Interview de Pierre-Yves Chicot
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Interview de Pierre-Yves Chicot Maître deconférences en droit public : « Convaincre lesgens que le statut va changer leur vie est difficile»Propos recueillis par Adams Kwateh France-Antilles Martinique 12.01.2010
Quels enseignements tirez-vous de cette consultation quisurprend, tant l'écart entre le non et le oui est grand ?
Le premier enseignement à tirer est le temps qu'il convient de consacrer à un débat démocratique
sur une question d'une telle technicité. Certains, dans les hauts lieux du pouvoir parisien, estiment
qu'il n'est pas sensé de consulter la population sur des articles de la Constitution.
Le Non est un grand gagnant mais l'abstention est aussi un grand gagnant et il faut l'expliquer
largement d'une part, par la désaffection inquiétante pour la chose publique et d'autre part,
l'impossibilité de se déterminer en raison d'une incompréhension totale ou relative de cette
thématique originellement de droit constitutionnel.
Le deuxième enseignement concerne l'opportunité d'organiser un débat de cette importance à
quelques semaines d'une échéance électorale majeure (les élections régionales) favorisant les
arguments électoralistes et incitant à travestir la réalité.
Le troisième enseignement réside dans la haute importance d'un consensus total de la classe
politique avant d'envisager tout débat et consultation populaire sur l'évolution institutionnelle ou
statutaire. Pour autant, un tel préalable ne donnerait pas la garantie que la population y adhérerait
comme un seul.
Le quatrième enseignement est relatif à la rupture de la confiance qui existe entre les gouvernants
nationaux et locaux et les gouvernés. Par exemple, dans la propagande populaire prospère l'idée
que l'actuel Président de la République veut se débarrasser de l'outre-mer.
Le cinquième enseignement doit être inéluctablement recherché dans l'attachement des
ressortissants des départements-régions d'outre-mer au modèle de l'Etat-providence pourtant
déliquescent. Dès lors qu'une menace réelle ou supposée pèse sur ce modèle, les électeurs se
lèvent quasiment comme un seul homme pour dire Non. Et le pouvoir central ne pouvait l'ignorer
malgré les paroles rassérénantes du chef de l'Etat.
Peut-on parler d'un désaveu des protagonistes du 74 ?
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Certainement puisqu'ils ont porté avec opiniâtreté leur conviction politique selon laquelle la
Martinique pourrait mieux s'épanouir dans un cadre institutionnel rénové régi par l'article 74 de la
Constitution française. Pour autant, si l'idée politique a été désavouée faut-il confondre désaveu
des idées et désaveu des hommes ? Et en l'espèce deux élus éminents que sont Garcin Malsa du
Modemas et Alfred Marie-Jeanne du MIM. Rien n'est moins sûr. On peut penser que l'électeur
établit un distinguo entre les actions des hommes et une conviction politique qu'ils vont porter sans
parvenir à l'adhésion de ce dernier.
Le désaveu réside davantage dans la méthode de formulation de la proposition de l'idée. Est ainsi
posée la question d'un projet global auquel sera adossée la question statutaire. Manifestement, le
SMDE et l'agenda 21 n'ont absolument pas été, aux yeux du peuple, l'argument péremptoire qui
aurait favorisé la victoire du oui au 74.
Si le Oui l'emportait le 24 janvier, la création d'unecollectivité unique favorisera-t-elle l'émergence descompétences plus larges ?
L'histoire de la décentralisation a démontré que l'accroissement des compétences peut être
déconnecté de la question du statut. L'exemple le plus patent est la loi du 13 août 2004 dite liberté
et responsabilité.
Au surplus, l'accroissement des compétences coïncide parfaitement avec l'approfondissement de la
décentralisation qui a connu une nouvelle montée en puissance avec la réforme constitutionnelle du
28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. Il n'est pas du tout exclu que
de nouvelles compétences soient octroyées à la collectivité unique régie par l'article 73. L'histoire
très récente nous révèle que la demande d'accentuation de la responsabilité locale en outre-mer
est entendue par le pouvoir central.
N'est-ce pas l'idée d'une autonomie qui s'éloigne de plusen plus ?
La réponse est non curieusement à ce que l'on pourrait penser. En effet, il est passé largement
inaperçu que la France a ratifié la Charte de l'autonomie locale. Par conséquent, la France peut
être classée dans la catégorie des Etats dont le modèle est désormais celui d'un Etat autonomique
même si la décentralisation reste de nature administrative.
En revanche, ce qui s'éloigne c'est précisément une prise de distance avec le droit commun, la
perspective d'une identité politique des actuels départements-régions d'outre-mer assise sur un
modèle institutionnel original tout en demeurant au sein de la République. Le droit à la différence
semble récusé et l'assimilation législative apparaît avec le probable triomphe de l'article 73 comme
le modèle qui correspond davantage au ressenti populaire. Certains politiques martiniquais l'ont
bien compris dans la manière d'organiser la stratégie électorale attachée à la consultation
populaire du 10 janvier.
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