Jeu dramatique et laryngectomie totale : une autre voie...

download Jeu dramatique et laryngectomie totale : une autre voie ...orthophonie.univ-lille2.fr/fileadmin/user_upload/documents/Memoir... · Lille – 2014 Institut d'Orthophonie Mémoire n°4

If you can't read please download the document

Transcript of Jeu dramatique et laryngectomie totale : une autre voie...

  • Lille 2014 Institut d'OrthophonieMmoire n4 Gabriel DECROIX

    Jeu dramatique et laryngectomie totale : une autre voie dans la rhabilitation vocale.Utilisation d'exercices inspirs de la pratique thtrale auprs d'un groupe de patients.

    Mmoire en vue de l'obtention du Certificat de Capacit d'Orthophonie

    prsent par Marion BONNAUD et Laure-Emilie PARENT

    dirig par Marie ARNOLDI, orthophoniste, Hpital Claude Huriez, CHU de Lille.

    soutenu publiquement en juin 2014

    RSUM

    La laryngectomie totale est une lourde opration engendrant pour les patients la perte de la voix

    larynge. Malgr les diffrentes voix de substitution qui leur sont proposes, on observe parfois un refus de

    s'exprimer en public voire un repli de certains de ces patients sur eux-mmes.

    Partant de ce constat, nous avons voulu intgrer des exercices thtraux dans des sances de

    rducation de groupe. Le thtre permet en effet de dvelopper diffrentes manires de communiquer, et

    peut dans certains cas valoriser la propre image des participants : son utilisation nous paraissait de ce fait

    une piste intressante explorer.

    Il s'agissait par consquent de proposer des exercices qui diffraient de ceux d'une prise en charge

    plus classique et d'en mesurer les rsultats objectifs et subjectifs, tant sur la voix des participants que sur

    leur volont de communiquer avec les autres dans la vie quotidienne.

    Huit patients, rpartis par groupes de trois cinq, se sont ainsi succd durant seize sances ; leurs

    tmoignages ainsi que nos observations et valuations nous ont permis de dgager une certaine lgitimit

    de notre dmarche.

    Mots-cls : Communication, Laryngectomie Totale, Thtre, Rducation, Groupe.

    ABSTRACT

    Total laryngectomy is a major surgery that generates for the patients the loss of their laryngeal voice.

    Despite the different voices of substitution available, patients may refuse to express themselves in public or

    even retire into themselves.

    From this observation, we decided to integrate theatrical exercises into collective sessions of

    reeducation. Theatre enables the development of different ways of communication, and in some cases, it can

    help to improve self-image of the participants. Its use seemed to be an interesting avenue to explore.

  • Therefore, it was a question of offering exercises differing from a classic therapy, and to evaluate

    objective and subjective results, based on the participants voices as well as the will to communicate with

    others in daily life.

    Eight patients, divided in groups of three to five, succeeded each other during sixteen sessions. Their

    personal testimony, as well as our observations and evaluations, allowed us to identify some legitimacy in

    this approach.

    Keywords : Communication, Total Laryngectomy, Theatre, Speech Therapy, Group.

    INTRODUCTION

    En France, les cancers des voies aro-digestives suprieures sont parmi les plus rpandus, ainsi

    une personne sur trois mille environ a bnfici d'une ablation du larynx. Face aux lourdes consquences

    qui en rsultent, des chercheurs, soucieux de trouver une solution moins radicale, ont men bien des

    exprimentations de greffe de larynx. Cependant, ces oprations restent l'heure actuelle du domaine de la

    recherche. Diffrentes techniques sont donc proposes aux patients afin d'acqurir une nouvelle voix dite

    sophagienne. Cependant, l'apprentissage de ce nouveau mcanisme n'est pas toujours vident et on

    observe une perte des liens sociaux chez beaucoup de patients se sentant affaiblis et rduits dans leur

    communication verbale.

