Intelligence économique au Vietnam

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Anthony Poncier http://poncier.org/blog Contact (a) poncier.org 1 Vietnam, la voie du milieu ou l’art de se distinguer Mots-clefs : intelligence économique, Vietnam, stratégie de puissance, influence, mondialisation, indépendance économique, lobbying Résumé : Dans les années 80, le Vietnam sort de plus de quarante années de guerre, le pays est exsangue et doit faire face à la famine. En 1986 le Vietnam lance alors un processus de transition économique le Doi Moi (renouveau). C’est à ce moment que le pays s’engage dans des réformes visant à restructurer son appareil réglementaire, administratif et à transformer progressivement une économie centralement planifiée en une économie de marché conservant des caractéristiques socialistes. Entre 2000 et 2005, la croissance de l’économie vietnamienne fut la deuxième plus rapide du monde (8,4 %), avec des investissements étrangers qui ont triplé de volume. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard. Pendant des années, le Vietnam a connu la guerre et il est bien décidé à mettre à profit ce « savoir ». Ainsi en 1997, le parti communiste vietnamien fait traduire l’ouvrage de Christian Harbulot, Technique offensive et guerre économique. Le Vietnam souhaite mettre en place une recherche de puissance doublée d’une politique de sécurité économique. L’appareil d’état se tourne alors vers cette volonté chère au marxisme : parvenir à gérer les contradictions. En effet, le Doi moi doit faire cohabiter économie de marché et socialisme. De même, il faut aussi mener une politique d’ouverture en l’accompagnant d’un « patriotisme économique ». Il s’agit donc de comprendre comment le Vietnam cherche à développer une stratégie de puissance afin d’étendre son influence, doublé d’une stratégie d’influence basée sur l’avantage compétitif du pays pour mieux négocier, coopérer et ainsi préserver au mieux sa sécurité économique. Cette stratégie de puissance commence par une volonté d’émancipation vis-à-vis de la Chine et élargir son champ d’action au niveau mondial. Si la question économique est importante, elle n’est pas la seule développée. Ainsi, le Vietnam souhaite faire monter en puissance son poids diplomatique, et avec succès, au sein des organisations onusiennes. Après l’avoir longtemps ignoré, le Vietnam va pleinement utiliser son réseau d’expatriés que constituent les Viêt Kiêu, de deux façons différentes. D’une part, pour attirer les capitaux de ces derniers ou s’en servir comme promoteur de leur pays d’origine. D’autre part, ils vont devenir un véritable réseau de

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Mon article pour le 2e colloque européen d'intelligence économique (Lisbonne) de mars 2008

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1

Vietnam, la voie du milieu

ou l’art de se distinguer

Mots-clefs : intelligence économique, Vietnam, stratégie de puissance, influence,

mondialisation, indépendance économique, lobbying

Résumé :

Dans les années 80, le Vietnam sort de plus de quarante années de guerre, le pays est

exsangue et doit faire face à la famine. En 1986 le Vietnam lance alors un processus de

transition économique le Doi Moi (renouveau). C’est à ce moment que le pays s’engage dans

des réformes visant à restructurer son appareil réglementaire, administratif et à transformer

progressivement une économie centralement planifiée en une économie de marché conservant

des caractéristiques socialistes. Entre 2000 et 2005, la croissance de l’économie vietnamienne

fut la deuxième plus rapide du monde (8,4 %), avec des investissements étrangers qui ont

triplé de volume. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard. Pendant des années, le Vietnam a

connu la guerre et il est bien décidé à mettre à profit ce « savoir ». Ainsi en 1997, le parti

communiste vietnamien fait traduire l’ouvrage de Christian Harbulot, Technique offensive et

guerre économique. Le Vietnam souhaite mettre en place une recherche de puissance doublée

d’une politique de sécurité économique. L’appareil d’état se tourne alors vers cette volonté

chère au marxisme : parvenir à gérer les contradictions. En effet, le Doi moi doit faire

cohabiter économie de marché et socialisme. De même, il faut aussi mener une politique

d’ouverture en l’accompagnant d’un « patriotisme économique ». Il s’agit donc de

comprendre comment le Vietnam cherche à développer une stratégie de puissance afin

d’étendre son influence, doublé d’une stratégie d’influence basée sur l’avantage compétitif du

pays pour mieux négocier, coopérer et ainsi préserver au mieux sa sécurité économique. Cette

stratégie de puissance commence par une volonté d’émancipation vis-à-vis de la Chine et

élargir son champ d’action au niveau mondial. Si la question économique est importante, elle

n’est pas la seule développée. Ainsi, le Vietnam souhaite faire monter en puissance son poids

diplomatique, et avec succès, au sein des organisations onusiennes. Après l’avoir longtemps

ignoré, le Vietnam va pleinement utiliser son réseau d’expatriés que constituent les Viêt Kiêu,

de deux façons différentes. D’une part, pour attirer les capitaux de ces derniers ou s’en servir

comme promoteur de leur pays d’origine. D’autre part, ils vont devenir un véritable réseau de

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diffusion de connaissance pour le Vietnam, notamment dans les secteurs comme les nouvelles

technologies. L’entrée dans l’OMC du Vietnam va considérablement changer la politique de

développement du Vietnam. Il met en place de nombreuses réformes administratives pour

attirer les investisseurs et se distinguer de ces voisins asiatiques. Une véritable politique de

séduction est aussi développée, plus particulièrement en direction de l’Union européenne et

des États-Unis mettant en avant les avantages concurrentiels. Dans le même temps, cette

ouverture des marchés oblige le Vietnam à modifier les habitudes de ses industries. Ces

dernières doivent se regrouper pour se renforcer face à la puissance des grands groupes

étrangers, comme dans le secteur de la banque-assurance, elles doivent aussi mettre en place

de nombreuses associations professionnelles pour conseiller leurs entreprises membres dans

leur nouveau mode de développement comme dans la distribution. Si l’avenir n’est pas encore

écrit, le Vietnam semble disposer d’un certain nombre d’armes qui vont faire de lui un pays

avec lequel il faudra compter à l’avenir.

Janvier 2008

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Vietnam, la voie du milieu

ou l’art de se distinguer

La Thaïlande plante le riz, le Cambodge le

regarde faire, le Laos l’écoute pousser, le

Vietnam le vend.

Dicton d’Asie du Sud-Est

Quel chemin parcouru par le Vietnam ces dernières années! Cette maxime en est la

preuve. Il y a encore peu de temps, les Thaïlandais n’apparaissaient pas dans cette phrase et

les Vietnamiens étaient ceux qui faisaient pousser le riz. Dans les années 80, le Vietnam sort

de plus de quarante années de guerre avec la France, les États-Unis, plus quelques

escarmouches avec ses pays frontaliers comme le Cambodge et la Chine1. Le pays est

exsangue et doit faire face à la famine. Soutenu par l’URSS depuis les années 70, le Vietnam

n’a d’autres choix que de se réformer quand celle-ci suspend son aide en 1985 avec la mise en

place de la perestroïka (reconstruction). En 1986, le Vietnam lance alors un processus de

transition économique le Doi Moi (renouveau) à l’occasion du 6e congrès du Parti Socialiste

Vietnamien. C’est à ce moment que le pays s’engage dans des réformes visant à restructurer

son appareil réglementaire, administratif et à transformer progressivement une économie

centralement planifiée en une économie de marché conservant des caractéristiques socialistes.

