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HÉMATOLOGIE : HÉMOPATHIES LYMPHOÏDES B MATURES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MAI 2013 - N°452 // 49

article reçu le 14 novembre 2012, accepté le 1er février 2013.

© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

SUMMARY

The contribution of cytogenetic and molecular bio-

logy in the diagnosis of mature B-cell neoplasms

Chronic lymphoproliferative disorders are clonal B neoplasms with heterogeneous clinical, biological, histological and genetic features. Morphology and immunophenotype (fl ow cytometry) are suffi cient for the diagnosis of most cases however genetics and molecular analysis bring some help in borderline cases. For chronic lymphocytic leukaemia (CLL) these tools are needed to classify the patients into prognos-tic groups to evaluate new therapeutic strategies.In this review, we show on the one hand, the interest of cytogenetic and molecular biology as complemen-tary diagnostic tools to detect clonal B malignancies, and on the other hand, the interest of these tools in CLL prognosis, in particular IGHV and TP53 muta-tional status and genetic abnormalities detected with fl uorescent in situ hybridization (FISH).

Chronic lymhocytic syndrome – cytogenetics – fl uorescence in situ hybridization –

mutations – prognosis.

RÉSUMÉLes syndromes lymphoprolifératifs chroniques matures B regroupent un grand nombre d’hémopathies clonales avec des caractéristiques cliniques, biologiques, histologiques et génétiques variées. Le diagnostic repose essentiellement sur l’aspect morphologique et la présence de marqueurs de membrane détectés en cytométrie en fl ux, cependant il existe des formes frontières ou atypiques nécessitant une caractérisation génétique complémentaire. La cytogénétique et la biologie moléculaire sont des techniques complémentaires pour l’aide au diagnostic dans ces cas. Dans le cas très particulier de la leucémie lymphoïde chronique (LLC), ces outils aident à classer les patients dans des groupes pro-nostiques afi n de déterminer les meilleures stratégies thérapeutiques.Dans cet article, nous présentons en premier, les intérêts de la cytogéné-tique et de la biologie moléculaire comme aide au diagnostic des hémo-pathies lymphoïdes. Dans une seconde partie, nous présentons l’apport de la cytogénétique et de la biologie moléculaire dans l’identifi cation de facteurs pronostiques dans la LLC, en particulier le statut mutationnel des gènes des immunoglobulines, les mutations de TP53 et la détection des anomalies cytogénétiques par hybridation in situ en fl uorescence (FISH).

Syndromes lymphoprolifératifs chroniques – cytogénétique – hybridation in situ – mutations – clonalité – pronostic.

Virginie Eclachea,*, Fanny Baran-Marszaka

Intérêt de la cytogénétique et de la biologie moléculaire pour le diagnostic des syndromes lymphoprolifératifs B

a Service d’hématologie biologiqueGroupe hospitalier universitaire Avicenne (AP-HP)Université Paris 13125, rue de Stalingrad93009 Bobigny cedex

* [email protected]

1. Introduction

La classifi cation actuelle des lymphomes proposée par l’OMS repose sur des caractéristiques morphologiques (/histologique) et immunophénotypiques (expression de marqueurs antigé-niques de surface) et génotypiques (mutations des gènes des immunoglobulines, de BCL6; de BCL2) des cellules B malignes [1]. Les modifi cations cytogénétiques impliquent presque toujours un gène des immunoglobulines dans les lymphomes B (tableau I). Cette transformation résulterait d’une série de modifi cations cellulaires aboutissant à une

dérégulation du contrôle du cycle cellulaire et de l’apoptose (mort cellulaire programmée). Les cellules privées d’apoptose s’accumulent en particulier dans le sang et dans la moelle dans le cas des syndromes lymphoprolifératifs chroniques.Le diagnostic d’hémopathie lymphoïde clonale repose essentiellement sur l’analyse du sang de la moelle et des ganglions mais d’autres liquides ou pièces biopsiques peuvent être confi ées au laboratoire pour une recherche de clonalité B et de marqueurs génétiques spécifi ques.

2. Base moléculaire

de la clonalité B

La cellule souche hématopoïétique suit différents proces-sus de maturation et devient un lymphocyte B mature naïf qui exprime un récepteur B à l’antigène (immunoglobuline membranaire), dans une deuxième phase de différenciation, ce lymphocyte B deviendra soit un plasmocyte sécrétant des immunoglobulines (anticorps) soit un lymphocyte B mémoire. Au cours de ces étapes de différenciation peu-

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Tableau I – Gènes partenaires des gènes des immunoglobulines

caractéristiques des syndromes lymphoprolifératifs selon [2].

Point de cassure GèneFonction dans les cellules

normalesPathologie Remarque

18q21 BCL2 Suppression de l’apoptose LNH folliculaire1/3 Diffus grandes cellules

IGH-J et varMBR et mbr3’MBR

8q24 MYC ProliférationApoptoseRégulation du cycle cellulaire

LNH BurkittDiffus à grandes cellules

IgH et l ou kPoints de cassure différentsMutations de MYC

11q12 CCND1 Régulation du cycle cellulaire LNH à cellules du manteau IGH-JPoints de cassures dispersés

1q22 FCG RIIB Récepteur pour le fragment Fc IIB LNH de haut grade

3q27 BCL6 Facteur de transcription LNH diffus à grandes cellules Mutations de BCL6

10q24 NFkB2 Production de P52 et p100 membres NFkB

5 % des LNH Locus Ca

9p13 PAX5 LNH lympho-plasmacytoïdes mRNA augnombreux partenaires de PAX5 connus

1p22 BCL10 Expression augmentée dans le CG

MALT IGH-JTête à tête

19q13 BCL3 Expression augmentée dans LLC Pronostic défavorable IGH-JTête à tête

2p13 BCL11A LLC et immunocytome

12p13 CCND2 Régulation du cycle cellulaire LLC Transformationen haut grade

IGlambda

6p25 IRF4 Facteurs de transcriptionRéponse aux cytokines et interféron

20 % Myélometransformation plasmocytaire

5p15.3 hTERT Maintenance des télomères LAL et LNH B matures

CG : centre germinatif ; LAL : leucémie aiguë lymphoblastique, LLC : leucémie lymphoïde chronique ; LNH : lymphome non hodgkinien.