    Or, l'art dramatique, par l'intermdiaire de mises en situation et d'improvisations, conduit un travail

    sur l'expression en public et l'ensemble des paramtres communicationnels. C'est donc en nous appuyant

    sur ces donnes que l'utilisation d'exercices inspirs de la pratique thtrale auprs de patients ayant

    bnfici d'une laryngectomie totale nous a paru tre une piste intressante envisager.

    Le but n'est pas ici de monter une pice de thtre, mais de mener des sances de rducation de

    groupe se basant sur des exercices inspirs du jeu dramatique : gestes, postures, relaxation, respiration... :

    notre travail ne portera pas uniquement sur la voix.

    Nous commencerons par rappeler les consquences et la prise en charge de la laryngectomie, puis les

    intrts du thtre et ses diffrentes utilisations. Dans un deuxime temps, nous prsenterons notre

    mthodologie puis les rsultats obtenus. Enfin nous verrons que ceux-ci peuvent tre discuts.

    CONTEXTE THORIQUE

    La laryngectomie totale a pour consquence la suppression du larynx, pice matresse du systme

    arodigestif dont elle se trouve tre le carrefour. La trache est dvie et abouche directement la paroi

    antrieure de la base du cou : la respiration du patient se fera dsormais par cette ouverture, que l'on

    appelle le trachostome. Les voies ariennes et digestives sont maintenant spares, l'air pulmonaire ne

    pouvant plus sortir par les cavits buccale ou nasale . Diffrentes fonctions seront de ce fait touches dont la

    phonation qui nous intresse plus particulirement. Suite l'opration, le patient va dvelopper une

    communication alternative (chuchotements, clics , voix pharynge) ; plus tard, l'apprentissage de la voix

  • oesophagienne lui sera propos, celle-ci se basant sur le principe d'ructation contrle : il s'agit ici

    d'envoyer de l'air dans le sphincter suprieur de l'oesophage afin que celui-ci entre en vibration lors de

    l'expulsion de l'air. Il est donc indispensable au patient d'acqurir l'indpendance des souffles : la prise d'air

    tant maintenant active et la sortie du son passive, il ne s'agit plus de mobiliser l'air pulmonaire pour parler,

    sous peine de produire un son parasite (souffle trachal) sortant du trachostome. Cet apprentissage peut

    se faire par le biais de diffrentes mthodes, les plus frquentes tant la mthode des blocages et la

    mthode par injection. Notons cependant que les performances de la voix sophagienne restent limites.

    [] le dbit reste le plus souvent hach [], son intensit est galement plus limite [], son timbre est

    moins esthtique et surtout son expressivit reste rduite . (F. LE HUCHE, A. ALLALI, (2010)). Si cet

    apprentissage venait chouer, d'autres alternatives pourraient lui tre proposes (implant phonatoire,

    vibrateur externe...). L'acquisition de cette voix est dispense par l'orthophoniste, qui peut exercer en

    diffrents lieux : hpital, tablissement spcialis ou cabinet libral. La dure et l'aisance d'apprentissage

    varient selon les patients, de mme que l'usage qu'il est fait de cette voix dans la vie courante. Il convient

    donc de distinguer technique et usage, certains matrisant convenablement la voix oesophagienne mais ne

    l'utilisant pas dans la vie quotidienne. Par ailleurs, on observe une baisse des relations sociales chez ces

    patients, ayant d pour la plupart quitter leur emploi et/ou abandonner certaines activits associatives ou

    sportives. Et c'est notamment sur cette rduction, voire cette disparition, que nous souhaiterions travailler.

    Nous pensons ainsi que la pratique thtrale pourrait tre bnfique ce type de patients.

