un facteur-
clé du développement durable et une condition nécessaire pour la consécration démocratique.
Conscient que les femmes sont les vecteurs du changement, le Maroc s’est par conséquent
inscrit dans cette dynamique. Il a mis en place les conditions favorisant l’amélioration de la
situation des femmes dans tous les espaces où se déroule leur vie. En révisant la majorité des
textes juridiques, hérités de l’époque coloniale, en créant de nombreuses institutions, en
privilégiant de nouvelles approches pour comprendre les discriminations subies par les
femmes, dans différents espaces, en impliquant de nombreux partenaires, le Maroc a ouvert
de vastes chantiers et pris de multiples initiatives pour consacrer la citoyenneté des femmes et
instaurer l’égalité hommes – femmes dans les espaces public et privé.
Dans ce contexte, l’instauration de l’égalité hommes – femmes, concrétisée non seulement
par la jouissance de droits au niveau théorique mais par l’exercice réel des droits
fondamentaux, constitue un véritable défi. Compte tenu de la transversalité de la question
féminine et de son importance pour le développement et pour la consolidation du processus
démocratique, ce défi interpelle toutes les composantes de la société marocaine
Ce sont essentiellement les associations féminines qui ont initié plusieurs actions de plaidoyer
mais aussi de sensibilisation et de formation. Leur action a pesé indéniablement sur l’agenda
politique et la visibilisation de certaines questions comme la réforme du code du statut
personnel, la question des violences de genre ou encore la représentativité des femmes dans
les instances élues et dans les postes de décision.
L’intervention de l’Etat, sous la pression du combat mené par le mouvement des femmes, au
niveau national, régional et international, n’a acquis une visibilité importante que depuis les
années 90, elle s’est traduite, en premier lieu, par la suppression de certaines autorisations
comme celle du mari exigée pour la femme mariée pour obtenir le passeport, celle relative
à l’exercice d’une activité commerciale (Code de commerce 1913) ou encore celle concernant
la location des services ( DOC 1913).
Mais, c’est indéniablement l’ouverture politique entamée par Feu Hassan II avec le
gouvernement de l’alternance et consolidée par le Roi Mohammed VI qui a accéléré les
réformes et mis en avant la question de la citoyenneté des femmes.
La volonté d’améliorer la condition des femmes au Maroc a, par ailleurs, bénéficié d’un
contexte international et national favorable aux droits des femmes.
- Au niveau international : l’engagement du Maroc à atteindre en 2015 les OMD et
particulièrement l’OMD3, relatif à l’égalité des sexes, et à mettre en œuvre la CEDEF
constituent d’importantes opportunités pour la cause des femmes.
20
- Au niveau national, les actions visant l’amélioration de la situation des femmes
bénéficient d'un environnement politique favorable. Le Maroc s’est engagé sur la voie de
la démocratisation des institutions, il a entamé le processus de réconciliation avec le
passé à travers l'action de l'Instance Equité et Réconciliation (IER), il a réorganisé le CNDH,
redynamisé Diwan Al Madalim (Instance de médiation entre l’Etat et les usagers des services
publics, réorganisée le 18 mars 2011 ), et a mis en place la Haute Autorité de la
Communication Audiovisuelle (HACA, présidée actuellement par une femme, connue pour
son engagement en faveur de la question féminine) Dans le but de renforcer également le
processus démocratique et d’instaurer la culture de la transparence, il a mis en place le Conseil
de la Concurrence (2008), l’Instance de Prévention de la Corruption (2008) et le Conseil
économique et social (2010) et a procédé à d’importantes réformes juridiques telles que
l’adoption de la loi sur les partis politiques et la législation électorale pour introduire des
mesures d’action affirmatives.
Pour promouvoir un développement durable et équitable, profitant aux franges démunies de
la population, l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH), lancée en 2005,
constitue un grand chantier de l’égalité des chances. La question féminine est au cœur de
cette initiative, qui vise la lutte contre les disparités territoriales, la pauvreté et toutes les
formes d’exclusion, le renforcement des capacités des femmes au niveau des droits humains
fondamentaux : santé, éducation, scolarisation des filles rurales, insertion économique par les
activités génératrices de revenu, participation politique …
Cette volonté politique s’est traduite au niveau des droits fondamentaux des femmes par
d’importantes réformes et l’adoption de nouvelles lois et mesures :
- L'adoption en 2002, du scrutin de liste à la proportionnelle et de la liste nationale. Sur la
base d’un accord entre les partis politiques cette liste nationale de 30 sièges est réservée aux
femmes pour assurer leur représentativité au sein de la chambre des députés.
- La réforme du Code de statut personnel (1957-1993), devenu depuis 2004, le code de la
famille.
- L’intégration de l’approche genre dans les politiques publiques à travers la mise en œuvre
du Budget sensible au genre en 2002.
- Le lancement de l’Initiative Nationale de Développement Humain en 2005 (INDH) dont la
responsabilité est confiée à la deuxième femme nommée gouverneure au Maroc.
- L’adoption de la stratégie nationale de lutte contre les violences et son plan opérationnel ;
- L’adoption en 2006 de la Stratégie Nationale pour l’Equité et l’Egalité entre les sexes par
l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes de développement.
- La réforme du code de la nationalité (1958) en 2007, permettant à l’enfant, né de père
étranger, d’acquérir la nationalité marocaine de sa mère.
- La nomination de sept femmes Ministres en 2007.
- La publication en 2007 de l’Examen Exhaustif des statistiques sensibles au genre.
- La diffusion en 2007 de la Circulaire du Premier Ministre auprès de tous les départements
ministériels les appelant à intégrer l'approche genre dans leurs politiques, plans, actions…
- L’adoption en 2009 de la liste complémentaire pour améliorer la représentativité des
femmes dans les élections communales et qui a bénéficié du fonds d’appui aux candidatures
féminines, mis en place par le ministère de l’intérieur. Cette mesure est appuyée par les
dispositions de la Charte communale relative à l’intégration de la dimension genre au niveau
local.
- Révisée de manière substantielle en 2011, la nouvelle Constitution est adoptée par
référendum le 1er juillet 2011. Elle constitue une avancée certaine sur la voie démocratique et
garantit de manière expresse l’égalité hommes- femmes, elle instaure pour la première fois
21
dans l’histoire du pays, une Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes les Formes de
Discrimination. Dans le même sens, la révision de la loi sur les partis politiques et le système
électoral a suivi la révision de la constitution.
Par conséquent, les changements intervenus cette dernière décennie (2001-2011) sont
significatifs de la volonté politique de s’inscrire dans la philosophie des droits humains tels
qu’ils sont reconnus universellement (Préambule de la Constitution de 1996, réaffirmé par le
Constitution de 2011).
Ainsi, dans tous les domaines : civil, économique, politique, social, culturel, professionnel,
des progrès ont pu être enregistrés. Tous les éléments d’une nouvelle prise de conscience de
la problématique de l’égalité semblent donc se mettre en place. L'engagement pris par le
gouvernement marocain ces dernières années pour promouvoir l'égalité est par conséquent,
une réalité incontestable.
Cependant, en cette période où les discours sur le rôle et la place des femmes sont nombreux
et que la traduction du principe de l’égalité est contredit dans les faits, dans un contexte
régional où la question du droit à l’égalité est posée, il s’agit de mesurer l’impact de ces
discours et de ces actions sur les droits réels des femmes et essentiellement d’interroger la
mise en œuvre de la nouvelle Constitution en tant que texte fondamental, ayant instauré deux
principes fondamentaux : le principe de l’égalité et le principe de non discrimination basé sur
le sexe et prévu la mesure de la parité sur laquelle devrait veiller l’autorité créée à cette fin.
En effet, en dépit de la volonté politique et de l’existence de dispositions constitutionnelles
égalitaires expresses, et bien que l’autonomie juridique a pendant longtemps mobilisé le
mouvement des femmes et que des avancées importantes ont eu lieu, des disparités, à tous les
niveaux, existent entre les hommes et les femmes et des écarts subsistent encore entre les
lois et la pratique :
- Dans l’espace familial, en dépit du code de la famille, entré en vigueur en 2004, de
nombreuses discriminations subsistent alimentant de fortes résistances pour le changement
des rapports sociaux de genre,
- Dans l’espace social, les droits humains reconnus aux femmes : éducation, santé, emploi,
participation politique se heurtent à de nombreux obstacles d’ordre économique, social,
politique et culturel et confortent les stéréotypes sexistes et les violences de tout genre à
l’égard des femmes ;
- Dans l’espace professionnel, les femmes continuent de subir de nombreuses discriminations
particulièrement en ce qui concerne l’accès aux postes de décision ;
- Dans l’espace politique la représentativité est en deçà des attentes des femmes, le pouvoir
exécutif semble encore peu réceptif aux mutations de genre.
La prise de conscience d’une construction socio - politique des prétendues natures féminine et
masculine est importante pour une évolution effective et pour une mutation profonde des
rapports entre les hommes et les femmes dans tous les espaces.
C’est pourquoi, il est nécessaire, dans un premier temps de rendre compte de l’évolution de
l’égalité de genre au Maroc en soulignant les avancées pour pouvoir, dans un second temps,
22
analyser la situation et identifier les obstacles et les résistances et en troisième lieu faire des
propositions concrètes conformes aux dispositions constitutionnelles.
I - EGALITE DE GENRE AU MAROC : ETAT DES LIEUX
Après des décennies d’action en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, après
l’adoption de nombreuses résolutions et conventions internationales6 ainsi que de législations
nationales allant dans ce sens, est-il possible aujourd’hui d’affirmer que les choses ont
progressé et peut-on mesurer ces progrès ? Les informations provenant de diverses sources
semblent indiquer, dans la majorité des pays, des avancées vers l’élimination de la
discrimination sexuelle dans l’accès aux différents pouvoirs.
Le Maroc s’inscrit dans cette voie et le système politique, depuis quelques années, s’inscrit
résolument dans une période de mutations profondes ayant pour objectif l’instauration d’un
Etat moderne respectueux de ses spécificités. La réalisation d’un Etat de droit s’insérait
naturellement dans ces objectifs.
C’est dans ce sens que la question de la citoyenneté des femmes au Maroc est apparue comme
une problématique importante dans les perspectives d’un développement humain répondant
aux exigences démocratiques et à l’impératif du respect des droits fondamentaux. Cette
question est visible au niveau des principaux pouvoirs et instances gouvernementales.
I-1 Présence des femmes dans les institutions nationales, régionales et locales élues
Dans le champ politique le rôle des femmes est tributaire de la volonté politique et surtout
des mesures prises pour renforcer leur place et leur représentation dans les instances élues et
dans les hautes fonctions de l’Etat.
En effet, depuis l’indépendance du pays, les Constitutions successives affirment que les
femmes et les hommes ont des droits politiques égaux.
Toutes les conférences, les conventions, les stratégies, les plans et programmes adoptés au
niveau international et auxquels le Maroc a participés et adhérés insistent sur la participation
égale à la décision politique et au renforcement de la représentation des femmes dans les
postes de décision : CEDEF, conférence de Beijing, plate forme d’action de Beijing, OMD
3…
Au Maroc, les femmes ont voté et ont été candidates dès les premières élections communales
de mai 1960.
Trois grandes périodes caractérisent la participation politique des femmes et leur élection au
parlement et aux communes :
- Avant 1993, la participation, qui est très faible, ne se fait qu’au niveau communal. L’année
1993 marque une rupture avec les pratiques anciennes puisque deux femmes entreront au
parlement, soit 0,66%.
6 Art 21 de la DUDH
Art 7 de la CEDAW
23
Mais de 1993 à 2002, il n’y a pas eu d’évolution : aux élections de 1997, le taux de femmes
élues a été maintenu à 0,66%.
- L’année 2002 constitue un véritable tournant dans la question de la participation politique
des femmes.
A la faveur du processus de démocratisation engagé au Maroc et sur la base du troisième
objectif du millénaire (ODM3) « promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des
femmes » qui donne comme indicateur la proportion de sièges détenus par les femmes dans
les parlements nationaux – signe que la participation politique des femmes est perçue comme
un élément central du développement -, le champ politique au Maroc a connu, depuis 2002,
des innovations importantes dans la mesure où les partis politiques et les syndicats ont intégré
dans leur rang plus de femmes et que pour la première fois dans l’histoire du pays, 35 femmes
ont pu accéder au Parlement.
C’est l’année de l’adoption du quota consensuel sur la base d’une liste nationale réservant aux
femmes 30 sièges. 35 femmes ont été élues à la Chambre des Représentants soit 10,77% des
élus. Cette discrimination positive n’a pas profité aux femmes lors des élections communales
où le pourcentage des femmes est resté dérisoire.
Dans le classement mondial des pays, établi par l’Union interparlementaire, le Maroc est
passé de la 118ème place à la 72ème. Au niveau du monde arabe, il occupe le second rang après
la Tunisie7.
Les actions menées par les associations féminines au niveau national et international, leur
participation aux multiples conférences internationales, les débats sur le quota soutenu par de
nombreuses recherches 8 et la volonté politique d’améliorer la représentativité des femmes,
sont autant de facteurs expliquant la décision de réviser la loi organique concernant l’élection
de la Chambre des Représentants. Le scrutin uninominal à un tour fût remplacé par le scrutin
de liste à la proportionnelle. Pour les associations féminines, cela devait permettre aux femmes
d’être élues si les partis politiques les placent en tête de liste.
Les résultats ont montré une progression réelle du nombre de candidates et du nombre
d’élues : 269 femmes se sont portées candidates sur 5865 candidatures ; 47 femmes étaient en
tête des listes locales, ce qui représentait 5% des candidatures présentées, soit environ 12 fois
plus de candidates que lors des élections législatives de 1997. Avec les listes nationales, plus
de 966 candidates se sont présentées. Ainsi, 35 femmes ont été élues : 30 femmes sur les listes
nationales et 5 sur les listes locales, sur un total de 325 représentants, soit 17,5 fois plus qu’en
1997.
En même temps la désignation d’un certain nombre de femmes à différentes fonctions
exécutives est un autre progrès à signaler : en octobre 2003, lors de la deuxième rentrée
législative, une femme est nommée au poste de deuxième vice présidente et une autre
questeure parmi les trois questeurs du bureau. Les femmes sont ainsi désormais admises dans
les instances dirigeantes de la Chambre des Représentants.
7 Cf. Site www.ipu.org/wmn-f/classif.htm.
8 Malika Benradi – Houria Alami : op.cit.
24
Cette évolution n’a pas été sans tergiversations. La proposition d’une liste nationale réservée
aux femmes s’est heurtée à l’argument juridique de la constitutionnalité, mais elle a fini par
être tolérée politiquement avec pour seule garantie un pacte d’honneur auquel les partis ont
adhéré.
Mais, dans la mesure où ce système « du quota » n’a pas été adopté pour les élections de la
Chambre des Conseillers et qu’aucune modification législative n’a vu le jour, le nombre des
femmes dans cette instance est restée, de nos jours, très bas.
De même, lors des dernières élections communales de 2003, le pourcentage des femmes élues
est resté très bas, soit 0,56% des élu - es communaux.
L’évolution reste donc tributaire du contexte et de la volonté politique. Cette situation a pour
conséquence l’existence d’un quota « artificiel » sans base juridique claire, puisqu’il est fondé
sur la volonté des partis politiques d’inscrire ou non 30 noms de femmes comme candidates
pour les élections de la première chambre.
Cette situation explique la vigilance du mouvement des femmes qui a fait preuve de réalisme
et de pragmatisme. Aussi, lors du débat sur la question de la participation politique des
femmes, en mars 2006, et afin de consolider la présence des femmes dans les élections
législatives de 2007, les principales propositions avaient porté sur :
la nécessité de recourir à des mesures de discrimination positive,
la nécessité d’introduire dans la Constitution, à la faveur de la révision revendiquée par
certaines formations politiques, une disposition expresse reconnaissant au législateur le droit
de recourir à des mesures de discrimination positive favorisant l’égalité hommes – femmes
dans les instances élues ;
la nécessité de défendre l’acquis de la liste nationale ;
la nécessité de défendre le mode de scrutin de listes comme le mode le plus favorable aux
femmes,
la nécessité d’élargir et de renforcer ces acquis :
- augmenter le quota des femmes sur la liste nationale ;
- consacrer le quota dans les élections communales ;
- « institutionnaliser » les mesures de discrimination positive pour engager les partis
politiques et ne pas se contenter uniquement du respect d’un pacte d’honneur ;
introduire des mesures d’incitation/sanctions financières pour garantir l’éligibilité des
femmes, et non seulement leur « candidabilité ».
Ces propositions ont permis le maintien du pourcentage lors des élections législatives de 2007
qui ont porté 7 femmes aux fonctions de ministres.
Pour ne pas reproduire les résultats des élections communales de 2003 et s’inscrire dans la
progression des élections législatives de 2007, et grâce à la campagne du tiers menée par le
mouvement des femmes, appuyée par le ministère du développement social, par les directives
du ministère de l’intérieur et par un fond d’appui aux candidatures féminines, les résultats des
élections communales du 12 juin 2009 ont permis aux femmes de remporter 12,38 % des
sièges à l’échelle nationale, 600 femmes exercent des fonctions au sein des conseils locaux et
20 sont présidentes de collectivités locales.
25
Ainsi, l’adoption de mesures favorables à l’implication des femmes dans le champ politique a
pour première conséquence de transformer les visions des rôles. La présence de 35 femmes au
parlement, un univers considéré comme relevant de compétences masculines, a permis de
créer les conditions de la mixité de la représentation et de transformer les mentalités sur les
conceptions des rôles attribués aux femmes et aux hommes.
Il reste que ces avancées nécessitent d’être renforcées par la consécration juridique, car la
désaffection à l’égard du politique, en atteste à cet égard le taux de participation aux dernières
élections législatives de 2007 (moins de 30%) et communales de 2009 (moins de 55 %) risque
d’avoir des incidences importantes sur la culture de l’égalité.
L’évolution des droits des femmes au Maroc est tributaire également des évènements qui ont
secoué la région, le printemps arabe a eu un impact indéniable sur les revendications du
mouvement des femmes et a précipité de nombreuses réformes du champ politique et
notamment la révision de la Constitution en 2011.
- l’année 2011 constitue par conséquent un tournant historique dans la mesure où la
nouvelle Constitution renforce l’égalité hommes - femmes au niveau de tous les droits.
Le texte constitutionnel, adopté le 1er juillet 20119, par référendum, affirme dans son
préambule trois avancées majeures :
- l’égalité des chances,
- l’attachement aux droits humains tels qu’ils sont universellement reconnus ;
- le combat de toute discrimination en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la
culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, de l’handicap ou de quelque
circonstance personnelle que ce soit.
L’article 6 précise que les pouvoirs publics oeuvrent à la création des conditions permettant de
généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que
leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale.
L’article 19 annonce de manière expresse le principe de l’égalité « L’homme et la femme
jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social,
culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la
Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le
Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes du Royaume
et de ses lois.
L’Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes.
Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de
discrimination ».
L’article 30 affirme l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives.
La révision de la Constitution, l’adoption de nouvelles lois sur les partis politiques et le mode
électoral, et leur mise en œuvre à travers les élections législatives de novembre 2011, ont
alimenté pendant plus de trois mois un débat houleux sur la participation politique des femmes
et particulièrement sur la question des quotas à admettre, la liste nationale de 90 sièges, dont
30 sièges réservés aux jeunes, semble bien reporter l’exigence de la parité. Le taux admis a
certes permis de doubler le nombre de femmes députées mais ne répond pas à la campagne du
tiers, lancée par le mouvement des femmes, depuis 2008. En effet, la culture de l’égalité 9 BO n° 5964 du 30 juillet 2011 Site www.maroc.ma
26
demeure très tributaire des chances de mise en œuvre de la Constitution et notamment de la
volonté des partis politiques.
A cet égard, la faiblesse voire l’absence des femmes de certains postes dans les instances
gouvernementales et régionales est confirmée par leur faible présence au sein des instances
dirigeantes des partis politiques, ce n’est qu’en 2012, que la première femme, secrétaire
générale, d’un parti politique, fut élue par le PSU.
I-2 Présence des femmes dans le gouvernement
- C’est en 1997, plus de 40 ans après l’indépendance du pays, que pour la première fois,
quatre femmes sont nommées par Feu le Roi Hassan II, Sous - Secrétaires d’Etat dans un
gouvernement de trente membres. A partir de cette date, les femmes seront représentées dans
toutes les équipes gouvernementales qui se sont succédées. Cette date marque un tournant
dans l’intégration des femmes dans le pouvoir exécutif.
- En 1998, deux femmes sont nommées par le gouvernement d’alternance Sous - Secrétaires
d’Etat, l’une en charge de la Coopération auprès du Ministère des Affaires Etrangères, l’autre
responsable des Personnes Handicapées.
- Au niveau des hautes fonctions, en 1998, fût nommée la première femme directrice générale
de la Bourse des valeurs, elle occupe également le poste de directrice de l’Office National du
Tourisme.
- Le remaniement de septembre 2000 désignera la première femme ministre dans l’histoire du
Maroc. Dans ce gouvernement, ce sera le seul ministère dirigé par une femme. En outre, ce
ministère avait pour charge la « condition féminine, l’enfance et les personnes handicapées »,
ce qui englobe des compétences qui relèvent du social.
- Enfin, les nominations de trois femmes au gouvernement en octobre 2002 confirment les
nouvelles orientations. Mais les départements ministériels attribués, «Famille », « Marocains
Résidant à l’Extérieur », « Alphabétisme et Education Non Formelle », ne s’écartent pas du
secteur social.
Le ministère de la condition féminine est supprimé et remplacé par un Secrétariat d’Etat à la
Famille.
Le début des années 2000 marque un tournant : le nombre de femmes qui occupent les postes
de décision politique s’est accru dans tous les secteurs. Les femmes ont investi tous les
champs : politique, économique, social et culturel. Elles sont ministres, ambassadeures,
cheffes d’entreprises…Elles sont aussi représentées dans le champ religieux, elles font partie
du Conseil des Oulémas depuis le 30 avril 2004. En mars 2009, d’autres femmes y sont
nommées.
Sur haute décision royale, elles peuvent accéder au cycle des agents d’autorité de l’école des
cadres de Kenitra qui était fermée aux femmes, de ce fait, elles sont nommées dans les
fonctions d’autorité : caïd, gouverneur, commissaire…
27
En 2004, après le remaniement ministériel, seules 2 femmes resteront au gouvernement.
En 2007, juste après les élections législatives, 7 femmes sont nommées ministres, un
pourcentage qui fait honneur au Maroc au niveau international. Les portes feuilles sont pour
la première diversifiés et ne cantonnent pas les femmes dans le social.
En 2011, le gouvernement ne compte qu’une seule femme, il confirme les résistances des
partis politiques à la mixité gouvernementale.
La nominations aux hautes fonctions publiques demeure également limité
Au niveau de la représentation diplomatique, le taux s’est nettement amélioré, 10 femmes sont
nommées ambassadeures sur 84 hommes ambassadeurs et plusieurs sont consules, sur 28
ambassadeurs nommés par le ROI en décembre 2012, figure une seule femme.
Au niveau des emplois dans la Haute Fonction Publique, la représentativité des femmes
occupant des postes de responsabilité s’améliore mais demeure faible. Une seule femme est
conseillère du Roi, aucune femme n’est wali et la première femme à avoir accédé au rang de
gouverneure est la directrice de l’Agence urbaine de Casablanca, la seconde femme
gouverneure est en charge de l’INDH au ministère de l’intérieur, la troisième femme
gouverneure est nommée au sein du Ministère de l’Intérieur, en charge de la formation des
cadres. En 2012, dans le cadre des nouvelles nominations des gouverneurs, seule une femme
fût nommée à ce poste, elle est en charge de la province de Mohammedia. Pour les autres
catégories d’agent d’autorité, en 2008, 19 femmes sont nommées Caïd.
Le bilan de la décennie 2001-2011 permet de constater une évolution réelle de la
représentation des femmes aux postes de décision mais également les limites de cette
progression.
C’est au niveau de la Haute Fonction Publique, emplois qui relèvent de la décision du
Gouvernement tels ceux de conseiller- ère, Walis, Président - e d'établissements publics que la
représentativité des femmes dans la haute fonction publique est particulièrement faible.
L’article 31 de la nouvelle Constitution semble rompre avec la logique de la parité, annoncée
par l’article 19, puisqu’il retient le mérite comme seul critère pour l’accès aux fonctions
publiques, « L’Etat, les établissement publics et les collectivités territoriales oeuvrent à la
mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des
citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits (….) : accès aux fonctions
publiques selon le mérite ».
I- 3 Présence des femmes dans la fonction publique et accès aux postes de responsabilité
L’accès à la fonction publique est ouvert aux hommes et aux femmes depuis l’année 1958,
l’article premier du Statut Général de la Fonction Publique de 1958 précise que : « Tout
marocain a droit d’accéder dans les conditions d’égalité aux emplois publics. Sous réserve des
28
dispositions qu’il prévoit ou résultant de statuts particuliers, aucune distinction n’est faite
entre les deux sexes pour l’application du présent statut ».
Cette disposition est confirmée de manière solennelle, par la Constitution de 1962 et réitérée
par toutes les autres constitutions, de 1970 – 1972 – 1992 - 1996 et 2011.
Comparativement à l’ensemble des salariés, les femmes dans la fonction publique jouissent de
droits étendus. Le Statut Général de la Fonction Publique aménage certaines conditions
particulières en faveur des femmes. L’accès aux emplois et aux responsabilités est reconnu à
tous les fonctionnaires de l’Etat sans discrimination fondée sur le sexe. Les discriminations
que l’on peut constater et observer en pratique, notamment dans l’accès aux postes de
responsabilité et dans les fonctions d’autorité sont donc, pour l’essentiel de pur fait, sans
aucun fondement juridique.
Seulement, la neutralité du droit d’accéder aux emplois publics et aux postes de responsabilité
semble piéger, dans la pratique, les femmes, dans la mesure où ce droit ne s’est pas
accompagné de mesures concrètes, réellement favorables aux femmes. C’est ainsi qu’au
niveau décisionnel, les femmes sont pendant longtemps restées absentes des postes de la
haute fonction publique.
Selon le dernier bilan social des fonctionnaires et agents civils de l’Administration de l’Etat et
des Collectivités Locales, élaboré par le MMSP pour l’année 2009, l’effectif total des
fonctionnaires civils de l’Etat s’élève à 486.6 16 avec un taux de féminisation de 34%. En 10 ans, ce
taux a évolué de moins de quatre points.
Dans les différents départements ministériels où la proportion moyenne du personnel féminin est
de 37,5%, certains se démarquent des autres avec parfois, un personnel féminin supérieur au
personnel masculin. C’est le cas des départements de la Santé (53,8%) et du Développement Social
(52,7%). En revanche, ce taux est respectivement moins de 4% et un peu plus de 6% à la Direction
Générale de la Protection Civile et à la Direction Générale de la Sûreté Nationale.
Les femmes cadres représentent à elles seules 56,32% du total des femmes fonctionnaires. Le
personnel féminin avec un niveau de maîtrise constitue environ 31% alors qu’ il ne représente
que 13% pour le niveau “exécution”. Entre 2001 et 2009, la présence des femmes cadres dans la
fonction publique a progressé de près de 6%. Toutefois, il est important de souligner que la
proportion des femmes cadres supérieurs dans le total des femmes fonctionnaires est plus
importante au niveau des services régionaux (58%) qu’au niveau des services centraux (44%).
La proportion des femmes est importante au niveau des services centraux. Elle s’élève à
39,3% contre 33,9 % au niveau déconcentré. La région du Grand - Casablanca est la plus
féminisée, juste devant Rabat- Salé, Zemmour - Zaër (40,65%) et Doukkala - Abda (3 8,89%).
Toutefois, ce taux demeure faible au niveau des régions de Guelmim-Smara (21,9%) et
Boujdour-Sakia El Hamra (19,8%).
L'accès des femmes fonctionnaires aux postes de responsabilité est réduit par rapport aux
hommes, soulignant que ce taux a enregistré une évolution soutenue en passant de 10% en
2001 à 15% en 2009. Les régions les plus concernées par ce phénomène sont le Grand
29
Casablanca avec 40,77%, Rabat-Salé-Zemmour-Zaërs (40,65%) et Doukkala Abda (38,89%).
C’est en milieu rural où ce taux est le plus bas avec une représentativité de 10,6%.
Dans l’administration centrale, seules 7,41% de femmes ont occupé en 2009 un poste de
secrétaire général. A noter que près de 90% des femmes responsables occupent le poste de chef
de service et de chef de division avec respectivement un taux de féminisation dans ces postes de
17,79% et de 10,59%, soit seulement 5 et 4 points de plus entre 2001 et 2009.
Au niveau de l’encadrement dans la Fonction publique, les taux de femmes cadres occupant
des postes de décision aux échelons supérieurs de l’Administration Centrale sont variables
selon les différentes administrations étatiques et globalement faibles, en 2010, elles sont 18
femmes directrices sur 189 postes de ce niveau10.
Tableau 5 : Répartition des postes de responsabilité par genre
Femmes Hommes
Total
Pourcenta
ge Administration centrale
Secrétaire Général 2 5 2 2 7 7,41% Directeur Général 0 3 3 0,00% inspecteur Général 2 19 21 9,52% Directeur 40 234 274 14,60% Chef de division 177 1495 1672 10,59% Chef de service 751 3471 4222 17,79% Administration déconcentrée
Directeur régional et provincial 2 117 119 1,68% Délégué 9 6 8 9 5 9,47%
Ambassadeur 10 84 6 7 5 12,00% Consul et Consul Général 3 9 4 5 2 5,77% Total 994 5565 6559 15,15%
Source dépliant MMSP/2009
Au niveau de la féminisation des postes de responsabilité statutaires et assimilés, une
légère hausse a été enregistrée. Le taux de féminisation du poste de chef de service est
passé de 12,69% en 2001 à 16 % en 2006 et à 17,79 % en 2009, alors que le taux de
féminisation du poste de chef de division est passé de 6,56% en 2001 à 10% en 2006 et à
10,59 % en 2009.
S’agissant de l’accès aux postes de responsabilité, le pourcentage des femmes est passé de
17,3% en 2001 à 20% en 2007 avant de baisser à 18% en 201111.
Même lorsqu’elles ont les mêmes diplômes et les mêmes qualifications que les hommes, les
perspectives de participation au plus haut niveau de l’Etat sont, en effet, bloquées par le
plafond de verre, malgré une nouvelle dynamique favorable à l’inclusion des femmes dans
les postes de décision.
De nombreuses discriminations, verticale et horizontale, freinent les carrières des femmes.
10 MEMOMAP, le guide des décisionnaires, 6ème édition 2005-2006, Agence Maghreb Presse. 11 Cf. Statistiques publiées par le Ministère de la Fonction Publique et la Modernisation de l’Administration
2012.
30
Des proportions faibles caractérisent les ministères réputés masculins comme les ministères
de l’Intérieur, de la Défense Nationale, la Protection Civile, la Direction de la Sûreté
Nationale, des Affaires Islamiques… Des taux de participation à la prise de décision assez bas
sont également enregistrés dans des secteurs scientifiques, techniques et économiques
(ministère des Finances et de l’Economie, du Commerce…).
Les femmes sont plus nombreuses dans les ministères dont les compétences recouvrent des
domaines d’activité traditionnellement considérés comme féminins comme l’Education et la
Santé. Mais là encore, au niveau le plus élevé, le nombre des femmes reste faible. C’est le cas
au Ministère de l’Education Nationale où seules deux femmes sont directrices d’académie sur
16 hommes, 11 sont déléguées sur 83 et 24 sont directrices de lycée sur 667, au titre de
l’exercice 2011. Pour l’enseignement supérieur, une femme est nommée présidente
d’université de 2002 à 2010, en 2011 aucune femme n’a pu prétendre à ce poste au niveau de
16 universités que compte le Maroc, le nombre de femmes doyennes des facultés demeure
dérisoire par rapport aux nominations masculines.
Il en est de même du Ministère de la Santé où les femmes constituent 53,8 % du personnel
mais n’occupent aucun poste de directeur régional (16 directeurs régionaux sont des hommes)
et occupent 7 postes de délégués sur 79 en 201112.
En dépit de la féminisation de la fonction publique 26% (administrations publiques et
collectivités locales), l’accès aux postes de responsabilité demeure limité. Ces différences
dans l’accès à la responsabilité ont des conséquences dans la mesure où les hommes sont plus
nombreux que les femmes à occuper des postes de responsabilité, ce qui leur permet d’influer
sur les politiques.
Ainsi, dans les hautes fonctions administratives, l’évolution permet de constater quelques
signes de changement. Les femmes ont investi des professions qui leur étaient difficilement
accessibles, il y a une décennie, mais elles ont de grandes difficultés à dépasser certaines
limites car, arrivées à un certain niveau de responsabilité, elles se trouvent face à des
résistances qui leur barrent l’accès aux hauts postes décisionnels.
Le développement de la carrière est également entravé par les responsabilités familiales
(travaux domestiques, éducation des enfants, prise en charge des personnes âgées, malades
et/ou handicapées…) et par le manque d’implication des hommes dans la gestion de l’espace
privé. L'absence d'infrastructures sociales de garde et de soins permettant une meilleure
conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle constitue un obstacle à l'expansion
de l'emploi féminin et à l'amélioration des conditions de travail et de vie des femmes.
I- 4 Présence des femmes dans le pouvoir judiciaire
La présence des femmes au niveau du pouvoir judiciaire s’améliore, elles constituent 20 %
du corps des magistrats (705 femmes juges sur plus de 3403 magistrats en 2011), bien qu’au
niveau décisionnel elle demeure encore faible : une femme est en charge de la direction des
études, de la coopération et de la modernisation, une femme est première présidente de la cour
d’appel de Marrakech, une est conseillère du ministre, une est première présidente près de la
cour d’appel de commerce, 50 femmes sont présidentes de chambre à la cour suprême, 2
femmes sont présidentes des tribunaux de première instance et trois sont procureures du Roi 12 Cf. Tableau nominatif des délégués du ministère de la santé – 2011.
31
auprès des tribunaux de commerce, une femme est présidente de la cour des comptes au
niveau régional. Cependant, aucune femme n’assure les fonctions de procureur général.
La nomination des femmes juges aux postes de responsabilité est perçu comme une garantie
de l’indépendance du pouvoir judiciaire et comme un rempart aux pratiques de corruption, Feu
Hassan II avait accueilli une promotion de juges par ces mots : « plus il y aura de femmes
parmi vous, moins il y aura de corruption… ».
Au niveau du ministère de la justice, en octobre 2011, les femmes constituent 47,11 % du
personnel, elles occupent 32,73 % des postes de responsabilité dans les différentes directions
du ministère.
Ainsi, en dépit du rôle de plus en plus important joué par les femmes dans l’espace public,
reconnu par l’ensemble de la société et soutenue par une réelle volonté politique, les femmes
demeurent faiblement représentées dans les hautes fonctions et dans les postes de décision des
trois pouvoirs.
I- 5 Présence des femmes dans les instances à caractère consultatif
Dans de nombreuses instances la présence des femmes est plutôt symbolique :
- Le Conseil Constitutionnel : une femme sur 12 membres hommes.
- Le Conseil Supérieur de la Magistrature : ne compte aucune femme.
- Le Conseil Supérieur de la Fonction Publique : le taux de féminisation au niveau du
conseil supérieur de la fonction publique s’élève à 14,58%. Ce taux est de 12,5% pour les
représentants de l’administration et de 16,66% pour les représentants du personnel. Concernant
les commissions paritaires, les femmes représentent 14,95% de l’ensemble des membres.
Tout récemment, les institutions créées ont intégré, dans leur composition, un nombre limité
de femmes :
- Le CNDH : 13 femmes dont 5 nommées par le ROI, sur 45 hommes.
- Le CES : 6 femmes sur 99 hommes, nommé- es par le Roi.
- La HACA : sur 8 membres 2 femmes dont une est nommée par le Roi et la deuxième par le
président de la chambre des conseillers.
- L’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la
Corruption - art 167 de la nouvelle Constitution ( ex. Instance Centrale de Prévention
de la Corruption /ICPC) compte 9 femmes sur 35 au niveau de l’Assemblée plénière.
- Au Conseil de la Concurrence aucune femme n’est membre (12 membres hommes)
Ces dernières initiatives s’inscrivent dans la volonté d’inclure de plus en plus les femmes dans
la construction démocratique du pays, seulement elle n’a pas répondu aux attentes du
mouvement des femmes et à l’idéal paritaire, tel que expressément annoncé par la nouvelle
Constitution de 2011, dans son article 19.
32
- La commission de révision du code du statut personnel : mise en place par le discours
royal du 27 avril 2001, elle est composée de Oulémas et de juristes au nombre de 16 dont
trois femmes, de tendance moderniste, y ont siégé pour la première fois.
- La commission consultative sur la régionalisation : mise en place en 2010, elle comprend
3 femmes sur 22 membres. Elle préconise six mesures en faveur des femmes :
- l’action affirmative en faveur d’une plus large participation des femmes à la gestion des
affaires régionales et locales est renforcée par une disposition constitutionnelle autorisant le
législateur à favoriser l’égal accès des femmes et les hommes aux fonctions électives.
- Des modes de scrutin et des incitations appropriés sont adoptés pour garantir l’accès des
femmes au tiers des fonctions électives et aux bureaux et autres instances des conseils des
collectivités territoriales, conformément aux objectifs de développement du millénaire.