Durant le quinquennat 1986 - 1990, l’économie nationale a été restaurée pas à pas, la

croissance annuelle du PIB était alors de 3,9 %. Entre 1991 et 1995, le Vietnam est sorti de la

crise économique et la croissance est devenue stable avec un taux élevé (8,2 % par an en

moyenne). Cette croissance s’est maintenue en 1996 (9,34 %) et en 1997 (9 %). Pour cette

même année, l’ASEAN (Birmanie, Brunei, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour,

Thaïlande et Vietnam) dans son ensemble n’a pu atteindre qu’un taux de 4,9 %. Entre 2000 et

2005, la croissance de l’économie vietnamienne fut la deuxième plus rapide du monde, avec

des investissements étrangers qui ont triplé de volume et une réduction significative de la

1 À la suite de nombreux raids Khmers rouges fin 1978 sur des villages frontaliers, le Vietnam envahie le Cambodge et installe à Phnom Penh un gouvernement qui lui est plus favorable. La Chine qui soutient le Cambodge attaque alors le Vietnam en 1979, mais se retire 17 jours plus tard après avoir subit des pertes estimées à 20 000 hommes.

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pauvreté (58 % de la population considérée comme pauvre en 1993, 29 % en 2002 selon la

Banque Mondiale). Le nombre d’entreprises d’État a été divisé par deux tandis que le secteur

privé prend de plus en plus de poids dans l’économie nationale. Ces 7 dernières années, le

nombre d'entreprises privées a fortement augmenté, passant de 15.000 en 2000 à 300.000

cette année.

Tableau 1

(En milliards de dollars) 2002 2003 2004 2005 2006 (p) 2007 (p) Croissance du Pib (%) 7,1 7,3 7,8 8,4 7,8 7,6 Inflation (%) 4,0 2,9 9,7 8,8 7,7 6,5 Solde public/PIB (%) -4,7 -6,4 -2,8 -5,9 -6,3 -5,5 Exportations 16,7 20,1 26,5 32,4 39,0 45,1 Importations 17,8 22,7 28,8 33,3 39,3 46,3 Balance commerciale -1,1 -2,6 -2,3 -0,8 -0,3 -1,2 Balance courante -0,7 -1,9 -1,6 0,2 0,2 -0,5 Solde courant / PIB (%) -1,9 % -4,9 % -3,4 % 0,4 % 0,3 % -0,7 % Dette extérieure / PIB (%) 35,0 33,9 33,9 32,6 32,6 32,2 Service de la dette/Exports (%)

7,4 % 7,0 % 5,5 % 5,0 % 5,2 % 5,4 %

Réserves en mois d'importations

2,0 2,4 2,2 2,6 2,9 3,3

(p) prévision Source : cofacerating.fr

Et les prévisions concernant le Vietnam demeurent largement optimistes. En juillet

dernier, le groupe PriceWaterHouseCoopers a classé le Vietnam au 1er rang sur 20 économies

émergentes pour les potentialités d'investissement dans la production.

Tableau 2

Key indicators 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Real GDP growth (%) 8.4 8.1 8.0 7.7 7.8 7.9 Consumer price inflation (av; %)

8.1 7.8 7.2 7.0 6.4 6.3

Budget balance (% of GDP) - 2.1 - 2.4 - 2.6 - 2.9 - 3.1 - 3.2 Current-account balance (% of GDP)

- 1.7 - 2.1 - 2.3 - 2.6 - 2.0 - 1.5

Commercial banks' prime rate (av; %)

11.5 11.7 11.3 11 10.8 10.8

Source : Economist.com

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Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard. Pendant des années, le Vietnam a connu la

guerre et il est bien décidé à mettre à profit ce savoir, inversant comme Michel Foucault

l’aphorisme de Clausewitz « La politique c’est la guerre continuée par d’autres moyens »2.

Le Vietnam souhaite mettre en place une politique de sécurité économique, doublé

d’une recherche de puissance. Ainsi en 1997, le parti communiste vietnamien fait traduire

l’ouvrage de Christian Harbulot, Technique offensive et guerre économique3. L’appareil d’état

se tourne alors vers cette volonté chère au marxisme : parvenir à gérer les contradictions. En

effet, comme on l’a vu le Doi moi doit faire cohabiter économie de marché et socialisme, il

faut aussi mener une politique d’ouverture en l’accompagnant d’un « patriotisme

économique », pour reprendre une terminologie à la mode ces derniers temps. Mais le

Vietnam doit aussi se réconcilier avec son histoire et notamment sa population expatriée Viêt

Kiêu qui a longtemps été ignorée, voir rejetée, car principalement composée de vietnamiens

du Sud qui ont soutenu le régime de Saigon. Mais le Vietnam a aujourd’hui besoin d’eux dans

sa stratégie de réseaux d’intelligence économique.

Nous allons donc voir comment le Vietnam cherche à développer une stratégie de

puissance afin d’étendre son influence à l’international, doublé d’une stratégie d’influence

basée sur l’avantage compétitif du pays pour mieux négocier, coopérer et ainsi préserver au

mieux sa sécurité économique.

2 Michel Foucault, Il faut défendre la société, Cours au Collège de France 1976, Paris, Gallimard, 1997. 3 Christian Harbulot, Technique offensive et guerre économique, Paris, Editions Aditech, 1990.

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I Le Vietnam, une stratégie de puissance

Pendant longtemps, le Vietnam a été dominé tout d’abord par les Chinois entre le IIe et

le Xe siècle puis par la France entre 1859 et 1946 puis c’est ensuite le début de 30 ans de

guerre. Le Vietnam qui a toujours développé un nationalisme virulent, grâce à une forte

cohésion nationale, a toujours souhaité se développer hors de ces frontières. Si l’on reprend la

définition de Raymond Aron, la puissance est la capacité d’une unité politique d’imposer sa

volonté aux autres4. Aujourd’hui, il n’est plus question de guerre, mais le développement de

moyens d’influence à l’international est plus que jamais d’actualité. Cette volonté de

puissance se retrouve dans l’adhésion et la montée en puissance du Vietnam dans un certain

nombre d’organisation internationale, mais aussi la mobilisation de sa population expatriée,

les Viêt Kiêu.