    Lorsque l'on pense au thtre, le plus souvent, on le visualise comme l'apprentissage d'un texte par

    des acteurs qui le font vivre par le biais d'une mise en scne. C'est d'ailleurs cette image qui est ressortie le

    plus souvent, quand nous voquions notre projet auprs d'orthophonistes ou de patients. Pourtant, faire du

    thtre ne se rsume pas l'apprentissage d'un texte, la personne qui joue doit avoir recours, tout comme

    dans la vie quotidienne, tous les moyens dont elle dispose pour exprimer ce qu'elle veut donner voir. Le

    thtre offre donc un travail global de la communication, travers la voix, la respiration, la posture, le regard,

    les gestes... En oprant sur la communication de l'individu, il permet de modifier la perception que peuvent

    en avoir les autres mais aussi et par consquent, de modifier celle qu'a l'individu de lui-mme. De ce fait, il

    est employ depuis de nombreuses annes, de manires diverses, dans un cadre thrapeutique afin

    d'apporter au patient un mieux-tre physique et/ou psychique. En effet, le thtre est un outil de

    dveloppement de l'individu dans le sens o il aide lever certaines inhibitions et dvelopper notre

    crativit. Il a aussi un impact sur la sociabilisation de ce dernier qu'il renforce le plus souvent. Lorsque l'on

    fait du thtre, la sensation d'appartenir un groupe est importante : chacun est port par les autres

    participants qui le stimulent, le poussent se dpasser tout en le scurisant (E. LASZLO, (2013)). Ainsi, de

    nombreux ateliers l'utilisent comme un moyen thrapeutique ; en ce qui concerne l'orthophonie, nous

    pouvons citer le Thtre Aphasique de Montral et l'atelier d'art dramatique du centre Raymond Dewar.

    BUTS ET HYPOTHSES

    A partir des constats thoriques exposs prcdemment, nous avons eu l'ide de mesurer

    l'hypothtique apport quantitatif et qualitatif d'exercices thtraux sur une population de sujets ayant

    bnfici d'une laryngectomie totale.

    En observant les lments dvelopps en partie thorique nous mettons les hypothses suivantes :

  • L'utilisation d'exercices inspirs de la pratique thtrale favorise l'acquisition de la voix

    sophagienne.

    Le recours ces exercices permet un travail sur l'usage et facilite la communication des patients au

    quotidien, grce son rle d'intermdiaire entre la technique et la vie quotidienne.

    L'utilisation du jeu dramatique comme mdiateur artistique contribue la baisse des douleurs

    physiques et psychiques imputes la maladie du patient.

    MTHODOLOGIE

    Nous avons prsent notre projet au Centre Mdical de F., situ en Seine-et-Marne. Les patients

    peuvent y bnficier de consultations ORL, mais aussi d'oprations, de traitements et de soins pr ou post-

    opratoires parmi lesquels un examen et une rducation orthophonique en cas de trouble de la dglutition

    et/ou de la phonation. La rducation vocale des patients ayant bnfici d'une laryngectomie totale

    consiste en deux sances quotidiennes de groupe. Par ailleurs, des sances de perfectionnement sont

    ponctuellement mises en place pour des patients plus avancs.

    Dans le cadre de notre tude, chaque sance regroupait entre 3 et 5 patients. Nous avons retenu les

    patients laryngectomiss totaux sachant produire au moins deux syllabes grce la voix sophagienne, et

    exclu la voix tracho-oesophagienne, l'illettrisme, les maladies neurologiques, la dficience intellectuelle et la

    surdit avec ou sans corrections auditives. Huit patients ont ainsi particip notre projet :

    Nom Sexe Age Profession Type d'opration M.B H 57 Sans emploi Laryngectomie totale

    M.F H 54 Conducteur de bus

    Pharyngo-laryngectomie circulaire

    M.L H 61 Retrait Laryngectomie totale

    M.M H 42 Sans emploi Laryngectomie totale

    M.P H 52 Vendeur Laryngectomie totale

    Mme R F 54 Ouvrire Laryngectomie totale

    M.W H 55 Artisan Laryngectomie totale

    M.Z H 61 Chauffeur de taxi

    Laryngectomie totale

    Tableau n1 : prsentation des participants notre tude.

    En nous basant sur la classification des groupes de traitement de langage mise en place par K.

    KEARNS (1994), nous observons que nos sances s'approchent plus de ce que l'auteur considre comme

    un traitement sociolinguistique : il s'agit de faire en sorte que les changes se fassent au moyen d'un plus

    large ventail d'interactions, notamment en fournissant aux patients des situations de communication

    proches de la vie quotidienne ou par l'intermdiaire de jeux de rles.