- L’intégration systématique de l’approche genre dans la conception, la mise en œuvre, le
suivi et l’évaluation des politiques, des stratégies et de la gouvernance au niveau régional,
préfectoral et provincial.
- Chaque conseil régional est tenue de mettre en place une commission d’équité genre,
composée de personnalités compétentes des deux sexes. Cette commission consultative
auprès du conseil pourra s’auto saisir de toute question relevant de son mandat en vue de
promouvoir l’égalité hommes – femmes au niveau régional.
- Les partis politiques sont encouragés, notamment à travers le financement public, à
favoriser, dans leurs structures régionales, la participation politique des femmes et leur accès
aux responsabilités électives et de gestion.
- La commission consultative de révision de la Constitution : mise en place suite aux
évènements qui ont secoué le Maghreb et le Moyen Orient, début 2011, elle comprend 5
femmes sur 18 hommes, représentant les diverses tendances idéologiques avec une
prédominance du courant moderniste.
- La haute instance nationale de dialogue sur la réforme du système judiciaire : compte 8
femmes sur 40 membres nommés par le Roi, elle est instaurée en mai 2012. Cette instance est
appelée à reconsidérer le système judiciaire dans tous ses aspects législatif, réglementaire et
procédural dans le but de répondre aux principes de l’indépendance, de la transparence et de
la proximité aux justiciables.
Au vu de cet état des lieux, la citoyenneté des femmes au Maroc a connu des avancées
indéniables, seulement, au regard de la nouvelle Constitution, du principe d’égalité, des
engagements internationaux pris par le Maroc et des revendications du mouvement des
femmes, la citoyenneté des femmes se heurte encore à de nombreux obstacles et
d’importantes discriminations persistent, aussi bien dans l’arsenal juridique marocain qu’au
niveau des politiques publiques et des pratiques quotidiennes.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Constitution, il est nécessaire de procéder à l’analyse
de la situation en interrogeant les différents droits reconnus aux femmes aussi bien dans
l’espace privé que dans l’espace public.
33
II- EGALITE DE GENRE : AVANCEES, OBSTACLES ET DEFIS
Lancé depuis longtemps, le débat sur la question des droits des femmes s’est focalisé d’abord
sur le statut juridique des femmes marocaines au sein de la famille. Le nouveau code de la
famille, entré en vigueur en février 2004, malgré les difficultés relatives à sa mise en œuvre,
ouvre une nouvelle ère dans la citoyenneté des femmes marocaines. Cette avancée est le fruit
d’un long combat mené, depuis près d’un demi – siècle, par le mouvement des femmes. Les
représentations ont-elles pour autant changé ?
En effet, l’observation montre que la valeur clé des représentations de la place des femmes
chez les décideurs politiques modernistes, se construit sur le principe de l’égalité. C’est à
partir de ce principe que l’ordre patriarcal est remis en cause. L’analyse des éléments
constitutifs du discours moderniste et des actions menées, révèle un système de valeurs clair :
la personne est sujet de droit, elle jouit et exerce les droits humains fondamentaux, reconnus à
la personne humaine, en dehors du joug de la tutelle patriarcale.
Conscient du fait que l’ordre patriarcal constitue un fondement de la société marocaine, le
département du développement social de la femme, de la famille et de la solidarité et ses
multiples partenaires se sont engagés jusqu’à janvier 2012 dans une stratégie de changement
social sous une triple exigence :
- le développement humain durable,
- la démocratie,
- et le respect des droits humains fondamentaux qui ne peut exclure la moitié de la
population, constituée par les femmes.
Pour une efficacité optimale de ce projet de société, le double référentiel est mobilisé, dans le
sens de la compatibilité entre l’universel et le spécifique.
L’analyse de la situation montre le souci de répondre à trois objectifs ;
- améliorer la condition des femmes à partir du référentiel religieux,
- démontrer qu’il y a compatibilité entre les finalités du référentiel religieux et le
référentiel universel;
- lier la lecture des textes au contexte et à son évolution et également aux finalités de la
Chariaa.
Ce débat n’est pas clos, il fût relancé en 2008, lors de l’annonce par le souverain, à l’occasion
de la commémoration du soixantenaire de la DUDH, de la levée des réserves que le Maroc a
émises en 1993 sur la CEDEF, qui touchent particulièrement le droit de la famille, il est
réitéré en 2011, par les tendances conservatrices13, lorsque le Maroc a officialisé la levée des
réserves .
Ainsi, le double référentiel est un constat, il est affirmé dans toutes les déclarations
gouvernementales. Le référent religieux domine les relations familiales, alors que le référent
universel imprègne les rapports dans l’espace public. De ce fait, le référent religieux dans sa
lecture actuelle – restrictive dans certains domaines - doit être mobilisé à travers la voie de
l’Ijtihad pour améliorer le statut des femmes et renforcer leur rôle dans la société sur la base
des finalités de la Charia et des valeurs universelles.
13 Cf. Déclaration de Bassima El Hakkaoui en juin 2011.
34
II-1 L’égalité de genre dans l’espace privé
La réforme du CSP, appelé communément MOUDAWANA, intervenue en 2004, a permis
d’améliorer de manière significative le statut juridique des femmes et d’ouvrir de nouvelles
perspectives de changement de leur condition au sein de la famille.
Les avancées sont certes réelles lorsqu’on analyse les nouvelles dispositions du code de la
famille mais le texte connaît des limites, contient des contradictions et consacre encore des
inégalités, en contradiction flagrante avec le principe de l’égalité et la philosophie des droits
humains qui ont inspiré ce code et qui sont expressément énoncés par la nouvelle
Constitution de 2011.
Ainsi, 8 ans après sa mise en oeuvre, les études menées sur la pratique judiciaire concluent
toutes, qu’il reste beaucoup à faire pour garantir l’effectivité des dispositions du nouveau
code, reconnaître l’égalité réelle des époux dans la responsabilité de la famille et consacrer le
respect des droits humains des femmes14.
Le constat montre qu’il existe un décalage considérable entre la norme juridique et
l’application du droit. Les bilans réalisés permettent de faire six constats :
- Le Maroc s’est engagé dans un processus irréversible de réformes, particulièrement en
ce qui concerne les droits des femmes.
- Les résistances au changement dans l’espace privé sont fortes, notamment pour les
femmes dont le capital social est pauvre.
- Ces résistances au changement se traduisent par des attitudes et des
comportements visibles au niveau de la famille, de la société et même au niveau de
certaines institutions, telle que l’institution judiciaire.
- Les dispositions du nouveau code de la famille ne sont pas connues par l’ensemble de
la société et particulièrement par les femmes analphabètes et par les femmes du milieu
rural.
- Le principe de l’égalité ne traverse pas toutes les dispositions du code de la famille.
En dépit du rôle joué de plus en plus par les femmes dans l’espace privé, de nombreuses
dispositions du code, manquent de précision et accordent un pouvoir exorbitant
d’appréciation au juge, ce qui interpelle la formation et l’engagement des juges dans le
changement.
1- Evolution du pouvoir au sein de la famille
1-1 Le rôle des femmes dans la nouvelle structure familiale : la famille élargie
cède le pas, de plus en plus, à la famille conjugale
Il y a quelques décennies, la famille patriarcale était l’unité de base qui caractérisait la société
marocaine comme c’était le cas pour d’autres pays méditerranéens. Les relations entre les
14 Cf. Malika Benradi : 8ans d’application du code de la famille : quels changements ? Intervention Ecole Eté
Juillet 2012.
35
sexes étaient marquées, le plus souvent, par une subordination des femmes aux hommes et une
séparation entre l’espace public masculin et l’espace privé féminin.
Sous l’effet de la scolarisation des femmes et notamment leur entrée dans le marché de
l’emploi et leur contribution à la gestion financière du foyer, les comportements familiaux ont
changé, ils se sont accompagnés, sur le plan de l’habitat, d’un passage de la grande maison au
petit logement et de la famille élargie à la famille nucléaire, particulièrement en milieu urbain ;
dans les grandes villes du Royaume.
Ces facteurs ont contribué à changer les structures familiales et à améliorer progressivement la
position des femmes au sein de la famille et de la société, d’autres rôles que ceux d’épouses et
de mères commencent à leur être reconnus.
Il est vrai que le modèle familial où l’homme seul travaille et la femme reste au foyer, est
progressivement remplacé par un modèle, où, dans beaucoup de cas, les deux conjoints sont
actifs en dehors du foyer. Bien que la participation des femmes dans la vie active reste
éloignée de celle du sexe masculin, les statistiques montrent qu’elle s’est accrue, le taux est
passé de 13% à 23 % entre 1994 et 2000, et de 25 % à 28 % entre 2000 – 2011. Il est par
ailleurs le plus élevé dans la région MENA.
Cependant, cette participation accrue dans la vie active ne semble pas avoir entraîné une
nouvelle division des tâches domestiques entre époux. Au contraire, les hommes continuent à
maintenir la plupart des pouvoirs économiques et à contrôler les processus de prise de
décisions au sein du ménage. Les études qui permettent de vérifier cette hypothèse sont rares.
Cependant, selon les résultats de quelques enquêtes qualitatives15, les rapports d’obéissance de
l’épouse à son mari ne sont point, dans l’ensemble, démarqués de ceux qui prévalaient au sein
de la famille étendue. De même, le travail domestique reste, généralement, perçu comme une
activité essentiellement féminine. Les revenus des épouses sont souvent considérés comme un
simple appoint au revenu des époux. En somme, le mari reste, en général, le chef du foyer,
celui qui prend les grandes décisions relatives à la famille.
La proportion des femmes qui dirigent un ménage est importante, particulièrement dans les
villes. Dans ces milieux, elle atteint 22,5%. En milieu rural, le poids des femmes cheffes de
ménage, bien qu’encore faible, il atteint 10,3%. Cet écart entre les deux milieux s’explique
d’une part, par la nature même des familles dans les deux milieux (par exemple, 71,6% des
ménages ruraux comportent trois générations ou plus contre 57,1% en milieu urbain) et d’autre
part, par une émancipation plus poussée des femmes citadines16.
Ceci montre la permanence de certaines représentations que l’enquête nationale sur la famille
en 1995 a souligné et qui est confirmée par les enquêtes qualitatives : ce sont d’abord les
hommes qui sont responsables du point de vue de la culture dominante, de pourvoir aux
besoins économiques du ménage, à travers un emploi rémunéré ; les femmes devront surtout
assumer une fonction de procréation et d’éducation des enfants.
Cependant, durant la dernière décennie (2001-2011), d’importantes transformations socio -
démographiques se sont produites:
15 Les perceptions et représentations des Africains et des Africaines de l’égalité hommes – femmes - Enquête
AFARD Maroc. Publication Dar AL Kalam Rabat - 2007. 16 Les perceptions … op. cit.
36
Les femmes marocaines deviennent mères de plus en plus tard et font de moins en moins
d’enfants.
Les résultats sont significatifs de l’évolution :
La population du Maroc ne croît plus au même rythme, mais elle vieillit. La cellule familiale
se rapproche progressivement de celle des occidentaux. L’Indice Synthétique de Fécondité
(ISF) poursuit sa baisse enclenchée depuis le début des années 1980 en passant de 5,9 enfants
par femme à 2,5 en 2003-2004 pour baisser d’avantage à 2,2 enfants par femme en 2009-201043.
Cette évolution s’est accompagnée par un rattrapage des comportements féconds entre milieu
urbain et milieu rural. En milieu urbain, cet indice a atteint en 2009-20 10 un niveau de 1,84 qui
est en dessous du seuil de remplacement des générations alors qu’en milieu rural celui-ci avoisine
2,7 enfants par femme.
Quant au taux de prévalence contraceptive, il a connu une hausse importante passant de 19%
en 1980 à 65% en 2011 avec des niveaux plus élevés en milieu urbain (65,5% contre 59,7%, en
milieu rural).
On constate également que l’âge moyen au premier mariage a considérablement augmenté -
27 ans pour les femmes et 31 pour les hommes. - et les écarts d’âge entre époux se sont
particulièrement réduits.
Les mutations démographiques sont indéniablement importantes mais ont-elles remis en
cause la suprématie du conjoint dans la famille ? Les femmes ont-elles aujourd’hui plus de
pouvoir dans la famille que leurs mères ? Comment se prennent les décisions dans la famille
marocaine ? Est-ce que l’on s’achemine vers un partage des décisions dans le couple – affirmé
expressément par le code de la famille de 2004- ou est-ce que l’on continue de reconnaître le
pouvoir de décision aux hommes seulement ? La réalité sociale transformant les rôles sociaux
se traduit-elle par une prise de pouvoir ou perpétue-t-elle la domination des femmes ?
Ces questions interrogent les pratiques et commencent d’abord par l’union conjugale, les
femmes y rentrent –elles par leur propre consentement, en choisissant leur conjoint ou sont-
elles encore forcées et contraintes par leur famille au mariage à un âge précoce ?
Ces questions sont importantes parce qu’elles touchent à la démocratisation de la vie familiale.
1- 2 Le rôle des conjoints dans la prise de décision familiale
Il ressort de la pratique quotidienne, confirmée par certains travaux menés sur la question17,
que les décisions importantes sont prises par l’homme, dans la majorité des cas (60,7%) mais
aussi par l’homme et la femme ensemble dans 31,9% des cas et plus rarement par la femme
seule. La décision unilatérale de l’homme en tant que chef de famille reste prédominante dans
la pratique.
1-3 L’apport des époux au budget familial
17 Op.cit (AFARD Maroc 2007).
37
Autant que le partage des tâches domestiques ou la prise de décision, la gestion du budget
dans le ménage, est un indicateur du fonctionnement démocratique et égalitaire du groupe
familial. Le travail et le salaire permettent aux femmes d’accéder à l’autonomie. Ils constituent
des atouts qui leur permettent de disposer d’un certain pouvoir, d’améliorer leur statut au sein
de la famille, de négocier des rapports plus égalitaires dans le couple.
La gestion commune est généralement interprétée comme une égalité des apports économiques
des conjoints ou le signe d’une bonne communication conjugale. Inversement la gestion
séparée est soit un indicateur d’une volonté d’autonomie soit un signe de méfiance.
Il ressort des enquêtes sociologiques menées 18 que l’on assiste sur ce plan à une certaine
évolution, on relève que la formule prédominante chez les couples citadins salariés, est les
comptes séparés. Ce changement dénote que, dans de nombreux couples, les biens sont mis en
commun et gérés également en commun dans une relation qui se voudrait égalitaire. Egalité
par choix mais probablement aussi égalité par contrainte du fait que les femmes sont de plus
en plus nombreuses à travailler et à partager les dépenses pour améliorer le niveau de vie de la
famille ou pour assurer sa survie.
1-4 Le partage des tâches domestiques dans le couple : le poids de la construction
sociale des rapports de genre
C’est la question qui soulève le plus de résistances, non seulement de la part des hommes
mais également de la part des femmes. Ce qui explique l’importance de la socialisation.
Il ressort de l’enquête réalisée au Maroc sur les perceptions des Africains et des Africaines de
l’égalité hommes – femmes que 71,14% des personnes interrogées acceptent l’idée du partage
des tâches du foyer dans un couple où les deux travaillent. Cependant l’écart qui existe entre
les femmes et les hommes est de pratiquement 13% : 41,59% de femmes et 28,90%
d’hommes.
Il semblerait que les femmes admettent plus facilement l’idée de partager les tâches du foyer, à
condition que les deux conjoints aient une activité professionnelle.
On peut noter une évolution certaine dans les mentalités des hommes et des femmes, puisque
l’écart n’est que de 13%.
Cependant, si les femmes adhèrent davantage que les hommes à la division des tâches, les
deux sexes sont relativement attachés aux rôles sociaux classiques qui caractérisent le clivage
espace privé/public, l’espace privé continuant à être perçu comme celui des femmes même
lorsqu’elles exercent une activité professionnelle.
Il est cependant nécessaire d’expliquer les réticences des femmes à partager les tâches du
foyer avec les hommes. Elles semblent considérer que c’est leur domaine de compétence et en
refusent l’accès aux hommes, parce qu’elles vivent l’espace privé comme un espace de
pouvoir. Bien qu’elles aient investi l’espace public, elles résistent à l’idée que les hommes
puissent partager leurs tâches à la maison.
Les femmes semblent avoir du mal à se défaire de leur rôle traditionnel par crainte
(consciente ou inconsciente) d’une déstructuration de rôles sociaux au sein de la famille. Le 18 Idem
38
lieu d’expression traditionnel du pouvoir des femmes est la famille, la sphère domestique
ayant été et continuant à être l’espace du pouvoir féminin. Malgré les évolutions, il n’en reste
pas moins ancré dans les mentalités que l’espace domestique est spécifiquement féminin alors
que l’espace public est masculin. Les femmes ne semblent pas prendre conscience que la
répartition inégale des charges familiales constitue pour elles un frein à l’investissement de
l’espace public. Les acteurs médiatiques ( spots publicitaires) consultés dans le cadre de cette
étude, ne semblent pas être sensibles à la question, pourtant leur rôle est important dans le
changement des mentalités et des comportements.
Sachant que l’inégale disponibilité des femmes dans l’espace public découle de l’inégalité de
la répartition des charges familiales, on peut estimer que l’évolution vers une plus grande
mixité dans l’espace public peut paraître bloquée par les règles du jeu social et par l’auto
exclusion des femmes.
Cette crispation dans l’attitude des femmes dénoterait-elle des relations de pouvoir en
mutation ? Sachant que le droit à l’égalité ne peut s’accorder avec le maintien des différences
de rôles. Les mutations en cours ne semblent pas encore avoir fait disparaître les
soubassements, objectifs et subjectifs, de l’infériorité des femmes.
L’acceptation du partage apparaît donc comme étant symbolique, qu’on peut néanmoins
considérer comme une brèche dans les manières de penser et d’agir au sein du couple, brèche
ouverte par la réalité de l’accès des femmes au marché du travail et légalisée par les
dispositions du code de la famille.
Les contraintes économiques font que, de plus en plus, les deux conjoints sont dans
l’obligation de participer à l’entretien de la famille. Il semblerait que cette raison procèderait
de la réalité du contexte économique et social où les hommes ont de plus en plus de difficultés
à assumer seuls la prise en charge matérielle de la famille, notamment dans les grandes villes.
On peut constater qu’en dépit de quelques résistances dans le champ familial, la société
marocaine est travaillée par l’exigence de l’égalité. Les contraintes matérielles de la vie
quotidienne poussent à des compromis et remettent en question la prééminence du mari. La
co-responsabilité, énoncée par le code de la famille, est en train d’agir progressivement sur les
mentalités et les comportements des hommes et des femmes.
2- Le principe de l’égalité hommes- femmes dans le code de la famille
2-1 Les apports
- Le ministère public partie aux conflits familiaux : aux termes de l’article 3, il agit
comme partie principale dans toutes les actions visant l’application des dispositions du code de
la famille. Il constitue une garantie indéniable, son rôle est développé dans plus de 20
articles, traitant en particulier de l’assistance à apporter à chaque partie dont les droits
matériels ou moraux ont été atteints. En tant que partie aux actions, il peut exercer toutes les
voies de recours contre les décisions prises par les sections de famille auprès des tribunaux de
première instance.
39
- La co-responsabilité familiale
L’article 4 du code de la famille consacre une avancée majeure, il définit le mariage comme un
pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable, entre un
homme et une femme ….dont le but est la fondation d’une famille stable sous la direction des
deux époux. Il rompe de ce fait avec la logique de l’obéissance de la femme à l’époux et
reconnaît la responsabilité du couple dans la gestion du foyer.
Au niveau de l’espace culturel et géographique arabe et maghrébin, c’est le seul code de la
famille qui place le foyer conjugal sous la direction des deux conjoints.
- Le recouvrement de la pension alimentaire / le fonds d’entraide familiale
Après sa création et l’entrée en vigueur de la loi n° 41-10 fixant les conditions et les
procédures pour bénéficier des prestations du Fonds (promulguée le 13 décembre 2010 et
publiée au BO du 30 décembre 2010), le décret d’application du Fonds d’entraide familiale a été
publié dans le Bulletin Officiel du mois de septembre 2011. Ce décret fixe à 350 dirhams le montant
à verser mensuellement à chaque bénéficiaire sous condition que le total des pensions accordées à
une même famille ne puisse excéder 1.050 dirhams. Doté d’un budget global estimé à 160
millions de dirhams, ce fonds intervient dans trois cas de figure :
- le retard d’au moins deux mois de paiement de la pension alimentaire,
- l’impossibilité d’exécuter la décision judiciaire portant versement d’une pension
alimentaire
- et l’absence de l’époux.
De plus, ne pourront en bénéficier, selon l’article 13 de la loi 41- 10, que les épouses divorcées
démunies ainsi que leurs enfants.
La mise en application de ce fonds est très récente, elle ne permet aucune évaluation objective
qui permettrait d’identifier les obstacles auxquels sont confrontées les femmes divorcées,
démunies et assurant la garde des enfants. Toutefois, il est clair que le montant alloué à
chaque enfant, demeure dérisoire et ne permet pas de répondre à tous les besoins nécessaires
de l’enfant.
- Le partage des biens acquis pendant l’union conjugale
Compte tenu des mutations démographiques et socio économiques enregistrées : allongement
de la période du célibat, travail des femmes et contribution aux charges familiales, et afin de
diminuer les conflits au moment de la rupture du lien conjugal, le législateur a introduit une
innovation importante en ouvrant la possibilité aux époux de se mettre d’accord sur les
conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant le mariage,
au moment de la rupture du lien conjugal.
Si le nouveau code de la famille a multiplié les modalités de séparation et les a simplifiés au
profit des femmes, il n’a pas résolu tous les problèmes inhérents aux modalités de partage des
biens en cas de séparation. A cet égard, si on entend adapter la législation à la réalité sociale,
agir sur les mentalités et humaniser les effets de la séparation, il est indéniable d’accorder un
intérêt particulier à l’application de l’article 49, sur la base du respect des règles équitables
dans le partage des biens.
40
Face à l’évolution du contexte social, il apparaît logique de chercher à synchroniser au mieux
le prononcé du divorce et la liquidation du patrimoine, afin de renforcer la sécurité juridique
et la prévisibilité des décisions quant au partage des biens, accroître l’efficience de la loi en
instaurant une certaine transparence et une harmonisation dans les décisions judiciaires et
garantir une répartition équitable des biens.
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de clarifier d’abord le contenu de l’article 49,
d’interroger son référentiel, d’évaluer son application par rapport à l’interprétation officielle
et par rapport au pouvoir d’appréciation des juges, afin d’identifier les difficultés réelles de
son application.
L’article 49 : un enjeu majeur dans l’égalité de genre
La genèse de l’idée du partage des biens acquis pendant l’union est apparue officiellement
dans le projet du PANIFD en 199919, dans un souci d’équité par rapport aux femmes qui
ayant, largement contribué à la constitution du patrimoine familial grâce à leur travail au sein
du foyer et/ou grâce à leur activité professionnelle, se retrouvent souvent dans une situation
de dénuement et de dépendance en cas de séparation. Cette proposition a suscité de violentes
réactions de la part du mouvement conservateur. En dépit de cette opposition, la proposition a
été intégrée dans le nouveau code de la famille, par l’article 49 qui dispose :
« Les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre. Toutefois, les époux peuvent se
mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront
acquis pendant le mariage.
Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage. Les adouls avisent les
deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes.
A défaut de l’accord susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en
prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les
charges qu’il a assumés pour fructifier les biens de la famille ».
L’article 49 annonce donc une nouvelle règle relative au partage du patrimoine, au cas où les
deux époux ne précisent pas au préalable les conditions de fructification et de répartition des
biens qu’ils auront acquis pendant le mariage.
Le référentiel qui fonde l’article 49 est double : il est religieux et universel
La Commission de révision du CSP a retenu en premier lieu le référentiel religieux, concrétisé
par les verstes coraniques 15, 39 et 40 et par le recours au droit d’Al Kad ou S’aya, droit
reconnu par le Fiqh, dont le khalif Omar Ibn Al Khattab en a fait la première application au
profit de la veuve Habiba Bent Zrik, en lui accordant la moitié de la succession de son mari, à
laquelle elle a contribué par son travail. Cette pratique fût appliquée au Maroc par certains
juges au sud et au nord, au profit de femmes ayant contribué par le travail – domestique,
agricole, artisanal, au patrimoine de l’époux, sur la base des fatwas de Ibn Ardoune et de
Mokhtar Soussi. Il est considéré par la jurisprudence marocaine comme un droit réel
coutumier (Cour administrative de Rabat dans le jugement du 15 mai 1997) et appuie de plus
en plus la jurisprudence récente relative à l’application de l’article 49 (Tribunal de première
instance de Tanger le 30 novembre 2005, TPI de Safi le 26 juin 2006, TPI de Casablanca le
31 mai 2007, TPI de Marrakech le 4 juillet 2007…).
19 Cf. PANIFD 1999 - Volet 4
41
Ce droit d’Al Kad wa S’aya, naît de l’effort déployé par une personne et l’équivalent de son
travail, reconnaît à l’épouse une contrepartie à son effort et à son travail aux côtés de son
époux dans la période maritale. Il lui donne le droit à une part dans l’acquis ou le surplus suite
à sa participation, quelque soit sa nature, sans remettre en cause les droits que lui confère la
Chariaâ et sans porter atteinte à l’indépendance des patrimoines des époux.
Pour la majorité des foukahas du rite malékite, ce droit s’inscrit fondamentalement dans
Maqasids Chariaâ, qui visent le respect de la justice et la condamnation de l’usurpation des
biens appartenant à autrui.
La commission a également retenu les valeurs universelles de justice et d’égalité (art. 400) et
l’engagement du Maroc à respecter les droits humains tels qu’ils sont reconnus
universellement par la communauté internationale.
Quelle est cependant, l’interprétation officielle de cet article 49 ?
L’interprétation officielle de l’article 49
Il ressort du guide pratique du ministère de la justice, publié en 2005 (P.43-44) que cet article
a pour but de consacrer la situation antérieure selon laquelle les patrimoines respectifs des
conjoints sont distincts et que chaque conjoint a la libre disposition de ses biens.
Néanmoins, dans un esprit de responsabilité et de solidarité familiale, le législateur a reconnu
la possibilité pour les conjoints de se mettre d’accord, en vertu d’un acte séparé, sur la gestion
des biens à acquérir après la conclusion du mariage. Cet acte peut, bien entendu, être établi à
tout moment de l’union conjugale, il concerne évidemment même les mariages conclus avant
l’entrée en vigueur du nouveau code de la famille en 2004 et peut parfaitement appuyer la
demande de l’épouse, qui au moment du de la séparation ou du décès, reçoit une part qui ne
prend pas en considération sa contribution au patrimoine de son époux (Omar Ibn Al Khattab
a bien appliqué la pratique de Al Kad wa S’aya à la succession).
Il s’agit en fait d’un accord optionnel fondé sur l’autonomie de la volonté qui confère à toute
personne le droit de gérer ses biens, de les administrer et d’en disposer librement. L’accord
doit fixer la part des biens acquis par chaque conjoint après la conclusion du mariage. En cas
de litige, chacun des conjoints doit apporter la preuve de sa participation au développement
des biens de l’autre. Il est fait application des règles générales de preuve. La décision ne
portera jamais sur les biens que possédait chacun des époux avant le mariage. Elle se limitera
aux biens acquis durant la période du mariage et ce, à la lumière du travail accompli, des
efforts déployés et des charges assumées par le demandeur pour le développement des biens
du conjoint.
L’évaluation ne s’entend pas de la répartition à parts égales des biens acquis pendant l’union,
elle a pour objet de déterminer les efforts fournis par chaque conjoint et leurs effets sur
l’acquisition des biens.
Cette évaluation est du ressort du pouvoir du juge, qui doit apprécier l’importance des efforts
fournis, leur nature et leurs effets sur les biens acquis durant la période du mariage. C’est
pourquoi cette évaluation va se heurter à des difficultés importantes de mise en oeuvre de
l’article 49.
42
Les difficultés de mise en oeuvre de l’article 49 : quelques constats
- Le très faible recours à la contractualisation de la gestion des biens :
L’application de la disposition relative à la contractualisation du partage des biens est
insignifiante, elle atteint à peine 0,12 % des mariages contractés, et met au premier rang
Casablanca, dans plusieurs villes on ne relève aucun cas de recours à l’article 49. Quelles en
sont les explications ?
Il ressort des travaux d’évaluation de l’application du code de la famille, depuis son entrée en
vigueur en février 2004, les explications suivantes :
- La majorité des couples trouve qu’il est très embarrassant de parler de la question du
partage des biens au moment de la conclusion du mariage.
- Le statut social des femmes, dont la majorité est constituée de femmes au foyer, n’exerçant
aucune activité salariée, ne les encourage pas à demander l’application de l’article 49.
- La crise de l’institution de mariage ne permet pas aux femmes de demander l’application de
l’article 49 même lorsqu’elles sont informées par les adouls.
- les résistances des époux à partager les biens acquis pendant le mariage, pour lesquels ils
estiment qu’ils sont les seuls à avoir consenti les efforts, le travail domestique n’est pas
considéré comme un travail pouvant permettre à l’épouse de demander une part des biens
pour lesquels seul l’époux a travaillés.
- De part l’éducation reçue, basée sur la division sexuelle traditionnelle du travail, les femmes
ne revendiquent pas le partage des biens acquis pendant le mariage parce qu’elles ne
considèrent pas le travail domestique comme une contribution à l’enrichissement de l’époux.
En effet, les études concluent qu’étant donné que les femmes n’ont ni salaire, ni capital qui
leur permettraient éventuellement de construire une maison ou de créer une entreprise avec
leur époux et le peu d’importance que la culture et la société accordent au travail domestique
en tant que contribution économique et sociale dont bénéficie, non seulement la famille, mais
la société dans son ensemble, elles renoncent à mettre en oeuvre l’information donnée par les
adouls sur l’article 49 et acceptent dès le départ leur dépendance économique à l’égard de
l’époux, qu’elles considèrent chef de famille, sur lequel pèse l’obligation d’entretien des
membres de la famille.
- Les difficultés d’application de l’article 49
Lorsque les époux n’optent pas pour la contractualisation de la gestion des biens lors de la
conclusion du mariage et que le problème est porté devant le juge lors de la séparation, les
juges rencontrent de nombreuses difficultés dans sa mise en oeuvre.
En effet l’article 49 fait référence aux notions de travail de chacun des époux, des efforts
fournis et des charges assumées pour fructifier les biens de la famille.
Cet article soulève un certain nombre de question quant à son contenu.
43
Les notions de travail incluent-elles la prise en charge du travail invisible des femmes, en
l’occurrence le travail domestique ? Au quel cas, quelle est sa dimension ? Quel serait le
critère utilisé pour la mesure de ce travail ? Quelle est l’équivalence monétaire à retenir ?
Quel contenu sera donné à la notion de patrimoine ?
Les études réalisées sur la question soulignent les difficultés rencontrées par les juges pour
évaluer le travail domestique des femmes au foyer, le recours à l’expert comptable n’en
diminue pas les effets, celui-ci calcule la part qui doit revenir à une femme au foyer qui n’a
pas de titres de propriété en multipliant le nombre d’années de mariage par le salaire moyen
d’une travailleuse domestique.
Le problème devient inextricable lorsque l’épouse contribue à l’acquisition de biens
immobiliers, enregistrés et titrés au seul nom du mari et dont elle n’a aucune preuve écrite,
alors qu’elle a contribué à leur acquisition en prenant en charge d’autres dépenses familiales,
notamment les frais d’entretien de la famille, les frais de scolarité des enfants, les frais du
personnel domestique, les frais des vacances, pour lesquelles toutes les preuves demeurent
difficiles à fournir.
La transparence dans la saisie du patrimoine est un des obstacles auquel se heurte
l’application du principe du partage des biens acquis pendant l’union conjugale. Cette opacité
vient d’une part, de la volonté de l’époux de dissimuler une partie de son patrimoine à son
épouse et de la volonté du détenteur du patrimoine d’éviter la déclaration au fisc et d’autre
part, de procéder à l’enregistrement des biens au nom d’autres proches de la famille.
- L’interprétation des juges
Quelle interprétation donnent les juges aux notions de travail, d’efforts fournis et de charges
assumées ?
Compte tenu du pouvoir d’appréciation des juges en la matière, la jurisprudence n’est pas
unanime et dépend, dans une large mesure, de l’appropriation ou non, par les juges de la
philosophie du nouveau code de la famille et du principe d’égalité dont il est porteur. Si bien
que les juges traditionalistes tendent de prendre peu le travail domestique comme contribution
de la femme au foyer aux biens acquis par l’époux durant l’union, ils argumentent par la
division sexuelle du travail: « l’époux travaille dehors pour entretenir la famille, l’épouse
travaille dedans pour s’occuper de son foyer et de ses enfants, c’est sa fonction normale »
(pourtant le fiqh a bien reconnu le travail domestique des femmes comme donnant droit Al
Kad wa Si Aya), par contre les juges « modernistes », sont plus enclins à prendre en
considération, dans l’évaluation, le travail domestique des femmes, la durée de l’union, le
nombre des enfants élevés, la situation financière du mari et l’abus dans la demande de
divorce. Les juges qui y sont favorables appuient l’application de l’article 49 par le recours à
la pratique de Al Kad wa Si Aya.
2-2 Les contradictions
- La représentation légale
44
En matière de droits parentaux, la législation marocaine a amélioré le statut juridique des
femmes mais sur certains points, elle n’a pas levé l’inégalité entre les hommes et les femmes
comme en matière de représentation légale, où le code de la famille de 2004, n’a pas retenu la
représentation légale parentale. La mère astreinte aux mêmes obligations que le père à l’égard
de ses enfants (art.54) n’exerce la représentation légale que lorsque le père est décédé,
incapable ou absent. Seule l’autorité du père est reconnue, elle est fondée sur l’incapacité des
femmes à exercer la tutelle en présence du père. Pourtant, dans la vie courante, ce sont les
mères qui prennent en charge, dans la majorité des cas, la responsabilité en matière
d’éducation des enfants, de santé, de loisirs, de communication, de suivi de leur
scolarité…sans oublier que 20 % des ménages marocains sont pilotés par des femmes.
2-3 Les résistances
- Le consentement au mariage : la question des mariages précoces et/ou forcés
Depuis la codification du droit de la famille en 1957, le consentent des époux constitue une
condition de validité du contrat de mariage, quelque soit l’âge des candidats – es à l’union
conjugale.
La contrainte au mariage constitue un vice de fond au nom duquel le contrat de mariage peut
être annulé. La minorité n’exclue point le consentement au mariage. Cette condition de
validité est une condition de fond dont le but est de protéger les filles contre les mariages
précoces et forcés. Elle est soulignée par le code de la famille de 2004. Les statistiques
produites par le ministère de la justice indiquent que les mariages avant l’âge légal de 18 ans
constituent moins de 10 %20 de l’ensemble des mariages conclus et exigent le consentement
des époux, la présence du tuteur matrimonial 21 et l’autorisation du juge (art 21). La société
civile avance un taux plus élevé qui persiste en dépit de la mobilisation du mouvement des
femmes et affirme que des filles, âgées de moins de 16 ans - parfois treize et quatorze ans, ont
pu avoir l’autorisation du juge pour se marier22 .
Avec l’avancement de l’âge au mariage, l’accès des filles à l’éducation et à l’emploi et la
tutelle matrimoniale qui demeure facultative pour les filles majeures, les unions se font de plus
en plus en dehors du cercle familial et exigent le consentement des filles . En effet, de plus en
plus, les filles choisissent leur époux, décident des conditions de mariage, exercent ce pouvoir
sans grande contrainte parentale et exigent la présence des parents. Le pourcentage des filles
mineures que les parents pourraient éventuellement contraindre au mariage ne dépasse pas les
10 % des mariages enregistrés et semble plus toucher les milieux pauvres et l’espace rural. Par
ailleurs, le juge est tenu, lorsque la fille est mineure et avant de lui accorder l’autorisation de
se marier, de soumettre la demande de mariage à l’expertise médicale. Selon les juges
consultés, les candidats au mariage qui n’obtiennent pas l’autorisation du juge pour le mariage
avant l’âge légal, arrivent à contourner la loi par différents moyens23. Selon les statistiques
publiées par le département de la justice, 29 000 demandes d’autorisation de mariage de
mineurs ont été reçues en 2007 par les sections de famille auprès des tribunaux de première
20 Cf. Statistiques des mariages des mineures Ministère de la Justice 2010. 21 Cf. Rapport du ministère de la justice 2010. 22 Cf. Rapports Ligue Des Droits Des Femmes (LDDF) 2010 – 2011. 23 Cf. Le code la famille : perceptions et pratique judicaire. Publication Friedrich Ebert Janvier 2007.
45
instance du royaume, 30 .000 en 2008, 33 000 en 2009 et 34 000 en 2010. La progression est
significative, 99 % des demandes d’autorisation de mariage avant l’âge légal émanent des
filles contre uniquement 0,37% de demandes émanant des garçons. Au niveau des milieux, le
milieu rural accuse un taux de 62 % contre 37 % pour le milieu urbain. 90,77 % des demandes
d’autorisation ont été satisfaites et seules 8,59 % des demandes ont été refusées. Au niveau de
l’âge, les autorisations ont été accordées à des filles ne dépassant pas l’âge de 14 ans et selon
les mêmes statistiques, seules 40 % des demandes ont fait l’objet d’investigation sociale, 43 %
ont fait l’objet d’expertise médicale, alors que seules 15 % des demandes ont fait l’objet
d’investigation sociale et d’expertise médicale24.