1) Comment le Vietnam cherche à étendre son influence

a) Se démettre de la tutelle du « Grand Frère » du Nord

Le Vietnam est conscient que seul et isolé il ne peut rien, notamment contre à son

imposant voisin la Chine. La Chine a toujours cherché à dominer le Vietnam, et si aujourd’hui

la domination n’est plus territoriale5, une volonté de domination économique et de mise sous

tutelle demeure. Avec la disparition de l’URSS qui l’a longtemps soutenu et protégé en partie

des velléités de domination de son voisin du Nord, le Vietnam doit trouver le moyen de faire

contrepoids à l’influence de la Chine. Il rejoint l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est

(ASEAN) en 1995 espérant que cette dernière pourrait faire pression sur la Chine en cas de

désaccord6. Mais surtout, cette entrée dans l’ASEAN lui permet de voir qu’elle possède de

nombreuses lacunes dans son système éducatif, conduisant à un manque d’experts en finance

internationale, en informatique et en économie. Ces lacunes l’empêchent de produire la

connaissance nécessaire à la stratégie de ses acteurs économiques et sociaux nationaux dans

4 Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962. 5 Même si aujourd’hui encore, le Vietnam et la Chine se dispute une partie Sud de la mer de Chine, qui est un lieu important de réserve d’hydrocarbure et notamment de pétrole. 6 Cette stratégie a fonctionné au moins une fois, puisqu’en mars 1997 le Vietnam ne parvient pas à faire reculer Pékin sur la construction d’une plateforme pétrolière à mi-chemin entre le Vietnam et le Hainan. Elle demande l’intervention de l’ASEAN qui parvient à faire reculer Pékin.

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un environnement de globalisation des échanges et de la concurrence. Le Vietnam va alors

s’efforcer de combler son retard, notamment dans les nouvelles technologies.

L’autre découverte du Vietnam provient de la crise asiatique de 1997. Le Vietnam,

même s’il a été un pays peu intégré à l’économie régionale, a tout de même ressenti les

turbulences de la crise asiatique7. Et l’écroulement de nombreuses économies asiatiques lui

fait prendre conscience de son intégration à un monde interdépendant. De plus, la Chine s’est

montrée solidaire de l’ASEAN pendant la crise en ne dévaluant pas sa monnaie, et son poids

politique se retrouve alors renforcé au sein de l’ASEAN dont elle n’est pourtant pas membre.

Le Vietnam décide alors de mettre en place une politique étrangère triangulaire entre elle, la

Chine et le reste de l’Asie du Sud Est dont le but est de préserver ses intérêts nationaux. Elle

intègre alors la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC) en 1998. À l’occasion

du 70e anniversaire du parti communiste vietnamien en 2000, le premier secrétaire du parti

communiste Lê Kha Phiêu, et donc le premier homme du pays, déclare :

« Dans cette époque nouvelle, on ne peut plus agir comme au XIXe

siècle…C’est la raison pour laquelle il convient de bien maîtriser les nouvelles

évolutions afin de proposer des stratégies et des politiques adaptées, et de se

concentrer sur le développement économique, pour être en mesure de garantir une

force en alerte, prête à faire face aux nouvelles évolutions compliquées »8.

Le Vietnam est conscient que s’il veut pouvoir développer son économie

mondialement, il doit impérativement intégrer l’OMC. En effet, la Chine par des pressions a

déjà fait retarder un accord bilatéral entre les États-Unis et le Vietnam afin de signer le sien

avant. Le Vietnam finira par signer son accord avec les États-Unis en juillet 2000 quelques

mois après la Chine. Si sa demande d’intégration à l’OMC remonte à 1995, le Vietnam

accélère le processus à partir des années 2000 et finit par devenir le 150e pays membre de

l’OMC en janvier 2007.

b) Gagner une reconnaissance internationale

Le Vietnam considère, à juste titre, que son influence internationale ne peut pas

reposer uniquement sur des avancées économiques, et que le réseau diplomatique est tout

aussi important. C’est pourquoi elle développe une activité diplomatique sans précédent au 7 Cuong Lê Van, Jacques Mazier dir., L’économie vietnamienne et la crise asiatique, Paris, L’Harmanttan, 1999. 8 Nhân Dân, Hanoi, 3 février 2000.

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sein des organisations onusiennes, reprenant ainsi le modèle japonais. Le Vietnam se fait alors

élire au Comité intergouvernemental de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Le

Vietnam devient ainsi l’unique pays d’Asie du Sud-Est membre de ce comité. Ce dernier est

chargé de la mise en oeuvre de la convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine

culturel immatériel, adoptée en 2003, principalement à l’initiative de la France. Il a pour

première tâche de préparer les directives opérationnelles, en particulier les mécanismes

d’assistance et les critères d’inscription. La même année, le Vietnam devient le pays pilote du

programme de réforme de l’ONU9. Le Vietnam milite aussi activement pour une réforme du

Conseil de sécurité, visant à élargir celui-ci et limiter la possibilité d’user du droit de veto.

Toujours dans la même logique, le 18 octobre 2007, le Vietnam après un lobbying intense

devient membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU pour le mandat 2008-2009 et

présidera le Conseil dès juillet 2008. Rappelons que la présidence du Conseil de sécurité est chargée d'établir l'ordre du jour, de diriger les réunions et de proposer des discussions ouvertes sur des questions d'actualité.

Dans ce cadre de promotion de son image à l’international, le Vietnam décide aussi de

relâcher sa pression sur les questions liées à la religion. Ainsi pour la première fois en 2005 le

moine bouddhiste vietnamien Thich Nhat Hanh est autorisé après 39 ans d’exil à revenir au

Vietnam pour y donner des enseignements. L’État, à sa demande, autorise même la traduction

et la publication de certains de ses livres, interdits jusqu’à présent au Vietnam. Dans ce même

cadre, pour la première fois en janvier 2007, un Premier ministre vietnamien rencontrait le

Pape afin de discuter de liberté religieuse pour les catholiques résidants au Vietnam10.

Mais cette offensive diplomatique pour étendre son influence n’est pas suffisante pour

le Vietnam. Elle possède un autre atout à l’international qu’elle a largement négligé, voire

rejeté, sa diaspora. Changeant d’attitude, pour étendre son influence et se développer, le

Vietnam compte alors sur ses expatriés, les Viêt Kiêu.

2) La diaspora Viêt Kiêu, une pièce devenue centrale du développement économique

9 Le programme pilote « Une ONU unique » comprendra au moins cinq pays. Il ne vise pas à renforcer la coordination mais à former une entité unique dans chacun de ces pays. L’expérience vietnamienne inclura six institutions (l’UNICEF, le PNUD, le FNUAP, l’UNIFEM, le VNU et ONUSIDA) et d’autres devraient s’engager à participer ou à coopérer dans un avenir proche. Le plan « Une ONU unique » propose que les agences onusiennes ne forment plus qu’une seule équipe, afin d’éviter la fragmentation ou le double emploi. 10 Le Vietnam est majoritairement bouddhiste (mahayana), il existe cependant une minorité catholique romaine forte de 4,5 millions de fidèles. La deuxième d’Asie après les Philippines.