    Nous avons fait le choix de conserver un crneau d'une heure comme dure moyenne de nos ateliers. Nous

    intervenions de plus dans ce centre tous les mardis ainsi qu'un jeudi sur deux, nous comptabilisons ce titre

    16 sances. Ces dernires taient dcoupes comme suit :

    - Des exercices de relaxation, destins crer une transition entre le quotidien et la sance.

  • - Des chauffements corporels et vocaux destins prparer le patient aux activits plus directement axes

    sur la communication.

    - Transition vers le jeu visant entrer progressivement dans les exercices de mises en situation.

    - Travail corporel ax sur le mime afin de dvelopper la communication non verbale.

    - Travail de la communication verbale et non verbale travers des improvisations et des textes.

    Afin d'valuer notre travail, nous avons eu recours une valuation subjective et objective.

    Concernant l'valuation subjective, nous avons tabli diffrents questionnaires destination des patients. Un

    premier questionnaire avait pour but, avant le commencement de la session, de consulter les patients du

    centre sur les sances dj mises en place afin d'adapter au mieux les ntres. Les questionnaires suivant

    visaient les participants de notre tude : le premier a t distribu avant la session afin de recueillir les

    difficults communicationnelles rencontres par les patients ainsi que les donnes administratives les

    concernant.

    Un second questionnaire rduit tait distribu la fin de chaque sance afin de relever leurs avis et de

    pouvoir ventuellement apporter des modifications la semaine suivante.

    Enfin, un troisime et dernier questionnaire a t conu afin d'valuer les hypothtiques apports de notre

    atelier d'un point de vue communicationnel et au niveau du bien-tre des patients. Pour cela, il reprenait un

    certain nombre de questions poses dans le questionnaire pr-session, afin de comparer les rponses et

    constater ou non un ventuel changement. Les autres questions visaient obtenir un retour sur les sances.

    Outre l'valuation subjective partir de questionnaires, nous trouvions important de mesurer de

    faon plus objective les effets de nos ateliers sur les productions vocales des sujets de l'tude. Nous avons

    donc souhait valuer le niveau de voix oesophagienne des patients avant et aprs leur participation la

    session. Nous cherchions pour cela un outil simple d'accs, rapide quant son utilisation et ais

    interprter. Aussi l'chelle de niveau Le Huche-Allali s'est-elle rapidement impose nous, de par sa

    prcision et son important nombre de degrs.

    RSULTATS

    Concernant les rponses aux questions comparatives, les rsultats subjectifs seront prsents sous

    forme de synthse pour chaque patient.

    M. B a t opr en octobre 2013 et a particip 5 sances. Le patient dclare maintenant utiliser

    sa voix sophagienne en dehors des sances, le nombre de syllabes produites sur une injection ayant

    augment, ainsi que les gestes. On note aussi une amlioration au niveau des douleurs physiques.

    Toutefois, on observe que le patient juge ne plus parvenir communiquer comme il le souhaiterait avec

    l'extrieur.

    M.F, en rcidive, a t opr pour la seconde fois en dcembre 2013 et a particip 14 sances. Le

    patient dit ne plus avoir d'apprhension pour s'exprimer l'extrieur et dclare maintenant utiliser les gestes

    pour appuyer son discours. Le nombre de syllabes produites sur une injection a lgrement augment. Il

    affirme galement que ses douleurs physiques ont diminu.

  • M.L a t opr en novembre 2013 et a particip 6 sances. Le nombre de syllabes produites par

    le patient en voix sophagienne sur une injection a augment. On observe aussi une diminution des

    douleurs physiques et une lgre baisse de l'apprhension s'exprimer l'extrieur.

    M.M a t opr en novembre 2013 et a particip 5 sances. Le patient dclare dornavant utiliser

    la voix sophagienne et les gestes en dehors des sances, son apprhension a par ailleurs diminu. Il

    affirme ressentir moins de difficults pour communiquer. Sa voix est moins fatigable et on observe une

    lgre augmentation du nombre de syllabes produites sur une injection. Il rapporte aussi une baisse de ses

    douleurs physiques.