Figure 1 – La différenciation lymphocytaire B.

Lefranc MP. IMGT® databases, web resources and tools for immunoglobulin and T cell receptor sequence analysis, http://www.imgt.org, Leukemia 2003;17:260-6.

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Références

[1] texte réf www

Pour en savoir plus Texte

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vent se produire des anomalies génétiques muta-tions, délétions, translocations, qui vont favoriser la prolifération et la survenue d’un clone B puis d’un lymphome B [2].

2.1. Les stades de différenciation peuvent être divisés en 2 phases• Une phase indépendante des antigènes qui a lieu dans la moelle osseuse (fi gure 1).La différenciation de cellules précurseurs hémato-poïétiques en cellules B matures immunocompé-tentes commence par des réarrangements des gènes des immunoglobulines, d’abord dans le locus des chaînes lourdes des immunoglobulines IGH sur le chromosome 14 (fi gure 2), un réarrangement d’un gène D (27 gènes) avec un gène J (23 gènes), suivi du réarrangement d’un gène V (123 à 129 gènes) au D-J préalablement réarrangé, puis dans le locus des chaînes légères kappa IGK un réarrangement V (31 à 35 gènes)-J (5 gènes) et, si nécessaire dans le locus des chaînes légères lambda IGL, un réarran-gement V (29 à 33 gènes)-J (4 à 5 gènes). Ces réar-rangements séquentiels vont produire une diversité combinatoire considérable de réarrangements V-D-J et caractérisent les divers stades de la maturation : cellule progéniteur pro-B, cellule précurseur pré-B,lymphocyte B immature, lymphocyte B mature immunocompétent qualifi é de « naïf ».Les translocations t(11;14) du lymphome du man-teau, t(14;18)(q32;q21) du lymphome folliculaire, t(8;14) du lymphome de Burkitt endémique, t(14;18)(q32;q21) du lymphome de MALT ont lieu au stade pro-B au moment du réarrangement D-J et impli-quent la recombinase RAG. La t(8;14) du lymphome de Burkitt sporadique aurait lieu au stade mature au moment de la commutation de classe et des mutations somatiques dans le centre germinatif.• Une phase dépendante des antigènes qui a lieu dans les organes lymphoïdes périphériques (ganglions, rate).Un lymphocyte B mature, qui quitte la moelle osseuse, exprime à sa surface des immunoglobulines mem-branaires (mIgM et mIgD) de la même spécifi cité antigénique (fi gure 3). Les domaines variables des chaînes lourdes et des chaînes légères des IgM et des IgD présentes à la surface d’un même lympho-cyte B sont codées respectivement par un même réarrangement V-D-J dans le locus IGH et un même réarrangement V-J dans le locus IGK ou IGL. Ces lymphocytes B matures circulent dans le sang et la lymphe et sont amenés aux organes lymphoïdes secondaires, en particulier la rate et les ganglions lymphatiques où à lieu la phase dépendante des anti-gènes. Si un lymphocyte B interagit avec un antigène pour lequel l’anticorps membranaire est spécifi que, la cellule entreprend une expansion clonale et des processus de maturation des gènes des immuno-globulines : mutations somatiques et commutation de classe, lesquelles aboutissent à une population de plasmocytes capables de sécréter des anticorps très affi ns pour l’antigène et de cellules B mémoires.

Figure 2 – Synthèse d’une chaîne lourde μ d’immunoglobuline.

Au niveau de l’ADN, l’un des gènes IGHD est joint à l’un des gènes IGHJ pour créer un gène D-J partiellement réarrangé.(a) Dans une deuxième étape, un des gènes IGHV est joint au D-J, pour générer un gène IGHV-D-J complètement réarrangé.(b) Le gène réarrangé IGHV-D-J est transcrit avec le gène IGHM en un prémessager IGHV-D-J-M (ou IGHV-D-J-Cmu).(c) Les séquences d’ARN correspondant aux introns et aux gènes J non utilisés sont alors excisées par épissage et l’on obtient un ARN messager.(d) L’ARN messager est ensuite traduit en une chaîne polypeptidique par les ribosomes.(e) Le peptide signal leader est éliminé. Une chaîne lourde mu est produite.

Figure 3 – Représentation schématique d’une immunoglobuline.

Le domaine variable d’une chaîne légère ou VL est associé à une région constante CL. Le domaine variable d’une chaîne lourde VH est codé par trois gènes réarrangés (un gène IGHV, IGHD et IGHJ). Les trois régions hypervariables CDRs ou complementarity determining region) 1, 2 et 3 déterminent le site de reconnaissance et de liaison à l’antigène dans la structure tridimensionnelle. Les régions FR sont plus conservées. La région CDR3 n’est pas codée par un gène mais est créée par les réarrangements V-D-J devenant essentielle dans la spécifi cité antigénique. La région constante de la chaîne lourde CH comprend 3 à 4 domaines constants CH1, CH2, CH3.