Cependant, le code de la famille n’ayant pas fixé un âge minimum au mariage donne un large
pouvoir d’appréciation aux juges, ce qui laisse la porte ouverte aux abus, de nombreux juges
ont autorisé des mariages avant 15 ans. Cette pratique est en contradiction flagrante avec les
dispositions de la CDE et de la CEDEF.
- les empêchements au mariage : le mariage de la marocaine musulmane avec
l’époux de confession non musulmane (art. 39 du Code de la famille).
Au Maroc, les brassages matrimoniaux, religieux et nationaux, se sont établis il y bien
longtemps. Protectorat, participation des soldats marocains aux deux guerres mondiales,
mobilité géographique, émigration économique, fuite des cerveaux, … sont autant de facteurs
expliquant le phénomène des unions mixtes. Ces unions se sont toujours heurtées à de
nombreuses barrières, religieuses, juridiques, linguistiques…
De ce fait, les mariages mixtes apparaissaient à l’opinion publique comme des mariages
osés, hors normes, ils sont rejetés et considérés le plus souvent comme éphémères, comme
des unions provisoires.
Ces dernières décennies, les migrations tant économiques que pour valorisation intellectuelle
ont largement contribué à l’accroissement des unions mixtes. Malgré le nombre sans cesse
croissant de ces unions, les mariages mixtes demeurent perçus comme difficiles, ils suscitent
des réticences voire des oppositions, qui touchent plus particulièrement les femmes
marocaines musulmanes.
Cette opposition au mariage mixte des marocaines musulmanes est plus grande lorsqu’il
s’agit d’un conjoint non musulman. Au point de vue juridique, le code de la famille n’accorde
aucun effet juridique à ce mariage et le considère nul et non avenu. La différence de
confession constitue un empêchement temporaire au mariage de la marocaine musulmane
avec un époux non musulman.
Par contre, la faculté laissée à l’homme musulman de prendre une épouse non musulmane
résulte de la subtile combinaison de plusieurs versets coraniques, qui finit par abolir le
principe d’égalité pourtant énoncé par la sourate Al baqara : « n’épousez pas les femmes
associatrices tant qu’elles n’auront pas la foi, et certes, une esclave croyante vaut mieux
qu’une associatrice, même si celle-ci vous enchante. Et ne donnez pas d’épouses aux
associateurs tant qu’ils n’auront pas de foi, et certes, un esclave croyant vaut mieux qu’un
associateur même s’il vous enchante » (2,221).
24 Cf. Statistiques du ministère de la justice 2010
46
On sait que, par le jeu du consensus fondé sur la théorie de l’abrogeant, les hommes ont
rapidement été dispensés de l’interdiction d’épouser des non- musulmanes, à la condition
toutefois qu’elles fassent partie des « peuples du livre » ( Kitabiyat), israélites et chrétiennes.
Mais cette dispense n’a jamais profité aux musulmanes. La justification semble avoir été
facile à forger, la femme mariée se trouvant sous la tutelle de l’homme, musulmane, elle ne
saurait être soumise à l’autorité d’un non- musulman.
Le maintien de l’empêchement imprègne la majorité des législations régissant la famille
musulmane. Sans doute craint-on pour la foi musulmane de la femme qui, mariée avec un non
musulman, risquerait d’apostasier l’Islam. En plus survit toujours l’idée de la tutelle du mari
sur son épouse déjà pleinement manifestée dans les prérogatives de ce dernier en tant que chef
de famille. La femme reste ainsi enfermée dans un statut religieux auquel l’homme peut
aisément échapper quelles que soit sa bonne ou sa mauvaise foi. Plus grave encore,
l’interdiction du mariage inter- religieux pour la femme risque bien d’ouvrir la porte à des
conversions purement administratives de la part de la partie non musulmane.
Le mariage mixte lorsqu’il met en présence un couple musulman ne suscite pas d’opposition.
Il peut même être valorisant, du moins matériellement, en témoigne à cet égard le nombre
particulièrement important de Marocaines mariées à des conjoints musulmans des pays du
Golf.
Par contre, il devient problématique lorsque le couple est de confession différente. La
question est plus sensible lorsque l’épouse marocaine se marie avec un étranger non
musulman, mariage non reconnu par la loi marocaine mais que les conversions de
complaisance, arrivent à valider.
Différentes enquêtes ont pu montrer que les Marocaines sont de plus en nombreuses à
épouser des étrangers. Le chiffre dépasse de loin celui des hommes25.
Il y a plus d’une décennie, les femmes marocaines choisissaient leurs époux dans l’espace
culturel arabe et musulman (le Maghreb, le Moyen Orient et les pays du Golf).
Actuellement, la tendance s’est inversée au profit des pays européens, les époux
appartiennent de plus en plus à l’espace européen, favorisé par les flux migratoires :
opportunités de travail, d’études, de voyages…
Aussi, l’évolution chiffrée est nette : en 1997 on enregistre 996 femmes marocaines contre
614 hommes marocains qui ont contracté un mariage mixte. En 2001, 2967 femmes
marocaines se sont mariées à des étrangers contre 1306 hommes marocains mariés à des
étrangères, en 2004, le chiffre a augmenté pour atteindre 3567 femmes contre 1589 hommes ;
en 2010, il dépasse les 6798 pour les femmes et 2143 pour les hommes. L’évolution de
l’origine géographique et culturelle des époux s’est faite en faveur de l’Europe.
L’empêchement du mariage de la marocaine musulmane avec un non musulman renvoie à
l’instrumentalisation restrictive du référentiel religieux, il explique par ailleurs, le recours aux
conversions de complaisance conforté par le contrôle social qui touche particulièrement les
femmes immigrées, en dépit de l’environnement du pays d’accueil, sensé être plus
émancipateur .
47
- La polygamie : la fragilité socio-économique des femmes impose le
consentement de la première épouse (art. 40 à 46 du Code de la famille)
Réglementée par le code de la famille dans les articles 40 à 46, la polygamie, en tant que droit
reconnu à l’époux, bien que très réduite dans la société marocaine, comparativement à
d’autres pays (Mali, Sénégal, Libye…) constitue une menace pour les femmes. Dans les
unions polygames, elle exerce un impact néfaste sur l’équilibre des enfants.
En effet, selon les statistiques du HCP26, seuls 1,6% des hommes mariés sont polygames soit
16 familles sur 1000, cette proportion étant un peu plus élevée en milieu rural qu’en milieu
urbain 27.
La polygamie marocaine est centrée sur la bigamie, c’est à dire que la majorité des hommes
ne dépassent pas deux femmes ainsi que le laissent apparaître les chiffres des femmes vivant
en union polygame estimée à 3,6%. Ces chiffres ont baissé puisqu’en 1992, ils étaient à 5,1%,
ce qui indique que le phénomène continue de régresser au Maroc. Cette régression est
constatée également dans d’autres pays musulmans tels que la Libye (5,2%), l’Algérie (5,5%)
et la Syrie (5,8%), le phénomène semble relativement plus important en Mauritanie (9,1%), à
Oman (11,2%) et au Soudan (16,8%), il dépasse les 25 % au Sénégal.
Contrairement à l’opinion que l’on se fait couramment sur la polygamie, celle-ci n’est pas une
caractéristique des hommes aisés puisqu’elle touche également les hommes pauvres. Au
niveau national, elle touche, en 2010, 2,6% des personnes les plus riches et 2,1% des
personnes les plus pauvres. Les disparités entre les milieux de résidence sont étonnantes
puisque dans les villes, les plus pauvres sont plus nombreux à être polygames avec 3,5% que
les plus riches avec 2,5% . Dans les campagnes, ce sont les plus riches qui sont plus
polygames : 3,8% contre 1,9% pour les pauvres. Dans le milieu rural, la polygamie demeure
le signe de l’aisance, du pouvoir et de la réussite.
Le constat montre que lorsque le mariage polygamique est le fait de pauvres, il se traduit
souvent par l’abandon de la première épouse et de ses enfants ; il en découle des
conséquences graves en termes de déséquilibre psychologique de la première femme et de ses
enfants.
La polygamie est par conséquent un obstacle à la stabilité familiale. Toutes les femmes et
tous les enfants qui ont vécu dans les unions polygames ressentent l’injustice et perçoivent
cette institution comme une véritable violence.
Au niveau du référentiel religieux, la polygamie n’a pas été instituée par le Coran puisqu’elle
existait bien avant l’Islam, en Grèce, en Perse, au Maghreb… Le Coran ne l’impose pas, ne la
recommande pas, il incite même à la monogamie, en soumettant la polygamie à la condition
de A’dl, égalité de traitement à l’égard des co-épouses. Le verset 175 de la Sourate IV Les
Femmes énonce « Si vous craignez d’être injustes envers les orphelins (…) épousez deux,
trois ou quatre parmi celles qui vous auront plu. Si vous craignez d’être injustes, n’en
épousez qu’une seule … », alors que le verset 129 de la même Sourate précise : « … Vous
ne pourrez jamais être équitables entre vos femmes, même si vous en êtes soucieux… » 28.
26 La femme marocaine en chiffres Publication HCP Journée mondiale de la femme 2010. 27 Etude UNIFEM/Direction de la Statistique : op.cit. ( Fazouane Adeslam). 28 Le Coran :op.cit.P.161.
48
Compte tenu de l’interprétation qui a été donnée à ce texte par de nombreux Oulémas, la
polygamie n’est point recommandée parce que la condition d'égalité et de justice entre les
co-épouses ne peut jamais être réalisée et ce, quelle que soit la volonté du mari polygame.
C’est fondamentalement l’idée de justice qui, dans le Coran d’abord, puis chez les
commentateurs, domine la signification de la permission de polygamie. Qurtubi, va au-delà
d’une évaluation purement mathématique de la justice exigée du postulant à la pluralité
d’épouses, il précise que la justice doit se réaliser dans l’inclination, l’amour, la
cohabitation, la vie commune…et c’est pour cela que selon sa lecture du texte coranique, la
polygamie est interdite. Cette position a été également défendue par Feu Allal El Fassi,
président de la commission d’élaboration de la Moudawana en 1957, mais qui
malheureusement, compte tenu des résistances de la majorité des Oulémas, membres de la
dite commission, n’a pu être retenue. Certains Oulémas justifiaient leur position par le fait
que le Maroc venait d’accéder à l’indépendance et que l’élaboration de la Moudawana,
s’inscrivait dans la logique de la consécration de « l’identité » musulmane et qu’elle ne
pouvait s’ouvrir sur la conception occidentale de la famille monogamique, au risque d’être
perçue comme s’étant imprégnée de la culture de l’occupant29 .
Cependant, ces considérations de justice ont été codifiées par le Fiqh au titre du partage des
nuits entre les co-épouses, consacrant ainsi le pouvoir sexuel qui apparaît, au moins
symboliquement, comme un privilège fondé sur l’argument de nature, revalorisé par la notion
de virilité, si capitale dans le système patriarcal. Cette conception de la justice, détournée du
sens coranique par le Fiqh, imprègne la vision des traditionalistes qui prônent le maintien de
la polygamie, comme droit reconnu au mari.
Les versets coraniques, traitant de la polygamie, sont par ailleurs, appuyés par l’attitude du
prophète lorsque son gendre le Khalif Ali voulait adjoindre à sa première épouse Fatim
Zohra ( fille du prophète) une deuxième épouse, le prophète a déclaré « Fatima est une
partie de moi-même, tout ce qui la touche me touche, si tu désires devenir polygame, rend
moi ma fille… ».
La lecture des versets coraniques et la Sunna semblent interdire par conséquent la
polygamie.
Aussi, et compte tenu des mutations sociétales et de la réalité quotidienne qui montrent
combien la cellule famille est menacée et afin de permettre à la famille musulmane marocaine
de remplir les fonctions traditionnelles qui sont siennes et de l’asseoir sur des bases saines en
favorisant notamment la stabilité du couple, il est nécessaire de repenser le cadre de cette
institution, conformément aux principes constitutionnels d’égalité et de non discrimination
basée sur le sexe.
- Le régime successoral : texte et contexte ou l’historicité du texte coranique
En maintenant le régime successoral tel qu’il découle du droit musulman classique, le code de
la famille de 2004 entend préserver le patrimoine familial.
29 Maurice Bormans : op.cit. P.157.
49
Pour bien comprendre le système successoral musulman, il faut garder présent à l’esprit
l’organisation spéciale de l’Arabie antéislamique dans laquelle tout reposait sur la tribu.
Celle-ci était le noyau autour duquel gravitait la vie sociale, économique et politique.
L’individu n’existait pas par lui-même. Il n’existait que par son appartenance à la tribu dans
laquelle il se fondait. Dès lors, comme l’affirme le professeur M. Charfi, « nous avons affaire
à une famille patriarcale hiérarchisée, organisée selon la forme pyramidale. Il est donc normal
que les rapports privilégiés et les plus solides soient non point ceux qui unissent les époux,
mais bien plus les rapports du grand père aux fils » 30.
Dans un tel système, les femmes se trouvaient cantonnées dans leur rôle de procréatrices. Du
point de vue du droit, elles n’avaient pas la personnalité juridique et elles ne pouvaient hériter
conformément à l’adage qui disait : « quiconque n’est pas en état de monter à cheval et de se
servir d’une épée ne doit rien recevoir en héritage ». Elles faisaient partie du patrimoine de
leurs époux et en cas de décès de ces derniers, elles faisaient partie de la masse successorale.
C’est dire qu’elles passaient comme n’importe quel bien dans le patrimoine du plus proche
agnat.
L’Islam a bouleversé cet état de chose en dotant les femmes de la personnalité juridique et en
leur accordant vocation successorale. Le Coran fait ainsi de la mère, de l’aïeule, de l’épouse et
de la sœur utérine des héritières à «fardh », c’est à dire des héritières dont la quote-part est
déterminée par le texte sacré et qui sont prioritaires lors de la dévolution successorale. La
fille, la fille du fils, la sœur germaine et la sœur consanguine, sont, suivant les cas, héritières à
« fardh » ou héritières « acébisées ».
La quote - part dont bénéficient les filles est fixée par le Verset 11 de la Sourate IV du Coran
qui énonce « Voici ce dont Allah vous fait commandement au sujet de vos enfants : au mâle,
portion semblable à celle de deux filles. Si (les héritières) sont au-dessus de deux, à elles les
2/3 de ce qu’a laissé (le défunt) ; si l’héritière est unique, à elle la moitié … » 31.
A côté des héritiers à fardh, le Coran prévoit les héritiers Aceb. Il s’agit des parents mâles par
les mâles et qui ont droit au reste de la succession, une fois effectué le prélèvement des
fardhs. A défaut de parents par les mâles, c’est le trésor public qui hérite.
Par ailleurs, la règle du double qui caractérise le système successoral musulman participe de
l’esprit de préservation du patrimoine dans la famille. Les jurisconsultes la considèrent
comme la contrepartie de deux obligations qui pèsent sur les maris : le versement de la dot et
l’entretien des épouses.
Si tel est le donné scripturaire, on note que la doctrine musulmane a souvent détourné les
règles coraniques pour favoriser les hommes notamment par l’institution du legs obligatoire
au profit des petits enfants dont le père décède après son propre père, excluant les petits
enfants de la fille ( discrimination corrigée par le code de la famille de 2004) et par
l’institution des Habous privés d’où est exclue également la descendance féminine. Le
recours à ces deux institutions constituait une manière d’exhéréder les femmes. Dans
l’idéologie patriarcale, l’éloignement des femmes se faisait au nom de la grandeur de la
famille. Aujourd’hui encore, l’importance du patrimoine familial joue un rôle important dans
la détermination du degré de considération sociale dont bénéficie la famille et il n’est pas
30 M. Charfi : « Le droit tunisien de la famille entre l’Islam et la modernité », in. Revue tunisienne de Droit.
1993. 31 Cf. le Coran. Traduction française par Kasimirski Ed. Flammarion.P.139.
50
rare, encore de nos jours et notamment dans le milieu rural, que les femmes renoncent d’elles-
mêmes à leur quote-part en faveur d’un frère ou d’un oncle paternel en vue de préserver le
prestige familial en préservant l’unité foncière.
On a trop tendance à considérer que les textes du Coran et du Hadîth sont un obstacle
infranchissable en pays d’islam à l’évolution du droit successoral vers plus d’égalité entre les
sexes. De fait, il existe à ce propos un certain nombre de textes plus ou moins clairs et plus ou
moins explicites dont la portée peut être discutée. En revanche, d’autres textes, non moins
sacrés ou sacralisés, sont – du moins en apparence – contradictoires, et posent des problèmes
réels de compréhension et d’interprétation.
Les plus célèbres parmi les versets qui ont de tout temps posé des problèmes sont ceux qui
concernent la “kalâla” (Sourate Les femmes IV/12 et 176). Les traductions, influencées en
règle générale par les exégèses classiques, témoignent de la difficulté de connaître la
signification exacte de cette notion.
Le flou manifeste qui caractérise ces interprétations n’est pas dû uniquement à une difficulté
lexicologique, car les dispositions que contiennent ces versets sont inconciliables : selon le
verset 12, frères et sœurs du défunt ou de la défunte reçoivent une part égale de la succession,
alors que selon le verset 176 un frère reçoit le double de la part de sa sœur.
On lit dans le verset II/180, déjà évoqué : “Il vous est prescrit (kutiba ‘alaykum) que lorsque
l’un d’entre vous est sur le point de mourir, s’il laisse un bien, il est tenu de tester en faveur de
ses père et mère et des plus proches des siens, conformément à l’usage. C’est une obligation
pour ceux qui craignent Dieu” Alors que le verset IV/11 dit simplement : “Dieu vous
recommande (yûsîkum) ceci au sujet de vos enfants : au garçon revient une quote-part
équivalente à celle de deux filles…” Ce qu’en ont tiré les exégètes et les jurisconsultes est
tout à fait à l’opposé d’une saine lecture des textes sacrés : la prescription divine, dans le
premier verset, a été considérée comme facultative, et la recommandation, dans le second,
comme obligatoire.
Pourquoi cette différence de traitement à propos des enfants ? La réponse est probablement
dans l’obligation faite aux hommes de subvenir aux besoins du foyer. La femme en étant
dispensée et bénéficiant par ailleurs d’une dot versée par le mari, il peut sembler normal que
sa part dans l’héritage soit moindre. Autrement dit, ce sont les conditions historiques et les
modes de vie en vigueur dans les sociétés pré modernes qui sont à la base de cette
discrimination relative.
S’il en est ainsi, les règles coraniques qui organisent les successions sont avant tout des
orientations générales appliquées à des cas particuliers dont on doit constamment rechercher
l’esprit. Quant aux règles consignées dans les sources classiques du droit musulman, elles ne
sont que le reflet des valeurs qui avaient cours dans les sociétés traditionnelles, lesquelles sont
évidemment éloignées des valeurs modernes qui consacrent l’égalité entre les sexes.
Ce qui s’oppose par conséquent à l’introduction de l’égalité successorale entre les enfants
dans le droit positif actuel des pays musulmans, ce ne sont pas les textes sacrés explicites,
mais bien l’interprétation qui en a été faite dans d’autres conditions historiques. Tant qu’on ne
s’est pas débarrassé de cette contrainte qui fait peser sur le présent tout le poids du passé, il
est vain de prétendre à une quelconque actualisation du droit successoral ou de tout autre
domaine du fiqh. Les changements intervenus dans la structure de la famille, la scolarisation
51
des filles, l’urbanisation, le développement des moyens de communication, se chargeront,
entre autres, de favoriser cette libération.
Si le Code du Statut Personnel tunisien s’est appuyé sur un avis minoritaire dans le fiqh pour
accorder aux filles du défunt la totalité de l’héritage de leur père ou de leur mère en l’absence
de progéniture mâle, le code de la famille de 2004 se veut encore fidèle à l’école de droit
malékite, avec cependant certains aménagements qui représentent des avancées certaines par
rapport aux normes traditionnelles, sans toutefois toucher aux règles qui régissent les
successions.
Compte tenu des mutations sociétales et du rôle joué par les femmes dans la famille et dans la
société, très souvent ce sont les filles qui travaillent pour entretenir leurs parents et leurs frères,
les règles successorales doivent prendre ne considération le contexte dans lequel elles sont
appelées à s’appliquer et s’ouvrir, sur la base du principe constitutionnel de non
discrimination, à d’autres lectures moins restrictives des droits successoraux des femmes.
II-2 L’égalité de genre dans l’espace public
Les femmes au Maroc jouent un rôle de plus en plus important, comme en témoigne les
chiffes attestant de leur présence, dans trois champs :
- le champ social
- le champ économique
- le champ politique
II-2-1 Dans le champ social : les femmes sont de plus en plus visibles
II-2-1-1 L’accès à l’éducation
Droit humain fondamental, expressément prévu par la première Constitution marocaine en
1962, réaffirmé par toutes les autres constitutions, conformément aux engagements
internationaux du Maroc, l’accès à l’éducation et au savoir ont un impact indéniable sur la
situation des femmes et sur leur rôle dans la société.
Ce droit fondamental n’a pas cessé de faire l’objet de débat et de politiques et de mobiliser
toutes les composantes de la société marocaine. Retracer son évolution interroge forcément
l’évaluation des politiques mises en place.
Le constat montre des disparités inhérentes au genre et aux milieux rural – urbain, elles sont
significatives des obstacles que les chiffres attestent malgré les efforts consentis et ce à
différents niveaux.
C’est pourquoi l’objectif principal du système éducatif marocain est d’atteindre des normes
internationales en matière de qualité de l’éducation et d’égalité entre les sexes. C’est dans ce
sens, que le Plan d’Urgence a prévu des mesures prioritaires et a insisté sur la généralisation
de l’enseignement fondamental, sur l’élimination des disparités entre les sexes dans
l’enseignement de base et sur la nécessité de consentir un effort spécial pour encourager la
scolarisation des filles en milieu rural, en remédiant aux difficultés qui continuent à l’entraver
52
Afin de renforcer le soutien et l’appui des différents partenaires à la réforme de l’éducation, le
Maroc a souscrit à la plupart des grands traités relatifs aux droits humains qui consacrent, sans
exception, le droit à l’éducation avec comme cadre de référence la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme qui stipule dans son article 26 que toute personne a droit à l’éducation.
L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et
fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire.
Il a également ratifié un ensemble d’instruments internationaux relatifs au droit à l’éducation tels
que le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels, ratifié par le
Maroc en mars 1979, qui reconnaît dans sons article 13 le droit de toute personne à l'éducation et
de la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l'Enfant, ratifiée en juin 1993, qui
insiste dans l’article 28 sur le droit de l’enfant à l’éducation. Dans le même sillage, une
convention pour la Lutte contre la discrimination dans le domaine de l'Enseignement a été
conclue sous les auspices de l'UNESCO le 14 Décembre 1960 ratifiée par le Maroc le 30 Août
1968.
Afin de lutter contre toutes les formes de discriminations d’accès à l’éducation, le Maroc a
ratifié la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des
Femmes (CEDEF) en juin 1993 et qui insiste dans son article 10 sur la nécessité de prendre les
mesures nécessaires pour assurer les mêmes conditions d’orientation professionnelle, d'accès aux
études et d’obtention de diplômes dans les établissements d’enseignement de toutes catégories,
dans les zones rurales comme dans les zones urbaines et l’élimination de toute conception
stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes
d’enseignement.
En outre, le Maroc a adopté en septembre 2000, la Déclaration du Millénaire des Nations
Unies pour le développement, qui a réitéré l’engagement d’universalisation de l’enseignement
primaire, proclamée par d’autres programmes tel que le programme : l’Education pour tous
(EPT). Dans ce sens, deux objectifs concernent le droit à l’éducation, l’OMD2 qui consiste à
assurer l’éducation primaire pour tous et l’OMD3 qui vise à promouvoir, par l’éducation,
l’égalité des sexes.
Au niveau national, le programme du gouvernement dans le secteur de l’éducation s’inspire,
dans son contenu, de l’article 31 de la nouvelle Constitution, qui donne le droit à tous les citoyens
et à toutes les citoyennes à l’éducation. Ce programme s’inspire également des dispositions de la
réforme de l’éducation telle qu’elle est conçue dans la Charte Nationale d’Education et de
Formation et dans le plan d’urgence (2009-20 12), élaboré par le département et qui a prévu des
mesures prioritaires et a souligné l’importance de l’intégration de la dimension de l’égalité des sexes
dans toutes ses composantes.
Ce plan a, par ailleurs, pour objectif de généraliser la scolarisation et d’améliorer la qualité de
l’enseignement et le rendement du système éducatif.
La déclinaison opérationnelle du programme d’urgence s'organise autour de quatre axes
d'interventions considérés comme prioritaires et vingt-trois projets. Ces projets répondent
parfaitement aux sept problématiques retenues :
- la généralisation de l'accès à l'enseignement,
- le renouveau pédagogique,
- l'appui à la réussite scolaire et universitaire,
53
- l'adéquation formation emploi, la qualité des espaces, la gestion des ressources
humaines et la gouvernance.
Le programme d’urgence vise la consolidation et le parachèvement de la réforme et la
valorisation de ses acquis et l’appropriation de la dynamique. Dans ce sens et afin d'encourager la
demande en éducation et d'améliorer la rétention des enfants issus des familles défavorisées et
de lutter contre le redoublement et l’abandon, le MEN a mis en place le projet de lutte contre
le redoublement et le décrochage.
Par ailleurs, le Plan d’Action Stratégique à Moyen Terme pour l’Institutionnalisation de l’Égalité
entre les Sexes (PASMT/IÉS) dans le système éducatif 2009-2012 propose des actions en vue
d'améliorer l'accès des femmes aux emplois du secteur de l'éducation et de favoriser leur
représentativité dans les postes de responsabilité. La finalité du plan est de contribuer à
l'accélération des progrès de la réforme éducative au Maroc par la mise en place d'un
environnement administratif et pédagogique permettant d'enrayer les discriminations et les
disparités entre les sexes. Le but poursuivi est d'appuyer le MEN dans sa volonté de se doter
d'une capacité institutionnelle pérenne afin que l'égalité entre les sexes devienne un principe de
gouvernance du système éducatif dans la conception, la budgétisation, la livraison, le suivi et
l'évaluation des services éducatifs.
Durant l’année 2010, Le MEN a réalisé trois projets relevant du PASMT/IÉS :
1er Projet : Appui à la mise en place et au renforcement des capacités et des mécanismes
organisationnels chargés de l’IES au niveau central. Parmi les résultats de ce projet : la
définition du schéma organisationnel des instances de l’approche genre au niveau central et la
mise en place et la définition des attributions et des tâches de l’équipe de mangement du projet
genre au sein de la direction de la Stratégie, des Statistiques et de la Planification.
2° Projet : Accompagnement-conseil et soutien aux mécanismes de coordination de l’IES dans les
AREF et les délégations provinciales.
3°Projet : Conception et dispense de modules de formation initiale et continue en égalité
entre les sexes aux acteurs pédagogiques.
Certes, la réalisation de ces trois projets montre que le système d'éducation a enregistré des avancées
réelles notamment en matière d'accroissement de ses effectifs dans tous les cycles, d'amélioration du
taux de scolarisation et de résorption des écarts de scolarisation entre genres et milieux. Toutefois,
les acquis restent fragiles à cause de nombreux dysfonctionnements identifiés à tous les
niveaux de l’enseignement et principalement au niveau du préscolaire et du primaire.
1- Au niveau de l’enseignement préscolaire : des performances en deçà des efforts
consentis
Le nombre d’enfants scolarisés dans le préscolaire a atteint 740.196 enfants en 2010-2011,
soit un taux45 brut de scolarisation de 64,5% sur le plan national, de 54,1% pour les filles. Cet
effectif est réparti comme suit : 6 6,7% des enfants sont dans le préscolaire traditionnel, soit 493.632
enfants dont 37% sont des filles et 35% en milieu rural. Le reste est réparti entre le préscolaire
moderne (25% des enfants dont 48% sont des filles) et public (8,3% des enfants dont 49% des
filles).
Malgré les efforts déployés par le département en termes de campagnes de sensibilisation, de
formation d’éducateurs et d’éducatrices et d’ouverture de classes de préscolaire intégrées dans les
54
établissements publics surtout en milieu rural, les filles demeurent les principales exclues. En effet,
le taux brut de scolarisation en milieu rural se situe en 2010-2011 à 38,5% et à 34,2% pour les
filles rurales.
2- Au niveau de l'enseignement fondamental : le problème de l’efficacité perdure
Le taux spécifique de scolarisation des élèves âgés de 6-11 ans s’est situé à 97,5% et à 96,3% pour
les filles en 2010-2011. En milieu rural, il a atteint globalement 95,4% et 93,6% pour les filles
durant la même période contre 99,4% en milieu urbain et 98,7% pour les filles.
Pour ce qui est de l’enseignement collégial, le taux spécifique de scolarisation des enfants
âgés de 12-14 ans a atteint globalement 79,1% et 73,5% pour les filles en 2010-2011 contre
60,3% et 52,7% respectivement en 2000-2001. En milieu rural, ce taux a atteint 59,1%
globalement et 49,6% pour les filles contre 37,5% et 27,9% respectivement en 2010-2011.
Quant au taux spécifique de scolarisation des enfants âgés de 15-17 ans, il a enregistré une nette
amélioration passant globalement de 37,2% en 2000-200 1 à 52,8% en 2010-2011 et de 32,2%
à 48,2% pour les filles.
Concernant l’efficacité du système de l’enseignement scolaire évaluée par le taux
d’achèvement, elle a enregistré une amélioration continue pour les trois cycles. En 2009-2010, les
niveaux atteints sont encourageants avec des taux de 86,5% pour le primaire, de 64,6% pour
le collège et 36,2% pour le qualifiant.
Malgré les efforts enregistrés, les taux moyens de redoublement et d’abandon sont encore
élevés spécialement pour le secondaire collégial et qualifiant. En 2009-2010, le taux moyen de
redoublement enregistré au primaire est de 9,3%, au secondaire collégial est près de 16,3% et au
secondaire qualifiant est plus de 18%. Quant au taux moyen d’abandon, il a atteint en 2009-2010
près de 3,1% au primaire, 10,8% au secondaire collégial et 9,2% au secondaire qualifiant.
Au total, le nombre des élèves qui abandonnent en cours de scolarité a diminué de 140.000 entre
2006-2007 et 2009-2010, passant de 466.729 à 326.496 pour les trois cycles. Au primaire, le
nombre d’enfants qui ont quitté les bancs de l'école sans en avoir été exclus et sans être en situation
d'échec scolaire est passé de 193.403 à 107.400 pour la même période, au secondaire collégial
de 180.698 à 145.658 et au secondaire qualifiant de 92.629 à 73.438.
Aussi, en dépit de l’importance du budget alloué à l’éducation, le système éducatif marocain reste
caractérisé par la faiblesse de son rendement et par la persistance des disparités entre les sexes
et entre les milieux.
Sur le plan de l'efficacité, l'enseignement fondamental est marqué par les taux d'abandon scolaire
et de redoublement élevés. Cette déperdition scolaire, annihile tous les efforts entrepris par le
Maroc en matière de généralisation de la scolarité. Deux facteurs expliquent ce phénomène : la
pauvreté des ménages qui les rend incapables de subvenir aux besoins scolaires de leurs
enfants et la qualité pédagogique de l’enseignement, particulièrement dans le milieu rural.
En effet, le manque de matériel pédagogique, l’inadaptation des structures, l’absentéisme des
enseignants-es, le manque d’activités parascolaires, le défaut de formation initiale des enseignants –
es aux besoins de l’école et des élèves expliquent en grande partie l’échec scolaire. A cela
s’ajoute les problèmes dus à l’enclavement, à la faiblesse du réseau routier et des moyens
de transport en commun en milieu rural, à l’éloignement de l’école et au manque de sécurité
pour le déplacement vers l’école.
55
En conséquent, l’Etat investit des ressources importantes pour financer un système éducatif de
mauvaise qualité et qui n’atteint pas tout le monde. Le manque d’éducation d’une partie des enfants
correspond à une réduction du capital humain du pays et à un manque à gagner du produit
interne brut et des possibilités de croissance économique du Maroc.
C’est dans ce sens que l’adoption de la stratégie nationale d’alphabétisation et éducation vise,
d’une part, à éradiquer l’analphabétisme parmi les adultes et à les intégrer à l’activité socio-
économique et, d’autre part, à tarir les sources de l’analphabétisme en luttant contre la déperdition
scolaire et en s’adressant aux déscolarisés ou à ceux qui n’ont jamais été scolarisés. Elle s’articule
autour de 10 axes : système d’information, partenariat, parrainage, organisation, programmes
éducatifs, la formation des intervenants, la coopération internationale, la mobilisation de la
communication, suivi, contrôle et évaluation et le développement social intégré.
Pour concrétiser sa stratégie, le département de l’éducation nationale a mis en place plusieurs
programmes en matière d’alphabétisation et d’éducation non formelle. La diversité des
programmes vise à garantir l’éducation pour tous. En effet, tous les programmes s’adressent aux
enfants non scolarisés ou en rupture de scolarité et à ceux qui sont en situation de travail ou en
situation difficile ainsi qu’aux adultes ayant besoin des compétences de lecture pour faciliter
leurs vies actives.
Différents programmes visent ces objectifs :
- Le programme d’alphabétisation
Le département de l’éducation nationale a mis en place un programme d’alphabétisation qui vise à
éradiquer de manière progressive l’analphabétisme et à garantir le droit à l’éducation à tous
ceux qui en sont privés. L’objectif est l’alphabétisation de 800.000 personnes dont 60% de
femmes et 80% dans le monde rural. Ce programme comprend des sous-programmes
complémentaires et diversifiés selon les spécificités des groupes cibles, à savoir :
Le programme général : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement 150.000 personnes
dont 70% de femmes surtout en milieu rural.
Le programme des opérateurs publics : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement
250.000 personnes dont 70% de femmes surtout en milieu rural.
Le programme des ONG : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement 400.000 personnes
dont 80% de femmes surtout en milieu rural en privilégiant la tranche d’âge de 15 à 45 ans.
Le programme des entreprises : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement 15.000
personnes dont 70% de femmes.
Les effectifs des inscriptions aux programmes d’alphabétisation est passé de 3 90.000
bénéficiaires en 200 1-2002 à près de 706.394 bénéficiaires en 2010-2011 dont 49,9 % en milieu
rural, soit 352 467 bénéficiaires.
L’opérateur qui contribue le plus à l’alphabétisation de la population, soit 48% des
bénéficiaires, est la société civile à travers les ONG, suivie par les opérateurs publics avec 41,6% et le
programme général avec 9,9%. Cependant, la contribution des entreprises demeure faible avec un
nombre de bénéficiaires ne dépassant pas 3.128, ce qui correspond à 0,5% du total des
bénéficiaires en 2010-2011.
En outre et conformément aux priorités fixées par le Ministère, les femmes sont les
bénéficiaires majoritaires du programme d’alphabétisation. Elles représentent 85,3% de
56
l’ensemble des inscriptions, ce qui dépasse 602.000 bénéficiaires, dont plus de 280.000 se sont
inscrites dans le milieu rural, tandis que les hommes ne représentent que 14,7 %, soit 104 000
inscrits. Les efforts déployés, en partenariat avec les différents intervenants et opérateurs, pour
lutter contre la problématique de l’analphabétisme au Maroc ont abouti à une réduction
graduelle du taux d’analphabétisme de la population âgée de 10 ans et plus pour atteindre 30 %
en 2011 contre 44,1% en 2004 soit une baisse de l’ordre de 14,1 points.
Pour ce qui est de l’éducation non formelle, le taux des enfants âgés de 9-14 ans n’ayant
jamais été à l’école s’est situé à 6,1% en 2009, celui des déscolarisés à 8,9% alors que le taux des
non scolarisés a atteint près de 15%.
Si en milieu urbain, la non scolarisation frappe avec un taux quasi-invariable garçons et filles, en
milieu rural, les filles sont une fois et demi plus touchées par ce phénomène que les garçons. Le
taux de non scolarisation des enfants, qu’ils soient de sexe féminin ou masculin, s’établit à près
de 7% dans les villes. Dans les campagnes, ce taux, évalué à 18,9% pour les garçons, passe à
27,2% pour les filles. L’exclusion dont les filles sont souvent victimes pour ce qui est de
l’accès à l’éducation et au savoir, sont des faits indéniables qui expliquent, en bonne partie, les
inégalités de genre caractérisant plus ce milieu.
La proportion d’enfants n’ayant jamais été à l’école est de 7% pour les filles contre 5,2% pour
les garçons. En milieu rural, pas moins de 10,97% des filles âgées de 9 à 14 ans n’ont jamais été
à l’école. Les jeunes garçons du même milieu et la même catégorie d’âge ne l’ont pas été dans une
proportion de 7,92%. En milieu urbain, garçons et filles sont nettement moins affectés par ce
phénomène avec des proportions ne dépassant guère 3%.
A l’image de la non scolarisation, la déscolarisation ou le retrait précoce d’un établissement
scolaire, est un phénomène qui sévit avec des incidences variables selon le milieu, le sexe et
l’âge. Le taux de déscolarisation des enfants âgés de 9-14 ans est de 8,9% au niveau national
dont 10,3% sont des filles. Par milieu, ce taux atteint 13,5% au milieu rural contre seulement
4,4% dans les villes, les filles représentent respectivement 16,2% et 4,3%. L’interruption de la
scolarité est un fait qui caractérise plus les enfants âgés de 12-14 ans que ceux âgés de 9-11 ans
quel que soit le sexe et le milieu de résidence.