    M.P a t opr en dcembre 2013 et a particip 10 sances. Le patient dclare parvenir mieux

    communiquer et sa voix est moins fatigable. On observe une baisse des douleurs physiques, la gne

    respiratoire ayant entirement disparu. Nanmoins, son apprhension est prsente comme plus importante

    dornavant.

    Mme. R, en rcidive, a t de nouveau opre en dcembre 2013, elle a particip 14 sances. On

    observe peu de changements pour cette patiente dont les rponses tmoignent uniquement d'une plus

    grande difficult pour communiquer.

    M.W a t opr en novembre 2013 et a particip 12 sances. Le patient dclare que son dsir

    de communiquer a augment et il dit parvenir mieux le faire avec ses proches. Par ailleurs, on observe une

    hausse du nombre de syllabes produites sur une injection. Il affirme aussi que ses douleurs physiques ont

    diminu tout comme son apprhension.

    M.Z a t opr en janvier 2014 et a particip 8 sances. L'apprhension du patient a diminu et il

    a la sensation de parvenir mieux communiquer avec ses proches. De plus, le nombre de syllabes

    produites sur une seule injection est plus important. Les douleurs physiques prsentes avant la session ont

    diminu et il dclare ne plus ressentir de fatigabilit quant sa voix.

    Quant aux questions concernant l'valuation des sances par les patients, il en ressort que les

    rsultats sont plutt positifs dans l'ensemble, les patients ayant rpondu en majorit qu'ils trouvaient les

    sances intressantes. Tous pensaient que celles-ci pouvaient tre pertinentes en parallle d'une

    rducation plus classique et auraient eu envie de continuer ce genre de travail. Concernant les apports

    communicationnels, les rsultats sont partags mais tous les sujets dclarent avoir ressenti une

    amlioration, mme minime. Pour ce qui est de l'acquisition de la voix sophagienne, l encore elle est

    relative chacun mais deux participants ont rpondu n'avoir ressenti aucune amlioration.

    Nos questionnaires ne pouvant recueillir de manire exhaustive le ressenti des patients, nous avons

    pratiqu des entretiens semi-ouverts avec les participants ayant t les plus prsents aux sances. L

    encore, mesurer l'intrt de ce type de travail tait notre but.

    Si on effectue une synthse de ces dclarations, il en ressort que tous les patients trouvent ces sances

    utiles, l'un d'entre eux allant mme jusqu' les qualifier d'indispensables. Ils justifient ces propos en

    expliquant qu'elles permettent d'oublier le handicap, de sortir des exercices plus thoriques, de se motiver et

    de se dbrouiller l'oral. On notera nanmoins les limites voques par Mme R. qui juge que ce type de

    travail n'est pertinent qu'auprs de dbutants. Les apports voqus sont multiples, les personnes interroges

    parlent de dtente et relaxation, d'un dveloppement de l'expression, d'une facilitation de l'apprentissage de

    la voix sophagienne et d'une aide pour affronter les regards extrieurs. La majorit d'entre elles pense que

  • ces sances peuvent aider les gens communiquer l'extrieur et deux patients ont voqu l'importance de

    continuer ce type de travail.

    Concernant l'chelle de niveau Le Huche-Allali, nous avons opt pour une prsentation en tableau

    comprenant les deux scores, avant la participation des patients la session et aprs. De plus, nous avons

    jug pertinent de rappeler pour chaque participant le nombre de sances respectivement effectues.

    Patient Nombre de sances

    effectues

    Niveau l'chelle avant

    la session

    Niveau l'chelle en fin

    de session

    M. B 5 IV III

    M. F 14 II IB

    M. L 6 IV III

    M.M 5 IV IV

    M.P 10 IV II

    Mme.R 14 II IA

    M.W 12 III IB

    M.Z 8 IV III

    Tableau n2 : prsentation des rsultats des patients l'chelle de niveau Le Huche-Allali.

    Nous constatons que tous les patients l'exception de M.M ont progress d'au moins un niveau,

    certains ayant obtenu un trs bon niveau.