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2.2. Mutations somatiquesdes gènes des immunoglobulinesLe processus des mutations somatiques des gènes des immunoglobulines permet d’augmenter l’affi nité des anti-corps produits contre l’antigène en créant une accumulation de mutations ponctuelles ou plus rarement d’insertion et de délétion spécifi quement dans les séquences codant pour les régions V-D-J des chaînes lourdes et légères des immunoglobulines à un taux de 1/1 000 paires de bases par division cellulaire. Les bases C dans les motifs WRCY (ou W = A ou T, R = G ou A, et Y = T ou C) sont préférentiel-lement mutées. D’autres motifs comme WRCH (ou DGYW) ont également été proposés. Ces séquences sont fortement représentées dans les CDRs des immunoglobulines qui présentent donc un taux élevé de mutations somatiques.

2.3. Commutation de classeLors de sa maturation, le lymphocyte passe d’une pro-duction d’IgM et d’IgD membranaires à la synthèse d’IgG ou d’IgE ou d’IgA (fi gure 1). Ce processus, qui permet le changement de la région constante de la chaîne lourde tout en maintenant l’expression de la même spécifi cité anticorps et en renforçant même son affi nité, est appelé la « commutation » de classe (ou « switch »). L’interaction entre CD40 et CD40L (CD154) est indispensable à la réalisation du switch et de l’hypermutation somatique qui mettent en jeu également une cytidine déaminase AID.

2.4. Identifi cation d’une prolifération Bclonale par PCRLa limite du répertoire théorique des différents réarran-gements des gènes des immunoglobulines est, en fait, le nombre de lymphocytes B dont dispose l’individu. Chaque lymphocyte B possède une séquence ADN VH-DH-JH propre dont les régions FR (Framework) conservées peuvent

être reconnues par des amorces consensus permettant l’amplifi cation par PCR (polymerase chain reaction) de cette région. Cette approche permet de mettre en évidence la présence d’un clone de lymphocytes B identiques pos-sédant le même réarrangement V-D-J et d’affi rmer qu’une prolifération lymphocytaire B est clonale ou réactionnelle (polyclonale) (fi gure 4). Cette technique permet de confi r-mer la clonalité des proliférations B identifi ées en cytologie ou en cytométrie de fl ux, mais aussi de suivre la maladie après traitement ou d’identifi er la présence de plusieurs clones ou sous-clones avec des réarrangements différents des gènes des chaînes lourdes ou des chaînes légères. La PCR est réalisée sur l’ADN extrait de cellules mononucléées du sang, de la moelle, de liquides ou de biopsies, mais elle peut aussi être réalisée à partir de l’ARN. La sensibilité de la technique permet de mettre en évidence une population clonale B minoritaire de l’ordre de 1 % des cellules. Le choix des amorces et les mises au point techniques ont fait l’objet d’un programme européen collaboratif BIOMED-2 (EuroClonality consortium http://www.euroclonality.org)publié dans Leukemia en 2003 [3].Les différents tests permettent d’amplifi er l’ADN ou le cDNA compris entre les amorces FR1, FR2 ou FR3 et JH pour les réarrangements des chaînes lourdes, entre les amorces VL ou VK et J pour les réarrangements des chaînes légères, et les amorces Vk et Jk-Ck intragénique et Kde « kappa deleting element ». Les réarrangements Vκ-Kde et Jκ-Cκ intron-Kde sont le résultat de réarrangements Vk infruc-tueux conservés par la cellule B.Chaque cellule B a un réarrangement V-J unique en longueur et en séquence. Lorsque l’ADN normal ou polyclonal est amplifi é, un aspect gaussien des amplicons est obtenu. Si l’échantillon contient une population clonale, un ou deux amplicons sont majoritaires sous forme de pic ou de bande (en gel) dans un environnement polyclonal diminué.

Figure 4 – Profi ls de réarrangement V-D-JH en PCR.

A. Schéma du locus IGH réarrangé avec les segments VDJ et les amorces sens localisées en FR1, FR2 et antisens en JH.B. Détection par fl uorescence des produits PCR identiques (clonal) sous forme de pics.C. Détection des produits PCR identiques en gel d’électrophorèse sous forme de bandes.

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3. Anomalies

cytogénétiques

diagnostiques

La formation d’un gène codant pour une immunoglobuline de haute affinité pour l’antigène résultant d’une série de cas-sures de l’ADN double brin pré-dispose le gène des immunoglo-bulines aux translocations, bien que le mécanisme de formation ne soit pas complètement élu-cidé, des erreurs de la réparation de l’ADN sont suspectées. La plupart des translocations mais pas toutes, sont ciblées sur le site de recombinaison (le seg-ment J et dans le cas du gène des chaînes lourdes et la région du switch : S). La translocation du locus JH avec un oncogène pourrait résulter d’une erreur de la recombinaison VDJ dans les précurseurs des cellules B dans la moelle [2].Le clonage des translocations impliquant le locus 14q32/IGH montre dans la plupart des cas, mais pas tous, que les régions J ou S sont impliquées dans le point de cassure, dans certains cas la translocation peut impliquer un segment réarrangé ou non VH/VL, le segment DH ou l’intron JH-CH comme il a été montré dans des lignées de myélome.La cytogénétique conventionnelle, méthode de réfé-rence pour la mise en évidence des translocations, est confrontée au problème du matériel disponible (ganglion hétérogène) et à l’indice de prolifération bas des syn-dromes lymphoprolifératifs chroniques. Des techniques de biologie moléculaire et d’hybridation in situ ont été mises en œuvre pour palier à ses diffi cultés.