Ainsi, en dépit du fait que les femmes sont aujourd’hui plus instruites et plus insérées dans le
marché du travail, l’examen de la réalité montre l’existence de nombreuses insuffisances du
système de l’éducation, particulièrement dans le monde rural, où les filles et les femmes
demeurent les principales victimes. En effet, de nombreux obstacles à la pleine implication des
femmes dans le système éducatif persistent. L'analphabétisme encore important touche les
femmes notamment dans le milieu rural, il hypothèque les chances de réussite de toute
politique de développement. De même le taux élevé d'abandon scolaire chez les filles, souvent
dû à des choix familiaux reposant sur des conceptions sociales et culturelles traditionnelles
telles que les mariages précoces ou la préférence donnée à l'éducation des garçons, demeure
important, il est renforcé par la pauvreté des familles, par l’image négative de l’école,
confortée par un taux chômage élevé des diplômés et qui touchent plus les femmes que les
hommes.
57
Au niveau de l’accès au droit fondamental à l’éducation les engagements de l’Etat concernant
la réduction de l’analphabétisme, la généralisation du préscolaire et de l’enseignement de base
n’ont pas été honorés de manière satisfaisante :
- L’indice de parité dans ces domaines ne s’est pas amélioré de façon significative
hormis au cycle de l'enseignement primaire en milieu urbain ;
- Le plan d'urgence 2009-2012, bien qu'il ait préconisé des mesures incitatives visant à
lutter contre les déperditions scolaires tel que le programme "Tayssir", reste
insuffisant et non généralisé ;
- Les disparités entre le milieu rural et le milieu urbain, particulièrement à partir de
l'enseignement collégial, demeurent substantielles ;
- La discrimination en matière d’orientation scolaire et professionnelle, et dans les
contenus scolaires, demeure caractérisés par la persistance de stéréotypes sexistes
surtout dans certaines disciplines telles l’arabe et l’éducation islamique.
3- Au niveau de l’enseignement supérieur : les écarts de genre se réduisent
On considère généralement que le nombre de femmes dans l’enseignement supérieur est
significatif du niveau de développement d’un pays, au Maroc, le nombre des femmes
marocaines dans l’enseignement supérieur a considérablement augmenté ces dernières années.
La progression a même été supérieure à celle des hommes, ce qui réduit les écarts de sexe,
mais le pourcentage global reste inférieur à celui des hommes. Selon les statistiques officielles,
le taux de féminisation dans l’enseignement supérieur est passé de 41,4 % en 1997 à 46,5% en
200732.
Mais, bien que plus instruites, les femmes sont proportionnellement moins présentes sur le
marché du travail, le taux de chômage des femmes diplômées est supérieur à celui des
hommes.
II-2-1-2 L’accès à la santé : la question de la santé reproductive
Ces dernières années, on constate une amélioration significative de certains indicateurs sanitaires,
en particulier dans le domaine de la santé maternelle et infantile, mais aussi au niveau des
indicateurs de natalité. Ceci n’empêche que des gaps importants restent à combler, notamment
en termes de disponibilité du personnel médical et paramédical et en termes d’infrastructures
sanitaires de base dans le monde rural et les zones enclavées. L’accès des femmes à la santé
reproductive est perceptible au niveau de la planification familiale qui a eu un impact sur la
baisse de la mortalité maternelle mais qui pose encore la question de l’accès libre à
l’avortement médicalisé et le problème de la couverture médicale de base.
1- Planification familiale et prévalence contraceptive
L’Indice Synthétique de Fécondité (ISF) poursuit sa baisse enclenchée depuis le début des
années 1980 en passant de 5,9 enfants par femme à 2,5 en 2003-2004 pour baisser d’avantage à 2,2
enfants par femme en 2009-201043. Cette évolution s’est accompagnée par un rattrapage des
comportements féconds entre milieu urbain et milieu rural. En milieu urbain, cet indice a
atteint en 2009-2010 un niveau de 1,84 qui est en dessous du seuil de remplacement des
générations alors qu’en milieu rural celui-ci avoisine 2,7 enfants par femme.
Quant au taux de prévalence contraceptive, il a connu une hausse importante passant de 19%
en 1980 à 63% en 2004 et à plus de 65 % en 2011, avec cependant des niveaux plus élevés en
milieu urbain (65,5% contre 59,7%, en milieu rural).
32 Cf. La femme marocaine en chiffres HCP 2008.
58
2- Mortalité maternelle
Le taux de mortalité maternelle a connu une baisse significative durant ces 5 dernières années,
pour se situer à 112 pour 100.000 naissances vivantes en 2009-2010, selon l’Enquête Nationale
Démographique 2009-2010, soit un recul de 50,7% par rapport à 2003-2004 (227 pour 100.000
naissances vivantes).
Cette évolution s’explique en grande partie par les résultats obtenus au milieu urbain où le
taux de mortalité maternelle a enregistré une baisse de plus de 60% par rapport à l’année 2003-
2004 pour atteindre 73 pour 100.000 naissances vivantes en 2009-2010. En milieu rural, la baisse
de la mortalité maternelle a permis de porter le taux de mortalité maternelle en 2009-2010 à
148 pour 100.000 naissances vivantes contre 267 en 2003 -2004.
L’institutionnalisation de la gratuité de l’accouchement dans les hôpitaux publics et
l’amélioration significative des indicateurs de suivi de la grossesse et de l’accouchement,
ainsi que les mesures prises pour améliorer la prise en charge des soins obstétricaux d’urgence ont
contribué de manière significative à la réalisation de ce résultat.
Il n’en demeure pas moins que les performances réalisés restent en deçà des attentes, en particulier
si on les compare à des pays à niveau économique comparable : 50 pour 100.000 naissance vivantes
en Egypte, 88 en Algérie et 69 en Tunisie.
3- L’avortement clandestin : les résistances des conservateurs 33
Au Maroc, selon l’estimation approximative de l’AMLAC ( Association Marocaine de Lutte
contre l’Avortement Clandestin), plus de 600 femmes se font avorter par jour de manière
clandestine, dans des conditions très préjudiciables pour leur santé.
L’étude publiée en 2008 par Perspectives Internationales – sexualité et santé reproductive-
suite à l’enquête réalisée dans 27 pays, montre que la cause principale est socio-économique,
elle est inhérente à la pauvreté et à la précarité économique des femmes.
Au niveau du droit, la majorité des pays musulmans interdisent l’IVG et permettent l’AT
d’où l’importance de la lecture restrictive du référentiel religieux et son impact sur le droit
positif.
L’’IVG demeure par conséquent un sujet de débat entre le droit à la vie pour le fœtus et le
droit à la liberté pour les femmes de disposer de leur corps et de gérer librement leur
sexualité, c’est ainsi que l’arsenal juridique qui réglemente l’IVG reproduit dans certaines
mesures, la morale, la religion, les traditions et les coutumes de chaque contexte.
Le premier droit humain fondamental est le droit à la vie. Ce droit à la vie pose la question
fondamentale : Quand commence la vie, est-ce que l’avortement constitue une atteinte à la
vie ?
3-1 La position des instruments internationaux
33 Cf. Malika Benradi : l’avortement dans le monde musulman : les termes d’un débat. AMLAC Juin 2012
AMLAC
59
- La CEDEF n’a pas pris position explicitement sur la question de l’avortement. L’Art. 12 de
la CEDEF se limite à l’accès des femmes aux services médicaux y compris ceux relatifs à la
planification familiale.
- La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples précise dans l’article 14: « Les
Etats assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé, y compris la santé
sexuelle et reproductive. Dans l’alinéa 3, il est demandé aux Etats de protéger les droits
reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé dans des
cas précis : grossesse à la suite d’une agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la
grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou
du fœtus.
- La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) ne traite pas non plus de l’avortement
et se limite dans son préambule à affirmer que « l’enfant a besoin d’une protection spéciale
et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la
naissance".
La conférence du Caire en 1994 avait recommandé de permettre l’avortement dans certains
cas :
- pour protéger la vie et la santé de la mère,
- pour prévenir la naissance d’enfants malformés,
- dans les cas de viol et d’inceste.
Le programme d’action du Caire (1994) et la plate forme d’action de Pékin (1995)
soulignent l’accès des femmes aux conseils et services leur permettant un libre exercice des
droits sexuels.
3-2 La position de la Chariaa
Le Coran contient de nombreux versets qui décrivent les étapes successives du
développement de la vie dans l’utérus/versets 5, 12,14,22,23, ces étapes sont confirmées par
le prophète :
"… c’est nous qui vous avons créés :
- de poussière (turab),
- puis d’une goutte de sperme (nutfah),
- puis d’un caillot de sang (alaqah),
- puis d’une masse flasque (mudghah)….
Chaque étape dure 40 jours, au terme de ces transformations (120 jours), l’âme est insufflée.
Il existe un consensus des 4 rites sur la durée de 40 jours pour chaque étape.
3-3 Interprétations et positions du Fiqh
La majorité des juristes musulmans autorisent l’avortement si la vie de la mère est en danger,
les 4 rites adoptent des positions différentes, selon les situations :
- La position dépendant de l’âge de la grossesse : Les hanafites et les hanbalites admettent
l’avortement dans les 120 jours : 40 jours pour chacune des étapes avant que l’âme ne soit
insufflée, alors que les malekites et les chaféites l’admettent dans les 40 jours. Cependant,
l’acte demeure makrouh et soumis au consentement des époux et à l’avis médical.
Selon El Bouti, les cas de nécessité où l’avortement est permis dans les 120 jours avant que le
l’âme ne soit insufflée sont :
60
- La poursuite de la grossesse présente un danger de mort pour la mère.
- La poursuite de la grossesse aura des conséquences permanentes sur la santé de la mère.
- La poursuite de la grossesse conduit à l’assèchement du lait maternel menaçant la vie de
l’enfant nourri au sein alors que la mère n’a pas les moyens pour louer les services d’une
nourrice.
Pour les cas du viol et de l’inceste, l’avortement est permis dans le délai de 120 jours.
Par contre, si le foetus est malformé, pour certains foukahas dont Al Bouti l’avortement est
interdit car personne ne peut affirmer avec certitude la malformation, alors que pour
Aroua, si l’enfant présente un risque génétique ou constitutionnel décelable avec une quasi-
certitude, risque incompatible avec une vie normale, la décision peut être prise pour
interrompre la grossesse. Pour Al Bar il est permis de faire avorter un fœtus malformé dans
les 120 jours de la grossesse. Au-delà de ce délai, il n’est permis de le faire que s’il y a un
danger pour la vie ou la santé de la mère.
Pour l’avortement de convenance ou de confort on relève deux positions :
- Pour certains fouqahas (El-Bouti) : la femme peut avorter dans les 120 jours. Passé ce
délai, elle ne peut plus invoquer la convenance ou le confort. Le respect de la vie du fœtus est
plus important que l’atteinte à l’intégrité corporelle de la femme.
- Pour d’autres (Aroua) : l’avortement de convenance ou de confort est strictement interdit.
-
3-4 La position des législations dans certains pays musulmans
Les législations de la majorité des pays musulmans adoptent en général la même position :
incrimination de l’IVG et acceptation de l’AT.
3-5 Solutions fondées sur le Qyas pour admettre l’avortement
• le code pénal libanais (art 545) et syrien (art. 531) font bénéficier d’une excuse
atténuante "la femme qui se fera avorter pour sauver son honneur».
• Bénéficie de la même excuse la personne coupable d’un tel avortement avec ou sans
consentement de la mère qui aura agi dans le but de sauver l’honneur de sa
descendante ou celui d’une parente jusqu’au deuxième degré.
Le code pénal soudanais (art. 135) dépénalise l’avortement lorsque trois conditions sont
réunies :
- La grossesse est le résultat d’un viol,
- La grossesse n’est pas désirée : l’avortement doit avoir lieu dans les 90 jours de la
conception.
L’avortement pour raison de santé physique et mentale de la mère et malformation du
fœtus est admis en :
- Jordanie (1971)
- Kuwait (1981 )
- Qatar (1983)
- Algérie (1985)
- Égypte (2005)
- Iran (2005)
61
Au Mali, il est admis également en cas de viol ou d’inceste, il doit être pratiqué dans les
120 jours après la conception.
3-6 Solutions fondées sur le consensus Ijmaa
Pour l’université Al Azhar (Décembre 2007) : Les femmes enceintes à la suite d’un viol
peuvent recourir à l’avortement sous contrôle médical, Mohamed Sayed Tantawi affirme « …
toute jeune fille ou femme victime d’un viol a le droit, en Islam, de recourir à l’avortement à
tout moment et elle n’aurait pas péché ».
Seules la Tunisie (1973) et La Turquie (1983) permettent l’interruption volontaire de la
grossesse, sur demande de la femme entre les 10 et 24 semaines de grossesse pour des raisons
de santé physique, mentale, d’anomalies congénitales, viol ou inceste ou pour des raisons
sociales. Cependant, l’avortement doit être effectué par un médecin qualifié et en milieu
médical.
En dépit de ces restrictions, l’avortement clandestin est courant dans les pays musulmans. Au
Maroc, certaines études montrent qu’il n’est pas socialement répréhensible. Il fait partie des
«interdictions tolérées», l’opinion publique ne le réprime pas sévèrement, elle lui trouve
certaines justifications : nombre élevé d’enfants, santé de la mère, besoins de l’enfant à
satisfaire, pauvreté du couple…
Ce qui pose par conséquent le problème de l’inadéquation de la norme juridique avec la
réalité sociale et appelle à l’ouverture de l’Ijtihad. Les articles 449 à 452 du code pénal
marocain répriment l’avortement de manière claire. L’article 453 qui permet l’AT est vague :
il vise à sauvegarder la vie ou la santé de la mère. Qu’est ce qu’on entend par santé de la mère
? L’OMS la définit comme état de bien être physique, psychique et social. Une grossesse non
désirée pourrait avoir un impact sur la santé psychique de la mère. La loi devrait- elle tenir
compte de cette définition ?
3-7 Solutions fondées sur l’Ijtihad
L’ijtihad est un droit et un devoir de tout - e musulman – e, l’avortement se prête à l’Ijtihad
car le concept d’extrême nécessité est essentiel dans le débat sur l’avortement, il est limité à
la santé et à la vie de la mère, il pourrait être élargi à la santé mentale de la mère, au viol,
inceste et malformations fœtales. Cependant, il est nécessaire d’encadrer l’avortement
lorsque :
- La grossesse constitue une menace pour la vie de la mère, pour sa santé physique et
mentale,
- La grossesse est le résultat d’un viol et/ou d’un inceste,
- Le fœtus est atteint de graves anomalies congénitales.
- L’avortement doit intervenir avant les120 jours de grossesse ( consensus des 4 rites),
dans un milieu médical avec l’assistance d’un personnel qualifié.
Compte tenu de la sensibilité et de la complexité de la problématique, il est légitime de se
poser une seule question : Est-ce réellement le religieux, en tant que système de valeurs, qui
interdit l’IVG ou bien une réalité sociale collective qui s’approprie ce religieux,
l’instrumentalise pour le formuler selon son idéologie et qui lui permet de mieux affirmer ses
pouvoirs sur le corps des femmes?
62
On peut comprendre que les différentes interprétations religieuses puissent porter l’empreinte
des contextes géopolitiques dont elles sont issues et des milieux socio- culturels qui les ont
produites. Mais ce qui est plus difficile à comprendre c’est comment ces différentes
interprétations restrictives des droits des femmes, sont devenues elles mêmes immuables et
complément hermétiques à toute réflexion critique et ont de ce fait occulter les interprétations
en faveur des droits des femmes. Le délai de 120 jours de grossesse, permettant l’IVG,
justifié par une interprétation du texte coranique, ne semble pas empoter l’adhésion de la
doctrine, parce que la sacralité des interprétations restrictives a nourri la confusion entre ce
qui relève du texte et ce qui relève de l’ordre de l’interprétation subjective humaine. C’est là
où il faudrait que la pensée islamique évolue, afin de se redéfinir, de se repenser et de faire la
distinction nécessaire entre le message spirituel et les interprétations nombreuses qui ont figé
le texte et ont tué son esprit et sa finalité.
Accepter l’IVG pour lutter contre l’avortement clandestin à risques, pour réduire le fléau de la
mortalité maternelle, c’est sans doute tenter de réformer une pensée religieuse très appauvrie
et presque focalisée sur la seule tendance moralisatrice de l’Islam. Cette position est portée
par des femmes et des hommes qui contestent l’analyse classique qui stipule que l’inégalité
entre les hommes et les femmes et son corollaire de mesures discriminatoires font partie
inhérente du texte sacré en démontrant que ce sont, en fait, les lectures avalisées par des
coutumes patriarcales, qui ont légitimé ces mêmes inégalités.
Cette question nous semble décisive : elle commande, l’ouverture des mentalités par des
révisions culturelles et intellectuelles radicales, qui permettront de répondre à toutes les
discriminations et violences subies par les femmes et permettront de responsabiliser les
femmes, de les autonomiser, d’en faire des citoyennes à part entière.
4- La Couverture Médicale de Base
La couverture médicale au Maroc ne touche qu’une faible partie de la population marocaine et
le financement de la santé est assuré en grande partie par les ménages (64,3%).
Depuis, l’entrée en vigueur de l’AMO, la population ayant les droits ouverts dans le cadre de
l’AMO au 31 décembre 2010, s’est établie à 2.728.867.
Ainsi, l’accès des femmes à la santé fait face à de nombreux défis qui entravent la réalisation
escomptée des objectifs du millénaire notamment de l’OMD4 . Le manque de personnel qualifié en
particulier en milieu rural est problématique. La faible efficacité des dépenses de santé se fait
également ressentir au niveau des infrastructures sanitaires, particulièrement au niveau des
ESSB dont un bon nombre demeurent non fonctionnels. Cette situation est imputable aux
dysfonctionnements au niveau de la programmation des dépenses de fonctionnement et
d’investissement au niveau du Ministère de la Santé. C’est pour cela, que la stratégie mobile
est désormais privilégiée au niveau du monde rural et en particulier dans les zones enclavées.
L’institution de Dar Al Oumouma (DAO) ou maison d’attente en 2006 est venue en réponse
aux problèmes d’accessibilité et pour augmenter le nombre d’accouchements assistés en
permettant aux femmes qui habitent loin de séjourner près d’une maternité avant que le travail ne
commence. Or, il est à constater que la mise en place de ces maisons d’attente n’a pas permis de
résoudre le problème de l’enclavement puisque 75% des femmes qui y ont recours habitent à
63
moins d’un quart d’heure de la DAO, ce qui nécessite un réflexion par rapport au rôle réel joué
par ces maisons d’attente.
Au niveau du financement de la santé, il est à relever la part encore élevée assurée par le
paiement direct des ménages, aggravée par la faiblesse de la solidarité institutionnalisée et de la
mutualisation du risque maladie.
L’éloignement des centres de santé pose aussi un problème important d’accessibilité aux soins
et de prise en charge en cas d’urgence. Quant au financement de la santé, il est assuré en
grande partie par le paiement direct des ménages. La généralisation de la couverture médicale
et plus particulièrement la mise en place du RAMED permettrait notamment d’assurer une
plus grande équité au niveau de l’accès aux soins.
L’accès des femmes à la santé renseigne sur leur condition au Maroc et particulièrement en ce
qui concerne leur santé reproductive, si bien que l’on constate qu’on est loin des dispositions
de la CEDEF (1979), de la CDE (1989) et des Recommandations de la Conférence
internationale sur la Population et le Développement tenue au Caire en 1994 et qui ont été
réaffirmées lors de la 4ème Conférence mondiale sur les femmes (Beijing 1995) et son suivi
(Beijing plus 5, Beijing plus 10, Beijing plus 15…) et des Recommandations de Barcelone et
Conclusions d’Istanbul (2006).
Cette situation s’explique par un ensemble de facteurs d’ordre culturel, social, politique et
économique. En effet, tout autant que les hommes, la santé des femmes, qu’elle soit physique
ou mentale, dépend en majorité des conditions socio-économiques et culturelles. De par leur
fonction reproductive, l’état de santé des femmes pose des questions spécifiques, en relation
et en interaction avec leur statut social et juridique dans la société. Et c’est à cet égard, que
l’approche genre constitue un instrument d’analyse fécond pour comprendre les disparités
hommes /femmes, pour expliquer les obstacles que rencontrent les femmes dans leur prise en
charge médicale, et pour saisir les évolutions en cours, largement influencées par l’éducation
et l’entrée des femmes sur le marché du travail.
L’analyse des disparités, renvoie aux différentes étapes de la vie et montre que les inégalités
sont présentes aux premiers âges :
- Si la mortalité infantile ne constitue pas un indicateur pouvant renseigner valablement sur les
disparités entre les garçons et les filles, celles-ci semblent être avantagées biologiquement, il
n’en demeure pas moins que corrélée à d’autres variables, tels que l’âge, la malnutrition, la
vaccination, les causes du décès, le contexte culturel, elle renseigne davantage sur les
inégalités devant la mort précoce.
En effet, l’avantage biologique se perd avec l’âge même s’il demeure faible. Le taux de
mortalité des filles appartenant au groupe d’âge de 8-18 mois est plus élevé que celui des
garçons du même groupe ;
Pourquoi un tel écart ? Dans les pays en développement les taux de mortalité plus élevés,
enregistrés pour les filles, sont dus non pas à la pauvreté ou à des raisons biologiques, mais à
la préférence des parents pour les garçons qui peut induire des traitements discriminatoires à
l’égard des filles au plan de l’alimentation et des soins de santé qui leur sont accordés.
Ces inégalités vont persister tout au long de la vie. Eu égard aux cycles de vie, et compte tenu
du rôle de reproduction, les besoins des femmes, en matière de santé sont spécifiques et se
traduisent le plus souvent par des risques élevés. La mortalité maternelle constitue encore un
problème au Maroc, du fait de l’éloignement voire l’absence des infrastructures médicales
dans le milieu rural.
64
L’inégalité des rapports hommes- femmes dans la gestion de la sexualité est un des principaux
facteurs de la diffusion des IST/sida, car le contrôle social, qui s’effectue plus sur les femmes,
en fait les principales victimes : 12 % de femmes ont été contaminées par leur mari, contre 1
% d’hommes contaminés par leur femme.
L’impact qu’exerce le milieu social et culturel sur la santé reproductive des femmes renvoie
inéluctablement aux rapports sociaux de sexe, au statut des femmes au sein de la famille et à
la question de leur autonomie34.
De même, le partage inégal des responsabilités en matière de contraception entre le couple,
malgré les nouvelles dispositions expresses du code de la famille, et l’interdiction de
l’avortement posent, de manière significative, la question de l’autonomie des femmes et le
problème de leur statut et de leurs droits en matière de santé reproductive.
Malgré les progrès réalisés, de nombreux facteurs bloquent encore la jouissance et l’exercice
des droits en matière de santé reproductive. A côté de la faiblesse des infrastructures,
notamment dans le milieu rural, le manque des ressources humaines, le poids des résistances,
la montée de l’intolérance, les limites législatives, le manque de coordination entre les
différents intervenants… révèlent la multitude et la diversité des obstacles auxquels se heurte
la politique en matière de santé reproductive.
La réponse aux besoins des femmes et le respect de leurs droits en matière de santé
reproductive, tout en prenant en considération la réalité sociale, les changements intervenus
dans le statut des femmes et les besoins spécifiques de certaines catégories de femmes : les
femmes pauvres, les femmes rurales, les mères célibataires, les plus touchées par certains
problèmes tels que la mortalité maternelle, les avortements clandestins35, la non maîtrise des
moyens contraceptifs, le VIH/sida et les IST, a suscité un intérêt qui semble encore limité des
responsables de la santé publique au Maroc.
II-2-1-3 L’accès des femmes à l’emploi
Le droit au travail demeure un droit humain fondamental qui garantit la dignité de la
personne. En tant que droit constitutionnel, il interroge la politique de l’emploi de l’Etat et
interpelle différents départements où l’activité économique des femmes est de plus en plus
importante et visible.
1- Au niveau du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle : une nouvelle
démarche
En conformité avec ses attributions et ses missions visant à assurer à toute personne le droit au
travail, le droit de choisir son travail avec des conditions décentes et satisfaisantes, le
Département de l’Emploi a adhéré à un certain nombre de conventions internationales relatives
à l’emploi en tant que droit humain fondamental : La Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme , le PIDESC (Article 23) reconnaît le droit à toute personne de jouir de conditions de
travail justes, le droit de s’affilier et d’exercer librement l’activité syndicale et le droit à la
34 Cf. A.Yaakoubd in Féminin – Masculin : op.cit. P. 233 et ss. 35 Cf. Débat animé par Dr Chraibi sur l’avortement clandestin au Maroc (RTM 8 mars 2008)
65
sécurité sociale. Dans le même sens, le pacte souligne l’égalité des droits entre les hommes et
les femmes en matière de rémunération et d’accès à l’emploi. Ces droits sont confortés par les
conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) notamment la convention n°
187 relative à la liberté syndicale, la convention n° 182 pour l’ élimination des pires formes de
travail des enfants et la convention n° 138 relative à l’âge d’amission au travail.
L’OIT insiste, dans la convention 111, sur le rôle des Etats dans l’adoption de politiques
nationales visant à promouvoir l’égalité de chance et de traitement en matière d’emploi.
Le Maroc, membre de l’Organisation Internationale du Travail, a adhéré à la Déclaration de
1998 relative aux droits et principes fondamentaux du travail, comportant 8 conventions concernant
la liberté syndicale, le travail forcé, l’égalité de rémunération, le travail des enfants, etc.
De même, au cours de l’ année 2010 des conventions Internationales et arabes du Travail ont été
ratifiés dont la Convention n° 183 sur la protection de la maternité, la Convention n° 17 sur
l’emploi des handicapés, la Convention n° 19 sur l’ Inspection du Travail,...
Par ailleurs, le Maroc, signataire de la Déclaration du Millénaire en 2000, est tenu de fournir
les efforts nécessaires pour atteindre les ODM à l’horizon 2015, dont l’OMD3 qui vise la
promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Le Maroc s’est engagé aussi
au respect et à la mise en œuvre de la CEDEF46 qui stipule l’égalité en matière d'emploi et d'activité
économique et sociale (Articles 10, 11 et 13).
Dans le même sens et sur la base de la Stratégie nationale de l’égalité et de l’équité et de
l’Agenda gouvernemental de l’égalité, rebaptisé Programme d’égalité en 2012, les
engagements du MEFP portent essentiellement sur la mise en place des mécanismes assurant
l’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle; la mise en place d’un système de
veille d’application du code du travail pour garantir l’égalité entre les hommes et les femmes
dans le monde du travail ; le soutien des secteurs où les femmes sont fortement représentées comme
le textile et l’agroalimentaire, par le développement des AGR et la facilitation de formalisation
des unités de production informelles en entreprises formelles.
Le taux d’activité national a baissé de 0,4 point, passant de 49,6% en 2010 à 49,2% en 2011.
Cette baisse a concerné les hommes (de 74,7% à 74,3%) et les femmes (de 25,9% à 25,5%).
Le taux d’activité des femmes citadines a également reculé de 18,4% à 18,1% de même que
celui des femmes rurales (de 36,9% à 36,6%). Il ressort que le taux d’activité révèle un
écart important entre les sexes et entre les femmes selon le milieu de résidence.
Le taux d’emploi50 au niveau national a perdu 0,3 point en 2011 par rapport à 2010, passant de
45,1% à 44,8 %, ce qui signifie une atténuation de la capacité de l’économie marocaine à utiliser des
ressources en main-d’œuvre. En revanche, ce taux dissimule des disparités selon le sexe et le
milieu de résidence. En effet, le taux d’emploi a atteint 68,1% pour les hommes contre
seulement 22,9% pour les femmes. Selon le milieu de résidence, le taux d’emploi s’établit à
37,5% en milieu urbain (en recul de 0,1 point par rapport à 2010) et à 55,7% en milieu rural (en
baisse de 0,5 point par rapport à 2010).
Par ailleurs, le taux de féminisation de la population active en chômage a augmenté de 28,3%
en 2010 à 30,6% en 2011 (hausse de 1 point en milieu rural et de 2,7 points en milieu urbain). Le
taux de chômage s’est ainsi établi en 2011 à 8,9% (8,4% chez les hommes et 10,2% chez les
66
femmes), en baisse de 0,2 point par rapport à 2010 où il s’était établi à 9,1%. Ce taux a
augmenté de 1,4 point chez les femmes citadines pour atteindre 21,2% en 2011 et a quasiment
stagné en milieu rural (de 2% en 2010 à 2,1% en 2011).
Les questions d’égalité entre les sexes et d’autonomisation des femmes ont été prises en
compte dans la stratégie du secteur 2010-2020. En effet, les initiatives de l’ESS donnent plus
d’opportunités à l’implication des femmes dans la vie active par l’exercice d’une activité
génératrice de revenus et d’emplois. L’exercice d’une activité économique rémunérée permet
aux femmes de sortir de l’espace familial traditionnel, d’aspirer à un nouveau mode de vie, de
disposer dans leur entourage, d’un pouvoir de décision produisant de nouveaux rôles dans la
famille. Elle leur permet aussi d’apporter une contribution productive à la société et d’exploiter
leurs compétences et de libérer leur créativité ce qui contribue à lutter contre les représentations
stéréotypées du rôle des femmes et des hommes dans la société toute entière et d’améliorer leur
statut et leur position sur le marché du travail.
Dans le cadre de la promotion de l’intégration de l’égalité de genre et de l’entreprenariat féminin
dans l’ensemble des politiques de développement, le Ministère a initié un processus visant à
soutenir le rôle des femmes dans le monde des affaires. De ce fait, il a dédié un projet entièrement
consacré à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.
L’intégration de l’Egalité Equité du Genre (EEG) dans la structure et les pratiques du
département de l’Emploi soulèvent des défis liés au positionnement stratégique des comités en
charge de l’EEG et leur dotation de l’autorité requise, des capacités et des moyens humains et
financiers, la disponibilité des points focaux genre et leur implication dans l’élaboration des
stratégies et programmes relatifs au secteur, l’affectation des ressources permanentes aux unités
de gestion du programme, l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de communication
interne et externe pour la diffusion de la culture de l’égalité, l’élaboration des programmes de
formation et de sensibilisation, l’opérationnalisation et l’institutionnalisation de la structure
organisationnelle en charge de l’EEG et son intégration dans les programmes et les stratégies du
Ministère et enfin l’élaboration de lignes directrices sur les normes et valeurs en matière
d’EEG.
Aussi, l’amélioration de la connaissance des défis et contraintes économiques et sociales selon
le genre relatifs à l’accès à un emploi rémunéré et au maintien des femmes et des hommes dans
l’emploi selon des variables socio- démographiques pertinentes d’une part, et l’amélioration
de la connaissance selon le genre du système de protection sociale et des conditions de travail des
femmes d’autre part, constituent des défis importants à relever.
D’autres défis portent sur le renforcement du respect des dispositions du code de travail et des
conventions internationales ratifiées par le Maroc, la mise en place des mesures incitatives visant à
promouvoir l’accès des femmes aux postes de responsabilités et l’instauration d’un système
d’action positive destiné à promouvoir la participation des femmes aux instances de prise de
décision au sein des comités d’entreprises, des syndicats et des associations
En matière d’accès à l’emploi, les principaux défis s’articulent autour de la nécessité de la
réalisation d’une croissance riche en emplois de qualité, du respect des dispositions du code du
travail et des conventions internationales de travail, de la lutte contre le travail des enfants, du travail
indécent, de l’amélioration des conditions de travail et de l’adéquation formation - emploi.
67
En effet, la révision du code du travail, adoptée en juin 2003, a introduit un certain nombre
d’amendements qui ont pour but d’améliorer l’objectif d’égalité (art.4, 9 et 346). Outre le fait
que la durée du congé de maternité a été élevée à 14 semaines au lieu de 12, le texte consacre
le principe de non discrimination entre hommes et femmes en matière d’emploi et de salaires.
Pour la première fois, sur la base des conventions de l’OIT (100-101-183), ratifiées par le
Maroc, le code du travail consacre le principe de l’égalité et interdit toute discrimination
fondée sur le sexe, dans les relations de travail.
Il précise ce principe au niveau :
- des conditions de travail : horaires, hygiène, sécurité, repos et congés (Convention n° 101),
- des salaires et des indemnités (Convention 100) ;
- de l’adhésion aux instances syndicales (Convention 87) ;
- du bénéfice des programmes d’alphabétisation.
En ce qui concerne la protection spécifique des femmes salariées, le code du travail précise :
- le respect du droit au congé de maternité (Convention 87),
- le respect du droit à l’allaitement (1 heure par jour pendant 12 mois) ;
- le droit de bénéficier d’un local spécial pour l’allaitement ;
- le droit de bénéficier de toutes les conditions facilitant le travail de nuit (pauses et
transport).
Le code du travail réglemente l’interdiction du travail des femmes dans certaines activités,
portant atteinte à leur santé, à leur sécurité et à leur moralité.
Dans le code de travail et pour la première fois, le harcèlement sexuel et l’incitation à la
débauche, commis sur la personne du salarié par l’employeur ou le chef de l’entreprise ou de
l’institution, sont explicitement mentionnés en tant que « fautes graves ». Plus encore, tout
renvoi du travail pour ce motif est considéré comme arbitraire, à condition toutefois que le - la
salarié - e apporte les preuves nécessaires sur la gravité de la faute. Cette même qualification
s’applique à toutes sortes de violences perpétrées contre le/la salarié - e (art. 40). Le code
précise par ailleurs que « l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue
de protéger la sécurité, la santé et la dignité des salariés travaillant sous sa responsabilité et
veiller à l’observance de la bonne conduite, de la moralité et à la préservation des mœurs
publiques » (art. 24).
C’est le premier texte qui nomme explicitement le harcèlement sexuel, et qui tend à assurer
aux salariées la protection nécessaire, tant à l’égard de leur employeur que dans les relations
avec leurs collègues du travail. Mais le problème réside, là encore, dans la définition du
harcèlement sexuel, et la difficulté d’apporter des preuves pour les abus commis en l’absence
de témoins. Le législateur considère la commission de l’acte comme constituant une « faute
grave », soumise à la preuve qui pèse sur la victime. Un fait qui décourage à l’évidence le
recours au système judiciaire. Malgré l’incrimination pénale, le silence social est fréquent,
rares, en effet, sont les femmes victimes qui dénoncent ce genre de comportements.
Malgré ces avancées notables, il existe un décalage entre les textes et le vécu quotidien des
femmes salariées, ce décalage touche particulièrement les salaires. Si dans le secteur public on
relève des disparités de fonction et de promotion, dans le secteur privé, il existe un décalage de
salaire de plus de 25 %: entre les femmes et les hommes36. 36 Cf. Statistiques HCP 2003.
68
De même, le faible taux de syndicalisation des femmes et l’ignorance de leurs droits, exposent
de nombreuses femmes à l’exploitation et aux discriminations.
2- Au niveau du département de l’agriculture : les PGR visibilisent les femmes rurales
Dans le milieu rural, les femmes constituent les composantes dynamiques de l’économie rurale.
Leur intégration dans les programmes de développement agricole, l’amélioration de leurs
conditions socio - économiques et la promotion de leurs droits constituent une préoccupation du
Département de l’agriculture depuis plus de 3 décennies.
Ce département a lancé un programme de Projets Générateurs de Revenus (PGR) destiné à
améliorer les conditions socio-économiques des femmes rurales. Ces projets portent sur
l’amélioration des activités agricoles notamment le petit élevage et sur l’allégement de certains
travaux domestiques tels que la substitution du bois de feu par l’utilisation du biogaz et de
l’énergie solaire ainsi que le creusement de puits et leur équipement par des pompes manuelles.
Sur la période 2005-20, 108.190 femmes rurales ont pu développer des PGR dans le cadre de 427
unités. Toutefois, une baisse sensible est enregistrée au niveau du nombre des bénéficiaires,
reculant de 1.060 en 2005 à 839 en 2010, après un pic de 2.600 en 2007, au moment où le coût
total des PGR s’est inscrit dans une tendance haussière.
3- Au niveau du département du commerce : des initiatives informelles
On relève une évolution significative de l’emploi féminin au niveau du commerce intérieur où
on dénombre plus que 975.00071 points de vente répartis sur l’ensemble du territoire national.
L’ensemble de ces points de vente emploie 1,33 million de personnes, soit 12,8% de la
population active occupée marocaine.
En 2010, la population féminine active occupée qui exerce dans le commerce s’est élevée à
115.983, soit prés de 8,7% de la totalité de la population active occupée dans ce secteur. En
termes de création nette d’emploi, le commerce a permis la création de 32.659 emplois entre 2008
et 2009, dont 1102 emplois féminins72, avant de marquer un recul de 67.000 postes en 2010. Par
milieu, le nombre de femmes qui exercent une activité commerciale dans les villes a atteint
99.986 femmes en 2010 contre 104.375 en 2009 soit une baisse de 4,2%, tandis que le nombre
de femmes du monde rurale travaillant dans le secteur du commerce a atteint près de 15.997 en
2010 contre 11.675 en 2009 soit une progression significative de 3,7%.
4- Au niveau du département de l’artisanat : une contribution appréciable au
rayonnement du produit marocain
Les femmes sont présentes dans l’ensemble des chantiers de l’artisanat marocain et bénéficient
d’un intérêt particulier que se soit en matière de formation, d’accompagnement ou d’appui
technique. De même, elles sont omniprésentes dans les actions de promotion et de
commercialisation du produit tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. Certains indicateurs et
chiffres illustrent cette dynamique.
