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1 JOSSOUR - FORUM DES FEMMES MAROCAINES (FFM) LA CITOYNNETE DES FEMMES AU MAROC : POUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION Version finale 10 octobre 2012 Pr. Malika Benradi Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales Rabat Agdal GSM : 06 61 48 93 48 Fixe : 05 37 71 34 26 Fax : 05 37 71 34 50 E-mail : [email protected] [email protected]

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JOSSOUR - FORUM DES FEMMES MAROCAINES (FFM)

LA CITOYNNETE DES FEMMES AU MAROC :

POUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION

Version finale 10 octobre 2012

Pr. Malika Benradi

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales

Rabat Agdal

GSM : 06 61 48 93 48

Fixe : 05 37 71 34 26

Fax : 05 37 71 34 50

E-mail : [email protected]

[email protected]

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LISTE DES ACRONYMES

ADS Agence de Développement Social

AFARD Association des femmes Africaines pour la Recherche et le

Développement (AAWORD)

AFEM Association des Femmes Entrepreneures du Maroc

AMLAC Association Marocaine de Lutte contre l’Avortement Clandestin (AMLAC)

AREF Académie Régionale d’Education et de Formation

Art. Article

AT Avortement thérapeutique

BO Bulletin Officiel

BSG Budget Sensible au Genre (BSG)

CC Conseil Constitutionnel

CCI Comité de Concertation Interministérielle

CEEC Commission d’équité et d’égalité des chances

CEDEF Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard

des Femmes

CES Conseil Économique et Social

CF Code de la famille

CNEF Charte Nationale d’Éducation et de Formation

CNDH Conseil National des Droits de l’Homme

COSEF Commission Spéciale d'Éducation et de Formation

CSE Conseil Supérieur de l’Enseignement

CSP Code du Statut Personnel

DAO Dar Al Oumouma

DH Développement Humain

DGSN Direction Générale de la Sûreté Nationale

DUDH Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

EEG Égalité et Équité de Genre

ESSB Établissement de Soins de Santé de Base

FAES Fonds d’Appui à l’Égalité entre les Sexes

FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population

FP Fonction Publique

GTZ Coopération Technique Allemande

HACA Haute Autorité de Contrôle de l’Audio-visuel

HCP Haut Commissariat au Plan

IES Institutionnalisation de l’Égalité des Sexes

INDH Initiative Nationale de Développement Humain

IPP Indice de Participation Politique

IPS Indice de Parité Sexuelle

IPC Instance de Prévention de la Corruption

ITB Indice de Transparence Budgétaire

ISF Indice Synthétique de Fécondité

IVG Interruption Volontaire de Grossesse

MAEC Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération

MDSFFS Ministère du Développement Social, de la Femme, de la Famille et de la

Solidarité

NU Nations Unies

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NUF Nations Unies Femmes

OIT Organisation Internationale du Travail

OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement

ONG Organisations Non Gouvernementales

PASMT Plan d’Action Stratégique à Moyen Terme

PGR Projet Générateur de Revenu

PIB Produit Intérieur Brut

PIDESC Pacte International de Droits Economiques, Sociaux et Culturels

PIDCP Pacte Internationale de Droits Civils et Politiques

PMT Programme à Moyen Terme

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

PSMT Programme Stratégique à Moyen Terme

RAMED Régime d’Assistance Médicale

SNEES Stratégie Nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les Sexes

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SOMMAIRE

1- Présentation du pays

1- Situation privilégiée

2- Etat de la population : une transition démographique avancée

3- Les indicateurs du développement humain : des handicaps permanents

4- Le système politique : un processus démocratique engagé

2- Présentation de l’étude

1- Les objectifs de l’étude

2- La démarche adoptée

3- L’approche privilégiée

4- Les résultats attendus

5- Le plan de l’étude

INTRODUCTION

I - EGALITE DE GENRE AU MAROC : ETAT DES LIEUX

I-1 Présence des femmes dans les institutions nationales, régionales et locales élues

I-2 Présence des femmes dans le gouvernement

I-3 Présence des femmes dans la fonction publique et accès aux postes de responsabilité

I-4 Présence des femmes dans le pouvoir judiciaire

I-5 La présence des femmes dans les instances à caractère consultatif

II- EGALITE DE GENRE AU MAROC : AVANCEES, OBSTACLES ET

DEFIS

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II-1 L’égalité de genre dans l’espace privé

1- Evolution du pouvoir au sein de la famille

1-1 Le rôle des femmes dans la nouvelle structure familiale :

La famille élargie cède le pas, de plus en plus, à la famille conjugale

1-2 L e rôle des conjoints dans la prise de décision familiale

1-3 L’apport des époux au budget familial

1-4 Le partage des tâches domestiques dans le couple

2- Le principe de l’égalité hommes – femmes dans le code de la famille

2-1 Les apports

- Le ministère public partie aux conflits familiaux

- La co-responsabilité familiale

- Le recouvrement de la pension alimentaire : la mise en application du

Fonds d’entraide familiale

- Le partage des biens acquis pendant l’union conjugale

2-2 Les contradictions

- La représentation légale

2-3 Les résistances

- Le consentement au mariage : la question des mariages précoces et/ou

Forcés

- Les empêchements au mariage : le mariage de la marocaine musulmane

avec l’époux de confession non musulmane

- La polygamie : la fragilité socio-économique des femmes impose le

consentement de la première épouse

- Le régime successoral : texte et contexte ou l’historicité du texte

coranique

II-2 L’égalité de genre dans l’espace public

II-2-1 Dans le champ social : les femmes sont de plus en plus visibles

II-2-1-1 L’accès à l’éducation

1- Au niveau de l’enseignement préscolaire : des performances en

deçà des efforts consentis

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2- Au niveau de l'enseignement fondamental : le problème de

l’efficacité perdure

3- Au niveau de l’enseignement supérieur : les écarts de genre se

réduisent

II-2-1-2 L’accès à la santé : la question de la santé reproductive

1- Planification familiale et prévalence contraceptive

2- Mortalité maternelle

3- L’avortement clandestin : les résistances des conservateurs

3-1 La position des instruments internationaux

3-2 La position de la Chariaa

3-3 Interprétations et positions du Fiqh

3-4 La position des législations dans certains pays musulmans

3-5 Solutions fondées sur le Qyas pour admettre l’avortement

3-6 Solutions fondées sur le consensus Ijmaa

3-7 Solutions fondées sur l’Ijtihad

4- La Couverture Médicale de Base

II-2-1-3 L’accès à l’emploi

1-Au niveau du ministère de l’emploi et de la formation

professionnelle : une nouvelle démarche

2- Au niveau du département de l’agriculture : les PGR visibilisent les

femmes rurales

3-Au niveau du département du commerce : des initiatives

informelles

4-Au niveau du département de l’artisanat : une contribution

appréciable au rayonnement du produit marocain

5-Au niveau du département du développement social : le

programme INQAD contre l’exploitation économique des

petites filles domestiques

6- L’entreprenariat féminin : l’esprit d’initiative des femmes

II-2-3 Dans le champ politique : les femmes rompent avec leur rôle traditionnel

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III- LES FONDEMENTS DU PRINCIPE DE L’EGALITE HOMMES –

FEMMES / L’AMBIVALENCE DU SYSTEME JURIDIQUE MAROCAIN

III - 1 Le cadre international de l’égalité de genre

1- La DUDH

2- Le PIDCP

3- Le PIDESC

4- La CEDEF

5- La Déclaration du Millénaire (OMD)

6- La Déclaration et la Plate Forme de Vienne

7- Le Programme d’action de Beijing

8- Les Recommandations de Barcelone

9- Les Conclusions d’Istanbul

III- 2 Le cadre national

1- Le rôle de la société civile dans la prise en considération de la question

féminine

2- La volonté royale : des discours engagés en faveur de la citoyenneté des

femmes

3- Les déclarations gouvernementales : la reconnaissance du rôle des femmes

dans la construction démocratique et le développement socio-économique du

pays

4- Les stratégies nationales : l’égalité hommes – femmes est reconnue comme

une priorité

4-1 La stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes par

l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes

de développement

4-2 L’Agenda gouvernemental pour l’égalité 2011-2015

4-3 Le plan gouvernemental pour l’égalité des genres pour la période 2012-

2016 (Plan IKRAM)

III-3 Le contexte régional / le printemps arabe : les acquis

1- La CEDEF : La levée des réserves

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2- L’adoption de la nouvelle Constitution plutôt favorable à l’égalité de

genre

IV- LA MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION :

LES DEFIS DE L’HARMONISATION

IV- 1 Au niveau de l’arsenal juridique marocain

1- Le code de la Famille

- Le mariage des mineures

- La polygamie

- Le mariage des marocaines musulmanes avec les non - musulmans

- La procédure du divorce par Khol

- La tutelle légale

- La filiation paternelle

- Le partage des biens acquis pendant le mariage

- La législation successorale - La médiation familiale

2- Le code de la Nationalité

3- Le livret de l’Etat civil

4- Le code pénal

- Art 420 L’excuse de provocation

- Art 453 La protection des femmes contre l’avortement clandestin à risques

- Art 475 De l’enlèvement et de la non représentation des mineurs

- Art 486 Le viol

- Art 488 La défloration

- Art 490 Les relations sexuelles en dehors du mariage

- Art 494 L’enlèvement de la femme mariée

- La loi cadre sur les violences de genre

2 - Les droits économiques, sociaux et culturels

2-1 Le code du travail

2-2 Le code de la fonction publique

- Les fonctions d’autorité

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- Les allocations familiales

- Le régime des pensions civiles

- Le régime des retraites

2-3 Le droit à l’éducation

2-4 Le droit à la santé

2-5 Le droit à une image valorisante dans les médias et les productions

artistiques

3- Les droits politiques

- Le code électoral

- La charte communale

IV-2 Au niveau des actions spécifiques

IV-2-1 Les stratégies complémentaires à adopter en faveur de l’égalité de genre

1- La stratégie d’information, de communication et de sensibilisation

2- La stratégie de formation, d’éducation et de diffusion de la culture de

l’égalité

3- La stratégie de conciliation vie professionnelle /vie familiale : pour une

véritable politique familiale

4- La stratégie de lutte contre les préjugés, les stéréotypes et l’image

dévalorisante des femmes dans les médias

5- La stratégie de lutte contre les violence de genre

6- La stratégie de recherches et études sur la question féminine

IV-2-2 Les mécanismes et instruments à opérationnaliser pour réaliser l’égalité

hommes - femmes

- l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toute forme de discrimination

- Le Conseil Consultatif de la Famille et de l'Enfance.

- La Délégation Interministérielle aux Droits de l'Homme

IV-2-3 Les mécanismes de renforcement de l’égalité de genre à mettre en place

- Le Ministère Chargé de la Question Féminine

- L’Observatoire de la Citoyenneté des Femmes Marocaines

CONCLUSION

Annexes

1- Texte intégral de la Constitution de 2011

2- Etude sur l’Autorité chargée de la Parité et de la Lutte contre toute forme de

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Discrimination (Doc. PDF)

3- Tableau synoptique des mesures pour la mise en œuvre de la constitution

Bibliographie consultée

Lexique

1- Présentation du pays

1-1 Situation privilégiée Avec une situation géographique privilégiée (à l’extrême Nord - Ouest du continent africain et

à 14 Km de l’Europe), bordé par l’Océan atlantique à l’ouest et la Méditerranée au Nord, la

superficie du Maroc s’étale sur 710.850 Kms. Cette situation fait du Maroc un pôle stratégique

sur les plans économique et géopolitique.

1-2 Etat de la population : une transition démographique avancée

Selon le recensement général de la population et de l’habitat, en 2004, la population

marocaine est estimée à 29,9 millions d’habitants. En 2012, elle est de 32,3 millions ; elle

était de 11,6 millions en 1960, elle a presque triplé. L’indicateur le plus important de

l’évolution démographique est sans conteste la baisse continue du taux de croissance de la

population qui passe de 2,1 % entre 1982 et 1994 à 1,4% entre 1994 et 2004. Le taux est

descendu à 1,1 % entre 2004 et 2009. Avec ce taux, la transition démographique est dans une

phase avancée.

Au niveau de la pyramide des âges, 60,7 % de la population sont âgés de 15 à 59 ans, la

population âgée de 69 ans et plus représente 8,1%, elle augmentera considérablement à partir

de 2015 - 2020.

En 2011, selon les chiffres publiés par le Haut Commissariat au Plan, le Maroc compte 16,4

millions de femmes représentant 50,8% de sa population dont 41,6% vivent en milieu rural.

Les femmes rurales sont relativement plus jeunes que leurs concitoyennes citadines comme

l’indique le HCP, qui explique cette tendance, par une fécondité plus élevée qui atteint 2,7

enfants par femme contre 1,8 pour les citadines en 2011.

Le recensement de 2004 indique que le taux d’analphabétisme est encore élevé, il est de 43 %

avec une incidence plus marquée dans le milieu rural 60,5 % et surtout au détriment des

femmes (64,4%). Selon le HCP, 58,2% des filles et des femmes rurales âgées de 10 ans et

plus étaient sans niveau d'instruction en 2011 contre 29,8% en milieu urbain et seules 0,6%

ont un niveau supérieur contre 8,7% dans les villes.

Au niveau global, la population alphabétisée représente au niveau du préscolaire et primaire

29,5 %, de la population totale, alors que la proportion au niveau secondaire atteint 22,7%

tandis que celle-ci est à peine de 5 % au niveau supérieur. .

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En 2011, 16,1% des ménages ruraux sont dirigés par des femmes contre 20,8% dans les villes,

concernant le niveau de vie, un ménage rural dirigé par une femme dépense en moyenne 37 %

moins que celui dirigé par une citadine (8.417 DH annuellement contre 13.317 DH). Cet écart

se traduit par des disparités importantes en termes de pauvreté.

Le taux d'activité des femmes rurales âgées de 15 ans et plus s'élève à 36,6 % en 2011, soit

près de deux fois celui des citadines.

Le chômage ne concerne que 2,1 % des femmes rurales qui travaillent surtout dans

l'agriculture avec un taux de 94 %, l'auto-emploi concerne 17,6 % alors que 3 femmes rurales

actives occupées sur 4 travaillent sans rémunération en tant qu'aides familiales.

En termes de mortalité, résumée par l'espérance de vie à la naissance, les femmes rurales

vivent en moyenne 6,4 années de moins que les citadines. Le recours des femmes rurales au

système de santé au cours de la grossesse ou lors de l'accouchement tend à se généraliser mais

reste encore au dessous des niveaux observés en milieu urbain, ce qui se traduit par un taux de

mortalité maternelle en 2009-2010, presque deux fois plus élevé dans les compagnes que dans

les villes (73 contre 148).

L’évolution du taux d’urbanisation est également significative, la population marocaine est

devenue en majorité urbaine à partir du début des années 90 ; le taux est passé de 42,7 % en

1982 à 51, 4 % en 1994 et à 55,1 % en 2004, en 2010 il atteint 56,8 %. Dans les projections

du Haut Commissariat au Plan (HCP), il atteindra, dans une quinzaine d’années, 65 %. Les

deux tiers de la population urbaine vivent dans les grandes villes, ce qui se traduit par une

forte demande de logement et explique le recours à l’habitat précaire (8 - 9%), caractérisé par

un déficit important en matière d’accès aux services essentiels (eau courante, électricité…), en

dépit des efforts consentis.

1-3 Les indicateurs du développement humain (DH) : des handicaps

permanents

Avec un PIB par habitant de 4900 $ en 2011, le Maroc figure parmi les pays en

développement1. Durant la dernière décennie, malgré une conjoncture économique

internationale difficile, la situation économique et sociale du pays s’est améliorée, traduisant

l’énorme effort entrepris par les pouvoirs publics pour l’amélioration des performances

économiques et la promotion du bien-être social.

En dépit de ces efforts, le Maroc occupe le 130 rang selon le rapport du développement

humain de 2011. Excepté l’espérance de vie qui a connu une évolution positive (72,2 ans en

moyenne en 2011), le Maroc demeure confronté à un taux d’analphabétisme encore élevé, qui

touche les femmes, principalement dans le milieu rural (64,4 %). Il en est de même du taux de

mortalité maternelle qui reste élevé en comparaison avec les pays à niveau socio-économique

similaire (112 décès par 100 000 naissances vivantes) et du taux de mortalité infantile qui

touche encore 40 cas sur 1000 naissances.

Le passif social de l’ajustement structurel entamé par le Maroc depuis les années 83 est

encore pesant sur une économie dont la croissance n’arrive pas à s’autonomiser par rapport au

1 L’évolution du PIB par habitant influe sur le rang du Maroc. En 2003 il est classé 136ième , en 2008 il occupait

le 148ième rang,.

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secteur agricole trop dépendant des aléas climatiques. Le taux de pauvreté : 9,6 % en 2011

(plus de 3 millions d’habitants)2 et le taux de chômage plus de 9, 9 % pour la même année,

fragilisent les efforts entrepris. Dans ce contexte, l’émigration est devenue un phénomène de

société et la propension à émigrer atteint des niveaux importants3 et touche de plus en plus les

femmes. En même temps, le Maroc, espace de transit pour des milliers de migrants

subsahariens, devient de plus en plus un lieu d’établissement4 ; ce qui pose de nombreux

problèmes relatifs à la prise en charge économique et sociale de cette population.

Un observatoire du DH a été crée en octobre 2008 pour évaluer les politiques publiques et

élaborer des indicateurs nationaux.

En effet, malgré les incertitudes liées au Printemps Arabe, le Maroc a fait preuve de résilience

en termes de croissance en 2011 – tendance qui devrait se poursuivre en 2012 et 2013 – à la

faveur notamment d’une demande intérieure robuste et d’un dynamisme continu de la

production agricole et non agricole.

Le modèle de développement adopté ces dix dernières années par le Maroc, caractérisé par

l’ouverture, la libéralisation et la conduite de réformes structurelles, a permis à l’économie de

résister en 2011, dans un contexte national et international difficile. Au Maroc, le « Printemps

arabe », avec son lot de revendications sociales et politiques, a débouché sur l’adoption d’une

nouvelle Constitution et précipité la tenue des élections législatives. Malgré les tensions

internes et une conjoncture économique dégradée en Europe, principal partenaire économique

du pays, le Maroc a enregistré un taux de croissance réel de 4.6 % en 2011. Une bonne

campagne agricole et le dynamisme de la demande intérieure ont permis d’atténuer l’effet du

recul de la demande extérieure sur l’économie nationale. En 2012 et 2013, le taux de

croissance de l’économie marocaine devrait se consolider autour de 4.5 et 4.8 %

respectivement.

Cependant, malgré les bonnes performances économiques réalisées, le pays reste en butte à

d’importants défis sociaux, parmi lesquels la persistance des inégalités, les disparités sociales

importantes et les dysfonctionnements au niveau du marché du travail qui se traduisent par un

taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes diplômés et les femmes.

Le Maroc fait face à un problème structurel de chômage des jeunes urbains diplômés. Malgré

la création annuelle de 156 000 postes d’emploi, le taux de croissance économique moyen,

enregistré ces dix dernières années, reste insuffisant pour absorber l’arrivée des nouveaux

diplômés sur le marché du travail. Pour y remédier, le gouvernement vise une croissance

économique plus forte et poursuit des politiques publiques volontaristes, afin de faciliter

l’insertion des chômeurs et stimuler l’entreprenariat. La difficulté des jeunes chômeurs à

s’insérer sur le marché de l’emploi repose principalement sur l’inadéquation entre l’offre de

formation et les besoins du marché du travail, en raison d’un système éducatif inadapté. Par

ailleurs, la plupart de ces jeunes diplômés envisagent difficilement leur avenir en dehors de la

fonction publique. Dans ce contexte, les autorités marocaines ont engagé une réforme

ambitieuse de l’enseignement supérieur pour aligner les filières de formation proposées sur

les besoins du secteur privé.

2 Selon l’indice multidimensionnel de pauvreté créé par l’université d’Oxford pour le compte des NU, il est de

28 % , autrement dit 8,9 millions de la population marocaine sont pauvres. 3 Cf. Mohamed Khachani : Les Marocains d’ailleurs Publication AMERM Rabat 2004

Rapport Emploi, migrations et Développement -BIT-. Juin 2009. 4 Cf. Mohamed Khachani : La migration subsaharienne au Maroc. Publication AMERM 2006.

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1-4 Le système politique : un processus démocratique engagé

Le système politique marocain est une monarchie à fondement religieux, qui, juste après

l’indépendance, a adopté en 1962, sa première Constitution. L’évolution du système politique,

entre 1972 et 1992, montre une grande concentration des pouvoirs entre les mains de

l’autorité royale.

C’est la constitution de 1992 qui prévoit pour la première fois la nomination des ministres sur

proposition du premier ministre. La réforme constitutionnelle de 1996 introduit le

bicamérisme du parlement : la chambre des représentants, 325 élus pour six ans au suffrage

direct, et la chambre des conseillers, 270 élus par les représentants des collectivités locales,

des organisations professionnelles et des salariés.

La constitution de 1996 a été substantiellement révisée en 2011, suite aux protestations du

mouvement du 20 Février5. Adoptée par referendum populaire le 1er juillet 2011, la nouvelle

Constitution prévoit notamment le renforcement des pouvoirs du Chef de Gouvernement et du

Parlement. Le 25 novembre 2011, le Parti de la justice et du développement (PJD) - parti

islamiste modéré - a gagné les élections législatives anticipées, en remportant 107 des

395 sièges à pourvoir (61 sièges de plus qu’en 2007). Comme stipulé dans la nouvelle

Constitution, le Roi a nommé comme chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, secrétaire

général du parti Justice et Développement, ayant remporté les élections. Celui-ci a

officiellement formé son gouvernement le 3 janvier 2012 ; un gouvernement de coalition

constitué du PJD, du parti de l'Istiqlal (PI), du Mouvement Populaire et du Parti du Progrès et

du Socialisme (PPS).

Selon l’article premier de la Constitution de 2011, le Maroc est une monarchie

constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. Le Roi est commandeur des

croyants, il veille au respect de l’Islam ; il est le garant du libre exercice des cultes (Art 41),

il est le symbole de l’unité de la Nation et Arbitre suprême entre les institutions, veille au

respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la

protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens et des

collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume (Art 42).

Le système politique et juridique repose au Maroc sur le pluralisme politique, il garantit les

libertés fondamentales et le principe de la séparation des pouvoirs. Les changements

intervenus cette dernière décennie sont significatifs de la volonté politique de s’inscrire dans

les droits humains tels qu’ils sont reconnus universellement (Préambule de la Constitution de

2011).

Mais cette volonté politique sans précédent, fait face à des disparités importantes entre les

milieux rural et urbain et entre les catégories sociales nanties et celles défavorisées. Elles sont

renforcées par la situation des femmes, qui en dépit des avancées substantielles réalisées sur le

plan juridique, politique et social, demeure confrontée, sur le terrain, à de nombreux

obstacles. L’amélioration de la situation des femmes pose, par conséquent, un certain

nombre de défis qui interpellent toutes les composantes de la société marocaine.

2- Présentation de l’étude

5 Cf. Annexe 1 Texte intégral de la constitution de 2011

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L’objet de cette étude est d’apporter un meilleur éclairage sur les avancées, les obstacles, les

défis et d’examiner les moyens de renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes au

Maroc à travers la mise en œuvre de la nouvelle constitution, qui pour la première fois,

consacre de manière solennelle les principes d’égalité et de non discrimination fondé sur le

sexe et prévoit la mise en place d’une autorité pour la parité et la lutte contre toutes les

formes de discrimination.

2-1 Les objectifs de l’étude

L’étude se fixe comme principaux objectifs :

- rendre compte de l’évolution du statut des femmes au Maroc, dans les différents

espaces,

- identifier les avancées dans les différents domaines à la lumière des conventions

internationales ratifiées et des engagements pris par le Maroc (CEDEF, Plan d’action

Pékin plus 15, Conclusions de Barcelone plus 10, Recommandations d’Istanbul et

Plan d’action de la Politique Européenne de Voisinage) ;

- évaluer l’impact des différentes actions menées par les principales composantes de la

société marocaine sur le statut des femmes dans la société ;

- analyser les obstacles qui limitent la citoyenneté des femmes ;

- permettre l’élaboration d’un plan d’action pour la mise en oeuvre des dispositions

constitutionnelles en faveur du principe de l’égalité hommes – femmes et notamment

l’article 19.

2-2 La démarche adoptée

Pour établir un diagnostic réel et fiable de la situation de l’égalité hommes – femmes dans la

société, l’approche retenue a consisté, en premier lieu :

- Dans la consultation des rapports, études, recherches et tous les documents produits par les

différentes composantes de la société marocaine sur la question des droits des femmes :

départements ministériels, société civile, partenaires (cf. Bibliographie).

- En second lieu, dans l’implication, sur la base d’un diagnostic participatif, d’un certain

nombre d’acteurs – actrices importants - es ciblés - es au niveau des départements, de la

société civile, des partenaires et des chercheurs - es.

Afin de valider cette démarche et d’impliquer le plus grand nombre d’intervenants dans le

débat et la réflexion sur la mise en œuvre de la nouvelle Constitution et notamment

l’identification des obstacles et des défis à relever, Jossour/FFM entend, à travers cette étude,

organiser un ensemble d’ateliers régionaux durant octobre - décembre 2012 afin de lancer le

plaidoyer pour la mise en œuvre de l’article 19 de la constitution.

2-3 L’approche privilégiée : l’approche égalité de genre.

L’introduction du concept genre a profondément modifié le mode selon lequel la situation

des femmes doit être analysée. Partant du fait que les rapports hommes – femmes sont

construits culturellement, politiquement, juridiquement et socialement, cet outil d’analyse et

d’action permet non seulement la compréhension de cette construction dans toutes ses

dimensions mais également la déconstruction par des actions en faveur de l’égalité hommes –

femmes, conformément à l’article 19 de la Constitution. En effet, penser l’inclusion des

femmes dans le champ social, c’est mettre à nu les rapports socialement et historiquement

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construits responsables des nombreuses inégalités entre les sexes tant dans l’espace privé que

dans l’espace public.

Dans le champ politique, champ décisionnel par excellence, où se prennent toutes les

grandes orientations qui engagent la société, l’approche genre est particulièrement exigeante

puisqu’elle oblige à décrypter les discours, à analyser les pratiques qui relèvent d’un domaine

particulièrement confisqué par les hommes.

2- 4 Les résultats attendus :

- une meilleure connaissance de l’évolution de l’égalité de genre dans la société

marocaine,

- l’identification des mesures/actions à prendre et des mécanismes à mettre en place pour

assurer une meilleure mise en œuvre de la Constitution.

- la sensibilisation des décideurs politiques et des acteurs de la société civile quant aux

obstacles identifiés, auxquels se heurte la citoyenneté des femmes ;

- l’ouverture de débats entre les différentes composantes de la société marocaine, sur les

priorités nationales pour mettre en œuvre la nouvelle Constitution et renforcer le rôle

des femmes dans les différents espaces ;

- proposer un projet de Plan d’action national de mise en oeuvre de la Constitution de

2011, conformément aux principes de l’égalité et de non discrimination clairement

exprimés dans le texte suprême et dans les dispositions de la CEDEF.

L’intérêt de cette étude et de cette réflexion, se justifie à plusieurs titres dont trois au moins

revêtent une importance particulière :

- la revendication de l’égalité interroge les exigences démocratiques qui sont à l’ordre du

jour au Maroc et qui conditionnent inévitablement les chances d’aboutissement du processus

démocratique engagé,

- elle conditionne le développement social et économique du pays

- et interpelle le respect des droits humains fondamentaux reconnus à la personne

humaine quel que soit son sexe.

Au terme de plus d’une décennie de réformes (2000-2012), il est permis d’interroger le

contexte

pour mesurer l’impact de ces réformes sur la situation des femmes,

pour analyser l’évolution de la citoyenneté des femmes au regard de la nouvelle

Constitution et des instruments internationaux ratifiés par le Maroc ;

pour comprendre les représentations des rôles des femmes et leur participation à la

prise de décision dans les espaces public et privé.

2-5 Le plan de l’étude :

Cette étude s’articule autour de quatre axes :

1er Axe : Etat des lieux de l’égalité genre au Maroc

A la lumière des actions menées par toutes les composantes de la société en faveur de l’égalité

de genre, cet axe s’attachera essentiellement à mettre en exergue la place qu’occupe la

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question de l’égalité dans les préoccupations des décideurs, des acteurs de la société civile,

des partenaires, et leur traduction dans la contribution des femmes à la prise de décision à

tous les niveaux et dans les différents espaces.

2° Axe : Analyse de la situation : avancées, obstacles et défis

Cet axe permettra, sur la base de l’analyse, d’évaluer les actions menées en faveur des

femmes, de faire ressortir les obstacles et les défis à relever. Le but de ce diagnostic est

d’identifier les priorités et les mesures à engager dans le cadre de l’élaboration d’un Plan

d’action national conformément aux dispositions de la Constitution et des engagements

internationaux du Maroc.

Certaines répétitions se justifient en raison de la problématique abordée dont le domaine est

sans doute vaste, complexe et sensible. La condition des femmes au Maroc interpelle les

politiques de développement, la responsabilité de tous les acteurs – es de la société et

forcément le double référentiel sur la base duquel les droits des femmes, particulièrement

dans l’espace privé, sont réfléchis et octroyés.

Il est nécessaire au préalable, d’interroger le contexte dans lequel évolue la question des droits

des femmes au Maroc, sur la base certes, de la philosophie des droits humains, reconnue

solennellement dans le préambule de la Constitution de 2011, mais compte tenu surtout du

rôle réel et de la place qu’elles occupent dans les différents espaces.

L’analyse du contexte marocain, particulier à bien d’égards, est indispensable pour

comprendre la nécessité aujourd’hui pour les femmes marocaines d’accéder pleinement au

statut de citoyennes à part entière.

En effet, même si les rôles des hommes et des femmes sont fortement enracinés dans les

cultures, elles ne sont pas statiques, il importe de les analyser dans leur mouvement pour

déceler les évolutions favorables à l’égalité et celles qui résistent.

Recadrer la citoyenneté dans le souci de l'égalité des sexes a des conséquences importantes

dans le champ privé et dans le champ social et conduit à dépasser le clivage public/privé en

prenant en considération les droits des femmes comme partie intégrante des droits humains

fondamentaux.. Ceci exige que les femmes bénéficient de tous les droits fondamentaux, en

jouissent et les exercent pleinement.

Axe 3 : Les fondements du principe de l’égalité hommes – femmes/ L’ambivalence du

système juridique marocain

Cet axe se focalisera sur les cadres international, régional et national pour interpeller la

responsabilité de l’Etat marocain à honorer ses engagements à l’égard des femmes. Les

différents instruments, stratégies, plans d’action, déclarations, discours et dispositions

constitutionnelles seront présentés pour appuyer la mise en œuvre de la Constitution. Cet

argumentaire mettra en exergue les fondements de l’égalité de genre dans tous les domaines et

dans les différents espaces, pour permettre, in – fine, de prendre les mesures et les actions

prioritaires.

Axe 4 : La mise en œuvre de la nouvelle constitution

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Cet axe ciblera les priorités devant appuyer l’élaboration d’un plan d’action national pour la

mise en oeuvre de la Constitution. Les différents droits expressément prévus par la nouvelle

Constitution feront l’objet de propositions concrètes, à court, moyen et long terme. Les

mesures relatives à l’élaboration de stratégies complémentaires spécifiques et la mise en place

des mécanismes nécessaires à la concrétisation de ces actions seront également proposées.

INTRODUCTION

Depuis la nuit des temps, le principe de l’égalité a fait l’objet de multiples débats, qui ont

interpellé de nombreuses disciplines, ont opposé divers courants de pensée et ont mobilisé

différents acteurs. Perçue comme idéal par les universalistes, l’égalité est, dans une logique

juridique positiviste, principe fondateur des rapports des citoyens et des citoyennes à la LOI,

expression de la volonté générale.

La consécration de l’égalité comme principe universel la place inévitablement au coeur du

débat sur la citoyenneté des femmes. C’est pourquoi, l’égalité a constitué et continue de

constituer la principale revendication du mouvement des femmes.

Mobilisée à juste titre par le mouvement des femmes pour consacrer la pleine citoyenneté des

femmes, la traduction du principe de l’égalité dans les normes juridiques a dû recourir à

différents mécanismes inscrits dans les constitutions, en tant que textes suprêmes, pour

instaurer l’égalité réelle en droits entre les hommes et les femmes :

- L’égalité devant la loi ( mécanisme inscrit dans toutes les constitutions marocaines

depuis de 1962)

- l’égalité sans discrimination fondée sur le sexe ( Constitution de 2011);

- l’égalité de résultats ;

- l’égalité de chance (Constitution de 2011);

- l’égalité en dignité humaine.

Ces mécanismes, élaborés à l’échelle mondiale, n’ont malheureusement pas porté leur fruit

et instauré, dans le DROIT et dans les pratiques quotidiennes, l’égalité réelle en droits et en

obligations entre les femmes et les hommes.

La question légitime qui se pose : pourquoi la mise en oeuvre du principe de l’égalité

constitutionnel, au profit des femmes a toujours constitué une entreprise délicate voire

difficile ?

Il est nécessaire de rappeler, dans le cadre de cette introduction, que la construction juridique

de l’égalité qui domine la majorité des systèmes juridiques nationaux et les instruments mis

en œuvre, n’a pas abouti à instaurer une véritable égalité juridique des femmes et des

hommes, parce qu’elle s’est heurtée, dans la pratique, aux constructions sociales où les

compétences sociales ont été pendant longtemps considérées comme des attributs biologiques

selon que l’on est homme ou femme. Or, être femme ou homme n’est plus interprété comme

une question biologique mais comme une question de pouvoir. Elle renvoie systématiquement

au partage de pouvoir dans les sphères privée et publique.

Ainsi, pendant longtemps, dans la majorité des systèmes juridiques, les droits reconnus aux

femmes en tant que filles, en tant qu’épouses, en tant que mères, ne sont pas des droits

subjectifs reconnus à la personne humaine, des droits propres de l’individu, mais des droits

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exercés sous tutelle ou des droits dérivés de leur condition à tel ou tel statut civil ou social (

droit social, droit familial…).

Aussi, la place que la société reconnaît aux femmes et l’image qu’elle leur renvoie sont

traduites dans le DROIT. Celui-ci les a considéré, pendant longtemps, comme des membres

passifs d’une société hiérarchisée, organisée par les hommes, et qui, en les socialisant à

travers l’éducation familiale et les valeurs inégalitaires véhiculées par le système éducatif,

consacrent leur infériorité juridique.

A cet égard, les textes juridiques mettent souvent les femmes et les enfants dans les mêmes

catégories juridiques (droit civil, droit social, droit pénal,…) et même lorsque le droit vise la

lutte contre certaines discriminations, il fait figurer le sexe parmi d’autres

classifications comme la race, la couleur, la religion, l’ethnie… il réduit, de ce fait, les

femmes au rang d’une catégorie classifiée, supplémentaire aux autres catégories.

La dualité des sexes est par conséquent occultée et oubliée et on ignore que l’accès aux droits

et les conditions d’exercice des droits sont différenciés pour les hommes et pour les femmes,

pour les filles et pour les garçons, en raison des conditions de socialisation et des rapports

sociaux de genre qui traversent toutes les sphères de la vie en société. Le sexe en tant que

composante permanente de la personne humaine - que l’on pourrait qualifier de structurelle -

a fait l’objet d’une catégorie juridique particulière lorsqu’il s’agit des femmes. On ne peut

pas se contenter d’interdire de discriminer sur le motif du sexe, pour mettre fin aux rapports

sociaux de genre, ce serait méconnaître l’importance de la division sexuelle des tâches, des

rôles, des ressources et des pouvoirs entre les hommes et les femmes, édifiée et maintenue par

la société, que de se borner à instaurer une égalité abstraite entre les sujets de droit asexués.

Au contraire, c’est à partir de la dualité biologique qu’il faut souligner l’identité sociale de la

personne humaine et son inscription particulière dans les rapports économiques, sociaux,

politiques, civils et culturels ; il faut inscrire le GENRE dans la définition du sujet de droit

et tenir compte de cette donnée, universelle et objective, pour garantir matériellement et

réellement l’égalité des femmes et des hommes, des filles et des garçons. Chaque personne

s’est vue reconnaître le droit au respect et à la dignité, pour recevoir une certaine effectivité,

dans la contextualisation des institutions juridiques, ce respect implique que soit établie une

égalité de STATUT entre les deux composantes (hommes et femmes) de l’humanité,

titulaires des droits humains fondamentaux.

Ainsi, dans la plupart des systèmes juridiques contemporains, l’égalité est purement formelle.

Elle est problématique lorsqu’on tente d’apprécier les effets des lois sur les rapports de genre

au quotidien.

C’est pourquoi, dans les multiples tentatives de réalisation concrète du principe de l’égalité,

au niveau de tous les droits, on relève bien des hésitations et des résistances qui trouvent

fondamentalement leur expression dans l’écart entre la règle de droit et la réalité concrète. Cet

écart est encore plus perceptible, au niveau de l’espace familial, par excellence culturel.

Dans l’espace familial, culturel par excellence, et lieu de socialisation primaire, la mise à

l’épreuve du principe de l’égalité n’est pas à saisir dans sa formulation théorique mais

surtout à l’appréhender dans sa mise en œuvre pratique.

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Aussi, malgré l’existence d’une dissymétrie universelle entre les hommes et les femmes,

attestée par les faits et les chiffres, la situation réelle des droits des femmes diffère d’un pays à

un autre.

Au Maroc, depuis plus de trois décennies, la « question féminine » constitue un sujet de débat

majeur et mobilise toutes les composantes de la société. Abordée d’abord sous l’angle social,

elle constitue aujourd’hui une problématique récurrente dans les discours tant des responsables

politiques à différents degrés que de la société civile. Elle est, par ailleurs, considérée par

tous les acteurs de la société comme un élément essentiel de la bonne gouvernance, un facteur-

clé du développement durable et une condition nécessaire pour la consécration démocratique.

Conscient que les femmes sont les vecteurs du changement, le Maroc s’est par conséquent

inscrit dans cette dynamique. Il a mis en place les conditions favorisant l’amélioration de la

situation des femmes dans tous les espaces où se déroule leur vie. En révisant la majorité des

textes juridiques, hérités de l’époque coloniale, en créant de nombreuses institutions, en

privilégiant de nouvelles approches pour comprendre les discriminations subies par les

femmes, dans différents espaces, en impliquant de nombreux partenaires, le Maroc a ouvert

de vastes chantiers et pris de multiples initiatives pour consacrer la citoyenneté des femmes et

instaurer l’égalité hommes – femmes dans les espaces public et privé.

Dans ce contexte, l’instauration de l’égalité hommes – femmes, concrétisée non seulement

par la jouissance de droits au niveau théorique mais par l’exercice réel des droits

fondamentaux, constitue un véritable défi. Compte tenu de la transversalité de la question

féminine et de son importance pour le développement et pour la consolidation du processus

démocratique, ce défi interpelle toutes les composantes de la société marocaine

Ce sont essentiellement les associations féminines qui ont initié plusieurs actions de plaidoyer

mais aussi de sensibilisation et de formation. Leur action a pesé indéniablement sur l’agenda

politique et la visibilisation de certaines questions comme la réforme du code du statut

personnel, la question des violences de genre ou encore la représentativité des femmes dans

les instances élues et dans les postes de décision.

L’intervention de l’Etat, sous la pression du combat mené par le mouvement des femmes, au

niveau national, régional et international, n’a acquis une visibilité importante que depuis les

années 90, elle s’est traduite, en premier lieu, par la suppression de certaines autorisations

comme celle du mari exigée pour la femme mariée pour obtenir le passeport, celle relative

à l’exercice d’une activité commerciale (Code de commerce 1913) ou encore celle concernant

la location des services ( DOC 1913).

Mais, c’est indéniablement l’ouverture politique entamée par Feu Hassan II avec le

gouvernement de l’alternance et consolidée par le Roi Mohammed VI qui a accéléré les

réformes et mis en avant la question de la citoyenneté des femmes.

La volonté d’améliorer la condition des femmes au Maroc a, par ailleurs, bénéficié d’un

contexte international et national favorable aux droits des femmes.

- Au niveau international : l’engagement du Maroc à atteindre en 2015 les OMD et

particulièrement l’OMD3, relatif à l’égalité des sexes, et à mettre en œuvre la CEDEF

constituent d’importantes opportunités pour la cause des femmes.

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- Au niveau national, les actions visant l’amélioration de la situation des femmes

bénéficient d'un environnement politique favorable. Le Maroc s’est engagé sur la voie de

la démocratisation des institutions, il a entamé le processus de réconciliation avec le

passé à travers l'action de l'Instance Equité et Réconciliation (IER), il a réorganisé le CNDH,

redynamisé Diwan Al Madalim (Instance de médiation entre l’Etat et les usagers des services

publics, réorganisée le 18 mars 2011 ), et a mis en place la Haute Autorité de la

Communication Audiovisuelle (HACA, présidée actuellement par une femme, connue pour

son engagement en faveur de la question féminine) Dans le but de renforcer également le

processus démocratique et d’instaurer la culture de la transparence, il a mis en place le Conseil

de la Concurrence (2008), l’Instance de Prévention de la Corruption (2008) et le Conseil

économique et social (2010) et a procédé à d’importantes réformes juridiques telles que

l’adoption de la loi sur les partis politiques et la législation électorale pour introduire des

mesures d’action affirmatives.

Pour promouvoir un développement durable et équitable, profitant aux franges démunies de

la population, l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH), lancée en 2005,

constitue un grand chantier de l’égalité des chances. La question féminine est au cœur de

cette initiative, qui vise la lutte contre les disparités territoriales, la pauvreté et toutes les

formes d’exclusion, le renforcement des capacités des femmes au niveau des droits humains

fondamentaux : santé, éducation, scolarisation des filles rurales, insertion économique par les

activités génératrices de revenu, participation politique …

Cette volonté politique s’est traduite au niveau des droits fondamentaux des femmes par

d’importantes réformes et l’adoption de nouvelles lois et mesures :

- L'adoption en 2002, du scrutin de liste à la proportionnelle et de la liste nationale. Sur la

base d’un accord entre les partis politiques cette liste nationale de 30 sièges est réservée aux

femmes pour assurer leur représentativité au sein de la chambre des députés.

