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L’Institut économique de Montréal (IEDM) est un institut de re-cherche et d’éducation indépendant, non partisan et sans but lucratif. Ilœuvre à la promotion de l’approche économique dans l’étude des poli-tiques publiques.

Fruit de l’initiative commune d’entrepreneurs, d’universitaires et d’éco-nomistes de Montréal, l’IEDM ne reçoit aucun financement public.

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La publication de la présente étude n’implique aucunement que l’Insti-tut économique de Montréal ou les membres de son conseil d’adminis-tration souhaitent l’adoption ou le rejet d’un projet de loi, quel qu’ilsoit.

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Coordination de la production: Varia ConseilCouverture, maquette et mise en page: Guy Verville

© 2004 Institut économique de Montréal

ISBN 2-922687-14-7

Dépôt légal: 1er trimestre 2004Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

Imprimé au Canada

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Norma Kozhayaéconomiste,

Institut économique de Montréal

Les bienfaits économiquesd’une réduction de l’impôt

sur le revenu

Cahier de recherche • Collection « Fiscalité »Mars 2004

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Table des matières

Avant-propos............................................................................................................................ 3

Résumé/Executive Summary........................................................................................... 5

1. Introduction......................................................................................................................... 7

2. Le fardeau fiscal au Québec ........................................................................................ 8

2.1. Évolution de la situation fiscale .................................................................... 8

2.2. Fardeau de la fiscalité........................................................................................ 8

3. Ça ne profiterait qu’aux riches ?................................................................................ 10

3.1. La notion de progressivité ............................................................................... 10

3.2. La progressivité au Québec ............................................................................. 10

3.3. L’expérience américaine .................................................................................... 11

4. L’objection des recettes fiscales et de l’équilibre budgétaire ....................... 13

4.1. Impact sur l’efficacité et la croissance économiques.......................... 13

4.2. Impact sur le revenu imposable.................................................................... 14

4.3. Courbe de Laffer, recettes et déficit ............................................................. 14

4.4. L’expérience américaine .................................................................................... 15

4.5. L’expérience ontarienne..................................................................................... 17

5. Conclusion: une solution gagnante.......................................................................... 19

6. Bibliographie ...................................................................................................................... 21

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Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Avant-propos

Le débat sur les baisses d’impôt estfaussé par de nombreux mythes.

Par exemple, on demande souvent «Comment va-t-onfinancer les réductions d’impôt?», comme s’il s’agissaitd’une dépense. Pourtant, une baisse d’impôt permet toutsimplement aux contribuables de conserver une plusgrande part du fruit de leur travail. Il n’y a pas de «coût»à cela, sauf dans l’esprit des politiciens intervention-nistes, des fonctionnaires et des bénéficiaires de la manneétatique, qui ont tous intérêt à ce que le gouvernementdépense le plus possible.

Qui plus est, réduire l’impôt sur le revenu des particu-liers, et notamment les taux marginaux les plus élevés,comporte des avantages économiques certains. Commel’explique Norma Kozhaya dans ce Cahier de recherche,tout le monde bénéficie de la croissance économique quis’ensuit. Il est également faux de croire qu’une diminu-tion du fardeau fiscal met en péril l’équilibre des financespubliques: au contraire, les expériences historiques mon-trent bien que les recettes des gouvernements continuentd’augmenter suite à une réduction du fardeau fiscal, etque cette dernière peut s’autofinancer.

Il ne s’agit pas non plus de favoriser les «riches» enleur permettant de garder égoïstement une plus grandepart de leurs revenus, un argument à saveur populiste quifait fi de la réalité. L’une des données les plus révélatricesde la présente recherche est que malgré la croyance popu-laire voulant que le Québec soit une société plus égali-taire, les riches Québécois paient en fait une proportionmoins grande des recettes totales de l’impôt sur le revenuque les riches Ontariens. La raison? Notre système fiscal,le plus lourd en Amérique du Nord, décourage l’accumu-lation de richesse et ralentit l’accession à des revenus supé-rieurs. En d’autres termes, nous avons moins de richesqu’ailleurs, qui paient donc moins d’impôts. C’est laclasse moyenne qui écope en bout de ligne. La solution àce problème n’est pas d’imposer encore plus les riches,mais bien d’imposer plus de riches.