    DISCUSSION

    Les rsultats suggrent que ce mode de prise en charge favorise l'apprentissage de la voix

    sophagienne bien qu'il ne puisse se substituer un travail plus classique. Il semblerait aussi que cela soit

    un bon adjuvant la communication, ce qui suppose que ces exercices permettent un travail de l'usage qui

    doit nanmoins se faire en parallle un entranement plus technique. Enfin, ils laissent penser que le

    recours un mdiateur artistique peut contribuer la rduction de douleurs physiques et psychiques

    conscutives la maladie.

    Cependant il est important d'avoir en tte un certain nombre d'lments nous obligeant relativiser ces

    rsultats. En effet, nous n'avons pu chapper durant l'tude certains cueils indpendants de notre

    volont, que nous avons en partie pallis grce des ajustements . D. BIZEUL (1998) explique ce sujet

    que le chercheur ne peut viter certains biais et que sa reprsentation de la ralit ne correspond pas

    cette ralit .

    En premier lieu, la recherche de participants fut notre principale difficult : nous souhaitions au

    pralable nous diriger vers les centres de rducation fonctionnelle spcialiss dans la prise en charge des

    personnes laryngectomises, nanmoins, ces tablissements sont peu nombreux et ingalement rpartis en

    France. Le centre de F. fut le seul rpondre favorablement notre demande.

    Lorsque nous avons envisag notre tude il nous avait paru plus pertinent de travailler avec les

    patients venus pour les sances de perfectionnement ; en effet, les patients en post-opratoire immdiat

  • peinent se consacrer au travail de la voix sophagienne. Finalement, pour des raisons internes

    l'tablissement, aucun stage de perfectionnement n'a pu avoir lieu durant notre priode d'tude. Cela a eu

    diffrentes consquences, telles qu'une disparit non souhaite entre les lments du groupe, un nombre

    restreint de patients ainsi qu'une fluctuation de leur prsence aux sances, il nous a donc fallu modifier notre

    mthodologie afin de nous adapter. Le faible nombre de patients n'a pas permis la constitution d'un groupe

    tmoin et nous a conduites a adopter plutt une analyse qualitative de nos questionnaires.

    De plus, nous n'avons pas russi trouver une littrature mlant thtre et laryngectomie sur

    laquelle nous appuyer. Nous avons ainsi choisi de travailler partir d'articles et ouvrages traitant du thtre

    dans le cadre d'une rducation thrapeutique -orthophonique si possible-, ou de nous tourner vers ceux qui

    abordaient les thrapies de groupe destines d'autres pathologies que la laryngectomie, et notamment

    l'aphasie.

    D'autre part, il est important de souligner des lments pouvant rendre les rsultats discutables.

    Tout d'abord, lorsque l'on observe les rsultats des patients, on constate une fluctuation importante : certains

    ont volu concernant leur niveau de voix sophagienne, leurs douleurs ou leur apprhension parler en

    public, d'autres non. Nous pouvons ici reprendre l'exemple de Mme R et de M.M. Mme R, en rcidive,

    prsentait ds son arrive en sance un meilleur niveau de voix sophagienne que M.M. De mme, opre

    depuis quelques annes, elle avait une exprience plus accrue concernant la communication l'extrieur

    des sances d'orthophonie. C'est pourquoi on constate peu d'volution, objective ou subjective, concernant

    Mme R, alors que M.M, lui, prsente une bonne progression. On peut par consquent souligner l'intrt d'un

    groupe homogne, comme le prconise M. PACHALSKA (1991).

    De plus, il est certain que les rsultats recueillis concernant la voix sophagienne ainsi que les

    douleurs physiques ne sont pas entirement lis nos sances, mais galement aux sances

    orthophoniques plus techniques et de kinsithrapie dont bnficiaient les patients. Ainsi, nous ne pouvons

    pas mesurer entirement le profit apport par nos seules sances . En outre, selon J. ATEN (1991) cit par

    J. BUTTET SOVILLA (1997) : Il est trs difficile d'obtenir des preuves utilisant des procdures vrifies et

    des donnes objectives prouvant que les traitements de groupe sont aussi efficaces que les traitements

    individuels ou ventuellement plus efficaces que l'absence de traitements. .