- La réforme du Code de statut personnel (1957-1993), devenu depuis 2004, le code de la

famille.

- L’intégration de l’approche genre dans les politiques publiques à travers la mise en œuvre

du Budget sensible au genre en 2002.

- Le lancement de l’Initiative Nationale de Développement Humain en 2005 (INDH) dont la

responsabilité est confiée à la deuxième femme nommée gouverneure au Maroc.

- L’adoption de la stratégie nationale de lutte contre les violences et son plan opérationnel ;

- L’adoption en 2006 de la Stratégie Nationale pour l’Equité et l’Egalité entre les sexes par

l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes de développement.

- La réforme du code de la nationalité (1958) en 2007, permettant à l’enfant, né de père

étranger, d’acquérir la nationalité marocaine de sa mère.

- La nomination de sept femmes Ministres en 2007.

- La publication en 2007 de l’Examen Exhaustif des statistiques sensibles au genre.

- La diffusion en 2007 de la Circulaire du Premier Ministre auprès de tous les départements

ministériels les appelant à intégrer l'approche genre dans leurs politiques, plans, actions…

- L’adoption en 2009 de la liste complémentaire pour améliorer la représentativité des

femmes dans les élections communales et qui a bénéficié du fonds d’appui aux candidatures

féminines, mis en place par le ministère de l’intérieur. Cette mesure est appuyée par les

dispositions de la Charte communale relative à l’intégration de la dimension genre au niveau

local.

- Révisée de manière substantielle en 2011, la nouvelle Constitution est adoptée par

référendum le 1er juillet 2011. Elle constitue une avancée certaine sur la voie démocratique et

garantit de manière expresse l’égalité hommes- femmes, elle instaure pour la première fois

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dans l’histoire du pays, une Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes les Formes de

Discrimination. Dans le même sens, la révision de la loi sur les partis politiques et le système

électoral a suivi la révision de la constitution.

Par conséquent, les changements intervenus cette dernière décennie (2001-2011) sont

significatifs de la volonté politique de s’inscrire dans la philosophie des droits humains tels

qu’ils sont reconnus universellement (Préambule de la Constitution de 1996, réaffirmé par le

Constitution de 2011).

Ainsi, dans tous les domaines : civil, économique, politique, social, culturel, professionnel,

des progrès ont pu être enregistrés. Tous les éléments d’une nouvelle prise de conscience de

la problématique de l’égalité semblent donc se mettre en place. L'engagement pris par le

gouvernement marocain ces dernières années pour promouvoir l'égalité est par conséquent,

une réalité incontestable.

Cependant, en cette période où les discours sur le rôle et la place des femmes sont nombreux

et que la traduction du principe de l’égalité est contredit dans les faits, dans un contexte

régional où la question du droit à l’égalité est posée, il s’agit de mesurer l’impact de ces

discours et de ces actions sur les droits réels des femmes et essentiellement d’interroger la

mise en œuvre de la nouvelle Constitution en tant que texte fondamental, ayant instauré deux

principes fondamentaux : le principe de l’égalité et le principe de non discrimination basé sur

le sexe et prévu la mesure de la parité sur laquelle devrait veiller l’autorité créée à cette fin.

En effet, en dépit de la volonté politique et de l’existence de dispositions constitutionnelles

égalitaires expresses, et bien que l’autonomie juridique a pendant longtemps mobilisé le

mouvement des femmes et que des avancées importantes ont eu lieu, des disparités, à tous les

niveaux, existent entre les hommes et les femmes et des écarts subsistent encore entre les

lois et la pratique :

- Dans l’espace familial, en dépit du code de la famille, entré en vigueur en 2004, de

nombreuses discriminations subsistent alimentant de fortes résistances pour le changement

des rapports sociaux de genre,

- Dans l’espace social, les droits humains reconnus aux femmes : éducation, santé, emploi,

participation politique se heurtent à de nombreux obstacles d’ordre économique, social,

politique et culturel et confortent les stéréotypes sexistes et les violences de tout genre à

l’égard des femmes ;

- Dans l’espace professionnel, les femmes continuent de subir de nombreuses discriminations

particulièrement en ce qui concerne l’accès aux postes de décision ;

- Dans l’espace politique la représentativité est en deçà des attentes des femmes, le pouvoir

exécutif semble encore peu réceptif aux mutations de genre.

La prise de conscience d’une construction socio - politique des prétendues natures féminine et

masculine est importante pour une évolution effective et pour une mutation profonde des

rapports entre les hommes et les femmes dans tous les espaces.

C’est pourquoi, il est nécessaire, dans un premier temps de rendre compte de l’évolution de

l’égalité de genre au Maroc en soulignant les avancées pour pouvoir, dans un second temps,

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analyser la situation et identifier les obstacles et les résistances et en troisième lieu faire des

propositions concrètes conformes aux dispositions constitutionnelles.

I - EGALITE DE GENRE AU MAROC : ETAT DES LIEUX

Après des décennies d’action en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, après

l’adoption de nombreuses résolutions et conventions internationales6 ainsi que de législations

nationales allant dans ce sens, est-il possible aujourd’hui d’affirmer que les choses ont

progressé et peut-on mesurer ces progrès ? Les informations provenant de diverses sources

semblent indiquer, dans la majorité des pays, des avancées vers l’élimination de la

discrimination sexuelle dans l’accès aux différents pouvoirs.

Le Maroc s’inscrit dans cette voie et le système politique, depuis quelques années, s’inscrit

résolument dans une période de mutations profondes ayant pour objectif l’instauration d’un

Etat moderne respectueux de ses spécificités. La réalisation d’un Etat de droit s’insérait

naturellement dans ces objectifs.

C’est dans ce sens que la question de la citoyenneté des femmes au Maroc est apparue comme

une problématique importante dans les perspectives d’un développement humain répondant

aux exigences démocratiques et à l’impératif du respect des droits fondamentaux. Cette

question est visible au niveau des principaux pouvoirs et instances gouvernementales.

I-1 Présence des femmes dans les institutions nationales, régionales et locales élues

Dans le champ politique le rôle des femmes est tributaire de la volonté politique et surtout

des mesures prises pour renforcer leur place et leur représentation dans les instances élues et

dans les hautes fonctions de l’Etat.

En effet, depuis l’indépendance du pays, les Constitutions successives affirment que les

femmes et les hommes ont des droits politiques égaux.

Toutes les conférences, les conventions, les stratégies, les plans et programmes adoptés au

niveau international et auxquels le Maroc a participés et adhérés insistent sur la participation

égale à la décision politique et au renforcement de la représentation des femmes dans les

postes de décision : CEDEF, conférence de Beijing, plate forme d’action de Beijing, OMD

3…

Au Maroc, les femmes ont voté et ont été candidates dès les premières élections communales

de mai 1960.

Trois grandes périodes caractérisent la participation politique des femmes et leur élection au

parlement et aux communes :

- Avant 1993, la participation, qui est très faible, ne se fait qu’au niveau communal. L’année

1993 marque une rupture avec les pratiques anciennes puisque deux femmes entreront au

parlement, soit 0,66%.

6 Art 21 de la DUDH

Art 7 de la CEDAW

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Mais de 1993 à 2002, il n’y a pas eu d’évolution : aux élections de 1997, le taux de femmes

élues a été maintenu à 0,66%.

- L’année 2002 constitue un véritable tournant dans la question de la participation politique

des femmes.

A la faveur du processus de démocratisation engagé au Maroc et sur la base du troisième

objectif du millénaire (ODM3) « promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des

femmes » qui donne comme indicateur la proportion de sièges détenus par les femmes dans

les parlements nationaux – signe que la participation politique des femmes est perçue comme

un élément central du développement -, le champ politique au Maroc a connu, depuis 2002,

des innovations importantes dans la mesure où les partis politiques et les syndicats ont intégré

dans leur rang plus de femmes et que pour la première fois dans l’histoire du pays, 35 femmes

ont pu accéder au Parlement.

C’est l’année de l’adoption du quota consensuel sur la base d’une liste nationale réservant aux

femmes 30 sièges. 35 femmes ont été élues à la Chambre des Représentants soit 10,77% des

élus. Cette discrimination positive n’a pas profité aux femmes lors des élections communales

où le pourcentage des femmes est resté dérisoire.

Dans le classement mondial des pays, établi par l’Union interparlementaire, le Maroc est

passé de la 118ème place à la 72ème. Au niveau du monde arabe, il occupe le second rang après

la Tunisie7.

Les actions menées par les associations féminines au niveau national et international, leur

participation aux multiples conférences internationales, les débats sur le quota soutenu par de

nombreuses recherches 8 et la volonté politique d’améliorer la représentativité des femmes,

sont autant de facteurs expliquant la décision de réviser la loi organique concernant l’élection

de la Chambre des Représentants. Le scrutin uninominal à un tour fût remplacé par le scrutin

de liste à la proportionnelle. Pour les associations féminines, cela devait permettre aux femmes

d’être élues si les partis politiques les placent en tête de liste.

Les résultats ont montré une progression réelle du nombre de candidates et du nombre

d’élues : 269 femmes se sont portées candidates sur 5865 candidatures ; 47 femmes étaient en

tête des listes locales, ce qui représentait 5% des candidatures présentées, soit environ 12 fois

plus de candidates que lors des élections législatives de 1997. Avec les listes nationales, plus

de 966 candidates se sont présentées. Ainsi, 35 femmes ont été élues : 30 femmes sur les listes

nationales et 5 sur les listes locales, sur un total de 325 représentants, soit 17,5 fois plus qu’en

1997.

En même temps la désignation d’un certain nombre de femmes à différentes fonctions

exécutives est un autre progrès à signaler : en octobre 2003, lors de la deuxième rentrée

législative, une femme est nommée au poste de deuxième vice présidente et une autre

questeure parmi les trois questeurs du bureau. Les femmes sont ainsi désormais admises dans

les instances dirigeantes de la Chambre des Représentants.

7 Cf. Site www.ipu.org/wmn-f/classif.htm.

8 Malika Benradi – Houria Alami : op.cit.

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Cette évolution n’a pas été sans tergiversations. La proposition d’une liste nationale réservée

aux femmes s’est heurtée à l’argument juridique de la constitutionnalité, mais elle a fini par

être tolérée politiquement avec pour seule garantie un pacte d’honneur auquel les partis ont

adhéré.

Mais, dans la mesure où ce système « du quota » n’a pas été adopté pour les élections de la

Chambre des Conseillers et qu’aucune modification législative n’a vu le jour, le nombre des

femmes dans cette instance est restée, de nos jours, très bas.

De même, lors des dernières élections communales de 2003, le pourcentage des femmes élues

est resté très bas, soit 0,56% des élu - es communaux.

L’évolution reste donc tributaire du contexte et de la volonté politique. Cette situation a pour

conséquence l’existence d’un quota « artificiel » sans base juridique claire, puisqu’il est fondé

sur la volonté des partis politiques d’inscrire ou non 30 noms de femmes comme candidates

pour les élections de la première chambre.

Cette situation explique la vigilance du mouvement des femmes qui a fait preuve de réalisme

et de pragmatisme. Aussi, lors du débat sur la question de la participation politique des

femmes, en mars 2006, et afin de consolider la présence des femmes dans les élections

législatives de 2007, les principales propositions avaient porté sur :

la nécessité de recourir à des mesures de discrimination positive,

la nécessité d’introduire dans la Constitution, à la faveur de la révision revendiquée par

certaines formations politiques, une disposition expresse reconnaissant au législateur le droit

de recourir à des mesures de discrimination positive favorisant l’égalité hommes – femmes

dans les instances élues ;

la nécessité de défendre l’acquis de la liste nationale ;

la nécessité de défendre le mode de scrutin de listes comme le mode le plus favorable aux

femmes,

la nécessité d’élargir et de renforcer ces acquis :

- augmenter le quota des femmes sur la liste nationale ;

- consacrer le quota dans les élections communales ;

- « institutionnaliser » les mesures de discrimination positive pour engager les partis

politiques et ne pas se contenter uniquement du respect d’un pacte d’honneur ;

introduire des mesures d’incitation/sanctions financières pour garantir l’éligibilité des

femmes, et non seulement leur « candidabilité ».

Ces propositions ont permis le maintien du pourcentage lors des élections législatives de 2007

qui ont porté 7 femmes aux fonctions de ministres.

Pour ne pas reproduire les résultats des élections communales de 2003 et s’inscrire dans la

progression des élections législatives de 2007, et grâce à la campagne du tiers menée par le

mouvement des femmes, appuyée par le ministère du développement social, par les directives

du ministère de l’intérieur et par un fond d’appui aux candidatures féminines, les résultats des

élections communales du 12 juin 2009 ont permis aux femmes de remporter 12,38 % des

sièges à l’échelle nationale, 600 femmes exercent des fonctions au sein des conseils locaux et

20 sont présidentes de collectivités locales.

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Ainsi, l’adoption de mesures favorables à l’implication des femmes dans le champ politique a

pour première conséquence de transformer les visions des rôles. La présence de 35 femmes au

parlement, un univers considéré comme relevant de compétences masculines, a permis de

créer les conditions de la mixité de la représentation et de transformer les mentalités sur les

conceptions des rôles attribués aux femmes et aux hommes.

Il reste que ces avancées nécessitent d’être renforcées par la consécration juridique, car la

désaffection à l’égard du politique, en atteste à cet égard le taux de participation aux dernières

élections législatives de 2007 (moins de 30%) et communales de 2009 (moins de 55 %) risque

d’avoir des incidences importantes sur la culture de l’égalité.

L’évolution des droits des femmes au Maroc est tributaire également des évènements qui ont

secoué la région, le printemps arabe a eu un impact indéniable sur les revendications du

mouvement des femmes et a précipité de nombreuses réformes du champ politique et

notamment la révision de la Constitution en 2011.

- l’année 2011 constitue par conséquent un tournant historique dans la mesure où la

nouvelle Constitution renforce l’égalité hommes - femmes au niveau de tous les droits.

Le texte constitutionnel, adopté le 1er juillet 20119, par référendum, affirme dans son

préambule trois avancées majeures :

- l’égalité des chances,

- l’attachement aux droits humains tels qu’ils sont universellement reconnus ;

- le combat de toute discrimination en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la

culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, de l’handicap ou de quelque

circonstance personnelle que ce soit.

L’article 6 précise que les pouvoirs publics oeuvrent à la création des conditions permettant de

généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que

leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale.

L’article 19 annonce de manière expresse le principe de l’égalité « L’homme et la femme

jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social,

culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la

Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le

Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes du Royaume

et de ses lois.

L’Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes.

Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de

discrimination ».

L’article 30 affirme l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives.

La révision de la Constitution, l’adoption de nouvelles lois sur les partis politiques et le mode

électoral, et leur mise en œuvre à travers les élections législatives de novembre 2011, ont

alimenté pendant plus de trois mois un débat houleux sur la participation politique des femmes

et particulièrement sur la question des quotas à admettre, la liste nationale de 90 sièges, dont

30 sièges réservés aux jeunes, semble bien reporter l’exigence de la parité. Le taux admis a

certes permis de doubler le nombre de femmes députées mais ne répond pas à la campagne du

tiers, lancée par le mouvement des femmes, depuis 2008. En effet, la culture de l’égalité 9 BO n° 5964 du 30 juillet 2011 Site www.maroc.ma

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demeure très tributaire des chances de mise en œuvre de la Constitution et notamment de la

volonté des partis politiques.

A cet égard, la faiblesse voire l’absence des femmes de certains postes dans les instances

gouvernementales et régionales est confirmée par leur faible présence au sein des instances

dirigeantes des partis politiques, ce n’est qu’en 2012, que la première femme, secrétaire

générale, d’un parti politique, fut élue par le PSU.

I-2 Présence des femmes dans le gouvernement

- C’est en 1997, plus de 40 ans après l’indépendance du pays, que pour la première fois,

quatre femmes sont nommées par Feu le Roi Hassan II, Sous - Secrétaires d’Etat dans un

gouvernement de trente membres. A partir de cette date, les femmes seront représentées dans

toutes les équipes gouvernementales qui se sont succédées. Cette date marque un tournant

dans l’intégration des femmes dans le pouvoir exécutif.

- En 1998, deux femmes sont nommées par le gouvernement d’alternance Sous - Secrétaires

d’Etat, l’une en charge de la Coopération auprès du Ministère des Affaires Etrangères, l’autre

responsable des Personnes Handicapées.

- Au niveau des hautes fonctions, en 1998, fût nommée la première femme directrice générale

de la Bourse des valeurs, elle occupe également le poste de directrice de l’Office National du

Tourisme.

- Le remaniement de septembre 2000 désignera la première femme ministre dans l’histoire du

Maroc. Dans ce gouvernement, ce sera le seul ministère dirigé par une femme. En outre, ce

ministère avait pour charge la « condition féminine, l’enfance et les personnes handicapées »,

ce qui englobe des compétences qui relèvent du social.

- Enfin, les nominations de trois femmes au gouvernement en octobre 2002 confirment les

nouvelles orientations. Mais les départements ministériels attribués, «Famille », « Marocains

Résidant à l’Extérieur », « Alphabétisme et Education Non Formelle », ne s’écartent pas du

secteur social.

Le ministère de la condition féminine est supprimé et remplacé par un Secrétariat d’Etat à la

Famille.

Le début des années 2000 marque un tournant : le nombre de femmes qui occupent les postes

de décision politique s’est accru dans tous les secteurs. Les femmes ont investi tous les

champs : politique, économique, social et culturel. Elles sont ministres, ambassadeures,

cheffes d’entreprises…Elles sont aussi représentées dans le champ religieux, elles font partie

du Conseil des Oulémas depuis le 30 avril 2004. En mars 2009, d’autres femmes y sont

nommées.

Sur haute décision royale, elles peuvent accéder au cycle des agents d’autorité de l’école des

cadres de Kenitra qui était fermée aux femmes, de ce fait, elles sont nommées dans les

fonctions d’autorité : caïd, gouverneur, commissaire…

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En 2004, après le remaniement ministériel, seules 2 femmes resteront au gouvernement.

En 2007, juste après les élections législatives, 7 femmes sont nommées ministres, un

pourcentage qui fait honneur au Maroc au niveau international. Les portes feuilles sont pour

la première diversifiés et ne cantonnent pas les femmes dans le social.

En 2011, le gouvernement ne compte qu’une seule femme, il confirme les résistances des

partis politiques à la mixité gouvernementale.

La nominations aux hautes fonctions publiques demeure également limité

Au niveau de la représentation diplomatique, le taux s’est nettement amélioré, 10 femmes sont

nommées ambassadeures sur 84 hommes ambassadeurs et plusieurs sont consules, sur 28

ambassadeurs nommés par le ROI en décembre 2012, figure une seule femme.

Au niveau des emplois dans la Haute Fonction Publique, la représentativité des femmes

occupant des postes de responsabilité s’améliore mais demeure faible. Une seule femme est

conseillère du Roi, aucune femme n’est wali et la première femme à avoir accédé au rang de

gouverneure est la directrice de l’Agence urbaine de Casablanca, la seconde femme

gouverneure est en charge de l’INDH au ministère de l’intérieur, la troisième femme

gouverneure est nommée au sein du Ministère de l’Intérieur, en charge de la formation des

cadres. En 2012, dans le cadre des nouvelles nominations des gouverneurs, seule une femme

fût nommée à ce poste, elle est en charge de la province de Mohammedia. Pour les autres

catégories d’agent d’autorité, en 2008, 19 femmes sont nommées Caïd.

Le bilan de la décennie 2001-2011 permet de constater une évolution réelle de la

représentation des femmes aux postes de décision mais également les limites de cette

progression.

C’est au niveau de la Haute Fonction Publique, emplois qui relèvent de la décision du

Gouvernement tels ceux de conseiller- ère, Walis, Président - e d'établissements publics que la

représentativité des femmes dans la haute fonction publique est particulièrement faible.

L’article 31 de la nouvelle Constitution semble rompre avec la logique de la parité, annoncée

par l’article 19, puisqu’il retient le mérite comme seul critère pour l’accès aux fonctions

publiques, « L’Etat, les établissement publics et les collectivités territoriales oeuvrent à la

mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des

citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits (….) : accès aux fonctions

publiques selon le mérite ».

I- 3 Présence des femmes dans la fonction publique et accès aux postes de responsabilité

L’accès à la fonction publique est ouvert aux hommes et aux femmes depuis l’année 1958,

l’article premier du Statut Général de la Fonction Publique de 1958 précise que : « Tout

marocain a droit d’accéder dans les conditions d’égalité aux emplois publics. Sous réserve des

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dispositions qu’il prévoit ou résultant de statuts particuliers, aucune distinction n’est faite

entre les deux sexes pour l’application du présent statut ».

Cette disposition est confirmée de manière solennelle, par la Constitution de 1962 et réitérée

par toutes les autres constitutions, de 1970 – 1972 – 1992 - 1996 et 2011.

Comparativement à l’ensemble des salariés, les femmes dans la fonction publique jouissent de

droits étendus. Le Statut Général de la Fonction Publique aménage certaines conditions

particulières en faveur des femmes. L’accès aux emplois et aux responsabilités est reconnu à

tous les fonctionnaires de l’Etat sans discrimination fondée sur le sexe. Les discriminations

que l’on peut constater et observer en pratique, notamment dans l’accès aux postes de

responsabilité et dans les fonctions d’autorité sont donc, pour l’essentiel de pur fait, sans

aucun fondement juridique.

Seulement, la neutralité du droit d’accéder aux emplois publics et aux postes de responsabilité

semble piéger, dans la pratique, les femmes, dans la mesure où ce droit ne s’est pas

accompagné de mesures concrètes, réellement favorables aux femmes. C’est ainsi qu’au

niveau décisionnel, les femmes sont pendant longtemps restées absentes des postes de la

haute fonction publique.

Selon le dernier bilan social des fonctionnaires et agents civils de l’Administration de l’Etat et

des Collectivités Locales, élaboré par le MMSP pour l’année 2009, l’effectif total des

fonctionnaires civils de l’Etat s’élève à 486.6 16 avec un taux de féminisation de 34%. En 10 ans, ce

taux a évolué de moins de quatre points.

Dans les différents départements ministériels où la proportion moyenne du personnel féminin est

de 37,5%, certains se démarquent des autres avec parfois, un personnel féminin supérieur au

personnel masculin. C’est le cas des départements de la Santé (53,8%) et du Développement Social

(52,7%). En revanche, ce taux est respectivement moins de 4% et un peu plus de 6% à la Direction

Générale de la Protection Civile et à la Direction Générale de la Sûreté Nationale.

Les femmes cadres représentent à elles seules 56,32% du total des femmes fonctionnaires. Le

personnel féminin avec un niveau de maîtrise constitue environ 31% alors qu’ il ne représente

que 13% pour le niveau “exécution”. Entre 2001 et 2009, la présence des femmes cadres dans la

fonction publique a progressé de près de 6%. Toutefois, il est important de souligner que la

proportion des femmes cadres supérieurs dans le total des femmes fonctionnaires est plus

importante au niveau des services régionaux (58%) qu’au niveau des services centraux (44%).

La proportion des femmes est importante au niveau des services centraux. Elle s’élève à

39,3% contre 33,9 % au niveau déconcentré. La région du Grand - Casablanca est la plus

féminisée, juste devant Rabat- Salé, Zemmour - Zaër (40,65%) et Doukkala - Abda (3 8,89%).

Toutefois, ce taux demeure faible au niveau des régions de Guelmim-Smara (21,9%) et

Boujdour-Sakia El Hamra (19,8%).

L'accès des femmes fonctionnaires aux postes de responsabilité est réduit par rapport aux

hommes, soulignant que ce taux a enregistré une évolution soutenue en passant de 10% en

2001 à 15% en 2009. Les régions les plus concernées par ce phénomène sont le Grand

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Casablanca avec 40,77%, Rabat-Salé-Zemmour-Zaërs (40,65%) et Doukkala Abda (38,89%).

C’est en milieu rural où ce taux est le plus bas avec une représentativité de 10,6%.

Dans l’administration centrale, seules 7,41% de femmes ont occupé en 2009 un poste de

secrétaire général. A noter que près de 90% des femmes responsables occupent le poste de chef

de service et de chef de division avec respectivement un taux de féminisation dans ces postes de

17,79% et de 10,59%, soit seulement 5 et 4 points de plus entre 2001 et 2009.

Au niveau de l’encadrement dans la Fonction publique, les taux de femmes cadres occupant

des postes de décision aux échelons supérieurs de l’Administration Centrale sont variables

selon les différentes administrations étatiques et globalement faibles, en 2010, elles sont 18

femmes directrices sur 189 postes de ce niveau10.

Tableau 5 : Répartition des postes de responsabilité par genre

Femmes Hommes

Total

Pourcenta

ge Administration centrale

Secrétaire Général 2 5 2 2 7 7,41% Directeur Général 0 3 3 0,00% inspecteur Général 2 19 21 9,52% Directeur 40 234 274 14,60% Chef de division 177 1495 1672 10,59% Chef de service 751 3471 4222 17,79% Administration déconcentrée

Directeur régional et provincial 2 117 119 1,68% Délégué 9 6 8 9 5 9,47%

Ambassadeur 10 84 6 7 5 12,00% Consul et Consul Général 3 9 4 5 2 5,77% Total 994 5565 6559 15,15%

Source dépliant MMSP/2009

Au niveau de la féminisation des postes de responsabilité statutaires et assimilés, une

légère hausse a été enregistrée. Le taux de féminisation du poste de chef de service est

passé de 12,69% en 2001 à 16 % en 2006 et à 17,79 % en 2009, alors que le taux de

féminisation du poste de chef de division est passé de 6,56% en 2001 à 10% en 2006 et à

10,59 % en 2009.

S’agissant de l’accès aux postes de responsabilité, le pourcentage des femmes est passé de

17,3% en 2001 à 20% en 2007 avant de baisser à 18% en 201111.

Même lorsqu’elles ont les mêmes diplômes et les mêmes qualifications que les hommes, les

perspectives de participation au plus haut niveau de l’Etat sont, en effet, bloquées par le

plafond de verre, malgré une nouvelle dynamique favorable à l’inclusion des femmes dans

les postes de décision.

De nombreuses discriminations, verticale et horizontale, freinent les carrières des femmes.

10 MEMOMAP, le guide des décisionnaires, 6ème édition 2005-2006, Agence Maghreb Presse. 11 Cf. Statistiques publiées par le Ministère de la Fonction Publique et la Modernisation de l’Administration

2012.

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Des proportions faibles caractérisent les ministères réputés masculins comme les ministères

de l’Intérieur, de la Défense Nationale, la Protection Civile, la Direction de la Sûreté

Nationale, des Affaires Islamiques… Des taux de participation à la prise de décision assez bas

sont également enregistrés dans des secteurs scientifiques, techniques et économiques

(ministère des Finances et de l’Economie, du Commerce…).

Les femmes sont plus nombreuses dans les ministères dont les compétences recouvrent des

domaines d’activité traditionnellement considérés comme féminins comme l’Education et la

Santé. Mais là encore, au niveau le plus élevé, le nombre des femmes reste faible. C’est le cas

au Ministère de l’Education Nationale où seules deux femmes sont directrices d’académie sur

16 hommes, 11 sont déléguées sur 83 et 24 sont directrices de lycée sur 667, au titre de

l’exercice 2011. Pour l’enseignement supérieur, une femme est nommée présidente

d’université de 2002 à 2010, en 2011 aucune femme n’a pu prétendre à ce poste au niveau de

16 universités que compte le Maroc, le nombre de femmes doyennes des facultés demeure

dérisoire par rapport aux nominations masculines.

Il en est de même du Ministère de la Santé où les femmes constituent 53,8 % du personnel

mais n’occupent aucun poste de directeur régional (16 directeurs régionaux sont des hommes)

et occupent 7 postes de délégués sur 79 en 201112.

En dépit de la féminisation de la fonction publique 26% (administrations publiques et

collectivités locales), l’accès aux postes de responsabilité demeure limité. Ces différences

dans l’accès à la responsabilité ont des conséquences dans la mesure où les hommes sont plus

nombreux que les femmes à occuper des postes de responsabilité, ce qui leur permet d’influer

sur les politiques.

Ainsi, dans les hautes fonctions administratives, l’évolution permet de constater quelques

signes de changement. Les femmes ont investi des professions qui leur étaient difficilement

accessibles, il y a une décennie, mais elles ont de grandes difficultés à dépasser certaines

limites car, arrivées à un certain niveau de responsabilité, elles se trouvent face à des

résistances qui leur barrent l’accès aux hauts postes décisionnels.

Le développement de la carrière est également entravé par les responsabilités familiales

(travaux domestiques, éducation des enfants, prise en charge des personnes âgées, malades

et/ou handicapées…) et par le manque d’implication des hommes dans la gestion de l’espace

privé. L'absence d'infrastructures sociales de garde et de soins permettant une meilleure

conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle constitue un obstacle à l'expansion

de l'emploi féminin et à l'amélioration des conditions de travail et de vie des femmes.

I- 4 Présence des femmes dans le pouvoir judiciaire

La présence des femmes au niveau du pouvoir judiciaire s’améliore, elles constituent 20 %

du corps des magistrats (705 femmes juges sur plus de 3403 magistrats en 2011), bien qu’au

niveau décisionnel elle demeure encore faible : une femme est en charge de la direction des

études, de la coopération et de la modernisation, une femme est première présidente de la cour

d’appel de Marrakech, une est conseillère du ministre, une est première présidente près de la

cour d’appel de commerce, 50 femmes sont présidentes de chambre à la cour suprême, 2

femmes sont présidentes des tribunaux de première instance et trois sont procureures du Roi 12 Cf. Tableau nominatif des délégués du ministère de la santé – 2011.

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auprès des tribunaux de commerce, une femme est présidente de la cour des comptes au

niveau régional. Cependant, aucune femme n’assure les fonctions de procureur général.

La nomination des femmes juges aux postes de responsabilité est perçu comme une garantie

de l’indépendance du pouvoir judiciaire et comme un rempart aux pratiques de corruption, Feu

Hassan II avait accueilli une promotion de juges par ces mots : « plus il y aura de femmes

parmi vous, moins il y aura de corruption… ».

Au niveau du ministère de la justice, en octobre 2011, les femmes constituent 47,11 % du

personnel, elles occupent 32,73 % des postes de responsabilité dans les différentes directions

du ministère.

Ainsi, en dépit du rôle de plus en plus important joué par les femmes dans l’espace public,

reconnu par l’ensemble de la société et soutenue par une réelle volonté politique, les femmes

demeurent faiblement représentées dans les hautes fonctions et dans les postes de décision des

trois pouvoirs.

I- 5 Présence des femmes dans les instances à caractère consultatif

Dans de nombreuses instances la présence des femmes est plutôt symbolique :

- Le Conseil Constitutionnel : une femme sur 12 membres hommes.

- Le Conseil Supérieur de la Magistrature : ne compte aucune femme.

- Le Conseil Supérieur de la Fonction Publique : le taux de féminisation au niveau du

conseil supérieur de la fonction publique s’élève à 14,58%. Ce taux est de 12,5% pour les

représentants de l’administration et de 16,66% pour les représentants du personnel. Concernant

les commissions paritaires, les femmes représentent 14,95% de l’ensemble des membres.

Tout récemment, les institutions créées ont intégré, dans leur composition, un nombre limité

de femmes :

- Le CNDH : 13 femmes dont 5 nommées par le ROI, sur 45 hommes.

- Le CES : 6 femmes sur 99 hommes, nommé- es par le Roi.

- La HACA : sur 8 membres 2 femmes dont une est nommée par le Roi et la deuxième par le

président de la chambre des conseillers.

- L’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la

Corruption - art 167 de la nouvelle Constitution ( ex. Instance Centrale de Prévention

de la Corruption /ICPC) compte 9 femmes sur 35 au niveau de l’Assemblée plénière.

- Au Conseil de la Concurrence aucune femme n’est membre (12 membres hommes)

Ces dernières initiatives s’inscrivent dans la volonté d’inclure de plus en plus les femmes dans

la construction démocratique du pays, seulement elle n’a pas répondu aux attentes du

mouvement des femmes et à l’idéal paritaire, tel que expressément annoncé par la nouvelle

Constitution de 2011, dans son article 19.

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- La commission de révision du code du statut personnel : mise en place par le discours

royal du 27 avril 2001, elle est composée de Oulémas et de juristes au nombre de 16 dont

trois femmes, de tendance moderniste, y ont siégé pour la première fois.

- La commission consultative sur la régionalisation : mise en place en 2010, elle comprend

3 femmes sur 22 membres. Elle préconise six mesures en faveur des femmes :

- l’action affirmative en faveur d’une plus large participation des femmes à la gestion des

affaires régionales et locales est renforcée par une disposition constitutionnelle autorisant le

législateur à favoriser l’égal accès des femmes et les hommes aux fonctions électives.

- Des modes de scrutin et des incitations appropriés sont adoptés pour garantir l’accès des

femmes au tiers des fonctions électives et aux bureaux et autres instances des conseils des

collectivités territoriales, conformément aux objectifs de développement du millénaire.

- L’intégration systématique de l’approche genre dans la conception, la mise en œuvre, le

suivi et l’évaluation des politiques, des stratégies et de la gouvernance au niveau régional,

préfectoral et provincial.

- Chaque conseil régional est tenue de mettre en place une commission d’équité genre,

composée de personnalités compétentes des deux sexes. Cette commission consultative

auprès du conseil pourra s’auto saisir de toute question relevant de son mandat en vue de

promouvoir l’égalité hommes – femmes au niveau régional.

- Les partis politiques sont encouragés, notamment à travers le financement public, à

favoriser, dans leurs structures régionales, la participation politique des femmes et leur accès

aux responsabilités électives et de gestion.

- La commission consultative de révision de la Constitution : mise en place suite aux

évènements qui ont secoué le Maghreb et le Moyen Orient, début 2011, elle comprend 5

femmes sur 18 hommes, représentant les diverses tendances idéologiques avec une

prédominance du courant moderniste.

- La haute instance nationale de dialogue sur la réforme du système judiciaire : compte 8

femmes sur 40 membres nommés par le Roi, elle est instaurée en mai 2012. Cette instance est

appelée à reconsidérer le système judiciaire dans tous ses aspects législatif, réglementaire et

procédural dans le but de répondre aux principes de l’indépendance, de la transparence et de

la proximité aux justiciables.

Au vu de cet état des lieux, la citoyenneté des femmes au Maroc a connu des avancées

indéniables, seulement, au regard de la nouvelle Constitution, du principe d’égalité, des

engagements internationaux pris par le Maroc et des revendications du mouvement des

femmes, la citoyenneté des femmes se heurte encore à de nombreux obstacles et

d’importantes discriminations persistent, aussi bien dans l’arsenal juridique marocain qu’au

niveau des politiques publiques et des pratiques quotidiennes.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Constitution, il est nécessaire de procéder à l’analyse

de la situation en interrogeant les différents droits reconnus aux femmes aussi bien dans

l’espace privé que dans l’espace public.

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33

II- EGALITE DE GENRE : AVANCEES, OBSTACLES ET DEFIS

Lancé depuis longtemps, le débat sur la question des droits des femmes s’est focalisé d’abord

sur le statut juridique des femmes marocaines au sein de la famille. Le nouveau code de la

famille, entré en vigueur en février 2004, malgré les difficultés relatives à sa mise en œuvre,

ouvre une nouvelle ère dans la citoyenneté des femmes marocaines. Cette avancée est le fruit

d’un long combat mené, depuis près d’un demi – siècle, par le mouvement des femmes. Les

représentations ont-elles pour autant changé ?

En effet, l’observation montre que la valeur clé des représentations de la place des femmes

chez les décideurs politiques modernistes, se construit sur le principe de l’égalité. C’est à

partir de ce principe que l’ordre patriarcal est remis en cause. L’analyse des éléments

constitutifs du discours moderniste et des actions menées, révèle un système de valeurs clair :

la personne est sujet de droit, elle jouit et exerce les droits humains fondamentaux, reconnus à

la personne humaine, en dehors du joug de la tutelle patriarcale.

Conscient du fait que l’ordre patriarcal constitue un fondement de la société marocaine, le

département du développement social de la femme, de la famille et de la solidarité et ses

multiples partenaires se sont engagés jusqu’à janvier 2012 dans une stratégie de changement

social sous une triple exigence :

- le développement humain durable,

- la démocratie,

- et le respect des droits humains fondamentaux qui ne peut exclure la moitié de la

population, constituée par les femmes.

Pour une efficacité optimale de ce projet de société, le double référentiel est mobilisé, dans le

sens de la compatibilité entre l’universel et le spécifique.

L’analyse de la situation montre le souci de répondre à trois objectifs ;

- améliorer la condition des femmes à partir du référentiel religieux,

- démontrer qu’il y a compatibilité entre les finalités du référentiel religieux et le

référentiel universel;

- lier la lecture des textes au contexte et à son évolution et également aux finalités de la

Chariaa.

Ce débat n’est pas clos, il fût relancé en 2008, lors de l’annonce par le souverain, à l’occasion

de la commémoration du soixantenaire de la DUDH, de la levée des réserves que le Maroc a

émises en 1993 sur la CEDEF, qui touchent particulièrement le droit de la famille, il est

réitéré en 2011, par les tendances conservatrices13, lorsque le Maroc a officialisé la levée des

réserves .

Ainsi, le double référentiel est un constat, il est affirmé dans toutes les déclarations

gouvernementales. Le référent religieux domine les relations familiales, alors que le référent

universel imprègne les rapports dans l’espace public. De ce fait, le référent religieux dans sa

lecture actuelle – restrictive dans certains domaines - doit être mobilisé à travers la voie de

l’Ijtihad pour améliorer le statut des femmes et renforcer leur rôle dans la société sur la base

des finalités de la Charia et des valeurs universelles.

13 Cf. Déclaration de Bassima El Hakkaoui en juin 2011.

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II-1 L’égalité de genre dans l’espace privé

La réforme du CSP, appelé communément MOUDAWANA, intervenue en 2004, a permis

d’améliorer de manière significative le statut juridique des femmes et d’ouvrir de nouvelles

perspectives de changement de leur condition au sein de la famille.

Les avancées sont certes réelles lorsqu’on analyse les nouvelles dispositions du code de la

famille mais le texte connaît des limites, contient des contradictions et consacre encore des

inégalités, en contradiction flagrante avec le principe de l’égalité et la philosophie des droits

humains qui ont inspiré ce code et qui sont expressément énoncés par la nouvelle

Constitution de 2011.

Ainsi, 8 ans après sa mise en oeuvre, les études menées sur la pratique judiciaire concluent

toutes, qu’il reste beaucoup à faire pour garantir l’effectivité des dispositions du nouveau

code, reconnaître l’égalité réelle des époux dans la responsabilité de la famille et consacrer le

respect des droits humains des femmes14.

Le constat montre qu’il existe un décalage considérable entre la norme juridique et

l’application du droit. Les bilans réalisés permettent de faire six constats :

- Le Maroc s’est engagé dans un processus irréversible de réformes, particulièrement en

ce qui concerne les droits des femmes.

- Les résistances au changement dans l’espace privé sont fortes, notamment pour les

femmes dont le capital social est pauvre.

- Ces résistances au changement se traduisent par des attitudes et des

comportements visibles au niveau de la famille, de la société et même au niveau de

certaines institutions, telle que l’institution judiciaire.

- Les dispositions du nouveau code de la famille ne sont pas connues par l’ensemble de

la société et particulièrement par les femmes analphabètes et par les femmes du milieu

rural.

- Le principe de l’égalité ne traverse pas toutes les dispositions du code de la famille.

En dépit du rôle joué de plus en plus par les femmes dans l’espace privé, de nombreuses

dispositions du code, manquent de précision et accordent un pouvoir exorbitant

d’appréciation au juge, ce qui interpelle la formation et l’engagement des juges dans le

changement.

1- Evolution du pouvoir au sein de la famille

1-1 Le rôle des femmes dans la nouvelle structure familiale : la famille élargie

cède le pas, de plus en plus, à la famille conjugale

Il y a quelques décennies, la famille patriarcale était l’unité de base qui caractérisait la société

marocaine comme c’était le cas pour d’autres pays méditerranéens. Les relations entre les

14 Cf. Malika Benradi : 8ans d’application du code de la famille : quels changements ? Intervention Ecole Eté

Juillet 2012.

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sexes étaient marquées, le plus souvent, par une subordination des femmes aux hommes et une

séparation entre l’espace public masculin et l’espace privé féminin.

Sous l’effet de la scolarisation des femmes et notamment leur entrée dans le marché de

l’emploi et leur contribution à la gestion financière du foyer, les comportements familiaux ont

changé, ils se sont accompagnés, sur le plan de l’habitat, d’un passage de la grande maison au

petit logement et de la famille élargie à la famille nucléaire, particulièrement en milieu urbain ;

dans les grandes villes du Royaume.

Ces facteurs ont contribué à changer les structures familiales et à améliorer progressivement la

position des femmes au sein de la famille et de la société, d’autres rôles que ceux d’épouses et

de mères commencent à leur être reconnus.

Il est vrai que le modèle familial où l’homme seul travaille et la femme reste au foyer, est

progressivement remplacé par un modèle, où, dans beaucoup de cas, les deux conjoints sont

actifs en dehors du foyer. Bien que la participation des femmes dans la vie active reste

éloignée de celle du sexe masculin, les statistiques montrent qu’elle s’est accrue, le taux est

passé de 13% à 23 % entre 1994 et 2000, et de 25 % à 28 % entre 2000 – 2011. Il est par

ailleurs le plus élevé dans la région MENA.

Cependant, cette participation accrue dans la vie active ne semble pas avoir entraîné une

nouvelle division des tâches domestiques entre époux. Au contraire, les hommes continuent à

maintenir la plupart des pouvoirs économiques et à contrôler les processus de prise de

décisions au sein du ménage. Les études qui permettent de vérifier cette hypothèse sont rares.