3.1. La t(8;14)(q24 ;q32) et les remaniements de MYCLa t(8;14)(q24;q32) impliquant le gène MYC localisé en 8q24 est trouvée dans 75 % des cas de lymphome de Burkitt, dans les autres cas, la translocation implique l’une des chaînes légères des immunoglobulines soit kappa dont le gène est localisé en 2p11 soit lambda localisé en 22q11.Si la t(8;14) semble l’événement initial dans le lymphome de Burkitt, elle peut survenir secondairement dans d’autres types de lymphomes, par exemple lors de la transformation d’un lymphome folliculaire en haut grade de malignité. Il est à noter que MYC peut être sur exprimé par d’autres mécanismes que la translocation avec les gènes des IG. Le gène MYC est composé de 2 exons codant et d’un exon non codant. Dans les cas de Burkitt sporadiques, le point de cassure en 8q24 est localisé dans la partie 5’ du premier exon ou dans le 1er intron et dans les cas endémiques le point de cassure se trouve à distance des

régions codantes [4]. Dans 65 % des cas, le gène MYC présente des mutations. L’expression de MYC est nor-malement liée à la phase G1 du cycle cellulaire. Lorsqu’il est transloqué avec un des gènes des immunoglobulines, la régulation est altérée et MYC est exprimé tout au long du cycle cellulaire.La détection des remaniements de MYC peut se faire par la cytogénétique conventionnelle ou par l’hybridation in situ à l’aide de sondes locus spécifi ques des partenaires ou de sondes placées de part et d’autre du point de cassure MYC (sonde breakapart).

3.2. La t(14;18)(q32;q21) et remaniements de BCL2La t(14;18)(q32 ;q21) est retrouvée dans plus de 80 % des LNH folliculaires et dans 20 % des lymphomes B diffuse à grandes cellules (fi gure 5). Elle est rarement retrouvée dans les autres lymphoproliférations. La translocation place le gène BCL2 sous la dépendance d’un enhancer fort du locus IGH conduisant à sa surexpression. Le locus IGH est localisé en 14q32.3 avec les régions VH télomeriques et les régions DH, JH et constantes plus centromériques. La transcription se faisant dans le sens télomérique vers centromérique. La forme courante de translocation juxtapose un gène JH et son enhancer en 3’ Sμ au gène BCL2. Les stratégies de détection par PCR utilisent une amorce JH consensus. BCL2 est localisé en 18q21 orienté du centromère vers le télomere 5’-3’. La majorité des points de cassure se trouvent dans une région MBR (major breakpoint region) de 150bp en 3’ de l’exon 3 non traduit. D’autres points de cassure ont été retrouvés en 3’MBR et plus en 3’ encore mcr (minor cluster region). D’autres points de cassure plus rares ne sont

Figure 5 – Translocation t(14 ;18)(q32 ;q21) visible au caryotype.

A. Caryotype en bande R.B. Hybridation in situ à l’aide de sondes IGH (rouge) et BCL2 (vert) la fusion montre un spot vert-rouge (fl èche).

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pas explorés par PCR (fi gure 6). Ces 3 PCR multiplex (A : MBR, B : 3’MBR et C : mcr) permettent la détection de 90 % des translocations avec une sensibilité de 0.1 %. Le choix des amorces et les mises au point techniques ont fait l’objet d’un programme européen collaboratif BIOMED-2 publié dans Leukemia en 2003 [3].

3.3. Lymphomes à cellules du manteauet t(11;14)L’équivalent normal de la cellule impliquée dans le lym-phome à cellules du manteau (LM) serait une cellule B naïve présente dans la zone du manteau. Les cellules sont monomorphes de taille petite à moyenne aux contours

Figure 6 – Détection de la fusion BCL2-JH par PCR.

A. Schéma du locus BCL2 et JH avec les amorces sens dans les régions MBR, 3’MBR et mcr et l’amorce antisens consensus dans JH.B. Détection en gel d’électrophorèse des produits PCR.

Figure 7 – Caryotype complexe dans le cas d’un lymphome à cellules du manteau.

A. Caryotype obtenu à partir d’un lymphome à cellule du manteau (bandes R). En plus de la translocation t(11;14) caractéristique (fl èches rouges), d’autres anomalies sont identifi ées (fl èches noires).B. Technique de FISH montrant une fusion entre les locus IGH et CCND1.

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nucléaires irréguliers pléomorphes. La particularité de ce lymphome à petites cellules est son mauvais pronostic avec une moyenne de survie entre 3 et 5 ans.La t(11;14)(q13;q32) impliquant le gène de la cycline D1 (ex BCL1) est trouvée dans quasiment tous les Lymphomes à cellules du manteau (fi gure 7) et rarement dans d’autres syndromes lymphoprolifératifs en particulier dans le myé-lome, de rares cas de translocations variantes impliquant les chaînes légères des immunoglobulines ont été rap-portées. La translocation juxtapose le gène codant pour la cycline D1 avec le segment IGH-J, il en résulte une augmentation de l’expression de cette cycline impliquée dans la régulation du cycle cellulaire. Cependant les points de cassure sont très dispersés dans une région de 130 kb centromérique du gène cycline D1. Les techniques de PCR classiques ne sont donc pas adaptées à la recherche de la t(11;14). L’anomalie peut être détectée par la cytogé-nétique conventionnelle plus ou moins associée à la FISH (IGH-CCND1 double couleur). La technique la plus sensible est la recherche de l’hyperexpression de la cycline D1 par RT-PCR (fi gure 8). La technique de RT-PCR compé-titive permet de mettre en évidence une surexpression en ARN, relative, de la cycline D1 par rapport aux 2 autres cyclines de type D, D2 et D3. On utilise une amorce sens reconnaissant une région homologue entre la cycline D1 et les autres cyclines D (D2 et D3) et trois amorces antisens spécifi ques de chaque cycline D. L’amorce sens est en quantité équivalente aux amorces antisens. Ce qui veut dire que sa fi xation est prioritaire sur l’ARN le plus représenté et qu’elle est moins disponible pour les amplifi cations des formes minoritaires. Il y a donc compétition entre