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La Banque Mondiale estime qu’environ 150 millions de personnes sont expatriées

dans le monde. Conscients du nouveau rôle que ces expatriés peuvent jouer, les pays en voie

de développement mettent en place des politiques pour capter les ressources matérielles et

immatérielles qu’ils peuvent apporter à leurs pays d’origine. La diaspora devient un véritable

instrument d’intelligence économique11.

a) Un réseau qui participe à la croissance des investissements étrangers

On compte environ 3 millions de Vietnamiens vivant dans près de 86 pays. Les

communautés les plus importantes se trouvent aux États-Unis (1,1 million), en France (250

000) et au Canada (200 000). En moyenne chaque année, environ 500 000 Viêt Kiêu rentrent

au Vietnam pour voir leur famille. Ces dix dernières années, l’envoi de devises par les

Vietnamiens de l’étranger a fortement augmenté ; le montant est passé de 35 millions dollars

en 1991 à 1,75 milliard de dollars en 2000, par le biais du système bancaire et des compagnies

de transfert d’argent. Il faut y ajouter un montant estimé à 2 milliards de dollars passant la

frontière par l’intermédiaire de « porteurs de valises » lors de séjour dans la famille12. Cette

année, la revue des finances du Ministère des finances vietnamien estime le revenu annuel des

Viêt Kiêu dans le monde à 30 milliards de dollars, soit un montant supérieur au PIB

national ;tandis que les transferts annuels des Viêt Kiêu au Vietnam seraient de l’ordre de 3

milliards de dollars. Dans le dernier tableau sur l’indice de mondialisation, le Vietnam est 15e

sur 72 pays dans l’envoi d’argent de la diaspora vers son pays d’origine13.

Depuis la loi sur les investissements de 1996, les Viêt Kiêu ont entrepris d’investir au

Vietnam. Par l’intermédiaire des rapatriements de capitaux à l’attention de leur famille et du

financement du petit commerce ou de la petite entreprise familiale, les Viêt Kiêu occupent une

place de plus en plus importante dans l’économie vietnamienne, même si le potentiel qu’il

représente semblait encore jusqu’à il y a peu sous-exploité. Le gouvernement vietnamien a

d’ailleurs pris des mesures pour accroître ce flux ; en 1999, il a décidé d’exempter d’impôt sur

le revenu les particuliers recevant des devises de la part de Viêt Kiêu.

Mais un autre aspect à retenir, au-delà du versement ou l’attraction d’investissements

étrangers, concerne la promotion des exportations du pays d’origine et la pénétration

11 Pedro Mendes Santos, Diasporas, Réseaux Sociaux et Intelligence Économique : La Valeur Ajoutée du Capital Social Ethnique, Mémoire de DEA sous la direction de Yann Bertacchini, 2007. 12 Far East economic review, September 21, 2000. 13 A.T. Kearney, Globalization Index, 2007.

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d’entreprises du pays d’origine vers le pays d’accueil. Ainsi, en 2001, deux clubs pour

hommes d’affaires Viêt Kiêu ont été créés - l’un à Hô Chi Minh Ville, l’autre à Hanoi - afin de

promouvoir les investissements de la diaspora au Vietnam, créer des opportunités d’échanges

commerciaux entre leurs entreprises et le Vietnam et enfin favoriser des transferts de savoir-

faire.

b) La pierre angulaire du transfert de connaissances

Au début, les autorités vietnamiennes étaient assez réticentes à ce genre d’initiative et

ont fait preuve de discrimination à leur égard, considérant les Viêt Kiêu au mieux comme des

étrangers, au pire comme des « sociaux traîtres du régime impérialiste de Saigon ». Leur

attitude a largement changé aujourd’hui, conscientes du rôle qu’ils peuvent tenir dans le

système vietnamien. Ainsi en 2004, le rapport du ministre des Affaires étrangères Nguyen Dy

Nien a souligné que le Parti communiste vietnamien affirmait toujours à son 10e congrès

que :

« Ces compatriotes à l'étranger constituent une partie inséparable et une force

motrice du peuple vietnamien ».

Au cours des dernières années, environ 200 intellectuels, scientifiques ou experts en

administration économique ont été invités chaque année, soit par le gouvernement, soit par

des autorités locales ou divers instituts de recherche, comme enseignant ou comme consultant

sur des projets scientifiques ou économiques. Pour certains, animés d’un fort sentiment

patriotique, le désir est grand de contribuer au relèvement du pays, soutenu par le sentiment

de devoir rendre quelque chose à la Nation. En créant tout d’abord des entreprises ou des

filiales au Vietnam, les Viêt Kiêu ont dans une moindre mesure que les investisseurs étrangers

pour unique objectif de venir faire du profit au Vietnam. Leur implantation n’est pas

seulement guidée par le faible coût de la main-d’oeuvre et la logique du profit. Le secteur des

TIC est tout à fait caractéristique de ce soutien des Viêt Kiêu au développement du Vietnam.

Le Vietnam considère, à juste titre, que sa croissance et son indépendance économique

passent par le développement des TIC dans le pays. Selon les statistiques du Service des

sciences et des technologies de Hô Chi Minh-Ville, quelques 300.000 Viêt Kiêu travaillent

actuellement dans de nombreux domaines, notamment les industries de pointe ou les hautes

technologies. Aux États-Unis, 10.000 Vietnamiens travaillent dans la Silicon Valley et de

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nombreux chefs d'entreprise dans les hautes technologies sont Vietnamiens. Ils sont la

troisième communauté étrangère à travailler dans ce secteur. Un certain nombre a décidé de

rentrer au pays pour développer et transmettre leur connaissance du secteur. Le Service de Hô

Chi Minh-Ville des sciences et des technologies applique également des politiques

susceptibles d'utiliser les connaissances des Viêt Kiêu, même s'ils ne reviennent pas au pays.

Pour ce service, les Viêt Kiêu ne doivent pas nécessairement travailler dans un institut du

Vietnam, mais peuvent effectuer leurs travaux de recherche dans un autre pays et envoyer les

résultats. Ce qui peut laisser une frontière assez floue avec l’espionnage industriel.

Cette politique de « réintégration » s’est accélérée depuis 2006 quand Hô Chi Minh-

Ville a lancé un programme d'action visant à encourager les Viêt Kiêu à contribuer au

développement de leur ville natale, avec une série de politiques prioritaires en leur faveur.

Depuis juin 2006, Hô Chi Minh-Ville participera à hauteur de 50 % aux frais de transport des

produits culturels à leur l'intention. Il s'agit d'une des 9 réglementations récemment publiées

par le Comité populaire municipal dans le dessein d'encourager les contributions de ces

derniers à l'édification de leur ville natale. Le Service de la justice de la municipalité s'est vu

aussi attribuer la tâche d'accomplir les formalités et de résoudre les demandes des Viêt Kiêu

sur les affaires relatives à la nationalité, l'état civil, l'héritage, le mariage…Les Services

municipaux de la police et des douanes sont tenus également de bien effectuer les activités

d'enregistrement de séjour, de délivrance de la carte de séjour provisoire, du rapatriement,

d'investissement des Viêt Kiêu, ainsi que des formalités douanières lors des visites de ces

derniers. Le Comité municipal chargé des affaires des Viêt Kiêu est considéré comme un

nœud de communication entre la mégapole du Sud et ces derniers. Il a en fait pour tâche de

concentrer les connaissances détenues par les Viêt Kiêu.