Cependant, selon les résultats de quelques enquêtes qualitatives15, les rapports d’obéissance de

l’épouse à son mari ne sont point, dans l’ensemble, démarqués de ceux qui prévalaient au sein

de la famille étendue. De même, le travail domestique reste, généralement, perçu comme une

activité essentiellement féminine. Les revenus des épouses sont souvent considérés comme un

simple appoint au revenu des époux. En somme, le mari reste, en général, le chef du foyer,

celui qui prend les grandes décisions relatives à la famille.

La proportion des femmes qui dirigent un ménage est importante, particulièrement dans les

villes. Dans ces milieux, elle atteint 22,5%. En milieu rural, le poids des femmes cheffes de

ménage, bien qu’encore faible, il atteint 10,3%. Cet écart entre les deux milieux s’explique

d’une part, par la nature même des familles dans les deux milieux (par exemple, 71,6% des

ménages ruraux comportent trois générations ou plus contre 57,1% en milieu urbain) et d’autre

part, par une émancipation plus poussée des femmes citadines16.

Ceci montre la permanence de certaines représentations que l’enquête nationale sur la famille

en 1995 a souligné et qui est confirmée par les enquêtes qualitatives : ce sont d’abord les

hommes qui sont responsables du point de vue de la culture dominante, de pourvoir aux

besoins économiques du ménage, à travers un emploi rémunéré ; les femmes devront surtout

assumer une fonction de procréation et d’éducation des enfants.

Cependant, durant la dernière décennie (2001-2011), d’importantes transformations socio -

démographiques se sont produites:

15 Les perceptions et représentations des Africains et des Africaines de l’égalité hommes – femmes - Enquête

AFARD Maroc. Publication Dar AL Kalam Rabat - 2007. 16 Les perceptions … op. cit.

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Les femmes marocaines deviennent mères de plus en plus tard et font de moins en moins

d’enfants.

Les résultats sont significatifs de l’évolution :

La population du Maroc ne croît plus au même rythme, mais elle vieillit. La cellule familiale

se rapproche progressivement de celle des occidentaux. L’Indice Synthétique de Fécondité

(ISF) poursuit sa baisse enclenchée depuis le début des années 1980 en passant de 5,9 enfants

par femme à 2,5 en 2003-2004 pour baisser d’avantage à 2,2 enfants par femme en 2009-201043.

Cette évolution s’est accompagnée par un rattrapage des comportements féconds entre milieu

urbain et milieu rural. En milieu urbain, cet indice a atteint en 2009-20 10 un niveau de 1,84 qui

est en dessous du seuil de remplacement des générations alors qu’en milieu rural celui-ci avoisine

2,7 enfants par femme.

Quant au taux de prévalence contraceptive, il a connu une hausse importante passant de 19%

en 1980 à 65% en 2011 avec des niveaux plus élevés en milieu urbain (65,5% contre 59,7%, en

milieu rural).

On constate également que l’âge moyen au premier mariage a considérablement augmenté -

27 ans pour les femmes et 31 pour les hommes. - et les écarts d’âge entre époux se sont

particulièrement réduits.

Les mutations démographiques sont indéniablement importantes mais ont-elles remis en

cause la suprématie du conjoint dans la famille ? Les femmes ont-elles aujourd’hui plus de

pouvoir dans la famille que leurs mères ? Comment se prennent les décisions dans la famille

marocaine ? Est-ce que l’on s’achemine vers un partage des décisions dans le couple – affirmé

expressément par le code de la famille de 2004- ou est-ce que l’on continue de reconnaître le

pouvoir de décision aux hommes seulement ? La réalité sociale transformant les rôles sociaux

se traduit-elle par une prise de pouvoir ou perpétue-t-elle la domination des femmes ?

Ces questions interrogent les pratiques et commencent d’abord par l’union conjugale, les

femmes y rentrent –elles par leur propre consentement, en choisissant leur conjoint ou sont-

elles encore forcées et contraintes par leur famille au mariage à un âge précoce ?

Ces questions sont importantes parce qu’elles touchent à la démocratisation de la vie familiale.

1- 2 Le rôle des conjoints dans la prise de décision familiale

Il ressort de la pratique quotidienne, confirmée par certains travaux menés sur la question17,

que les décisions importantes sont prises par l’homme, dans la majorité des cas (60,7%) mais

aussi par l’homme et la femme ensemble dans 31,9% des cas et plus rarement par la femme

seule. La décision unilatérale de l’homme en tant que chef de famille reste prédominante dans

la pratique.

1-3 L’apport des époux au budget familial

17 Op.cit (AFARD Maroc 2007).

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Autant que le partage des tâches domestiques ou la prise de décision, la gestion du budget

dans le ménage, est un indicateur du fonctionnement démocratique et égalitaire du groupe

familial. Le travail et le salaire permettent aux femmes d’accéder à l’autonomie. Ils constituent

des atouts qui leur permettent de disposer d’un certain pouvoir, d’améliorer leur statut au sein

de la famille, de négocier des rapports plus égalitaires dans le couple.

La gestion commune est généralement interprétée comme une égalité des apports économiques

des conjoints ou le signe d’une bonne communication conjugale. Inversement la gestion

séparée est soit un indicateur d’une volonté d’autonomie soit un signe de méfiance.

Il ressort des enquêtes sociologiques menées 18 que l’on assiste sur ce plan à une certaine

évolution, on relève que la formule prédominante chez les couples citadins salariés, est les

comptes séparés. Ce changement dénote que, dans de nombreux couples, les biens sont mis en

commun et gérés également en commun dans une relation qui se voudrait égalitaire. Egalité

par choix mais probablement aussi égalité par contrainte du fait que les femmes sont de plus

en plus nombreuses à travailler et à partager les dépenses pour améliorer le niveau de vie de la

famille ou pour assurer sa survie.

1-4 Le partage des tâches domestiques dans le couple : le poids de la construction

sociale des rapports de genre

C’est la question qui soulève le plus de résistances, non seulement de la part des hommes

mais également de la part des femmes. Ce qui explique l’importance de la socialisation.

Il ressort de l’enquête réalisée au Maroc sur les perceptions des Africains et des Africaines de

l’égalité hommes – femmes que 71,14% des personnes interrogées acceptent l’idée du partage

des tâches du foyer dans un couple où les deux travaillent. Cependant l’écart qui existe entre

les femmes et les hommes est de pratiquement 13% : 41,59% de femmes et 28,90%

d’hommes.

Il semblerait que les femmes admettent plus facilement l’idée de partager les tâches du foyer, à

condition que les deux conjoints aient une activité professionnelle.

On peut noter une évolution certaine dans les mentalités des hommes et des femmes, puisque

l’écart n’est que de 13%.

Cependant, si les femmes adhèrent davantage que les hommes à la division des tâches, les

deux sexes sont relativement attachés aux rôles sociaux classiques qui caractérisent le clivage

espace privé/public, l’espace privé continuant à être perçu comme celui des femmes même

lorsqu’elles exercent une activité professionnelle.

Il est cependant nécessaire d’expliquer les réticences des femmes à partager les tâches du

foyer avec les hommes. Elles semblent considérer que c’est leur domaine de compétence et en

refusent l’accès aux hommes, parce qu’elles vivent l’espace privé comme un espace de

pouvoir. Bien qu’elles aient investi l’espace public, elles résistent à l’idée que les hommes

puissent partager leurs tâches à la maison.

Les femmes semblent avoir du mal à se défaire de leur rôle traditionnel par crainte

(consciente ou inconsciente) d’une déstructuration de rôles sociaux au sein de la famille. Le 18 Idem

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lieu d’expression traditionnel du pouvoir des femmes est la famille, la sphère domestique

ayant été et continuant à être l’espace du pouvoir féminin. Malgré les évolutions, il n’en reste

pas moins ancré dans les mentalités que l’espace domestique est spécifiquement féminin alors

que l’espace public est masculin. Les femmes ne semblent pas prendre conscience que la

répartition inégale des charges familiales constitue pour elles un frein à l’investissement de

l’espace public. Les acteurs médiatiques ( spots publicitaires) consultés dans le cadre de cette

étude, ne semblent pas être sensibles à la question, pourtant leur rôle est important dans le

changement des mentalités et des comportements.

Sachant que l’inégale disponibilité des femmes dans l’espace public découle de l’inégalité de

la répartition des charges familiales, on peut estimer que l’évolution vers une plus grande

mixité dans l’espace public peut paraître bloquée par les règles du jeu social et par l’auto

exclusion des femmes.

Cette crispation dans l’attitude des femmes dénoterait-elle des relations de pouvoir en

mutation ? Sachant que le droit à l’égalité ne peut s’accorder avec le maintien des différences

de rôles. Les mutations en cours ne semblent pas encore avoir fait disparaître les

soubassements, objectifs et subjectifs, de l’infériorité des femmes.

L’acceptation du partage apparaît donc comme étant symbolique, qu’on peut néanmoins

considérer comme une brèche dans les manières de penser et d’agir au sein du couple, brèche

ouverte par la réalité de l’accès des femmes au marché du travail et légalisée par les

dispositions du code de la famille.

Les contraintes économiques font que, de plus en plus, les deux conjoints sont dans

l’obligation de participer à l’entretien de la famille. Il semblerait que cette raison procèderait

de la réalité du contexte économique et social où les hommes ont de plus en plus de difficultés

à assumer seuls la prise en charge matérielle de la famille, notamment dans les grandes villes.

On peut constater qu’en dépit de quelques résistances dans le champ familial, la société

marocaine est travaillée par l’exigence de l’égalité. Les contraintes matérielles de la vie

quotidienne poussent à des compromis et remettent en question la prééminence du mari. La

co-responsabilité, énoncée par le code de la famille, est en train d’agir progressivement sur les

mentalités et les comportements des hommes et des femmes.

2- Le principe de l’égalité hommes- femmes dans le code de la famille

2-1 Les apports

- Le ministère public partie aux conflits familiaux : aux termes de l’article 3, il agit

comme partie principale dans toutes les actions visant l’application des dispositions du code de

la famille. Il constitue une garantie indéniable, son rôle est développé dans plus de 20

articles, traitant en particulier de l’assistance à apporter à chaque partie dont les droits

matériels ou moraux ont été atteints. En tant que partie aux actions, il peut exercer toutes les

voies de recours contre les décisions prises par les sections de famille auprès des tribunaux de

première instance.

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- La co-responsabilité familiale

L’article 4 du code de la famille consacre une avancée majeure, il définit le mariage comme un

pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable, entre un

homme et une femme ….dont le but est la fondation d’une famille stable sous la direction des

deux époux. Il rompe de ce fait avec la logique de l’obéissance de la femme à l’époux et

reconnaît la responsabilité du couple dans la gestion du foyer.

Au niveau de l’espace culturel et géographique arabe et maghrébin, c’est le seul code de la

famille qui place le foyer conjugal sous la direction des deux conjoints.

- Le recouvrement de la pension alimentaire / le fonds d’entraide familiale

Après sa création et l’entrée en vigueur de la loi n° 41-10 fixant les conditions et les

procédures pour bénéficier des prestations du Fonds (promulguée le 13 décembre 2010 et

publiée au BO du 30 décembre 2010), le décret d’application du Fonds d’entraide familiale a été

publié dans le Bulletin Officiel du mois de septembre 2011. Ce décret fixe à 350 dirhams le montant

à verser mensuellement à chaque bénéficiaire sous condition que le total des pensions accordées à

une même famille ne puisse excéder 1.050 dirhams. Doté d’un budget global estimé à 160

millions de dirhams, ce fonds intervient dans trois cas de figure :

- le retard d’au moins deux mois de paiement de la pension alimentaire,

- l’impossibilité d’exécuter la décision judiciaire portant versement d’une pension

alimentaire

- et l’absence de l’époux.

De plus, ne pourront en bénéficier, selon l’article 13 de la loi 41- 10, que les épouses divorcées

démunies ainsi que leurs enfants.

La mise en application de ce fonds est très récente, elle ne permet aucune évaluation objective

qui permettrait d’identifier les obstacles auxquels sont confrontées les femmes divorcées,

démunies et assurant la garde des enfants. Toutefois, il est clair que le montant alloué à

chaque enfant, demeure dérisoire et ne permet pas de répondre à tous les besoins nécessaires

de l’enfant.

- Le partage des biens acquis pendant l’union conjugale

Compte tenu des mutations démographiques et socio économiques enregistrées : allongement

de la période du célibat, travail des femmes et contribution aux charges familiales, et afin de

diminuer les conflits au moment de la rupture du lien conjugal, le législateur a introduit une

innovation importante en ouvrant la possibilité aux époux de se mettre d’accord sur les

conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant le mariage,

au moment de la rupture du lien conjugal.

Si le nouveau code de la famille a multiplié les modalités de séparation et les a simplifiés au

profit des femmes, il n’a pas résolu tous les problèmes inhérents aux modalités de partage des

biens en cas de séparation. A cet égard, si on entend adapter la législation à la réalité sociale,

agir sur les mentalités et humaniser les effets de la séparation, il est indéniable d’accorder un

intérêt particulier à l’application de l’article 49, sur la base du respect des règles équitables

dans le partage des biens.

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Face à l’évolution du contexte social, il apparaît logique de chercher à synchroniser au mieux

le prononcé du divorce et la liquidation du patrimoine, afin de renforcer la sécurité juridique

et la prévisibilité des décisions quant au partage des biens, accroître l’efficience de la loi en

instaurant une certaine transparence et une harmonisation dans les décisions judiciaires et

garantir une répartition équitable des biens.

Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de clarifier d’abord le contenu de l’article 49,

d’interroger son référentiel, d’évaluer son application par rapport à l’interprétation officielle

et par rapport au pouvoir d’appréciation des juges, afin d’identifier les difficultés réelles de

son application.

L’article 49 : un enjeu majeur dans l’égalité de genre

La genèse de l’idée du partage des biens acquis pendant l’union est apparue officiellement

dans le projet du PANIFD en 199919, dans un souci d’équité par rapport aux femmes qui

ayant, largement contribué à la constitution du patrimoine familial grâce à leur travail au sein

du foyer et/ou grâce à leur activité professionnelle, se retrouvent souvent dans une situation

de dénuement et de dépendance en cas de séparation. Cette proposition a suscité de violentes

réactions de la part du mouvement conservateur. En dépit de cette opposition, la proposition a

été intégrée dans le nouveau code de la famille, par l’article 49 qui dispose :

« Les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre. Toutefois, les époux peuvent se

mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront

acquis pendant le mariage.

Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage. Les adouls avisent les

deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes.

A défaut de l’accord susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en

prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les

charges qu’il a assumés pour fructifier les biens de la famille ».

L’article 49 annonce donc une nouvelle règle relative au partage du patrimoine, au cas où les

deux époux ne précisent pas au préalable les conditions de fructification et de répartition des

biens qu’ils auront acquis pendant le mariage.

Le référentiel qui fonde l’article 49 est double : il est religieux et universel

La Commission de révision du CSP a retenu en premier lieu le référentiel religieux, concrétisé

par les verstes coraniques 15, 39 et 40 et par le recours au droit d’Al Kad ou S’aya, droit

reconnu par le Fiqh, dont le khalif Omar Ibn Al Khattab en a fait la première application au

profit de la veuve Habiba Bent Zrik, en lui accordant la moitié de la succession de son mari, à

laquelle elle a contribué par son travail. Cette pratique fût appliquée au Maroc par certains

juges au sud et au nord, au profit de femmes ayant contribué par le travail – domestique,

agricole, artisanal, au patrimoine de l’époux, sur la base des fatwas de Ibn Ardoune et de

Mokhtar Soussi. Il est considéré par la jurisprudence marocaine comme un droit réel

coutumier (Cour administrative de Rabat dans le jugement du 15 mai 1997) et appuie de plus

en plus la jurisprudence récente relative à l’application de l’article 49 (Tribunal de première

instance de Tanger le 30 novembre 2005, TPI de Safi le 26 juin 2006, TPI de Casablanca le

31 mai 2007, TPI de Marrakech le 4 juillet 2007…).

19 Cf. PANIFD 1999 - Volet 4

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Ce droit d’Al Kad wa S’aya, naît de l’effort déployé par une personne et l’équivalent de son

travail, reconnaît à l’épouse une contrepartie à son effort et à son travail aux côtés de son

époux dans la période maritale. Il lui donne le droit à une part dans l’acquis ou le surplus suite

à sa participation, quelque soit sa nature, sans remettre en cause les droits que lui confère la

Chariaâ et sans porter atteinte à l’indépendance des patrimoines des époux.

Pour la majorité des foukahas du rite malékite, ce droit s’inscrit fondamentalement dans

Maqasids Chariaâ, qui visent le respect de la justice et la condamnation de l’usurpation des

biens appartenant à autrui.

La commission a également retenu les valeurs universelles de justice et d’égalité (art. 400) et

l’engagement du Maroc à respecter les droits humains tels qu’ils sont reconnus

universellement par la communauté internationale.

Quelle est cependant, l’interprétation officielle de cet article 49 ?

L’interprétation officielle de l’article 49

Il ressort du guide pratique du ministère de la justice, publié en 2005 (P.43-44) que cet article

a pour but de consacrer la situation antérieure selon laquelle les patrimoines respectifs des

conjoints sont distincts et que chaque conjoint a la libre disposition de ses biens.

Néanmoins, dans un esprit de responsabilité et de solidarité familiale, le législateur a reconnu

la possibilité pour les conjoints de se mettre d’accord, en vertu d’un acte séparé, sur la gestion

des biens à acquérir après la conclusion du mariage. Cet acte peut, bien entendu, être établi à

tout moment de l’union conjugale, il concerne évidemment même les mariages conclus avant

l’entrée en vigueur du nouveau code de la famille en 2004 et peut parfaitement appuyer la

demande de l’épouse, qui au moment du de la séparation ou du décès, reçoit une part qui ne

prend pas en considération sa contribution au patrimoine de son époux (Omar Ibn Al Khattab

a bien appliqué la pratique de Al Kad wa S’aya à la succession).

Il s’agit en fait d’un accord optionnel fondé sur l’autonomie de la volonté qui confère à toute

personne le droit de gérer ses biens, de les administrer et d’en disposer librement. L’accord

doit fixer la part des biens acquis par chaque conjoint après la conclusion du mariage. En cas

de litige, chacun des conjoints doit apporter la preuve de sa participation au développement

des biens de l’autre. Il est fait application des règles générales de preuve. La décision ne

portera jamais sur les biens que possédait chacun des époux avant le mariage. Elle se limitera

aux biens acquis durant la période du mariage et ce, à la lumière du travail accompli, des

efforts déployés et des charges assumées par le demandeur pour le développement des biens

du conjoint.

L’évaluation ne s’entend pas de la répartition à parts égales des biens acquis pendant l’union,

elle a pour objet de déterminer les efforts fournis par chaque conjoint et leurs effets sur

l’acquisition des biens.

Cette évaluation est du ressort du pouvoir du juge, qui doit apprécier l’importance des efforts

fournis, leur nature et leurs effets sur les biens acquis durant la période du mariage. C’est

pourquoi cette évaluation va se heurter à des difficultés importantes de mise en oeuvre de

l’article 49.

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Les difficultés de mise en oeuvre de l’article 49 : quelques constats

- Le très faible recours à la contractualisation de la gestion des biens :

L’application de la disposition relative à la contractualisation du partage des biens est

insignifiante, elle atteint à peine 0,12 % des mariages contractés, et met au premier rang

Casablanca, dans plusieurs villes on ne relève aucun cas de recours à l’article 49. Quelles en

sont les explications ?

Il ressort des travaux d’évaluation de l’application du code de la famille, depuis son entrée en

vigueur en février 2004, les explications suivantes :

- La majorité des couples trouve qu’il est très embarrassant de parler de la question du

partage des biens au moment de la conclusion du mariage.

- Le statut social des femmes, dont la majorité est constituée de femmes au foyer, n’exerçant

aucune activité salariée, ne les encourage pas à demander l’application de l’article 49.

- La crise de l’institution de mariage ne permet pas aux femmes de demander l’application de

l’article 49 même lorsqu’elles sont informées par les adouls.

- les résistances des époux à partager les biens acquis pendant le mariage, pour lesquels ils

estiment qu’ils sont les seuls à avoir consenti les efforts, le travail domestique n’est pas

considéré comme un travail pouvant permettre à l’épouse de demander une part des biens

pour lesquels seul l’époux a travaillés.

- De part l’éducation reçue, basée sur la division sexuelle traditionnelle du travail, les femmes

ne revendiquent pas le partage des biens acquis pendant le mariage parce qu’elles ne

considèrent pas le travail domestique comme une contribution à l’enrichissement de l’époux.

En effet, les études concluent qu’étant donné que les femmes n’ont ni salaire, ni capital qui

leur permettraient éventuellement de construire une maison ou de créer une entreprise avec

leur époux et le peu d’importance que la culture et la société accordent au travail domestique

en tant que contribution économique et sociale dont bénéficie, non seulement la famille, mais

la société dans son ensemble, elles renoncent à mettre en oeuvre l’information donnée par les

adouls sur l’article 49 et acceptent dès le départ leur dépendance économique à l’égard de

l’époux, qu’elles considèrent chef de famille, sur lequel pèse l’obligation d’entretien des

membres de la famille.

- Les difficultés d’application de l’article 49

Lorsque les époux n’optent pas pour la contractualisation de la gestion des biens lors de la

conclusion du mariage et que le problème est porté devant le juge lors de la séparation, les

juges rencontrent de nombreuses difficultés dans sa mise en oeuvre.

En effet l’article 49 fait référence aux notions de travail de chacun des époux, des efforts

fournis et des charges assumées pour fructifier les biens de la famille.

Cet article soulève un certain nombre de question quant à son contenu.

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Les notions de travail incluent-elles la prise en charge du travail invisible des femmes, en

l’occurrence le travail domestique ? Au quel cas, quelle est sa dimension ? Quel serait le

critère utilisé pour la mesure de ce travail ? Quelle est l’équivalence monétaire à retenir ?

Quel contenu sera donné à la notion de patrimoine ?

Les études réalisées sur la question soulignent les difficultés rencontrées par les juges pour

évaluer le travail domestique des femmes au foyer, le recours à l’expert comptable n’en

diminue pas les effets, celui-ci calcule la part qui doit revenir à une femme au foyer qui n’a

pas de titres de propriété en multipliant le nombre d’années de mariage par le salaire moyen

d’une travailleuse domestique.

Le problème devient inextricable lorsque l’épouse contribue à l’acquisition de biens

immobiliers, enregistrés et titrés au seul nom du mari et dont elle n’a aucune preuve écrite,

alors qu’elle a contribué à leur acquisition en prenant en charge d’autres dépenses familiales,

notamment les frais d’entretien de la famille, les frais de scolarité des enfants, les frais du

personnel domestique, les frais des vacances, pour lesquelles toutes les preuves demeurent

difficiles à fournir.

La transparence dans la saisie du patrimoine est un des obstacles auquel se heurte

l’application du principe du partage des biens acquis pendant l’union conjugale. Cette opacité

vient d’une part, de la volonté de l’époux de dissimuler une partie de son patrimoine à son

épouse et de la volonté du détenteur du patrimoine d’éviter la déclaration au fisc et d’autre

part, de procéder à l’enregistrement des biens au nom d’autres proches de la famille.

- L’interprétation des juges

Quelle interprétation donnent les juges aux notions de travail, d’efforts fournis et de charges

assumées ?

Compte tenu du pouvoir d’appréciation des juges en la matière, la jurisprudence n’est pas

unanime et dépend, dans une large mesure, de l’appropriation ou non, par les juges de la

philosophie du nouveau code de la famille et du principe d’égalité dont il est porteur. Si bien

que les juges traditionalistes tendent de prendre peu le travail domestique comme contribution

de la femme au foyer aux biens acquis par l’époux durant l’union, ils argumentent par la

division sexuelle du travail: « l’époux travaille dehors pour entretenir la famille, l’épouse

travaille dedans pour s’occuper de son foyer et de ses enfants, c’est sa fonction normale »

(pourtant le fiqh a bien reconnu le travail domestique des femmes comme donnant droit Al

Kad wa Si Aya), par contre les juges « modernistes », sont plus enclins à prendre en

considération, dans l’évaluation, le travail domestique des femmes, la durée de l’union, le

nombre des enfants élevés, la situation financière du mari et l’abus dans la demande de

divorce. Les juges qui y sont favorables appuient l’application de l’article 49 par le recours à

la pratique de Al Kad wa Si Aya.

2-2 Les contradictions

- La représentation légale

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En matière de droits parentaux, la législation marocaine a amélioré le statut juridique des

femmes mais sur certains points, elle n’a pas levé l’inégalité entre les hommes et les femmes

comme en matière de représentation légale, où le code de la famille de 2004, n’a pas retenu la

représentation légale parentale. La mère astreinte aux mêmes obligations que le père à l’égard

de ses enfants (art.54) n’exerce la représentation légale que lorsque le père est décédé,

incapable ou absent. Seule l’autorité du père est reconnue, elle est fondée sur l’incapacité des

femmes à exercer la tutelle en présence du père. Pourtant, dans la vie courante, ce sont les

mères qui prennent en charge, dans la majorité des cas, la responsabilité en matière

d’éducation des enfants, de santé, de loisirs, de communication, de suivi de leur

scolarité…sans oublier que 20 % des ménages marocains sont pilotés par des femmes.

2-3 Les résistances

- Le consentement au mariage : la question des mariages précoces et/ou forcés

Depuis la codification du droit de la famille en 1957, le consentent des époux constitue une

condition de validité du contrat de mariage, quelque soit l’âge des candidats – es à l’union

conjugale.

La contrainte au mariage constitue un vice de fond au nom duquel le contrat de mariage peut

être annulé. La minorité n’exclue point le consentement au mariage. Cette condition de

validité est une condition de fond dont le but est de protéger les filles contre les mariages

précoces et forcés. Elle est soulignée par le code de la famille de 2004. Les statistiques

produites par le ministère de la justice indiquent que les mariages avant l’âge légal de 18 ans

constituent moins de 10 %20 de l’ensemble des mariages conclus et exigent le consentement

des époux, la présence du tuteur matrimonial 21 et l’autorisation du juge (art 21). La société

civile avance un taux plus élevé qui persiste en dépit de la mobilisation du mouvement des

femmes et affirme que des filles, âgées de moins de 16 ans - parfois treize et quatorze ans, ont

pu avoir l’autorisation du juge pour se marier22 .

Avec l’avancement de l’âge au mariage, l’accès des filles à l’éducation et à l’emploi et la

tutelle matrimoniale qui demeure facultative pour les filles majeures, les unions se font de plus

en plus en dehors du cercle familial et exigent le consentement des filles . En effet, de plus en

plus, les filles choisissent leur époux, décident des conditions de mariage, exercent ce pouvoir

sans grande contrainte parentale et exigent la présence des parents. Le pourcentage des filles

mineures que les parents pourraient éventuellement contraindre au mariage ne dépasse pas les

10 % des mariages enregistrés et semble plus toucher les milieux pauvres et l’espace rural. Par

ailleurs, le juge est tenu, lorsque la fille est mineure et avant de lui accorder l’autorisation de

se marier, de soumettre la demande de mariage à l’expertise médicale. Selon les juges

consultés, les candidats au mariage qui n’obtiennent pas l’autorisation du juge pour le mariage

avant l’âge légal, arrivent à contourner la loi par différents moyens23. Selon les statistiques

publiées par le département de la justice, 29 000 demandes d’autorisation de mariage de

mineurs ont été reçues en 2007 par les sections de famille auprès des tribunaux de première

20 Cf. Statistiques des mariages des mineures Ministère de la Justice 2010. 21 Cf. Rapport du ministère de la justice 2010. 22 Cf. Rapports Ligue Des Droits Des Femmes (LDDF) 2010 – 2011. 23 Cf. Le code la famille : perceptions et pratique judicaire. Publication Friedrich Ebert Janvier 2007.

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instance du royaume, 30 .000 en 2008, 33 000 en 2009 et 34 000 en 2010. La progression est

significative, 99 % des demandes d’autorisation de mariage avant l’âge légal émanent des

filles contre uniquement 0,37% de demandes émanant des garçons. Au niveau des milieux, le

milieu rural accuse un taux de 62 % contre 37 % pour le milieu urbain. 90,77 % des demandes

d’autorisation ont été satisfaites et seules 8,59 % des demandes ont été refusées. Au niveau de

l’âge, les autorisations ont été accordées à des filles ne dépassant pas l’âge de 14 ans et selon

les mêmes statistiques, seules 40 % des demandes ont fait l’objet d’investigation sociale, 43 %

ont fait l’objet d’expertise médicale, alors que seules 15 % des demandes ont fait l’objet

d’investigation sociale et d’expertise médicale24.

Cependant, le code de la famille n’ayant pas fixé un âge minimum au mariage donne un large

pouvoir d’appréciation aux juges, ce qui laisse la porte ouverte aux abus, de nombreux juges

ont autorisé des mariages avant 15 ans. Cette pratique est en contradiction flagrante avec les

dispositions de la CDE et de la CEDEF.

- les empêchements au mariage : le mariage de la marocaine musulmane avec

l’époux de confession non musulmane (art. 39 du Code de la famille).

Au Maroc, les brassages matrimoniaux, religieux et nationaux, se sont établis il y bien

longtemps. Protectorat, participation des soldats marocains aux deux guerres mondiales,

mobilité géographique, émigration économique, fuite des cerveaux, … sont autant de facteurs

expliquant le phénomène des unions mixtes. Ces unions se sont toujours heurtées à de

nombreuses barrières, religieuses, juridiques, linguistiques…

De ce fait, les mariages mixtes apparaissaient à l’opinion publique comme des mariages

osés, hors normes, ils sont rejetés et considérés le plus souvent comme éphémères, comme

des unions provisoires.

Ces dernières décennies, les migrations tant économiques que pour valorisation intellectuelle

ont largement contribué à l’accroissement des unions mixtes. Malgré le nombre sans cesse

croissant de ces unions, les mariages mixtes demeurent perçus comme difficiles, ils suscitent

des réticences voire des oppositions, qui touchent plus particulièrement les femmes

marocaines musulmanes.

Cette opposition au mariage mixte des marocaines musulmanes est plus grande lorsqu’il

s’agit d’un conjoint non musulman. Au point de vue juridique, le code de la famille n’accorde

aucun effet juridique à ce mariage et le considère nul et non avenu. La différence de

confession constitue un empêchement temporaire au mariage de la marocaine musulmane

avec un époux non musulman.

Par contre, la faculté laissée à l’homme musulman de prendre une épouse non musulmane

résulte de la subtile combinaison de plusieurs versets coraniques, qui finit par abolir le

principe d’égalité pourtant énoncé par la sourate Al baqara : « n’épousez pas les femmes

associatrices tant qu’elles n’auront pas la foi, et certes, une esclave croyante vaut mieux

qu’une associatrice, même si celle-ci vous enchante. Et ne donnez pas d’épouses aux

associateurs tant qu’ils n’auront pas de foi, et certes, un esclave croyant vaut mieux qu’un

associateur même s’il vous enchante » (2,221).

24 Cf. Statistiques du ministère de la justice 2010

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On sait que, par le jeu du consensus fondé sur la théorie de l’abrogeant, les hommes ont

rapidement été dispensés de l’interdiction d’épouser des non- musulmanes, à la condition

toutefois qu’elles fassent partie des « peuples du livre » ( Kitabiyat), israélites et chrétiennes.

Mais cette dispense n’a jamais profité aux musulmanes. La justification semble avoir été

facile à forger, la femme mariée se trouvant sous la tutelle de l’homme, musulmane, elle ne

saurait être soumise à l’autorité d’un non- musulman.

Le maintien de l’empêchement imprègne la majorité des législations régissant la famille

musulmane. Sans doute craint-on pour la foi musulmane de la femme qui, mariée avec un non

musulman, risquerait d’apostasier l’Islam. En plus survit toujours l’idée de la tutelle du mari

sur son épouse déjà pleinement manifestée dans les prérogatives de ce dernier en tant que chef

de famille. La femme reste ainsi enfermée dans un statut religieux auquel l’homme peut

aisément échapper quelles que soit sa bonne ou sa mauvaise foi. Plus grave encore,

l’interdiction du mariage inter- religieux pour la femme risque bien d’ouvrir la porte à des

conversions purement administratives de la part de la partie non musulmane.

Le mariage mixte lorsqu’il met en présence un couple musulman ne suscite pas d’opposition.

Il peut même être valorisant, du moins matériellement, en témoigne à cet égard le nombre

particulièrement important de Marocaines mariées à des conjoints musulmans des pays du

Golf.

Par contre, il devient problématique lorsque le couple est de confession différente. La

question est plus sensible lorsque l’épouse marocaine se marie avec un étranger non

musulman, mariage non reconnu par la loi marocaine mais que les conversions de

complaisance, arrivent à valider.

Différentes enquêtes ont pu montrer que les Marocaines sont de plus en nombreuses à

épouser des étrangers. Le chiffre dépasse de loin celui des hommes25.

Il y a plus d’une décennie, les femmes marocaines choisissaient leurs époux dans l’espace

culturel arabe et musulman (le Maghreb, le Moyen Orient et les pays du Golf).

Actuellement, la tendance s’est inversée au profit des pays européens, les époux

appartiennent de plus en plus à l’espace européen, favorisé par les flux migratoires :

opportunités de travail, d’études, de voyages…

Aussi, l’évolution chiffrée est nette : en 1997 on enregistre 996 femmes marocaines contre

614 hommes marocains qui ont contracté un mariage mixte. En 2001, 2967 femmes

marocaines se sont mariées à des étrangers contre 1306 hommes marocains mariés à des

étrangères, en 2004, le chiffre a augmenté pour atteindre 3567 femmes contre 1589 hommes ;

en 2010, il dépasse les 6798 pour les femmes et 2143 pour les hommes. L’évolution de

l’origine géographique et culturelle des époux s’est faite en faveur de l’Europe.

L’empêchement du mariage de la marocaine musulmane avec un non musulman renvoie à

l’instrumentalisation restrictive du référentiel religieux, il explique par ailleurs, le recours aux

conversions de complaisance conforté par le contrôle social qui touche particulièrement les

femmes immigrées, en dépit de l’environnement du pays d’accueil, sensé être plus

émancipateur .

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- La polygamie : la fragilité socio-économique des femmes impose le

consentement de la première épouse (art. 40 à 46 du Code de la famille)

Réglementée par le code de la famille dans les articles 40 à 46, la polygamie, en tant que droit

reconnu à l’époux, bien que très réduite dans la société marocaine, comparativement à

d’autres pays (Mali, Sénégal, Libye…) constitue une menace pour les femmes. Dans les

unions polygames, elle exerce un impact néfaste sur l’équilibre des enfants.

En effet, selon les statistiques du HCP26, seuls 1,6% des hommes mariés sont polygames soit

16 familles sur 1000, cette proportion étant un peu plus élevée en milieu rural qu’en milieu

urbain 27.

La polygamie marocaine est centrée sur la bigamie, c’est à dire que la majorité des hommes

ne dépassent pas deux femmes ainsi que le laissent apparaître les chiffres des femmes vivant

en union polygame estimée à 3,6%. Ces chiffres ont baissé puisqu’en 1992, ils étaient à 5,1%,

ce qui indique que le phénomène continue de régresser au Maroc. Cette régression est

constatée également dans d’autres pays musulmans tels que la Libye (5,2%), l’Algérie (5,5%)

et la Syrie (5,8%), le phénomène semble relativement plus important en Mauritanie (9,1%), à

Oman (11,2%) et au Soudan (16,8%), il dépasse les 25 % au Sénégal.

Contrairement à l’opinion que l’on se fait couramment sur la polygamie, celle-ci n’est pas une

caractéristique des hommes aisés puisqu’elle touche également les hommes pauvres. Au

niveau national, elle touche, en 2010, 2,6% des personnes les plus riches et 2,1% des

personnes les plus pauvres. Les disparités entre les milieux de résidence sont étonnantes

puisque dans les villes, les plus pauvres sont plus nombreux à être polygames avec 3,5% que

les plus riches avec 2,5% . Dans les campagnes, ce sont les plus riches qui sont plus

polygames : 3,8% contre 1,9% pour les pauvres. Dans le milieu rural, la polygamie demeure

le signe de l’aisance, du pouvoir et de la réussite.

Le constat montre que lorsque le mariage polygamique est le fait de pauvres, il se traduit

souvent par l’abandon de la première épouse et de ses enfants ; il en découle des

conséquences graves en termes de déséquilibre psychologique de la première femme et de ses

enfants.

La polygamie est par conséquent un obstacle à la stabilité familiale. Toutes les femmes et

tous les enfants qui ont vécu dans les unions polygames ressentent l’injustice et perçoivent

cette institution comme une véritable violence.

Au niveau du référentiel religieux, la polygamie n’a pas été instituée par le Coran puisqu’elle

existait bien avant l’Islam, en Grèce, en Perse, au Maghreb… Le Coran ne l’impose pas, ne la

recommande pas, il incite même à la monogamie, en soumettant la polygamie à la condition

de A’dl, égalité de traitement à l’égard des co-épouses. Le verset 175 de la Sourate IV Les

Femmes énonce « Si vous craignez d’être injustes envers les orphelins (…) épousez deux,

trois ou quatre parmi celles qui vous auront plu. Si vous craignez d’être injustes, n’en

épousez qu’une seule … », alors que le verset 129 de la même Sourate précise : « … Vous

ne pourrez jamais être équitables entre vos femmes, même si vous en êtes soucieux… » 28.

26 La femme marocaine en chiffres Publication HCP Journée mondiale de la femme 2010. 27 Etude UNIFEM/Direction de la Statistique : op.cit. ( Fazouane Adeslam). 28 Le Coran :op.cit.P.161.

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Compte tenu de l’interprétation qui a été donnée à ce texte par de nombreux Oulémas, la

polygamie n’est point recommandée parce que la condition d'égalité et de justice entre les

co-épouses ne peut jamais être réalisée et ce, quelle que soit la volonté du mari polygame.

C’est fondamentalement l’idée de justice qui, dans le Coran d’abord, puis chez les

commentateurs, domine la signification de la permission de polygamie. Qurtubi, va au-delà

d’une évaluation purement mathématique de la justice exigée du postulant à la pluralité

d’épouses, il précise que la justice doit se réaliser dans l’inclination, l’amour, la

cohabitation, la vie commune…et c’est pour cela que selon sa lecture du texte coranique, la

polygamie est interdite. Cette position a été également défendue par Feu Allal El Fassi,

président de la commission d’élaboration de la Moudawana en 1957, mais qui

malheureusement, compte tenu des résistances de la majorité des Oulémas, membres de la

dite commission, n’a pu être retenue. Certains Oulémas justifiaient leur position par le fait

que le Maroc venait d’accéder à l’indépendance et que l’élaboration de la Moudawana,

s’inscrivait dans la logique de la consécration de « l’identité » musulmane et qu’elle ne

pouvait s’ouvrir sur la conception occidentale de la famille monogamique, au risque d’être

perçue comme s’étant imprégnée de la culture de l’occupant29 .

Cependant, ces considérations de justice ont été codifiées par le Fiqh au titre du partage des

nuits entre les co-épouses, consacrant ainsi le pouvoir sexuel qui apparaît, au moins

symboliquement, comme un privilège fondé sur l’argument de nature, revalorisé par la notion

de virilité, si capitale dans le système patriarcal. Cette conception de la justice, détournée du

sens coranique par le Fiqh, imprègne la vision des traditionalistes qui prônent le maintien de

la polygamie, comme droit reconnu au mari.

Les versets coraniques, traitant de la polygamie, sont par ailleurs, appuyés par l’attitude du

prophète lorsque son gendre le Khalif Ali voulait adjoindre à sa première épouse Fatim

Zohra ( fille du prophète) une deuxième épouse, le prophète a déclaré « Fatima est une

partie de moi-même, tout ce qui la touche me touche, si tu désires devenir polygame, rend

moi ma fille… ».

La lecture des versets coraniques et la Sunna semblent interdire par conséquent la

polygamie.

Aussi, et compte tenu des mutations sociétales et de la réalité quotidienne qui montrent

combien la cellule famille est menacée et afin de permettre à la famille musulmane marocaine

de remplir les fonctions traditionnelles qui sont siennes et de l’asseoir sur des bases saines en

favorisant notamment la stabilité du couple, il est nécessaire de repenser le cadre de cette

institution, conformément aux principes constitutionnels d’égalité et de non discrimination

basée sur le sexe.

- Le régime successoral : texte et contexte ou l’historicité du texte coranique

En maintenant le régime successoral tel qu’il découle du droit musulman classique, le code de

la famille de 2004 entend préserver le patrimoine familial.

29 Maurice Bormans : op.cit. P.157.

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Pour bien comprendre le système successoral musulman, il faut garder présent à l’esprit

l’organisation spéciale de l’Arabie antéislamique dans laquelle tout reposait sur la tribu.

Celle-ci était le noyau autour duquel gravitait la vie sociale, économique et politique.

L’individu n’existait pas par lui-même. Il n’existait que par son appartenance à la tribu dans

laquelle il se fondait. Dès lors, comme l’affirme le professeur M. Charfi, « nous avons affaire

à une famille patriarcale hiérarchisée, organisée selon la forme pyramidale. Il est donc normal

que les rapports privilégiés et les plus solides soient non point ceux qui unissent les époux,

mais bien plus les rapports du grand père aux fils » 30.

Dans un tel système, les femmes se trouvaient cantonnées dans leur rôle de procréatrices. Du

point de vue du droit, elles n’avaient pas la personnalité juridique et elles ne pouvaient hériter

conformément à l’adage qui disait : « quiconque n’est pas en état de monter à cheval et de se

servir d’une épée ne doit rien recevoir en héritage ». Elles faisaient partie du patrimoine de

leurs époux et en cas de décès de ces derniers, elles faisaient partie de la masse successorale.

C’est dire qu’elles passaient comme n’importe quel bien dans le patrimoine du plus proche

agnat.

L’Islam a bouleversé cet état de chose en dotant les femmes de la personnalité juridique et en

leur accordant vocation successorale. Le Coran fait ainsi de la mère, de l’aïeule, de l’épouse et

de la sœur utérine des héritières à «fardh », c’est à dire des héritières dont la quote-part est

déterminée par le texte sacré et qui sont prioritaires lors de la dévolution successorale. La

fille, la fille du fils, la sœur germaine et la sœur consanguine, sont, suivant les cas, héritières à

« fardh » ou héritières « acébisées ».