les ARN D1, D2 et D3. Cette technique permet de faire le diagnostic de lymphome du manteau dans le sang, la moelle, les liquides et les biopsies. Devant une phase leucémique de lymphome B CD5+ avec un score de Matutes inférieur à 4 ou CD200-, ces analyses sont réalisées pour affi rmer ou éliminer une phase leucémique de lymphome du manteau avec une sensibilité de 1 %. Les lymphocytes B normaux n’expriment pas la cycline D1. Il existe aussi une faible expression de la cycline D1 dans les leucémies à tricholeucocytes et le myélome multiple.Des altérations chromosomiques supplémentaires ont été rapportées dans le LM. Les plus fréquents sont des délétions 1p ; 13q et 17p et des gains 3q. La présence de plus de cinq aberrations chromosomiques, les gains de 3q et la perte de 17p sont associées avec une évolution rapidement défavorable [5]. Les cas de forme variante blastoïde du LM exhibent une fréquence de tétraploïdie et des mutations du gène codant pour la p53. La translocation du gène MYC a été associée avec une survie courte [6, 7].

3.4. Anomalies des lymphomes de la zone marginaleLes lymphomes issus de la zone marginale (MZL) sont hété-rogènes dans leur présentation, certains s’accompagnent d’une phase leucémique facilement identifi able, d’autres ont une localisation ganglionnaire ou tissulaire, le diagnos-tic est alors histologique. La recherche de translocations spécifi ques se fait en fonction du matériel disponible : cytogénétique sur le sang, la moelle, et les ganglions, biologie moléculaire sur tissus congelés ; nous prendrons l’exemple de la t(11;18) dans les lymphomes du MALT.

Figure 8 – Détection de la fusion BCL1-JH et de l’hyperexpression de la cycline D1.

A. Schéma du locus BCL1/MTC et JH avec l’amorce sens dans la région MTC et l’amorce antisens consensus dans la région JH.B. Détection des produits PCR par gel d’électrophorèse.C. Schéma des amorces permettant l’amplifi cation par RT-PCR compétitive des 3 cyclines D avec une amorce commune sens et 3 amorces spécifi ques antisens à la même concentration.D. Détection des produits PCR en gel d’électrophorèse.

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La translocation t(11;18)(q21 ;q21) entraînant la fusion API2-MALT1 est retrouvée avec des fréquences variables en fonction du site touché par le lymphome, dans 30 à 50 % des cas de MALT pulmonaire ou intestinal et de 6 à 26 % des MALT gastriques. D’autres translocations sont moins fréquentes t(14;18)(q32;q21), t(3;14)(p14;q32) et t(1;14)(p22;q32). Les transcrits de fusion API2-MALT1 sont recherchés par RT-PCR avec différents couples d’amorces ciblant les différents points de cassure. La mise en évidence du transcrit de fusion API2-MALT1 confi rme la présence d’un lymphome de MALT notamment dans les cas où il existe une faible infi ltration du tissu mais surtout est asso-ciée à une résistance à l’éradication d’Helicobacter pylori par les traitements antibiotiques.Dans les phases leucémiques des MZL, en l’absence de translocation spécifi que, des anomalies de type duplication des chromosomes 3/3q ou 18 sont en faveur d’un d’une forme nodale alors que les délétions 7q et 11q sont en faveur d’une forme splénique [8].• Autres translocations récurrentes

Certaines anomalies ont été rattachées à des sous-types d’hémopathies, nous en citerons quelques-unes de façon non exhaustive.La t(1;22)(q22;q11) est une autre anomalie récurrente des LNH folliculaire, survenant au moment de la transformation en LNH de haut grade de malignité.Le clonage de la translocation t(3;14)(q27;q32) a permis de découvrir le gène BCL6 (ex LAZ3) un facteur de transcrip-tion à motif en doigt de zinc [9]. Les études ultérieures ont montré que BLC6 pouvait être impliqué dans des trans-locations avec différents partenaires et que les régions codantes du gène s’associent à différents promoteurs dans 30-40 % des LNHDGC.Un sous-type particulier le LNH lympho-plasmoctytaire d’évolution indolente associé à une t(9;14)(p13;q32) implique le gène homéobox paire 5 (PAX5) localisé en 9p13. PAX5 est dérégulé du fait de la juxtaposition en tête à tête avec le locus IGH, aboutissant à une augmentation de l’ARNm correspondant. Cependant, le point de cassure dans PAX5 est hétérogène et son implication dans la lymphomagenèse n’est pas élucidée.À partir d’un lymphome à cellule villeuse (SLVL) présentant une t(2 ;7)(p12 ;q21), il a été mis en évidence l’implication du rôle de CDK6 une protéine-kinase associée au cycle cellulaire capable d’induire la transition de phase G1 en S, dans ce cas le partenaire est un gène Vk non réarrangé.