Le nombre de coopératives artisanales est de l’ordre de 968 dont 353 coopératives féminines avec
7660 membres. Ce nombre n’était que de 170 coopératives en 2006, soit une évolution de
225%. Les coopératives féminines artisanales sont classées en 2ème place après celles de
69
l’agriculture, elles exercent dans plusieurs filières (le Tissage, le Tapis, la Couture, la Broderie, la
Poterie,...).
5- Au niveau du département du développement social : le programme INQAD contre
l’exploitation économique des petites filles domestiques
Le Département du Développement Social a mis en place, en 2006, un programme national de lutte
contre le travail domestique des petites filles (INQAD) en partenariat avec les partenaires
institutionnels, la société civile et les organismes internationaux. Les actions entreprises, en
2010, pour la réalisation de ce programme concernent l’élaboration d’un plan de communication
et d’une enquête sur le travail domestique des petites filles à Casablanca.
Dans le même sens et afin de protéger le personnel de maison, un projet de loi réglementant le
travail domestique est élaboré, il est en cours d’adoption par le parlement.
6- L’entreprenariat féminin : l’esprit d’initiative des femmes
La dernière décennie a enregistré un mouvement croissant de l’entreprenariat féminin. En
2009, ce sont 4036 entreprises féminines qui ont été crées. Cette croissance est caractérisée par
une répartition géographique inégalitaire, avec une forte concentration à Casablanca (37%) et
Rabat (12%). Ainsi, Casablanca a vu le nombre des entreprises appartenant aux femmes
augmenter pour atteindre 1.613 en 2009.
D’après les chiffres de l’AFEM, les secteurs les plus prisés par les femmes durant la période
2006-2010 en termes de création d’entreprises sont les services avec une part de 48% puis
le commerce avec une part de 32% suivi de l’industrie notamment le textile.
Dans les faits, le nombre des femmes cheffes d’entreprises est encore limité bien qu’il s’inscrive
dans une tendance perceptible d’augmentation. Conscient de la nécessité de déployer des
programmes d’incitation à l’autonomisation et à l’entreprenariat, l’Etat à travers, l’ANPME a
mis en place le Programme de Promotion de l’Entreprenariat Féminin dans le cadre du projet
Taahil Al Moukawalat, en étroite collaboration avec de la GIZ.
Pour ce faire, l’ANPME s’est appuyée sur les associations agissant dans la promotion de
l’entreprise féminine68. Le programme cible les femmes diplômées, les chefs d’entreprises plus
au moins structurées, les femmes à la tête d’une très petite entreprise (TPE) ou d’une activité
génératrice de revenu (AGR) dans le cadre formel (SARL) ou des porteuses de projets. Les
actions entreprises dans le cadre de ce programme visent le renforcement des capacités
commerciales et managériales, coaching financier, mise en réseau, introduction des nouvelles
technologies, ...
La collaboration entre ANPME et la GIZ, a permis de réaliser deux programmes
d’assistance à l’entreprenariat féminin :
- le programme « Entre Elles » pour mieux appréhender la gestion quotidienne et les défis
imposés par l’entreprise féminine nouvellement créée,
- et le programme « Développement de la Force Commerciale » reposant sur le
développement de la force commerciale des femmes micro - Entrepreneures. A cela
s’ajoute, l’organisation de trois foires commerciales au féminin au profit des femmes
entrepreneures afin de permettre à des femmes ayant participé au cycle de formation du
70
« Programme régional d’accompagnement et de renforcement des capacités
commerciales » de mettre en pratique et de consolider leurs acquis.
Le programme n’a réussi à intéresser sur la période 2005-2010, que quelques 600 femmes, ce qui
demande d’importants efforts à fournir pour relever le défi d’accompagnement et
d’encadrement, afin que l’initiative féminine ne reste pas confinée dans le secteur informel
et cantonné dans les secteurs d’activité traditionnels.
Quelque soit leur esprit d’initiative, les femmes entrepreneures restent confrontées à
certaines inégalités liées au genre et se heurtent encore à des barrières persistantes pour le
démarrage et la croissance de leurs entreprises, notamment un accès difficile au financement, un
accès limité à l’information, à la formation et aux infrastructures d’accueil ou encore à des
pratiques sociales et culturelles discriminatoires.
Ainsi, au niveau de l’accès à l’emploi, la participation des femmes au marché du travail a
augmenté durant les dernières années, mais elle reste nettement moins élevée que celle des
hommes. Elle est par ailleurs, caractérisée par la vulnérabilité des femmes au chômage, au
sous emploi et à la précarité du statut professionnel d'aide familiale non rémunérée 15.
Même lorsque le niveau de qualification est égal, les femmes obtiennent plus difficilement que
les hommes des postes de cadre et de direction.
La privatisation du secteur public contribue à un accroissement du chômage des femmes parce
qu'elle ne s'accompagne pas des changements structurels appropriés dans l'enseignement et sur
le marché de l'emploi. Le développement de la carrière est entravé par les responsabilités
familiales (travaux domestiques, éducation des enfants, prise en charge des personnes âgées,
malades et/ou handicapées…) et par le manque d’implication des hommes dans la gestion de
l’espace privé. L'absence d'infrastructures sociales de garde et de soins permettant une
meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle constitue un obstacle à
l'expansion de l'emploi féminin et à l'amélioration des conditions de travail et de vie des
femmes.
En ce qui concerne l’entreprenariat féminin, on note un progrès important mais l'absence de
facilités de financement et de crédits, la difficulté de constituer des réseaux commerciaux et le
manque de personnel qualifié en constituent les principaux obstacles au développement des
entreprises féminines.
En dépit donc des efforts consentis, les contraintes des politiques néolibérales et de la
mondialisation poussent sur le marché du travail un nombre croissant de femmes. Elles sont
présentes dans tous les secteurs, mais elles sont plus visibles dans le secteur informel et plus
vulnérables au chômage 37. Le nombre de femmes qui se déclarent chômeuses peut être
indicatif du fait que les femmes sont plus nombreuses à se positionner sur le marché du travail
et à ne pas trouver d’emploi.
Aussi, l'importance des besoins non satisfaits reste considérable et le marché de l'emploi
constitue l’espace où s’exercent le plus de discriminations et de violences à l’égard des
femmes.
37 Nadira Barkalil : Genre et activités économiques au Maroc. La persistance de la précarité dans l’activité
féminine. Le livre blanc. Publication GTZ 2005.
71
II-2-3 Dans le champ politique : les femmes rompent avec leur rôle traditionnel
Depuis la fin des années 90, le Maroc s’est engagé dans un processus de mutations rapides et de
transition économique, démographique, sociologique et démocratique. La transition démocratique
s’est affirmée par des réformes majeures consacrées par l’adoption de la nouvelle Constitution
en 2011, qui vise la consolidation du principe de l’indépendance des pouvoirs, le renforcement
de la décentralisation dans le cadre d’un vaste chantier de régionalisation et l’accès égal des
femmes et des hommes aux droits fondamentaux.
Les conditions de gestion démocratique, au niveau des élections législatives et communales visent à
assurer une meilleure participation des femmes au sein des instances élues.
L’article 21 de la DUDH stipule que « toute personne a le droit de prendre part à la direction
des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants
librement choisis, que toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions
publiques de son pays et que la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des
pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir
lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure
équivalente assurant la liberté du vote ». Cet article fait état de l’égalité d’accès des femmes et des
hommes à se présenter aux élections et de participer à la gestion des affaires publiques.
De même, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques veille à assurer les droits
politiques des femmes et à renforcer leur représentativité dans les postes de décision
respectivement à travers les articles 3-7 et 3-6-23.
Le Maroc en ratifiant la CEDEF13 s’est engagé à améliorer la représentation politique des femmes
aux niveaux de la gestion du pouvoir législatif et exécutif, et au niveau de toutes les instances de
décision, telle que déterminée par les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et à
atteindre l’OMD 3 se rapportant à la promotion de l’égalité entre les sexes et à l’autonomie des
femmes.
La nouvelle Constitution vient renforcer la représentativité des femmes et leur participation à la
décision dans les articles 30, 115 et 146.
Dans le souci d’honorer ses engagements, le Maroc a initié, durant la dernière décennie,
plusieurs chantiers de développement politique et sociétal engendrant, entre autre, la
promotion des droits fondamentaux des femmes.
C’est ainsi que des dispositifs ont été pris à l’occasion des élections communales de 2009, une
charte communale réformée, un mode de scrutin révisé et une mesure de discrimination positive
est institutionnalisée. Ces différentes réformes ont abouti à des résultats qui ont favorisé une
progression substantielle de la représentation des femmes en politique locale mais qui
demeure en deçà des attentes du mouvement des femmes.
En effet, la révision de la charte communale en 2002 puis en 2008 traduit la volonté des
pouvoirs publics de renforcer la démocratie représentative au niveau le plus proche des citoyens et
des citoyennes. La nouvelle charte communale constitue un levier pour la gouvernance locale.
Elaborée dans le cadre d’une approche participative, elle vise la consolidation de la démocratie
72
locale à travers le renforcement des attributions des communes qui deviennent de véritables
acteurs de développement. A cet effet, le pouvoir des élus – es des conseils locaux a été
raffermi en leur offrant un rôle déterminant dans l’élaboration des Plans Communaux de
Développement (PCD).
Par ailleurs, cette charte privilégie la gestion participative et de proximité du développement
tenant compte des besoins et préoccupations des hommes, des femmes, des filles et des garçons.
Dans ce sens, une mesure importante a été prise, elle consiste dans la création d’une
commission consultative auprès de chaque conseil communal dite « Commission
d’Equité et d’Egalité des Chances (CEEC).
Cette commission est institutionnalisée par l’article 14 de la charte communale, elle dispose
d’une force de proposition et d’éclairage du conseil communal sur les questions relatives à
l'égalité des chances. Elle se compose de personnalités appartenant à des associations locales
et d'acteurs de la société civile, proposés par le président du conseil communal. Elle a pour
mission de veiller à la représentation et à la participation équitable des catégories sociales dans
la prise de décision. Elle donne son avis, à la demande du conseil ou de son président, sur les
questions concernant la parité et l'égalité des chances.
Dans le même sens, un Fonds d’appui pour la promotion de la représentativité des femmes
(FAPRF) a été mis en place. Ce fonds profite aux projets présentés par les partis politiques et
par les associations œuvrant dans le domaine de la promotion de la représentativité féminine, de la
bonne gouvernance ou du développement humain.
Lors des élections du 12 Juin 2009, la réforme du code électoral a contribué à l’élection de 3424
femmes (sur 20 458 candidatures féminines) aux conseils communaux contre 127 en 2003.
Ainsi le taux de représentativité des femmes est passé de 0.5 6% en 2003 à 12% lors des dernières
élections. Par niveau d’instruction, 71% des élues communales à l’échelon national ont un niveau
d’instruction secondaire ou supérieur contre 52% des élus communaux. La répartition par âge des
femmes élues montre que 46% des élues ont moins de 35 ans. De même, suite à ces dernières
élection, 12 femmes ont été élues présidentes de communes dont 10 en milieu rural.
La réforme de la charte communale a constitué une avancée importante en matière d’égalité et
l’institution de la «Commission de parité et d’ égalité des chances » a permis de mieux tenir
compte des besoins des femmes.
Au niveau des élections législatives, bien que le taux des femmes députées a doublé, il ne
répond ni aux attentes du mouvement des femmes, qui revendiquaient le tiers conformément
aux engagements de l’Etat à travers l’OMD 3, ni aux exigences démocratiques et encore
moins aux nouvelles dispositions constitutionnelles.
Le renforcement du rôle politique des femmes et leur droit à la gestion de la chose publique
permet de mieux répondre aux besoins et intérêts spécifiques des femmes. Il favorise la
représentation équitable des femmes et des hommes à tous les niveaux et dans la sphère de prise de
décision. Il assure également un accès égal aux services de proximité et annule l’influence du
sexe sur la nature et la qualité de ces services.
Dans l’espace politique, la position des femmes, selon l'Indice de Participation des Femmes
(IPF) est encore faible. Il traduit les inégalités hommes- femmes dans la prise de décision
économique et politique. Les efforts consentis au niveau de la participation politique des
femmes dans les instances élues ont nettement amélioré cet indice et le rang du Maroc. Mais
73
en dépit des avancées enregistrées dans les taux de représentativité des femmes, la parité
expressément énoncée par la nouvelle Constitution demeure encore un rêve, loin de pouvoir se
réaliser. La responsabilité des partis politiques est grande et le défi à relever est décisif pour
les prochaines consultations populaires.
III- LES FONDEMENTS DU PRINCIPE DE L’EGALITE HOMMES –
FEMMES / L’AMBIVALENCE DU SYSTEME JURIDIQUE MAROCAIN
III - 1 Le cadre international de l’égalité de genre
Dans sa volonté de consolider l’Etat de droit et de concevoir un projet de société cohérent et
intégré, le Maroc a ratifié les principales conventions relatives aux droits humains. A travers ce
référentiel, le Maroc garantit son engagement dans la préservation de la dignité humaine et la
consécration des droits humains dans leur acception universelle et indivisible.
1- La DUDH
Le cadre normatif de protection des droits humains est fondé sur la Déclaration Universelle
des Droits de l’Homme. Proclamée en décembre 1948, elle énumère de nombreux droits : civils,
politiques, économiques, sociaux et culturels auxquels toute personne, dans le monde entier,
devrait prétendre. Toutefois, l’absence de force juridique contraignante et de consensus sur la
portée des Droits Economique, Sociaux et Culturels y figurant, a poussé l’Assemblée Générale
des Nations Unies à adopter en 1966 deux conventions séparées dont l’une porte sur les
Droits Civils et Politiques et l’autre sur les Droits Economique, Sociaux et Culturels.
2- Le PIDCP
Le Pacte international relatif aux Droits Civils et Politiques (1966), entré en vigueur au
Maroc en 1979 constitue le cadre référentiel du droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de la
personne, le droit de ne pas être tenu(e) en esclavage et celui de ne pas être soumis(e) à la
torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit de ne pas être arrêté(e) et
détenu(e) arbitrairement, la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable, la liberté
d’expression, de pensée, de conscience et de religion, ainsi que le droit de circuler librement et la
liberté de réunion et d’association.
3- Le PIDESC
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, entré en vigueur au
Maroc en 1979, reprend en les étendant et en les affinant les DESC affirmés dans la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Il définit comme partie intégrante et
indissociable des droits humains le droit à un niveau de vie suffisant (alimentation, logement,
vêtements, etc.), le droit à l’éducation, le droit au travail dans des conditions satisfaisantes, les
droits syndicaux et de grève, le droit à la santé, le droit à la sécurité sociale et enfin le droit de
participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique. Le PIDESC considère la
protection des droits économiques, sociaux et culturels comme fondamentale puisque les droits
civils et politiques comme le droit de vivre dans la dignité ne peuvent se réaliser que si les
besoins humains fondamentaux des populations sont satisfaits (se nourrir, se soigner, se vêtir, se
loger, s’éduquer...). Le PIDESC stipule que les Etats doivent œuvrer au respect, à la protection
et à la réalisation des droits au maximum des ressources disponibles.
La DUDH et les deux pactes forment la Charte Internationale des Droits humains. Ces
instruments sont complétés par des conventions spécifiques visant à protéger les droits des
74
femmes et à lutter contre toutes les formes de discrimination : La CEDEF et la déclaration du
millénaire
4- La CEDEF / Convention pour l ’Elimination de toutes les Formes de
Discrimination à l’égard des Femmes
Adoptée en 1979, la CEDEF est ratifiée en juin 1993 par le Maroc, en 2011, le gouvernement a
levé toutes les réserves émises et a ratifié le Protocole facultatif, permettant aux femmes victimes
de violations de droits de porter plainte devant les instances internationales.
La CEDEF est axée sur :
l’égalité femmes - hommes : qui consiste au droit à l’égalité des chances et l’égalité de
traitement, l’accès et le contrôle égal des ressources, ainsi que la modification et l’application des
lois pour garantir l’égalité.
la non-discrimination : la discrimination, construite socialement, doit être éliminée, qu’elle
soit directe ou indirecte, de jure ou de facto et qu’elle soit liée à la sphère publique ou à la sphère
privée.
l’obligation des Etats : une fois qu’un Etat a ratifié la Convention, il doit respecter les
obligations en matière de lutte contre les discriminations et prendre, dans tous les domaines
(politique, économique, social et culturel), les mesures appropriées pour garantir les droits
fondamentaux des femmes.
La CEDEF garantit et renforce les droits sociaux, économiques, politiques, culturels et familiaux
des femmes, dans la sphère privée et dans la sphère publique. C’est le premier traité
international qui vise clairement l’amélioration du statut et la position des femmes au sein de la
famille.
5- La Déclaration du Millénaire (OMD)
La Déclaration du Millénaire est une déclaration officielle de l'Organisation des Nations Unies
signée le 8 septembre 2000 par 191 pays dont le Maroc. Elle reconnaît que, en plus des
responsabilités propres que les Etats parties doivent assumer à l’égard de leurs sociétés
respectives, ils sont collectivement tenus de défendre, au niveau mondial, les principes de la
dignité humaine et de l’égalité.
Cette Déclaration est suivie par l'adoption de huit « Objectifs du Millénaire pour le
développement » (OMD) à atteindre en 2015 : réduire l'extrême pauvreté et la faim ;
assurer l'éducation primaire pour tous; promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des
femmes; réduire la mortalité infantile; améliorer la santé maternelle; combattre le VIH/sida, le
paludisme et d'autres maladies; préserver l'environnement ; mettre en place un partenariat
mondial pour le développement.
A travers son adhésion à la Déclaration du Millénaire pour le développement, le Maroc
s’engage à la réalisation du troisième Objectif du Millénaire (OMD3) qui consiste à
promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Sa participation pour la
réalisation de cet objectif se traduit par sa capacité à atteindre les différentes cibles proposées
par l’OMD 338.
38 Cf. Rapport du Maroc OMD - 2008
75
6- La Déclaration et la Plate Forme de Vienne
Le Maroc, par une importante délégation officielle a pris part aux travaux de la première
conférence mondiale des droits de l’homme qui s’est tenue à Vienne en 1993. Elle affirme, dans
sa déclaration et sa plate forme, de manière claire que « les droits fondamentaux des femmes et
des filles font inaliénable ment, intégralement et indissociablement partie des droits universels de
la personne. L’égale et pleine participation des femmes à la vie publique, civile, économique,
sociale et culturelle, aux niveaux national, régional et international et l’élimination totale de toutes
les formes de discriminations fondées sur le sexe sont des objectifs prioritaires de la communauté
internationale ».
7- Le programme d’action de Beijing
Le Maroc a adopté le 15 septembre 1995 le Programme d'action de Beijing reflétant
l'engagement du pays pour promouvoir les droits des femmes en veillant à ce qu'une
perspective "sexospécifique" soit appliquée à toutes les politiques et tous les programmes aux
niveaux national, régional et international. Le MDSFFS est le rapporteur national du programme
d’action de Beijing.
8- Les Recommandations de Barcelone : un appel pour améliorer la condition des
femmes dans l’espace méditerranéen
Appartenant également à l’espace méditerranéen et bénéficiant d’un statut avancé au niveau
de l’Union Européenne, le Maroc est tenu d’honorer les engagements pris en faveur des
femmes dans cette sphère géographique.
Ainsi, la conférence de Pékin fût suivie de la conférence de Barcelone en 1995, dont les
recommandations ont remobilisé les pays du pourtour méditerranéen dix ans plus tard en 2005.
En 2006, le besoin de relancer la question de l’égalité hommes – femmes a fait l’objet de la
conférence ministérielle d’Istanbul qui a débouché sur l’adoption des Conclusions d’Istanbul,
dont les travaux préparatoires ont été abrités par le Maroc en juin 2006.
La conférence Euromed des femmes qui s’est tenue les 24 et 25 novembre 2005 à Barcelone,
commémorant le 10ème anniversaire du processus de Barcelone, est née de la nécessité de
continuer le renforcement du rôle politique, économique et social des femmes dans le
partenariat euro méditerranéen.
Dans ce cadre, et dans la lignée des réflexions des différents organes de décision Euromed et
des institutions européennes engagées dans le processus de Barcelone, et dans d’autres forums
(comme la conférence régionale de Sanaa et la réunion de la Ligue Arabe à Alger en 2004), le
point de départ des travaux de la conférence est la certitude que l’égalité d’opportunité entre
les hommes et les femmes est un thème transversal. Il a un fort impact sur le développement
économique et humain des pays et sur les personnes qui vivent dans l’espace euro
méditerranéen. Dans cette optique, l’obtention de l’égalité entre les hommes et les femmes est
un thème commun important qui unit la société euro méditerranéenne.
Organisée autour de trois grandes thématiques, les principales réflexions ont porté sur cinq
sujets :
- Les droits des femmes font partie intégrante des droits humains, le non respect ou
l’application partielle des droits fondamentaux aux femmes constitue des violations des
droits humains. C’est pourquoi il est nécessaire que ces droits soient juridiquement
76
garantis. L’universalité des droits humains est indiscutable, elle doit garantir le droit à
l’égalité, les différences culturelles ne doivent en aucun cas justifier les
discriminations et freiner l’avancée des droits humains.
- La différence entre les attentes formulées il y a dix ans à travers le Processus de
Barcelone et les réalisations en termes d’égalité hommes – femmes, est très grande
dans l’espace euro –méditerranéen.
- Des progrès ont été réalisés notamment en matière d’éducation mais le rôle des
femmes dans la vie économique et particulièrement dans le champ politique ne s’est
pas renforcé du fait du maintien des barrières sociales et économiques et de la faiblesse
de la volonté politique.
- L’approche genre en tant qu’outil de planification doit s’appliquer de façon
transversale dans toutes les politiques publiques, les moyens financiers nécessaires à
leur réalisation doivent être mobilisés et faire appel au partenariat euro- méditerranéen,
conditionné nécessairement par la non discrimination basée sur le sexe.
- La lutte contre les violences subies par les femmes passe nécessairement par le
renforcement de leur capacité et leur autonomisation et la reconnaissance du travail
domestique.
9- Les Conclusions d’Istanbul
La conférence ministérielle d’Istanbul, à travers ses Recommandations pour 2006-2009,
invite les pays du pourtour méditerranéen à entreprendre toutes les actions en faveur des
femmes pour améliorer leur situation et répondre ainsi aux exigences démocratiques et à
l’impératif du développement durable. Le renforcement du rôle des femmes dans la société
passe indéniablement par la reconnaissance et l’exercice de tous les droits humains
fondamentaux :
- les droits civils et politiques,
- les droits sociaux et économiques ;
- les droits culturels
Ainsi, la CEDEF, comme référent universel, appuyée par les Recommandations du sommet de
Barcelone (2005), par le Plan d’action de la Politique Européenne de Voisinage et par les
Recommandations d’Istanbul (2006), traduites par la Stratégie nationale d’équité et d’égalité
et par l’Agenda gouvernemental d’égalité, rebaptisé, en 2012, Plan gouvernemental d‘égalité
2012-2016 – IKRAM- , constituent le référentiel sur la base duquel les actions en faveur des
femmes doivent être menées, réalisées et évaluées.
Comparativement à de nombreux pays, des efforts importants sont fournis par le Maroc pour
harmoniser l’arsenal juridique interne conformément aux normes internationales et mettre en
place des institutions pouvant garantir l’accès des femmes aux droits humains fondamentaux.
Ces efforts traduisent la volonté du Maroc de s’inscrire dans une politique moderniste, elle
77
s’est concrétisée par plusieurs actions en faveur des femmes, ce qui a valu à l’Etat marocain
d’être qualifié d’Etat féministe39
En effet, le processus démocratique engagé depuis le début des années 90 a entraîné une prise
en compte plus importante de la question de l’égalité hommes –femmes et le lancement par les
pouvoirs publics d’une politique volontariste de promotion des femmes dans le sens de
l’égalité des sexes. A partir de l’élaboration de la Stratégie nationale d’équité et d’égalité, de
nouveaux programmes sont lancés et de nouvelles politiques sont mises en place. Le caractère
transversal de la question des rapports sociaux de sexe est reconnu, de nouveaux dispositifs
sont crées, des stratégies sectorielles sont formulées et mises en pratique. Parallèlement, de
nouvelles pratiques de partenariat avec les associations féminines sont initiées et
expérimentées.
Conscient que la consolidation démocratique, la consécration de la culture de l’égalité et la
réalisation d’un développement humain durable, profitant à toutes les franges de la
population, constituent aujourd’hui des impératifs pour le Maroc et passent par des politiques
intégrant la dimension genre, le Plan gouvernemental de l’égalité 2012-2016, constitue le
principal cadre national de référence permettant la mise en œuvre de la nouvelle Constitution
conformément aux dispositions de la CEDEF.
III- 2 Le cadre national
1- LA SOCIETE CIVILE : un rôle considérable dans les acquis en faveur de la
citoyenneté des femmes au Maroc
La société civile, dans toutes ses composantes : partis politiques à travers les député - es,
associations féminines, de droits humains et de développement, syndicats…. a joué a un rôle
important dans la mobilisation et la sensibilisation sur la citoyenneté des femmes en engageant
le plaidoyer aux niveaux national, régional et international.
Les questions prioritaires étant :
- la révision de l’arsenal juridique marocain en conformité avec les valeurs universelles,
dont notamment le code du statut personnel,
- la représentativité politique de femmes dans les instances élues et l’accès des femmes à
la prise de décision économique et politique ;
- les violences subies par les femmes dans tous les espaces.
- L’amélioration de la condition socio-économique des femmes.
1- Pour l’adoption du code de la famille en 2004, la société civile, a mené un combat sans
relâche, souvent dans des conditions difficiles compte tenu des enjeux politiques et socio -
culturels du droit de la famille.
La mobilisation de la société civile autour du plan d’action national pour l’intégration des
femmes au développement (PNIFD), concrétisée par la mise en place du réseau de soutien au
Plan, du front de soutien au Plan et du travail gigantesque mené par le mouvement
« Printemps de l’égalité » a abouti à l’adoption en février 2004 du code de la famille.
39 Houria Alami : Femmes, modernité et modernisation au Maroc. L’Etat gestionnaire des relations de genre Communication au 5° Congrès des RFF 21-24 Octobre 2008.
78
2- En ce qui concerne la participation politique
La revendication est ancienne, elle est apparue au début des années 90, à la faveur des débats
engagés au sujet des réformes constitutionnelles.
Plusieurs mémorandums ont été adressés aux décideurs politiques par les associations
féminines. Le dernier mémorandum daté de Mai 2011 a eu pour objectif de préparer les
élections prévues pour septembre 2011. Le projet d’amendements au code électoral intitulé
«pour la promotion des femmes aux postes de responsabilité et de décision », signé par 20
organisations dont un grand nombre d’associations féminines, a fait des propositions concrètes
sur le quota - fixé à 33% avec un seuil minimum de 20%- et sur la révision du mode de
scrutin. Il invite les partis politiques, les syndicats et les chambres professionnelles à mettre en
place une stratégie pour faciliter la participation des femmes aux activités de l’organisation, en
appliquant le quota dans les structures dirigeantes et en sensibilisant leur base.
3- Pour les droits socio-économiques des femmes : la société civile à travers, principalement
les syndicats, a joué un rôle important dans différents domaines :
- adoption du code de travail,
- lutte contre le travail des petites bonnes 40;
- interpellation du gouvernement pour activer l’adoption d’une loi sur le travail domestique ;
- ’adoption de l’AMO ;
- lutte contre l’analphabétisme ;
- lutte contre la pauvreté et l’exclusion par les activités génératrices de revenus.
4- En ce qui concerne la question des violences de nombreuses associations féminines ont
créé des centres d’écoute, d’aide et de conseils juridiques pour lutter contre les violences
subies par les femmes. Des campagnes de sensibilisation ont été organisées contre le
harcèlement sexuel, les violences physiques et sexuelles à l’égard des femmes.
La Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, conçue comme un
instrument national qui associe toutes les synergies pour lutter contre les violences subies par
les femmes, est considérée comme « un modèle de capitalisation par les pouvoirs publics des
initiatives et actions mises en œuvre par les associations des droits des femmes »41
Les centres d'écoute et d'orientation juridiques des femmes victimes de violence sont, en effet,
associés aux différents programmes mis en œuvre pour l’identification de l’ampleur du
phénomène, la prise en charge et le suivi des femmes victimes de violence, l’application des
lois relatives aux violences subies par les femmes et la sensibilisation des décideurs et des
intervenants.
Sur ces quatre principales questions, la société civile est devenue une force d’interpellation des
décideurs politiques et de propositions.
40 Ligue marocaine pour la protection de l’enfance « Journée d’étude et de réflexion sur les petites
filles « bonnes » travaillant dans les familles », Rabat, 19/01/1996.
41 M. Aït azizi, « L’intégration du genre dans les programmes de développement. Les actions
d’institutionnalisation des questions de genre au Maroc », in « Comprendre les inégalités Hommes- Femmes.
L’approche genre : théories et pratiques » Actes du colloque organisé par le Groupe de Recherche et d’Etudes
sur Genre et Développement (GREGED), Imprimerie Fedala, Rabat, 2005
79
Le partenariat entre la société civile et l’Etat et la nouvelle culture participative à laquelle il
participe marque un tournant important de ces dernières années.
Sur cette question aussi, les améliorations sont importantes. Après une période caractérisée par
une certaine méfiance, qui a duré jusqu’au milieu des années 90, le partenariat tend à
s’améliorer pour unir les efforts entre différents intervenants autour de thématiques qui sont de
plus en plus nombreuses. Sur la question de l’égalité, le partenariat a permis de contribuer à la
lutte contre l’analphabétisme et contre les violences à l’égard des femmes.
Des actions de partenariat thématique sont organisées régulièrement, avec le Ministère de
l’Education Nationale autour de l’introduction de la culture de l’égalité entre les hommes et
les femmes dans le cursus scolaire, avec le ministère des finances sur la part du budget de
l’Etat allouée aux programmes de promotion de la condition des femmes au Maroc42, sur
l’alphabétisation avec le secrétariat d’Etat, chargé de la lutte contre l’analphabétisme, avec le
ministère de la santé sur la prise en charge des problèmes de VIH/SIDA et les IST.
Dans le cadre d’un partenariat diversifié, la société civile continue de mener différentes
actions pour instaurer la citoyenneté pleine et entière des femmes marocaines : elle poursuit
l’examen des points faibles du nouveau texte du code de la famille par des activités de
monitoring43 et des textes relatifs au harcèlement sexuel, elle participe à de nombreuses
actions de lutte contre les violences, elle s’est également mobilisées pour la réforme du code
de la nationalité. Elle fait des propositions pour améliorer les normes juridiques et les
politiques dans le sens de l’égalité : campagnes contre les violences (1999-2008), campagne
pour la révision du code de la nationalité (2005-2006), campagne pour l’adoption de la liste
nationale (2002), égalité sans réserves au niveau régional (2006), campagnes du tiers pour les
élections communales (2008-2009) et élections législatives de 2011.
Au niveau international, de nombreuses initiatives sont prises notamment l’élaboration de
rapports parallèles44 .
Le rôle de la société civile dans le renforcement du rôle des femmes est par conséquent
remarquable, il est reconnu à l’échelle régionale et internationale, il lui a permis par ailleurs,
de s’impliquer dans la réalisation de la Stratégie nationale d’équité et d’égalité et de gagner la
confiance de nombreux partenaires, dont le soutien aux activités du gouvernement et des
différentes ONG est de plus en plus visible.
Sans doute, l’analyse de la situation au Maroc montre que l’image qui domine est celle d’une
société civile dynamique et de partis politiques, de plus en plus conscients de la question
féminine, comme question centrale dans la construction démocratique.
2- La volonté royale : des discours engagés en faveur de la citoyenneté des femmes
La question des droits des femmes acquière une place de choix dans de nombreux discours
du Roi, qui, dès son intronisation, affirmait de manière claire le 29 août 1999 : « Comment
espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de
la société, voient leurs intérêts bafoués, sans tenir compte des droits par lesquels notre sainte
42 ADFM, Séminaire, « Budget participatif- Parlement et société civile. Quels mécanismes de collaboration ? », 13 et 14
juin 2002, Rabat.
43 ADFM - LDDF 44 Cf. Rapports parallèles élaborés par les ONG féminines sur la mise en œuvre de la CEDEF.
80
religion les a mises sur un pied d’égalité avec les hommes, les droits qui correspondent à leur
noble mission, leur rendant justice contre toute iniquité ou violence dont elles pourraient
être victimes, alors même qu’elles ont atteint un niveau qui leur permet de rivaliser avec les
hommes, que ce soit dans le domaine de la science ou de l’emploi »45.
Lors de l’ouverture de la deuxième année législative de la 7° législature, le Roi réitérait le 10
octobre 2003 la même préoccupation : « Nous tenons à féliciter les nouveaux élus, et nous
nous réjouissons du score élevé réalisé par les jeunes les plus qualifiés. Toutefois, le faible
niveau de représentation féminine dans les collectivités locales, nous amène à nous
interroger : jusqu’à quand allons nous continuer à recourir à la discrimination juridique
positive, pour garantir une large participation de la femme aux institutions ? La question
exige, sans aucun doute, un renouveau global, par une transformation profonde des
mentalités archaïques et de la conscience collective. Elle requiert de laisser à la femme la
faculté de s’insérer dans tous les rouages de la vie de la nation, d’autant plus qu’elle a fait
la démonstration de ses mérites, de sa droiture et de son dévouement au service de l’intérêt
généra »46.
L’attachement au principe de l’égalité et à l’implication des femmes dans la gestion de la
chose publique est également affirmé lors du discours du 19 décembre 2008 : « Ainsi se
trouve réaffirmé, notre attachement au référentiel des droits humains, qui sont en accord avec
notre identité religieuse et civilisationnelle. A cet égard, nous continuons à œuvrer pour
doter la femme marocaine des moyens à même de lui permettre d’être partie prenante dans
le processus institutionnel et démocratique, en l’encourageant à s’impliquer dans la vie de
la nation et à occuper les différents postes de la fonction publique sans exclusive. Nous
veillons également à ce qu’elle puisse bénéficier d’un taux croissant de représentations
équitable au sein du gouvernement, du Parlement, des collectivités locales et de tous les
centres de prise de décision… »47.
Le discours du 9 mars 2011, à la suite du mouvement du 20 février, réitère la question
féminine, dans le cadre de la régionalisation : «Renforcer la participation de la femme à la
gestion des affaires régionales et, d’une manière générale, à l’exercice des droits politiques. A
cet effet, il convient de prévoir des dispositions à même d’encourager, par la loi, l’égal accès
des hommes et des femmes aux fonctions électives ».
Par conséquent, depuis son intronisation, le Roi n’a laissé échapper aucune occasion 48 pour
insister sur les droits des femmes et les discriminations qu’elles subissent dans les différents
espaces. La volonté royale et la pression exercée par le mouvement des femmes, depuis plus
de trois décennies, ont été traduites par un ensemble de réformes juridiques, dont
principalement le code de la famille de 2004 et la nouvelle Constitution de 2011.
3- Les déclarations gouvernementales : la reconnaissance du rôle des femmes dans la
construction démocratique et le développement socio-économique du pays
- La déclaration du gouvernement de l’alternance en 1997, conduit par Abderrahman El
Youssoufi, est claire sur la question de la participation des femmes à la construction
45 Extraits des discours et des messages de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au sujet de la question de la femme.
Ouvrage édité par la Direction Générale des Collectivités Locales. 2011. 46 Idem. 47 Idem. 48 Idem.
81
démocratique et au développement du pays49. Il s’est engagé à lever les entraves au
renforcement du rôle des femmes dans la société et combattre les formes de discrimination
dont elles sont victimes.
Cette volonté d’inclure les femmes dans la gestion de la chose publique fût réitérée par le
gouvernement technocrate, conduit en 2002 par Driss Jettou : « … l’adoption d’un code
moderne de la famille garantissant l’égalité entre la femme et l’homme et préservant les droits
de l’enfant, la modernisation de l’appareil judiciaire, sont autant de chantiers confirmant la
ferme détermination de notre pays de se hisser au rang des nations démocratiques les plus
avancées… ».
Elle est également soulignée par Abbas El Fassi en 2007, suite aux élections législatives :
« La représentativité féminine dans ce vingt-neuvième gouvernement du Maroc depuis son
indépendance en 1955 est un record « historique » quantitatif et qualitatif. Les profils choisis
incarnent une diversité en termes de formations et de compétences… ».
Le renforcement de l’accès des femmes aux postes de responsabilité a fait l’objet de plusieurs
circulaires du Premier Ministre (du 04 Janvier et du 25 et 26 septembre 2001), elles ont eu
pour objectifs de recenser les femmes exerçant des responsabilités dans les différents
ministères, de mesurer la place des femmes dans l'encadrement de la haute fonction publique
pour repérer les inégalités hommes -femmes, faire le point des évolutions intervenues selon
le genre et prendre les mesures qui s’imposent.
En mars 2007, à l’occasion de la journée mondiale des femmes, une circulaire du Premier
Ministre confirme l’importance de La Stratégie Nationale d’Equité et d’Egalité et invite les
ministères, les Walis et les gouverneurs à procéder à l’intégration du genre dans toutes les
politiques et dans les programmes de développement sectoriels et régionaux.