La quote - part dont bénéficient les filles est fixée par le Verset 11 de la Sourate IV du Coran

qui énonce « Voici ce dont Allah vous fait commandement au sujet de vos enfants : au mâle,

portion semblable à celle de deux filles. Si (les héritières) sont au-dessus de deux, à elles les

2/3 de ce qu’a laissé (le défunt) ; si l’héritière est unique, à elle la moitié … » 31.

A côté des héritiers à fardh, le Coran prévoit les héritiers Aceb. Il s’agit des parents mâles par

les mâles et qui ont droit au reste de la succession, une fois effectué le prélèvement des

fardhs. A défaut de parents par les mâles, c’est le trésor public qui hérite.

Par ailleurs, la règle du double qui caractérise le système successoral musulman participe de

l’esprit de préservation du patrimoine dans la famille. Les jurisconsultes la considèrent

comme la contrepartie de deux obligations qui pèsent sur les maris : le versement de la dot et

l’entretien des épouses.

Si tel est le donné scripturaire, on note que la doctrine musulmane a souvent détourné les

règles coraniques pour favoriser les hommes notamment par l’institution du legs obligatoire

au profit des petits enfants dont le père décède après son propre père, excluant les petits

enfants de la fille ( discrimination corrigée par le code de la famille de 2004) et par

l’institution des Habous privés d’où est exclue également la descendance féminine. Le

recours à ces deux institutions constituait une manière d’exhéréder les femmes. Dans

l’idéologie patriarcale, l’éloignement des femmes se faisait au nom de la grandeur de la

famille. Aujourd’hui encore, l’importance du patrimoine familial joue un rôle important dans

la détermination du degré de considération sociale dont bénéficie la famille et il n’est pas

30 M. Charfi : « Le droit tunisien de la famille entre l’Islam et la modernité », in. Revue tunisienne de Droit.

1993. 31 Cf. le Coran. Traduction française par Kasimirski Ed. Flammarion.P.139.

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rare, encore de nos jours et notamment dans le milieu rural, que les femmes renoncent d’elles-

mêmes à leur quote-part en faveur d’un frère ou d’un oncle paternel en vue de préserver le

prestige familial en préservant l’unité foncière.

On a trop tendance à considérer que les textes du Coran et du Hadîth sont un obstacle

infranchissable en pays d’islam à l’évolution du droit successoral vers plus d’égalité entre les

sexes. De fait, il existe à ce propos un certain nombre de textes plus ou moins clairs et plus ou

moins explicites dont la portée peut être discutée. En revanche, d’autres textes, non moins

sacrés ou sacralisés, sont – du moins en apparence – contradictoires, et posent des problèmes

réels de compréhension et d’interprétation.

Les plus célèbres parmi les versets qui ont de tout temps posé des problèmes sont ceux qui

concernent la “kalâla” (Sourate Les femmes IV/12 et 176). Les traductions, influencées en

règle générale par les exégèses classiques, témoignent de la difficulté de connaître la

signification exacte de cette notion.

Le flou manifeste qui caractérise ces interprétations n’est pas dû uniquement à une difficulté

lexicologique, car les dispositions que contiennent ces versets sont inconciliables : selon le

verset 12, frères et sœurs du défunt ou de la défunte reçoivent une part égale de la succession,

alors que selon le verset 176 un frère reçoit le double de la part de sa sœur.

On lit dans le verset II/180, déjà évoqué : “Il vous est prescrit (kutiba ‘alaykum) que lorsque

l’un d’entre vous est sur le point de mourir, s’il laisse un bien, il est tenu de tester en faveur de

ses père et mère et des plus proches des siens, conformément à l’usage. C’est une obligation

pour ceux qui craignent Dieu” Alors que le verset IV/11 dit simplement : “Dieu vous

recommande (yûsîkum) ceci au sujet de vos enfants : au garçon revient une quote-part

équivalente à celle de deux filles…” Ce qu’en ont tiré les exégètes et les jurisconsultes est

tout à fait à l’opposé d’une saine lecture des textes sacrés : la prescription divine, dans le

premier verset, a été considérée comme facultative, et la recommandation, dans le second,

comme obligatoire.

Pourquoi cette différence de traitement à propos des enfants ? La réponse est probablement

dans l’obligation faite aux hommes de subvenir aux besoins du foyer. La femme en étant

dispensée et bénéficiant par ailleurs d’une dot versée par le mari, il peut sembler normal que

sa part dans l’héritage soit moindre. Autrement dit, ce sont les conditions historiques et les

modes de vie en vigueur dans les sociétés pré modernes qui sont à la base de cette

discrimination relative.

S’il en est ainsi, les règles coraniques qui organisent les successions sont avant tout des

orientations générales appliquées à des cas particuliers dont on doit constamment rechercher

l’esprit. Quant aux règles consignées dans les sources classiques du droit musulman, elles ne

sont que le reflet des valeurs qui avaient cours dans les sociétés traditionnelles, lesquelles sont

évidemment éloignées des valeurs modernes qui consacrent l’égalité entre les sexes.

Ce qui s’oppose par conséquent à l’introduction de l’égalité successorale entre les enfants

dans le droit positif actuel des pays musulmans, ce ne sont pas les textes sacrés explicites,

mais bien l’interprétation qui en a été faite dans d’autres conditions historiques. Tant qu’on ne

s’est pas débarrassé de cette contrainte qui fait peser sur le présent tout le poids du passé, il

est vain de prétendre à une quelconque actualisation du droit successoral ou de tout autre

domaine du fiqh. Les changements intervenus dans la structure de la famille, la scolarisation

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des filles, l’urbanisation, le développement des moyens de communication, se chargeront,

entre autres, de favoriser cette libération.

Si le Code du Statut Personnel tunisien s’est appuyé sur un avis minoritaire dans le fiqh pour

accorder aux filles du défunt la totalité de l’héritage de leur père ou de leur mère en l’absence

de progéniture mâle, le code de la famille de 2004 se veut encore fidèle à l’école de droit

malékite, avec cependant certains aménagements qui représentent des avancées certaines par

rapport aux normes traditionnelles, sans toutefois toucher aux règles qui régissent les

successions.

Compte tenu des mutations sociétales et du rôle joué par les femmes dans la famille et dans la

société, très souvent ce sont les filles qui travaillent pour entretenir leurs parents et leurs frères,

les règles successorales doivent prendre ne considération le contexte dans lequel elles sont

appelées à s’appliquer et s’ouvrir, sur la base du principe constitutionnel de non

discrimination, à d’autres lectures moins restrictives des droits successoraux des femmes.

II-2 L’égalité de genre dans l’espace public

Les femmes au Maroc jouent un rôle de plus en plus important, comme en témoigne les

chiffes attestant de leur présence, dans trois champs :

- le champ social

- le champ économique

- le champ politique

II-2-1 Dans le champ social : les femmes sont de plus en plus visibles

II-2-1-1 L’accès à l’éducation

Droit humain fondamental, expressément prévu par la première Constitution marocaine en

1962, réaffirmé par toutes les autres constitutions, conformément aux engagements

internationaux du Maroc, l’accès à l’éducation et au savoir ont un impact indéniable sur la

situation des femmes et sur leur rôle dans la société.

Ce droit fondamental n’a pas cessé de faire l’objet de débat et de politiques et de mobiliser

toutes les composantes de la société marocaine. Retracer son évolution interroge forcément

l’évaluation des politiques mises en place.

Le constat montre des disparités inhérentes au genre et aux milieux rural – urbain, elles sont

significatives des obstacles que les chiffres attestent malgré les efforts consentis et ce à

différents niveaux.

C’est pourquoi l’objectif principal du système éducatif marocain est d’atteindre des normes

internationales en matière de qualité de l’éducation et d’égalité entre les sexes. C’est dans ce

sens, que le Plan d’Urgence a prévu des mesures prioritaires et a insisté sur la généralisation

de l’enseignement fondamental, sur l’élimination des disparités entre les sexes dans

l’enseignement de base et sur la nécessité de consentir un effort spécial pour encourager la

scolarisation des filles en milieu rural, en remédiant aux difficultés qui continuent à l’entraver

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Afin de renforcer le soutien et l’appui des différents partenaires à la réforme de l’éducation, le

Maroc a souscrit à la plupart des grands traités relatifs aux droits humains qui consacrent, sans

exception, le droit à l’éducation avec comme cadre de référence la Déclaration Universelle des

Droits de l’Homme qui stipule dans son article 26 que toute personne a droit à l’éducation.

L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et

fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire.

Il a également ratifié un ensemble d’instruments internationaux relatifs au droit à l’éducation tels

que le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels, ratifié par le

Maroc en mars 1979, qui reconnaît dans sons article 13 le droit de toute personne à l'éducation et

de la Convention des Nations Unies relative aux Droits de l'Enfant, ratifiée en juin 1993, qui

insiste dans l’article 28 sur le droit de l’enfant à l’éducation. Dans le même sillage, une

convention pour la Lutte contre la discrimination dans le domaine de l'Enseignement a été

conclue sous les auspices de l'UNESCO le 14 Décembre 1960 ratifiée par le Maroc le 30 Août

1968.

Afin de lutter contre toutes les formes de discriminations d’accès à l’éducation, le Maroc a

ratifié la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des

Femmes (CEDEF) en juin 1993 et qui insiste dans son article 10 sur la nécessité de prendre les

mesures nécessaires pour assurer les mêmes conditions d’orientation professionnelle, d'accès aux

études et d’obtention de diplômes dans les établissements d’enseignement de toutes catégories,

dans les zones rurales comme dans les zones urbaines et l’élimination de toute conception

stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes

d’enseignement.

En outre, le Maroc a adopté en septembre 2000, la Déclaration du Millénaire des Nations

Unies pour le développement, qui a réitéré l’engagement d’universalisation de l’enseignement

primaire, proclamée par d’autres programmes tel que le programme : l’Education pour tous

(EPT). Dans ce sens, deux objectifs concernent le droit à l’éducation, l’OMD2 qui consiste à

assurer l’éducation primaire pour tous et l’OMD3 qui vise à promouvoir, par l’éducation,

l’égalité des sexes.

Au niveau national, le programme du gouvernement dans le secteur de l’éducation s’inspire,

dans son contenu, de l’article 31 de la nouvelle Constitution, qui donne le droit à tous les citoyens

et à toutes les citoyennes à l’éducation. Ce programme s’inspire également des dispositions de la

réforme de l’éducation telle qu’elle est conçue dans la Charte Nationale d’Education et de

Formation et dans le plan d’urgence (2009-20 12), élaboré par le département et qui a prévu des

mesures prioritaires et a souligné l’importance de l’intégration de la dimension de l’égalité des sexes

dans toutes ses composantes.

Ce plan a, par ailleurs, pour objectif de généraliser la scolarisation et d’améliorer la qualité de

l’enseignement et le rendement du système éducatif.

La déclinaison opérationnelle du programme d’urgence s'organise autour de quatre axes

d'interventions considérés comme prioritaires et vingt-trois projets. Ces projets répondent

parfaitement aux sept problématiques retenues :

- la généralisation de l'accès à l'enseignement,

- le renouveau pédagogique,

- l'appui à la réussite scolaire et universitaire,

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- l'adéquation formation emploi, la qualité des espaces, la gestion des ressources

humaines et la gouvernance.

Le programme d’urgence vise la consolidation et le parachèvement de la réforme et la

valorisation de ses acquis et l’appropriation de la dynamique. Dans ce sens et afin d'encourager la

demande en éducation et d'améliorer la rétention des enfants issus des familles défavorisées et

de lutter contre le redoublement et l’abandon, le MEN a mis en place le projet de lutte contre

le redoublement et le décrochage.

Par ailleurs, le Plan d’Action Stratégique à Moyen Terme pour l’Institutionnalisation de l’Égalité

entre les Sexes (PASMT/IÉS) dans le système éducatif 2009-2012 propose des actions en vue

d'améliorer l'accès des femmes aux emplois du secteur de l'éducation et de favoriser leur

représentativité dans les postes de responsabilité. La finalité du plan est de contribuer à

l'accélération des progrès de la réforme éducative au Maroc par la mise en place d'un

environnement administratif et pédagogique permettant d'enrayer les discriminations et les

disparités entre les sexes. Le but poursuivi est d'appuyer le MEN dans sa volonté de se doter

d'une capacité institutionnelle pérenne afin que l'égalité entre les sexes devienne un principe de

gouvernance du système éducatif dans la conception, la budgétisation, la livraison, le suivi et

l'évaluation des services éducatifs.

Durant l’année 2010, Le MEN a réalisé trois projets relevant du PASMT/IÉS :

1er Projet : Appui à la mise en place et au renforcement des capacités et des mécanismes

organisationnels chargés de l’IES au niveau central. Parmi les résultats de ce projet : la

définition du schéma organisationnel des instances de l’approche genre au niveau central et la

mise en place et la définition des attributions et des tâches de l’équipe de mangement du projet

genre au sein de la direction de la Stratégie, des Statistiques et de la Planification.

2° Projet : Accompagnement-conseil et soutien aux mécanismes de coordination de l’IES dans les

AREF et les délégations provinciales.

3°Projet : Conception et dispense de modules de formation initiale et continue en égalité

entre les sexes aux acteurs pédagogiques.

Certes, la réalisation de ces trois projets montre que le système d'éducation a enregistré des avancées

réelles notamment en matière d'accroissement de ses effectifs dans tous les cycles, d'amélioration du

taux de scolarisation et de résorption des écarts de scolarisation entre genres et milieux. Toutefois,

les acquis restent fragiles à cause de nombreux dysfonctionnements identifiés à tous les

niveaux de l’enseignement et principalement au niveau du préscolaire et du primaire.

1- Au niveau de l’enseignement préscolaire : des performances en deçà des efforts

consentis

Le nombre d’enfants scolarisés dans le préscolaire a atteint 740.196 enfants en 2010-2011,

soit un taux45 brut de scolarisation de 64,5% sur le plan national, de 54,1% pour les filles. Cet

effectif est réparti comme suit : 6 6,7% des enfants sont dans le préscolaire traditionnel, soit 493.632

enfants dont 37% sont des filles et 35% en milieu rural. Le reste est réparti entre le préscolaire

moderne (25% des enfants dont 48% sont des filles) et public (8,3% des enfants dont 49% des

filles).

Malgré les efforts déployés par le département en termes de campagnes de sensibilisation, de

formation d’éducateurs et d’éducatrices et d’ouverture de classes de préscolaire intégrées dans les

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établissements publics surtout en milieu rural, les filles demeurent les principales exclues. En effet,

le taux brut de scolarisation en milieu rural se situe en 2010-2011 à 38,5% et à 34,2% pour les

filles rurales.

2- Au niveau de l'enseignement fondamental : le problème de l’efficacité perdure

Le taux spécifique de scolarisation des élèves âgés de 6-11 ans s’est situé à 97,5% et à 96,3% pour

les filles en 2010-2011. En milieu rural, il a atteint globalement 95,4% et 93,6% pour les filles

durant la même période contre 99,4% en milieu urbain et 98,7% pour les filles.

Pour ce qui est de l’enseignement collégial, le taux spécifique de scolarisation des enfants

âgés de 12-14 ans a atteint globalement 79,1% et 73,5% pour les filles en 2010-2011 contre

60,3% et 52,7% respectivement en 2000-2001. En milieu rural, ce taux a atteint 59,1%

globalement et 49,6% pour les filles contre 37,5% et 27,9% respectivement en 2010-2011.

Quant au taux spécifique de scolarisation des enfants âgés de 15-17 ans, il a enregistré une nette

amélioration passant globalement de 37,2% en 2000-200 1 à 52,8% en 2010-2011 et de 32,2%

à 48,2% pour les filles.

Concernant l’efficacité du système de l’enseignement scolaire évaluée par le taux

d’achèvement, elle a enregistré une amélioration continue pour les trois cycles. En 2009-2010, les

niveaux atteints sont encourageants avec des taux de 86,5% pour le primaire, de 64,6% pour

le collège et 36,2% pour le qualifiant.

Malgré les efforts enregistrés, les taux moyens de redoublement et d’abandon sont encore

élevés spécialement pour le secondaire collégial et qualifiant. En 2009-2010, le taux moyen de

redoublement enregistré au primaire est de 9,3%, au secondaire collégial est près de 16,3% et au

secondaire qualifiant est plus de 18%. Quant au taux moyen d’abandon, il a atteint en 2009-2010

près de 3,1% au primaire, 10,8% au secondaire collégial et 9,2% au secondaire qualifiant.

Au total, le nombre des élèves qui abandonnent en cours de scolarité a diminué de 140.000 entre

2006-2007 et 2009-2010, passant de 466.729 à 326.496 pour les trois cycles. Au primaire, le

nombre d’enfants qui ont quitté les bancs de l'école sans en avoir été exclus et sans être en situation

d'échec scolaire est passé de 193.403 à 107.400 pour la même période, au secondaire collégial

de 180.698 à 145.658 et au secondaire qualifiant de 92.629 à 73.438.

Aussi, en dépit de l’importance du budget alloué à l’éducation, le système éducatif marocain reste

caractérisé par la faiblesse de son rendement et par la persistance des disparités entre les sexes

et entre les milieux.

Sur le plan de l'efficacité, l'enseignement fondamental est marqué par les taux d'abandon scolaire

et de redoublement élevés. Cette déperdition scolaire, annihile tous les efforts entrepris par le

Maroc en matière de généralisation de la scolarité. Deux facteurs expliquent ce phénomène : la

pauvreté des ménages qui les rend incapables de subvenir aux besoins scolaires de leurs

enfants et la qualité pédagogique de l’enseignement, particulièrement dans le milieu rural.

En effet, le manque de matériel pédagogique, l’inadaptation des structures, l’absentéisme des

enseignants-es, le manque d’activités parascolaires, le défaut de formation initiale des enseignants –

es aux besoins de l’école et des élèves expliquent en grande partie l’échec scolaire. A cela

s’ajoute les problèmes dus à l’enclavement, à la faiblesse du réseau routier et des moyens

de transport en commun en milieu rural, à l’éloignement de l’école et au manque de sécurité

pour le déplacement vers l’école.

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En conséquent, l’Etat investit des ressources importantes pour financer un système éducatif de

mauvaise qualité et qui n’atteint pas tout le monde. Le manque d’éducation d’une partie des enfants

correspond à une réduction du capital humain du pays et à un manque à gagner du produit

interne brut et des possibilités de croissance économique du Maroc.

C’est dans ce sens que l’adoption de la stratégie nationale d’alphabétisation et éducation vise,

d’une part, à éradiquer l’analphabétisme parmi les adultes et à les intégrer à l’activité socio-

économique et, d’autre part, à tarir les sources de l’analphabétisme en luttant contre la déperdition

scolaire et en s’adressant aux déscolarisés ou à ceux qui n’ont jamais été scolarisés. Elle s’articule

autour de 10 axes : système d’information, partenariat, parrainage, organisation, programmes

éducatifs, la formation des intervenants, la coopération internationale, la mobilisation de la

communication, suivi, contrôle et évaluation et le développement social intégré.

Pour concrétiser sa stratégie, le département de l’éducation nationale a mis en place plusieurs

programmes en matière d’alphabétisation et d’éducation non formelle. La diversité des

programmes vise à garantir l’éducation pour tous. En effet, tous les programmes s’adressent aux

enfants non scolarisés ou en rupture de scolarité et à ceux qui sont en situation de travail ou en

situation difficile ainsi qu’aux adultes ayant besoin des compétences de lecture pour faciliter

leurs vies actives.

Différents programmes visent ces objectifs :

- Le programme d’alphabétisation

Le département de l’éducation nationale a mis en place un programme d’alphabétisation qui vise à

éradiquer de manière progressive l’analphabétisme et à garantir le droit à l’éducation à tous

ceux qui en sont privés. L’objectif est l’alphabétisation de 800.000 personnes dont 60% de

femmes et 80% dans le monde rural. Ce programme comprend des sous-programmes

complémentaires et diversifiés selon les spécificités des groupes cibles, à savoir :

Le programme général : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement 150.000 personnes

dont 70% de femmes surtout en milieu rural.

Le programme des opérateurs publics : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement

250.000 personnes dont 70% de femmes surtout en milieu rural.

Le programme des ONG : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement 400.000 personnes

dont 80% de femmes surtout en milieu rural en privilégiant la tranche d’âge de 15 à 45 ans.

Le programme des entreprises : il a pour objectif d’alphabétiser annuellement 15.000

personnes dont 70% de femmes.

Les effectifs des inscriptions aux programmes d’alphabétisation est passé de 3 90.000

bénéficiaires en 200 1-2002 à près de 706.394 bénéficiaires en 2010-2011 dont 49,9 % en milieu

rural, soit 352 467 bénéficiaires.

L’opérateur qui contribue le plus à l’alphabétisation de la population, soit 48% des

bénéficiaires, est la société civile à travers les ONG, suivie par les opérateurs publics avec 41,6% et le

programme général avec 9,9%. Cependant, la contribution des entreprises demeure faible avec un

nombre de bénéficiaires ne dépassant pas 3.128, ce qui correspond à 0,5% du total des

bénéficiaires en 2010-2011.

En outre et conformément aux priorités fixées par le Ministère, les femmes sont les

bénéficiaires majoritaires du programme d’alphabétisation. Elles représentent 85,3% de

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l’ensemble des inscriptions, ce qui dépasse 602.000 bénéficiaires, dont plus de 280.000 se sont

inscrites dans le milieu rural, tandis que les hommes ne représentent que 14,7 %, soit 104 000

inscrits. Les efforts déployés, en partenariat avec les différents intervenants et opérateurs, pour

lutter contre la problématique de l’analphabétisme au Maroc ont abouti à une réduction

graduelle du taux d’analphabétisme de la population âgée de 10 ans et plus pour atteindre 30 %

en 2011 contre 44,1% en 2004 soit une baisse de l’ordre de 14,1 points.

Pour ce qui est de l’éducation non formelle, le taux des enfants âgés de 9-14 ans n’ayant

jamais été à l’école s’est situé à 6,1% en 2009, celui des déscolarisés à 8,9% alors que le taux des

non scolarisés a atteint près de 15%.

Si en milieu urbain, la non scolarisation frappe avec un taux quasi-invariable garçons et filles, en

milieu rural, les filles sont une fois et demi plus touchées par ce phénomène que les garçons. Le

taux de non scolarisation des enfants, qu’ils soient de sexe féminin ou masculin, s’établit à près

de 7% dans les villes. Dans les campagnes, ce taux, évalué à 18,9% pour les garçons, passe à

27,2% pour les filles. L’exclusion dont les filles sont souvent victimes pour ce qui est de

l’accès à l’éducation et au savoir, sont des faits indéniables qui expliquent, en bonne partie, les

inégalités de genre caractérisant plus ce milieu.

La proportion d’enfants n’ayant jamais été à l’école est de 7% pour les filles contre 5,2% pour

les garçons. En milieu rural, pas moins de 10,97% des filles âgées de 9 à 14 ans n’ont jamais été

à l’école. Les jeunes garçons du même milieu et la même catégorie d’âge ne l’ont pas été dans une

proportion de 7,92%. En milieu urbain, garçons et filles sont nettement moins affectés par ce

phénomène avec des proportions ne dépassant guère 3%.

A l’image de la non scolarisation, la déscolarisation ou le retrait précoce d’un établissement

scolaire, est un phénomène qui sévit avec des incidences variables selon le milieu, le sexe et

l’âge. Le taux de déscolarisation des enfants âgés de 9-14 ans est de 8,9% au niveau national

dont 10,3% sont des filles. Par milieu, ce taux atteint 13,5% au milieu rural contre seulement

4,4% dans les villes, les filles représentent respectivement 16,2% et 4,3%. L’interruption de la

scolarité est un fait qui caractérise plus les enfants âgés de 12-14 ans que ceux âgés de 9-11 ans

quel que soit le sexe et le milieu de résidence.

Ainsi, en dépit du fait que les femmes sont aujourd’hui plus instruites et plus insérées dans le

marché du travail, l’examen de la réalité montre l’existence de nombreuses insuffisances du

système de l’éducation, particulièrement dans le monde rural, où les filles et les femmes

demeurent les principales victimes. En effet, de nombreux obstacles à la pleine implication des

femmes dans le système éducatif persistent. L'analphabétisme encore important touche les

femmes notamment dans le milieu rural, il hypothèque les chances de réussite de toute

politique de développement. De même le taux élevé d'abandon scolaire chez les filles, souvent

dû à des choix familiaux reposant sur des conceptions sociales et culturelles traditionnelles

telles que les mariages précoces ou la préférence donnée à l'éducation des garçons, demeure

important, il est renforcé par la pauvreté des familles, par l’image négative de l’école,

confortée par un taux chômage élevé des diplômés et qui touchent plus les femmes que les

hommes.

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Au niveau de l’accès au droit fondamental à l’éducation les engagements de l’Etat concernant

la réduction de l’analphabétisme, la généralisation du préscolaire et de l’enseignement de base

n’ont pas été honorés de manière satisfaisante :

- L’indice de parité dans ces domaines ne s’est pas amélioré de façon significative

hormis au cycle de l'enseignement primaire en milieu urbain ;

- Le plan d'urgence 2009-2012, bien qu'il ait préconisé des mesures incitatives visant à

lutter contre les déperditions scolaires tel que le programme "Tayssir", reste

insuffisant et non généralisé ;

- Les disparités entre le milieu rural et le milieu urbain, particulièrement à partir de

l'enseignement collégial, demeurent substantielles ;

- La discrimination en matière d’orientation scolaire et professionnelle, et dans les

contenus scolaires, demeure caractérisés par la persistance de stéréotypes sexistes

surtout dans certaines disciplines telles l’arabe et l’éducation islamique.

3- Au niveau de l’enseignement supérieur : les écarts de genre se réduisent

On considère généralement que le nombre de femmes dans l’enseignement supérieur est

significatif du niveau de développement d’un pays, au Maroc, le nombre des femmes

marocaines dans l’enseignement supérieur a considérablement augmenté ces dernières années.

La progression a même été supérieure à celle des hommes, ce qui réduit les écarts de sexe,

mais le pourcentage global reste inférieur à celui des hommes. Selon les statistiques officielles,

le taux de féminisation dans l’enseignement supérieur est passé de 41,4 % en 1997 à 46,5% en

200732.

Mais, bien que plus instruites, les femmes sont proportionnellement moins présentes sur le

marché du travail, le taux de chômage des femmes diplômées est supérieur à celui des

hommes.

II-2-1-2 L’accès à la santé : la question de la santé reproductive

Ces dernières années, on constate une amélioration significative de certains indicateurs sanitaires,

en particulier dans le domaine de la santé maternelle et infantile, mais aussi au niveau des

indicateurs de natalité. Ceci n’empêche que des gaps importants restent à combler, notamment

en termes de disponibilité du personnel médical et paramédical et en termes d’infrastructures

sanitaires de base dans le monde rural et les zones enclavées. L’accès des femmes à la santé

reproductive est perceptible au niveau de la planification familiale qui a eu un impact sur la

baisse de la mortalité maternelle mais qui pose encore la question de l’accès libre à

l’avortement médicalisé et le problème de la couverture médicale de base.

1- Planification familiale et prévalence contraceptive

L’Indice Synthétique de Fécondité (ISF) poursuit sa baisse enclenchée depuis le début des

années 1980 en passant de 5,9 enfants par femme à 2,5 en 2003-2004 pour baisser d’avantage à 2,2

enfants par femme en 2009-201043. Cette évolution s’est accompagnée par un rattrapage des

comportements féconds entre milieu urbain et milieu rural. En milieu urbain, cet indice a

atteint en 2009-2010 un niveau de 1,84 qui est en dessous du seuil de remplacement des

générations alors qu’en milieu rural celui-ci avoisine 2,7 enfants par femme.

Quant au taux de prévalence contraceptive, il a connu une hausse importante passant de 19%

en 1980 à 63% en 2004 et à plus de 65 % en 2011, avec cependant des niveaux plus élevés en

milieu urbain (65,5% contre 59,7%, en milieu rural).

32 Cf. La femme marocaine en chiffres HCP 2008.

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2- Mortalité maternelle

Le taux de mortalité maternelle a connu une baisse significative durant ces 5 dernières années,

pour se situer à 112 pour 100.000 naissances vivantes en 2009-2010, selon l’Enquête Nationale

Démographique 2009-2010, soit un recul de 50,7% par rapport à 2003-2004 (227 pour 100.000

naissances vivantes).

Cette évolution s’explique en grande partie par les résultats obtenus au milieu urbain où le

taux de mortalité maternelle a enregistré une baisse de plus de 60% par rapport à l’année 2003-

2004 pour atteindre 73 pour 100.000 naissances vivantes en 2009-2010. En milieu rural, la baisse

de la mortalité maternelle a permis de porter le taux de mortalité maternelle en 2009-2010 à

148 pour 100.000 naissances vivantes contre 267 en 2003 -2004.

L’institutionnalisation de la gratuité de l’accouchement dans les hôpitaux publics et

l’amélioration significative des indicateurs de suivi de la grossesse et de l’accouchement,

ainsi que les mesures prises pour améliorer la prise en charge des soins obstétricaux d’urgence ont

contribué de manière significative à la réalisation de ce résultat.

Il n’en demeure pas moins que les performances réalisés restent en deçà des attentes, en particulier

si on les compare à des pays à niveau économique comparable : 50 pour 100.000 naissance vivantes

en Egypte, 88 en Algérie et 69 en Tunisie.

3- L’avortement clandestin : les résistances des conservateurs 33

Au Maroc, selon l’estimation approximative de l’AMLAC ( Association Marocaine de Lutte

contre l’Avortement Clandestin), plus de 600 femmes se font avorter par jour de manière

clandestine, dans des conditions très préjudiciables pour leur santé.

L’étude publiée en 2008 par Perspectives Internationales – sexualité et santé reproductive-

suite à l’enquête réalisée dans 27 pays, montre que la cause principale est socio-économique,

elle est inhérente à la pauvreté et à la précarité économique des femmes.

Au niveau du droit, la majorité des pays musulmans interdisent l’IVG et permettent l’AT

d’où l’importance de la lecture restrictive du référentiel religieux et son impact sur le droit

positif.

L’’IVG demeure par conséquent un sujet de débat entre le droit à la vie pour le fœtus et le

droit à la liberté pour les femmes de disposer de leur corps et de gérer librement leur

sexualité, c’est ainsi que l’arsenal juridique qui réglemente l’IVG reproduit dans certaines

mesures, la morale, la religion, les traditions et les coutumes de chaque contexte.

Le premier droit humain fondamental est le droit à la vie. Ce droit à la vie pose la question

fondamentale : Quand commence la vie, est-ce que l’avortement constitue une atteinte à la

vie ?

3-1 La position des instruments internationaux

33 Cf. Malika Benradi : l’avortement dans le monde musulman : les termes d’un débat. AMLAC Juin 2012

AMLAC

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- La CEDEF n’a pas pris position explicitement sur la question de l’avortement. L’Art. 12 de

la CEDEF se limite à l’accès des femmes aux services médicaux y compris ceux relatifs à la

planification familiale.

- La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples précise dans l’article 14: « Les

Etats assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé, y compris la santé

sexuelle et reproductive. Dans l’alinéa 3, il est demandé aux Etats de protéger les droits

reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé dans des

cas précis : grossesse à la suite d’une agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la

grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou

du fœtus.

- La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) ne traite pas non plus de l’avortement

et se limite dans son préambule à affirmer que « l’enfant a besoin d’une protection spéciale

et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la

naissance".

La conférence du Caire en 1994 avait recommandé de permettre l’avortement dans certains

cas :

- pour protéger la vie et la santé de la mère,

- pour prévenir la naissance d’enfants malformés,

- dans les cas de viol et d’inceste.

Le programme d’action du Caire (1994) et la plate forme d’action de Pékin (1995)

soulignent l’accès des femmes aux conseils et services leur permettant un libre exercice des

droits sexuels.

3-2 La position de la Chariaa

Le Coran contient de nombreux versets qui décrivent les étapes successives du

développement de la vie dans l’utérus/versets 5, 12,14,22,23, ces étapes sont confirmées par

le prophète :

"… c’est nous qui vous avons créés :

- de poussière (turab),

- puis d’une goutte de sperme (nutfah),

- puis d’un caillot de sang (alaqah),

- puis d’une masse flasque (mudghah)….

Chaque étape dure 40 jours, au terme de ces transformations (120 jours), l’âme est insufflée.

Il existe un consensus des 4 rites sur la durée de 40 jours pour chaque étape.

3-3 Interprétations et positions du Fiqh

La majorité des juristes musulmans autorisent l’avortement si la vie de la mère est en danger,

les 4 rites adoptent des positions différentes, selon les situations :

- La position dépendant de l’âge de la grossesse : Les hanafites et les hanbalites admettent

l’avortement dans les 120 jours : 40 jours pour chacune des étapes avant que l’âme ne soit

insufflée, alors que les malekites et les chaféites l’admettent dans les 40 jours. Cependant,

l’acte demeure makrouh et soumis au consentement des époux et à l’avis médical.

Selon El Bouti, les cas de nécessité où l’avortement est permis dans les 120 jours avant que le

l’âme ne soit insufflée sont :

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- La poursuite de la grossesse présente un danger de mort pour la mère.

- La poursuite de la grossesse aura des conséquences permanentes sur la santé de la mère.

- La poursuite de la grossesse conduit à l’assèchement du lait maternel menaçant la vie de

l’enfant nourri au sein alors que la mère n’a pas les moyens pour louer les services d’une

nourrice.

Pour les cas du viol et de l’inceste, l’avortement est permis dans le délai de 120 jours.

Par contre, si le foetus est malformé, pour certains foukahas dont Al Bouti l’avortement est

interdit car personne ne peut affirmer avec certitude la malformation, alors que pour

Aroua, si l’enfant présente un risque génétique ou constitutionnel décelable avec une quasi-

certitude, risque incompatible avec une vie normale, la décision peut être prise pour

interrompre la grossesse. Pour Al Bar il est permis de faire avorter un fœtus malformé dans

les 120 jours de la grossesse. Au-delà de ce délai, il n’est permis de le faire que s’il y a un

danger pour la vie ou la santé de la mère.

Pour l’avortement de convenance ou de confort on relève deux positions :

- Pour certains fouqahas (El-Bouti) : la femme peut avorter dans les 120 jours. Passé ce

délai, elle ne peut plus invoquer la convenance ou le confort. Le respect de la vie du fœtus est

plus important que l’atteinte à l’intégrité corporelle de la femme.

- Pour d’autres (Aroua) : l’avortement de convenance ou de confort est strictement interdit.

-

3-4 La position des législations dans certains pays musulmans

Les législations de la majorité des pays musulmans adoptent en général la même position :

incrimination de l’IVG et acceptation de l’AT.

3-5 Solutions fondées sur le Qyas pour admettre l’avortement

• le code pénal libanais (art 545) et syrien (art. 531) font bénéficier d’une excuse

atténuante "la femme qui se fera avorter pour sauver son honneur».

• Bénéficie de la même excuse la personne coupable d’un tel avortement avec ou sans

consentement de la mère qui aura agi dans le but de sauver l’honneur de sa

descendante ou celui d’une parente jusqu’au deuxième degré.

Le code pénal soudanais (art. 135) dépénalise l’avortement lorsque trois conditions sont

réunies :

- La grossesse est le résultat d’un viol,

- La grossesse n’est pas désirée : l’avortement doit avoir lieu dans les 90 jours de la

conception.

L’avortement pour raison de santé physique et mentale de la mère et malformation du

fœtus est admis en :

- Jordanie (1971)

- Kuwait (1981 )

- Qatar (1983)

- Algérie (1985)

- Égypte (2005)

- Iran (2005)

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Au Mali, il est admis également en cas de viol ou d’inceste, il doit être pratiqué dans les

120 jours après la conception.

3-6 Solutions fondées sur le consensus Ijmaa

Pour l’université Al Azhar (Décembre 2007) : Les femmes enceintes à la suite d’un viol

peuvent recourir à l’avortement sous contrôle médical, Mohamed Sayed Tantawi affirme « …

toute jeune fille ou femme victime d’un viol a le droit, en Islam, de recourir à l’avortement à

tout moment et elle n’aurait pas péché ».

Seules la Tunisie (1973) et La Turquie (1983) permettent l’interruption volontaire de la

grossesse, sur demande de la femme entre les 10 et 24 semaines de grossesse pour des raisons

de santé physique, mentale, d’anomalies congénitales, viol ou inceste ou pour des raisons

sociales. Cependant, l’avortement doit être effectué par un médecin qualifié et en milieu

médical.

En dépit de ces restrictions, l’avortement clandestin est courant dans les pays musulmans. Au

Maroc, certaines études montrent qu’il n’est pas socialement répréhensible. Il fait partie des

«interdictions tolérées», l’opinion publique ne le réprime pas sévèrement, elle lui trouve

certaines justifications : nombre élevé d’enfants, santé de la mère, besoins de l’enfant à

satisfaire, pauvreté du couple…

Ce qui pose par conséquent le problème de l’inadéquation de la norme juridique avec la

réalité sociale et appelle à l’ouverture de l’Ijtihad. Les articles 449 à 452 du code pénal

marocain répriment l’avortement de manière claire. L’article 453 qui permet l’AT est vague :

il vise à sauvegarder la vie ou la santé de la mère. Qu’est ce qu’on entend par santé de la mère

? L’OMS la définit comme état de bien être physique, psychique et social. Une grossesse non

désirée pourrait avoir un impact sur la santé psychique de la mère. La loi devrait- elle tenir

compte de cette définition ?

3-7 Solutions fondées sur l’Ijtihad

L’ijtihad est un droit et un devoir de tout - e musulman – e, l’avortement se prête à l’Ijtihad

car le concept d’extrême nécessité est essentiel dans le débat sur l’avortement, il est limité à

la santé et à la vie de la mère, il pourrait être élargi à la santé mentale de la mère, au viol,

inceste et malformations fœtales. Cependant, il est nécessaire d’encadrer l’avortement

lorsque :

- La grossesse constitue une menace pour la vie de la mère, pour sa santé physique et

mentale,

- La grossesse est le résultat d’un viol et/ou d’un inceste,

- Le fœtus est atteint de graves anomalies congénitales.

- L’avortement doit intervenir avant les120 jours de grossesse ( consensus des 4 rites),

dans un milieu médical avec l’assistance d’un personnel qualifié.

Compte tenu de la sensibilité et de la complexité de la problématique, il est légitime de se

poser une seule question : Est-ce réellement le religieux, en tant que système de valeurs, qui

interdit l’IVG ou bien une réalité sociale collective qui s’approprie ce religieux,

l’instrumentalise pour le formuler selon son idéologie et qui lui permet de mieux affirmer ses

pouvoirs sur le corps des femmes?

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On peut comprendre que les différentes interprétations religieuses puissent porter l’empreinte

des contextes géopolitiques dont elles sont issues et des milieux socio- culturels qui les ont

produites. Mais ce qui est plus difficile à comprendre c’est comment ces différentes

interprétations restrictives des droits des femmes, sont devenues elles mêmes immuables et

complément hermétiques à toute réflexion critique et ont de ce fait occulter les interprétations

en faveur des droits des femmes. Le délai de 120 jours de grossesse, permettant l’IVG,

justifié par une interprétation du texte coranique, ne semble pas empoter l’adhésion de la

doctrine, parce que la sacralité des interprétations restrictives a nourri la confusion entre ce

qui relève du texte et ce qui relève de l’ordre de l’interprétation subjective humaine. C’est là

où il faudrait que la pensée islamique évolue, afin de se redéfinir, de se repenser et de faire la

distinction nécessaire entre le message spirituel et les interprétations nombreuses qui ont figé

le texte et ont tué son esprit et sa finalité.

Accepter l’IVG pour lutter contre l’avortement clandestin à risques, pour réduire le fléau de la

mortalité maternelle, c’est sans doute tenter de réformer une pensée religieuse très appauvrie

et presque focalisée sur la seule tendance moralisatrice de l’Islam. Cette position est portée

par des femmes et des hommes qui contestent l’analyse classique qui stipule que l’inégalité

entre les hommes et les femmes et son corollaire de mesures discriminatoires font partie

inhérente du texte sacré en démontrant que ce sont, en fait, les lectures avalisées par des

coutumes patriarcales, qui ont légitimé ces mêmes inégalités.

Cette question nous semble décisive : elle commande, l’ouverture des mentalités par des

révisions culturelles et intellectuelles radicales, qui permettront de répondre à toutes les

discriminations et violences subies par les femmes et permettront de responsabiliser les

femmes, de les autonomiser, d’en faire des citoyennes à part entière.

4- La Couverture Médicale de Base

La couverture médicale au Maroc ne touche qu’une faible partie de la population marocaine et

le financement de la santé est assuré en grande partie par les ménages (64,3%).

Depuis, l’entrée en vigueur de l’AMO, la population ayant les droits ouverts dans le cadre de

l’AMO au 31 décembre 2010, s’est établie à 2.728.867.

Ainsi, l’accès des femmes à la santé fait face à de nombreux défis qui entravent la réalisation

escomptée des objectifs du millénaire notamment de l’OMD4 . Le manque de personnel qualifié en

particulier en milieu rural est problématique. La faible efficacité des dépenses de santé se fait

également ressentir au niveau des infrastructures sanitaires, particulièrement au niveau des

ESSB dont un bon nombre demeurent non fonctionnels. Cette situation est imputable aux

dysfonctionnements au niveau de la programmation des dépenses de fonctionnement et

d’investissement au niveau du Ministère de la Santé. C’est pour cela, que la stratégie mobile

est désormais privilégiée au niveau du monde rural et en particulier dans les zones enclavées.

L’institution de Dar Al Oumouma (DAO) ou maison d’attente en 2006 est venue en réponse

aux problèmes d’accessibilité et pour augmenter le nombre d’accouchements assistés en

permettant aux femmes qui habitent loin de séjourner près d’une maternité avant que le travail ne

commence. Or, il est à constater que la mise en place de ces maisons d’attente n’a pas permis de

résoudre le problème de l’enclavement puisque 75% des femmes qui y ont recours habitent à

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moins d’un quart d’heure de la DAO, ce qui nécessite un réflexion par rapport au rôle réel joué

par ces maisons d’attente.