Si l’on suit ce débat dans les médias, on a l’impres-sion qu’il y a un consensus sur la nécessité de reporter lesbaisses d’impôt, parce que la situation actuelle ne nous lepermettrait pas. C’est ce que prétendent la plupart desgroupes de pression qui s’expriment, prétendument aunom de la population. Et pourtant, selon un sondageLéger Marketing commandé par l’Institut économiquede Montréal et dévoilé le 29 janvier dernier, ce sont 70%des Québécois qui souhaitent que le nouveau gouverne-ment du Québec respecte ses engagements électorauxconcernant les réductions d’impôt. Cet appui est encoreplus marqué chez les travailleurs syndiqués, qui se disent

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Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

à 75% en faveur des réductions d’impôt.Ce Cahier de recherche s’appuie sur la science écono-

mique et sur les expériences historiques pour expliquer cequ’une majorité de Québécois comprend intuitivement.

J’espère que ceux qui s’intéressent à ce débat y trouve-ront matière à réflexion.

Michel Kelly-GagnonPrésidentInstitut économique de Montréal

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RésuméL’objet de ce Cahier de recherche est d’évaluer le far-deau fiscal des Québécois et d’analyser l’impact éco-nomique qu’entraîneraient des réductions de l’im-pôt sur le revenu des particuliers, suite à la pro-messe du gouvernement québécois de réduire l’im-pôt sur le revenu des particuliers «de 1 milliard dedollars par année pendant cinq ans».

Les Québécois sont les contribuables les plustaxés en Amérique du Nord. Le taux marginal maxi-mum de l’impôt sur le revenu des particuliers estplus élevé au Québec que dans toute autre province,et il frappe les contribuables québécois à partir derevenus relativement bas, soit 53 405 $. En fait, letaux marginal maximum est atteint plus vite auQuébec que partout ailleurs dans les pays du G-7.La réforme promise par le gouvernement corrige-rait cette situation si elle réduisait les tauxmarginaux du tiers.

Il est faux de prétendre qu’une réforme fiscalequi réduirait les taux marginaux de l’impôt sur lerevenu avantagerait surtout les «riches». En fait, lesriches contribuent davantage à l’impôt sur le revenuen Ontario, où les taux marginaux sont plus faibles.Le système fiscal québécois décourage en effetl’accumulation de richesses. Il y a presque deux foisplus de «riches» en proportion de la populationtotale en Ontario qu’au Québec, et ces riches contri-buent aux recettes de l’impôt sur le revenu deux foisplus que les riches québécois. De même, la réformefiscale de Ronald Reagan, qui, dans les annéesquatre-vingt, avait réduit les taux marginaux de25% et plus, s’est traduite par un accroissement dela part de l’impôt sur le revenu payé par les riches.

Il n’est pas vrai non plus que ce genre deréforme fiscale remettrait en cause les objectifsd’équilibre budgétaire du gouvernement. Uneréduction des taux stimulerait la production et lesrevenus actuels (le PIB) ainsi que la croissance éco-nomique future. En appliquant au Québec des esti-mations américaines, on peut prévoir qu’uneréduction du tiers des taux marginaux québécoisajouterait un peu plus de 1% au PIB actuel et

Executive summaryThis Research Paper aims to evaluate Quebecers’ fis-cal burden and to analyze the expected economicimpact of a reduction in personal income tax, fol-lowing the Quebec government’s promise to reducepersonal income tax by “$1 billion a year over thenext five years.”

Quebecers are the most heavily taxed citizensin North America. The top marginal personal taxrate is higher than in any other province, and hitsthe Quebec taxpayer beginning at the relatively lowincome of $53 405. In fact, the top marginal rate isreached faster in Quebec than in any of the G-7countries. The promised reduction could correctthis situation by reducing marginal rates by onethird.