3.5. Anomalies des leucémies lymphoïdes chroniques (LLC)Les anomalies cytogénétiques observées dans la LLC ont longtemps été limitées par des problèmes techniques dus au faible index mitotique des cellules B-matures qui ne prolifèrent pas spontanément contrairement aux blastes des leucémies aiguës. Les premières séries publiées utilisant du 12-O-tétra-décanoylphorbol-13- acétate (TPA) associé à de l’interleukine 2 comme mitogène retrouvaient des anomalies clonales dans 40 à 50 % particulièrement dans les stades avancés de la maladie [10]. La trisomie 12 a été identifi ée comme étant l’anomalie la plus fréquente dans ces premières études où elle représentait environ 1/3 des caryotypes anormaux (soit 15 % des patients). Sa présence en mosaïque à côté de mitoses

sans anomalies dans des clones minoritaires parfois à côté d’autres anomalies fait maintenant plutôt penser qu’il s’agit d’un événement secondaire dans la LLC. De plus, dans les premières séries, étaient inclus un ensemble de syndromes lymphoprolifératifs CD5 positifs qui sont considérés actuel-lement comme des LLC atypiques (score de Matutes < 3). Depuis 2006, l’utilisation d’un oligodinucléotide (DSP30) comme mitogène à permis d’améliorer les performances de la cytogénétique conventionnelle [11].

3.5.1. Les translocationsContrairement à ce qui se voit dans les lymphomes, les translocations impliquant le locus IGH sont rares dans la LLC. D’authentiques t(14;18)(q32;q21) avec réarrangements IGH-BCL2 dont les points de cassures sont identiques à ceux des lymphomes folliculaires sont observées de façon occasionnelle. Nous en avons répertorié 75 cas dans le cadre d’une étude multicentrique du GFCH. La présence de cette translocation serait de bon pronostic dans le cadre de la LLC [12]. La t(14;19)(q32;q13) est une translocation rare mais récurrente dans la LLC, associée à un âge plus jeune et un pronostic défavorable. La translocation super-pose BCL3 en tête à tête avec le promoteur des IgH, il en résulte une augmentation du taux de l’ARNm de BCL3 [13].Les translocations impliquant c-MYC sont également rares, elles concernent plus souvent les chaînes légères et sont associées à une évolution péjorative contrairement à la t(14;18) [14]. Finalement aucune translocation spécifi que n’a été trouvée impliquée dans le processus leucémogène de cette hémopathie en dehors de translocations rares défi nissant des sous-groupe.Les anomalies les plus fréquentes sont des délétions, il s’agit principalement des délétions sur les bras longs des chromo-somes 6, 11 et 13, et sur le bras court du chromosome 17.La délétion 14q est une anomalie récurrente souvent asso-ciée à une trisomie 12 que l’on trouve également dans les lymphomes lymphocytiques [8], bien que les points de cas-sures soient hétérogènes; des études à l’aide de techniques de CGH ou de FISH ont montré récemment qu’il existe des points de cassures privilégiés, identifi és en 14q24 par Pospisilova et al. [15]. Ceci suggère un mécanisme commun aboutissant à la fusion du locus IgH avec un partenaire qui est en cours d’identifi cation.

3.5.2. La délétion 13q14La délétion de la région 13q14 est la plus fréquente des anoma-lies génétiques trouvées dans plus de 50 % des cas de LLC, elle est associée à un meilleur pronostic lorsque l’anomalie est isolée. La délétion 13q n’est pas spécifi que de la LLC, on la retrouve dans d’autres hémopathies lymphoïdes telles que le myélome multiple et les lymphomes en particulier les LNH à cellules du manteau, et certaines néoplasies (cancer de la prostate, tumeurs pituitaires).Dans la LLC, il existe une région commune délétée d’environ 550kb suggérant un rôle prépondérant dans la pathogénie de la LLC. Grâce à des hybrides somatiques obtenus à partir de cellules de LLC avec anomalies du chromosme13, une région minimale délétée de 29kb contenant le supposé gène suppresseur de tumeur nommée DLEU (deleted in leukemia ou LEU2). Le gène DLEU a été largement étudié et n’est pas considéré à ce jour comme gène suppresseur de tumeur

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dans la LLC. Un groupe de 2 miRNAs (Mir15-a et Mir16-1) sont localisés à l’intérieur de la région minimale délétée et sont dérégulés dans 70 % des cas de LLC [16]. Les gènes codant pour ces 2 miRNAs sont ubiquitaires et non-codant, ils ont une fonction régulatrice de l’expression des gènes dont il se fi xe sur la partie UTR. Les 2 miRNAs sont présents à un taux élevé dans les cellules CD5+ par rapport aux cellules CD5 normalement présentent dans l’homéostasie. Dans le cas de la LLC, l’haplo-insuffi sance des miRNA semble jouer un rôle de suppresseur de tumeur et de faibles variations d’expression du gène ont une répercussion majeure sur le phénotype. Le modèle d’inactivation en 2 temps des gènes suppresseurs de tumeur peut être appliqué sans ambiguïté aux Mir15-a et Mir16-1 ; un allèle étant perdu et l’autre éliminé par mutation sur la lignée germinale.Le rôle des Mir15-a et Mir16-1dans la LLC a été éclairci par des études fonctionnelles in vivo et in vitro [17]. D’une part, les deux MiRNA ciblent la partie 3’ UTR de BCL2 et cette fonction est conservée chez l’homme et chez la souris. Dans la LLC, l’expression de la protéine bcl2 est inversement cor-rélée à l’expression des Mir15-a et Mir16-. La dérégulation des Mir 15-a et mir 16- 1 a été rapportée également dans des cas de lymphomes diffus à grandes cellules-B, du cancer de la prostate et de l’adénome pituitaire et du cancer du sein suggérant un rôle dans la pathogénie de ces cancers et une possible cible thérapeutique à venir.