Au niveau du financement de la santé, il est à relever la part encore élevée assurée par le

paiement direct des ménages, aggravée par la faiblesse de la solidarité institutionnalisée et de la

mutualisation du risque maladie.

L’éloignement des centres de santé pose aussi un problème important d’accessibilité aux soins

et de prise en charge en cas d’urgence. Quant au financement de la santé, il est assuré en

grande partie par le paiement direct des ménages. La généralisation de la couverture médicale

et plus particulièrement la mise en place du RAMED permettrait notamment d’assurer une

plus grande équité au niveau de l’accès aux soins.

L’accès des femmes à la santé renseigne sur leur condition au Maroc et particulièrement en ce

qui concerne leur santé reproductive, si bien que l’on constate qu’on est loin des dispositions

de la CEDEF (1979), de la CDE (1989) et des Recommandations de la Conférence

internationale sur la Population et le Développement tenue au Caire en 1994 et qui ont été

réaffirmées lors de la 4ème Conférence mondiale sur les femmes (Beijing 1995) et son suivi

(Beijing plus 5, Beijing plus 10, Beijing plus 15…) et des Recommandations de Barcelone et

Conclusions d’Istanbul (2006).

Cette situation s’explique par un ensemble de facteurs d’ordre culturel, social, politique et

économique. En effet, tout autant que les hommes, la santé des femmes, qu’elle soit physique

ou mentale, dépend en majorité des conditions socio-économiques et culturelles. De par leur

fonction reproductive, l’état de santé des femmes pose des questions spécifiques, en relation

et en interaction avec leur statut social et juridique dans la société. Et c’est à cet égard, que

l’approche genre constitue un instrument d’analyse fécond pour comprendre les disparités

hommes /femmes, pour expliquer les obstacles que rencontrent les femmes dans leur prise en

charge médicale, et pour saisir les évolutions en cours, largement influencées par l’éducation

et l’entrée des femmes sur le marché du travail.

L’analyse des disparités, renvoie aux différentes étapes de la vie et montre que les inégalités

sont présentes aux premiers âges :

- Si la mortalité infantile ne constitue pas un indicateur pouvant renseigner valablement sur les

disparités entre les garçons et les filles, celles-ci semblent être avantagées biologiquement, il

n’en demeure pas moins que corrélée à d’autres variables, tels que l’âge, la malnutrition, la

vaccination, les causes du décès, le contexte culturel, elle renseigne davantage sur les

inégalités devant la mort précoce.

En effet, l’avantage biologique se perd avec l’âge même s’il demeure faible. Le taux de

mortalité des filles appartenant au groupe d’âge de 8-18 mois est plus élevé que celui des

garçons du même groupe ;

Pourquoi un tel écart ? Dans les pays en développement les taux de mortalité plus élevés,

enregistrés pour les filles, sont dus non pas à la pauvreté ou à des raisons biologiques, mais à

la préférence des parents pour les garçons qui peut induire des traitements discriminatoires à

l’égard des filles au plan de l’alimentation et des soins de santé qui leur sont accordés.

Ces inégalités vont persister tout au long de la vie. Eu égard aux cycles de vie, et compte tenu

du rôle de reproduction, les besoins des femmes, en matière de santé sont spécifiques et se

traduisent le plus souvent par des risques élevés. La mortalité maternelle constitue encore un

problème au Maroc, du fait de l’éloignement voire l’absence des infrastructures médicales

dans le milieu rural.

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L’inégalité des rapports hommes- femmes dans la gestion de la sexualité est un des principaux

facteurs de la diffusion des IST/sida, car le contrôle social, qui s’effectue plus sur les femmes,

en fait les principales victimes : 12 % de femmes ont été contaminées par leur mari, contre 1

% d’hommes contaminés par leur femme.

L’impact qu’exerce le milieu social et culturel sur la santé reproductive des femmes renvoie

inéluctablement aux rapports sociaux de sexe, au statut des femmes au sein de la famille et à

la question de leur autonomie34.

De même, le partage inégal des responsabilités en matière de contraception entre le couple,

malgré les nouvelles dispositions expresses du code de la famille, et l’interdiction de

l’avortement posent, de manière significative, la question de l’autonomie des femmes et le

problème de leur statut et de leurs droits en matière de santé reproductive.

Malgré les progrès réalisés, de nombreux facteurs bloquent encore la jouissance et l’exercice

des droits en matière de santé reproductive. A côté de la faiblesse des infrastructures,

notamment dans le milieu rural, le manque des ressources humaines, le poids des résistances,

la montée de l’intolérance, les limites législatives, le manque de coordination entre les

différents intervenants… révèlent la multitude et la diversité des obstacles auxquels se heurte

la politique en matière de santé reproductive.

La réponse aux besoins des femmes et le respect de leurs droits en matière de santé

reproductive, tout en prenant en considération la réalité sociale, les changements intervenus

dans le statut des femmes et les besoins spécifiques de certaines catégories de femmes : les

femmes pauvres, les femmes rurales, les mères célibataires, les plus touchées par certains

problèmes tels que la mortalité maternelle, les avortements clandestins35, la non maîtrise des

moyens contraceptifs, le VIH/sida et les IST, a suscité un intérêt qui semble encore limité des

responsables de la santé publique au Maroc.

II-2-1-3 L’accès des femmes à l’emploi

Le droit au travail demeure un droit humain fondamental qui garantit la dignité de la

personne. En tant que droit constitutionnel, il interroge la politique de l’emploi de l’Etat et

interpelle différents départements où l’activité économique des femmes est de plus en plus

importante et visible.

1- Au niveau du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle : une nouvelle

démarche

En conformité avec ses attributions et ses missions visant à assurer à toute personne le droit au

travail, le droit de choisir son travail avec des conditions décentes et satisfaisantes, le

Département de l’Emploi a adhéré à un certain nombre de conventions internationales relatives

à l’emploi en tant que droit humain fondamental : La Déclaration Universelle des Droits de

l’Homme , le PIDESC (Article 23) reconnaît le droit à toute personne de jouir de conditions de

travail justes, le droit de s’affilier et d’exercer librement l’activité syndicale et le droit à la

34 Cf. A.Yaakoubd in Féminin – Masculin : op.cit. P. 233 et ss. 35 Cf. Débat animé par Dr Chraibi sur l’avortement clandestin au Maroc (RTM 8 mars 2008)

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sécurité sociale. Dans le même sens, le pacte souligne l’égalité des droits entre les hommes et

les femmes en matière de rémunération et d’accès à l’emploi. Ces droits sont confortés par les

conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) notamment la convention n°

187 relative à la liberté syndicale, la convention n° 182 pour l’ élimination des pires formes de

travail des enfants et la convention n° 138 relative à l’âge d’amission au travail.

L’OIT insiste, dans la convention 111, sur le rôle des Etats dans l’adoption de politiques

nationales visant à promouvoir l’égalité de chance et de traitement en matière d’emploi.

Le Maroc, membre de l’Organisation Internationale du Travail, a adhéré à la Déclaration de

1998 relative aux droits et principes fondamentaux du travail, comportant 8 conventions concernant

la liberté syndicale, le travail forcé, l’égalité de rémunération, le travail des enfants, etc.

De même, au cours de l’ année 2010 des conventions Internationales et arabes du Travail ont été

ratifiés dont la Convention n° 183 sur la protection de la maternité, la Convention n° 17 sur

l’emploi des handicapés, la Convention n° 19 sur l’ Inspection du Travail,...

Par ailleurs, le Maroc, signataire de la Déclaration du Millénaire en 2000, est tenu de fournir

les efforts nécessaires pour atteindre les ODM à l’horizon 2015, dont l’OMD3 qui vise la

promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Le Maroc s’est engagé aussi

au respect et à la mise en œuvre de la CEDEF46 qui stipule l’égalité en matière d'emploi et d'activité

économique et sociale (Articles 10, 11 et 13).

Dans le même sens et sur la base de la Stratégie nationale de l’égalité et de l’équité et de

l’Agenda gouvernemental de l’égalité, rebaptisé Programme d’égalité en 2012, les

engagements du MEFP portent essentiellement sur la mise en place des mécanismes assurant

l’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle; la mise en place d’un système de

veille d’application du code du travail pour garantir l’égalité entre les hommes et les femmes

dans le monde du travail ; le soutien des secteurs où les femmes sont fortement représentées comme

le textile et l’agroalimentaire, par le développement des AGR et la facilitation de formalisation

des unités de production informelles en entreprises formelles.

Le taux d’activité national a baissé de 0,4 point, passant de 49,6% en 2010 à 49,2% en 2011.

Cette baisse a concerné les hommes (de 74,7% à 74,3%) et les femmes (de 25,9% à 25,5%).

Le taux d’activité des femmes citadines a également reculé de 18,4% à 18,1% de même que

celui des femmes rurales (de 36,9% à 36,6%). Il ressort que le taux d’activité révèle un

écart important entre les sexes et entre les femmes selon le milieu de résidence.

Le taux d’emploi50 au niveau national a perdu 0,3 point en 2011 par rapport à 2010, passant de

45,1% à 44,8 %, ce qui signifie une atténuation de la capacité de l’économie marocaine à utiliser des

ressources en main-d’œuvre. En revanche, ce taux dissimule des disparités selon le sexe et le

milieu de résidence. En effet, le taux d’emploi a atteint 68,1% pour les hommes contre

seulement 22,9% pour les femmes. Selon le milieu de résidence, le taux d’emploi s’établit à

37,5% en milieu urbain (en recul de 0,1 point par rapport à 2010) et à 55,7% en milieu rural (en

baisse de 0,5 point par rapport à 2010).

Par ailleurs, le taux de féminisation de la population active en chômage a augmenté de 28,3%

en 2010 à 30,6% en 2011 (hausse de 1 point en milieu rural et de 2,7 points en milieu urbain). Le

taux de chômage s’est ainsi établi en 2011 à 8,9% (8,4% chez les hommes et 10,2% chez les

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femmes), en baisse de 0,2 point par rapport à 2010 où il s’était établi à 9,1%. Ce taux a

augmenté de 1,4 point chez les femmes citadines pour atteindre 21,2% en 2011 et a quasiment

stagné en milieu rural (de 2% en 2010 à 2,1% en 2011).

Les questions d’égalité entre les sexes et d’autonomisation des femmes ont été prises en

compte dans la stratégie du secteur 2010-2020. En effet, les initiatives de l’ESS donnent plus

d’opportunités à l’implication des femmes dans la vie active par l’exercice d’une activité

génératrice de revenus et d’emplois. L’exercice d’une activité économique rémunérée permet

aux femmes de sortir de l’espace familial traditionnel, d’aspirer à un nouveau mode de vie, de

disposer dans leur entourage, d’un pouvoir de décision produisant de nouveaux rôles dans la

famille. Elle leur permet aussi d’apporter une contribution productive à la société et d’exploiter

leurs compétences et de libérer leur créativité ce qui contribue à lutter contre les représentations

stéréotypées du rôle des femmes et des hommes dans la société toute entière et d’améliorer leur

statut et leur position sur le marché du travail.

Dans le cadre de la promotion de l’intégration de l’égalité de genre et de l’entreprenariat féminin

dans l’ensemble des politiques de développement, le Ministère a initié un processus visant à

soutenir le rôle des femmes dans le monde des affaires. De ce fait, il a dédié un projet entièrement

consacré à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.

L’intégration de l’Egalité Equité du Genre (EEG) dans la structure et les pratiques du

département de l’Emploi soulèvent des défis liés au positionnement stratégique des comités en

charge de l’EEG et leur dotation de l’autorité requise, des capacités et des moyens humains et

financiers, la disponibilité des points focaux genre et leur implication dans l’élaboration des

stratégies et programmes relatifs au secteur, l’affectation des ressources permanentes aux unités

de gestion du programme, l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de communication

interne et externe pour la diffusion de la culture de l’égalité, l’élaboration des programmes de

formation et de sensibilisation, l’opérationnalisation et l’institutionnalisation de la structure

organisationnelle en charge de l’EEG et son intégration dans les programmes et les stratégies du

Ministère et enfin l’élaboration de lignes directrices sur les normes et valeurs en matière

d’EEG.

Aussi, l’amélioration de la connaissance des défis et contraintes économiques et sociales selon

le genre relatifs à l’accès à un emploi rémunéré et au maintien des femmes et des hommes dans

l’emploi selon des variables socio- démographiques pertinentes d’une part, et l’amélioration

de la connaissance selon le genre du système de protection sociale et des conditions de travail des

femmes d’autre part, constituent des défis importants à relever.

D’autres défis portent sur le renforcement du respect des dispositions du code de travail et des

conventions internationales ratifiées par le Maroc, la mise en place des mesures incitatives visant à

promouvoir l’accès des femmes aux postes de responsabilités et l’instauration d’un système

d’action positive destiné à promouvoir la participation des femmes aux instances de prise de

décision au sein des comités d’entreprises, des syndicats et des associations

En matière d’accès à l’emploi, les principaux défis s’articulent autour de la nécessité de la

réalisation d’une croissance riche en emplois de qualité, du respect des dispositions du code du

travail et des conventions internationales de travail, de la lutte contre le travail des enfants, du travail

indécent, de l’amélioration des conditions de travail et de l’adéquation formation - emploi.

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En effet, la révision du code du travail, adoptée en juin 2003, a introduit un certain nombre

d’amendements qui ont pour but d’améliorer l’objectif d’égalité (art.4, 9 et 346). Outre le fait

que la durée du congé de maternité a été élevée à 14 semaines au lieu de 12, le texte consacre

le principe de non discrimination entre hommes et femmes en matière d’emploi et de salaires.

Pour la première fois, sur la base des conventions de l’OIT (100-101-183), ratifiées par le

Maroc, le code du travail consacre le principe de l’égalité et interdit toute discrimination

fondée sur le sexe, dans les relations de travail.

Il précise ce principe au niveau :

- des conditions de travail : horaires, hygiène, sécurité, repos et congés (Convention n° 101),

- des salaires et des indemnités (Convention 100) ;

- de l’adhésion aux instances syndicales (Convention 87) ;

- du bénéfice des programmes d’alphabétisation.

En ce qui concerne la protection spécifique des femmes salariées, le code du travail précise :

- le respect du droit au congé de maternité (Convention 87),

- le respect du droit à l’allaitement (1 heure par jour pendant 12 mois) ;

- le droit de bénéficier d’un local spécial pour l’allaitement ;

- le droit de bénéficier de toutes les conditions facilitant le travail de nuit (pauses et

transport).

Le code du travail réglemente l’interdiction du travail des femmes dans certaines activités,

portant atteinte à leur santé, à leur sécurité et à leur moralité.

Dans le code de travail et pour la première fois, le harcèlement sexuel et l’incitation à la

débauche, commis sur la personne du salarié par l’employeur ou le chef de l’entreprise ou de

l’institution, sont explicitement mentionnés en tant que « fautes graves ». Plus encore, tout

renvoi du travail pour ce motif est considéré comme arbitraire, à condition toutefois que le - la

salarié - e apporte les preuves nécessaires sur la gravité de la faute. Cette même qualification

s’applique à toutes sortes de violences perpétrées contre le/la salarié - e (art. 40). Le code

précise par ailleurs que « l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue

de protéger la sécurité, la santé et la dignité des salariés travaillant sous sa responsabilité et

veiller à l’observance de la bonne conduite, de la moralité et à la préservation des mœurs

publiques » (art. 24).

C’est le premier texte qui nomme explicitement le harcèlement sexuel, et qui tend à assurer

aux salariées la protection nécessaire, tant à l’égard de leur employeur que dans les relations

avec leurs collègues du travail. Mais le problème réside, là encore, dans la définition du

harcèlement sexuel, et la difficulté d’apporter des preuves pour les abus commis en l’absence

de témoins. Le législateur considère la commission de l’acte comme constituant une « faute

grave », soumise à la preuve qui pèse sur la victime. Un fait qui décourage à l’évidence le

recours au système judiciaire. Malgré l’incrimination pénale, le silence social est fréquent,

rares, en effet, sont les femmes victimes qui dénoncent ce genre de comportements.

Malgré ces avancées notables, il existe un décalage entre les textes et le vécu quotidien des

femmes salariées, ce décalage touche particulièrement les salaires. Si dans le secteur public on

relève des disparités de fonction et de promotion, dans le secteur privé, il existe un décalage de

salaire de plus de 25 %: entre les femmes et les hommes36. 36 Cf. Statistiques HCP 2003.

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De même, le faible taux de syndicalisation des femmes et l’ignorance de leurs droits, exposent

de nombreuses femmes à l’exploitation et aux discriminations.

2- Au niveau du département de l’agriculture : les PGR visibilisent les femmes rurales

Dans le milieu rural, les femmes constituent les composantes dynamiques de l’économie rurale.

Leur intégration dans les programmes de développement agricole, l’amélioration de leurs

conditions socio - économiques et la promotion de leurs droits constituent une préoccupation du

Département de l’agriculture depuis plus de 3 décennies.

Ce département a lancé un programme de Projets Générateurs de Revenus (PGR) destiné à

améliorer les conditions socio-économiques des femmes rurales. Ces projets portent sur

l’amélioration des activités agricoles notamment le petit élevage et sur l’allégement de certains

travaux domestiques tels que la substitution du bois de feu par l’utilisation du biogaz et de

l’énergie solaire ainsi que le creusement de puits et leur équipement par des pompes manuelles.

Sur la période 2005-20, 108.190 femmes rurales ont pu développer des PGR dans le cadre de 427

unités. Toutefois, une baisse sensible est enregistrée au niveau du nombre des bénéficiaires,

reculant de 1.060 en 2005 à 839 en 2010, après un pic de 2.600 en 2007, au moment où le coût

total des PGR s’est inscrit dans une tendance haussière.

3- Au niveau du département du commerce : des initiatives informelles

On relève une évolution significative de l’emploi féminin au niveau du commerce intérieur où

on dénombre plus que 975.00071 points de vente répartis sur l’ensemble du territoire national.

L’ensemble de ces points de vente emploie 1,33 million de personnes, soit 12,8% de la

population active occupée marocaine.

En 2010, la population féminine active occupée qui exerce dans le commerce s’est élevée à

115.983, soit prés de 8,7% de la totalité de la population active occupée dans ce secteur. En

termes de création nette d’emploi, le commerce a permis la création de 32.659 emplois entre 2008

et 2009, dont 1102 emplois féminins72, avant de marquer un recul de 67.000 postes en 2010. Par

milieu, le nombre de femmes qui exercent une activité commerciale dans les villes a atteint

99.986 femmes en 2010 contre 104.375 en 2009 soit une baisse de 4,2%, tandis que le nombre

de femmes du monde rurale travaillant dans le secteur du commerce a atteint près de 15.997 en

2010 contre 11.675 en 2009 soit une progression significative de 3,7%.

4- Au niveau du département de l’artisanat : une contribution appréciable au

rayonnement du produit marocain

Les femmes sont présentes dans l’ensemble des chantiers de l’artisanat marocain et bénéficient

d’un intérêt particulier que se soit en matière de formation, d’accompagnement ou d’appui

technique. De même, elles sont omniprésentes dans les actions de promotion et de

commercialisation du produit tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. Certains indicateurs et

chiffres illustrent cette dynamique.

Le nombre de coopératives artisanales est de l’ordre de 968 dont 353 coopératives féminines avec

7660 membres. Ce nombre n’était que de 170 coopératives en 2006, soit une évolution de

225%. Les coopératives féminines artisanales sont classées en 2ème place après celles de

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l’agriculture, elles exercent dans plusieurs filières (le Tissage, le Tapis, la Couture, la Broderie, la

Poterie,...).

5- Au niveau du département du développement social : le programme INQAD contre

l’exploitation économique des petites filles domestiques

Le Département du Développement Social a mis en place, en 2006, un programme national de lutte

contre le travail domestique des petites filles (INQAD) en partenariat avec les partenaires

institutionnels, la société civile et les organismes internationaux. Les actions entreprises, en

2010, pour la réalisation de ce programme concernent l’élaboration d’un plan de communication

et d’une enquête sur le travail domestique des petites filles à Casablanca.

Dans le même sens et afin de protéger le personnel de maison, un projet de loi réglementant le

travail domestique est élaboré, il est en cours d’adoption par le parlement.

6- L’entreprenariat féminin : l’esprit d’initiative des femmes

La dernière décennie a enregistré un mouvement croissant de l’entreprenariat féminin. En

2009, ce sont 4036 entreprises féminines qui ont été crées. Cette croissance est caractérisée par

une répartition géographique inégalitaire, avec une forte concentration à Casablanca (37%) et

Rabat (12%). Ainsi, Casablanca a vu le nombre des entreprises appartenant aux femmes

augmenter pour atteindre 1.613 en 2009.

D’après les chiffres de l’AFEM, les secteurs les plus prisés par les femmes durant la période

2006-2010 en termes de création d’entreprises sont les services avec une part de 48% puis

le commerce avec une part de 32% suivi de l’industrie notamment le textile.

Dans les faits, le nombre des femmes cheffes d’entreprises est encore limité bien qu’il s’inscrive

dans une tendance perceptible d’augmentation. Conscient de la nécessité de déployer des

programmes d’incitation à l’autonomisation et à l’entreprenariat, l’Etat à travers, l’ANPME a

mis en place le Programme de Promotion de l’Entreprenariat Féminin dans le cadre du projet

Taahil Al Moukawalat, en étroite collaboration avec de la GIZ.

Pour ce faire, l’ANPME s’est appuyée sur les associations agissant dans la promotion de

l’entreprise féminine68. Le programme cible les femmes diplômées, les chefs d’entreprises plus

au moins structurées, les femmes à la tête d’une très petite entreprise (TPE) ou d’une activité

génératrice de revenu (AGR) dans le cadre formel (SARL) ou des porteuses de projets. Les

actions entreprises dans le cadre de ce programme visent le renforcement des capacités

commerciales et managériales, coaching financier, mise en réseau, introduction des nouvelles

technologies, ...

La collaboration entre ANPME et la GIZ, a permis de réaliser deux programmes

d’assistance à l’entreprenariat féminin :

- le programme « Entre Elles » pour mieux appréhender la gestion quotidienne et les défis

imposés par l’entreprise féminine nouvellement créée,

- et le programme « Développement de la Force Commerciale » reposant sur le

développement de la force commerciale des femmes micro - Entrepreneures. A cela

s’ajoute, l’organisation de trois foires commerciales au féminin au profit des femmes

entrepreneures afin de permettre à des femmes ayant participé au cycle de formation du

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« Programme régional d’accompagnement et de renforcement des capacités

commerciales » de mettre en pratique et de consolider leurs acquis.

Le programme n’a réussi à intéresser sur la période 2005-2010, que quelques 600 femmes, ce qui

demande d’importants efforts à fournir pour relever le défi d’accompagnement et

d’encadrement, afin que l’initiative féminine ne reste pas confinée dans le secteur informel

et cantonné dans les secteurs d’activité traditionnels.

Quelque soit leur esprit d’initiative, les femmes entrepreneures restent confrontées à

certaines inégalités liées au genre et se heurtent encore à des barrières persistantes pour le

démarrage et la croissance de leurs entreprises, notamment un accès difficile au financement, un

accès limité à l’information, à la formation et aux infrastructures d’accueil ou encore à des

pratiques sociales et culturelles discriminatoires.

Ainsi, au niveau de l’accès à l’emploi, la participation des femmes au marché du travail a

augmenté durant les dernières années, mais elle reste nettement moins élevée que celle des

hommes. Elle est par ailleurs, caractérisée par la vulnérabilité des femmes au chômage, au

sous emploi et à la précarité du statut professionnel d'aide familiale non rémunérée 15.

Même lorsque le niveau de qualification est égal, les femmes obtiennent plus difficilement que

les hommes des postes de cadre et de direction.

La privatisation du secteur public contribue à un accroissement du chômage des femmes parce

qu'elle ne s'accompagne pas des changements structurels appropriés dans l'enseignement et sur

le marché de l'emploi. Le développement de la carrière est entravé par les responsabilités

familiales (travaux domestiques, éducation des enfants, prise en charge des personnes âgées,

malades et/ou handicapées…) et par le manque d’implication des hommes dans la gestion de

l’espace privé. L'absence d'infrastructures sociales de garde et de soins permettant une

meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle constitue un obstacle à

l'expansion de l'emploi féminin et à l'amélioration des conditions de travail et de vie des

femmes.

En ce qui concerne l’entreprenariat féminin, on note un progrès important mais l'absence de

facilités de financement et de crédits, la difficulté de constituer des réseaux commerciaux et le

manque de personnel qualifié en constituent les principaux obstacles au développement des

entreprises féminines.

En dépit donc des efforts consentis, les contraintes des politiques néolibérales et de la

mondialisation poussent sur le marché du travail un nombre croissant de femmes. Elles sont

présentes dans tous les secteurs, mais elles sont plus visibles dans le secteur informel et plus

vulnérables au chômage 37. Le nombre de femmes qui se déclarent chômeuses peut être

indicatif du fait que les femmes sont plus nombreuses à se positionner sur le marché du travail

et à ne pas trouver d’emploi.

Aussi, l'importance des besoins non satisfaits reste considérable et le marché de l'emploi

constitue l’espace où s’exercent le plus de discriminations et de violences à l’égard des

femmes.

37 Nadira Barkalil : Genre et activités économiques au Maroc. La persistance de la précarité dans l’activité

féminine. Le livre blanc. Publication GTZ 2005.

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II-2-3 Dans le champ politique : les femmes rompent avec leur rôle traditionnel

Depuis la fin des années 90, le Maroc s’est engagé dans un processus de mutations rapides et de

transition économique, démographique, sociologique et démocratique. La transition démocratique

s’est affirmée par des réformes majeures consacrées par l’adoption de la nouvelle Constitution

en 2011, qui vise la consolidation du principe de l’indépendance des pouvoirs, le renforcement

de la décentralisation dans le cadre d’un vaste chantier de régionalisation et l’accès égal des

femmes et des hommes aux droits fondamentaux.

Les conditions de gestion démocratique, au niveau des élections législatives et communales visent à

assurer une meilleure participation des femmes au sein des instances élues.

L’article 21 de la DUDH stipule que « toute personne a le droit de prendre part à la direction

des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants

librement choisis, que toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions

publiques de son pays et que la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des

pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir

lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure

équivalente assurant la liberté du vote ». Cet article fait état de l’égalité d’accès des femmes et des

hommes à se présenter aux élections et de participer à la gestion des affaires publiques.

De même, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques veille à assurer les droits

politiques des femmes et à renforcer leur représentativité dans les postes de décision

respectivement à travers les articles 3-7 et 3-6-23.

Le Maroc en ratifiant la CEDEF13 s’est engagé à améliorer la représentation politique des femmes

aux niveaux de la gestion du pouvoir législatif et exécutif, et au niveau de toutes les instances de

décision, telle que déterminée par les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et à

atteindre l’OMD 3 se rapportant à la promotion de l’égalité entre les sexes et à l’autonomie des

femmes.

La nouvelle Constitution vient renforcer la représentativité des femmes et leur participation à la

décision dans les articles 30, 115 et 146.

Dans le souci d’honorer ses engagements, le Maroc a initié, durant la dernière décennie,

plusieurs chantiers de développement politique et sociétal engendrant, entre autre, la

promotion des droits fondamentaux des femmes.

C’est ainsi que des dispositifs ont été pris à l’occasion des élections communales de 2009, une

charte communale réformée, un mode de scrutin révisé et une mesure de discrimination positive

est institutionnalisée. Ces différentes réformes ont abouti à des résultats qui ont favorisé une

progression substantielle de la représentation des femmes en politique locale mais qui

demeure en deçà des attentes du mouvement des femmes.

En effet, la révision de la charte communale en 2002 puis en 2008 traduit la volonté des

pouvoirs publics de renforcer la démocratie représentative au niveau le plus proche des citoyens et

des citoyennes. La nouvelle charte communale constitue un levier pour la gouvernance locale.

Elaborée dans le cadre d’une approche participative, elle vise la consolidation de la démocratie

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locale à travers le renforcement des attributions des communes qui deviennent de véritables

acteurs de développement. A cet effet, le pouvoir des élus – es des conseils locaux a été

raffermi en leur offrant un rôle déterminant dans l’élaboration des Plans Communaux de

Développement (PCD).

Par ailleurs, cette charte privilégie la gestion participative et de proximité du développement

tenant compte des besoins et préoccupations des hommes, des femmes, des filles et des garçons.

Dans ce sens, une mesure importante a été prise, elle consiste dans la création d’une

commission consultative auprès de chaque conseil communal dite « Commission

d’Equité et d’Egalité des Chances (CEEC).

Cette commission est institutionnalisée par l’article 14 de la charte communale, elle dispose

d’une force de proposition et d’éclairage du conseil communal sur les questions relatives à

l'égalité des chances. Elle se compose de personnalités appartenant à des associations locales

et d'acteurs de la société civile, proposés par le président du conseil communal. Elle a pour

mission de veiller à la représentation et à la participation équitable des catégories sociales dans

la prise de décision. Elle donne son avis, à la demande du conseil ou de son président, sur les

questions concernant la parité et l'égalité des chances.

Dans le même sens, un Fonds d’appui pour la promotion de la représentativité des femmes

(FAPRF) a été mis en place. Ce fonds profite aux projets présentés par les partis politiques et

par les associations œuvrant dans le domaine de la promotion de la représentativité féminine, de la

bonne gouvernance ou du développement humain.

Lors des élections du 12 Juin 2009, la réforme du code électoral a contribué à l’élection de 3424

femmes (sur 20 458 candidatures féminines) aux conseils communaux contre 127 en 2003.

Ainsi le taux de représentativité des femmes est passé de 0.5 6% en 2003 à 12% lors des dernières

élections. Par niveau d’instruction, 71% des élues communales à l’échelon national ont un niveau

d’instruction secondaire ou supérieur contre 52% des élus communaux. La répartition par âge des

femmes élues montre que 46% des élues ont moins de 35 ans. De même, suite à ces dernières

élection, 12 femmes ont été élues présidentes de communes dont 10 en milieu rural.

La réforme de la charte communale a constitué une avancée importante en matière d’égalité et

l’institution de la «Commission de parité et d’ égalité des chances » a permis de mieux tenir

compte des besoins des femmes.

Au niveau des élections législatives, bien que le taux des femmes députées a doublé, il ne

répond ni aux attentes du mouvement des femmes, qui revendiquaient le tiers conformément

aux engagements de l’Etat à travers l’OMD 3, ni aux exigences démocratiques et encore

moins aux nouvelles dispositions constitutionnelles.

Le renforcement du rôle politique des femmes et leur droit à la gestion de la chose publique

permet de mieux répondre aux besoins et intérêts spécifiques des femmes. Il favorise la

représentation équitable des femmes et des hommes à tous les niveaux et dans la sphère de prise de

décision. Il assure également un accès égal aux services de proximité et annule l’influence du

sexe sur la nature et la qualité de ces services.

Dans l’espace politique, la position des femmes, selon l'Indice de Participation des Femmes

(IPF) est encore faible. Il traduit les inégalités hommes- femmes dans la prise de décision

économique et politique. Les efforts consentis au niveau de la participation politique des

femmes dans les instances élues ont nettement amélioré cet indice et le rang du Maroc. Mais

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en dépit des avancées enregistrées dans les taux de représentativité des femmes, la parité

expressément énoncée par la nouvelle Constitution demeure encore un rêve, loin de pouvoir se

réaliser. La responsabilité des partis politiques est grande et le défi à relever est décisif pour

les prochaines consultations populaires.

III- LES FONDEMENTS DU PRINCIPE DE L’EGALITE HOMMES –

FEMMES / L’AMBIVALENCE DU SYSTEME JURIDIQUE MAROCAIN

III - 1 Le cadre international de l’égalité de genre

Dans sa volonté de consolider l’Etat de droit et de concevoir un projet de société cohérent et

intégré, le Maroc a ratifié les principales conventions relatives aux droits humains. A travers ce

référentiel, le Maroc garantit son engagement dans la préservation de la dignité humaine et la

consécration des droits humains dans leur acception universelle et indivisible.

1- La DUDH

Le cadre normatif de protection des droits humains est fondé sur la Déclaration Universelle

des Droits de l’Homme. Proclamée en décembre 1948, elle énumère de nombreux droits : civils,

politiques, économiques, sociaux et culturels auxquels toute personne, dans le monde entier,

devrait prétendre. Toutefois, l’absence de force juridique contraignante et de consensus sur la

portée des Droits Economique, Sociaux et Culturels y figurant, a poussé l’Assemblée Générale

des Nations Unies à adopter en 1966 deux conventions séparées dont l’une porte sur les

Droits Civils et Politiques et l’autre sur les Droits Economique, Sociaux et Culturels.

2- Le PIDCP

Le Pacte international relatif aux Droits Civils et Politiques (1966), entré en vigueur au

Maroc en 1979 constitue le cadre référentiel du droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de la

personne, le droit de ne pas être tenu(e) en esclavage et celui de ne pas être soumis(e) à la

torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit de ne pas être arrêté(e) et

détenu(e) arbitrairement, la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable, la liberté

d’expression, de pensée, de conscience et de religion, ainsi que le droit de circuler librement et la

liberté de réunion et d’association.

3- Le PIDESC

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, entré en vigueur au

Maroc en 1979, reprend en les étendant et en les affinant les DESC affirmés dans la

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Il définit comme partie intégrante et

indissociable des droits humains le droit à un niveau de vie suffisant (alimentation, logement,

vêtements, etc.), le droit à l’éducation, le droit au travail dans des conditions satisfaisantes, les

droits syndicaux et de grève, le droit à la santé, le droit à la sécurité sociale et enfin le droit de

participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique. Le PIDESC considère la

protection des droits économiques, sociaux et culturels comme fondamentale puisque les droits

civils et politiques comme le droit de vivre dans la dignité ne peuvent se réaliser que si les

besoins humains fondamentaux des populations sont satisfaits (se nourrir, se soigner, se vêtir, se

loger, s’éduquer...). Le PIDESC stipule que les Etats doivent œuvrer au respect, à la protection

et à la réalisation des droits au maximum des ressources disponibles.

La DUDH et les deux pactes forment la Charte Internationale des Droits humains. Ces

instruments sont complétés par des conventions spécifiques visant à protéger les droits des

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femmes et à lutter contre toutes les formes de discrimination : La CEDEF et la déclaration du

millénaire

4- La CEDEF / Convention pour l ’Elimination de toutes les Formes de

Discrimination à l’égard des Femmes

Adoptée en 1979, la CEDEF est ratifiée en juin 1993 par le Maroc, en 2011, le gouvernement a

levé toutes les réserves émises et a ratifié le Protocole facultatif, permettant aux femmes victimes

de violations de droits de porter plainte devant les instances internationales.

La CEDEF est axée sur :

l’égalité femmes - hommes : qui consiste au droit à l’égalité des chances et l’égalité de

traitement, l’accès et le contrôle égal des ressources, ainsi que la modification et l’application des

lois pour garantir l’égalité.

la non-discrimination : la discrimination, construite socialement, doit être éliminée, qu’elle

soit directe ou indirecte, de jure ou de facto et qu’elle soit liée à la sphère publique ou à la sphère

privée.

l’obligation des Etats : une fois qu’un Etat a ratifié la Convention, il doit respecter les

obligations en matière de lutte contre les discriminations et prendre, dans tous les domaines

(politique, économique, social et culturel), les mesures appropriées pour garantir les droits

fondamentaux des femmes.

La CEDEF garantit et renforce les droits sociaux, économiques, politiques, culturels et familiaux

des femmes, dans la sphère privée et dans la sphère publique. C’est le premier traité

international qui vise clairement l’amélioration du statut et la position des femmes au sein de la

famille.

5- La Déclaration du Millénaire (OMD)

La Déclaration du Millénaire est une déclaration officielle de l'Organisation des Nations Unies

signée le 8 septembre 2000 par 191 pays dont le Maroc. Elle reconnaît que, en plus des

responsabilités propres que les Etats parties doivent assumer à l’égard de leurs sociétés

respectives, ils sont collectivement tenus de défendre, au niveau mondial, les principes de la

dignité humaine et de l’égalité.

Cette Déclaration est suivie par l'adoption de huit « Objectifs du Millénaire pour le

développement » (OMD) à atteindre en 2015 : réduire l'extrême pauvreté et la faim ;

assurer l'éducation primaire pour tous; promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des

femmes; réduire la mortalité infantile; améliorer la santé maternelle; combattre le VIH/sida, le

paludisme et d'autres maladies; préserver l'environnement ; mettre en place un partenariat

mondial pour le développement.

A travers son adhésion à la Déclaration du Millénaire pour le développement, le Maroc

s’engage à la réalisation du troisième Objectif du Millénaire (OMD3) qui consiste à

promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Sa participation pour la

réalisation de cet objectif se traduit par sa capacité à atteindre les différentes cibles proposées

par l’OMD 338.

38 Cf. Rapport du Maroc OMD - 2008

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6- La Déclaration et la Plate Forme de Vienne

Le Maroc, par une importante délégation officielle a pris part aux travaux de la première

conférence mondiale des droits de l’homme qui s’est tenue à Vienne en 1993. Elle affirme, dans

sa déclaration et sa plate forme, de manière claire que « les droits fondamentaux des femmes et

des filles font inaliénable ment, intégralement et indissociablement partie des droits universels de

la personne. L’égale et pleine participation des femmes à la vie publique, civile, économique,

sociale et culturelle, aux niveaux national, régional et international et l’élimination totale de toutes

les formes de discriminations fondées sur le sexe sont des objectifs prioritaires de la communauté

internationale ».

7- Le programme d’action de Beijing

Le Maroc a adopté le 15 septembre 1995 le Programme d'action de Beijing reflétant

l'engagement du pays pour promouvoir les droits des femmes en veillant à ce qu'une

perspective "sexospécifique" soit appliquée à toutes les politiques et tous les programmes aux

niveaux national, régional et international. Le MDSFFS est le rapporteur national du programme

d’action de Beijing.

8- Les Recommandations de Barcelone : un appel pour améliorer la condition des

femmes dans l’espace méditerranéen

Appartenant également à l’espace méditerranéen et bénéficiant d’un statut avancé au niveau

de l’Union Européenne, le Maroc est tenu d’honorer les engagements pris en faveur des

femmes dans cette sphère géographique.

Ainsi, la conférence de Pékin fût suivie de la conférence de Barcelone en 1995, dont les

recommandations ont remobilisé les pays du pourtour méditerranéen dix ans plus tard en 2005.

En 2006, le besoin de relancer la question de l’égalité hommes – femmes a fait l’objet de la

conférence ministérielle d’Istanbul qui a débouché sur l’adoption des Conclusions d’Istanbul,

dont les travaux préparatoires ont été abrités par le Maroc en juin 2006.

La conférence Euromed des femmes qui s’est tenue les 24 et 25 novembre 2005 à Barcelone,

commémorant le 10ème anniversaire du processus de Barcelone, est née de la nécessité de

continuer le renforcement du rôle politique, économique et social des femmes dans le

partenariat euro méditerranéen.

Dans ce cadre, et dans la lignée des réflexions des différents organes de décision Euromed et

des institutions européennes engagées dans le processus de Barcelone, et dans d’autres forums

(comme la conférence régionale de Sanaa et la réunion de la Ligue Arabe à Alger en 2004), le

point de départ des travaux de la conférence est la certitude que l’égalité d’opportunité entre

les hommes et les femmes est un thème transversal. Il a un fort impact sur le développement

économique et humain des pays et sur les personnes qui vivent dans l’espace euro

méditerranéen. Dans cette optique, l’obtention de l’égalité entre les hommes et les femmes est

un thème commun important qui unit la société euro méditerranéenne.

Organisée autour de trois grandes thématiques, les principales réflexions ont porté sur cinq

sujets :

- Les droits des femmes font partie intégrante des droits humains, le non respect ou

l’application partielle des droits fondamentaux aux femmes constitue des violations des

droits humains. C’est pourquoi il est nécessaire que ces droits soient juridiquement

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garantis. L’universalité des droits humains est indiscutable, elle doit garantir le droit à

l’égalité, les différences culturelles ne doivent en aucun cas justifier les

discriminations et freiner l’avancée des droits humains.

- La différence entre les attentes formulées il y a dix ans à travers le Processus de

Barcelone et les réalisations en termes d’égalité hommes – femmes, est très grande

dans l’espace euro –méditerranéen.

- Des progrès ont été réalisés notamment en matière d’éducation mais le rôle des

femmes dans la vie économique et particulièrement dans le champ politique ne s’est

pas renforcé du fait du maintien des barrières sociales et économiques et de la faiblesse

de la volonté politique.

- L’approche genre en tant qu’outil de planification doit s’appliquer de façon

transversale dans toutes les politiques publiques, les moyens financiers nécessaires à

leur réalisation doivent être mobilisés et faire appel au partenariat euro- méditerranéen,

conditionné nécessairement par la non discrimination basée sur le sexe.

- La lutte contre les violences subies par les femmes passe nécessairement par le

renforcement de leur capacité et leur autonomisation et la reconnaissance du travail

domestique.

9- Les Conclusions d’Istanbul

La conférence ministérielle d’Istanbul, à travers ses Recommandations pour 2006-2009,

invite les pays du pourtour méditerranéen à entreprendre toutes les actions en faveur des

femmes pour améliorer leur situation et répondre ainsi aux exigences démocratiques et à

l’impératif du développement durable. Le renforcement du rôle des femmes dans la société

passe indéniablement par la reconnaissance et l’exercice de tous les droits humains

fondamentaux :

- les droits civils et politiques,

- les droits sociaux et économiques ;

- les droits culturels

Ainsi, la CEDEF, comme référent universel, appuyée par les Recommandations du sommet de

Barcelone (2005), par le Plan d’action de la Politique Européenne de Voisinage et par les

Recommandations d’Istanbul (2006), traduites par la Stratégie nationale d’équité et d’égalité

et par l’Agenda gouvernemental d’égalité, rebaptisé, en 2012, Plan gouvernemental d‘égalité

2012-2016 – IKRAM- , constituent le référentiel sur la base duquel les actions en faveur des

femmes doivent être menées, réalisées et évaluées.