Si Hô Chi Minh-Ville a été, comme souvent, précurseur en la matière, l’État a décidé,

lui aussi, de participer à cette politique de séduction de ses expatriés. Depuis septembre 2007,

les Viêt Kiêu sont exemptés de visas. Les bénéficiaires de cette exemption sont les titulaires

d'un passeport étranger ayant la nationalité vietnamienne ou étant d'origine vietnamienne,

ainsi que les étrangers qui sont mariés à des Vietnamiens ou les enfants de Vietnamiens

résidant à l'étranger ou enfin les personnes d'origine vietnamienne titulaires d'un passeport

étranger. L'acte d'exemption de visa sera valable 5 ans et permettra aux Vietnamiens titulaires

d'un passeport étranger de faire plusieurs entrées au Vietnam. Lors d'une rencontre avec des

Viêt Kiêu en juillet dernier en Italie, le vice-ministre des Affaires étrangères, Nguyên Phu

Binh, également président du comité chargé des Vietnamiens de l'étranger, avait souligné que

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« La décision d'exempter de visa les Vietnamiens de nationalité étrangère et leurs

proches les encouragerait à rentrer dans le pays de leurs ancêtres, et notamment impulserait

leurs contributions à l'oeuvre d'édification et de développement du pays ».

Lors de ces déplacements multiples, le président du Vietnam Nguyên Minh Triêt

rencontre de plus en plus souvent des Viêt Kiêu et les incite à revenir régulièrement au

Vietnam pour investir, transférer leur savoir-faire et apprendre le vietnamien à leurs enfants.

Le Vietnam a définitivement tourné la page du rejet de sa diaspora et a mis en place

une véritable politique de recours à cette dernière, avec une volonté, en faire un réseau de

ressources et d’influence dans le monde entier. Mais son principal atout dans les luttes qui

l’oppose aux autres pays repose sur l’avantage compétitif du pays pour mieux négocier,

coopérer et ainsi préserver au mieux sa sécurité économique.

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II Le Vietnam, entre ouverture et protectionnisme

Pour la période 2007-2010, les groupes internationaux ont cité le Vietnam dans le top

10 des économies mondiales estimées les plus attrayantes pour les hommes d'affaires. Selon

le rapport annuel du Forum des Nations unies sur le commerce et le développement

(UNCTAD), les efforts qu'ont déployés le Vietnam, la Chine, l'Inde et l'Indonésie dans

l'amélioration de leurs infrastructures et la forte croissance de leurs économies permettraient à

toute la région d'Asie d'attirer davantage de l'investissement direct étranger dans les années à

venir.

1) Développer des stratégies d’influence basées sur la différenciation

a) une réforme administrative pour se distinguer de ses voisins asiatiques

Avec sa réforme administrative et la stabilité de sa croissance économique, le Vietnam

est devenu une destination de prédilection des investisseurs étrangers. L’organisation par le

Vietnam du dernier Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) fin 2006, a vu

la présence des hauts dirigeants des économies membres et de plus de 1.000 responsables de

sociétés multinationales. Il a été une excellente occasion pour présenter les politiques de

réforme, les potentialités et stratégies de développement socio-économiques du Vietnam. Ce

lobbying a porté ses fruits puisque des dizaines d'accords et de contrats pour plusieurs

milliards de dollars ont été signés. Cela a aussi été l’occasion de se distinguer de son

encombrant voisin, la Chine. Ainsi, une enquête de l'Agence japonaise de promotion du

commerce (JETRO) a révélé que 66,2 % des sociétés japonaises en activité au Vietnam

étaient rentables, contre 54,2 % de celles qui sont implantées en Chine. Robert B. Zoellick,

président de la Banque mondiale, lors de sa dernière visite au Vietnam a estimé que les

expériences du Vietnam pourraient être profitables à d’autres pays en voie de développement.

Ainsi, L'Organisation de développement et de coopération économique (OCDE) vient de

rendre public le classement des pays face aux risques de crédits. Cette fois-ci, le Vietnam a

connu une progression, passant du 5e groupe au 4e groupe. Il est à noter qu'au mois de mars

dernier, le ministère des Finances a envoyé une délégation avec la tâche de présenter, aux

organisations d'évaluation des risques de crédits de l'OCDE, la situation économique du

Vietnam. Fin 2006, déjà l’organisme de crédits Standard & Poor's avait réévalué à la baisse

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les risques de crédits au Vietnam. En mars dernier, Moody's, a aussi réévalué à la baisse les

risques pour les obligations gouvernementales en devises au Vietnam.

Le Vietnam a donc réussi à se faire remarquer dans la transparence des informations

sur les crédits. En 5 ans, les économies dans le monde ont appliqué près de 500 mesures de

réforme, dont 200 en 2006. En suivant cette tendance, le Vietnam occupe le 6e rang mondial

pour la transparence des informations sur les crédits. Le rapport sur l'environnement

d'investissement14 de 178 économies dans le monde, a cité le Vietnam dans la liste des

économies ayant entrepris de larges réformes dans l'amélioration des informations sur les

crédits. Selon Sin Foong Wong, directeur national de la Compagnie internationale des

finances au Vietnam, co-auteur du rapport :

« Le Vietnam a réduit son écart avec les économies de la région comme la Chine, la

Malaisie dans l'indicateur de facilité de lancement des affaires »15

Le 2e point fort porte sur les priorités fiscales. Si le niveau d'impôt normatif est de

28 %, le gouvernement vietnamien a mis en oeuvre un programme de priorités en faveur des

entreprises en matière de l'impôt sur le revenu. Ce programme permet une exonération

d'impôt sur le revenu pendant 4 ans pour les entreprises, et ce, dès la réalisation des premiers

bénéfices. Pour les 7 années suivantes, les charges fiscales que les entreprises doivent payer

ne se montent qu'à la moitié du niveau normal d'impôt sur le revenu pour une entreprise.

L'impôt sur le revenu des entreprises se maintient autour de 10 %, 15 % ou 20 % selon le

secteur, la forme d'investissement et la localité. Cependant conscient de ces faiblesses, le

Vietnam a prévu de poursuivre de nombreuses réformes. Afin de devenir un pays industrialisé

en 2020, le ministère de l'Industrie et du Commerce propose 4 mesures :

• Premièrement, les ministères doivent compléter le système juridique et les

mécanismes de gestion. Il est nécessaire de simplifier des formalités administratives,

réduire la durée de la remise de la licence aux entreprises, créer un environnement

privilégié et égal pour les investisseurs. 14 World Bank, Doing business 2008, septembre 2007. 15 Ngân Huong, CVN, 28/09/2007. Cependant, les entrepreneurs déplorent le délai pour achever les formalités fiscales, 130 jours en moyenne. Les frais élevés pour le lancement des affaires représentant 20% du revenu per capita national (640 dollars). Pour cet indicateur, le Danemark occupe la première place, avec zéro pour cent. Ce pourcentage du Vietnam est plus important que celui de la Chine (8,4%), de Singapour (0,8%), de la Thaïlande (5,6%) et de la Malaisie (18,1%), mais moins que celui des Philippines (26,8%), de l'Indonésie (80%) et du Cambodge (190,3%). L'actuel mécanisme de déclaration de faillite demande aux entreprises beaucoup de temps (5 ans) et d'argent (15% de la valeur totale des biens), mais le taux de récupération des biens reste modeste (18% du montant des biens).