3.5.3. La délétion 11qLa délétion sur le bras long du chromosome 11 est la deu-xième des anomalies retrouvées dans la LLC et principale-ment chez les patients dont la maladie est en progression. Elle est retrouvée dans environ 10 % des cas au diagnostic et peut survenir durant l’évolution [18].La délétion est de taille hétérogène, il existe une région mini-male délétée estimée à 1,5 Mb localisée en 11q22 couvrant le locus ATM (ataxie télangiectasie) dont le rôle dans la réparation des cassures de la molécule d’ADN en particulier après expo-sition aux radiations ionisantes est fondamental. Cependant, des mutations du gène ATM ont été détectées seulement chez un petit nombre de patients, elles sont associées à une diminution de l’expression de la protéine et toujours associé à la délétion de l’autre allèle [19].

3.5.4. La délétion 17pLa délétion 17p13 est retrouvée dans environ 10 % des LLC au diagnos-tic, principalement chez les patients présentant une forte masse tumorale, une durée de vie raccourcie (médiane 32 mois) et une résistance accrue à la fl udarabine, l’un des principaux agents pharmacologiques actifs dans la LLC [20]. La fréquence de la délétion est plus élevée lors de l’évo-lution de la maladie et peut atteindre 26 % au moment des rechutes. Mayr a montré récemment que les délé-tions 17p étaient, dans la majorité des cas le résultat d’une anomalie déséquilibrée de type chromosomes dicentriques impliquant le chromo-

some 17 et un partenaire variable plutôt que de simples délétions interstitielles [11]. La délétion est rarement isolée, mais le plus souvent associée à d’autres anomalies voire un caryotype complexe. La région délétée en 17p13 contient le locus TP53 qui est considéré comme le facteur d’im-portance majeure. Dans 90 % des cas, le deuxième allèle a subi une mutation, il en résulte une expression anormale de la protéine p53.Plutôt qu’un rôle dans le diagnostic de la maladie, la cytogénétique trouve sa place dans l’évaluation de la gravité de la maladie. En effet, le nombre d’anomalies augmente au cours de l’évolution de la maladie.

4. Facteurs pronostiques de la LLC

Ces dernières années, de nouveaux marqueurs pronostiques permettent de mieux prédire l’évolution de la maladie afi n de traiter les patients en fonction de leur risque d’évolution.

4.1. Les anomalies cytogénétiquesL’impact des anomalies cytogénétiques dans la LLC a été considérablement amélioré par l’utilisation de la technique d’hybridation in situ (FISH) réalisée sur cellules inter pha-siques [21]. En effet, la FISH permet de détecter des ano-malies ciblées chez plus de 60 % des patients. Parmi ces anomalies, la plus fréquente est la délétion 13q14 retrouvée chez 55 % des patients tous stades confondus. Le bon pro-nostic associé à la « délétion 13q isolée » doit être nuancé car une forte proportion (25 à 30 %) de patients présente des anomalies associées qui ne sont pas détectables par l’étude en FISH interphasique ciblée d’une part. D’autre part, la taille importante de la délétion évaluée par les techniques de CGH, avec perte associée du locus Rb, est considérée comme péjorative. Enfi n, la présence d’un contingent de cellules présentant une délétion biallélique est décrite de façon controversée comme un facteur aggravant le pronos-tic [22] (fi gure 9). Les études les plus récentes montrent le rôle défavorable des anomalies cytogénétiques qu’elles soient équilibrées ou non, donnant un regain d’intérêt à la cytogénétique conventionnelle [23].

Figure 9 – Apport de l’hybridation in situ pour la détection de la délétion 13q14

dans la leucémie lymphoïde chronique.

Hybridation réalisée à l’aide de sondes D13S319 (rouge)/télomère 13q (bleue) et centromère du 12 (vert) sonde contrôle. A. Mitose avec délétion de la région 13q14 sur l’un des chromosomes 13 (fl èche).B. Mitose avec délétion des 2 allèles (absence de signal rouge), signaux bleus (télomères) présents.A gauche : localisation schématique des sondes sur le chromosome 13.

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réarrangements IGHV3-21 ont été associés à un mauvais pronostic indépendamment du statut mutationnel, ces réarrangements présentent avec une fréquence élevée des séquences CDR3 stéréotypées de 9 acides aminés de type ARDANAMDV. La présence de ces séquences stéréotypées a fait naître l’hypothèse du rôle d’une pression de sélec-tion antigénique dans la lymphomagenèse.