Comparativement à de nombreux pays, des efforts importants sont fournis par le Maroc pour

harmoniser l’arsenal juridique interne conformément aux normes internationales et mettre en

place des institutions pouvant garantir l’accès des femmes aux droits humains fondamentaux.

Ces efforts traduisent la volonté du Maroc de s’inscrire dans une politique moderniste, elle

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s’est concrétisée par plusieurs actions en faveur des femmes, ce qui a valu à l’Etat marocain

d’être qualifié d’Etat féministe39

En effet, le processus démocratique engagé depuis le début des années 90 a entraîné une prise

en compte plus importante de la question de l’égalité hommes –femmes et le lancement par les

pouvoirs publics d’une politique volontariste de promotion des femmes dans le sens de

l’égalité des sexes. A partir de l’élaboration de la Stratégie nationale d’équité et d’égalité, de

nouveaux programmes sont lancés et de nouvelles politiques sont mises en place. Le caractère

transversal de la question des rapports sociaux de sexe est reconnu, de nouveaux dispositifs

sont crées, des stratégies sectorielles sont formulées et mises en pratique. Parallèlement, de

nouvelles pratiques de partenariat avec les associations féminines sont initiées et

expérimentées.

Conscient que la consolidation démocratique, la consécration de la culture de l’égalité et la

réalisation d’un développement humain durable, profitant à toutes les franges de la

population, constituent aujourd’hui des impératifs pour le Maroc et passent par des politiques

intégrant la dimension genre, le Plan gouvernemental de l’égalité 2012-2016, constitue le

principal cadre national de référence permettant la mise en œuvre de la nouvelle Constitution

conformément aux dispositions de la CEDEF.

III- 2 Le cadre national

1- LA SOCIETE CIVILE : un rôle considérable dans les acquis en faveur de la

citoyenneté des femmes au Maroc

La société civile, dans toutes ses composantes : partis politiques à travers les député - es,

associations féminines, de droits humains et de développement, syndicats…. a joué a un rôle

important dans la mobilisation et la sensibilisation sur la citoyenneté des femmes en engageant

le plaidoyer aux niveaux national, régional et international.

Les questions prioritaires étant :

- la révision de l’arsenal juridique marocain en conformité avec les valeurs universelles,

dont notamment le code du statut personnel,

- la représentativité politique de femmes dans les instances élues et l’accès des femmes à

la prise de décision économique et politique ;

- les violences subies par les femmes dans tous les espaces.

- L’amélioration de la condition socio-économique des femmes.

1- Pour l’adoption du code de la famille en 2004, la société civile, a mené un combat sans

relâche, souvent dans des conditions difficiles compte tenu des enjeux politiques et socio -

culturels du droit de la famille.

La mobilisation de la société civile autour du plan d’action national pour l’intégration des

femmes au développement (PNIFD), concrétisée par la mise en place du réseau de soutien au

Plan, du front de soutien au Plan et du travail gigantesque mené par le mouvement

« Printemps de l’égalité » a abouti à l’adoption en février 2004 du code de la famille.

39 Houria Alami : Femmes, modernité et modernisation au Maroc. L’Etat gestionnaire des relations de genre Communication au 5° Congrès des RFF 21-24 Octobre 2008.

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2- En ce qui concerne la participation politique

La revendication est ancienne, elle est apparue au début des années 90, à la faveur des débats

engagés au sujet des réformes constitutionnelles.

Plusieurs mémorandums ont été adressés aux décideurs politiques par les associations

féminines. Le dernier mémorandum daté de Mai 2011 a eu pour objectif de préparer les

élections prévues pour septembre 2011. Le projet d’amendements au code électoral intitulé

«pour la promotion des femmes aux postes de responsabilité et de décision », signé par 20

organisations dont un grand nombre d’associations féminines, a fait des propositions concrètes

sur le quota - fixé à 33% avec un seuil minimum de 20%- et sur la révision du mode de

scrutin. Il invite les partis politiques, les syndicats et les chambres professionnelles à mettre en

place une stratégie pour faciliter la participation des femmes aux activités de l’organisation, en

appliquant le quota dans les structures dirigeantes et en sensibilisant leur base.

3- Pour les droits socio-économiques des femmes : la société civile à travers, principalement

les syndicats, a joué un rôle important dans différents domaines :

- adoption du code de travail,

- lutte contre le travail des petites bonnes 40;

- interpellation du gouvernement pour activer l’adoption d’une loi sur le travail domestique ;

- ’adoption de l’AMO ;

- lutte contre l’analphabétisme ;

- lutte contre la pauvreté et l’exclusion par les activités génératrices de revenus.

4- En ce qui concerne la question des violences de nombreuses associations féminines ont

créé des centres d’écoute, d’aide et de conseils juridiques pour lutter contre les violences

subies par les femmes. Des campagnes de sensibilisation ont été organisées contre le

harcèlement sexuel, les violences physiques et sexuelles à l’égard des femmes.

La Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, conçue comme un

instrument national qui associe toutes les synergies pour lutter contre les violences subies par

les femmes, est considérée comme « un modèle de capitalisation par les pouvoirs publics des

initiatives et actions mises en œuvre par les associations des droits des femmes »41

Les centres d'écoute et d'orientation juridiques des femmes victimes de violence sont, en effet,

associés aux différents programmes mis en œuvre pour l’identification de l’ampleur du

phénomène, la prise en charge et le suivi des femmes victimes de violence, l’application des

lois relatives aux violences subies par les femmes et la sensibilisation des décideurs et des

intervenants.

Sur ces quatre principales questions, la société civile est devenue une force d’interpellation des

décideurs politiques et de propositions.

40 Ligue marocaine pour la protection de l’enfance « Journée d’étude et de réflexion sur les petites

filles « bonnes » travaillant dans les familles », Rabat, 19/01/1996.

41 M. Aït azizi, « L’intégration du genre dans les programmes de développement. Les actions

d’institutionnalisation des questions de genre au Maroc », in « Comprendre les inégalités Hommes- Femmes.

L’approche genre : théories et pratiques » Actes du colloque organisé par le Groupe de Recherche et d’Etudes

sur Genre et Développement (GREGED), Imprimerie Fedala, Rabat, 2005

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Le partenariat entre la société civile et l’Etat et la nouvelle culture participative à laquelle il

participe marque un tournant important de ces dernières années.

Sur cette question aussi, les améliorations sont importantes. Après une période caractérisée par

une certaine méfiance, qui a duré jusqu’au milieu des années 90, le partenariat tend à

s’améliorer pour unir les efforts entre différents intervenants autour de thématiques qui sont de

plus en plus nombreuses. Sur la question de l’égalité, le partenariat a permis de contribuer à la

lutte contre l’analphabétisme et contre les violences à l’égard des femmes.

Des actions de partenariat thématique sont organisées régulièrement, avec le Ministère de

l’Education Nationale autour de l’introduction de la culture de l’égalité entre les hommes et

les femmes dans le cursus scolaire, avec le ministère des finances sur la part du budget de

l’Etat allouée aux programmes de promotion de la condition des femmes au Maroc42, sur

l’alphabétisation avec le secrétariat d’Etat, chargé de la lutte contre l’analphabétisme, avec le

ministère de la santé sur la prise en charge des problèmes de VIH/SIDA et les IST.

Dans le cadre d’un partenariat diversifié, la société civile continue de mener différentes

actions pour instaurer la citoyenneté pleine et entière des femmes marocaines : elle poursuit

l’examen des points faibles du nouveau texte du code de la famille par des activités de

monitoring43 et des textes relatifs au harcèlement sexuel, elle participe à de nombreuses

actions de lutte contre les violences, elle s’est également mobilisées pour la réforme du code

de la nationalité. Elle fait des propositions pour améliorer les normes juridiques et les

politiques dans le sens de l’égalité : campagnes contre les violences (1999-2008), campagne

pour la révision du code de la nationalité (2005-2006), campagne pour l’adoption de la liste

nationale (2002), égalité sans réserves au niveau régional (2006), campagnes du tiers pour les

élections communales (2008-2009) et élections législatives de 2011.

Au niveau international, de nombreuses initiatives sont prises notamment l’élaboration de

rapports parallèles44 .

Le rôle de la société civile dans le renforcement du rôle des femmes est par conséquent

remarquable, il est reconnu à l’échelle régionale et internationale, il lui a permis par ailleurs,

de s’impliquer dans la réalisation de la Stratégie nationale d’équité et d’égalité et de gagner la

confiance de nombreux partenaires, dont le soutien aux activités du gouvernement et des

différentes ONG est de plus en plus visible.

Sans doute, l’analyse de la situation au Maroc montre que l’image qui domine est celle d’une

société civile dynamique et de partis politiques, de plus en plus conscients de la question

féminine, comme question centrale dans la construction démocratique.

2- La volonté royale : des discours engagés en faveur de la citoyenneté des femmes

La question des droits des femmes acquière une place de choix dans de nombreux discours

du Roi, qui, dès son intronisation, affirmait de manière claire le 29 août 1999 : « Comment

espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de

la société, voient leurs intérêts bafoués, sans tenir compte des droits par lesquels notre sainte

42 ADFM, Séminaire, « Budget participatif- Parlement et société civile. Quels mécanismes de collaboration ? », 13 et 14

juin 2002, Rabat.

43 ADFM - LDDF 44 Cf. Rapports parallèles élaborés par les ONG féminines sur la mise en œuvre de la CEDEF.

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religion les a mises sur un pied d’égalité avec les hommes, les droits qui correspondent à leur

noble mission, leur rendant justice contre toute iniquité ou violence dont elles pourraient

être victimes, alors même qu’elles ont atteint un niveau qui leur permet de rivaliser avec les

hommes, que ce soit dans le domaine de la science ou de l’emploi »45.

Lors de l’ouverture de la deuxième année législative de la 7° législature, le Roi réitérait le 10

octobre 2003 la même préoccupation : « Nous tenons à féliciter les nouveaux élus, et nous

nous réjouissons du score élevé réalisé par les jeunes les plus qualifiés. Toutefois, le faible

niveau de représentation féminine dans les collectivités locales, nous amène à nous

interroger : jusqu’à quand allons nous continuer à recourir à la discrimination juridique

positive, pour garantir une large participation de la femme aux institutions ? La question

exige, sans aucun doute, un renouveau global, par une transformation profonde des

mentalités archaïques et de la conscience collective. Elle requiert de laisser à la femme la

faculté de s’insérer dans tous les rouages de la vie de la nation, d’autant plus qu’elle a fait

la démonstration de ses mérites, de sa droiture et de son dévouement au service de l’intérêt

généra »46.

L’attachement au principe de l’égalité et à l’implication des femmes dans la gestion de la

chose publique est également affirmé lors du discours du 19 décembre 2008 : « Ainsi se

trouve réaffirmé, notre attachement au référentiel des droits humains, qui sont en accord avec

notre identité religieuse et civilisationnelle. A cet égard, nous continuons à œuvrer pour

doter la femme marocaine des moyens à même de lui permettre d’être partie prenante dans

le processus institutionnel et démocratique, en l’encourageant à s’impliquer dans la vie de

la nation et à occuper les différents postes de la fonction publique sans exclusive. Nous

veillons également à ce qu’elle puisse bénéficier d’un taux croissant de représentations

équitable au sein du gouvernement, du Parlement, des collectivités locales et de tous les

centres de prise de décision… »47.

Le discours du 9 mars 2011, à la suite du mouvement du 20 février, réitère la question

féminine, dans le cadre de la régionalisation : «Renforcer la participation de la femme à la

gestion des affaires régionales et, d’une manière générale, à l’exercice des droits politiques. A

cet effet, il convient de prévoir des dispositions à même d’encourager, par la loi, l’égal accès

des hommes et des femmes aux fonctions électives ».

Par conséquent, depuis son intronisation, le Roi n’a laissé échapper aucune occasion 48 pour

insister sur les droits des femmes et les discriminations qu’elles subissent dans les différents

espaces. La volonté royale et la pression exercée par le mouvement des femmes, depuis plus

de trois décennies, ont été traduites par un ensemble de réformes juridiques, dont

principalement le code de la famille de 2004 et la nouvelle Constitution de 2011.

3- Les déclarations gouvernementales : la reconnaissance du rôle des femmes dans la

construction démocratique et le développement socio-économique du pays

- La déclaration du gouvernement de l’alternance en 1997, conduit par Abderrahman El

Youssoufi, est claire sur la question de la participation des femmes à la construction

45 Extraits des discours et des messages de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au sujet de la question de la femme.

Ouvrage édité par la Direction Générale des Collectivités Locales. 2011. 46 Idem. 47 Idem. 48 Idem.

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démocratique et au développement du pays49. Il s’est engagé à lever les entraves au

renforcement du rôle des femmes dans la société et combattre les formes de discrimination

dont elles sont victimes.

Cette volonté d’inclure les femmes dans la gestion de la chose publique fût réitérée par le

gouvernement technocrate, conduit en 2002 par Driss Jettou : « … l’adoption d’un code

moderne de la famille garantissant l’égalité entre la femme et l’homme et préservant les droits

de l’enfant, la modernisation de l’appareil judiciaire, sont autant de chantiers confirmant la

ferme détermination de notre pays de se hisser au rang des nations démocratiques les plus

avancées… ».

Elle est également soulignée par Abbas El Fassi en 2007, suite aux élections législatives :

« La représentativité féminine dans ce vingt-neuvième gouvernement du Maroc depuis son

indépendance en 1955 est un record « historique » quantitatif et qualitatif. Les profils choisis

incarnent une diversité en termes de formations et de compétences… ».

Le renforcement de l’accès des femmes aux postes de responsabilité a fait l’objet de plusieurs

circulaires du Premier Ministre (du 04 Janvier et du 25 et 26 septembre 2001), elles ont eu

pour objectifs de recenser les femmes exerçant des responsabilités dans les différents

ministères, de mesurer la place des femmes dans l'encadrement de la haute fonction publique

pour repérer les inégalités hommes -femmes, faire le point des évolutions intervenues selon

le genre et prendre les mesures qui s’imposent.

En mars 2007, à l’occasion de la journée mondiale des femmes, une circulaire du Premier

Ministre confirme l’importance de La Stratégie Nationale d’Equité et d’Egalité et invite les

ministères, les Walis et les gouverneurs à procéder à l’intégration du genre dans toutes les

politiques et dans les programmes de développement sectoriels et régionaux.

Le 3 janvier 2012, la déclaration du gouvernement de coalition, conduit par Abdelilah

Benkirane, en tant que feuille de route, consacre une place de choix aux secteurs sociaux

avec un accent particulier sur la participation des femmes dans tous les domaine. Elle affirme

de manière claire l’engagement du gouvernement en faveur des droits des femmes, il annonce

« Le gouvernement s’engage à continuer d’accorder davantage d’importance à la situation de

la femme, à renforcer sa participation à la gestion de la chose publique à tous les niveaux et à

consolider son rôle dans le processus de développement. Afin d’accompagner ce qui a été

réalisé grâce au Code de la famille, le gouvernement se penchera sur l’examen des meilleurs

moyens d’activer la Caisse de solidarité familiale au profit des femmes divorcées et de leurs

enfants, de généraliser les centres multi- fonctionnels destinés aux femmes rurales, la mise en

place de mécanismes d’incitation pour le développement des entreprises féminines et

d’assurer une protection juridique aux femmes victimes de la violence… ».

Dans son intervention devant le Parlement européen, la Ministre du Développement Social, de

la Femme, de la Famille et de la Solidarité estime « ….qu'en dépit des progrès réalisés pour

promouvoir la femme, le Maroc est appelé à doubler d'efforts pour lui assurer une meilleure

place dans la vie politique et économique et renforcer son positionnement dans la société, et

ce conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution ». Pour la seule ministre dans

l’actuel gouvernement, dirigé par le PJD « …la femme marocaine et appelée à poursuivre

l'effort déjà engagé en matière de revendications pour pouvoir atteindre la parité et la

justice ». La ministre a également appelé les hommes à partager la responsabilité avec les

femmes pour le bien de la Nation. 49 Cf. Texte de la Déclaration du Premier Ministre du Gouvernement de l’Alternance.

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4- Les stratégies nationales : l’égalité hommes – femmes est reconnue comme une

priorité

- Adoption de la Stratégie Nationale pour l’équité et l’égalité en 2006

- Adoption de l’Agenda Gouvernemental pour l’égalité 2011-2015, rebaptisée en 2012 Plan

Gouvernemental pour l’Egalité 2012-2016 et qui bénéficie de l’appui financier de l’UE (497

millions de Dhs).

4-1 La stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes par l’intégration de

l’approche genre dans les politiques et les programmes de développement, adoptée en

2006, a pour ambition de fédérer et d’aider les différents acteurs à prendre les mesures

nécessaires pour instaurer l’égalité de genre dans tous les domaines.

Préconisant la prise en compte des besoins, aspirations et intérêts spécifiques des deux

composantes de la société marocaine : les hommes et les femmes, dans les différentes phases

d’élaboration et de mise en œuvre des politiques et programmes de développement, la

stratégie offre une vision globale des objectifs stratégiques et des niveaux d’articulation pour

la réduction des disparités entre les sexes dans les différents domaines. L’égalité, comme

fondement de cette stratégie, vise une participation égale et équitable dans le processus de

développement et la possibilité de tirer profit de cette participation de manière égale pour les

hommes et pour les femmes. Elle répond aux exigences démocratiques et à l’impératif du

développement humain.

La stratégie a pour principale finalité la réduction des disparités entre les hommes et les

femmes, tant en matière de jouissance et d’exercice de tous les droits fondamentaux, d’accès à

toutes les opportunités et ressources, qu’en terme de participation dans le champ public :

parlement, gouvernement, pouvoir judiciaire, hautes fonctions, postes de responsabilité….

Déclinée en deux objectifs stratégiques et cinq niveaux d’articulation, la stratégie ne prétend

pas se substituer aux multiples initiatives sectorielles prises et aux efforts déployés par

différents acteurs dans le domaine de l’égalité genre. Elle vise, essentiellement, à donner un

cadre général aux différents intervenants, destiné à être traduit sous forme de plans d’action,

pour atteindre les objectifs d’égalité dans les domaines suivants :

- les droits civils,

- la représentation et la participation à la prise de décision

- les droits sociaux et économiques

- les comportements sociaux et individuels

- l’ancrage institutionnel et politique.

La stratégie privilégie deux approches :

- une approche spécifique qui vise à répondre aux besoins propres des femmes afin

d’améliorer leur situation et de corriger les diverses formes d’inégalités et de discriminations

qu’elles subissent, par rapport aux hommes, dans l’espace public ;

- une approche transversale prend en compte de manière systématique les rapports de genre

dans tous les domaines d’action : juridique, économique, social, culturel, à toutes les étapes

(conception, mise en œuvre, suivi et évaluation) et à tous les niveaux (macro, méso et micro).

Cette approche vise la prévention des discriminations et l’ancrage du réflexe égalitaire dans

les institutions, les politiques et les programmes de développement.

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Elle constitue par conséquent un cadre important pour mettre en œuvre des mesures

concrètes dans tous les secteurs afin de réduire les écarts basés sur les rôles sociaux et qui

pénalisent les femmes dans l’espace public.

Elle a été appuyée par la circulaire du 1er ministre pour inciter les départements ministériels à

se mobiliser pour lutter contre les disparités de genre et les discriminations que subissent les

femmes dans les administrations publiques.

4-2 L’Agenda gouvernemental pour l’égalité 2011-2015

Adopté par le conseil du gouvernement le 17 mars 2011, il touche 9 domaines prioritaires :

- Ancrage institutionnel de l’égalité de genre,

- Accès équitable et égal des filles et des garçons à un système éducatif de qualité et

qualifiant ;

- Accès équitable et égal des filles, femmes, garçons et hommes aux servies de santé ;

- Accès équitable et égal des filles, femmes, garçons et hommes aux infrastructures de base ;

- Accès équitable et égal des femmes et des hommes aux droits civils et lutte contre les

discriminations et les violences faites aux femmes ;

- Accès équitable et égal aux postes de prise de décision électifs et dans l’administration ;

- Lutte contre les inégalités basées sur le genre dans le marché de l’emploi ;

- Lutte contre la pauvreté et les différentes formes de vulnérabilité subies par les filles et les

femmes ;

- Lutte contre les stéréotypes sexistes dans l’éducation, la culture et les médias.

Cet Agenda est décliné en 30 objectifs et propose 100 mesures. Il couvre la période 2011-

2015.

Le domaine prioritaire n°6 traite de l’égal accès des hommes et des femmes aux postes de

décision au niveau politique et administratif, avec deux objectifs :

- Accroître la représentativité politique des femmes (objectif 17)

- Accroître la représentativité des femmes dans les secteurs public, semi public et privé

(Objectif 18).

7 mesures sont proposées dont 3 concernent l’augmentation du nombre des femmes dans les

secteurs public, semi public et privé.

4-3 Le plan gouvernemental pour l’égalité des genres pour la période 2012-2016, baptisé

IKRAM (nouvelle appellation de l’agenda gouvernemental pour l’égalité).

Ce plan vise à consacrer l'égalité des sexes et la parité, conformément aux dispositions de la

nouvelle Constitution. Ce plan, appuyé par l’UE, pour 48 mois, dans le cadre de la réalisation

de l’OMD 3, a pour objectif de contraindre les secteurs gouvernementaux à intégrer

l'approche genre et à œuvrer à améliorer les indicateurs de développement humain, il vise la

création d'une «instance pour l'égalité, la parité et la lutte contre la discrimination» et d'un «

Conseil pour la famille et l'enfance». Il a également pour objectifs de renforcer la

représentativité des femmes aux corps élus et leur accès aux centres de pouvoir, la mise en

place d'un Observatoire national de lutte contre la violence à l'égard des femmes et

d'observatoires régionaux de vigilance et d'alerte en faveur des femmes et des filles, ainsi que

la création d'une chaîne de télévision spécialisée dans les questions de la famille et l'enfance50.

La ministre en charge de la question féminine a affirmé le 3 juillet 2012 lors de l’octroi du

don de 497 MDH par l’UE pour appuyer le plan gouvernemental d’égalité des genres « … ce

50 Cf. Plan gouvernemental de l’égalité 2012-2012 (MDSFFS)

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plan permet de réaliser l’égalité des sexes en harmonie avec l’Islam et les valeurs

civilisationnelles et familiales de la société marocaine avec la Constitution qui prévoit une

parfaite égalité hommes – femmes, les directives royales encourageant l’émancipation de la

femme marocaine, l’engagement du Maroc à concrétiser les OMD et à honorer les convenions

internationales… ».

L’appellation du plan d’égalité IKRAM a soulevé une polémique au sein du mouvement des

femmes, les féministes modernistes, attachées à la démarche droits fondamentaux des

femmes, rejettent cette appellation à connotation moralisante qui s’inscrit plus dans la

complémentarité des rôles sociaux de sexe et remet en cause le principe constitutionnel de

l’égalité. L’allocution de la ministre devant le représentant de l’UE traduit de manière claire

l’ambivalence du système juridique marocain, auquel la nouvelle Constitution n’a pas

échappé.

III-3 Le contexte régional / le printemps arabe : les acquis

Deux acquis majeurs : la levée des réserves émises sur la CEDEF et l’adoption de la

nouvelle Constitution. Cependant, le défi le plus important demeure l’harmonisation de

l’arsenal juridique marocain.

1- La CEDEF : La levée des réserves

Au Maroc, la pratique des réserves est utilisée essentiellement par rapport aux conventions qui

portent sur les droits des femmes. Ces réserves sont de différentes natures. Certaines

concernent le mode de règlement des différends pouvant naître de l’application ou de

l’interprétation des conventions. D’autres intéressent l’objet des conventions. Certaines sont

enfin prises sous forme de déclarations.

Pour l’article 29 paragraphe 1 qui stipule « tout différend entre deux Etats ou plusieurs Etats

concernant l’interprétation ou l’application de la convention qui n’est pas réglé par voie de

négociation, peut être soumis à la cour internationale de justice sur la requête de l’un des

Etats », le Maroc estime que « les différends de cette nature ne peuvent être soumis à

l’arbitrage ou à la Cour internationale de justice qu’avec le consentement de toutes les parties

au différend »51

Cette attitude est conforme au principe de la juridiction facultative en vertu duquel, à la

différence des litiges opposant les particuliers dans le droit interne, les Etats ne sont soumis à

la juridiction de la Cour internationale pour un litige donné qu’autant qu’ils y consentent.

Par contre, les réserves qui portent sur le contenu de la CEDEF concernent particulièrement

les articles 9 et 16 :

- Article 9 relatif à l’égalité en droits et obligations des conjoints pendant le mariage et après la

rupture du lien conjugal.

- Article 16 relatif à l’octroi de la nationalité de la mère aux enfants issus du mariage mixte et

au conjoint étranger.

L’’Etat marocain a formulé également des déclarations lors de la ratification, elles limitent la

dévolution du trône aux mâles.

51 Cf. Déclarations du Maroc ayant accompagné la ratification de la CEDEF en 1993.

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Ces réserves et déclarations visent le respect du droit interne dont notamment la Constitution

de 1996, le droit de la famille (Moudawana) et le code de la nationalité.

Cependant, l’article 28 de la CEDEF précise qu’aucune réserve incompatible avec l’objet et le

but de la convention ne sera autorisé. Cette disposition est conforme aux conditions exigées

par la Convention de Vienne, qui précise « les réserves ne peuvent être formulées que si elles

ne sont pas interdites par le traité ».

Les réserves émises, en confirmant les discriminations, se placent également en contradiction

avec les dispositions de l’article 2 de la CEDEF, en vertu duquel les Etats parties doivent

garantir la jouissance de ces droits sans discrimination fondé sur le sexe et prendre toutes les

mesures appropriées à cet effet.

De même, en n’émettant des réserves que dans le domaine de la famille, le Maroc adopte une

attitude sélective contraire à la vocation universelle de la CEDEF qui se présente comme un

texte global dont l’objectif consiste en la reconnaissance de l’intégralité des droits des femmes

et l’élimination de toutes les formes de discrimination à leur égard.

En fait, depuis que les instruments internationaux ont reconnu, garanti et promu les droits des

femmes au rang des droits humains, une grande controverse est née autour de l’acceptation de

ces textes. Les partisans de l’égalité, tout en se référant à ces normes, défendent l’idéologie

universelle des droits humains et considèrent les droits des femmes comme une partie

intégrante des droits humains. En revanche, les adversaires de l’égalité refusent ces normes au

nom des particularismes culturel ou religieux. Ce qui explique la confrontation entre

l’universel et le spécifique et complique le débat sur la levée des réserves au Maroc où le

Roi, en tant que commandeur des croyants, est investi de la mission de veiller au respect des

valeurs de l’Islam.

Le Maroc s’est en effet appuyé sur le référentiel religieux pour limiter les droits des femmes

dans la famille, opérant ainsi une distinction entre la famille, lieu de prédilection du référentiel

religieux et les autres espaces publics où la religion est peu présente.

Le principe d’identification des droits des femmes aux droits humains constitue le fondement

de l’intégration des droits des femmes dans la dynamique des droits humains. Cependant, il se

heurte à des débats où le particularisme culturel entend remettre en cause l’universalité des

droits humains et l’égalité en droits au profit des femmes, particulièrement dans l’espace

familial.

L’affrontement de l’universalité des droits humains des femmes et des hommes avec les

particularismes trouve dans le culturel un terrain de prédilection puisque c’est au nom de la

religion qu’on a exacerbé, voire renforcé la diversité culturelle, qu’on a contesté les droits

humains comme revendication essentielle. Ainsi, les positions du Maroc qui reconnaissent en

principe les droits humains ne sont pas identiques dans des domaines regardés comme

essentiels tels que la condition des femmes, alors que certains domaines échappent à cette

logique. Ce particularisme culturel a déjà alimenté le débat sur la réforme du code de statut

personnel. Il a fait avorter de multiples tentatives de révision et a opposé depuis plus de

quatre décennies les partisans de l’égalité aux conservateurs.

Cependant, le maintien de certaines réserves est sans fondements depuis la réforme du CSP,

devenu code de la famille en 2004, et celles qui ont touché le code de la nationalité en 2007.

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Mais sur ce plan, les conservateurs y voient une portée extrêmement limitée, la levée ne

devrait toucher que ce qui a changé dans le code de la famille et le code de la nationalité.

Autrement dit, les discriminations basées sur le référent religieux, telle que la question de

l’héritage, le mariage de la marocaine musulmane avec un non musulman, l’adoption, ou

encore l’attribution de la nationalité marocaine au conjoint étranger d’une femme marocaine

… pour ne citer que ces quelques exemples, font partie de l’identité culturelle marocaine et

ne peuvent en son nom être révisés.

Cette situation vise à empêcher l’adoption de mesures anti-discriminatoires et freiner le

mouvement de lutte pour l’élimination des discriminations, dénaturant la raison d’être de la

CEDEF et s’opposant à son but.

C’est pourquoi, lors de l’examen du rapport initial en 1997 et le second en 2003, le Comité

des droits des femmes a placé la question de la levée des réserves parmi ses principales

préoccupations et recommandations. Ces recommandations ont été réitérées, en janvier 2008,

lors de l’examen du 3° et 4° rapports périodiques combinés sur la mise en oeuvre de la

CEDEF et lors du processus de l’examen périodique Universel (EPU avril 2008).

Au Maroc, bien que la question de la levée des réserves émises sur la CEDEF ait mobilisé les

associations féminines et les organisations des droits humains, et ce, depuis sa ratification en

1993, elle n’a interpellé les responsables que depuis la publication du rapport de l’IER en

2003. En réponse aux recommandations de l’HIER, le gouvernement a donné le 21 février

2005 son aval aux propositions du comité technique qui portent sur l’adhésion du Maroc à

un certain nombre de traités et la levée des réserves et/ou substitution des réserves par des

déclarations interprétatives portant sur d’autres conventions à l’exception de la CEDEF.

A l’occasion de la journée internationale de la femme en mars 2006, un communiqué du

ministère de la justice, dirigé par le socialiste Bouzoubaa, a annoncé la levée de certaines

réserves émises sur la CEDEF, qui ne se justifieraient plus, compte tenu de la révision du

Code du statut personnel en 2004 et du Code de la nationalité en 2007.

L’annonce de la levée de certaines réserves sur la CEDEF est intervenue quelques mois plus

tard alors que le Maroc s’apprêtait à déposer sa candidature au Conseil des Droits de l’Homme

de Genève. Le document de candidature comprenait en effet, un engagement explicite dans ce

sens.

L’évolution de la question relative à la levée des réserves va connaître un tournant décisif

avec le message royal du 10 décembre 2008 et les différentes lectures52 qu’il a suscitées quant

à la levée des réserves.

Le message royal du 10 décembre 2008 adressé au CCDH à l’occasion du soixantième

anniversaire de la DUDH ne peut avoir d’autres significations que celle attendue par le

mouvement des droits humains recommandée par le comité CEDEF et l’IER et ce pour

plusieurs raisons :

- au regard du droit international public, l’Etat qui émet des réserves s’accorde le droit

de s’abstenir de lutter contre les discriminations subies par les femmes à divers niveaux

et dans différents espaces,

- au regard de la Convention de Vienne que le Maroc a ratifiée, l’article 19 précise bien

qu’un Etat, au moment de signer, ratifier, accepter et approuver un traité ou d’y 52 Cf. Interview Malika Benradi, in Aujourd’hui le Maroc Décembre 2008.

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adhérer, peut formuler une réserve, à moins que la réserve ne soit incompatible avec

l’objet et le but du traité or, les réserves émises par le Maroc vidaient effectivement

les dispositions de le CEDEF de leur contenu.

- Le message royal, de par sa portée, ne peut qu’annoncer une initiative substantielle. La

levée des réserves partielles a déjà fait l’objet en 2006 d’un engagement international

du Maroc même si les instruments de la levée n’ont pas été déposés auprès du SG des

NU.

- L’annonce par le Roi de la levée des réserves, à l’occasion du soixantième anniversaire

de la DHDH, est plus que significative de l’inscription du Maroc dans l’universalité

des droits humains, elle concrétise l’adhésion du Maroc au patrimoine commun de

l’humanité et constitue une réponse aux recommandations de l’IER.

De même, cette initiative s’inscrit dans les OMD et particulièrement dans le troisième

objectif : « Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes » qui vise la

révision et l’harmonisation de toutes les lois nationales discriminatoires conformément aux

dispositions de la CEDEF.

Enfin, sur le plan international, l’initiative royale, relative à la levée des réserves, fût

accueillie très favorablement par l’ensemble de la communauté internationale, qui y voit une

avancée importante dans la région à l’instar de l’adoption du code de la famille, du code de la

nationalité et de la liste nationale en faveur des femmes pour améliorer leur représentation

politique dans l’instance législative.

Seulement ce message royal annonçant la levée des réserves, qui a suscité différentes

réactions publiées par la presse53, n’a pas été suivi immédiatement de mesures concrètes, ce

qui a permis à certaines organisations de la société civile d’affirmer que la ratification en

1993 de la CEDEF, publiée au BO 8 ans plus tard (2001) n’a pas eu pour ambition de dépasser

l’ordre établi, du moment qu’elle s’est accompagnée de limites à préserver cet ordre.

Pressé par un société civile de plus en plus active sur le plan international et régional, le

gouvernement a élaboré un projet de levée de réserves, qui, soumis par le ministère de la

justice, pour avis à différentes instances54 n’a pas connu de suite.

C’est à la faveur des révolutions arabes et suite au discours du Roi du 9 mars 2011, qu’en

avril 2011, furent levées toutes les réserves émises sur les articles 9 et 16 de la CEDEF.

L’entrée en vigueur de cette ratification a été annoncée par un court texte inclus dans le

bulletin officiel, en date du 1er septembre 2011.

Cette décision fait du Maroc le premier pays musulman à avoir levé la réserve sur l’article 16

qui prévoit l’égalité des conjoints, avant, durant et après la rupture du lien conjugal. Les

médias internationaux s’en sont réjouis et ont félicité cette avancée majeure. Certes, pour le

mouvement des femmes, c’est un acquis important, mais là encore, ce n’est qu’une formalité.

Après sa ratification, la convention devient automatiquement supérieur aux normes internes et

donc applicable à l’ensemble des citoyens et des citoyennes. Mais la discrétion avec laquelle

la ratification s’est faite, montre que la volonté du gouvernement n’est pas de consacrer les

principes de l’article 16. L’harmonisation du code de la famille avec la CEDEF semble très

incertaine, compte tenu de l’article 19 de la Constitution qui limite l’égalité par le respect des

53 Cf. Le Matin du 23 Décembre 2008 : Entretien avec Malika Benradi sur le message royal relatif à la levée des

réserves émises sur la CEDEF. 54 Entretien avec la représentante du département de la justice le 9 juin 2009

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constantes du Royaume. La levée des réserves ne constitue- t – elle qu’une simple stratégie

de marketing pour l’image du Maroc devant les gouvernements et institutions étrangères ?

Car, la ministre PJD en charge de la question féminine, fût la première à diffuser au nom de

son association, un communiqué remettant en cause la levée des réserves, qui heurtent de

front le référentiel religieux du code de la famille.

Dans un contexte de tensions politiques, les femmes sont instrumentalisées au sein des luttes

internes, que ce soit pour redorer l’image du système à l’étranger ou pour affaiblir les

adversaires politiques. Le mouvement des femmes doit pouvoir tirer profit de cette situation.

Les féministes marocaines ne peuvent se permettre de manquer ce rendez-vous, car c’est

bien aujourd’hui que sont en train d’être posées les bases de la nouvelle société qui

pourrait être égalitaire ou demeurée patriarcale, car la levée des réserves devra engager

l’Etat marocain dans la procédure d’harmonisation de l’arsenal juridique avec les dispositions

de la CEDEF pour honorer ses engagements et toucher par conséquent et en priorité le code

de la famille dans toutes ses dispositions discriminatoires.

2- L’adoption de la nouvelle Constitution en faveur de l’égalité de genre

Les différentes réformes législatives réalisées en faveur des droits des femmes constituent des

avancées significatives qui traduisent la volonté politique du Maroc de consacrer l’égalité

dans tous les domaines : code du travail, code de la famille, code de la nationalité, code pénal,

code électoral, levée des réserves émises sur la CEDAW, ratification de son protocole

facultatif…. . Ces réformes sont couronnées par l’adoption de la nouvelle Constitution en

juillet 2011, qui, a la faveur des révolutions arabes et suite au discours du Roi du 9 mars

2011, a adopté de manière expresse les principes de l’égalité et de la non discrimination

fondée sur le sexe et prévu l’instauration d’une Autorité de la Parité et de Lutte contre toutes

les formes de discrimination.

En effet, le préambule, qui reconnaît pour la première fois dans l'histoire du Maroc

indépendant, la diversité de l'identité marocaine et décline un certain nombre de principes

relatifs aux libertés, aux droits fondamentaux et aux obligations, constitue une avancée en

faveur de la citoyenneté effective des Marocains et des Marocaines. Ces valeurs communes,

constitutionnalisées et ne pouvant faire l’objet d’aucune révision, font désormais partie du

socle commun de la citoyenneté marocaine.

La nouvelle constitution tire sa force des droits reconnus aux femmes sur le même pied

d'égalité avec les hommes. En effet, le titre II du texte suprême, s'ouvre sur la consécration de

l'égalité entre les hommes et les femmes dans les droits civils, politiques, économiques,

culturels et environnementaux.

En réponse aux revendications du mouvement des femmes, qui a toujours fait prévaloir la non

effectivité des droits politiques, économiques et sociaux, reconnus aux femmes par la

constitution de 1996, la nouvelle Constitution introduit la notion de l'effectivité des droits et

des libertés. Elle préconise, dans ce sens, des mesures d’action affirmative, ainsi que des

mécanismes, notamment, l’ « Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de

discrimination », ce qui permettra de passer de la reconnaissance constitutionnelle des droits à

l’effectivité de ces derniers.

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L’une des principales revendications du mouvement des droits humains au Maroc, dont le

mouvement des femmes, confirmée dans les recommandations de l'IER, est la question de la

hiérarchie des normes. La nouvelle Constitution consacre pour la première fois la suprématie

des conventions internationales ratifiées par le Maroc sur les lois nationales et l’obligation

d'harmoniser les lois nationales avec les instruments internationaux. Toutefois, ces

importantes avancées ne peuvent occulter les difficultés du texte à se prononcer, d’une façon

claire et précise, sur certains défis, notamment celui du référentiel religieux du code de la

famille, que la nouvelle constitution ménage subtilement, en affirmant le respect des

constantes du royaume.

Le mouvement des femmes estime que la nouvelle Constitution représente une étape

importante vers une citoyenneté effective des Marocaines et des Marocains à condition

qu’elle s’achemine vers une réelle mise en œuvre. Pour ce faire, l’ensemble de l’arsenal

juridique marocain doit faire l’objet d’une réforme pour être en conformité avec la vision et

l’esprit ayant présidé à élaboration de la Constitution à savoir : l’instauration d’un véritable

Etat de droit.

A cet égard, les efforts déployés par le Maroc en faveur d’un alignement avec les dispositions

contenues dans les instruments internationaux pour le respect des droits humains sont

consacrés et traduits par la nouvelle Constitution. Elle représente une avancée majeure dans

l’édification de l’État de droit au Maroc. Elle a de ce fait, réalisé un saut qualitatif en matière

de droits et libertés en introduisant des dispositions relatives aux droits humains, qui,

jusqu’alors, n’avaient jamais fait l’objet d’une reconnaissance Constitutionnelle. Le titre II a été

entièrement consacré aux Libertés et Droits Fondamentaux. Il comporte 21 articles renforçant les

droits civils, économiques, sociaux, culturels, environnementaux et de développement.

Pierre angulaire de l’État de droit, les citoyennes et les citoyens se sont vus reconnaître

plusieurs prérogatives leur permettant de participer au processus décisionnel et à la gestion

des affaires publiques. Ainsi, l’article 14 de la nouvelle Constitution attribue aux citoyens et aux

citoyennes le droit de présenter des propositions en matière législative. L’article 15 leur confère le

droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics et l’article 133 les habilite à saisir

indirectement la Cour Constitutionnelle.

Le souci de faire du citoyen marocain et de la citoyenne marocaine un sujet de droit est conforté

par l’article 27 qui stipule que « Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à

l’information détenue par l’administration publique, les instituions élues et les organismes

investis d’une mission de service public ».

Concernant les droits civils et politiques, la nouvelle Constitution garantit l’égalité homme -

femme (Article 19), le droit à la vie (article 20), le droit à la sécurité (article 21), interdit toute

forme de torture ou de violations graves et systématiques des droits humains (article 22), protège

le droit à la sûreté (article 23) et le droit au respect de la vie privée (article 24).

De plus, elle garantit les libertés de pensée, d'opinion, d'expression, de création, de

publication, d'exposition dans les domaines littéraire et artistique et de recherche scientifique et

technique (article 25), garantit la liberté de la presse (article 28), assure la présomption

d’innocence et le droit à un procès équitable (article 23) et garantit les libertés de réunion, de

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rassemblement, de manifestation pacifique, d'association et d'appartenance syndicale et politique

et le droit de grève (article 29).

Ces droits et libertés fondamentaux sont complétés par des droits de seconde génération

énumérés au niveau de l’article 31. Il s’agit du droit à la santé, à la protection sociale, à la couverture

médicale, à l’éducation moderne, accessible et de qualité, à l'éducation sur l'attachement à

l'identité marocaine et aux constantes nationales immuables, à la formation professionnelle et

à l'éducation physique et artistique, au logement décent, au travail, à l'accès aux fonctions

publiques selon le mérite, à l'accès à l'eau et à un environnement sain et au développement

durable.

Le texte suprême affirme, dés son préambule, l’engagement du pays à développer une société

solidaire où toutes et tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l'égalité des chances, du

respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les

droits et les devoirs de la citoyenneté. Cet engagement annoncé dans le préambule a valeur

juridique étant donné que le préambule fait désormais partie intégrante de la Constitution.

D’autres articles viennent concrétiser l’égalité homme - femme. L’article 19 affirme que l'homme

et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social,

culturel et environnemental, énoncés dans la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes

internationaux dûment ratifiés par le Royaume.