Le 3 janvier 2012, la déclaration du gouvernement de coalition, conduit par Abdelilah
Benkirane, en tant que feuille de route, consacre une place de choix aux secteurs sociaux
avec un accent particulier sur la participation des femmes dans tous les domaine. Elle affirme
de manière claire l’engagement du gouvernement en faveur des droits des femmes, il annonce
« Le gouvernement s’engage à continuer d’accorder davantage d’importance à la situation de
la femme, à renforcer sa participation à la gestion de la chose publique à tous les niveaux et à
consolider son rôle dans le processus de développement. Afin d’accompagner ce qui a été
réalisé grâce au Code de la famille, le gouvernement se penchera sur l’examen des meilleurs
moyens d’activer la Caisse de solidarité familiale au profit des femmes divorcées et de leurs
enfants, de généraliser les centres multi- fonctionnels destinés aux femmes rurales, la mise en
place de mécanismes d’incitation pour le développement des entreprises féminines et
d’assurer une protection juridique aux femmes victimes de la violence… ».
Dans son intervention devant le Parlement européen, la Ministre du Développement Social, de
la Femme, de la Famille et de la Solidarité estime « ….qu'en dépit des progrès réalisés pour
promouvoir la femme, le Maroc est appelé à doubler d'efforts pour lui assurer une meilleure
place dans la vie politique et économique et renforcer son positionnement dans la société, et
ce conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution ». Pour la seule ministre dans
l’actuel gouvernement, dirigé par le PJD « …la femme marocaine et appelée à poursuivre
l'effort déjà engagé en matière de revendications pour pouvoir atteindre la parité et la
justice ». La ministre a également appelé les hommes à partager la responsabilité avec les
femmes pour le bien de la Nation. 49 Cf. Texte de la Déclaration du Premier Ministre du Gouvernement de l’Alternance.
82
4- Les stratégies nationales : l’égalité hommes – femmes est reconnue comme une
priorité
- Adoption de la Stratégie Nationale pour l’équité et l’égalité en 2006
- Adoption de l’Agenda Gouvernemental pour l’égalité 2011-2015, rebaptisée en 2012 Plan
Gouvernemental pour l’Egalité 2012-2016 et qui bénéficie de l’appui financier de l’UE (497
millions de Dhs).
4-1 La stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes par l’intégration de
l’approche genre dans les politiques et les programmes de développement, adoptée en
2006, a pour ambition de fédérer et d’aider les différents acteurs à prendre les mesures
nécessaires pour instaurer l’égalité de genre dans tous les domaines.
Préconisant la prise en compte des besoins, aspirations et intérêts spécifiques des deux
composantes de la société marocaine : les hommes et les femmes, dans les différentes phases
d’élaboration et de mise en œuvre des politiques et programmes de développement, la
stratégie offre une vision globale des objectifs stratégiques et des niveaux d’articulation pour
la réduction des disparités entre les sexes dans les différents domaines. L’égalité, comme
fondement de cette stratégie, vise une participation égale et équitable dans le processus de
développement et la possibilité de tirer profit de cette participation de manière égale pour les
hommes et pour les femmes. Elle répond aux exigences démocratiques et à l’impératif du
développement humain.
La stratégie a pour principale finalité la réduction des disparités entre les hommes et les
femmes, tant en matière de jouissance et d’exercice de tous les droits fondamentaux, d’accès à
toutes les opportunités et ressources, qu’en terme de participation dans le champ public :
parlement, gouvernement, pouvoir judiciaire, hautes fonctions, postes de responsabilité….
Déclinée en deux objectifs stratégiques et cinq niveaux d’articulation, la stratégie ne prétend
pas se substituer aux multiples initiatives sectorielles prises et aux efforts déployés par
différents acteurs dans le domaine de l’égalité genre. Elle vise, essentiellement, à donner un
cadre général aux différents intervenants, destiné à être traduit sous forme de plans d’action,
pour atteindre les objectifs d’égalité dans les domaines suivants :
- les droits civils,
- la représentation et la participation à la prise de décision
- les droits sociaux et économiques
- les comportements sociaux et individuels
- l’ancrage institutionnel et politique.
La stratégie privilégie deux approches :
- une approche spécifique qui vise à répondre aux besoins propres des femmes afin
d’améliorer leur situation et de corriger les diverses formes d’inégalités et de discriminations
qu’elles subissent, par rapport aux hommes, dans l’espace public ;
- une approche transversale prend en compte de manière systématique les rapports de genre
dans tous les domaines d’action : juridique, économique, social, culturel, à toutes les étapes
(conception, mise en œuvre, suivi et évaluation) et à tous les niveaux (macro, méso et micro).
Cette approche vise la prévention des discriminations et l’ancrage du réflexe égalitaire dans
les institutions, les politiques et les programmes de développement.
83
Elle constitue par conséquent un cadre important pour mettre en œuvre des mesures
concrètes dans tous les secteurs afin de réduire les écarts basés sur les rôles sociaux et qui
pénalisent les femmes dans l’espace public.
Elle a été appuyée par la circulaire du 1er ministre pour inciter les départements ministériels à
se mobiliser pour lutter contre les disparités de genre et les discriminations que subissent les
femmes dans les administrations publiques.
4-2 L’Agenda gouvernemental pour l’égalité 2011-2015
Adopté par le conseil du gouvernement le 17 mars 2011, il touche 9 domaines prioritaires :
- Ancrage institutionnel de l’égalité de genre,
- Accès équitable et égal des filles et des garçons à un système éducatif de qualité et
qualifiant ;
- Accès équitable et égal des filles, femmes, garçons et hommes aux servies de santé ;
- Accès équitable et égal des filles, femmes, garçons et hommes aux infrastructures de base ;
- Accès équitable et égal des femmes et des hommes aux droits civils et lutte contre les
discriminations et les violences faites aux femmes ;
- Accès équitable et égal aux postes de prise de décision électifs et dans l’administration ;
- Lutte contre les inégalités basées sur le genre dans le marché de l’emploi ;
- Lutte contre la pauvreté et les différentes formes de vulnérabilité subies par les filles et les
femmes ;
- Lutte contre les stéréotypes sexistes dans l’éducation, la culture et les médias.
Cet Agenda est décliné en 30 objectifs et propose 100 mesures. Il couvre la période 2011-
2015.
Le domaine prioritaire n°6 traite de l’égal accès des hommes et des femmes aux postes de
décision au niveau politique et administratif, avec deux objectifs :
- Accroître la représentativité politique des femmes (objectif 17)
- Accroître la représentativité des femmes dans les secteurs public, semi public et privé
(Objectif 18).
7 mesures sont proposées dont 3 concernent l’augmentation du nombre des femmes dans les
secteurs public, semi public et privé.
4-3 Le plan gouvernemental pour l’égalité des genres pour la période 2012-2016, baptisé
IKRAM (nouvelle appellation de l’agenda gouvernemental pour l’égalité).
Ce plan vise à consacrer l'égalité des sexes et la parité, conformément aux dispositions de la
nouvelle Constitution. Ce plan, appuyé par l’UE, pour 48 mois, dans le cadre de la réalisation
de l’OMD 3, a pour objectif de contraindre les secteurs gouvernementaux à intégrer
l'approche genre et à œuvrer à améliorer les indicateurs de développement humain, il vise la
création d'une «instance pour l'égalité, la parité et la lutte contre la discrimination» et d'un «
Conseil pour la famille et l'enfance». Il a également pour objectifs de renforcer la
représentativité des femmes aux corps élus et leur accès aux centres de pouvoir, la mise en
place d'un Observatoire national de lutte contre la violence à l'égard des femmes et
d'observatoires régionaux de vigilance et d'alerte en faveur des femmes et des filles, ainsi que
la création d'une chaîne de télévision spécialisée dans les questions de la famille et l'enfance50.
La ministre en charge de la question féminine a affirmé le 3 juillet 2012 lors de l’octroi du
don de 497 MDH par l’UE pour appuyer le plan gouvernemental d’égalité des genres « … ce
50 Cf. Plan gouvernemental de l’égalité 2012-2012 (MDSFFS)
84
plan permet de réaliser l’égalité des sexes en harmonie avec l’Islam et les valeurs
civilisationnelles et familiales de la société marocaine avec la Constitution qui prévoit une
parfaite égalité hommes – femmes, les directives royales encourageant l’émancipation de la
femme marocaine, l’engagement du Maroc à concrétiser les OMD et à honorer les convenions
internationales… ».
L’appellation du plan d’égalité IKRAM a soulevé une polémique au sein du mouvement des
femmes, les féministes modernistes, attachées à la démarche droits fondamentaux des
femmes, rejettent cette appellation à connotation moralisante qui s’inscrit plus dans la
complémentarité des rôles sociaux de sexe et remet en cause le principe constitutionnel de
l’égalité. L’allocution de la ministre devant le représentant de l’UE traduit de manière claire
l’ambivalence du système juridique marocain, auquel la nouvelle Constitution n’a pas
échappé.
III-3 Le contexte régional / le printemps arabe : les acquis
Deux acquis majeurs : la levée des réserves émises sur la CEDEF et l’adoption de la
nouvelle Constitution. Cependant, le défi le plus important demeure l’harmonisation de
l’arsenal juridique marocain.
1- La CEDEF : La levée des réserves
Au Maroc, la pratique des réserves est utilisée essentiellement par rapport aux conventions qui
portent sur les droits des femmes. Ces réserves sont de différentes natures. Certaines
concernent le mode de règlement des différends pouvant naître de l’application ou de
l’interprétation des conventions. D’autres intéressent l’objet des conventions. Certaines sont
enfin prises sous forme de déclarations.
Pour l’article 29 paragraphe 1 qui stipule « tout différend entre deux Etats ou plusieurs Etats
concernant l’interprétation ou l’application de la convention qui n’est pas réglé par voie de
négociation, peut être soumis à la cour internationale de justice sur la requête de l’un des
Etats », le Maroc estime que « les différends de cette nature ne peuvent être soumis à
l’arbitrage ou à la Cour internationale de justice qu’avec le consentement de toutes les parties
au différend »51
Cette attitude est conforme au principe de la juridiction facultative en vertu duquel, à la
différence des litiges opposant les particuliers dans le droit interne, les Etats ne sont soumis à
la juridiction de la Cour internationale pour un litige donné qu’autant qu’ils y consentent.
Par contre, les réserves qui portent sur le contenu de la CEDEF concernent particulièrement
les articles 9 et 16 :
- Article 9 relatif à l’égalité en droits et obligations des conjoints pendant le mariage et après la
rupture du lien conjugal.
- Article 16 relatif à l’octroi de la nationalité de la mère aux enfants issus du mariage mixte et
au conjoint étranger.
L’’Etat marocain a formulé également des déclarations lors de la ratification, elles limitent la
dévolution du trône aux mâles.
51 Cf. Déclarations du Maroc ayant accompagné la ratification de la CEDEF en 1993.
85
Ces réserves et déclarations visent le respect du droit interne dont notamment la Constitution
de 1996, le droit de la famille (Moudawana) et le code de la nationalité.
Cependant, l’article 28 de la CEDEF précise qu’aucune réserve incompatible avec l’objet et le
but de la convention ne sera autorisé. Cette disposition est conforme aux conditions exigées
par la Convention de Vienne, qui précise « les réserves ne peuvent être formulées que si elles
ne sont pas interdites par le traité ».
Les réserves émises, en confirmant les discriminations, se placent également en contradiction
avec les dispositions de l’article 2 de la CEDEF, en vertu duquel les Etats parties doivent
garantir la jouissance de ces droits sans discrimination fondé sur le sexe et prendre toutes les
mesures appropriées à cet effet.
De même, en n’émettant des réserves que dans le domaine de la famille, le Maroc adopte une
attitude sélective contraire à la vocation universelle de la CEDEF qui se présente comme un
texte global dont l’objectif consiste en la reconnaissance de l’intégralité des droits des femmes
et l’élimination de toutes les formes de discrimination à leur égard.
En fait, depuis que les instruments internationaux ont reconnu, garanti et promu les droits des
femmes au rang des droits humains, une grande controverse est née autour de l’acceptation de
ces textes. Les partisans de l’égalité, tout en se référant à ces normes, défendent l’idéologie
universelle des droits humains et considèrent les droits des femmes comme une partie
intégrante des droits humains. En revanche, les adversaires de l’égalité refusent ces normes au
nom des particularismes culturel ou religieux. Ce qui explique la confrontation entre
l’universel et le spécifique et complique le débat sur la levée des réserves au Maroc où le
Roi, en tant que commandeur des croyants, est investi de la mission de veiller au respect des
valeurs de l’Islam.
Le Maroc s’est en effet appuyé sur le référentiel religieux pour limiter les droits des femmes
dans la famille, opérant ainsi une distinction entre la famille, lieu de prédilection du référentiel
religieux et les autres espaces publics où la religion est peu présente.
Le principe d’identification des droits des femmes aux droits humains constitue le fondement
de l’intégration des droits des femmes dans la dynamique des droits humains. Cependant, il se
heurte à des débats où le particularisme culturel entend remettre en cause l’universalité des
droits humains et l’égalité en droits au profit des femmes, particulièrement dans l’espace
familial.
L’affrontement de l’universalité des droits humains des femmes et des hommes avec les
particularismes trouve dans le culturel un terrain de prédilection puisque c’est au nom de la
religion qu’on a exacerbé, voire renforcé la diversité culturelle, qu’on a contesté les droits
humains comme revendication essentielle. Ainsi, les positions du Maroc qui reconnaissent en
principe les droits humains ne sont pas identiques dans des domaines regardés comme
essentiels tels que la condition des femmes, alors que certains domaines échappent à cette
logique. Ce particularisme culturel a déjà alimenté le débat sur la réforme du code de statut
personnel. Il a fait avorter de multiples tentatives de révision et a opposé depuis plus de
quatre décennies les partisans de l’égalité aux conservateurs.
Cependant, le maintien de certaines réserves est sans fondements depuis la réforme du CSP,
devenu code de la famille en 2004, et celles qui ont touché le code de la nationalité en 2007.
86
Mais sur ce plan, les conservateurs y voient une portée extrêmement limitée, la levée ne
devrait toucher que ce qui a changé dans le code de la famille et le code de la nationalité.
Autrement dit, les discriminations basées sur le référent religieux, telle que la question de
l’héritage, le mariage de la marocaine musulmane avec un non musulman, l’adoption, ou
encore l’attribution de la nationalité marocaine au conjoint étranger d’une femme marocaine
… pour ne citer que ces quelques exemples, font partie de l’identité culturelle marocaine et
ne peuvent en son nom être révisés.
Cette situation vise à empêcher l’adoption de mesures anti-discriminatoires et freiner le
mouvement de lutte pour l’élimination des discriminations, dénaturant la raison d’être de la
CEDEF et s’opposant à son but.
C’est pourquoi, lors de l’examen du rapport initial en 1997 et le second en 2003, le Comité
des droits des femmes a placé la question de la levée des réserves parmi ses principales
préoccupations et recommandations. Ces recommandations ont été réitérées, en janvier 2008,
lors de l’examen du 3° et 4° rapports périodiques combinés sur la mise en oeuvre de la
CEDEF et lors du processus de l’examen périodique Universel (EPU avril 2008).
Au Maroc, bien que la question de la levée des réserves émises sur la CEDEF ait mobilisé les
associations féminines et les organisations des droits humains, et ce, depuis sa ratification en
1993, elle n’a interpellé les responsables que depuis la publication du rapport de l’IER en
2003. En réponse aux recommandations de l’HIER, le gouvernement a donné le 21 février
2005 son aval aux propositions du comité technique qui portent sur l’adhésion du Maroc à
un certain nombre de traités et la levée des réserves et/ou substitution des réserves par des
déclarations interprétatives portant sur d’autres conventions à l’exception de la CEDEF.
A l’occasion de la journée internationale de la femme en mars 2006, un communiqué du
ministère de la justice, dirigé par le socialiste Bouzoubaa, a annoncé la levée de certaines
réserves émises sur la CEDEF, qui ne se justifieraient plus, compte tenu de la révision du
Code du statut personnel en 2004 et du Code de la nationalité en 2007.
L’annonce de la levée de certaines réserves sur la CEDEF est intervenue quelques mois plus
tard alors que le Maroc s’apprêtait à déposer sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme
de Genève. Le document de candidature comprenait en effet, un engagement explicite dans ce
sens.
L’évolution de la question relative à la levée des réserves va connaître un tournant décisif
avec le message royal du 10 décembre 2008 et les différentes lectures52 qu’il a suscitées quant
à la levée des réserves.
Le message royal du 10 décembre 2008 adressé au CCDH à l’occasion du soixantième
anniversaire de la DUDH ne peut avoir d’autres significations que celle attendue par le
mouvement des droits humains recommandée par le comité CEDEF et l’IER et ce pour
plusieurs raisons :
- au regard du droit international public, l’Etat qui émet des réserves s’accorde le droit
de s’abstenir de lutter contre les discriminations subies par les femmes à divers niveaux
et dans différents espaces,
- au regard de la Convention de Vienne que le Maroc a ratifiée, l’article 19 précise bien
qu’un Etat, au moment de signer, ratifier, accepter et approuver un traité ou d’y 52 Cf. Interview Malika Benradi, in Aujourd’hui le Maroc Décembre 2008.
87
adhérer, peut formuler une réserve, à moins que la réserve ne soit incompatible avec
l’objet et le but du traité or, les réserves émises par le Maroc vidaient effectivement
les dispositions de le CEDEF de leur contenu.
- Le message royal, de par sa portée, ne peut qu’annoncer une initiative substantielle. La
levée des réserves partielles a déjà fait l’objet en 2006 d’un engagement international
du Maroc même si les instruments de la levée n’ont pas été déposés auprès du SG des
NU.
- L’annonce par le Roi de la levée des réserves, à l’occasion du soixantième anniversaire
de la DHDH, est plus que significative de l’inscription du Maroc dans l’universalité
des droits humains, elle concrétise l’adhésion du Maroc au patrimoine commun de
l’humanité et constitue une réponse aux recommandations de l’IER.
De même, cette initiative s’inscrit dans les OMD et particulièrement dans le troisième
objectif : « Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes » qui vise la
révision et l’harmonisation de toutes les lois nationales discriminatoires conformément aux
dispositions de la CEDEF.
Enfin, sur le plan international, l’initiative royale, relative à la levée des réserves, fût
accueillie très favorablement par l’ensemble de la communauté internationale, qui y voit une
avancée importante dans la région à l’instar de l’adoption du code de la famille, du code de la
nationalité et de la liste nationale en faveur des femmes pour améliorer leur représentation
politique dans l’instance législative.
Seulement ce message royal annonçant la levée des réserves, qui a suscité différentes
réactions publiées par la presse53, n’a pas été suivi immédiatement de mesures concrètes, ce
qui a permis à certaines organisations de la société civile d’affirmer que la ratification en
1993 de la CEDEF, publiée au BO 8 ans plus tard (2001) n’a pas eu pour ambition de dépasser
l’ordre établi, du moment qu’elle s’est accompagnée de limites à préserver cet ordre.
Pressé par un société civile de plus en plus active sur le plan international et régional, le
gouvernement a élaboré un projet de levée de réserves, qui, soumis par le ministère de la
justice, pour avis à différentes instances54 n’a pas connu de suite.
C’est à la faveur des révolutions arabes et suite au discours du Roi du 9 mars 2011, qu’en
avril 2011, furent levées toutes les réserves émises sur les articles 9 et 16 de la CEDEF.
L’entrée en vigueur de cette ratification a été annoncée par un court texte inclus dans le
bulletin officiel, en date du 1er septembre 2011.
Cette décision fait du Maroc le premier pays musulman à avoir levé la réserve sur l’article 16
qui prévoit l’égalité des conjoints, avant, durant et après la rupture du lien conjugal. Les
médias internationaux s’en sont réjouis et ont félicité cette avancée majeure. Certes, pour le
mouvement des femmes, c’est un acquis important, mais là encore, ce n’est qu’une formalité.
Après sa ratification, la convention devient automatiquement supérieur aux normes internes et
donc applicable à l’ensemble des citoyens et des citoyennes. Mais la discrétion avec laquelle
la ratification s’est faite, montre que la volonté du gouvernement n’est pas de consacrer les
principes de l’article 16. L’harmonisation du code de la famille avec la CEDEF semble très
incertaine, compte tenu de l’article 19 de la Constitution qui limite l’égalité par le respect des
53 Cf. Le Matin du 23 Décembre 2008 : Entretien avec Malika Benradi sur le message royal relatif à la levée des
réserves émises sur la CEDEF. 54 Entretien avec la représentante du département de la justice le 9 juin 2009
88
constantes du Royaume. La levée des réserves ne constitue- t – elle qu’une simple stratégie
de marketing pour l’image du Maroc devant les gouvernements et institutions étrangères ?
Car, la ministre PJD en charge de la question féminine, fût la première à diffuser au nom de
son association, un communiqué remettant en cause la levée des réserves, qui heurtent de
front le référentiel religieux du code de la famille.
Dans un contexte de tensions politiques, les femmes sont instrumentalisées au sein des luttes
internes, que ce soit pour redorer l’image du système à l’étranger ou pour affaiblir les
adversaires politiques. Le mouvement des femmes doit pouvoir tirer profit de cette situation.
Les féministes marocaines ne peuvent se permettre de manquer ce rendez-vous, car c’est
bien aujourd’hui que sont en train d’être posées les bases de la nouvelle société qui
pourrait être égalitaire ou demeurée patriarcale, car la levée des réserves devra engager
l’Etat marocain dans la procédure d’harmonisation de l’arsenal juridique avec les dispositions
de la CEDEF pour honorer ses engagements et toucher par conséquent et en priorité le code
de la famille dans toutes ses dispositions discriminatoires.
2- L’adoption de la nouvelle Constitution en faveur de l’égalité de genre
Les différentes réformes législatives réalisées en faveur des droits des femmes constituent des
avancées significatives qui traduisent la volonté politique du Maroc de consacrer l’égalité
dans tous les domaines : code du travail, code de la famille, code de la nationalité, code pénal,
code électoral, levée des réserves émises sur la CEDAW, ratification de son protocole
facultatif…. . Ces réformes sont couronnées par l’adoption de la nouvelle Constitution en
juillet 2011, qui, a la faveur des révolutions arabes et suite au discours du Roi du 9 mars
2011, a adopté de manière expresse les principes de l’égalité et de la non discrimination
fondée sur le sexe et prévu l’instauration d’une Autorité de la Parité et de Lutte contre toutes
les formes de discrimination.
En effet, le préambule, qui reconnaît pour la première fois dans l'histoire du Maroc
indépendant, la diversité de l'identité marocaine et décline un certain nombre de principes
relatifs aux libertés, aux droits fondamentaux et aux obligations, constitue une avancée en
faveur de la citoyenneté effective des Marocains et des Marocaines. Ces valeurs communes,
constitutionnalisées et ne pouvant faire l’objet d’aucune révision, font désormais partie du
socle commun de la citoyenneté marocaine.
La nouvelle constitution tire sa force des droits reconnus aux femmes sur le même pied
d'égalité avec les hommes. En effet, le titre II du texte suprême, s'ouvre sur la consécration de
l'égalité entre les hommes et les femmes dans les droits civils, politiques, économiques,
culturels et environnementaux.
En réponse aux revendications du mouvement des femmes, qui a toujours fait prévaloir la non
effectivité des droits politiques, économiques et sociaux, reconnus aux femmes par la
constitution de 1996, la nouvelle Constitution introduit la notion de l'effectivité des droits et
des libertés. Elle préconise, dans ce sens, des mesures d’action affirmative, ainsi que des
mécanismes, notamment, l’ « Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de
discrimination », ce qui permettra de passer de la reconnaissance constitutionnelle des droits à
l’effectivité de ces derniers.
89
L’une des principales revendications du mouvement des droits humains au Maroc, dont le
mouvement des femmes, confirmée dans les recommandations de l'IER, est la question de la
hiérarchie des normes. La nouvelle Constitution consacre pour la première fois la suprématie
des conventions internationales ratifiées par le Maroc sur les lois nationales et l’obligation
d'harmoniser les lois nationales avec les instruments internationaux. Toutefois, ces
importantes avancées ne peuvent occulter les difficultés du texte à se prononcer, d’une façon
claire et précise, sur certains défis, notamment celui du référentiel religieux du code de la
famille, que la nouvelle constitution ménage subtilement, en affirmant le respect des
constantes du royaume.
Le mouvement des femmes estime que la nouvelle Constitution représente une étape
importante vers une citoyenneté effective des Marocaines et des Marocains à condition
qu’elle s’achemine vers une réelle mise en œuvre. Pour ce faire, l’ensemble de l’arsenal
juridique marocain doit faire l’objet d’une réforme pour être en conformité avec la vision et
l’esprit ayant présidé à élaboration de la Constitution à savoir : l’instauration d’un véritable
Etat de droit.
A cet égard, les efforts déployés par le Maroc en faveur d’un alignement avec les dispositions
contenues dans les instruments internationaux pour le respect des droits humains sont
consacrés et traduits par la nouvelle Constitution. Elle représente une avancée majeure dans
l’édification de l’État de droit au Maroc. Elle a de ce fait, réalisé un saut qualitatif en matière
de droits et libertés en introduisant des dispositions relatives aux droits humains, qui,
jusqu’alors, n’avaient jamais fait l’objet d’une reconnaissance Constitutionnelle. Le titre II a été
entièrement consacré aux Libertés et Droits Fondamentaux. Il comporte 21 articles renforçant les
droits civils, économiques, sociaux, culturels, environnementaux et de développement.
Pierre angulaire de l’État de droit, les citoyennes et les citoyens se sont vus reconnaître
plusieurs prérogatives leur permettant de participer au processus décisionnel et à la gestion
des affaires publiques. Ainsi, l’article 14 de la nouvelle Constitution attribue aux citoyens et aux
citoyennes le droit de présenter des propositions en matière législative. L’article 15 leur confère le
droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics et l’article 133 les habilite à saisir
indirectement la Cour Constitutionnelle.
Le souci de faire du citoyen marocain et de la citoyenne marocaine un sujet de droit est conforté
par l’article 27 qui stipule que « Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à
l’information détenue par l’administration publique, les instituions élues et les organismes
investis d’une mission de service public ».
Concernant les droits civils et politiques, la nouvelle Constitution garantit l’égalité homme -
femme (Article 19), le droit à la vie (article 20), le droit à la sécurité (article 21), interdit toute
forme de torture ou de violations graves et systématiques des droits humains (article 22), protège
le droit à la sûreté (article 23) et le droit au respect de la vie privée (article 24).
De plus, elle garantit les libertés de pensée, d'opinion, d'expression, de création, de
publication, d'exposition dans les domaines littéraire et artistique et de recherche scientifique et
technique (article 25), garantit la liberté de la presse (article 28), assure la présomption
d’innocence et le droit à un procès équitable (article 23) et garantit les libertés de réunion, de
90
rassemblement, de manifestation pacifique, d'association et d'appartenance syndicale et politique
et le droit de grève (article 29).
Ces droits et libertés fondamentaux sont complétés par des droits de seconde génération
énumérés au niveau de l’article 31. Il s’agit du droit à la santé, à la protection sociale, à la couverture
médicale, à l’éducation moderne, accessible et de qualité, à l'éducation sur l'attachement à
l'identité marocaine et aux constantes nationales immuables, à la formation professionnelle et
à l'éducation physique et artistique, au logement décent, au travail, à l'accès aux fonctions
publiques selon le mérite, à l'accès à l'eau et à un environnement sain et au développement
durable.
Le texte suprême affirme, dés son préambule, l’engagement du pays à développer une société
solidaire où toutes et tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l'égalité des chances, du
respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les
droits et les devoirs de la citoyenneté. Cet engagement annoncé dans le préambule a valeur
juridique étant donné que le préambule fait désormais partie intégrante de la Constitution.
D’autres articles viennent concrétiser l’égalité homme - femme. L’article 19 affirme que l'homme
et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social,
culturel et environnemental, énoncés dans la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes
internationaux dûment ratifiés par le Royaume.
L'Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. De ce fait,
le principe Constitutionnel d’égalité, initialement limité au domaine politique, a désormais un
caractère économique, social, culturel et environnemental.
L’article 30 stipule que la loi prévoit des dispositions de nature à favoriser l'égal accès des
femmes et des hommes aux fonctions électives. Ainsi, le législateur marocain est appelé à adopter
des mesures de discrimination positive destinées à promouvoir la place des femmes dans la vie
politique et ce, à travers l’obligation de faire figurer autant de femmes que d’hommes sur les listes
électorales et l’octroi de subventions aux partis présentant autant de candidates que de
candidats aux consultations législatives, régionales et communales.
Dans le même sillage, la nouvelle Constitution prévoit des mécanismes institutionnels pour la
mise en œuvre des nouvelles dispositions de la Constitution en matière d’égalité homme femmes.
C’est ainsi qu’une Autorité pour la Parité et la Lutte contre Toutes Formes de Discrimination
devrait être mise en place, en application des articles 19 et 164 de la Constitution. Cette
institution veillera au respect des droits et libertés prévues à l’article 19 sous réserve des attributions
dévolues au Conseil National des Droits de l’homme, elle devrait également assurer une
fonction d’expertise et d’évaluation des politiques publiques visant à favoriser l’égalité entre les
femmes et les hommes dans les domaines politique, économique et social.
La nouvelle Constitution est certes un acquis indéniable pour les droits des femmes mais le
grand défi auquel elle se heurte demeure, sans conteste, sa mise en œuvre et particulièrement
l’harmonisation de l’arsenal juridique marocain, avec d’une part, les principes
constitutionnels d’égalité et de non discrimination fondée sur le sexe, et avec les engagements
internationaux du Maroc.
91
IV- LA MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION :
LES DEFIS DE L’HARMONISATION
La Constitution de 2011, adoptée par le Maroc, après le référendum du 1er Juillet, est
considéré comme une étape importante dans l’histoire du Maroc, particulièrement eu égard
aux avancées en matière des droits humains et des libertés qu'elle a consacrées. En effet, la
nouvelle constitution consacre l'égalité hommes - femmes dans les droits civils, politiques,
économiques, culturels et environnementaux et introduit la notion d’effectivité des droits et
des libertés. Elle préconise des mesures d’action affirmative ainsi que des mécanismes
dont « l’Autorité pour la parité et la lutte contre toute forme de discrimination »55. Elle
reconnaît la suprématie des conventions internationales ratifiées par le Maroc sur les lois
nationales et l’obligation d’harmoniser ces dernières avec les normes internationales.
Certes, ces dispositions constitutionnelles marquent au niveau du texte un saut qualitatif en
matière de droits des femmes, néanmoins, force est de constater :
- que ces importantes avancées ne peuvent occulter les difficultés du texte à se prononcer,
d’une façon claire et précise, sur certains défis, notamment celui du référentiel de la
législation familiale ;
- que sa mise en œuvre interroge les engagements internationaux pris par le Maroc et
interpelle directement la responsabilité de tous les acteurs politiques et principalement le Roi,
chargé de veiller au respect des dispositions constitutionnelles.
Le Maroc a enregistré d'importantes avancées au niveau du cadre normatif, institutionnel et
législatif relatifs à la protection et à la promotion des droits de la personne et des droits
humains des femmes. Cependant, des discriminations et violations des droits des femmes
subsistent encore au niveau des législations en vigueur et au niveau des pratiques.
La mise ne œuvre de la nouvelle Constitution exige au préalable, que les instruments relatifs
à l'adhésion au Protocole Optionnel de la CEDEF soient déposés auprès du Secrétariat
Général des NU, que les conventions relatives à la nationalité de la femme mariée (1954) et
au consentement au mariage, l’âge du mariage et l’enregistrement des mariages (1962) soient
ratifiées par le Maroc.
La mise ne œuvre exige également que des mesures spécifiques, destinées à garantir l’égalité
hommes - femmes, conformément aux dispositions de l’article 4 de la CEDEF qui n’a pas fait
l’objet de réserves de la part du Maroc, soient prises pour appuyer l’agenda gouvernemental
de l’égalité 2012-2016 et que des mécanismes, dotés de moyens, soient mis en place pour en
rendre compte.
IV- 1 Au niveau de l’arsenal juridique marocain
55Titre II, Libertés et droits fondamentaux, Article 19 : L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Etat marocain Œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination; Constitution Maroc 2011
92
Mettre en œuvre la Constitution consiste à harmoniser l’ensemble des normes juridiques
nationales avec les dispositions expresses de la Constitution, notamment l’article 19, et les
engagements internationaux du Maroc, particulièrement les dispositions de la CEDEF.
En effet, plusieurs codes régissant les droits civils (code de la famille, code de la nationalité,
code pénal) maintiennent de nombreuses discriminations envers les femmes. Ces dispositions
discriminatoires selon le sexe sont actuellement inconstitutionnelles et en totale contradiction
avec les engagements internationaux du Maroc.
1- Le code de la Famille
- Le mariage des mineures56 : Le Code de la Famille soumet à l’autorisation judiciaire, sans
précision de l’âge minimal, le mariage des mineurs – es , ce qui va à l’encontre de l’article
16(2)57 de la CEDEF. En effet, dans la pratique, il ressort des statistiques du Ministère de la
Justice (2010), que 92,21% des demandes de mariage des mineurs, dont 99,02% sont des
filles, ont été autorisées par les juges. De plus, au lieu de régresser, le pourcentage de ces
autorisations ne cesse de progresser (88,7% en 2007, 90,77% en 2009 et 92,21% en 2011).
Conformément à la CDE, ratifiée par le Maroc, il est nécessaire de maintenir l’âge de 18 ans
comme âge minimum au dessous duquel le juge ne peut autoriser le mariage d’un - e mineur -
e.
Art 20 « La décision du juge autorisant le mariage d’un - e mineur - e n’est susceptible
d’aucun recours et ne peut intervenir avant l’âge de 18 ans révolus »
- La polygamie : Selon les statistiques du Ministère de la justice (2010), 43,41% des
demandes58 relatives à l’autorisation des mariages polygames ont été acceptées par les juges,
sans tenir compte de la dignité des premières épouses ni des menaces qui pèsent sur elles ainsi
que sur leurs enfants. La proportion de ces autorisations a même enregistré une légère
progression entre 2009 et 2010 (respectivement 40,36% et 43,41%).
Conformément à la constitution et à la CEDEF, les dispositions relatives à la polygamie sont
considérées discriminatoires et doivent être supprimées : articles 40 à 46 du code de la
famille.
- Le mariage des marocaines musulmanes avec les époux non - musulmans : Le mariage
des musulmanes avec les non musulmans reste interdit, alors que les marocains de sexe
masculin sont autorisés à épouser des non musulmanes. Cet empêchement temporaire au
mariage constitue une discrimination fondée sur le sexe et par conséquent contraire à la
Constitution qui dans son préambule précise « …. Bannir et combattre toute
discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe….ou de quelque
circonstance personnelle que ce soit ».
Cet empêchement prévu par l’article 39 du code de la famille doit être supprimé.
- La procédure du divorce par Khol (art.114 - 115) :
56 Le Code de la Famille défini l’âge légal au mariage à 18 ans avec possibilité de recours, à titre exceptionnel, à une autorisation judiciaire pour le mariage avant l’âge légal 57 Cet article stipule explicitement la nécessité de fixer un âge minimal pour le mariage et l’annulation juridique du mariage des enfants 58 Examinées par les tribunaux de la famille durant l'année 2010
93
Cette action en séparation sur la base du Khol n’est admise que pour l’épouse, tenue pour
rompre l’union conjugale de l’obligation de versement à l’époux d’une compensation. Elle ne
peut jamais être introduite par l’époux, ce qui la rend discriminatoire et par conséquent non
conforme aux dispositions de la nouvelle Constitution, qui affirme, dans son préambule, de
bannir et de lutter contre toute discrimination fondée sur le sexe.
Les articles 114-115 du code de la famille doivent être supprimés
- La tutelle légale (art.231): La mère ne peut accéder à la tutelle légale sur ses enfants
mineurs qu’en cas d’absence du père (décès, incapacité juridique). Dans le cas du décès du
père et si ce dernier a désigné, de son vivant, un autre tuteur légal pour ses enfants, la mère ne
pourra pas exercer ce droit.
La tutelle de la mère prévue par l’article 238 est en distorsion avec les articles 4, 51 alinéa 3
et 4 et 54 qui instaurent la responsabilité du couple. La mère astreinte aux mêmes
obligations que le père à l’égard de ses enfants (art.54) n’exerce la représentation légale que
lorsque le père est décédé, incapable ou absent. Seule l’autorité du père est reconnue, elle est
fondée sur l’incapacité des femmes à exercer la tutelle en présence du père.
En cas de divorce, le père reste toujours le tuteur légal des enfants même lorsque la garde de
ces derniers est confiée à la mère qui ne peut voyager avec l’enfant à l’étranger qu’après
autorisation du tuteur légal.
Ces dispositions ne sont pas conformes à l’article 19 de la Constitution et à l’article 16 de la
CEDEF59 .
Pour s’inscrire également dans la logique de l’article 4 du code de la famille et respecter les
dispositions constitutionnelles, la représentation légale doit être parentale, elle doit
concerner sur le même pied d’égalité, le père et la mère. Dans l’article 231, il faut
supprimer : « …. à défaut du père ou par suite de la perte de capacité de ce dernier ».
- La filiation paternelle peut être établie, par tous moyens, notamment l’expertise médicale
(ADN) en cas de grossesse contestée par le fiancé lorsque des circonstances impérieuses
n’ont pas permis l’établissement de l’acte de mariage ( art 156).