The claim that lower marginal rates would ben-efit only “the rich” is demonstrably false. In fact, therich support a larger share of personal income taxrevenues in Ontario, where marginal rates arelower. Quebec’s fiscal regime discourages the accu-mulation of wealth. In Ontario there are almosttwice as many “rich” people in proportion to thetotal population as there are in Quebec, and theycontribute twice as much to personal income taxrevenues in proportion to “rich” Quebecers. Simi-larly, Ronald Reagan’s tax reform in the early ‘80s,which reduced marginal rates by 25% and more,led to a large increase in the tax share of the rich.

The claim that such a tax reform would com-promise the government’s goal of balancing thebudget is also false. Reducing marginal rates wouldpush up production and revenues (i.e., GDP), andgenerate future economic growth. If we apply Amer-ican estimates to Quebec, we can expect that cut-ting provincial marginal income tax rates by a thirdwould add 1% to current GDP and 0.22% to itslong-term annual growth rate.

The Laffer Curve is based on well-docu-mented evidence that taxpayers with decreasingmarginal rates are less likely to avoid paying taxes(legally or illegally). A marginal rate cut is (at leastpartially) self-financing because the tax base

Norma Kozhaya , économiste, Institut économique de Montréal

Les bienfaits économiques d’uneréduction de l’impôt sur le revenu

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Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

augmenterait de 0,22% son taux de croissanceannuel à long terme.

Si l’on ajoute à cela la constatation que lescontribuables qui voient leurs taux marginauxdiminuer font moins d’efforts pour éviterl’impôt (légalement ou illégalement), on obtientun «effet Laffer»: une réduction des taux s’auto-finance (au moins en partie) par l’élargissementde l’assiette fiscale, surtout parmi les plus riches.

Une étude économétrique récente montreque c’est ce à quoi on pourrait s’attendre auQuébec: en haut de l’échelle des revenus, l’aug-mentation du revenu imposable ferait plus quecompenser pour la réduction des taux. C’est dureste ce qui s’est produit aux États-Unis après laréforme fiscale du président Kennedy et celle duprésident Reagan: la croissance économiques’est accélérée, et les recettes de l’impôt sur lerevenu des particuliers ont augmenté au lieu dediminuer. La même chose s’est produite enOntario après la réforme fiscale lancée par MikeHarris en 1996 (qui s’est soldée par une réduc-tion des taux marginaux de 20% ou plus):durant les cinq premières années, les recettes del’impôt sur le revenu des particuliers ont connuune croissance réelle de 14,5%.

Il est donc primordial pour la prospéritéfuture du Québec que le gouvernement tiennesa promesse de réforme fiscale. La réduction destaux marginaux est la méthode de choix, autantdu point de vue de la répartition du fardeau fis-cal que du point de vue de l’équilibre budgétaire.En réduisant du tiers toute l’échelle des taux, ycompris le taux maximum, on pourrait financerune partie de la réduction du fardeau fiscal de laclasse moyenne avec l’augmentation relative dela contribution des plus riches.

Il est temps de lancer une vraie réforme fis-cale au Québec.

increases, especially among the highest incomeearners.

A recent econometric study shows that thisis indeed what we could expect in Quebec, i.e.,the increase in taxable income at the top of theincome scale would more than compensate forthe lower rates. This was observed in the UnitedStates after the Kennedy and Reagan reforms:economic growth accelerated and personalincome tax revenues increased rather thandecreased. The same happened in Ontario afterMike Harris’s 1996 tax reform, which cut mar-ginal rates by 20% or more: during the five yearsthat followed, revenues from personal incometaxes grew by 14.5% in real terms.

It is thus important for Quebec’s futureprosperity that the government honour its taxreform promise. Cutting marginal rates is thebest route both in terms of tax-burden distribu-tion and balancing the budget. By cutting thewhole rate schedule by one third, including themaximum rate, the government could not onlyreduce the middle class tax burden but couldalso finance part of this reduction by increasingthe richest taxpayers’ relative share.

The time is right to implement a real taxreform in Quebec.

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1. Introduction

Dans un document de travail publiéjuste avant l’élection générale d’avril 2003,le Parti libéral du Québec faisait une pro-messe claire: «Nous réduirons substantiel-lement le fardeau fiscal des Québécois.Nous réduirons l’impôt des particuliers de1 milliard de dollars par année pendantcinq ans 1.» L’objet de ce Cahier de re-cherche est d’évaluer le fardeau fiscal desQuébécois et d’analyser l’impact écono-mique qu’entraîneraient des réductions del’impôt sur le revenu des particuliers.