L'Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. De ce fait,

le principe Constitutionnel d’égalité, initialement limité au domaine politique, a désormais un

caractère économique, social, culturel et environnemental.

L’article 30 stipule que la loi prévoit des dispositions de nature à favoriser l'égal accès des

femmes et des hommes aux fonctions électives. Ainsi, le législateur marocain est appelé à adopter

des mesures de discrimination positive destinées à promouvoir la place des femmes dans la vie

politique et ce, à travers l’obligation de faire figurer autant de femmes que d’hommes sur les listes

électorales et l’octroi de subventions aux partis présentant autant de candidates que de

candidats aux consultations législatives, régionales et communales.

Dans le même sillage, la nouvelle Constitution prévoit des mécanismes institutionnels pour la

mise en œuvre des nouvelles dispositions de la Constitution en matière d’égalité homme femmes.

C’est ainsi qu’une Autorité pour la Parité et la Lutte contre Toutes Formes de Discrimination

devrait être mise en place, en application des articles 19 et 164 de la Constitution. Cette

institution veillera au respect des droits et libertés prévues à l’article 19 sous réserve des attributions

dévolues au Conseil National des Droits de l’homme, elle devrait également assurer une

fonction d’expertise et d’évaluation des politiques publiques visant à favoriser l’égalité entre les

femmes et les hommes dans les domaines politique, économique et social.

La nouvelle Constitution est certes un acquis indéniable pour les droits des femmes mais le

grand défi auquel elle se heurte demeure, sans conteste, sa mise en œuvre et particulièrement

l’harmonisation de l’arsenal juridique marocain, avec d’une part, les principes

constitutionnels d’égalité et de non discrimination fondée sur le sexe, et avec les engagements

internationaux du Maroc.

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IV- LA MISE EN ŒUVRE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION :

LES DEFIS DE L’HARMONISATION

La Constitution de 2011, adoptée par le Maroc, après le référendum du 1er Juillet, est

considéré comme une étape importante dans l’histoire du Maroc, particulièrement eu égard

aux avancées en matière des droits humains et des libertés qu'elle a consacrées. En effet, la

nouvelle constitution consacre l'égalité hommes - femmes dans les droits civils, politiques,

économiques, culturels et environnementaux et introduit la notion d’effectivité des droits et

des libertés. Elle préconise des mesures d’action affirmative ainsi que des mécanismes

dont « l’Autorité pour la parité et la lutte contre toute forme de discrimination »55. Elle

reconnaît la suprématie des conventions internationales ratifiées par le Maroc sur les lois

nationales et l’obligation d’harmoniser ces dernières avec les normes internationales.

Certes, ces dispositions constitutionnelles marquent au niveau du texte un saut qualitatif en

matière de droits des femmes, néanmoins, force est de constater :

- que ces importantes avancées ne peuvent occulter les difficultés du texte à se prononcer,

d’une façon claire et précise, sur certains défis, notamment celui du référentiel de la

législation familiale ;

- que sa mise en œuvre interroge les engagements internationaux pris par le Maroc et

interpelle directement la responsabilité de tous les acteurs politiques et principalement le Roi,

chargé de veiller au respect des dispositions constitutionnelles.

Le Maroc a enregistré d'importantes avancées au niveau du cadre normatif, institutionnel et

législatif relatifs à la protection et à la promotion des droits de la personne et des droits

humains des femmes. Cependant, des discriminations et violations des droits des femmes

subsistent encore au niveau des législations en vigueur et au niveau des pratiques.

La mise ne œuvre de la nouvelle Constitution exige au préalable, que les instruments relatifs

à l'adhésion au Protocole Optionnel de la CEDEF soient déposés auprès du Secrétariat

Général des NU, que les conventions relatives à la nationalité de la femme mariée (1954) et

au consentement au mariage, l’âge du mariage et l’enregistrement des mariages (1962) soient

ratifiées par le Maroc.

La mise ne œuvre exige également que des mesures spécifiques, destinées à garantir l’égalité

hommes - femmes, conformément aux dispositions de l’article 4 de la CEDEF qui n’a pas fait

l’objet de réserves de la part du Maroc, soient prises pour appuyer l’agenda gouvernemental

de l’égalité 2012-2016 et que des mécanismes, dotés de moyens, soient mis en place pour en

rendre compte.

IV- 1 Au niveau de l’arsenal juridique marocain

55Titre II, Libertés et droits fondamentaux, Article 19 : L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Etat marocain Œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination; Constitution Maroc 2011

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Mettre en œuvre la Constitution consiste à harmoniser l’ensemble des normes juridiques

nationales avec les dispositions expresses de la Constitution, notamment l’article 19, et les

engagements internationaux du Maroc, particulièrement les dispositions de la CEDEF.

En effet, plusieurs codes régissant les droits civils (code de la famille, code de la nationalité,

code pénal) maintiennent de nombreuses discriminations envers les femmes. Ces dispositions

discriminatoires selon le sexe sont actuellement inconstitutionnelles et en totale contradiction

avec les engagements internationaux du Maroc.

1- Le code de la Famille

- Le mariage des mineures56 : Le Code de la Famille soumet à l’autorisation judiciaire, sans

précision de l’âge minimal, le mariage des mineurs – es , ce qui va à l’encontre de l’article

16(2)57 de la CEDEF. En effet, dans la pratique, il ressort des statistiques du Ministère de la

Justice (2010), que 92,21% des demandes de mariage des mineurs, dont 99,02% sont des

filles, ont été autorisées par les juges. De plus, au lieu de régresser, le pourcentage de ces

autorisations ne cesse de progresser (88,7% en 2007, 90,77% en 2009 et 92,21% en 2011).

Conformément à la CDE, ratifiée par le Maroc, il est nécessaire de maintenir l’âge de 18 ans

comme âge minimum au dessous duquel le juge ne peut autoriser le mariage d’un - e mineur -

e.

Art 20 « La décision du juge autorisant le mariage d’un - e mineur - e n’est susceptible

d’aucun recours et ne peut intervenir avant l’âge de 18 ans révolus »

- La polygamie : Selon les statistiques du Ministère de la justice (2010), 43,41% des

demandes58 relatives à l’autorisation des mariages polygames ont été acceptées par les juges,

sans tenir compte de la dignité des premières épouses ni des menaces qui pèsent sur elles ainsi

que sur leurs enfants. La proportion de ces autorisations a même enregistré une légère

progression entre 2009 et 2010 (respectivement 40,36% et 43,41%).

Conformément à la constitution et à la CEDEF, les dispositions relatives à la polygamie sont

considérées discriminatoires et doivent être supprimées : articles 40 à 46 du code de la

famille.

- Le mariage des marocaines musulmanes avec les époux non - musulmans : Le mariage

des musulmanes avec les non musulmans reste interdit, alors que les marocains de sexe

masculin sont autorisés à épouser des non musulmanes. Cet empêchement temporaire au

mariage constitue une discrimination fondée sur le sexe et par conséquent contraire à la

Constitution qui dans son préambule précise « …. Bannir et combattre toute

discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe….ou de quelque

circonstance personnelle que ce soit ».

Cet empêchement prévu par l’article 39 du code de la famille doit être supprimé.

- La procédure du divorce par Khol (art.114 - 115) :

56 Le Code de la Famille défini l’âge légal au mariage à 18 ans avec possibilité de recours, à titre exceptionnel, à une autorisation judiciaire pour le mariage avant l’âge légal 57 Cet article stipule explicitement la nécessité de fixer un âge minimal pour le mariage et l’annulation juridique du mariage des enfants 58 Examinées par les tribunaux de la famille durant l'année 2010

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Cette action en séparation sur la base du Khol n’est admise que pour l’épouse, tenue pour

rompre l’union conjugale de l’obligation de versement à l’époux d’une compensation. Elle ne

peut jamais être introduite par l’époux, ce qui la rend discriminatoire et par conséquent non

conforme aux dispositions de la nouvelle Constitution, qui affirme, dans son préambule, de

bannir et de lutter contre toute discrimination fondée sur le sexe.

Les articles 114-115 du code de la famille doivent être supprimés

- La tutelle légale (art.231): La mère ne peut accéder à la tutelle légale sur ses enfants

mineurs qu’en cas d’absence du père (décès, incapacité juridique). Dans le cas du décès du

père et si ce dernier a désigné, de son vivant, un autre tuteur légal pour ses enfants, la mère ne

pourra pas exercer ce droit.

La tutelle de la mère prévue par l’article 238 est en distorsion avec les articles 4, 51 alinéa 3

et 4 et 54 qui instaurent la responsabilité du couple. La mère astreinte aux mêmes

obligations que le père à l’égard de ses enfants (art.54) n’exerce la représentation légale que

lorsque le père est décédé, incapable ou absent. Seule l’autorité du père est reconnue, elle est

fondée sur l’incapacité des femmes à exercer la tutelle en présence du père.

En cas de divorce, le père reste toujours le tuteur légal des enfants même lorsque la garde de

ces derniers est confiée à la mère qui ne peut voyager avec l’enfant à l’étranger qu’après

autorisation du tuteur légal.

Ces dispositions ne sont pas conformes à l’article 19 de la Constitution et à l’article 16 de la

CEDEF59 .

Pour s’inscrire également dans la logique de l’article 4 du code de la famille et respecter les

dispositions constitutionnelles, la représentation légale doit être parentale, elle doit

concerner sur le même pied d’égalité, le père et la mère. Dans l’article 231, il faut

supprimer : « …. à défaut du père ou par suite de la perte de capacité de ce dernier ».

- La filiation paternelle peut être établie, par tous moyens, notamment l’expertise médicale

(ADN) en cas de grossesse contestée par le fiancé lorsque des circonstances impérieuses

n’ont pas permis l’établissement de l’acte de mariage ( art 156).

La notion de fiançailles en tant que promesse de mariage devrait être interprétée de manière

large pour permettre aux mères célibataires d’engager l’action en reconnaissance de paternité

à l’encontre de l’auteur de la grossesse, père biologique de l’enfant, conformément aux

dispositions de la CDE, notamment le droit de l’enfant à connaître ses parents, du préambule

de la nouvelle constitution et de l’article 32 qui précise de manière claire que l’Etat

« …assure une égale protection juridique et une égale considération sociale et morale à tous

les enfants, abstraction faite de leur situation familiale ». Cette disposition constitutionnelle,

conforme à la CDE, ne fait plus de distinction entre l’enfant légitime et l’enfant conçu en

dehors du mariage.

L’article 156 devrait substituer la notion de promesse de mariage à la notion de

fiançailles pour englober le cas des mères célibataires, qui tombent enceintes, à la suite

d’une promesse effective de mariage que le père biologique de l’enfant n’honore pas.

- Le partage des biens acquis pendant le mariage (art 49)

59 Cet article qui stipule l’égalité des deux parents en droits et responsabilités envers les enfants.

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Compte tenu de la subjectivité des juges et pour les aider à organiser les conséquences de la

séparation le plus efficacement possible, à l’instar des pays où des dispositifs ont fait leurs

preuves (Turquie), il est nécessaire :

- d’élaborer une circulaire interprétative pour la mise en oeuvre de l’article 49. Cette circulaire

devrait préciser les critères sur la base desquelles la répartition des biens doit se faire (durée

de l’union, âge des époux, état de santé de l’épouse, qualification professionnelle, revenu des

époux, prise en charge du travail non rémunéré des femmes…) ;

- de concevoir et diffuser des modèles de protocole de partage des biens, pour limiter les

effets des considérations psychologiques, sociologiques et culturelles qui freinent l’adhésion

du couple au principe de contractualisation au moment de la conclusion du mariage ;

- de pouvoir remettre en cause l’inscription sur les titres fonciers des biens acquis pendant

l’union, au seul nom de l’époux et auxquels l’épouse a contribués (travail domestique,

éducation des enfants, salaire prenant en charge des dépenses qui n’ont pas de titres

fonciers…) .

Cette mesure devrait être accompagnée de programmes de formation des juges et par une

coordination efficace entre les différents intervenants ( justice - conservations foncière,

impôts…).

- La législation successorale ( Livre 6) : Le code de la famille n'a apporté qu'une seule

modification dans ce domaine qui est relative au legs obligatoire (Art. 370).

L’inégalité en matière d’héritage est maintenue : le principe structurant la législation sur l’héritage

est basé sur l’inégalité entre les descendants. Les enfants de sexe masculin héritent du double de la

part de celle du sexe féminin. En l’absence de descendants de sexe masculin, les descendantes de sexe

féminin n’héritent pas de la totalité de la succession dont une partie est dévolue aux collatéraux du

défunt. L’institution du Taasib (art.335 alinéa 2) viole le principe de l’égalité et constitue une

discrimination non conforme à la nouvelle Constitution et aux engagements internationaux du

Maroc.

Il en de même de l’art 332 qui précise qu’il n’existe pas de vocation successorale entre un

musulman et un non musulman. Le cas le plus fréquent est celui de l’épouse de confession

non musulmane, qui dans le cadre de mariage mixte, n’a pas droit à l’héritage de son époux

défunt musulman, et qui constitue une discrimination flagrante non conforme au principe de

l’égalité prévu par la CEDEF et la Constitution. Les discriminations contenues dans le livre 6 relatif à l’héritage des femmes doivent être

supprimées.

- La médiation familiale

Pour faciliter l’application du code de la famille et répondre à la demande des justiciables,

exprimée dans toutes les enquêtes réalisées au Maroc, depuis l’entrée en vigueur du code en

février 2004, il est nécessaire de mettre en place un corps de médiateurs et de médiatrices

en matière familiale, indépendant du corps judiciaire.

En effet, au Maroc, compte tenu du contexte culturel, les conflits familiaux prennent souvent

des dimensions importantes qui touchent tous les membres de la famille et dont l’impact sur

les enfants est très négatif.

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Malgré les efforts déployés par les magistrats depuis l’entrée en vigueur du nouveau code de

la famille et les multiples procédures de séparation (séparation sous contrôle judiciaire,

divorce pour désunion – chiqaq, divorce judiciaire, divorce par compensation ou K’hol,

divorce par consentement mutuel), la circulation dans le système judiciaire est coûteuse et

lente, elle dépasse souvent les 6 mois prévus, en matière de Chiqaq par exemple.

Ces procédures, conjuguées aux difficultés du contexte, social et culturel, ne permettent pas,

bien souvent, de donner une réponse rapide et satisfaisante aux parties en conflit. L’arsenal

juridique contient également des limites, c'est pourquoi il existe une demande pressante dans

la société marocaine, en faveur de la médiation familiale.

La médiation familiale peut se définir, en effet, comme une nouvelle approche de la gestion

des conflits.

Elle a pour objectif principal d'aider le couple en conflit :

- à rétablir une communication perturbée par la situation de rupture,

- à élaborer par eux-mêmes, dans un esprit de co-responsabilité, les modalités de vie et

les solutions adéquates mutuellement acceptables pour eux et pour les enfants ;

- à construire un accord durable, qu'ils peuvent présenter au juge chargé des affaires

familiales, pour résoudre le conflit.

Cette expérience a été introduite récemment dans certains pays africains. A l’instar de ces

pays, la mise en place d’un système de médiation familiale entend introduire cette pratique au

Maroc, en vue de permettre aux couples en conflit de résoudre leurs problèmes, dans de

meilleures conditions, rapidement et à moindre coût.

En effet, les conflits engendrent la rupture du lien matrimonial. Cette rupture est source de

sentiments d'échec, de culpabilité, d'agressivité, de rancune et de souffrances. Le traumatisme

psychique qui en découle peut être apparent ou enfoui aussi bien pour le couple que pour les

enfants.

Le rôle du médiateur/médiatrice est de donner aux couples en conflit la possibilité de puiser

en eux-mêmes les ressources qui vont leur permettre de retrouver la communication

interrompue, d’exposer leurs conflits et leurs souffrances, afin que puisse être abordée, par la

suite, la réorganisation familiale, dans le respect des besoins de chacun et dans l'intérêt du

couple et des enfants.

2- Le code de la Nationalité: Amendé en 2007, il reconnaît aux femmes marocaines le droit

de transmettre automatiquement leur nationalité à leurs enfants avec effet rétroactif.

Toutefois, ce code a maintenu la discrimination entre les deux sexes dans la mesure où

l’épouse étrangère du marocain peut acquérir la nationalité par le mariage alors que ce droit

n’est pas reconnu à l’époux étranger de la marocaine.

Pour permettre aux conjoints étrangers, mariés à des femmes marocaines, de bénéficier de la

nationalité marocaine par le mariage, il est nécessaire d’amender l’article 10 du code de la

nationalité et faire bénéficier le mari étranger de l’acquisition de la nationalité de son

épouse marocaine.

3- Le livret de l’Etat civil

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L’adoption de la loi no 37-99 portant sur l’état civil (2002) a répondu à plusieurs demandes du mouvement

pour la défense des droits des femmes et de l’enfant, notamment pour ce qui concerne:

– le droit du père et de la mère, sur un pied d’égalité, de déclarer une naissance;

– le droit de l’enfant né de père inconnu à un nom fictif;

– l’introduction des données relatives au mariage et au divorce dans le livret d’état civil, le

droit de la femme divorcée ayant la garde des enfants d’obtenir un duplicata du livret de l’état civil.

Cependant, en vertu du principe constitutionnel de l’égalité, il est nécessaire de réviser la

réglementation de l’état civil pour que :

- les deux parents soient titulaires du livret de famille,

- que le duplicata du livret de famille soit obligatoirement remis à la mère exerçant la

garde au moment de la séparation ;

- de supprimer les pages relatives aux quatre épouses que le nouveau livret de famille a

prévues.

4- Le code pénal :

Le code pénal , élaboré en 1962, demeure marqué par une vision patriarcale et discriminatoire

aussi bien au niveau de sa philosophie, de sa structure que de ses dispositions. Les

dispositions pénales sur le viol sont discriminatoires et introduisent une hiérarchie entre

victimes mariées et non mariées, vierges et non vierges. Par ailleurs, la criminalisation des

relations sexuelles hors mariage, de l’IVG, incite des femmes enceintes à l’abandon des

enfants, voire à des infanticides ou à s’exposer à des dangers mortels. La cessation des

poursuites à l’encontre du ravisseur de la mineure nubile s’il l’épouse, ainsi que l’absence

d’incrimination du viol conjugal sont des mesures qui conduisent à l’ « entretien » et à la

« transmission » de la violence conjugale.

Fondé sur une morale religieuse et sociale certaine, le code pénal marocain, en dépit de quelques

révisions, ne prend pas en considération l’évolution de la réalité sociale et n’incrimine pas la

violence morale dont les dégâts et le coût social sont importants.

- Art. 420 : L’excuse de provocation

« Les blessures faites ou les coups portés sans intention de donner la mort, même s’ils l’ont

occasionnée, sont excusables lorsqu’ils ont été commis par un chef de famille qui surprend dans

son domicile un commerce charnel illicite, que les coups aient été portés sur l’un ou l’autre des

coupables ».

Cet article ne bénéficie qu’à l’époux en tant que chef de famille, l’épouse est exclue de l’excuse

légale de provocation lorsqu’elle surprend un commerce charnel illicite dans son domicile. Aux

yeux du législateur, elle n’est pas responsable de la morale familiale. Cette discrimination est en

contradiction avec la nouvelle constitution, le code de la famille qui instaure la responsabilité du

couple et les dispositions des instruments internationaux que le Maroc a ratifiées.

- Art 453 Protection des femmes contre l’avortement clandestin à risques

L’interdiction de l’avortement autre que thérapeutique sanctionne les femmes appartenant aux

catégories sociales les plus démunies et les condamnent à l’exclusion sociale et au recours, par

manque de moyens financiers et par ignorance, à la pratique de l’avortement clandestin dans des

conditions dangereuses pour leur santé, ce qui a un impact important sur le taux de mortalité

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maternelle.

L’article 453 devrait être étendue à tous les cas où la grossesse n’est pas désirée, en précisant l’âge

de la grossesse à partir duquel l’avortement est strictement interdit sauf pour sauver la vie de la

mère, sa santé morale et physique, en cas d’inceste, de viol et de malformation fœtale ( 120 jours).

- Art 475 De l’enlèvement et de la non représentation des mineurs (modifié et complété par

la loi n°24.03)

L’incrimination est constituée mais l’auteur qui épouse la mineure enlevée ou détournée ne tombe

sous le coup de la loi pénale que si les représentants de la mineure déposent une plainte pour

annuler le mariage. Le mariage de la mineure détournée supprime par conséquent la poursuite

contre l’auteur et montre que le souci majeur du législateur est de protéger l’honneur de la famille

plus que la mineure. La règle de la responsabilité pénale de l’auteur et la protection de la victime

et de sa dignité sont sacrifiées au profit de la sauvegarde de l’honneur de la famille.

La poursuite de l’auteur de l’enlèvement doit être maintenue et le mariage doit être vicié et

par conséquent annulé.

- Art 486 Le viol (modifié et complété par la loi n° 24.03)

Il ressort de la définition donnée par l’article 486 que le viol est l’acte par lequel un homme a des

relations sexuelles avec une femme contre son gré. La peine est aggravée lorsque la victime est

âgée de moins de 18 ans, d’une incapable, d’une handicapée, d’une personne connue par ses

facultés mentales faibles, ou d’une femme enceinte. La question que pose l’application de cet

article est relative à la preuve du non consentement, lorsqu’il y a absence d’indices de violences.

Les violences psychologiques ne sont pas prises en considération tout autant que le viol suivi

d’une grossesse.

Les tribunaux considèrent qu’en cas de viol avec violences physiques, surtout visibles, le

consentement n’existe pas mais dans la pratique, les tribunaux n’acceptent pas facilement de prendre

en considération les violences morales. La réalité montre que les femmes violées ont souvent le plus

grand mal à le prouver, d’une part du fait que l’infraction se déroule généralement sans témoins,

d’autre part, parce que, pour les juges, la preuve de l’absence de consentement est souvent confondue

avec la preuve d’une bonne moralité ou d’un comportement irréprochable à leurs yeux. Or, si

l’absence de consentement n’est pas établie, le viol ne l’est pas non plus.

L’article 486 doit être amendé pour retenir les violences psychologiques subies par la

victime du viol et s’entendre aux relations conjugales lorsque les agissements sont d’une

gravité importante pour l’épouse victime et constituent des violences sexuelles

caractérisées.

- Art 488 La défloration

Elle constitue une circonstance aggravante du viol. Le législateur a instauré une distinction entre la

femme non vierge et la femme vierge et fait bénéficier la dernière d’une plus grande protection. Il

ressort de la lecture de cet texte que le droit pénal semble protéger la virginité de la femme plus

que la femme elle-même, quelque soit son âge, son état de santé, sa catégorie socio-économique...

Le maintien de la défloraison comme circonstance aggravante du viol fait des femmes, dans la pra-

tique, une marchandise et établit une distinction entre les femmes vierges et non vierges, or,

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ce qui importe c’est la dignité des femmes indépendamment de leur virginité, qui peut, pour

des raisons physiologiques faire défaut.

La circonstance aggravante relative à la virginité, prévue par l’article 488 doit être

supprimé.

- Art 490 : Les relations sexuelles en dehors du mariage

Elles sont pénalement sanctionnées. Cet article est en déphasage par rapport à la réalité sociale qui

nous montre quotidiennement que les comportements sexuels ont profondément changé dans la

société marocaine et que la majorité des couples ont une expérience sexuelle avant le mariage.

Cette disposition pénale entretient l’hypocrisie sociale qui caractérise la question de la sexualité au

Maroc. Elle consacre par ailleurs une discrimination entre l’homme et la femme, notamment

lorsqu’il y a grossesse à la suite des relations sexuelles, l’homme, dans la majorité des cas nie la

relation, lorsqu’il n’y a pas flagrant délit ; mais le fruit de cette relation, l’enfant et toutes les

violences qui accompagnent cette grossesse hors mariage, seront supportées uniquement par la

mère.

Le maintien des poursuites pénales en cas de relations sexuelles hors mariage entre deux per-

sonnes de sexes différents consentantes a pour conséquence de conduire les femmes célibataires

enceintes à abandonner leurs enfants ou à commettre des infanticides.

L’article 490 doit être supprimé de la législation pénale marocaine, à l’instar de la

majorité des législations pénales des pays musulmans : Egypte (1937), Syrie (1949)

Liban (1943), Algérie (1966), Irak (1969), Tunisie (1914) et les Emirats arabes unis

(1970).

- Art . 494 – 495- 496 : L’enlèvement de la femme mariée

A l’instar de la logique de protection du mineur (Art 471), le législateur, dans les mêmes termes et

dans le cadre des attentas aux mœurs, en consacrant la protection des femmes mariées, instaure

une discrimination, d’une part entre l’homme marié et la femme mariée et d’autre part, entre les

femmes elles mêmes, les femmes mariées et les femmes non mariées quelles soient célibataires,

divorcées ou veuves ne bénéficient pas de la protection prévue par le code pénal. Le législateur ne

protège pas la femme en tant que personne mais plutôt l’institution du mariage et plus

particulièrement le mari.

Cette distinction, entre femme mariée et femme célibataire, non conforme à la Constitution,

doit être supprimée.

L’article 495 instaure une sanction à l’encontre de toute personne qui cache ou soustrait aux

recherches une femme mariée qui a été enlevée ou détournée, cette disposition est complétée par

l’article 496 qui prévoit les mêmes peines à l’égard de toute personne qui cache ou soustrait aux

recherches une femme mariée qui se dérobe à l’autorité à laquelle elle est légalement soumise.

Il ressort de ces deux dispositions, que toute personne qui accueille une femme mariée qui quitte

le domicile conjugal pour fuir les violences du mari, s’expose aux peines citées par lesdites

dispositions. Le droit pénal sensé protéger les femmes contre les violences instaure une violence

institutionnelle lorsqu’il sanctionne toute personne chez qui la femme mariée se réfugie ; se pose

dans ce cas précis, le sort des centres d’écoute qui hébergent les femmes victimes de violences. Au

sens de ces dispositions, les centres d’hébergement tombent sous le coup de la loi pénale. Cette

disposition constitue, dans la pratique, une entrave légale qui n’encourage pas les ONG à procéder à

l’ouverture de foyers d’accueil permettant d’héberger des femmes victimes de violences en

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attendant qu’une solution soit négociée.

En revanche, lorsque le mari quitte le domicile conjugal et n’honore pas l’obligation de

cohabitation prévue expressément par le code de la famille et qui pèse sur les deux époux, le droit

pénal ne sanctionne pas la personne qui l’héberge, le cache ou le soustrait aux recherches.

Ces deux dispositions doivent être supprimées.

- Les violences de genre : Compte tenu de leurs multiples formes et de la gravité des

préjudices subies par les femmes, aussi bien dans l’espace privé que dans l’espace public, il

est nécessaire, pour lutter de manière efficace contre ce fléau et à l’instar de nombreux pays,

d’élaborer une loi spécifique sur les violences de genre, incriminant et sanctionnant toutes

les formes de violences par commission et par omission et instaurant au moins trois

circonstances aggravantes inhérentes à l’âge de la victime, à son état de santé et à son lien

avec l’auteur de l’infraction. Les violences psychologiques n’échappent pas à

l’incrimination, elles tombent sous le coup de la loi pénale.

2 - Les droits économiques, sociaux et culturels

En dépit des efforts fournis par le Maroc pour la promotion des droits économiques, sociaux

et culturels, les femmes marocaines ne bénéficient pas pleinement de ces droits. De

nombreuses discriminations envers les femmes et les filles subsistent dans l'arsenal juridique

et dans les pratiques et constituent un handicap pour leur autonomisation et leur pleine

citoyenneté.

2-1 Le code du travail

Malgré les changements intervenus, le code du travail présente encore des limites et certaines

lacunes :

– L’insuffisance des dispositions juridiques pour mettre en œuvre la non-discrimination et la lutte contre

le harcèlement sexuel, sur les lieux du travail.

– L’égalité en matière des salaires n’est pas garantie.

– Certaines catégories de travailleuses, notamment les employées de maison dont un grand nombre est

constitué de petites filles, ne sont pas protégées par les dispositions du code. C’est un vide

juridique important.

Il est nécessaire de :

– d’adopter le projet de loi réglementant le travail domestique et incriminant le

travail des filles domestiques avant l’âge de 16 ans.

- d’élaborer des politiques d’égalité de genre et instaurer un meilleur contrôle de la

législation sociale pour lutter contre les discriminations (égalité de salaires, carrière et

promotion, conciliation vie privée et vie professionnelle)

2- 2 le code de la fonction publique (Dahir de 1958) :

- Les fonctions d’autorité

En vertu de certains statuts particuliers de la Fonction publique, certaines fonctions restent très limitées

pour les femmes comme celles relatives aux postes de l’autorité territoriale (Pacha….). Les femmes

restent cantonnées dans les postes relevant des activités sociales de l’armée : médecins, infirmières,

assistantes sociales, chargées de transmission, etc.

- Les allocations familiales

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Lorsque les époux sont tous les deux au service de l’administration et qu’ils sont, par conséquent,

susceptibles de bénéficier de l’indemnité familiale, celle-ci est versée exclusivement au mari en tant

que « chef de famille ». Cette disposition, en contradiction avec le code de la famille, reste valable

même lorsque la mère divorcée a la garde des enfants (Décret de 1958 fixant les conditions d’attribution

des prestations familiales aux fonctionnaires, personnel militaire et agents de l’État)

- Le régime des pensions civiles et retraites

Il est régi par la Loi de 1971 telle que modifiée et complétée par le Dahir de 1989 et introduit une

discrimination à l’égard des femmes qui ne perçoivent la pension de veuve que si le mariage a été

contracté deux ans au moins avant le décès du mari ou la date de cessation d’activité et à la condition

que l’accident ou la maladie ayant entraîné l’invalidité soit imputable au service ou si un ou plusieurs

enfants sont issus de ce mariage (ce dernier critère fait tomber la condition de délai).

Conformément aux dispositions constitutionnelles, il est impératif de

- supprimer les différentes discriminations de genre inhérentes à l’accès des femmes à

certaines fonctions publiques,

- réviser la réglementation du régime de la retraite, les ayants droit de la mère, au même titre que le

père, doivent bénéficier, à son décès, de sa retraite même si le père est également

fonctionnaire ou salarié de l’Etat;

- réviser le régime de la pension versée à la veuve qui n’est perçue que si le mariage a été contracté

deux ans au moins avant le décès du mari ou si un ou plusieurs enfants sont issus de ce mariage

(conditions non exigées pour l’époux).

2-3 Le droit à l’éducation

Compte tenu de l’importance du droit à l’éducation, il est impératif de rendre effective

l’obligation de scolarité jusqu’à l’âge de 15 ans par une loi relative à l’obligation de

scolarisation des enfants sous peine de sanctions frappant les parents ou toute personne

assurant la tutelle de l’enfant. Cette loi devrait être accompagnée par des mesures d’aide et de

soutien aux familles pauvres pour lutter contre la désaffection scolaire et le travail des enfants.

2-4 Le droit à la santé

La responsabilité de l’Etat d’assurer la promotion effective de la santé pour tous, notamment

de la santé sexuelle et génésique, et la jouissance du droit au meilleur état de santé possible

requiert l’égalité d’accès pour les femmes et les hommes, et particulièrement pour les jeunes,

à l’information et aux conseils en matière de santé et de questions sexuelles et génésiques

ainsi que la possibilité de bénéficier d’une éducation dans ces domaines, adaptée aux

situations spécifiques qui augmentent le niveau de vulnérabilité et les facteurs de risque

(comme la pauvreté et l’exclusion sociale, les handicaps physiques et mentaux, l’absence de

logement, la violence…) et qui peuvent sérieusement peser sur la santé et le bien-être des

personnes.

Le droit à la santé sous toutes ses formes et à tous les niveaux contient quatre éléments

essentiels et interdépendants :

1) l’existence de structures de santé et de soins, de biens et services ainsi que de programmes ;

2) leur accessibilité par tous sans discrimination (par toutes les couches de la population,

particulièrement les groupes vulnérables, tels que les minorités ethniques, les personnes âgées

ou les personnes souffrant de handicap et celles atteintes du VIH/SIDA) ;

3) l’acceptabilité, ce qui implique que toutes les structures, biens et services de santé doivent

être sensibles au genre et répondre aux exigences des cycles de la vie et de la sexualité et

respecter la confidentialité ;

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4) la qualité, ce qui exige, entre autres, du personnel qualifié, scientifiquement reconnu et des

médicaments et un équipement non périmés et une hygiène suffisante.

Dans ce sens, il est nécessaire de procéder

- à l’élaboration d’un code de santé précisant les obligations de l’Etat en matière d’accès

aux soins des femmes, selon les cycles de vie (adolescence, santé reproductive,

ménopause…).

Dans le même sens et afin de lutter contre la mortalité maternelle et l’avortement clandestin, il

est nécessaire d’une part,

- de prévoir l’avortement dans les 120 jours de grossesse, en cas de viol, d’inceste, de

malformations fœtales et lorsque la santé de la mère, physique et psychologique ou sa vie

sont en danger (Art 453 du code pénal).

- et d’autre part, mettre en place un programme d’éducation sexuelle destiné aux

jeunes.

2-5 Le droit à une image valorisante dans les médias et les productions artistiques

Mise en œuvre de la Charte Nationale pour l’Amélioration de l’Image de la Femme dans

les Médias avec incrimination pénale de toute image ou production portant atteinte à la

dignité des femmes.

3- Les droits politiques

Introduire dans les lois organiques des mesures d’incitations/sanctions financières pour

garantir l’éligibilité des femmes et pas uniquement leur candidature ainsi que des dispositions

de non recevabilité des listes électorales de candidatures sans la présence d’un quota

minimum de 30 % de femmes

- Le code électoral : amender le texte en instaurant le quota progressif de 33 % au minimum

pour les prochaines élections législatives de 2016 (OMD3).

- La charte communale : introduire le quota progressif de 33 % au minimum pour les

prochaines élections communales de 2013 (OMD3).

L’adoption de normes juridiques pour garantir la jouissance des principes de l’égalité entre les

femmes et les hommes et de la non discrimination ne suffit pas pour réaliser l’égalité

matérielle entre les femmes et les hommes. Pour honorer les engagements internationaux et

mettre en œuvre la nouvelle Constitution consacrant les principes de non discrimination fondé

sur le sexe et d’égalité en droits, le gouvernement marocain doit élaborer et mettre en œuvre

de façon efficace des mesures politiques proactives et différentes stratégies, reconnues par les

organisations internationales comme indispensables pour poursuivre l’objectif d’égalité entre

les femmes et les hommes de façon efficace. Une double approche de ces stratégies est

communément acceptée : d’une part, des actions spécifiques, y compris des actions

positives/des mesures spécifiques temporaires, d’autre part, l’approche intégrée de l’égalité

entre les femmes et les hommes à appliquer à tous les domaines et processus politiques.

IV-2 Au niveau des actions spécifiques

Les actions spécifiques sont perçues comme un excellent moyen de faire face aux principaux

problèmes qui affectent la situation des femmes et pour réaliser l’égalité matérielle entre les

femmes et les hommes. L’élaboration et la mise en œuvre de stratégies et projets spécifiques

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visant à redresser la position inégale des femmes dans un ou plusieurs aspects de la vie sociale

ont été la tâche traditionnelle des mécanismes nationaux pour l’égalité entre les femmes et les

hommes depuis leur création.

Les actions spécifiques recouvrent différentes actions et mesures, politiques et pratiques

d’ordre législatif, exécutif, administratif, telles que des programmes de vulgarisation et de

soutien, des programmes de formation et de renforcement des capacités, des campagnes et des

activités éducatives traitant des stéréotypes culturels négatifs, etc. Elles peuvent aussi inclure

un traitement préférentiel, notamment le recrutement ciblé, l’embauche et la promotion, des

objectifs chiffrés liés à des échéanciers, les systèmes de quotas, l’affectation et/ou la

réaffectation des ressources, etc.

Les actions spécifiques, lorsqu’elles sont réalisées en ayant recours à des distinctions

légitimes et justifiées visant à compenser ou à prévenir les inégalités entre les femmes et les

hommes, sont mentionnées en droit international comme des mesures temporaires spéciales,

des actions positives ou des actions affirmatives.

Ces mesures ont pour but d’atténuer ou d’éliminer les conditions qui perpétuent la

discrimination fondée sur le sexe et d’accélérer le changement vers l’égalité de facto.

Pour compléter les actions spécifiques, qui sont généralement limitées à des domaines

politiques spécifiques et développées principalement par les mécanismes institutionnels pour

l’égalité entre les femmes et les hommes, l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes

et les hommes a été avalisée dans le Programme d’action adopté lors de Quatrième

conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes et les gouvernements ont été appelés à

promouvoir cette stratégie dans toutes les politiques et tous les programmes.

Il est important de veiller à ce que le débat sur l’élaboration d’un plan national soit ouvert à

tous et impliquer autant les hommes que les femmes. Bien que les mécanismes nationaux

institutionnels pour l’égalité entre les femmes et les hommes ait à jouer un rôle décisif dans

l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des résultats des plans d’action, tous les acteurs

essentiels comme les organisations de femmes et les ONG oeuvrant pour promouvoir l’égalité

des femmes et des hommes, les institutions d’enseignement et de recherche, les médias, les

organisations d’employeurs, les syndicats et les autres institutions publiques devraient prendre

une part active/productive à la formulation et la mise en oeuvre de la politique d’égalité des

femmes et des hommes et de son processus d’évaluation.

IV-2-1 Les stratégies complémentaires à adopter en faveur de l’égalité de genre

Nous pouvons dire à juste titre que des évolutions progressives sont intervenues à cet égard,

ce qui a approfondi et élargi de plusieurs manières la vision de l’égalité entre les femmes et

les hommes. Nous sommes passés du concept de non- discrimination à une compréhension

positive de la construction de l’égalité ; d’une approche sectorielle de la question de l’égalité

entre les femmes et les hommes à une approche plus globale et plus complète ; d’une

focalisation totale ou principale sur la situation des femmes, à une vision des femmes et des

hommes comme partenaires essentiels du changement social et de leurs relations de genre ;

d’une question qui pouvait être considérée comme marginale du point de vue des intérêts

politiques en général à une question placée au centre même de ces intérêts dans la mesure où

elle est profondément liée à la matière des droits universels de la personne humaine, à leur

protection, à leur promotion et à leur respect.

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Les droits de la personne humaine étant universels, ce sont de vraies personnes, femmes et

hommes, qui doivent en avoir la jouissance et non des êtres neutres. Dans ce cadre, il n’est

plus possible de parler des droits de l’homme et de leur exercice en termes absolument

neutres. Leur réalisation s’incarne dans des personnes concrètes et leur pleine jouissance est le

droit des femmes et des hommes quelles que soient leurs situations et conditions spécifiques ;

d’un autre côté, les obstacles à la jouissance de ces droits sur un pied d’égalité, c’est-à-dire,

les obstacles à l’égalité entre les femmes et les hommes, peuvent également être spécifiques

selon le genre, liés à la condition des hommes et des femmes définie par l’histoire, la culture

et les circonstances sociales et doivent être traités comme tels. Ce point de vue peut mener à

l’adoption actions positives/de mesures spécifiques temporaires qui ne peuvent pas être

considérées comme discriminatoires puisqu’elles ont pour but de surmonter la discrimination

passée, liée ces circonstances et d’accélérer le respect de l’égalité entre les femmes et les

hommes.

La prise de conscience de l’importance du genre – le fait d’être un homme ou une femme – et

de la signification de l’égalité entre les femmes et les hommes avec tout ce que cela implique

au regard du contexte historique, de l’organisation sociale et de la compréhension culturelle,

imprègne de plus en plus la pensée internationale comme un élément essentiel de bonne

gouvernance pour réaliser les buts de la démocratie et le respect des droits de la personne

humaine. Une telle perspective est réellement présente dans les documents adoptés par les

Conférences et Sommets mondiaux des Nations Unies des années 1990, où la question de

l’égalité entre les femmes et les hommes est envisagée comme un élément essentiel pour

résoudre les problèmes du monde moderne, qu’ils soient liés à l’environnement et au

développement (Rio, 1992), aux droits humains (Vienne, 1993), à la population et au

développement (Le Caire, 1994) ou au développement social durable (Copenhague, 1995),

aux droits des femmes ( Beijing 1995).

La dernière décennie notamment, à partir de 1995, a été témoin de cette nouvelle

compréhension et de la nécessité de sa réalisation en pratique. A cet égard, il faut

particulièrement souligner l’importance de la 4e Conférence mondiale sur les femmes

(Beijing, 1995) et de la Déclaration et du Programme d’action qui y furent adoptés. De nos

jours, il ne suffit plus d’établir des dispositions formelles interdisant la discrimination fondée

sur le sexe ; il ne suffit plus de proclamer que l’égalité des femmes et des hommes est un

principe des droits de la personne humaine ; et il ne suffit plus de définir des normes en vue

de sa réalisation dans différents domaines. Le défi de notre époque est de mettre en oeuvre les

principes et normes d’égalité entre les femmes et les hommes qui ont été progressivement

définis en vue d’apporter des changements positifs dans la vie des gens et de transformer ainsi

l’égalité formelle existante en une égalité matérielle.

Pour mettre en œuvre de manière effective et concertée, le Plan gouvernemental de l’égalité

2012-2016 qui définit la stratégie gouvernementale de l’égalité de genre dans les politiques et

programmes gouvernementaux, il est nécessaire de le compléter par des stratégies spécifiques

contenant des mesures spécifiques, inhérentes à l’exercice par les femmes des droits

fondamentaux dans l’espace privé et l’espace public60.

1- La stratégie d’information, de communication et de sensibilisation

60 Cf. Propositions concrètes d’harmonisation de l’arsenal juridique marocain PP.90-98.

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104

L’information et la communication constituent une stratégie essentielle pour faire évoluer les

stéréotypes de genre et changer la culture et les perceptions.

- La première étape de la stratégie de communication consiste à donner les informations sur

la législation existante et nouvelle, y compris les normes juridiques internationales, qui

consacrent et améliorent le statut des femmes et à sensibiliser les différentes composantes de

la société sur la question de l’égalité hommes – femmes.