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• Deuxièmement, le pays doit mettre l'accent sur ses produits compétitifs. Par exemple,

les secteurs de textile et de chaussures développeront des produits de luxe et de

nouveaux modèles. Quant au secteur de transformation, les producteurs seront soumis

aux règlements sur la sécurité alimentaire. Pour les autres secteurs, les nouvelles

technologies sont la base de cette évolution.

• Troisièmement, il faut poursuivre la réforme des entreprises étatiques, offrir plus

d'aides aux petites et moyennes entreprises, mobiliser davantage les investissements

de tous les composantes économiques, notamment de l'étranger.

• Enfin, les entreprises doivent relever leur compétitivité en augmentant la productivité,

la qualité des produits et en diminuant certains frais de production.

Mais le Vietnam possède de nombreux autres avantages comparatifs, notamment par

rapport à d’autres pays d’Asie. Le premier point fort du Vietnam concerne la main-d'œuvre.

b) De nombreux avantages compétitifs pour se distinguer de ses voisins asiatiques

Le salaire moyen des ouvriers dans les usines est de 200 dollars par mois tandis que les

gestionnaires ou les ingénieurs qualifiés obtiennent environ 1.500 dollars. Les salariés

vietnamiens travaillent 48 heures par semaine. Les charges sociales représentent environ 25 %

des coûts salariaux. En Chine, la semaine de travail est de 40 heures et les frais sociaux

montent à 50-60 % des salaires des ouvriers. De plus, selon Alex Bryant, président de

l'organisation East West Associates (EWA) la main-d'œuvre vietnamienne est bien instruite et

dispose d'un bon esprit de travail. L'âge moyen des ouvriers est de 24 ans et de plus en plus de

personnes en âge de travailler sont en mesure d'utiliser l'Anglais comme 2e langue.

Outre cet avantage, le Vietnam possède également un système d'infrastructures qui se

développe très rapidement afin de satisfaire les demandes allant croissantes des entrepreneurs

étrangers. Le gouvernement vietnamien est résolu à développer ces infrastructures, en

particulier le système d'approvisionnement en eau, électricité, les équipements portuaires et de

télécommunication. Ainsi, pour obtenir un raccordement au réseau électrique, il faut en

moyenne dix-sept jours au Vietnam, contre vingt-trois jours en Thaïlande. La pose d’une

ligne téléphonique prend neuf jours au Vietnam contre quinze jours en Thaïlande. Ces 2

dernières années, le Vietnam a investi environ 10 % de son PIB dans le développement des

infrastructures. Début 2012, des améliorations pour les ports maritimes en eau profonde et le

transport maritime sont prévues. La compétitivité du pays serait donc renforcée par rapport

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aux autres pays de la région. Ce perfectionnement aidera les investisseurs à pénétrer les autres

marchés de l'ASEAN, le marché chinois, mais aussi le marché des pays nord-américains.

Dernier point fort, le Vietnam a aménagé plusieurs zones industrielles (ZI). Le prix de la

location d'un terrain dans ces ZI est approprié (soit 20-25 dollars/m²) assorti d'un bail de 50

ans. Pour les ZI qui disposent d'infrastructures modernes, le prix est un peu supérieur et atteint

40 dollars/m². Près de 5,7 milliards de dollars de capitaux ont été enregistrés dans les ZI

l'année dernière, soit le double de 2005. Les provinces méridionales de Bà Ria-Vung Tàu,

Binh Duong, Dông Nai et Hô Chi Minh-Ville sont les localités les plus attractives, avec 213

projets pour 2,58 milliards de dollars. Un chiffre qui représente environ 60 % du total des

investissements étrangers dans les ZI.

L’ensemble des points forts permet au Vietnam de se distinguer auprès des grandes

puissances économiques comme l'Union européenne (UE) qui constitue non seulement un

partenaire important dans les relations extérieures du Vietnam, mais aussi un allié commercial

et économique de premier rang. La valeur des échanges commerciaux bilatéraux a ainsi atteint

l'an dernier 10 milliards de dollars. L'UE se classe 3e dans la liste des pays et territoires

investisseurs au Vietnam, avec un fonds total de 7,4 milliards de dollars. Tous les quotas

appliqués aux produits textiles vietnamiens importés dans l'UE ont été supprimés. L'UE

continue d'être un partenaire commercial important du Vietnam et aussi le deuxième

importateur majeur de produits vietnamiens, derrière les États-Unis. En 2005, la valeur des

échanges commerciaux bilatéraux a atteint 8,1 milliards de dollars, soit 27 fois plus qu'en

1990 et le double de 2000, dont 5,45 milliards d'exportations. À l'horizon 2010, le pays table

sur 7,5 -8 milliards de dollars de valeur à l'exportation vers l'UE. Un produit vietnamien qui

bénéficie d'un droit d'entrée dans l'UE, peut ensuite plus facilement pénétrer dans n'importe

quel autre pays du monde. L’Europe représente donc un marché important pour le Vietnam

pour diverses raisons. Cependant, outre les avantages que l’UE crée pour faciliter le

commerce, elle est considérée aussi comme le débouché plus difficile et « le berceau des

procès de dumping »16. Sur 25 procès de ce type impliquant des produits importés du

Vietnam, le tiers concernait l'UE. Aussi le Vietnam va mettre en place un conseil du

commerce international début 2008, qui se concentrera sur les cas d'anti-dumping. Ce conseil,

est sous la gestion de la Chambre de commerce et d'industrie du Vietnam et des installations

de compétitivité globale, bras armé du Vietnam pour l’étranger. Il comprendra un organe

16 L.B.Hà, CVN, 5 octobre 2007.

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consultatif, une équipe d'assistance technique, un groupe d'experts et d'avocats, et une

association de représentants commerciaux. Le conseil va créer sur un site internet une banque

de données anti-dumping, offrira des consultations aux entreprises et associations impliquées

dans des cas de dumping et formera des consultants. Cette Chambre de commerce et

d'industrie du Vietnam et des installations de compétitivité globale est plus ou moins

l’équivalent du Jetro au Japon ou du MOFTEC en Chine.

L’Europe est loin d’être la seule courtisée par les dirigeants vietnamiens. Les visites à

l'étranger de délégations du Parti, de l'État et du gouvernement, surtout celle aux États-Unis

du président de la République, Nguyên Minh Triêt, ont également contribué à susciter de

nouvelles vagues d'investissement au Vietnam. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord de

commerce Vietnam-États-Unis, les échanges commerciaux bilatéraux ne cessent d'augmenter,

passant de 7,8 milliards en 2005 à 9,7 milliards de dollars l'année dernière. Outre 2,3 milliards

de dollars d'investissements qui placent les États-Unis au 8e rang des investisseurs au

Vietnam, de nombreux contrats de coopération bilatérale entre les entreprises des 2 pays ont

été signés : le Groupe pétrolier Chevron et celui du pétrole et du gaz du Vietnam

(PetroVietnam), entre Microsoft et la Banque d'agriculture et de développement rural du

Vietnam, entre Motorola et le Groupe de la poste et des télécommunications du Vietnam

(VNPT), entre la compagnie SSA Marine et la Compagnie générale de navigation maritime

du Vietnam (Vinalines), entre la Chambre de Commerce des États-Unis et la Chambre de

Commerce et d'Industrie du Vietnam (VCCI)… Le président du Conseil de commerce

ASEAN-États-Unis, Matthew Daley estime que le Vietnam est un marché prometteur non

seulement pour le secteur d'import-export mais aussi pour celui de services, a estimé le

président du. Selon lui, dans un peu plus d'une décennie, les États-Unis pourraient figurer sur

la liste des 5 premiers investisseurs au Vietnam.