    Nous nous sommes galement demand, au cours de l'tude, s'il tait pertinent de comparer les

    diffrents niveaux de nos patients avec l'chelle de F. LE HUCHE et A. ALLALI alors que ces derniers

    n'avaient pas particip au mme nombre de sances. Par exemple, M.P est pass du niveau IV au niveau II

    en treize sances alors que M.M est rest au niveau IV durant ses six sances effectues. Nous avons

    cependant fait le choix, malgr les alas de notre tude, de garder cet outil qui fait consensus afin de

    garantir la rigueur de notre dmarche.

    Concernant les rsultats des questionnaires, nous pouvons l encore nuancer certaines de nos

    donnes : en effet, des rponses obtenues lors des diffrentes enqutes par questionnaires nous ont sembl

    peu fiables. A ce propos, D. BIZEUL (1998) explique que les raisons imagines par les participants la

    prsence du chercheur vont orienter leur faon de se conduire avec lui, soit en lui offrant un discours de

    circonstance qu'ils croient attendu, ou au contraire en parlant avec sincrit. Ainsi, nous pourrions penser

    que certains d'entre eux s'efforaient de nous offrir les rponses qu'ils croyaient aller dans le sens de notre

    recherche.

    De plus, nous pouvons considrer que certains rsultats positifs ont t obtenus par des patients qui

  • auraient t d'emble ou trs vite sduits par notre dmarche. C'est dire qu'un participant qui n'aurait

    aucun attrait pour le jeu dramatique, ou des a priori concernant ce dernier dans un cadre thrapeutique

    pourrait ne pas adhrer ce mode de rducation. J . BUTTET SOVILLA (1997), en s'appuyant sur l'avis de

    diffrents auteurs, nous apprend ainsi que l'efficacit dpend en grande partie de la qualit des personnes

    composant le groupe ou, si ce n'est pas le cas, que c'est la personnalit du ou des thrapeutes qui prime en

    finalit.

    Tous les patients ont soulign l'importance pour eux d'une rducation classique en parallle. K.

    KEARNS (1994) appuie ce point en nous expliquant que beaucoup d'auteurs considrent la thrapie de

    groupe comme un complment ou un subordonn la thrapie individuelle mais non un substitut celle-ci.

    Notre tude prsentaient toutefois un certain nombre d'intrts pour les patients.

    En premier lieu, la majorit de ceux-ci a mis en avant l'importance qu'avait eu le rire dans nos sances

    thtrales, soulignant qu'ils avaient apprci de travailler sur des histoires drles ou des dialogues

    comiques. Nos sances permettraient donc d'oublier, pendant un temps, l'opration et toutes ses

    consquences. Il s'agissait galement de faire dialoguer entre eux des patients atteints de la mme

    pathologie, de crer une ambiance qui sortait du cadre plus formel des rducations classiques. Le fait que

    les participants aient pu se laisser aller jouer devant nous, intervenantes, et les autres membres du groupe

    sans avoir d'exprience thtrale pouvait dmontrer une certaine confiance, un certain lcher prise que nous

    recherchions. M.W parle d'ailleurs d'oubli du handicap, et nous tmoigne de la capacit oser grce aux

    ateliers. Enfin, nous pouvons prsenter les diffrentes improvisations utilises durant nos ateliers comme

    une sorte d'entranement l'usage de la voix sophagienne dans des situations que le patient aura vivre.

    Ainsi, pour D. PRICHARD (1988) le groupe serait une tape intermdiaire entre situation privilgie et

    scurisante de la thrapie individuelle et la vie extrieure remplie de situations angoissantes et de

    paramtres incontrlables.