Tout d’abord, qu’entend-on par «ré-duire l’impôt»? Même sans rien changer àla politique fiscale et exception faite despériodes de récession, les recettes de l’im-pôt sur le revenu augmentent avec la popu-lation, avec la croissance des revenus etmême, quand les tranches de l’impôt nesont pas indexées, avec la seule inflation. Enfait, le gouvernement précédent prévoyaitque les recettes de l’impôt sur le revenu desparticuliers, qui étaient d’environ 16 mil-liards de dollars en 2002-03, augmente-raient de presque un milliard de dollars aucours des deux années suivantes2. Quandles gouvernements parlent de réduire lesimpôts, il s’agit donc habituellement d’uneréduction dans les augmentations prévuesdes recettes totales perçues et non d’uneréduction nette.

On peut réduire l’impôt soit en rédui-sant l’assiette fiscale (majoration des cré-dits d’impôts ou des déductions du reve-nu), soit en modifiant le barème d’imposi-tion (taux et tranches), ou en faisant unecombinaison des deux approches. Dans ceCahier de recherche, nous montreronsqu’une réduction des taux marginauxdevrait être une composante essentielle dela réforme à cause des effets positifs qu’elleentraîne sur toute l’économie et, en boutde ligne, sur les recettes fiscales du gouver-nement.

Après avoir brossé un aperçu rapide del’évolution récente de la fiscalité au Québec

ainsi qu’un portrait comparatif du fardeaufiscal des contribuables québécois, nous exa-minerons les deux objections à la réductiondes taux marginaux de l’impôt sur le revenules plus couramment entendues, à savoirqu’une telle mesure «ne profiterait qu’auxriches» et qu’elle réduirait les recettes fisca-les, mettant ainsi en péril la capacité d’inter-vention de l’État et l’équilibre des financespubliques.

Trois des expériences historiques lesplus pertinentes au Canada et aux États-unis serviront à illustrer les effets d’uneréduction de l’impôt. Il s’agit d’abord de laréforme fiscale du président John F.Kennedy, adoptée en 1963 et entrée envigueur en 1964. Cette réforme réduisait for-tement les taux marginaux, de près de 30%en haut de l’échelle et de 20% en bas. Ledeuxième épisode a eu lieu sous la prési-dence de Ronald Reagan: en 1981, il faisaitadopter le Economic Recovery Tax Act qui, àpartir de l’année suivante, coupait les tauxde l’impôt sur le revenu d’environ 25% surtrois ans, avec une forte réduction du tauxmarginal maximum dès 1982. Cette réformes’est poursuivie avec l’adoption du TaxReform Act de 1986, qui continuait la réduc-tion des taux marginaux tout en élargissantl’assiette fiscale.

Au Canada, nous examinerons leseffets de la réforme fiscale ontarienne de lafin des années quatre-vingt-dix. Le gouver-nement Harris commença à réduire l’im-pôt sur le revenu des particuliers dès 1996, etréalisa la réduction promise de 30% surune période de trois ans. À cause de diver-ses surtaxes, le taux marginal provincialmaximum a été réduit de manière plusmodeste, mais il est quand même passé de22% en 1995 à 18% en 1999. Réélu en 1999,le gouvernement Harris a continué deréduire les impôts, et le taux marginal maxi-mum avait de nouveau reculé en 2000 pours’établir à 17% .

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1. PLQ (2003), p. 9.2. Voir Gouvernement du Québec (2003b), p. 9.

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2. Le fardeau fiscal au Québec

2.1. Évolution de la situation fiscale

Le PIB par habitant au Québec est infé-rieur d’environ 18% à celui de l’Ontario etde 14% à la moyenne canadienne. Cet écartpar rapport à l’Ontario n’a pas vraimentdiminué depuis les 20 dernières années. Parcontre, le fardeau fiscal des Québécois estbeaucoup plus lourd.