Cependant, cette ouverture à la mondialisation, notamment par son adhésion à l’OMC,

conduit le Vietnam à mettre aussi en place des moyens de sécuriser son économie et ses

entreprises face aux pays et entreprises étrangères.

2) Organiser la sécurité du patrimoine des entreprises

Une des conséquences de l’intégration à l’OMC est l’ouverture à la concurrence sur le

marché des services.

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a) Se regrouper pour défendre le secteur des services

Ainsi, le Vietnam autorise, depuis le 1er avril 2007, les activités professionnelles des

banques à 100 % capital étranger, des compagnies financières étrangères, des compagnies de

leasing-finances.... Devant la concurrence des banques étrangères, les banques domestiques

optent pour des alliances afin d'élargir leurs parts de marché. Outre les alliances entre

banques, les organisations de crédits envisagent aussi une coopération avec les groupes

économiques puissants pour diversifier leurs affaires commerciales. La création de groupes

financiers et bancaires au sein d'un holding économique a été le thème d'un séminaire

international, récemment organisé à Hanoi. En effet, le pays n'a toujours pas de groupe

financier et bancaire, même d'envergure modeste, a estimé Vu Dinh Anh, de l'Institut des

sciences financières (ministère des Finances), ajoutant que le fait qu'une holding économique

puisse créer un groupe spécialisé dans la finance et les banques répond à la pratique

internationale. La fusion entre les activités économiques et le secteur bancaire, financier

constitue pour lui une bonne solution pour la concurrence aux niveaux national, régional et

mondial17. La Banque commerciale globale par actions du pétrole (GP Bank) illustre ce type

de fusion. Cette banque est le fruit de l'alliance entre la banque Toàn Câu et le Groupe du

pétrole et du gaz du Vietnam (Petro Vietnam). Créée en 1993 la GP Bank a su installer 18

filiales dans tous le pays18.

Le Vietnam devrait voir la naissance de 2 ou 3 groupes bancaires et financiers, suite à

la fusion de plusieurs banques commerciales importantes. Selon les statistiques, le marché

monétaire et de crédits du Vietnam regroupe 5 banques commerciales étatiques, 35 banques

commerciales par actions, 6 joint-ventures bancaires et 35 filiales de banques étrangères, sans

compter des caisses de crédits et des compagnies financières domestiques et étrangères.

Quatre banques d'envergure étatiques (Banque de commerce extérieur du Vietnam, Banque de

développement et d'investissement, Banque d'agriculture et de développement rural, Banque

de commerce et d'industrie) occupent 81 % du marché pour les prêts en dôngs et 53 % du

marché des prêts en devises étrangères. Les filiales des banques étrangères représentent 4 %

des prêts en dôngs et 20 % des prêts en dollars américains. La Banque par actions de

commerce Saigon (SCB) a décidé d'établir une coopération stratégique avec celle d'agriculture

et de développement agricole (Agribank).

Mais le secteur bancaire n’est pas le seul service concerné, le marché vietnamien de

l’assurance est tout autant soumis à la nouvelle concurrence internationale. Les engagements 17 Thuy Tiên, CVN, 18 septembre 2007. 18 1 euro = 23 780 dong vietnamien (VND)

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du Vietnam sur le secteur des assurances sur l’ouverture du marché aux entreprises

étrangères, pris dans le cadre de l'OMC, seront effectifs au 1er janvier 2008. Selon le

ministère des Finances, le marché national des assurances compte 37 agences, réparties dans

toutes les composantes économiques. On dénombre 3 entreprises étatiques, 16 compagnies

par actions, 4 coentreprises et 14 à capital 100 % étranger, auquel il faut ajouter 37 bureaux

de représentation d'assureurs étrangers. Si les compagnies vietnamiennes dominent à l'heure

actuelle le secteur de l'assurance autre que celui de l’assurance-vie (95 % des parts de

marché), ce dernier est par contre dominé par les compagnies étrangères qui se partagent

62,5 % du marché. Cela s’explique en partie par le fait que seulement trois compagnies ont

créé une société de gestion de fonds et 2 autres seulement sont cotées en bourse. Des lacunes

qui diminuent leurs capacités de mobilisation de fonds. Avant 2003, le marché de l'assurance

avait connu un rythme de croissance de 50 % par an. Depuis 3 ans, il est saturé, avec une

croissance annuelle de seulement 16 %. La stratégie de développement de ce secteur prévoit

une croissance 24 % par an. En 2010, ce dernier est appelé à contribuer à 4,2 % du PIB,

contre 2,13 % actuellement.

Avec ce marché en expansion, on constate la présence croissante de banquiers. Début

2007, la Banque de commerce extérieur du Vietnam (Vietcombank) et la banque d'Asie du

Sud-Est (SeABank) ont fait leur entrée sur le marché de l'assurance-vie. Cette tendance se

traduit par la création d'agences d'assurance dépendantes des banques et une coopération plus

étroite entre banquiers et assureurs. Une obligation pour pouvoir faire front aux compagnies

étrangères. La GP Bank (Banque globale du pétrole) devrait établir une coopération

multilatérale avec la Compagnie générale d'assurance pétrolière. De même, la Banque

d'agriculture et de développement rural du Vietnam continue de coopérer étroitement avec la

Compagnie d'assurance du Vietnam (Bao Viêt).

Au-delà des services, le marché des biens va lui aussi être de plus en plus concurrencé,

comme la grande distribution qui est dans la ligne de mire de groupes internationaux.

b) Une absence de culture de la grande distribution et de la propriété intellectuelle

Dans sa dernière étude sur l’attractivité des pays pour la grande distribution, le cabinet

AT. Kearney a décerné au Vietnam la 4e place de son classement19. La croissance estimée de

la distribution est de 20-30 %. La grande distribution, c'est-à-dire l'ensemble des centres

19 A.T. Kearney, Growth opportunities, for global retailers, 2007.

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commerciaux, supermarchés et supérettes qui occupent déjà 10 % du total des marchandises

mises en vente. Avant l'entrée du Vietnam à l'Organisation mondiale du commerce, plusieurs

grandes chaînes de distribution étaient déjà implantées dans le pays : Metro Cash & Carry

(Allemagne), Bourbon (France), Parkson (du groupe malaisien Lion), Zen Plaza (Japon),

Diamond Plaza (Corée du Sud)... Ils occupent actuellement 10 % des parts du marché

national. Pourtant pour le moment dans ce secteur, les pays étrangers ne peuvent posséder que

40 % du capital des coentreprises. Début 2009, la création d'entreprises à capital 100 %

étranger sera autorisée. Aussi Wal-Mart (États-Unis), 1er distributeur mondial, Carrefour

(France), 4e mondial, Tesco (Grande-Bretagne), 6e mondial, South Asia Investment

(Singapour) et Dairy Farm (Hongkong) préparent leur entrée sur le marché vietnamien. Pour

préparer ce changement, les entreprises vietnamiennes souhaitent améliorer leur

compétitivité.