La notion de fiançailles en tant que promesse de mariage devrait être interprétée de manière
large pour permettre aux mères célibataires d’engager l’action en reconnaissance de paternité
à l’encontre de l’auteur de la grossesse, père biologique de l’enfant, conformément aux
dispositions de la CDE, notamment le droit de l’enfant à connaître ses parents, du préambule
de la nouvelle constitution et de l’article 32 qui précise de manière claire que l’Etat
« …assure une égale protection juridique et une égale considération sociale et morale à tous
les enfants, abstraction faite de leur situation familiale ». Cette disposition constitutionnelle,
conforme à la CDE, ne fait plus de distinction entre l’enfant légitime et l’enfant conçu en
dehors du mariage.
L’article 156 devrait substituer la notion de promesse de mariage à la notion de
fiançailles pour englober le cas des mères célibataires, qui tombent enceintes, à la suite
d’une promesse effective de mariage que le père biologique de l’enfant n’honore pas.
- Le partage des biens acquis pendant le mariage (art 49)
59 Cet article qui stipule l’égalité des deux parents en droits et responsabilités envers les enfants.
94
Compte tenu de la subjectivité des juges et pour les aider à organiser les conséquences de la
séparation le plus efficacement possible, à l’instar des pays où des dispositifs ont fait leurs
preuves (Turquie), il est nécessaire :
- d’élaborer une circulaire interprétative pour la mise en oeuvre de l’article 49. Cette circulaire
devrait préciser les critères sur la base desquelles la répartition des biens doit se faire (durée
de l’union, âge des époux, état de santé de l’épouse, qualification professionnelle, revenu des
époux, prise en charge du travail non rémunéré des femmes…) ;
- de concevoir et diffuser des modèles de protocole de partage des biens, pour limiter les
effets des considérations psychologiques, sociologiques et culturelles qui freinent l’adhésion
du couple au principe de contractualisation au moment de la conclusion du mariage ;
- de pouvoir remettre en cause l’inscription sur les titres fonciers des biens acquis pendant
l’union, au seul nom de l’époux et auxquels l’épouse a contribués (travail domestique,
éducation des enfants, salaire prenant en charge des dépenses qui n’ont pas de titres
fonciers…) .
Cette mesure devrait être accompagnée de programmes de formation des juges et par une
coordination efficace entre les différents intervenants ( justice - conservations foncière,
impôts…).
- La législation successorale ( Livre 6) : Le code de la famille n'a apporté qu'une seule
modification dans ce domaine qui est relative au legs obligatoire (Art. 370).
L’inégalité en matière d’héritage est maintenue : le principe structurant la législation sur l’héritage
est basé sur l’inégalité entre les descendants. Les enfants de sexe masculin héritent du double de la
part de celle du sexe féminin. En l’absence de descendants de sexe masculin, les descendantes de sexe
féminin n’héritent pas de la totalité de la succession dont une partie est dévolue aux collatéraux du
défunt. L’institution du Taasib (art.335 alinéa 2) viole le principe de l’égalité et constitue une
discrimination non conforme à la nouvelle Constitution et aux engagements internationaux du
Maroc.
Il en de même de l’art 332 qui précise qu’il n’existe pas de vocation successorale entre un
musulman et un non musulman. Le cas le plus fréquent est celui de l’épouse de confession
non musulmane, qui dans le cadre de mariage mixte, n’a pas droit à l’héritage de son époux
défunt musulman, et qui constitue une discrimination flagrante non conforme au principe de
l’égalité prévu par la CEDEF et la Constitution. Les discriminations contenues dans le livre 6 relatif à l’héritage des femmes doivent être
supprimées.
- La médiation familiale
Pour faciliter l’application du code de la famille et répondre à la demande des justiciables,
exprimée dans toutes les enquêtes réalisées au Maroc, depuis l’entrée en vigueur du code en
février 2004, il est nécessaire de mettre en place un corps de médiateurs et de médiatrices
en matière familiale, indépendant du corps judiciaire.
En effet, au Maroc, compte tenu du contexte culturel, les conflits familiaux prennent souvent
des dimensions importantes qui touchent tous les membres de la famille et dont l’impact sur
les enfants est très négatif.
95
Malgré les efforts déployés par les magistrats depuis l’entrée en vigueur du nouveau code de
la famille et les multiples procédures de séparation (séparation sous contrôle judiciaire,
divorce pour désunion – chiqaq, divorce judiciaire, divorce par compensation ou K’hol,
divorce par consentement mutuel), la circulation dans le système judiciaire est coûteuse et
lente, elle dépasse souvent les 6 mois prévus, en matière de Chiqaq par exemple.
Ces procédures, conjuguées aux difficultés du contexte, social et culturel, ne permettent pas,
bien souvent, de donner une réponse rapide et satisfaisante aux parties en conflit. L’arsenal
juridique contient également des limites, c'est pourquoi il existe une demande pressante dans
la société marocaine, en faveur de la médiation familiale.
La médiation familiale peut se définir, en effet, comme une nouvelle approche de la gestion
des conflits.
Elle a pour objectif principal d'aider le couple en conflit :
- à rétablir une communication perturbée par la situation de rupture,
- à élaborer par eux-mêmes, dans un esprit de co-responsabilité, les modalités de vie et
les solutions adéquates mutuellement acceptables pour eux et pour les enfants ;
- à construire un accord durable, qu'ils peuvent présenter au juge chargé des affaires
familiales, pour résoudre le conflit.
Cette expérience a été introduite récemment dans certains pays africains. A l’instar de ces
pays, la mise en place d’un système de médiation familiale entend introduire cette pratique au
Maroc, en vue de permettre aux couples en conflit de résoudre leurs problèmes, dans de
meilleures conditions, rapidement et à moindre coût.
En effet, les conflits engendrent la rupture du lien matrimonial. Cette rupture est source de
sentiments d'échec, de culpabilité, d'agressivité, de rancune et de souffrances. Le traumatisme
psychique qui en découle peut être apparent ou enfoui aussi bien pour le couple que pour les
enfants.
Le rôle du médiateur/médiatrice est de donner aux couples en conflit la possibilité de puiser
en eux-mêmes les ressources qui vont leur permettre de retrouver la communication
interrompue, d’exposer leurs conflits et leurs souffrances, afin que puisse être abordée, par la
suite, la réorganisation familiale, dans le respect des besoins de chacun et dans l'intérêt du
couple et des enfants.
2- Le code de la Nationalité: Amendé en 2007, il reconnaît aux femmes marocaines le droit
de transmettre automatiquement leur nationalité à leurs enfants avec effet rétroactif.
Toutefois, ce code a maintenu la discrimination entre les deux sexes dans la mesure où
l’épouse étrangère du marocain peut acquérir la nationalité par le mariage alors que ce droit
n’est pas reconnu à l’époux étranger de la marocaine.
Pour permettre aux conjoints étrangers, mariés à des femmes marocaines, de bénéficier de la
nationalité marocaine par le mariage, il est nécessaire d’amender l’article 10 du code de la
nationalité et faire bénéficier le mari étranger de l’acquisition de la nationalité de son
épouse marocaine.
3- Le livret de l’Etat civil
96
L’adoption de la loi no 37-99 portant sur l’état civil (2002) a répondu à plusieurs demandes du mouvement
pour la défense des droits des femmes et de l’enfant, notamment pour ce qui concerne:
– le droit du père et de la mère, sur un pied d’égalité, de déclarer une naissance;
– le droit de l’enfant né de père inconnu à un nom fictif;
– l’introduction des données relatives au mariage et au divorce dans le livret d’état civil, le
droit de la femme divorcée ayant la garde des enfants d’obtenir un duplicata du livret de l’état civil.
Cependant, en vertu du principe constitutionnel de l’égalité, il est nécessaire de réviser la
réglementation de l’état civil pour que :
- les deux parents soient titulaires du livret de famille,
- que le duplicata du livret de famille soit obligatoirement remis à la mère exerçant la
garde au moment de la séparation ;
- de supprimer les pages relatives aux quatre épouses que le nouveau livret de famille a
prévues.
4- Le code pénal :
Le code pénal , élaboré en 1962, demeure marqué par une vision patriarcale et discriminatoire
aussi bien au niveau de sa philosophie, de sa structure que de ses dispositions. Les
dispositions pénales sur le viol sont discriminatoires et introduisent une hiérarchie entre
victimes mariées et non mariées, vierges et non vierges. Par ailleurs, la criminalisation des
relations sexuelles hors mariage, de l’IVG, incite des femmes enceintes à l’abandon des
enfants, voire à des infanticides ou à s’exposer à des dangers mortels. La cessation des
poursuites à l’encontre du ravisseur de la mineure nubile s’il l’épouse, ainsi que l’absence
d’incrimination du viol conjugal sont des mesures qui conduisent à l’ « entretien » et à la
« transmission » de la violence conjugale.
Fondé sur une morale religieuse et sociale certaine, le code pénal marocain, en dépit de quelques
révisions, ne prend pas en considération l’évolution de la réalité sociale et n’incrimine pas la
violence morale dont les dégâts et le coût social sont importants.
- Art. 420 : L’excuse de provocation
« Les blessures faites ou les coups portés sans intention de donner la mort, même s’ils l’ont
occasionnée, sont excusables lorsqu’ils ont été commis par un chef de famille qui surprend dans
son domicile un commerce charnel illicite, que les coups aient été portés sur l’un ou l’autre des
coupables ».
Cet article ne bénéficie qu’à l’époux en tant que chef de famille, l’épouse est exclue de l’excuse
légale de provocation lorsqu’elle surprend un commerce charnel illicite dans son domicile. Aux
yeux du législateur, elle n’est pas responsable de la morale familiale. Cette discrimination est en
contradiction avec la nouvelle constitution, le code de la famille qui instaure la responsabilité du
couple et les dispositions des instruments internationaux que le Maroc a ratifiées.
- Art 453 Protection des femmes contre l’avortement clandestin à risques
L’interdiction de l’avortement autre que thérapeutique sanctionne les femmes appartenant aux
catégories sociales les plus démunies et les condamnent à l’exclusion sociale et au recours, par
manque de moyens financiers et par ignorance, à la pratique de l’avortement clandestin dans des
conditions dangereuses pour leur santé, ce qui a un impact important sur le taux de mortalité
97
maternelle.
L’article 453 devrait être étendue à tous les cas où la grossesse n’est pas désirée, en précisant l’âge
de la grossesse à partir duquel l’avortement est strictement interdit sauf pour sauver la vie de la
mère, sa santé morale et physique, en cas d’inceste, de viol et de malformation fœtale ( 120 jours).
- Art 475 De l’enlèvement et de la non représentation des mineurs (modifié et complété par
la loi n°24.03)
L’incrimination est constituée mais l’auteur qui épouse la mineure enlevée ou détournée ne tombe
sous le coup de la loi pénale que si les représentants de la mineure déposent une plainte pour
annuler le mariage. Le mariage de la mineure détournée supprime par conséquent la poursuite
contre l’auteur et montre que le souci majeur du législateur est de protéger l’honneur de la famille
plus que la mineure. La règle de la responsabilité pénale de l’auteur et la protection de la victime
et de sa dignité sont sacrifiées au profit de la sauvegarde de l’honneur de la famille.
La poursuite de l’auteur de l’enlèvement doit être maintenue et le mariage doit être vicié et
par conséquent annulé.
- Art 486 Le viol (modifié et complété par la loi n° 24.03)
Il ressort de la définition donnée par l’article 486 que le viol est l’acte par lequel un homme a des
relations sexuelles avec une femme contre son gré. La peine est aggravée lorsque la victime est
âgée de moins de 18 ans, d’une incapable, d’une handicapée, d’une personne connue par ses
facultés mentales faibles, ou d’une femme enceinte. La question que pose l’application de cet
article est relative à la preuve du non consentement, lorsqu’il y a absence d’indices de violences.
Les violences psychologiques ne sont pas prises en considération tout autant que le viol suivi
d’une grossesse.
Les tribunaux considèrent qu’en cas de viol avec violences physiques, surtout visibles, le
consentement n’existe pas mais dans la pratique, les tribunaux n’acceptent pas facilement de prendre
en considération les violences morales. La réalité montre que les femmes violées ont souvent le plus
grand mal à le prouver, d’une part du fait que l’infraction se déroule généralement sans témoins,
d’autre part, parce que, pour les juges, la preuve de l’absence de consentement est souvent confondue
avec la preuve d’une bonne moralité ou d’un comportement irréprochable à leurs yeux. Or, si
l’absence de consentement n’est pas établie, le viol ne l’est pas non plus.
L’article 486 doit être amendé pour retenir les violences psychologiques subies par la
victime du viol et s’entendre aux relations conjugales lorsque les agissements sont d’une
gravité importante pour l’épouse victime et constituent des violences sexuelles
caractérisées.
- Art 488 La défloration
Elle constitue une circonstance aggravante du viol. Le législateur a instauré une distinction entre la
femme non vierge et la femme vierge et fait bénéficier la dernière d’une plus grande protection. Il
ressort de la lecture de cet texte que le droit pénal semble protéger la virginité de la femme plus
que la femme elle-même, quelque soit son âge, son état de santé, sa catégorie socio-économique...
Le maintien de la défloraison comme circonstance aggravante du viol fait des femmes, dans la pra-
tique, une marchandise et établit une distinction entre les femmes vierges et non vierges, or,
98
ce qui importe c’est la dignité des femmes indépendamment de leur virginité, qui peut, pour
des raisons physiologiques faire défaut.
La circonstance aggravante relative à la virginité, prévue par l’article 488 doit être
supprimé.
- Art 490 : Les relations sexuelles en dehors du mariage
Elles sont pénalement sanctionnées. Cet article est en déphasage par rapport à la réalité sociale qui
nous montre quotidiennement que les comportements sexuels ont profondément changé dans la
société marocaine et que la majorité des couples ont une expérience sexuelle avant le mariage.
Cette disposition pénale entretient l’hypocrisie sociale qui caractérise la question de la sexualité au
Maroc. Elle consacre par ailleurs une discrimination entre l’homme et la femme, notamment
lorsqu’il y a grossesse à la suite des relations sexuelles, l’homme, dans la majorité des cas nie la
relation, lorsqu’il n’y a pas flagrant délit ; mais le fruit de cette relation, l’enfant et toutes les
violences qui accompagnent cette grossesse hors mariage, seront supportées uniquement par la
mère.
Le maintien des poursuites pénales en cas de relations sexuelles hors mariage entre deux per-
sonnes de sexes différents consentantes a pour conséquence de conduire les femmes célibataires
enceintes à abandonner leurs enfants ou à commettre des infanticides.
L’article 490 doit être supprimé de la législation pénale marocaine, à l’instar de la
majorité des législations pénales des pays musulmans : Egypte (1937), Syrie (1949)
Liban (1943), Algérie (1966), Irak (1969), Tunisie (1914) et les Emirats arabes unis
(1970).
- Art . 494 – 495- 496 : L’enlèvement de la femme mariée
A l’instar de la logique de protection du mineur (Art 471), le législateur, dans les mêmes termes et
dans le cadre des attentas aux mœurs, en consacrant la protection des femmes mariées, instaure
une discrimination, d’une part entre l’homme marié et la femme mariée et d’autre part, entre les
femmes elles mêmes, les femmes mariées et les femmes non mariées quelles soient célibataires,
divorcées ou veuves ne bénéficient pas de la protection prévue par le code pénal. Le législateur ne
protège pas la femme en tant que personne mais plutôt l’institution du mariage et plus
particulièrement le mari.
Cette distinction, entre femme mariée et femme célibataire, non conforme à la Constitution,
doit être supprimée.
L’article 495 instaure une sanction à l’encontre de toute personne qui cache ou soustrait aux
recherches une femme mariée qui a été enlevée ou détournée, cette disposition est complétée par
l’article 496 qui prévoit les mêmes peines à l’égard de toute personne qui cache ou soustrait aux
recherches une femme mariée qui se dérobe à l’autorité à laquelle elle est légalement soumise.
Il ressort de ces deux dispositions, que toute personne qui accueille une femme mariée qui quitte
le domicile conjugal pour fuir les violences du mari, s’expose aux peines citées par lesdites
dispositions. Le droit pénal sensé protéger les femmes contre les violences instaure une violence
institutionnelle lorsqu’il sanctionne toute personne chez qui la femme mariée se réfugie ; se pose
dans ce cas précis, le sort des centres d’écoute qui hébergent les femmes victimes de violences. Au
sens de ces dispositions, les centres d’hébergement tombent sous le coup de la loi pénale. Cette
disposition constitue, dans la pratique, une entrave légale qui n’encourage pas les ONG à procéder à
l’ouverture de foyers d’accueil permettant d’héberger des femmes victimes de violences en
99
attendant qu’une solution soit négociée.
En revanche, lorsque le mari quitte le domicile conjugal et n’honore pas l’obligation de
cohabitation prévue expressément par le code de la famille et qui pèse sur les deux époux, le droit
pénal ne sanctionne pas la personne qui l’héberge, le cache ou le soustrait aux recherches.
Ces deux dispositions doivent être supprimées.
- Les violences de genre : Compte tenu de leurs multiples formes et de la gravité des
préjudices subies par les femmes, aussi bien dans l’espace privé que dans l’espace public, il
est nécessaire, pour lutter de manière efficace contre ce fléau et à l’instar de nombreux pays,
d’élaborer une loi spécifique sur les violences de genre, incriminant et sanctionnant toutes
les formes de violences par commission et par omission et instaurant au moins trois
circonstances aggravantes inhérentes à l’âge de la victime, à son état de santé et à son lien
avec l’auteur de l’infraction. Les violences psychologiques n’échappent pas à
l’incrimination, elles tombent sous le coup de la loi pénale.
2 - Les droits économiques, sociaux et culturels
En dépit des efforts fournis par le Maroc pour la promotion des droits économiques, sociaux
et culturels, les femmes marocaines ne bénéficient pas pleinement de ces droits. De
nombreuses discriminations envers les femmes et les filles subsistent dans l'arsenal juridique
et dans les pratiques et constituent un handicap pour leur autonomisation et leur pleine
citoyenneté.
2-1 Le code du travail
Malgré les changements intervenus, le code du travail présente encore des limites et certaines
lacunes :
– L’insuffisance des dispositions juridiques pour mettre en œuvre la non-discrimination et la lutte contre
le harcèlement sexuel, sur les lieux du travail.
– L’égalité en matière des salaires n’est pas garantie.
– Certaines catégories de travailleuses, notamment les employées de maison dont un grand nombre est
constitué de petites filles, ne sont pas protégées par les dispositions du code. C’est un vide
juridique important.
Il est nécessaire de :
– d’adopter le projet de loi réglementant le travail domestique et incriminant le
travail des filles domestiques avant l’âge de 16 ans.
- d’élaborer des politiques d’égalité de genre et instaurer un meilleur contrôle de la
législation sociale pour lutter contre les discriminations (égalité de salaires, carrière et
promotion, conciliation vie privée et vie professionnelle)
2- 2 le code de la fonction publique (Dahir de 1958) :
- Les fonctions d’autorité
En vertu de certains statuts particuliers de la Fonction publique, certaines fonctions restent très limitées
pour les femmes comme celles relatives aux postes de l’autorité territoriale (Pacha….). Les femmes
restent cantonnées dans les postes relevant des activités sociales de l’armée : médecins, infirmières,
assistantes sociales, chargées de transmission, etc.
- Les allocations familiales
100
Lorsque les époux sont tous les deux au service de l’administration et qu’ils sont, par conséquent,
susceptibles de bénéficier de l’indemnité familiale, celle-ci est versée exclusivement au mari en tant
que « chef de famille ». Cette disposition, en contradiction avec le code de la famille, reste valable
même lorsque la mère divorcée a la garde des enfants (Décret de 1958 fixant les conditions d’attribution
des prestations familiales aux fonctionnaires, personnel militaire et agents de l’État)
- Le régime des pensions civiles et retraites
Il est régi par la Loi de 1971 telle que modifiée et complétée par le Dahir de 1989 et introduit une
discrimination à l’égard des femmes qui ne perçoivent la pension de veuve que si le mariage a été
contracté deux ans au moins avant le décès du mari ou la date de cessation d’activité et à la condition
que l’accident ou la maladie ayant entraîné l’invalidité soit imputable au service ou si un ou plusieurs
enfants sont issus de ce mariage (ce dernier critère fait tomber la condition de délai).
Conformément aux dispositions constitutionnelles, il est impératif de
- supprimer les différentes discriminations de genre inhérentes à l’accès des femmes à
certaines fonctions publiques,
- réviser la réglementation du régime de la retraite, les ayants droit de la mère, au même titre que le
père, doivent bénéficier, à son décès, de sa retraite même si le père est également
fonctionnaire ou salarié de l’Etat;
- réviser le régime de la pension versée à la veuve qui n’est perçue que si le mariage a été contracté
deux ans au moins avant le décès du mari ou si un ou plusieurs enfants sont issus de ce mariage
(conditions non exigées pour l’époux).
2-3 Le droit à l’éducation
Compte tenu de l’importance du droit à l’éducation, il est impératif de rendre effective
l’obligation de scolarité jusqu’à l’âge de 15 ans par une loi relative à l’obligation de
scolarisation des enfants sous peine de sanctions frappant les parents ou toute personne
assurant la tutelle de l’enfant. Cette loi devrait être accompagnée par des mesures d’aide et de
soutien aux familles pauvres pour lutter contre la désaffection scolaire et le travail des enfants.
2-4 Le droit à la santé
La responsabilité de l’Etat d’assurer la promotion effective de la santé pour tous, notamment
de la santé sexuelle et génésique, et la jouissance du droit au meilleur état de santé possible
requiert l’égalité d’accès pour les femmes et les hommes, et particulièrement pour les jeunes,
à l’information et aux conseils en matière de santé et de questions sexuelles et génésiques
ainsi que la possibilité de bénéficier d’une éducation dans ces domaines, adaptée aux
situations spécifiques qui augmentent le niveau de vulnérabilité et les facteurs de risque
(comme la pauvreté et l’exclusion sociale, les handicaps physiques et mentaux, l’absence de
logement, la violence…) et qui peuvent sérieusement peser sur la santé et le bien-être des
personnes.
Le droit à la santé sous toutes ses formes et à tous les niveaux contient quatre éléments
essentiels et interdépendants :
1) l’existence de structures de santé et de soins, de biens et services ainsi que de programmes ;
2) leur accessibilité par tous sans discrimination (par toutes les couches de la population,
particulièrement les groupes vulnérables, tels que les minorités ethniques, les personnes âgées
ou les personnes souffrant de handicap et celles atteintes du VIH/SIDA) ;
3) l’acceptabilité, ce qui implique que toutes les structures, biens et services de santé doivent
être sensibles au genre et répondre aux exigences des cycles de la vie et de la sexualité et
respecter la confidentialité ;
101
4) la qualité, ce qui exige, entre autres, du personnel qualifié, scientifiquement reconnu et des
médicaments et un équipement non périmés et une hygiène suffisante.
Dans ce sens, il est nécessaire de procéder
- à l’élaboration d’un code de santé précisant les obligations de l’Etat en matière d’accès
aux soins des femmes, selon les cycles de vie (adolescence, santé reproductive,
ménopause…).
Dans le même sens et afin de lutter contre la mortalité maternelle et l’avortement clandestin, il
est nécessaire d’une part,
- de prévoir l’avortement dans les 120 jours de grossesse, en cas de viol, d’inceste, de
malformations fœtales et lorsque la santé de la mère, physique et psychologique ou sa vie
sont en danger (Art 453 du code pénal).
- et d’autre part, mettre en place un programme d’éducation sexuelle destiné aux
jeunes.
2-5 Le droit à une image valorisante dans les médias et les productions artistiques
Mise en œuvre de la Charte Nationale pour l’Amélioration de l’Image de la Femme dans
les Médias avec incrimination pénale de toute image ou production portant atteinte à la
dignité des femmes.
3- Les droits politiques
Introduire dans les lois organiques des mesures d’incitations/sanctions financières pour
garantir l’éligibilité des femmes et pas uniquement leur candidature ainsi que des dispositions
de non recevabilité des listes électorales de candidatures sans la présence d’un quota
minimum de 30 % de femmes
- Le code électoral : amender le texte en instaurant le quota progressif de 33 % au minimum
pour les prochaines élections législatives de 2016 (OMD3).
- La charte communale : introduire le quota progressif de 33 % au minimum pour les
prochaines élections communales de 2013 (OMD3).
L’adoption de normes juridiques pour garantir la jouissance des principes de l’égalité entre les
femmes et les hommes et de la non discrimination ne suffit pas pour réaliser l’égalité
matérielle entre les femmes et les hommes. Pour honorer les engagements internationaux et
mettre en œuvre la nouvelle Constitution consacrant les principes de non discrimination fondé
sur le sexe et d’égalité en droits, le gouvernement marocain doit élaborer et mettre en œuvre
de façon efficace des mesures politiques proactives et différentes stratégies, reconnues par les
organisations internationales comme indispensables pour poursuivre l’objectif d’égalité entre
les femmes et les hommes de façon efficace. Une double approche de ces stratégies est
communément acceptée : d’une part, des actions spécifiques, y compris des actions
positives/des mesures spécifiques temporaires, d’autre part, l’approche intégrée de l’égalité
entre les femmes et les hommes à appliquer à tous les domaines et processus politiques.
IV-2 Au niveau des actions spécifiques
Les actions spécifiques sont perçues comme un excellent moyen de faire face aux principaux
problèmes qui affectent la situation des femmes et pour réaliser l’égalité matérielle entre les
femmes et les hommes. L’élaboration et la mise en œuvre de stratégies et projets spécifiques
102
visant à redresser la position inégale des femmes dans un ou plusieurs aspects de la vie sociale
ont été la tâche traditionnelle des mécanismes nationaux pour l’égalité entre les femmes et les
hommes depuis leur création.
Les actions spécifiques recouvrent différentes actions et mesures, politiques et pratiques
d’ordre législatif, exécutif, administratif, telles que des programmes de vulgarisation et de
soutien, des programmes de formation et de renforcement des capacités, des campagnes et des
activités éducatives traitant des stéréotypes culturels négatifs, etc. Elles peuvent aussi inclure
un traitement préférentiel, notamment le recrutement ciblé, l’embauche et la promotion, des
objectifs chiffrés liés à des échéanciers, les systèmes de quotas, l’affectation et/ou la
réaffectation des ressources, etc.
Les actions spécifiques, lorsqu’elles sont réalisées en ayant recours à des distinctions
légitimes et justifiées visant à compenser ou à prévenir les inégalités entre les femmes et les
hommes, sont mentionnées en droit international comme des mesures temporaires spéciales,
des actions positives ou des actions affirmatives.
Ces mesures ont pour but d’atténuer ou d’éliminer les conditions qui perpétuent la
discrimination fondée sur le sexe et d’accélérer le changement vers l’égalité de facto.
Pour compléter les actions spécifiques, qui sont généralement limitées à des domaines
politiques spécifiques et développées principalement par les mécanismes institutionnels pour
l’égalité entre les femmes et les hommes, l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes
et les hommes a été avalisée dans le Programme d’action adopté lors de Quatrième
conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes et les gouvernements ont été appelés à
promouvoir cette stratégie dans toutes les politiques et tous les programmes.
Il est important de veiller à ce que le débat sur l’élaboration d’un plan national soit ouvert à
tous et impliquer autant les hommes que les femmes. Bien que les mécanismes nationaux
institutionnels pour l’égalité entre les femmes et les hommes ait à jouer un rôle décisif dans
l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des résultats des plans d’action, tous les acteurs
essentiels comme les organisations de femmes et les ONG oeuvrant pour promouvoir l’égalité
des femmes et des hommes, les institutions d’enseignement et de recherche, les médias, les
organisations d’employeurs, les syndicats et les autres institutions publiques devraient prendre
une part active/productive à la formulation et la mise en oeuvre de la politique d’égalité des
femmes et des hommes et de son processus d’évaluation.
IV-2-1 Les stratégies complémentaires à adopter en faveur de l’égalité de genre
Nous pouvons dire à juste titre que des évolutions progressives sont intervenues à cet égard,
ce qui a approfondi et élargi de plusieurs manières la vision de l’égalité entre les femmes et
les hommes. Nous sommes passés du concept de non- discrimination à une compréhension
positive de la construction de l’égalité ; d’une approche sectorielle de la question de l’égalité
entre les femmes et les hommes à une approche plus globale et plus complète ; d’une
focalisation totale ou principale sur la situation des femmes, à une vision des femmes et des
hommes comme partenaires essentiels du changement social et de leurs relations de genre ;
d’une question qui pouvait être considérée comme marginale du point de vue des intérêts
politiques en général à une question placée au centre même de ces intérêts dans la mesure où
elle est profondément liée à la matière des droits universels de la personne humaine, à leur
protection, à leur promotion et à leur respect.
103
Les droits de la personne humaine étant universels, ce sont de vraies personnes, femmes et
hommes, qui doivent en avoir la jouissance et non des êtres neutres. Dans ce cadre, il n’est
plus possible de parler des droits de l’homme et de leur exercice en termes absolument
neutres. Leur réalisation s’incarne dans des personnes concrètes et leur pleine jouissance est le
droit des femmes et des hommes quelles que soient leurs situations et conditions spécifiques ;
d’un autre côté, les obstacles à la jouissance de ces droits sur un pied d’égalité, c’est-à-dire,
les obstacles à l’égalité entre les femmes et les hommes, peuvent également être spécifiques
selon le genre, liés à la condition des hommes et des femmes définie par l’histoire, la culture
et les circonstances sociales et doivent être traités comme tels. Ce point de vue peut mener à
l’adoption actions positives/de mesures spécifiques temporaires qui ne peuvent pas être
considérées comme discriminatoires puisqu’elles ont pour but de surmonter la discrimination
passée, liée ces circonstances et d’accélérer le respect de l’égalité entre les femmes et les
hommes.
La prise de conscience de l’importance du genre – le fait d’être un homme ou une femme – et
de la signification de l’égalité entre les femmes et les hommes avec tout ce que cela implique
au regard du contexte historique, de l’organisation sociale et de la compréhension culturelle,
imprègne de plus en plus la pensée internationale comme un élément essentiel de bonne
gouvernance pour réaliser les buts de la démocratie et le respect des droits de la personne
humaine. Une telle perspective est réellement présente dans les documents adoptés par les
Conférences et Sommets mondiaux des Nations Unies des années 1990, où la question de
l’égalité entre les femmes et les hommes est envisagée comme un élément essentiel pour
résoudre les problèmes du monde moderne, qu’ils soient liés à l’environnement et au
développement (Rio, 1992), aux droits humains (Vienne, 1993), à la population et au
développement (Le Caire, 1994) ou au développement social durable (Copenhague, 1995),
aux droits des femmes ( Beijing 1995).
La dernière décennie notamment, à partir de 1995, a été témoin de cette nouvelle
compréhension et de la nécessité de sa réalisation en pratique. A cet égard, il faut
particulièrement souligner l’importance de la 4e Conférence mondiale sur les femmes
(Beijing, 1995) et de la Déclaration et du Programme d’action qui y furent adoptés. De nos
jours, il ne suffit plus d’établir des dispositions formelles interdisant la discrimination fondée
sur le sexe ; il ne suffit plus de proclamer que l’égalité des femmes et des hommes est un
principe des droits de la personne humaine ; et il ne suffit plus de définir des normes en vue
de sa réalisation dans différents domaines. Le défi de notre époque est de mettre en oeuvre les
principes et normes d’égalité entre les femmes et les hommes qui ont été progressivement
définis en vue d’apporter des changements positifs dans la vie des gens et de transformer ainsi
l’égalité formelle existante en une égalité matérielle.
Pour mettre en œuvre de manière effective et concertée, le Plan gouvernemental de l’égalité
2012-2016 qui définit la stratégie gouvernementale de l’égalité de genre dans les politiques et
programmes gouvernementaux, il est nécessaire de le compléter par des stratégies spécifiques
contenant des mesures spécifiques, inhérentes à l’exercice par les femmes des droits
fondamentaux dans l’espace privé et l’espace public60.
1- La stratégie d’information, de communication et de sensibilisation
60 Cf. Propositions concrètes d’harmonisation de l’arsenal juridique marocain PP.90-98.
104
L’information et la communication constituent une stratégie essentielle pour faire évoluer les
stéréotypes de genre et changer la culture et les perceptions.
- La première étape de la stratégie de communication consiste à donner les informations sur
la législation existante et nouvelle, y compris les normes juridiques internationales, qui
consacrent et améliorent le statut des femmes et à sensibiliser les différentes composantes de
la société sur la question de l’égalité hommes – femmes.
- La deuxième étape consiste à diffuser les données officielles disponibles, notamment les
statistiques sur les différents aspects de la vie des femmes et des hommes ainsi que les
rapports et analyses des résultats pour mettre en lumière les problèmes existants relatifs à la
jouissance des droits de la personne humaine sur un pied d’égalité.
- La troisième étape consiste à faire prendre conscience le public cible des discriminations de
genre et de leur construction sociale.
En effet, de meilleures connaissances ne suffisent pas à changer automatiquement les
perceptions et à faire des choix différents. Susciter un changement d’attitude et de
comportement demande une prise de conscience – il faut la susciter et la faire évoluer. Pour
communiquer avec succès avec le public en général ou des auditoires ciblés, il est essentiel
d’en savoir le plus possible sur leurs attitudes, opinions et comportements actuels.
L’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie adéquate d’information, de communication
et de sensibilisation vise à créer une compréhension et une large adhésion en faveur de la
promotion et de la mise en œuvre de la politique nationale d’égalité entre les femmes et les
hommes et à stimuler l’opinion publique et à changer les perceptions négatives à l’égard des
femmes.
2 - La stratégie de formation, d’éducation et de diffusion de la culture de l’égalité
Dans le contexte marocain où la marche vers l’égalité fait son chemin, concrétisée par la
réforme de nombreux textes juridiques, par l’investissement des femmes du champ politique,
et compte tenu du fait que les droits de la citoyenneté ne sont pas toujours respectés, l’école
est indéniablement le lieu privilégié de la construction démocratique. Elle constitue
l’institution de base qui devrait véhiculer les valeurs démocratiques : respect de la dignité des
hommes et des femmes, égalité des hommes et des femmes dans les droits et les obligations,
responsabilité partagée dans les espaces public et privé. C’est le lieu ou s’achève la
socialisation primaire, entamée par la famille et où s’acquièrent et s’enracinent les principes
fondateurs de la citoyenneté : démocratie, égalité, justice, participation à la gestion de la
chose publique.
D’aucuns n’ignorent que le corps enseignant est le principal acteur du changement et du
développement des valeurs égalitaires. Les jeunes constituent l’avenir et c’est à ce titre que
l’action dirigée auprès des enseignants et des enseignantes du primaire et du secondaire vise
un double objectif :
- faire du corps enseignant l’acteur incontournable du changement
- faire des jeunes les acteurs/actrices de la reproduction de la culture de l’égalité et des
valeurs démocratiques.
La connaissance de l’environnement scolaire marocain, l’expérience des nombreuses
associations travaillant dans le champ scolaire et les différentes études sur le milieu scolaire et
105
les relations du corps enseignant avec les élèves, ont mis en évidence d’une part, les lacunes
inhérentes à la formation du corps enseignant, notamment en matière de culture des droits
humains et de l’égalité hommes - femmes et d’autre part, la désaffection des jeunes par
rapport au combat pour la construction démocratique et leur adhésion à des discours
porteurs de l’intolérance sous toutes ses formes : fondamentalismes, intégrismes…
C’est dans ce sens que la formation fondée sur la culture des droits humains et de l’égalité, en
privilégiant l’approche genre, et en ciblant, dans un premier temps, le corps enseignant,
contribuera à mettre en évidence et à dénoncer les inégalités et les discriminations visibles et
invisibles dont sont victimes les femmes dans tous les espaces où se déroule leur vie. Elle
permettra de doter le corps enseignant de la connaissance nécessaire, des outils d’analyse
des rapports sociaux et des arguments utiles pour enraciner et ancrer la culture de l’égalité
dans les attitudes et les comportements des élèves pour en faire des évidences et des réflexes
et qui reproduiront la culture de l’égalité dans l’espace familial et dans l’espace public.
3- La stratégie de conciliation vie professionnelle / vie familiale : pour une véritable
politique familiale
Les dernières décennies ont été témoins de profonds changements sociaux et de changements
dans les modes de vie familiaux et des relations familiales. Une participation croissante des
femmes sur le marché du travail et à la vie économique en général ont contribué à cette
évolution et, même si cette participation est positive en tant que nouveau modèle créateur
d’une nouvelle situation d’égalité des femmes et des hommes, cette égalité est tout le temps
restreinte par l’évolution à un moindre rythme du rôle des hommes dans le domaine de la vie
privée et familiale.
En effet, les changements se sont produits sous la forme d’un plus grand partage de l’espace
public entre les femmes et les hommes, mais dans la sphère privée et familiale le partage n’a
pas eu lieu dans la même mesure. Les évolutions ont donc été ambiguës pour les femmes.
Elles partagent dans une large mesure le monde du travail avec les hommes, bien qu’elles y
fassent souvent l’expérience de formes directes et indirectes d’inégalités, tout en conservant
une part disproportionnée du travail à la maison et des responsabilités familiales.