- La deuxième étape consiste à diffuser les données officielles disponibles, notamment les

statistiques sur les différents aspects de la vie des femmes et des hommes ainsi que les

rapports et analyses des résultats pour mettre en lumière les problèmes existants relatifs à la

jouissance des droits de la personne humaine sur un pied d’égalité.

- La troisième étape consiste à faire prendre conscience le public cible des discriminations de

genre et de leur construction sociale.

En effet, de meilleures connaissances ne suffisent pas à changer automatiquement les

perceptions et à faire des choix différents. Susciter un changement d’attitude et de

comportement demande une prise de conscience – il faut la susciter et la faire évoluer. Pour

communiquer avec succès avec le public en général ou des auditoires ciblés, il est essentiel

d’en savoir le plus possible sur leurs attitudes, opinions et comportements actuels.

L’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie adéquate d’information, de communication

et de sensibilisation vise à créer une compréhension et une large adhésion en faveur de la

promotion et de la mise en œuvre de la politique nationale d’égalité entre les femmes et les

hommes et à stimuler l’opinion publique et à changer les perceptions négatives à l’égard des

femmes.

2 - La stratégie de formation, d’éducation et de diffusion de la culture de l’égalité

Dans le contexte marocain où la marche vers l’égalité fait son chemin, concrétisée par la

réforme de nombreux textes juridiques, par l’investissement des femmes du champ politique,

et compte tenu du fait que les droits de la citoyenneté ne sont pas toujours respectés, l’école

est indéniablement le lieu privilégié de la construction démocratique. Elle constitue

l’institution de base qui devrait véhiculer les valeurs démocratiques : respect de la dignité des

hommes et des femmes, égalité des hommes et des femmes dans les droits et les obligations,

responsabilité partagée dans les espaces public et privé. C’est le lieu ou s’achève la

socialisation primaire, entamée par la famille et où s’acquièrent et s’enracinent les principes

fondateurs de la citoyenneté : démocratie, égalité, justice, participation à la gestion de la

chose publique.

D’aucuns n’ignorent que le corps enseignant est le principal acteur du changement et du

développement des valeurs égalitaires. Les jeunes constituent l’avenir et c’est à ce titre que

l’action dirigée auprès des enseignants et des enseignantes du primaire et du secondaire vise

un double objectif :

- faire du corps enseignant l’acteur incontournable du changement

- faire des jeunes les acteurs/actrices de la reproduction de la culture de l’égalité et des

valeurs démocratiques.

La connaissance de l’environnement scolaire marocain, l’expérience des nombreuses

associations travaillant dans le champ scolaire et les différentes études sur le milieu scolaire et

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les relations du corps enseignant avec les élèves, ont mis en évidence d’une part, les lacunes

inhérentes à la formation du corps enseignant, notamment en matière de culture des droits

humains et de l’égalité hommes - femmes et d’autre part, la désaffection des jeunes par

rapport au combat pour la construction démocratique et leur adhésion à des discours

porteurs de l’intolérance sous toutes ses formes : fondamentalismes, intégrismes…

C’est dans ce sens que la formation fondée sur la culture des droits humains et de l’égalité, en

privilégiant l’approche genre, et en ciblant, dans un premier temps, le corps enseignant,

contribuera à mettre en évidence et à dénoncer les inégalités et les discriminations visibles et

invisibles dont sont victimes les femmes dans tous les espaces où se déroule leur vie. Elle

permettra de doter le corps enseignant de la connaissance nécessaire, des outils d’analyse

des rapports sociaux et des arguments utiles pour enraciner et ancrer la culture de l’égalité

dans les attitudes et les comportements des élèves pour en faire des évidences et des réflexes

et qui reproduiront la culture de l’égalité dans l’espace familial et dans l’espace public.

3- La stratégie de conciliation vie professionnelle / vie familiale : pour une véritable

politique familiale

Les dernières décennies ont été témoins de profonds changements sociaux et de changements

dans les modes de vie familiaux et des relations familiales. Une participation croissante des

femmes sur le marché du travail et à la vie économique en général ont contribué à cette

évolution et, même si cette participation est positive en tant que nouveau modèle créateur

d’une nouvelle situation d’égalité des femmes et des hommes, cette égalité est tout le temps

restreinte par l’évolution à un moindre rythme du rôle des hommes dans le domaine de la vie

privée et familiale.

En effet, les changements se sont produits sous la forme d’un plus grand partage de l’espace

public entre les femmes et les hommes, mais dans la sphère privée et familiale le partage n’a

pas eu lieu dans la même mesure. Les évolutions ont donc été ambiguës pour les femmes.

Elles partagent dans une large mesure le monde du travail avec les hommes, bien qu’elles y

fassent souvent l’expérience de formes directes et indirectes d’inégalités, tout en conservant

une part disproportionnée du travail à la maison et des responsabilités familiales.

Par ailleurs, la valeur du travail non rémunéré, principalement accompli par les femmes dans

la vie privée, n’est pas pleinement reconnue, ce qui désavantage souvent les femmes. Les

stéréotypes de genre relatifs aux rôles respectifs des femmes et des hommes, qui persistent

malgré les changements actuels dans ces rôles, sont un autre facteur contribuant à l’inégalité

entre les femmes et les hommes dans ce domaine.

Aussi, la question de la conciliation de la vie privée/familiale et de la vie

professionnelle/publique est profondément liée à tous les changements sociaux des dernières

décennies : changements relatifs à l’organisation de la vie familiale et à la participation

croissante des femmes à la vie professionnelle, moindre soutien des générations plus âgées

pour l’éducation des enfants car les femmes plus âgées exercent encore une activité ;

augmentation de l’espérance de vie avec des personnes dépendantes plus âgées, nécessitant de

nouvelles formes de soutien principalement assumées par les femmes, etc.

Des enquêtes sur l’emploi du temps, menées dans un certain nombre de pays, montrent le

déséquilibre persistant dans le partage des tâches entre les femmes et les hommes,

particulièrement dans la sphère privée, créant ainsi une situation aux conséquences négatives

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pour les femmes tant en ce qui concerne leurs possibilités professionnelles que leur

participation à la vie politique et publique.

Au niveau mondial, une préoccupation certaine pour la question de la conciliation des deux

aspects de la vie, qui affecte particulièrement les femmes en raison de leurs responsabilités

traditionnelles et de la persistance des rôles selon le genre, figure déjà dans la Convention sur

l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes qui considère, à

l’article 11.2, que les États parties doivent prendre les mesures « pour encourager la fourniture

de services sociaux d’appui nécessaire pour permettre aux parents de combiner les obligations

familiales avec les responsabilités professionnelles et la participation à la vie publique, en

particulier en favorisant l’établissement et le développement d’un réseau de garderies

d’enfants .»

La même préoccupation a été exprimée ultérieurement dans le Programme d’action de Beijing

et renforcé dans les Conclusions adoptées lors de la session extraordinaire de l’Assemblée

générale appelée Beijing+15. En effet, l’absence d’aménagements permettant de concilier

travail et famille, et notamment de garderies adéquates et abordables et la rigidité des

horaires, est un facteur important qui empêche les femmes de réaliser pleinement leur

potentiel.

A cet égard, il est de la responsabilité de l’Etat d’envisager la conciliation de la vie

professionnelle/publique et familiale/privée comme une question politique qui doit avoir une

réponse politique, dans le cadre d’une politique familiale efficiente. Au Maroc, le Conseil de

l’Enfance et de la Famille, prévue par la Constitution, est tenu d’élaborer cette stratégie

conformément à l’article 19 qui reconnaît le principe de l’égalité hommes – femmes dans tous

les droits.

4- La stratégie de lutte contre les préjugés, les stéréotypes et l’image dévalorisante des

femmes dans les médias

Le rôle et la responsabilité des médias dans la promotion du changement social en vue de la

réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été soulignés par différentes

organisations internationales au niveau mondial. Le Programme d’action de Beijing, dans le «

domaine critique » intitulé « les femmes et les médias », tout en reconnaissant que les médias

ont la possibilité de contribuer beaucoup plus largement à la promotion des droits des

femmes, insiste également sur certains aspects négatifs de la réalité présente : d’une part, la

présence minoritaire des femmes dans les médias aux postes de décision, bien que leur

présence aux autres niveaux ait augmenté de façon significative au cours des dernières

décennies ; d’autre part, le fait que dans de nombreux cas les médias continuent à projeter des

images négatives et stéréotypées des femmes, très en deçà de leur présence et rôles réels dans

la société et, en conséquence, une absence de vision équilibrée de la réalité en termes de genre

et un manque de sensibilité au genre de la part des agents et décideurs médiatiques.

Le Programme souligne également les avancées des technologies de l’information qui ont

permis la création de réseaux de communication mondiale, avec un impact nouveau sur les

attitudes et comportements.

L’objectif de cette stratégie est double :

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107

- le premier consiste à « permettre aux femmes de mieux s’exprimer et de mieux

participer à la prise des décisions dans le cadre et par l’intermédiaire des médias et des

nouvelles technologies de communication »,

- le second à « promouvoir une image équilibrée et non stéréotypée des femmes dans les

médias ».

Ces objectifs sont conformes aux dispositions de la nouvelle Constitution et aux dispositions

de la CEDEF dont l’article 5 demande aux États parties de prendre les mesures appropriées

pour : « modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel de l'homme et de la

femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout

autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l’autre sexe

ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. ».

Cette exigence doit s’appliquer à tous les domaines de l’action politique mais elle est surtout

particulièrement pertinente pour ce qui est de la responsabilité des médias eux-mêmes, qui

doivent adopter et mettre en œuvre des mesures réglementaires, des codes de conduite ou

d’autre formes de réglementations conformes à ce principe.

La mise en œuvre de la stratégie exige des moyens humains et financiers importants et

devrait mobiliser tous les acteurs médiatiques et particulièrement la télévision qui « parle »

aux gens à travers tous ses programmes.

5- La stratégie de lutte contre les violences de genre

Il est généralement reconnu que la violence à l’égard des femmes est un obstacle sérieux à

l’égalité entre les femmes et les hommes et qu’elle viole, compromet ou annule la jouissance

des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales. La condamnation de la

violence à l’égard des femmes, en tant qu’acte qui constitue une violation de la liberté et de

l’intégrité physique, psychologique et/ou sexuelle des femmes, a renforcé la détermination

des organisations internationales et des gouvernements nationaux de combattre tous les types

de violence à l’égard des femmes.

Au niveau des Nations Unies, la Recommandation générale 19 (1992) sur la violence à

l’égard des femmes du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

note que la violence fondée sur l’appartenance sexuelle est une discrimination au sens de

l’article 1 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard

des femmes. Par ailleurs, la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à

l’égard des femmes, adoptée en 1993 par l’Assemblée générale (Résolution 48/104), donne

une définition très large et complète de la violence à l’égard des femmes, qui définit les actes

de violence à l’égard des femmes dans la famille, au sein de la collectivité et perpétrée ou

tolérée par l’État et précise que cette violence peut être physique, sexuelle et psychologique.

Elle déclare « les termes “violence à l'égard des femmes” désignent tous les actes de violence

dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des

souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la

contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie

privée. » La Déclaration reconnaît aussi que certains groupes de femmes sont plus

particulièrement exposés à la violence ( femmes migrantes, réfugiées, handicapées, âgées,

mineures...).

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Les différentes formes de violence, les circonstances et environnements où elles se

manifestent généralement et les actions pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence

à l’égard des femmes dans le monde, ont été développées dans le Programme d’action de

Beijing, qui considère la violence à l’égard des femmes comme l’un des domaines critiques

pour le statut des femmes, ainsi que dans d’autres documents politiques et résolutions.

L’évolution de la législation nationale en la matière fournit la preuve que la société marocaine

tolère encore des violences à l’égard des femmes et les perpétuent dans la culture et les

traditions. Les auteurs de violences l’utilisaient pour dominer et humilier les femmes et

« asseoir leur contrôle ».

Cette stratégie doit s’appuyer sur une loi spécifique aux violences de genre pour permettre

une lutte efficace. La loi cadre, fortement revendiquée par le mouvement des femmes,

s’inscrit dans le principe constitutionnel de lutte contre toutes les formes de discriminations

fondées sur le sexe.

6- La stratégie de recherches et études sur la question féminine

Pour prendre des décisions en connaissance de cause, la condition préalable est e comprendre

les processus sociaux et de mettre régulièrement à jour les données et informations

spécifiques au genre. Cette connaissance approfondie de la situation requiert le

développement et l’analyse régulière des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pertinents dans

tous les domaines où l’égalité des femmes et des hommes doit être réalisée.

Aussi, pour mettre en pratique les politiques d’égalité des femmes et des hommes et

l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, il est important d’utiliser les

résultats des recherches menées fondées sur différents outils et techniques. Les outils et

techniques analytiques englobent les statistiques ventilées par sexe et autres variables

contextuelles pertinentes, des enquêtes et prévisions, l’analyse coûts- bénéfices intégrant une

perspective de genre, la recherche dans le domaine des études de genre. De plus, il est

très important d’avoir une approche globale et intégrée en créant des groupes de travail, en

établissant des bases de données, en assurant une participation équilibrée des femmes et des

hommes à la prise de décision, en organisant des conférences et séminaires visant à informer

le public et des auditions pour donner aux gens l’occasion de participer directement à

l’élaboration et à la décision des politiques qui les concernent.

La collecte et l’analyse régulières de statistiques ventilées par sexe sont également

nécessaires. Cela demande la participation des entités responsables du système statistique au

niveau national ainsi que des services sectoriels qui traitent des statistiques relatives aux

différents domaines.

Les outils et instruments sont nécessaires pour évaluer l’impact de genre des lois et politiques

et intégrer une perspective de genre dans le processus budgétaire, ce qui signifie qu’il faut

prévoir une répartition équilibrée et juste des ressources prenant en compte le genre et

reconnaissant les situations différentes des femmes et des hommes. Ces outils et instruments

peuvent prendre des formes variées et doivent s’appuyer sur la recherche et les études déjà

entreprises dans différents pays.

L’échange de connaissances, d’expériences et de bonnes pratiques à cet égard doit être

encouragé. L’évaluation de l’impact de genre et l’intégration d’une perspective de genre dans

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le processus budgétaire doivent devenir un exercice régulier dans l’élaboration des politiques

à tous les niveaux de pouvoir et de prise de décision si l’on veut réaliser pleinement l’égalité

des femmes et des hommes.

Les autres outils pour soutenir les progrès vers l’égalité des femmes et des hommes sont les

mécanismes institutionnels et opérationnels nécessaires pour une évaluation et un suivi

réguliers des progrès accomplis et cela n’est possible que si des indicateurs mesurables

comme des buts, des délais, des repères sont inclus dans les politiques et programmes adoptés

dans différents domaines.

Enfin, la base sous-jacente de tous ces outils et instruments et de leur fonctionnement efficace

est l’existence et le financement de la recherche sur les questions d’égalité des femmes et des

hommes dans les universités et les instituts de recherche, y compris la promotion et le

financement de projets, la création de cours, la réalisation de conférences et d’ateliers, dans le

but de construire une expertise solide sur les questions d’égalité des femmes et des hommes.

Il est également important de diffuser les résultats des recherches, études et enquêtes Cela

aussi doit être un point central de la recherche sur la question féminine.

IV-2-2 Les mécanismes et instruments à opérationnaliser pour réaliser l’égalité

hommes - femmes

Conformément aux objectifs stratégiques du Programme d’action de Pékin, en particulier

dans la section H (mécanismes institutionnels chargés de favoriser la promotion de la femme),

il est nécessaire de mettre en place des mécanismes institutionnels, en charge de l’égalité de

genre, qui disposent des capacités requises pour assurer la coordination intersectorielle ainsi

que le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du Plan gouvernemental de l’égalité 2012-

2016.

Sur la base des instruments des NU, les mécanismes institutionnels en charge de l’égalité

hommes – femmes doivent répondre à plusieurs exigences.

- Ils doivent se situer au niveau politique le plus élevé, plus précisément, sous la tutelle

directe du chef de l’Etat et que des unités soient créés au sein des ministères et au sein des

structures des pouvoirs régionaux et locaux, au plus haut niveau.

- Ces mécanismes doivent avoir l’autorité, la visibilité, la reconnaissance politique, les

moyens financiers et les ressources humaines nécessaires et que leurs actions soient

pleinement soutenues par le pouvoir politique aux différents niveaux. Dans ce sens, la

structure d’ensemble du mécanisme pour l’égalité entre les femmes et les hommes doit

comprendre une structure interministérielle de haut niveau, avec des représentant(e)s de tous

les secteurs politiques pertinents ayant le pouvoir de décision, afin d’assurer le

fonctionnement effectif du processus de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et

les hommes.

- Le mandat des mécanismes institutionnels doit avoir une base juridique claire, avec des

fonctions et des responsabilités bien définies, et que celles-ci incluent nécessairement la

double approche du travail relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes :

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1. des politiques et actions spécifiques comprenant, le cas échéant, des actions positives dans

les domaines critiques pour la promotion des femmes et l’égalité entre les femmes et les

hommes ;

2. la promotion, le suivi, la coordination et l’évaluation du processus de l’approche intégrée

de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques et dans tous les

programmes ;

- Les mécanismes institutionnels doivent développer les compétences en matière d’égalité

entre les femmes et les hommes, à la fois en leur sein et comme créateurs de compétences en

matière d’égalité entre les femmes et les hommes aux différents niveaux du gouvernement et

de l’administration, et qu’à cet effet ils développent des méthodes, instruments et outils

pour l’analyse de genre/l’évaluation de l’impact selon le genre et l’intégration d’une

perspective de genre dans le processus budgétaire ainsi que des formations à l’égalité entre les

femmes et les hommes et à l’utilisation de ces méthodes, instruments et outils.

- Ces mécanismes doivent avoir les ressources nécessaires pour leur fonctionnement. Ils

doivent établir des relations de coopération formelles et informelles avec l’ensemble des

autres institutions et administrations publiques ; et avec les organisations de la société civile,

dont les ONG de femmes et celles œuvrant pour les droits de la personne humaine, les

médias, la communauté des chercheurs - es et celle des universitaires, les partenaires sociaux

et autres acteurs sociaux pertinents ainsi qu’avec les organisations internationales et

régionales poursuivant les objectifs d’égalité hommes – femmes.

- Ils doivent être installés également au niveau parlementaire et auprès d’autres organes, tel

que le médiateur, qui puisse recevoir des plaintes en matière de discrimination fondée sur le

sexe.

Après avoir insisté sur le statut de la femme et sa condition comme étant le champ d’action

spécifique de ces mécanismes, un changement progressif s’est fait, particulièrement après la

4ème Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995), vers une attention portée au

genre, c’est-à-dire aux femmes et aux hommes et à leurs relations et vers une approche plus

globale. Le Programme d’action, dans le chapitre « Mécanismes institutionnels chargés de

favoriser la promotion de la femme », a également indiqué les principales obligations

auxquelles ces mécanismes doivent satisfaire pour assurer leur efficacité.

Bien qu’il y ait eu, dans l’ensemble, une diversification et une multiplication des mécanismes

pour l’égalité entre les femmes et les hommes à différents niveaux de la gouvernance dans le

monde, certaines exigences de base pour ces différents modèles et leur fonctionnement

effectif doivent être respectées. C’est ce sur quoi la recommandation insiste. Ces exigences

sont, de nos jours, considérées comme essentielles pour que les mécanismes remplissent leur

rôle de catalyseur en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes

ainsi que pour les politiques spécifiques, la réussite de leur coordination et l‘évaluation des

résultats.

Ces obligations concernent, entre autres, les aspects suivants : le lieu et le statut des

mécanismes, leur fondement légal et un mandat clair, leur autorité et visibilité, leur

reconnaissance politique et leur financement, le besoin d’une structure interministérielle pour

coordonner l’approche intégrée de l’égalité qui doit être constituée par des représentant(e)s

dotés de pouvoirs de décision, le développement d’une expertise en matière d’égalité des

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femmes et des hommes avec les outils et instruments nécessaires, la création de voies de

communication et de coopération efficaces avec les organisations de la société civile à chaque

niveau ainsi qu’avec les organisations et partenaires internationaux.

La nécessité d’établir des mécanismes pour l’égalité entre les femmes et les hommes au

niveau du gouvernement dans les différents domaines politiques – ministères, services et

autres secteurs – ainsi qu’aux différents niveaux de gouvernance –national, régional et local –

a été généralement reconnue comme moyen de concevoir, mettre en œuvre et coordonner les

politiques en vue de la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes. Toutefois, de

tels mécanismes se sont également avérés nécessaires dans d’autres institutions étatiques, au-

delà des gouvernements, notamment au niveau parlementaire.

Au Maroc, plusieurs mécanismes de promotion et de défense des droits humains et des droits

des femmes sont dorénavant constitutionnalisés. Il s'agit du Conseil National des Droits de

l'Homme (CNDH) qui se substitue au Conseil consultatif des Droits de l’Homme (CCDH)

conformément aux Principes de Paris, et du Médiateur créée en remplacement de Diwan Al-

Madhalim, le 18 mars 2011.

D'autres mécanismes consacrés récemment par la nouvelle constitution devraient être mis en

place dont notamment:

- l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toute forme de discrimination,

conformément à l’article 19 et 164 de la Constitution dont le projet est élaboré par le CNDH

et qui vient d’être présenté devant la chambre des conseillers ( juillet 2012)61 ;

- Le Conseil Consultatif de la Famille et de l'enfance, en cours de mise en place par le

MDSFFS.

- La Délégation interministérielle aux Droits de l'Homme, créée en mars 2011 pour

assurer la coordination de l'action des politiques publiques en la matière.

IV-2-3 Les mécanismes de renforcement de l’égalité de genre à mettre en place

Cependant, en dépit des efforts consentis, l’instauration d’un mécanisme institutionnel, sous

la forme d’un ministère indépendant, chargé de la question féminine, répondant aux critères

des Nations Unies, destiné à impulser, accélérer et assurer le suivi et la coordination des

politiques et programmes de réforme n'a toujours pas vu le jour, la question féminine a été

ajouté aux attributions, déjà très nombreuses du ministère du développement social dont les

moyens sont trop limités.

S’agissant des mécanismes institutionnels au sein de la structure gouvernementale, il n’existe

pas de modèle idéal fixe, valable pour tous les pays. Les réalités économiques, sociales,

culturelles et politiques diffèrent d’un pays à l’autre et les mécanismes institutionnels, pour

être efficaces et durables, doivent correspondre au contexte national et s’adapter à ces réalités.

Aussi, compte tenu de la transversalité de la question féminine et son importance pour la

consécration de l’Etat de droit au Maroc, pour la réussite du processus démocratique et afin de

61 Cf. Annexe 2 « Etude sur le projet du mécanisme « Autorité pour la Parité et la lutte contre toute forme de

discrimination » Mai 2012.

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répondre aux exigences du développement, il est nécessaire de mettre en place deux

structures importantes :

- Un ministère en charge de la question féminine, doté des moyens humains et

financiers adéquats.

- Un observatoire de la citoyenneté des femmes au Maroc.

Ce dernier mécanisme est d’une utilité certaine pour la citoyenneté des femmes.

L’idée de créer cette instance répond à un certain nombre de besoins dont le plus impérieux

est de fournir une connaissance qui se veut objective et scientifiquement fiable de l’évolution

de la condition des femmes au Maroc.

Cet observatoire aurait pour objectif essentiel de rassembler les informations dispersées,

relatives à la question féminine et de mettre en synergie les matériaux relatifs à des champs et

des disciplines autonomes, permettant ainsi d’éviter l’aspect parcellaire et segmenté de la

connaissance de la condition des femmes au Maroc.

L’observatoire comme instance scientifique, entend scruter les rapports de pouvoirs hommes

-femmes, construits historiquement, analyser ces rapports à la lumière des mutations

sociétales, décrypter les messages des différents discours, évaluer les politiques mises en

place et assurer le suivi des stratégies, programmes et plans mis en place en faveur de la

citoyenneté des femmes.

En retrait par rapport à l’action proprement politique, le rôle scientifique de l’observatoire

consiste à fournir aux décideurs, aux militants/es des droits de la personne ( ONG féminines,

des droits humains, de développement …), l’éclairage scientifique le plus fiable, afin qu’ils

puissent, par le biais d’un traitement rigoureux de l’information, intervenir de manière

efficace. Ainsi, en ayant une connaissance plus adéquate de la structure des rapports sociaux

et de l’évolution de certaines variables, les intervenants/es seront en mesure d’évaluer avec

perspicacité l’impact de leurs actions ou de réajuster leurs stratégies.

Plus concrètement l’Observatoire de la citoyenneté des femmes au Maroc vise :

1- l’élaboration de rapports réguliers sur la condition des femmes au Maroc. Ces rapports

procèderaient à l’examen de l’évolution de certains indicateurs qui, dans la limite des

informations disponibles, permettraient une lecture pluridisciplinaire de la condition

des femmes.

2- La mise en place des éléments techniques de l’Observatoire : banque de données

statistiques, documentaires et juridiques. Des protocoles conclus avec les «

fournisseurs » de l’information doivent permettre une alimentation régulière de ce

mécanisme.

3- La réalisation d’études, de recherches et d’enquêtes ayant pour objectif de fournir des

informations sur certains aspects ignorés de la condition féminine au Maroc et de

multiplier ainsi les angles d’attaque et les perspectives d’approche. La valorisation de

ces recherches se fait non seulement par la publication, mais par l’organisation de

séminaires qui servent, par ailleurs, à tester la validité des indicateurs retenus et des

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méthodologies observées. De la sorte, il devient possible d’effectuer un « trajet »

constant entre le vécu des femmes et les formes de savoir qui visent à le réaménager.

L’observatoire représente par conséquent, un mécanisme d’observation léger que le

rythme et la grande périodicité des recensements et des enquêtes nationales ne peuvent

offrir. Il permet, ensuite, de focaliser l’attention sur une institution spécifique ou de saisir

un phénomène nouveau que les enquêtes lourdes ne parviennent pas à prendre en charge.

Enfin, en optant pour un objet particulier, tel que la citoyenneté des femmes au Maroc, il

devient possible de faire converger tout le potentiel d’informations du champ scientifique

vers un point focal, c’est à dire mettre en œuvre un mécanisme de suivi qui intègre

progressivement la complexité grandissante de l’ « objet » observé, à savoir la

citoyenneté des femmes.

CONCLUSION

Les stratégies d’application du droit et de la législation pour respecter, protéger et assurer la

pleine jouissance des droits des femmes et des hommes sur un pied d’égalité sont des

obligations fondamentales en matière d’égalité, mais elles ne peuvent suffire à elles seules à

changer les attitudes et les comportements. De plus, elles ne sont pas toujours mises en œuvre

efficacement et les voies de recours et les sanctions pour violation du principe de l’égalité

hommes – femmes ne sont pas suffisamment efficaces. C’est pourquoi la combinaison de

différentes stratégies et méthodes de travail vers l’égalité entre les femmes et les hommes a

été reconnue comme l’approche la plus efficace pour réaliser l’égalité réelle, matérielle des

femmes et des hommes.

Aussi, pour corriger ou redresser l’effet actuel de la discrimination passée fondée sur le sexe,

pour diminuer les désavantages structurels et pour surmonter les stéréotypes et les préjugés de

genre qui persistent dans de nombreux domaines, ce qui empêche la réalisation effective de

l’égalité des femmes et des hommes et limite la pleine jouissance des droits de la personne

humaine par les femmes et les hommes sur un pied d’égalité, il faut un large éventail

d’actions et de mesures spécialement adaptées. Des actions spécifiques adressées

principalement aux femmes et l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes

dans toutes les politiques et plans sont les principaux aspects d’une double approche pour

construire l’égalité des femmes et des hommes.

En effet, éliminer la discrimination fondée sur le sexe et réaliser progressivement l’égalité

entre les femmes et les hommes n’est pas une tâche facile ni linéaire. Cela requiert une

volonté et un engagement politiques forts car cela ne se fera pas forcément avec facilité ni de

façon naturelle. L’égalité des femmes et des hommes remet en question un status quo qui a de

lointaines racines historiques et culturelles. C’est pourquoi l’engagement des États de réaliser

l’égalité entre les femmes et les hommes doit être fort et durable et surtout traduit par des

mesures concrètes.

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ANNEXES

- Annexe I Le texte intégral de la Constitution de 2011

- Annexe II Etude sur le mécanisme de l’autorité pour la parité et la lutte contre toute forme

de discrimination (PDF).

BIBLIOGRAPHIE

1- Actes

- Actes du 5° Congrès des Recherches féministes francophones - Rabat - Octobre 2008

2- Les Campagnes

- Les campagnes sur les violences

- Non à la violence contre les femmes 2005.

- Pour un droit qui me protège et protège ma famille. 25 Novembre – 10 Décembre 2008

(Ministère du DSFS)

- Pénalisation, Protection, Pas de Tolérance : Revendication des femmes pour une loi contre les

violences. Publication Global Rights 2008.

- Mobilisation des jeunes pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes (Ministère du

DSFS) Novembre 2007

- Les campagnes sur la participation politique

- Participation politique des femmes en milieu rural : levier du développement local Tome 2 juillet

2008 (Ministère du DSFS)

- Femmes dans les communes : levier de la gouvernance locale Tome 5 Mars 2009 ( Ministère du

DSFS)

- Participation politique des femmes : Levier du développement social. Tome 1 Mars 2008.

- Les campagnes sur la levée des réserves

- Egalité sans Réserves : Travaux de la Conférence sur le lancement de la Campagne Régionale

pour la levée des réserves sur la CEDAW et la ratification de son protocole Facultatif dans les Etats

d’Afrique du Nord et du Moyen Orient et en Turquie. Juin 2006. Publication ADFM 2008.

3- Les Chartes

- La Charte Nationale d’éducation et de formation 1999.

- La Charte Nationale pour l’amélioration de l’image de la Femme dans les médias Mars 2005

(SEFEPH).

4- Les Circulaires

- Circulaire du Premier Ministre relative à l’application de la Stratégie Nationale pour l’équité et

l’égalité entre les sexes - Mars 2007

- Circulaires sur l’application du code de la famille. Publication du Ministère de la justice. Octobre

2008.

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5- Les Conférences

- 5° Conférence ministérielle européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes - Actes

La démocratisation, la prévention des conflits et la construction de la paix : les perspectives et les rôles

des femmes. Janvier 2003.

- Culture et Communication. Instruments fondamentaux pour le changement des mentalités et des

sociétés.

- Conférences de Barcelone 1995- 2000- 2005

- Conférence Ministérielle Euro- Méditerranéenne 2006 sur « l’égalité des chances ». Avril 2006

- Conférence préparatoire régionale Rabat Juin 2006.

- Conférences Ministérielles Euro - Med Istanbul Novembre 2006 – Novembre 2011

6- Les Etudes

- De l’usage équitable des politiques de discrimination positive à propos de l’accès des femmes aux

mandats électifs.

Publication - ADFM – Centre pour le Leadership Féminin 2002

- Les hommes et les femmes face au politique. Quelle place pour les femmes ? Publication Dar Al

Qalam. Septembre 2002 (Malika Benradi et Houria Alami).

- Femmes et hommes au Maroc : Analyse de la situation et de l’évolution des écarts dans une

perspective genre.

Publication du Haut Commissariat au Plan - HCP- Rabat - 2003.

- Féminin – Masculin : La marche vers l’égalité au Maroc 1993-2003

Publication Fondation Friedrich Ebert - Rabat - 2003

- Etat des lieux des actions entreprises dans le domaine de la lutte contre la violence faite aux femmes

(Secrétariat d’Etat chargé de la Famille, de l’Enfance et des Personnes Handicapées) Août 2004.

Publication SEFEPH. 2004

- Figures de la précarité : Genre et exclusion économique au Maroc.

Publication GTZ 2005

- Genre et activités économiques au Maroc. La persistance de la précarité dans l’activité féminine.

Livre blanc. Publication GTZ 2005

- Femmes et Violences en Afrique. Publication AFARD 2005.

- Mettre fin à la violence des femmes - Des paroles aux actes

Etude du Secrétaire Général des Nations Unies Publication des NU - 2006

- Genre et politiques néolibérales : Publication AFARD 2006.

- Le code de la famille : Perceptions et pratique judiciaire

Publication Fondation Friedrich Ebert Janvier 2007.

- Les perceptions et représentations des Africains et des Africaines de l’égalité hommes – femmes.

Publication AFARD – 2007.

- Le progrès des femmes à travers le monde : Qui est responsable envers les femmes ? Genre et

redevabilité. UNFEM. 2008

7 Les ministères

- Ministère de la Santé, Direction de la planification et des ressources financières 2007-2006,

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« Enquête Nationale à Indicateurs Multiples et Santé des Jeunes ».

- Ministère de la Santé, 2007, « Santé vision 2020 » .

- Ministère de la Santé, juin 2007, « Note de présentation sur l’opération de mise à jour des

données sur l’offre de soins ».

- Ministère de la Santé, » Santé en chiffres 2007 ».

- Département de l’Alphabétisation et de l’Education non Formelle, décembre 2006, Enquête

Nationale sur l’Analphabétisme, la non Scolarisation et la Déscolarisation au Maroc.

- Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique, 2007, Enquête nationale sur l’analphabétisme, la non scolarisation et la déscolarisation au Maroc.

8- Les Plans

- Plan d’action de la Politique Européenne de Voisinage 2005-2006

- Plan opérationnel de la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes Mars

2005 (SEFEPH)

- Plan Stratégique 2008-2012 Mars 2008 Publication Ministère du DSES

- Plan gouvernemental de l’égalité de genre 2012-2016 (Plan IKRAM)

9- Les Programmes

- Programme stratégique à moyen terme pour l’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes

dans le secteur de l’administration publique (Ministère de la Modernisation des Secteurs Publics)

Décembre 2006.

- Programme multisectoriel de lutte contre les violences fondées sur le genre par l’autonomisation

des femmes et des filles au Maroc 2008-2011 (Ministère du DSFS)

- Programme à moyen terme pour l’institutionnalisation de l’égalité entre els sexes dans le secteur

de la communication.

Publication Ministère de la Communication Août 2006.

10- Les Rapports

- Rapport Examen du mécanisme national chargé de la condition de la femme au Maroc :

Efficience, entraves et perspectives d’amélioration. Ministère chargé de la condition féminine,

de la protection de la famille, de l’enfance et de l’intégration des personnes handicapées. Novembre

2001

- Rapport parallèle - Convention CEDAW - ADFM 2001.

- Rapport Evaluation de la situation de la femme au Maroc (1998-2002), Juin 2002. Ministère

chargé de la Condition de la Femme

- Rapport national du DHD : Femmes et dynamiques du développement. Publication HCP 2005.

- Rapport national 2005 sur les OMD. Publication HCP Septembre 2005.

- Rapport Général : La lutte contre la violence à l’égard des femmes. 1er Forum méditerranéen -

Novembre 2005

- Rapport Les femmes et le développement économique en Méditerranée. Avril 2006

- Rapports Périodiques 3 et 4 de mise en œuvre de la CEDAW Juin 2006 - Janvier 2008

- Rapports Pékin + 15

- Ministère des Finances Avril 2009

- Ministère de l’Habitat Mai 2009

- Ministère de l’Education Nationale Avril 2009

- Ministère Des Habous et des Affaires Islamiques Mai 2009

- Ministère de la Jeunesse et des Sports Mai 2009

- Entraide Nationale Avril 2009

- Formation professionnelle Mai 2009

- Rapport ADFM Pékin + 15 Avril 2009

- Rapport Association Annakhil Pékin+15 Mai 2009

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- Renforcement du rôle des femmes dans la société – Istanbul 2006. Cadre d’action. Mécanisme

D’examen 2009 « Questionnaire d’Istanbul » pour les pays méditerranéens

- Résumé des actions/mesures mises en œuvre en faveur du renforcement du rôle des femmes dans la

société août 2008 - mai 2009

11- Les Recommandations

- Les Recommandations d’Istanbul - 2006

- Les normes et mécanismes d’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation CM/Rec (2007) 17 du Comité des Ministres et exposé des motifs.

Publication Conseil de l’Europe 2008.

- La participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision

Politique et publique.

Recommandation Rec. (2003) 3 du Comité des Ministres et exposé des motifs.

Publication du Conseil du l’Europe. 2003.

12- Les Stratégies

- Stratégie Nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes (Secrétariat d’Etat chargé de la

Famille, de la Solidarité et de l’Action sociale SEFSAS) - 2003.

- Stratégie Nationale pour l’équité et l’égalité entre els sexes par l’intégration de l’approche genre dans

les politiques et les programmes de développement Mai 2006 (SEFEPH).

13- Le Suivi et évaluation

- Evaluation du PANIFD 2002

- Réponses des départements ministériels à la lettre relative au suivi de la Stratégie nationale pour

l’équité et l’égalité entre les sexes, adressée par le ministère du DSFS - Septembre 2008.

14- Les statistiques

- Recensement de la population en 2004

- Enquêtes HCP

- La femme marocaine en chiffres HCP 2011

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LEXIQUE

Egalité entre les femmes et les hommes :

on entend par égalité entre les femmes et les hommes l'égale visibilité, autonomie,

responsabilité et participation des deux sexes à/dans toutes les sphères de la vie publique et

privée. Le concept d'égalité entre les sexes, hors de toute référence aux différences liées au

sexe, s'oppose au concept d'inégalité entre les sexes, c'est-à-dire aux disparités des conditions

de vie des femmes et des hommes. Il soutient le principe d'une participation totale des femmes

et des hommes à la vie en société. Le principe d'égalité des sexes commande d'accepter et de

valoriser également les différences inhérentes aux femmes et aux hommes, avec les divers

rôles qu'ils/elles jouent en société. Le principe d'égalité intègre le droit à la différence, ce qui

implique de prendre en compte les distinctions propres aux femmes et aux hommes, relatives

à leurs classes sociales, leurs opinions politiques, leurs religions, ethnies, races ou préférences

sexuelles. Le principe d'égalité implique de considérer de quelle façon il est possible d'aller

plus loin afin de changer les structures de la société qui contribuent à maintenir des relations

de pouvoir déséquilibrées entre les femmes et les hommes et d'atteindre un meilleur équilibre

entre les diverses valeurs et priorités conférées à chacun.

Discrimination à l’égard des femmes : toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur

le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la

jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de

l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de la personne et des libertés fondamentales

dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.

La discrimination directe se produit lorsqu’une différence de traitement repose directement

et explicitement sur des distinctions fondées exclusivement sur le sexe et les caractéristiques

propres aux hommes ou aux femmes, qui ne peuvent être justifiées objectivement.

La discrimination indirecte se produit lorsqu’une loi, une politique ou un programme ne

paraît pas discriminatoire, mais entraîne une discrimination une fois mise en application.

C’est le cas par exemple lorsque des inégalités préexistantes empêchent les femmes d’avoir

accès aux mêmes chances.

Démocratie paritaire : le concept de démocratie paritaire implique la pleine intégration de la

femme, sur un pied d’égalité avec l’homme, à tous les niveaux et dans tous les aspects du

fonctionnement d’une société démocratique, par des stratégies multidisciplinaires.

La participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et

publique signifie que la représentation de chacun des deux sexes au sein d’une instance de

décision dans la vie politique ou publique ne doit pas être inférieure à 40%.

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Action positive : la protection contre la discrimination ne suffit pas pour assurer dans les faits

l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes. A situations inégales, traitement

inégal. Les différentes conventions et autres textes juridiques internationaux qui définissent la

notion de discrimination offrent également une définition des actions positives. De telles

définitions diffèrent en fonction de l’instrument juridique en question, mais on constate que

ces instruments montrent tous les cas où la différence de traitement n’est pas considérée

comme discriminatoire. Les catégories les plus importantes de mesures justifiant une

différence de traitement sont les «mesures de protection», les facteurs réellement limitatifs

pour l’exercice de certaines activités et les mesures positives visant à promouvoir l’égalité.

Les notions de non-discrimination et d’actions positives étant interdépendantes, les actions

positives doivent être définies dans le cadre de chaque législation nationale. Il est donc très

Difficile de donner une définition générale ou commune des actions positives.

Les mesures temporaires spéciales : elles visent à accélérer l’instauration d’une égalité de

fait entre les hommes et les femmes, elles ne sont pas considérées comme des actes de

discrimination tels qu’ils sont définis dans la CEDEF, mais ne doivent en aucune façon avoir

pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes ; ces mesures doivent être

abrogées dès que les objectifs en matière d’égalité de chances et de traitement ont été atteints.

L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes consiste en la

(ré)organisation, l'amélioration, l'évolution et l'évaluation des processus de prise de décision,

aux fins d'incorporer la perspective de l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les

domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en place

des politiques.

L'évaluation de l'impact sur le genre trouve son origine dans le secteur de l'environnement,

et constitue l'exemple typique d'un outil récemment adapté aux besoins de l'approche intégrée

de l'égalité. Elle permet d'examiner tout projet politique sous l'angle des effets induits sur les

femmes et les hommes, de façon à corriger les éventuels déséquilibres avant la prise de

décision. L'analyse en fonction de l'égalité entre les femmes et les hommes permet de mieux

saisir dans quelle mesure les besoins respectifs des femmes et des hommes sont équitablement

pris en compte et trouvent une réponse dans le projet concerné. Elle permet aux décideurs

d'élaborer leurs politiques en fonction des réalités socio-économiques propres aux femmes et

aux hommes, et aux projets concernés de tenir compte de celles-ci. L'évaluation de l'impact

sur le genre est applicable à la législation, aux orientations et programmes politiques, aux

budgets, à l'action concrète, aux projets de loi, aux rapports et aux enquêtes. L'utilisation des

méthodes d'évaluation sur le genre ne se limite pas aux programmes en cours d'élaboration,

mais trouve sa juste place dans les politiques existantes. Ces méthodes peuvent être

employées tant par les administrations que par les acteurs externes, quoique, dans les deux

cas, une somme valable de connaissances sur les problèmes d'égalité doit déjà être acquise.

L'avantage de ce type d'instruments réside dans le fait qu'ils permettent d'évaluer très

précisément les effets de toute politique.

L’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire est une application

de l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le processus

budgétaire. Cela implique une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre

à tous les niveaux du processus.