Dans ce cadre, l'Association des entreprises vietnamiennes de grande distribution a vu

le jour le 16 octobre dernier et regroupe 130 membres. Son rôle est de conseiller le

gouvernement en ce qui concerne les politiques du secteur de la distribution. Le directeur

général du premier groupe de distribution du Vietnam Phu Thai estime que si Wall-Mart20

ouvre une chaîne de 10 supermarchés au Vietnam, environ 80 % des entreprises

vietnamiennes de vente au détail devront déposer leur bilan. Depuis 4 ans, le modèle

d'alliance dans la vente au détail a été appliqué par le groupe Vinatex et la compagnie Hapro.

Un exemple de réussite de l'union, c'est la création de la Compagnie par actions

d'investissement et de développement du réseau de distribution du Vietnam. Cette compagnie

est le fruit d'une coopération entre 4 entreprises de distribution : Hapro, Phu Thai, Compagnie

générale du commerce de Saigon (Satra), Union des coopératives de Hô Chi Minh-Ville

(Saigon Co.op). L’entrée dans l’OMC accélère ce besoin de réaction face à la force de frappe

des entreprises étrangères. Le ministère de l'Industrie et du Commerce a élaboré une stratégie

pour le développement du commerce domestique pour les dix prochaines années. Selon ce

plan, 15 distributeurs locaux bénéficieraient d'investissements afin de pouvoir concurrencer

les géants internationaux, même si certains possèdent déjà leurs propres réseaux, comme

Saigon Co-op Mart qui s'appuie sur 16 supermarchés et 12 boutiques. Poursuivant son

expansion, elle envisage de voir dans 8 ans son enseigne présente dans presque toutes les

villes et chefs-lieux du Vietnam.

20 Wall-Mart affiche un chiffre d'affaires annuel 3 fois supérieur au Produit intérieur brut du Vietnam.

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21

Cependant, si la taille et l’expérience sont un avantage, pour de nombreuses

entreprises occidentales la question de la propriété intellectuelle se pose quand elles

souhaitent se développer en Asie. C’est en effet une des régions du monde où fleurit le plus

grand nombre de contrefaçons et où les brevets ne sont pas toujours respectés. De façon

étonnante, Vietnam se pose la même question sur la propriété intellectuelle, mais dans le sens

inverse. La propriété intellectuelle joue un rôle essentiel dans la compétitivité des produits. Or

si la loi sur la propriété intellectuelle est d'ores et déjà en vigueur, la plupart des petites et

moyennes entreprises (PME) vietnamiennes ne s’en préoccupent pas, ce sujet n’ayant jamais

fait partie de leur préoccupation. Alors que pourtant, c’est l’un des 3 domaines dont se

préoccupe essentiellement l'OMC. Actuellement, environ 500 marques commerciales sont

présentes sur le marché vietnamien, dont la moitié appartiennent à des firmes à participation

étrangère. Or plus de 80 % des entreprises nationales n'ont pas déposé leurs marques, ne

privilégiant pour l'instant que production et commercialisation. Le marketing, la

communication étant aussi absents de la culture de ces entreprises. Aussi, afin d'enrichir les

connaissances en la matière des PME, l'Association vietnamienne de la propriété intellectuelle

a lancé un prix des produits vietnamiens conformes aux normes de l'OMC. Pour compenser

cette faiblesse, le Vietnam mise sur les marques et les labels. Celui-ci se sépare en 3

catégories : produit, entreprise et nation. Ce qui n’est pas sans problème pour des PME qui

sous-estiment l'importance de la propriété intellectuelle, aussi bien sur le territoire qu'à

l'étranger. Selon le Département de la propriété intellectuelle - ministère des Sciences et

Technologie - , seules 8.000 des 200.000 entreprises enregistrées ont leur marque ou labels

protégés sur le marché domestique et 1.000 sur le marché international. Toutefois, les

déboires de certains commencent à alerter les autres. Il est cependant trop tard pour quelques

spécialités vietnamiennes déjà récupérées : riz Nàng Huong, mangue Phu Lôc, café Trung

Nguyên, hamac Duy Loi…

La stratégie du Vietnam pour résister aux entreprises étrangères repose en grande

partie sur une stratégie de regroupement, mais aussi la création de groupes professionnels

dont la raison est de conseiller le gouvernement, mais aussi transmettre les savoirs et les

pratiques à ces adhérents pour résister à la vague d’investisseurs étrangers qui ne cesse de

déferler.

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Cette stratégie de puissance s’est concrétisée par la volonté du Vietnam à s’émanciper

de la Chine. Si ce but n’est pas complètement atteint, un certain rééquilibre dans les relations

a fait jour. Dans le même temps, le Vietnam a cherché élargir son champ d’action au niveau

mondial. Si la question économique est importante, elle n’est pas la seule développée. Ainsi,

le Vietnam souhaite faire monter en puissance son poids diplomatique, et avec succès, au sein

des organisations onusiennes. Toujours dans ce cadre d’influence internationale, après l’avoir

longtemps ignoré, le Vietnam utilise son réseau d’expatriés que constituent les Viêt Kiêu, à

deux façons différentes. D’une part, pour attirer les capitaux de ces derniers ou s’en servir

comme promoteur de leur pays d’origine. D’autre part, ils deviennent un véritable réseau de

diffusion de connaissance pour le Vietnam, notamment dans les secteurs comme les nouvelles

technologies. L’entrée dans l’OMC du Vietnam change considérablement la politique de

développement du Vietnam. Il met en place de nombreuses réformes administratives pour

attirer les investisseurs et se distinguer de ces voisins asiatiques. Une véritable politique de

séduction est aussi développée, plus particulièrement en direction de l’Union européenne et

des États-Unis mettant en avant les avantages concurrentiels. Dans le même temps, cette

ouverture des marchés oblige le Vietnam à modifier les habitudes de ses industries. Ces

dernières doivent se regrouper pour se renforcer devant la puissance des grands groupes

étrangers, comme dans le secteur de la banque-assurance, elles doivent aussi mettre en place

de nombreuses associations professionnelles pour conseiller leurs entreprises membres dans

leur nouveau mode de développement comme dans la distribution.

Si l’avenir n’est pas encore écrit, le Vietnam semble disposer d’un certain nombre

d’armes qui vont faire de lui un pays avec lequel il faudra compter à l’avenir. Cette volonté de

se distinguer se retrouve aussi dans la mise en place d’une politique de développement

durable comme vecteur de croissance. On retrouve encore là une forte distinction avec la

Chine qui est souvent critiquée dans sa gestion de l’écologie ou plus largement par son

attitude envers le réchauffement climatique. Avec d’une part, des zones industrielles

« vertes » pour attirer les capitaux étrangers. D’autre part, une politique de coopération

renforcée afin de transférer un certain nombre de savoir, plus particulièrement avec la

France : comme avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

pour développer le tourisme durable.