    D'autre part, notre tude se place dans le champ de l'orthophonie. Le jeu dramatique, nous l'avons

    dit, est fortement li la notion de communication. Rappelons que l'orthophoniste se doit d'amliorer ou du

    moins de conserver celle des patients qu'il rencontre, et ce quelle que soit la pathologie. Nous avons dj

    voqu le fait que plusieurs tudes ont intgr le thtre ou des exercices s'en inspirant au cadre de

    l'orthophonie. En effet, les pathologies pouvant inclure la pratique thtrale dans leur prise en charge sont

    diverses, tout comme les ges des participants : diffrentes gnrations sont susceptibles d'tre intresses

    par cette forme de remdiation. Nous pouvons ainsi faire le lien avec le champ de comptences de

    l'orthophoniste qui est amen travailler diffrents moments de la vie des individus, de la prime enfance

    jusqu'aux gnrations les plus ges.

    Nos sances n'ont donc pas pris une direction oppose celle d'une prise en charge orthophonique plus

    traditionnelle, mais y ont inclus des composants diffrents, en faisant intervenir une gamme plus tendue

    d'lments corporels. Nous pourrions ainsi imaginer une sance de rducation de groupe classique

    ponctue d'exercices faisant appel la pratique thtrale.

    Quoi qu'il en soit, l'orthophoniste se veut en premier lieu un professionnel de la communication, et se doit

    ce titre d'utiliser les moyens qui pourront avancer dans ce sens ; l'art pourra alors reprsenter une voie

    exploitable, que cela soit ou non dans des rducations de la voix.

  • CONCLUSION

    Notre tude nous a permis de dgager plusieurs donnes qui semblent valider nos hypothses. En

    effet, aprs nos seize sances, nous avons pu observer une amlioration du niveau de voix sophagienne,

    ainsi qu'une baisse des douleurs physiques de certains participants, ce qui correspond deux de nos

    hypothses. La troisime parat galement trouver une rponse positive, les patients dclarant en majorit

    tre plus l'aise pour communiquer avec leur entourage.

    Toutefois, nos rsultats sont nuancer : notre tude comporte en effet certains biais que nous

    devons prendre en compte, notamment en ce qui concerne l'valuation de l'efficacit des thrapies de

    groupe.

    Pour autant, ce travail nous a fait prendre conscience de la richesse que reprsente l'emploi de la

    pratique thtrale en orthophonie. Le thrapeute, travers ces exercices, pourra valoriser les aspects

    communicationnels dont dispose le patient et s'appuyer sur ses potentialits, ce qui reflte un aspect

    essentiel de la discipline. Le jeu dramatique offre galement un travail au plus prs de la ralit du patient, il

    reprsente de ce fait une liaison intressante entre une prise en charge formelle et la vie quotidienne.

    RFRENCES

    ATEN J. (1991). Group therapy for aphasic patients : let's show it works. Aphasiology. 5. 559-56.

    BIZEUL D. (1998). Le rcit des conditions d'enqute : exploiter l'information en connaissance de cause. Revue franaise de sociologie. XXXIX-4. 751-787.

    BUTTET SOVILLA J. (1997). Les thrapies de groupes . In : Jean-Louis Signoret (d.). Rducations neuropsychologiques : historique, dveloppements actuels et valuation, Volume 4. Paris/Bruxelles : De Boeck, 97-120.

    KEARNS K. (1994). Group therapy for aphasia : theoretical and practical considerations . In : CHAPEY R. (d.). Language intervention strategies in adult aphasia. Baltimore : Williams and Wilkinks, 304-318.

    LASZLO E. (2013). Thtre d'improvisation et Gestalt-thrapie, le groupe de thtre impro, un puissant moteur thrapeutique. Gestalt. 2013/2 Numro spcial. 169-183.

    LE HUCHE F., ALLALI A. (2010). Chapitre 4 : La voix aprs laryngectomie . In : La voix tome 3: pathologies vocales d'origine organique. Paris : Masson. 45-76.

    PACHALSKA M. (1991). Group therapy for aphasia patients. Aphasiology. 5. 541-554.

    PRICHARD D. (1988). Une approche communicationnelle dans la rducation de sujets aphasiques In : Federation Nationale des Orthophonistes (d.). L'orthophonie ici...ailleurs, autrement . Paris : l'Ortho Editions. 207-215.