4.3. Mutations de TP53Les anomalies de TP53 sont retrouvées dans 10 à 15 % des LLC non traitées et dans 40 à 50 % des LLC résistantes à la fl udarabine. Dans 80 % des cas, elles sont retrouvées sur l’allèle non délétée en 17p. En absence de délétion 17p, elles peuvent aussi être retrou-vées et sont associées à un mauvais pronostic [26]. Les patients démarrant un traitement devraient donc avoir une recherche de muta-tions de TP53. Récemment, l’ERIC (European research initiative on CLL www.ericll.org) a publié des recommandations concernant l’analyse des mutations de TP53, son utilité et les méthodes d’analyse [27]. Les mutations de TP53 retrouvés dans différents cancers sont recensées dans une base de données www-p53.iarc.fr, ce qui permet de valider le retentissement sur la fonction de p53 d’une mutation donnée. La majorité des mutations

(> 95 %) sont retrouvées dans les exons 4 à 9, la méthode du séquençage direct décrite sur le site : http://www-p53.iarc.fr/

Download/TP53_DirectSequencing_IARC.pdf, permet en 8 PCR d’obtenir la séquence complète de ces exons. La sensibilité du séquençage direct est d’environ 20 % et une mutation doit être confi rmée par un séquençage en antisens sur une autre PCR. C’est la méthode de référence accessible par un grand nombre de laboratoires.Un test fonctionnel peut aussi être réalisé. Le système bio-logique est capable de tester la capacité de transcription de p53, il a été mis au point dans la levure Saccharomyces cerevisiae en utilisant la souche YIG-397, qui a la particularité d’être mutante pour le gène ADE2. Ce gène code pour une enzyme assurant une étape de la voie des purines, aussi une mutation de ce gène entraîne un bloc métabolique et l’accumulation de l’intermédiaire en amont (P-ribosyl-amino-imidazole), qui est de couleur rouge. Dans cette souche de levure ade2-, qui est donc spontanément rouge lorsqu’elle est cultivée dans un milieu pauvre en adénine, un plasmide indicateur de l’activité transcriptionnelle de p53 a été intégré dans le génome. Le principe consiste à cloner l’ADN tumo-ral dans ce plasmide. Lorsque la protéine p53 sauvage est introduite dans cette souche, le système indicateur ADE2 est activé, ce qui induit une levée du bloc métabolique et une diminution des intermédiaires accumulés : la levure devient alors blanche. À l’opposé, l’expression de la protéine p53 mutante est incapable d’induire l’expression du gène ADE2 et la levure reste donc colorée en rouge. L’avantage de la technique est sa rapidité et son faible coût, sa sensibilité est de l’ordre de 10 %. Cette technique doit être associée au séquençage.

Les délétions 11q et 17p et les anomalies complexes (> 2 anomalies) sont associées de façon signifi cative et indiscutable à un pronostic défavorable [24]. Ces anomalies étant rares au diagnostic, d’autres facteurs pronostiques sont recherchés en particulier les mutations des gènes des IGHV et de TP53 qui sont détaillés ci dessous.

4.2. Mutations somatiques des gènes des immunoglobulines IGHVLe statut mutationnel des IGHV est considéré comme le plus important facteur pronostique dans la LLC et permet de classer les patients en fonction de leur risque de pro-gression notamment dans les essais cliniques. Du fait de l’importance de ce facteur, l’ERIC (European research initia-tive on CLL www.ericll.org) a publié des recommandations pour réaliser la recherche de mutations somatiques des IGHV afi n de standardiser la technique et que les résultats soient comparables et utilisables dans les différents centres [25]. L’analyse peut se faire à partir de l’ADN ou de l’ARN. L’utilisation de l’amorce leader en sens permet l’amplifi cation de la séquence IGHV entière mais les amorces FR1 sont les plus utilisées. Les produits PCR FR1-JH sont séquencés, la séquence obtenue est alignée aux séquences référencées dans la base de donnée IMGT (International immunoge-netics information http://imgt.cines.fr). Le pourcentage d’homologie à la séquence germline la plus proche est automatiquement calculé par le logiciel qui identifi e aussi les gènes VH, DH et JH réarrangés (fi gure 10). Le seuil de 98 % d’homologie est utilisé de façon consensuelle pour identifi er les cas non mutés avec un % d’homologie supérieur à 98 % et les cas mutés inférieurs à 98 %. D’autre part, les

Figure 10 – Identifi cation du statut mutationnel des IGHV.

A. La séquence test a été alignée aux séquences de la base IMGT, qui a identifi é un réarrangement IGHV3-7 IGHD2-15 et IGHJ3 avec un pourcentage d’homologie de 96,6 % (muté) et une région CDR3 de 22 acides aminés.B. Alignements aux séquences les plus proches.

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5. Conclusion

La cytogénétique et la biologie moléculaire sont des outils complémentaires d’aide au diagnostic des syn-dromes lymphoprolifératifs chroniques et s’intègrent dans une démarche pluridisciplinaire. La cytogénétique est la méthode la plus ancienne, permettant de visualiser l’en-semble du génome mais peut être mise en défaut du fait du faible index mitotique des cellules étudiées, de leur faible représentation dans le tissus analysé, de la présence d’ano-malies cryptiques (del(13q) ou de clones minoritaires. Les techniques de FISH et de biologie moléculaire ciblées sur une anomalie donnée sont plus sensibles et plus rapides.La recherche des mutations/délétions de TP53 devenue

indispensable avant de débuter un traitement dans la LLC a ouvert la voie à de nouvelles techniques de séquençage plus performantes.Les nouvelles techniques de séquençage haut débit (next generation sequencing) ne sont pas encore accessibles pour tous mais devraient progressivement remplacer le séquençage direct, l’intérêt de ces techniques est d’obtenir la séquence de plusieurs gènes ou marqueurs pronostiques à la fois pour plusieurs patients avec une sensibilité choisie.Les premiers résultats publiés en 2011 [28] montrent une fréquence accrue des mutations de NOTCH1 et SF3B1 dans des sous-groupe de LLC de mauvais pronostic.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de

confl its d’intérêts en relation avec cet article.

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