Par ailleurs, la valeur du travail non rémunéré, principalement accompli par les femmes dans
la vie privée, n’est pas pleinement reconnue, ce qui désavantage souvent les femmes. Les
stéréotypes de genre relatifs aux rôles respectifs des femmes et des hommes, qui persistent
malgré les changements actuels dans ces rôles, sont un autre facteur contribuant à l’inégalité
entre les femmes et les hommes dans ce domaine.
Aussi, la question de la conciliation de la vie privée/familiale et de la vie
professionnelle/publique est profondément liée à tous les changements sociaux des dernières
décennies : changements relatifs à l’organisation de la vie familiale et à la participation
croissante des femmes à la vie professionnelle, moindre soutien des générations plus âgées
pour l’éducation des enfants car les femmes plus âgées exercent encore une activité ;
augmentation de l’espérance de vie avec des personnes dépendantes plus âgées, nécessitant de
nouvelles formes de soutien principalement assumées par les femmes, etc.
Des enquêtes sur l’emploi du temps, menées dans un certain nombre de pays, montrent le
déséquilibre persistant dans le partage des tâches entre les femmes et les hommes,
particulièrement dans la sphère privée, créant ainsi une situation aux conséquences négatives
106
pour les femmes tant en ce qui concerne leurs possibilités professionnelles que leur
participation à la vie politique et publique.
Au niveau mondial, une préoccupation certaine pour la question de la conciliation des deux
aspects de la vie, qui affecte particulièrement les femmes en raison de leurs responsabilités
traditionnelles et de la persistance des rôles selon le genre, figure déjà dans la Convention sur
l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes qui considère, à
l’article 11.2, que les États parties doivent prendre les mesures « pour encourager la fourniture
de services sociaux d’appui nécessaire pour permettre aux parents de combiner les obligations
familiales avec les responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique, en
particulier en favorisant l’établissement et le développement d’un réseau de garderies
d’enfants .»
La même préoccupation a été exprimée ultérieurement dans le Programme d’action de Beijing
et renforcé dans les Conclusions adoptées lors de la session extraordinaire de l’Assemblée
générale appelée Beijing+15. En effet, l’absence d’aménagements permettant de concilier
travail et famille, et notamment de garderies adéquates et abordables et la rigidité des
horaires, est un facteur important qui empêche les femmes de réaliser pleinement leur
potentiel.
A cet égard, il est de la responsabilité de l’Etat d’envisager la conciliation de la vie
professionnelle/publique et familiale/privée comme une question politique qui doit avoir une
réponse politique, dans le cadre d’une politique familiale efficiente. Au Maroc, le Conseil de
l’Enfance et de la Famille, prévue par la Constitution, est tenu d’élaborer cette stratégie
conformément à l’article 19 qui reconnaît le principe de l’égalité hommes – femmes dans tous
les droits.
4- La stratégie de lutte contre les préjugés, les stéréotypes et l’image dévalorisante des
femmes dans les médias
Le rôle et la responsabilité des médias dans la promotion du changement social en vue de la
réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été soulignés par différentes
organisations internationales au niveau mondial. Le Programme d’action de Beijing, dans le «
domaine critique » intitulé « les femmes et les médias », tout en reconnaissant que les médias
ont la possibilité de contribuer beaucoup plus largement à la promotion des droits des
femmes, insiste également sur certains aspects négatifs de la réalité présente : d’une part, la
présence minoritaire des femmes dans les médias aux postes de décision, bien que leur
présence aux autres niveaux ait augmenté de façon significative au cours des dernières
décennies ; d’autre part, le fait que dans de nombreux cas les médias continuent à projeter des
images négatives et stéréotypées des femmes, très en deçà de leur présence et rôles réels dans
la société et, en conséquence, une absence de vision équilibrée de la réalité en termes de genre
et un manque de sensibilité au genre de la part des agents et décideurs médiatiques.
Le Programme souligne également les avancées des technologies de l’information qui ont
permis la création de réseaux de communication mondiale, avec un impact nouveau sur les
attitudes et comportements.
L’objectif de cette stratégie est double :
107
- le premier consiste à « permettre aux femmes de mieux s’exprimer et de mieux
participer à la prise des décisions dans le cadre et par l’intermédiaire des médias et des
nouvelles technologies de communication »,
- le second à « promouvoir une image équilibrée et non stéréotypée des femmes dans les
médias ».
Ces objectifs sont conformes aux dispositions de la nouvelle Constitution et aux dispositions
de la CEDEF dont l’article 5 demande aux États parties de prendre les mesures appropriées
pour : « modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel de l'homme et de la
femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout
autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l’autre sexe
ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. ».
Cette exigence doit s’appliquer à tous les domaines de l’action politique mais elle est surtout
particulièrement pertinente pour ce qui est de la responsabilité des médias eux-mêmes, qui
doivent adopter et mettre en œuvre des mesures réglementaires, des codes de conduite ou
d’autre formes de réglementations conformes à ce principe.
La mise en œuvre de la stratégie exige des moyens humains et financiers importants et
devrait mobiliser tous les acteurs médiatiques et particulièrement la télévision qui « parle »
aux gens à travers tous ses programmes.
5- La stratégie de lutte contre les violences de genre
Il est généralement reconnu que la violence à l’égard des femmes est un obstacle sérieux à
l’égalité entre les femmes et les hommes et qu’elle viole, compromet ou annule la jouissance
des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales. La condamnation de la
violence à l’égard des femmes, en tant qu’acte qui constitue une violation de la liberté et de
l’intégrité physique, psychologique et/ou sexuelle des femmes, a renforcé la détermination
des organisations internationales et des gouvernements nationaux de combattre tous les types
de violence à l’égard des femmes.
Au niveau des Nations Unies, la Recommandation générale 19 (1992) sur la violence à
l’égard des femmes du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes
note que la violence fondée sur l’appartenance sexuelle est une discrimination au sens de
l’article 1 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes. Par ailleurs, la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à
l’égard des femmes, adoptée en 1993 par l’Assemblée générale (Résolution 48/104), donne
une définition très large et complète de la violence à l’égard des femmes, qui définit les actes
de violence à l’égard des femmes dans la famille, au sein de la collectivité et perpétrée ou
tolérée par l’État et précise que cette violence peut être physique, sexuelle et psychologique.
Elle déclare « les termes “violence à l'égard des femmes” désignent tous les actes de violence
dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des
souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la
contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie
privée. » La Déclaration reconnaît aussi que certains groupes de femmes sont plus
particulièrement exposés à la violence ( femmes migrantes, réfugiées, handicapées, âgées,
mineures...).
108
Les différentes formes de violence, les circonstances et environnements où elles se
manifestent généralement et les actions pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence
à l’égard des femmes dans le monde, ont été développées dans le Programme d’action de
Beijing, qui considère la violence à l’égard des femmes comme l’un des domaines critiques
pour le statut des femmes, ainsi que dans d’autres documents politiques et résolutions.
L’évolution de la législation nationale en la matière fournit la preuve que la société marocaine
tolère encore des violences à l’égard des femmes et les perpétuent dans la culture et les
traditions. Les auteurs de violences l’utilisaient pour dominer et humilier les femmes et
« asseoir leur contrôle ».
Cette stratégie doit s’appuyer sur une loi spécifique aux violences de genre pour permettre
une lutte efficace. La loi cadre, fortement revendiquée par le mouvement des femmes,
s’inscrit dans le principe constitutionnel de lutte contre toutes les formes de discriminations
fondées sur le sexe.
6- La stratégie de recherches et études sur la question féminine
Pour prendre des décisions en connaissance de cause, la condition préalable est e comprendre
les processus sociaux et de mettre régulièrement à jour les données et informations
spécifiques au genre. Cette connaissance approfondie de la situation requiert le
développement et l’analyse régulière des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pertinents dans
tous les domaines où l’égalité des femmes et des hommes doit être réalisée.
Aussi, pour mettre en pratique les politiques d’égalité des femmes et des hommes et
l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, il est important d’utiliser les
résultats des recherches menées fondées sur différents outils et techniques. Les outils et
techniques analytiques englobent les statistiques ventilées par sexe et autres variables
contextuelles pertinentes, des enquêtes et prévisions, l’analyse coûts- bénéfices intégrant une
perspective de genre, la recherche dans le domaine des études de genre. De plus, il est
très important d’avoir une approche globale et intégrée en créant des groupes de travail, en
établissant des bases de données, en assurant une participation équilibrée des femmes et des
hommes à la prise de décision, en organisant des conférences et séminaires visant à informer
le public et des auditions pour donner aux gens l’occasion de participer directement à
l’élaboration et à la décision des politiques qui les concernent.
La collecte et l’analyse régulières de statistiques ventilées par sexe sont également
nécessaires. Cela demande la participation des entités responsables du système statistique au
niveau national ainsi que des services sectoriels qui traitent des statistiques relatives aux
différents domaines.
Les outils et instruments sont nécessaires pour évaluer l’impact de genre des lois et politiques
et intégrer une perspective de genre dans le processus budgétaire, ce qui signifie qu’il faut
prévoir une répartition équilibrée et juste des ressources prenant en compte le genre et
reconnaissant les situations différentes des femmes et des hommes. Ces outils et instruments
peuvent prendre des formes variées et doivent s’appuyer sur la recherche et les études déjà
entreprises dans différents pays.
L’échange de connaissances, d’expériences et de bonnes pratiques à cet égard doit être
encouragé. L’évaluation de l’impact de genre et l’intégration d’une perspective de genre dans
109
le processus budgétaire doivent devenir un exercice régulier dans l’élaboration des politiques
à tous les niveaux de pouvoir et de prise de décision si l’on veut réaliser pleinement l’égalité
des femmes et des hommes.
Les autres outils pour soutenir les progrès vers l’égalité des femmes et des hommes sont les
mécanismes institutionnels et opérationnels nécessaires pour une évaluation et un suivi
réguliers des progrès accomplis et cela n’est possible que si des indicateurs mesurables
comme des buts, des délais, des repères sont inclus dans les politiques et programmes adoptés
dans différents domaines.
Enfin, la base sous-jacente de tous ces outils et instruments et de leur fonctionnement efficace
est l’existence et le financement de la recherche sur les questions d’égalité des femmes et des
hommes dans les universités et les instituts de recherche, y compris la promotion et le
financement de projets, la création de cours, la réalisation de conférences et d’ateliers, dans le
but de construire une expertise solide sur les questions d’égalité des femmes et des hommes.
Il est également important de diffuser les résultats des recherches, études et enquêtes Cela
aussi doit être un point central de la recherche sur la question féminine.
IV-2-2 Les mécanismes et instruments à opérationnaliser pour réaliser l’égalité
hommes - femmes
Conformément aux objectifs stratégiques du Programme d’action de Pékin, en particulier
dans la section H (mécanismes institutionnels chargés de favoriser la promotion de la femme),
il est nécessaire de mettre en place des mécanismes institutionnels, en charge de l’égalité de
genre, qui disposent des capacités requises pour assurer la coordination intersectorielle ainsi
que le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du Plan gouvernemental de l’égalité 2012-
2016.
Sur la base des instruments des NU, les mécanismes institutionnels en charge de l’égalité
hommes – femmes doivent répondre à plusieurs exigences.
- Ils doivent se situer au niveau politique le plus élevé, plus précisément, sous la tutelle
directe du chef de l’Etat et que des unités soient créés au sein des ministères et au sein des
structures des pouvoirs régionaux et locaux, au plus haut niveau.
- Ces mécanismes doivent avoir l’autorité, la visibilité, la reconnaissance politique, les
moyens financiers et les ressources humaines nécessaires et que leurs actions soient
pleinement soutenues par le pouvoir politique aux différents niveaux. Dans ce sens, la
structure d’ensemble du mécanisme pour l’égalité entre les femmes et les hommes doit
comprendre une structure interministérielle de haut niveau, avec des représentant(e)s de tous
les secteurs politiques pertinents ayant le pouvoir de décision, afin d’assurer le
fonctionnement effectif du processus de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et
les hommes.
- Le mandat des mécanismes institutionnels doit avoir une base juridique claire, avec des
fonctions et des responsabilités bien définies, et que celles-ci incluent nécessairement la
double approche du travail relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes :
110
1. des politiques et actions spécifiques comprenant, le cas échéant, des actions positives dans
les domaines critiques pour la promotion des femmes et l’égalité entre les femmes et les
hommes ;
2. la promotion, le suivi, la coordination et l’évaluation du processus de l’approche intégrée
de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques et dans tous les
programmes ;
- Les mécanismes institutionnels doivent développer les compétences en matière d’égalité
entre les femmes et les hommes, à la fois en leur sein et comme créateurs de compétences en
matière d’égalité entre les femmes et les hommes aux différents niveaux du gouvernement et
de l’administration, et qu’à cet effet ils développent des méthodes, instruments et outils
pour l’analyse de genre/l’évaluation de l’impact selon le genre et l’intégration d’une
perspective de genre dans le processus budgétaire ainsi que des formations à l’égalité entre les
femmes et les hommes et à l’utilisation de ces méthodes, instruments et outils.
- Ces mécanismes doivent avoir les ressources nécessaires pour leur fonctionnement. Ils
doivent établir des relations de coopération formelles et informelles avec l’ensemble des
autres institutions et administrations publiques ; et avec les organisations de la société civile,
dont les ONG de femmes et celles œuvrant pour les droits de la personne humaine, les
médias, la communauté des chercheurs - es et celle des universitaires, les partenaires sociaux
et autres acteurs sociaux pertinents ainsi qu’avec les organisations internationales et
régionales poursuivant les objectifs d’égalité hommes – femmes.
- Ils doivent être installés également au niveau parlementaire et auprès d’autres organes, tel
que le médiateur, qui puisse recevoir des plaintes en matière de discrimination fondée sur le
sexe.
Après avoir insisté sur le statut de la femme et sa condition comme étant le champ d’action
spécifique de ces mécanismes, un changement progressif s’est fait, particulièrement après la
4ème Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995), vers une attention portée au
genre, c’est-à-dire aux femmes et aux hommes et à leurs relations et vers une approche plus
globale. Le Programme d’action, dans le chapitre « Mécanismes institutionnels chargés de
favoriser la promotion de la femme », a également indiqué les principales obligations
auxquelles ces mécanismes doivent satisfaire pour assurer leur efficacité.
Bien qu’il y ait eu, dans l’ensemble, une diversification et une multiplication des mécanismes
pour l’égalité entre les femmes et les hommes à différents niveaux de la gouvernance dans le
monde, certaines exigences de base pour ces différents modèles et leur fonctionnement
effectif doivent être respectées. C’est ce sur quoi la recommandation insiste. Ces exigences
sont, de nos jours, considérées comme essentielles pour que les mécanismes remplissent leur
rôle de catalyseur en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes
ainsi que pour les politiques spécifiques, la réussite de leur coordination et l‘évaluation des
résultats.
Ces obligations concernent, entre autres, les aspects suivants : le lieu et le statut des
mécanismes, leur fondement légal et un mandat clair, leur autorité et visibilité, leur
reconnaissance politique et leur financement, le besoin d’une structure interministérielle pour
coordonner l’approche intégrée de l’égalité qui doit être constituée par des représentant(e)s
dotés de pouvoirs de décision, le développement d’une expertise en matière d’égalité des
111
femmes et des hommes avec les outils et instruments nécessaires, la création de voies de
communication et de coopération efficaces avec les organisations de la société civile à chaque
niveau ainsi qu’avec les organisations et partenaires internationaux.
La nécessité d’établir des mécanismes pour l’égalité entre les femmes et les hommes au
niveau du gouvernement dans les différents domaines politiques – ministères, services et
autres secteurs – ainsi qu’aux différents niveaux de gouvernance –national, régional et local –
a été généralement reconnue comme moyen de concevoir, mettre en œuvre et coordonner les
politiques en vue de la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes. Toutefois, de
tels mécanismes se sont également avérés nécessaires dans d’autres institutions étatiques, au-
delà des gouvernements, notamment au niveau parlementaire.
Au Maroc, plusieurs mécanismes de promotion et de défense des droits humains et des droits
des femmes sont dorénavant constitutionnalisés. Il s'agit du Conseil National des Droits de
l'Homme (CNDH) qui se substitue au Conseil consultatif des Droits de l’Homme (CCDH)
conformément aux Principes de Paris, et du Médiateur créée en remplacement de Diwan Al-
Madhalim, le 18 mars 2011.
D'autres mécanismes consacrés récemment par la nouvelle constitution devraient être mis en
place dont notamment:
- l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toute forme de discrimination,
conformément à l’article 19 et 164 de la Constitution dont le projet est élaboré par le CNDH
et qui vient d’être présenté devant la chambre des conseillers ( juillet 2012)61 ;
- Le Conseil Consultatif de la Famille et de l'enfance, en cours de mise en place par le
MDSFFS.
- La Délégation interministérielle aux Droits de l'Homme, créée en mars 2011 pour
assurer la coordination de l'action des politiques publiques en la matière.
IV-2-3 Les mécanismes de renforcement de l’égalité de genre à mettre en place
Cependant, en dépit des efforts consentis, l’instauration d’un mécanisme institutionnel, sous
la forme d’un ministère indépendant, chargé de la question féminine, répondant aux critères
des Nations Unies, destiné à impulser, accélérer et assurer le suivi et la coordination des
politiques et programmes de réforme n'a toujours pas vu le jour, la question féminine a été
ajouté aux attributions, déjà très nombreuses du ministère du développement social dont les
moyens sont trop limités.
S’agissant des mécanismes institutionnels au sein de la structure gouvernementale, il n’existe
pas de modèle idéal fixe, valable pour tous les pays. Les réalités économiques, sociales,
culturelles et politiques diffèrent d’un pays à l’autre et les mécanismes institutionnels, pour
être efficaces et durables, doivent correspondre au contexte national et s’adapter à ces réalités.
Aussi, compte tenu de la transversalité de la question féminine et son importance pour la
consécration de l’Etat de droit au Maroc, pour la réussite du processus démocratique et afin de
61 Cf. Annexe 2 « Etude sur le projet du mécanisme « Autorité pour la Parité et la lutte contre toute forme de
discrimination » Mai 2012.
112
répondre aux exigences du développement, il est nécessaire de mettre en place deux
structures importantes :
- Un ministère en charge de la question féminine, doté des moyens humains et
financiers adéquats.
- Un observatoire de la citoyenneté des femmes au Maroc.
Ce dernier mécanisme est d’une utilité certaine pour la citoyenneté des femmes.
L’idée de créer cette instance répond à un certain nombre de besoins dont le plus impérieux
est de fournir une connaissance qui se veut objective et scientifiquement fiable de l’évolution
de la condition des femmes au Maroc.
Cet observatoire aurait pour objectif essentiel de rassembler les informations dispersées,
relatives à la question féminine et de mettre en synergie les matériaux relatifs à des champs et
des disciplines autonomes, permettant ainsi d’éviter l’aspect parcellaire et segmenté de la
connaissance de la condition des femmes au Maroc.
L’observatoire comme instance scientifique, entend scruter les rapports de pouvoirs hommes
-femmes, construits historiquement, analyser ces rapports à la lumière des mutations
sociétales, décrypter les messages des différents discours, évaluer les politiques mises en
place et assurer le suivi des stratégies, programmes et plans mis en place en faveur de la
citoyenneté des femmes.
En retrait par rapport à l’action proprement politique, le rôle scientifique de l’observatoire
consiste à fournir aux décideurs, aux militants/es des droits de la personne ( ONG féminines,
des droits humains, de développement …), l’éclairage scientifique le plus fiable, afin qu’ils
puissent, par le biais d’un traitement rigoureux de l’information, intervenir de manière
efficace. Ainsi, en ayant une connaissance plus adéquate de la structure des rapports sociaux
et de l’évolution de certaines variables, les intervenants/es seront en mesure d’évaluer avec
perspicacité l’impact de leurs actions ou de réajuster leurs stratégies.
Plus concrètement l’Observatoire de la citoyenneté des femmes au Maroc vise :
1- l’élaboration de rapports réguliers sur la condition des femmes au Maroc. Ces rapports
procèderaient à l’examen de l’évolution de certains indicateurs qui, dans la limite des
informations disponibles, permettraient une lecture pluridisciplinaire de la condition
des femmes.
2- La mise en place des éléments techniques de l’Observatoire : banque de données
statistiques, documentaires et juridiques. Des protocoles conclus avec les «
fournisseurs » de l’information doivent permettre une alimentation régulière de ce
mécanisme.
3- La réalisation d’études, de recherches et d’enquêtes ayant pour objectif de fournir des
informations sur certains aspects ignorés de la condition féminine au Maroc et de
multiplier ainsi les angles d’attaque et les perspectives d’approche. La valorisation de
ces recherches se fait non seulement par la publication, mais par l’organisation de
séminaires qui servent, par ailleurs, à tester la validité des indicateurs retenus et des
113
méthodologies observées. De la sorte, il devient possible d’effectuer un « trajet »
constant entre le vécu des femmes et les formes de savoir qui visent à le réaménager.
L’observatoire représente par conséquent, un mécanisme d’observation léger que le
rythme et la grande périodicité des recensements et des enquêtes nationales ne peuvent
offrir. Il permet, ensuite, de focaliser l’attention sur une institution spécifique ou de saisir
un phénomène nouveau que les enquêtes lourdes ne parviennent pas à prendre en charge.
Enfin, en optant pour un objet particulier, tel que la citoyenneté des femmes au Maroc, il
devient possible de faire converger tout le potentiel d’informations du champ scientifique
vers un point focal, c’est à dire mettre en œuvre un mécanisme de suivi qui intègre
progressivement la complexité grandissante de l’ « objet » observé, à savoir la
citoyenneté des femmes.
CONCLUSION
Les stratégies d’application du droit et de la législation pour respecter, protéger et assurer la
pleine jouissance des droits des femmes et des hommes sur un pied d’égalité sont des
obligations fondamentales en matière d’égalité, mais elles ne peuvent suffire à elles seules à
changer les attitudes et les comportements. De plus, elles ne sont pas toujours mises en œuvre
efficacement et les voies de recours et les sanctions pour violation du principe de l’égalité
hommes – femmes ne sont pas suffisamment efficaces. C’est pourquoi la combinaison de
différentes stratégies et méthodes de travail vers l’égalité entre les femmes et les hommes a
été reconnue comme l’approche la plus efficace pour réaliser l’égalité réelle, matérielle des
femmes et des hommes.
Aussi, pour corriger ou redresser l’effet actuel de la discrimination passée fondée sur le sexe,
pour diminuer les désavantages structurels et pour surmonter les stéréotypes et les préjugés de
genre qui persistent dans de nombreux domaines, ce qui empêche la réalisation effective de
l’égalité des femmes et des hommes et limite la pleine jouissance des droits de la personne
humaine par les femmes et les hommes sur un pied d’égalité, il faut un large éventail
d’actions et de mesures spécialement adaptées. Des actions spécifiques adressées
principalement aux femmes et l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes
dans toutes les politiques et plans sont les principaux aspects d’une double approche pour
construire l’égalité des femmes et des hommes.
En effet, éliminer la discrimination fondée sur le sexe et réaliser progressivement l’égalité
entre les femmes et les hommes n’est pas une tâche facile ni linéaire. Cela requiert une
volonté et un engagement politiques forts car cela ne se fera pas forcément avec facilité ni de
façon naturelle. L’égalité des femmes et des hommes remet en question un status quo qui a de
lointaines racines historiques et culturelles. C’est pourquoi l’engagement des États de réaliser
l’égalité entre les femmes et les hommes doit être fort et durable et surtout traduit par des
mesures concrètes.
114
ANNEXES
- Annexe I Le texte intégral de la Constitution de 2011
- Annexe II Etude sur le mécanisme de l’autorité pour la parité et la lutte contre toute forme
de discrimination (PDF).
BIBLIOGRAPHIE
1- Actes
- Actes du 5° Congrès des Recherches féministes francophones - Rabat - Octobre 2008
2- Les Campagnes
- Les campagnes sur les violences
- Non à la violence contre les femmes 2005.
- Pour un droit qui me protège et protège ma famille. 25 Novembre – 10 Décembre 2008
(Ministère du DSFS)
- Pénalisation, Protection, Pas de Tolérance : Revendication des femmes pour une loi contre les
violences. Publication Global Rights 2008.
- Mobilisation des jeunes pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes (Ministère du
DSFS) Novembre 2007
- Les campagnes sur la participation politique
- Participation politique des femmes en milieu rural : levier du développement local Tome 2 juillet
2008 (Ministère du DSFS)
- Femmes dans les communes : levier de la gouvernance locale Tome 5 Mars 2009 ( Ministère du
DSFS)
- Participation politique des femmes : Levier du développement social. Tome 1 Mars 2008.
- Les campagnes sur la levée des réserves
- Egalité sans Réserves : Travaux de la Conférence sur le lancement de la Campagne Régionale
pour la levée des réserves sur la CEDAW et la ratification de son protocole Facultatif dans les Etats
d’Afrique du Nord et du Moyen Orient et en Turquie. Juin 2006. Publication ADFM 2008.
3- Les Chartes
- La Charte Nationale d’éducation et de formation 1999.
- La Charte Nationale pour l’amélioration de l’image de la Femme dans les médias Mars 2005
(SEFEPH).
4- Les Circulaires
- Circulaire du Premier Ministre relative à l’application de la Stratégie Nationale pour l’équité et
l’égalité entre les sexes - Mars 2007
- Circulaires sur l’application du code de la famille. Publication du Ministère de la justice. Octobre
2008.
115
5- Les Conférences
- 5° Conférence ministérielle européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes - Actes
La démocratisation, la prévention des conflits et la construction de la paix : les perspectives et les rôles
des femmes. Janvier 2003.
- Culture et Communication. Instruments fondamentaux pour le changement des mentalités et des
sociétés.
- Conférences de Barcelone 1995- 2000- 2005
- Conférence Ministérielle Euro- Méditerranéenne 2006 sur « l’égalité des chances ». Avril 2006
- Conférence préparatoire régionale Rabat Juin 2006.
- Conférences Ministérielles Euro - Med Istanbul Novembre 2006 – Novembre 2011
6- Les Etudes
- De l’usage équitable des politiques de discrimination positive à propos de l’accès des femmes aux
mandats électifs.
Publication - ADFM – Centre pour le Leadership Féminin 2002
- Les hommes et les femmes face au politique. Quelle place pour les femmes ? Publication Dar Al
Qalam. Septembre 2002 (Malika Benradi et Houria Alami).
- Femmes et hommes au Maroc : Analyse de la situation et de l’évolution des écarts dans une
perspective genre.
Publication du Haut Commissariat au Plan - HCP- Rabat - 2003.
- Féminin – Masculin : La marche vers l’égalité au Maroc 1993-2003
Publication Fondation Friedrich Ebert - Rabat - 2003
- Etat des lieux des actions entreprises dans le domaine de la lutte contre la violence faite aux femmes
(Secrétariat d’Etat chargé de la Famille, de l’Enfance et des Personnes Handicapées) Août 2004.
Publication SEFEPH. 2004
- Figures de la précarité : Genre et exclusion économique au Maroc.
Publication GTZ 2005
- Genre et activités économiques au Maroc. La persistance de la précarité dans l’activité féminine.
Livre blanc. Publication GTZ 2005
- Femmes et Violences en Afrique. Publication AFARD 2005.
- Mettre fin à la violence des femmes - Des paroles aux actes
Etude du Secrétaire Général des Nations Unies Publication des NU - 2006
- Genre et politiques néolibérales : Publication AFARD 2006.
- Le code de la famille : Perceptions et pratique judiciaire
Publication Fondation Friedrich Ebert Janvier 2007.
- Les perceptions et représentations des Africains et des Africaines de l’égalité hommes – femmes.
Publication AFARD – 2007.
- Le progrès des femmes à travers le monde : Qui est responsable envers les femmes ? Genre et
redevabilité. UNFEM. 2008
7 Les ministères
- Ministère de la Santé, Direction de la planification et des ressources financières 2007-2006,
116
« Enquête Nationale à Indicateurs Multiples et Santé des Jeunes ».
- Ministère de la Santé, 2007, « Santé vision 2020 » .
- Ministère de la Santé, juin 2007, « Note de présentation sur l’opération de mise à jour des
données sur l’offre de soins ».
- Ministère de la Santé, » Santé en chiffres 2007 ».
- Département de l’Alphabétisation et de l’Education non Formelle, décembre 2006, Enquête
Nationale sur l’Analphabétisme, la non Scolarisation et la Déscolarisation au Maroc.
- Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique, 2007, Enquête nationale sur l’analphabétisme, la non scolarisation et la déscolarisation au Maroc.
8- Les Plans
- Plan d’action de la Politique Européenne de Voisinage 2005-2006
- Plan opérationnel de la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes Mars
2005 (SEFEPH)
- Plan Stratégique 2008-2012 Mars 2008 Publication Ministère du DSES
- Plan gouvernemental de l’égalité de genre 2012-2016 (Plan IKRAM)
9- Les Programmes
- Programme stratégique à moyen terme pour l’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes
dans le secteur de l’administration publique (Ministère de la Modernisation des Secteurs Publics)
Décembre 2006.
- Programme multisectoriel de lutte contre les violences fondées sur le genre par l’autonomisation
des femmes et des filles au Maroc 2008-2011 (Ministère du DSFS)
- Programme à moyen terme pour l’institutionnalisation de l’égalité entre els sexes dans le secteur
de la communication.
Publication Ministère de la Communication Août 2006.
10- Les Rapports
- Rapport Examen du mécanisme national chargé de la condition de la femme au Maroc :
Efficience, entraves et perspectives d’amélioration. Ministère chargé de la condition féminine,
de la protection de la famille, de l’enfance et de l’intégration des personnes handicapées. Novembre
2001
- Rapport parallèle - Convention CEDAW - ADFM 2001.
- Rapport Evaluation de la situation de la femme au Maroc (1998-2002), Juin 2002. Ministère
chargé de la Condition de la Femme
- Rapport national du DHD : Femmes et dynamiques du développement. Publication HCP 2005.
- Rapport national 2005 sur les OMD. Publication HCP Septembre 2005.
- Rapport Général : La lutte contre la violence à l’égard des femmes. 1er Forum méditerranéen -
Novembre 2005
- Rapport Les femmes et le développement économique en Méditerranée. Avril 2006
- Rapports Périodiques 3 et 4 de mise en œuvre de la CEDAW Juin 2006 - Janvier 2008
- Rapports Pékin + 15
- Ministère des Finances Avril 2009
- Ministère de l’Habitat Mai 2009
- Ministère de l’Education Nationale Avril 2009
- Ministère Des Habous et des Affaires Islamiques Mai 2009
- Ministère de la Jeunesse et des Sports Mai 2009
- Entraide Nationale Avril 2009
- Formation professionnelle Mai 2009
- Rapport ADFM Pékin + 15 Avril 2009
- Rapport Association Annakhil Pékin+15 Mai 2009
117
- Renforcement du rôle des femmes dans la société – Istanbul 2006. Cadre d’action. Mécanisme
D’examen 2009 « Questionnaire d’Istanbul » pour les pays méditerranéens
- Résumé des actions/mesures mises en œuvre en faveur du renforcement du rôle des femmes dans la
société août 2008 - mai 2009
11- Les Recommandations
- Les Recommandations d’Istanbul - 2006
- Les normes et mécanismes d’égalité entre les femmes et les hommes.
Recommandation CM/Rec (2007) 17 du Comité des Ministres et exposé des motifs.
Publication Conseil de l’Europe 2008.
- La participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision
Politique et publique.
Recommandation Rec. (2003) 3 du Comité des Ministres et exposé des motifs.
Publication du Conseil du l’Europe. 2003.
12- Les Stratégies
- Stratégie Nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes (Secrétariat d’Etat chargé de la
Famille, de la Solidarité et de l’Action sociale SEFSAS) - 2003.
- Stratégie Nationale pour l’équité et l’égalité entre els sexes par l’intégration de l’approche genre dans
les politiques et les programmes de développement Mai 2006 (SEFEPH).
13- Le Suivi et évaluation
- Evaluation du PANIFD 2002
- Réponses des départements ministériels à la lettre relative au suivi de la Stratégie nationale pour
l’équité et l’égalité entre les sexes, adressée par le ministère du DSFS - Septembre 2008.
14- Les statistiques
- Recensement de la population en 2004
- Enquêtes HCP
- La femme marocaine en chiffres HCP 2011
118
LEXIQUE
Egalité entre les femmes et les hommes :
on entend par égalité entre les femmes et les hommes l'égale visibilité, autonomie,
responsabilité et participation des deux sexes à/dans toutes les sphères de la vie publique et
privée. Le concept d'égalité entre les sexes, hors de toute référence aux différences liées au
sexe, s'oppose au concept d'inégalité entre les sexes, c'est-à-dire aux disparités des conditions
de vie des femmes et des hommes. Il soutient le principe d'une participation totale des femmes
et des hommes à la vie en société. Le principe d'égalité des sexes commande d'accepter et de
valoriser également les différences inhérentes aux femmes et aux hommes, avec les divers
rôles qu'ils/elles jouent en société. Le principe d'égalité intègre le droit à la différence, ce qui
implique de prendre en compte les distinctions propres aux femmes et aux hommes, relatives
à leurs classes sociales, leurs opinions politiques, leurs religions, ethnies, races ou préférences
sexuelles. Le principe d'égalité implique de considérer de quelle façon il est possible d'aller
plus loin afin de changer les structures de la société qui contribuent à maintenir des relations
de pouvoir déséquilibrées entre les femmes et les hommes et d'atteindre un meilleur équilibre
entre les diverses valeurs et priorités conférées à chacun.
Discrimination à l’égard des femmes : toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur
le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la
jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de
l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de la personne et des libertés fondamentales
dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.
La discrimination directe se produit lorsqu’une différence de traitement repose directement
et explicitement sur des distinctions fondées exclusivement sur le sexe et les caractéristiques
propres aux hommes ou aux femmes, qui ne peuvent être justifiées objectivement.
La discrimination indirecte se produit lorsqu’une loi, une politique ou un programme ne
paraît pas discriminatoire, mais entraîne une discrimination une fois mise en application.
C’est le cas par exemple lorsque des inégalités préexistantes empêchent les femmes d’avoir
accès aux mêmes chances.
Démocratie paritaire : le concept de démocratie paritaire implique la pleine intégration de la
femme, sur un pied d’égalité avec l’homme, à tous les niveaux et dans tous les aspects du
fonctionnement d’une société démocratique, par des stratégies multidisciplinaires.
La participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et
publique signifie que la représentation de chacun des deux sexes au sein d’une instance de
décision dans la vie politique ou publique ne doit pas être inférieure à 40%.
119
Action positive : la protection contre la discrimination ne suffit pas pour assurer dans les faits
l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes. A situations inégales, traitement
inégal. Les différentes conventions et autres textes juridiques internationaux qui définissent la
notion de discrimination offrent également une définition des actions positives. De telles
définitions diffèrent en fonction de l’instrument juridique en question, mais on constate que
ces instruments montrent tous les cas où la différence de traitement n’est pas considérée
comme discriminatoire. Les catégories les plus importantes de mesures justifiant une
différence de traitement sont les «mesures de protection», les facteurs réellement limitatifs
pour l’exercice de certaines activités et les mesures positives visant à promouvoir l’égalité.
Les notions de non-discrimination et d’actions positives étant interdépendantes, les actions
positives doivent être définies dans le cadre de chaque législation nationale. Il est donc très
Difficile de donner une définition générale ou commune des actions positives.
Les mesures temporaires spéciales : elles visent à accélérer l’instauration d’une égalité de
fait entre les hommes et les femmes, elles ne sont pas considérées comme des actes de
discrimination tels qu’ils sont définis dans la CEDEF, mais ne doivent en aucune façon avoir
pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes ; ces mesures doivent être
abrogées dès que les objectifs en matière d’égalité de chances et de traitement ont été atteints.
L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes consiste en la
(ré)organisation, l'amélioration, l'évolution et l'évaluation des processus de prise de décision,
aux fins d'incorporer la perspective de l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les
domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en place
des politiques.
L'évaluation de l'impact sur le genre trouve son origine dans le secteur de l'environnement,
et constitue l'exemple typique d'un outil récemment adapté aux besoins de l'approche intégrée
de l'égalité. Elle permet d'examiner tout projet politique sous l'angle des effets induits sur les
femmes et les hommes, de façon à corriger les éventuels déséquilibres avant la prise de
décision. L'analyse en fonction de l'égalité entre les femmes et les hommes permet de mieux
saisir dans quelle mesure les besoins respectifs des femmes et des hommes sont équitablement
pris en compte et trouvent une réponse dans le projet concerné. Elle permet aux décideurs
d'élaborer leurs politiques en fonction des réalités socio-économiques propres aux femmes et
aux hommes, et aux projets concernés de tenir compte de celles-ci. L'évaluation de l'impact
sur le genre est applicable à la législation, aux orientations et programmes politiques, aux
budgets, à l'action concrète, aux projets de loi, aux rapports et aux enquêtes. L'utilisation des
méthodes d'évaluation sur le genre ne se limite pas aux programmes en cours d'élaboration,
mais trouve sa juste place dans les politiques existantes. Ces méthodes peuvent être
employées tant par les administrations que par les acteurs externes, quoique, dans les deux
cas, une somme valable de connaissances sur les problèmes d'égalité doit déjà être acquise.
L'avantage de ce type d'instruments réside dans le fait qu'ils permettent d'évaluer très
précisément les effets de toute politique.
L’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire est une application
de l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le processus
budgétaire. Cela implique une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre
à tous les niveaux du processus.