À partir de 1998, après avoir éliminé ledéficit, le gouvernement du Québec a pro-cédé à quelques réductions de l’impôt surle revenu, ainsi qu’à une certaine simplifica-tion du régime fiscal. La réforme partielleannoncée dans le budget de 1997-98 a sup-primé ou modifié des déductions, réduit lebarème à trois taux au lieu de cinq, réduitmodestement l’impôt de certains contribua-bles, et y a soustrait des contribuables à fai-bles revenus. Parallèlement, la taxe de ventea été augmentée de 6,5% à 7,5%.

Depuis l’exercice 2000-01, les taux d’im-position des particuliers ont été réduits, lebarème passant de 19%, 23% et 26% selonles tranches de revenus à 16%, 20% et 24%respectivement. Une autre mesure d’allège-ment qui n’avait pour effet que de limiterl’augmentation des prélèvements encoredavantage consistait à indexer les tranchesde l’impôt sur le revenu à partir de janvier2002. Ces mesures devaient, sur une pé-riode de cinq ans, réduire l’impôt sur lerevenu des particuliers de 15,1 milliards dedollars3.

L’ensemble des allègements fiscauxmis en œuvre depuis 1999 aurait permis deréduire l’écart du fardeau de l’impôt sur lerevenu des particuliers de 40% par rapportà la moyenne des provinces et de 24% parrapport à l’Ontario4.

Selon les mesures prises par l’anciengouvernement, les tranches de l’impôt surle revenu devaient être totalement indexéesà partir de 2003: à partir de ce moment, l’in-dexation compenserait complètementpour l’effet de l’inflation. Le gouvernement

du Parti libéral a toutefois réduit le facteurd’indexation à 2%, alors que l’inflation deseptembre 2002 à septembre 2003, telle quemesurée par la progression de l’indice desprix à la consommation (IPC), a été de3,1%. Le gouvernement a ainsi réduit de140 millions de dollars le montant dontauraient bénéficié les contribuables pour2004 dans le cas d’une pleine indexation.

2.2. Fardeau de la fiscalité

Considérons maintenant l’ensembledu fardeau fiscal des Québécois. Les recet-tes totales de l’administration publique pro-vinciale représentent 23% du PIB, la propor-tion la plus élevée au Canada à l’exceptiondes provinces maritimes. Cette mesure duprélèvement du gouvernement provincialdans l’économie est de 14,7% en Ontario etde 18,4% en moyenne dans l’ensemble desprovinces canadiennes (voir le Tableau 1page suivante).

Si l’on exclut les transferts fédéraux, leQuébec dépasse même les provinces mariti-mes. Les recettes de sources propres de l’ad-ministration publique provinciale corres-pondent à 19,3% du PIB au Québec, 13,1%en Ontario, 16,1% en Nouvelle-Écosse(assez représentative des provinces mari-times), 13,4% en Alberta, et 15,4% enmoyenne dans l’ensemble des provinces.

La situation est encore plus préoccu-pante en ce qui concerne l’impôt sur lerevenu des particuliers, qui rapportequelque 16 milliards de dollars par annéeau gouvernement du Québec et représente36% des recettes de sources propres. Quelleque soit la manière dont on le mesure, l’im-pôt sur le revenu des particuliers est plusélevé au Québec que partout en Amériquedu Nord. En appliquant au Québec la struc-ture d’imposition de chacune des autresprovinces, on constate que ce sont lesQuébécois qui paient le plus d’impôt pro-vincial sur le revenu. Si la structure fiscale

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Le PIB par habitant auQuébec est inférieur

d’environ 18% à celui del’Ontario et de 14% à lamoyenne canadienne. […]Par contre, le fardeau fiscaldes Québécois est beaucoupplus lourd.

3. Gouvernement du Québec (2003c), p. 14.4. Gouvernement du Québec (2003c), p. 15.

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ontarienne était appliquée au Québec, lesparticuliers québécois paieraient environ5 milliards de dollars de moins par annéeen impôt provincial sur le revenu5.

Le taux marginal supérieur est plusélevé au Québec que dans toutes les autresprovinces. De plus, ce taux marginalfrappe les contribuables québécois à partirde niveaux de revenu relativement bas:53 405$, en comparaison de 67 685$ enOntario et de 81 045 $ en Nouvelle-Écosse.En fait, le taux marginal supérieur est

atteint plus vite au Québec que partout ail-leurs dans les pays du G-7. (Sauf bien sûr enAlberta, où un impôt à un taux unique de10% s’applique dès que l’exemption debase de 14 160 $ est dépassée. Par définition,dans ce cas, le taux marginal ne change pasquel que soit le revenu imposable.) À cestaux s’ajoute évidemment le taux fédéral.Par exemple, le célibataire gagnant 50 000 $par année est soumis à un taux marginalcombiné de 38,37% au Québec, alors que cetaux est de 31,15% en Ontario.

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Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Tableau 1Fiscalité et impôt sur le revenu des particuliers au niveau provincial, 2002

Québec Ontario Nouvelle-Écosse AlbertaMoyenne des

provincescanadiennes

Recettes totales des administrations publiquesprovinciales en proportion du PIB

23,0 % 14,7 % 24,1 % 14,9 % 18,4 %

Recettes de sources propres des administrationspubliques provinciales en proportion du PIB

19,3 % 13,1 % 16,1 % 13,4 % 15,4 %

Taux marginal maximum de l’impôt provincialsur le revenu des particuliers

20,0 %* 17,4 %** 18,3 %** 10,0 %

Seuil du revenu imposable à partir duquel le tauxmarginal maximum s’applique

53 405 $ 67 685 $** 81 045 $** 14 160 $

* En fait, le taux marginal provincial maximum est de 24,0% au Québec, mais le taux marginal fédéral y est réduit de 4 points de pourcentage par rapport aux autres provinces.Si l’on compare le Québec avec celles-ci, il est donc préférable de retrancher quatre points du taux québécois statutaire.

** Ces taux et ces seuils incluent la surtaxe sur les revenus très élevés.

Source: Statistique Canada, Recettes et dépenses de l’administration fédérale générale et des administrations provinciales générales, banque de données CANSIM, tableau 385-0002;Gouvernement du Canada (2003b); Association canadienne d’études fiscales (2003); Statistique Canada (2003); et calculs de l’IEDM.

Si la structure fiscale on-tarienne était appliquée

au Québec, les particuliersquébécois paieraient envi-ron 5 milliards de dollars demoins par année en impôtprovincial sur le revenu.

5. Gouvernement du Québec (2003d), p. 25.

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3. Ça ne profiterait qu’aux riches ?

L’une des deux grandes objections for-mulées contre la réduction des taux margi-naux de l’impôt sur le revenu est qu’unetelle réforme rendrait le régime moins pro-gressif et, ainsi, profiterait surtout auxriches.

3.1. La notion de progressivité

La progressivité n’est pas une notionaussi facile à cerner qu’il paraît à premièrevue. Il existe plusieurs manières de la calcu-ler6. Par exemple, comme on l’a vu, lerégime québécois est très progressif au sensoù les taux marginaux augmentent forte-ment et rapidement. Toutefois, cette pro-gressivité est tellement forte que les gens dela classe moyenne se retrouvent rapidementparmi les «riches» d’un point de vue fiscalet que les «vrais» riches paient au total unemoindre proportion des recettes de l’im-pôt. Dans ce second sens, le régime québé-cois est donc paradoxalement moins pro-gressif.

3.2. La progressivité au Québec

Considérons le Tableau 2. Les contri-buables québécois dont le revenu total sesitue entre 50 000$ et 100 000$ représentent

11,7% des contribuables et reçoivent 27,7%des revenus, mais ils paient 37,5% de l’im-pôt provincial sur le revenu des particuliers– donc, beaucoup plus que la proportiondes revenus qu’ils touchent. Par contre,ceux qui gagnent moins de 50 000 $ contri-buent aux recettes provinciales de l’impôtsur le revenu dans une proportion moindre(40,0%) que leur part dans le revenu total(59,3%). Les contribuables qui gagnentplus de 100 000 $ contribuent aux recettesde l’impôt provincial sur le revenu dans uneproportion presque deux fois plus grande(22,5%) que la part des revenus totauxqu’ils touchent (13,0%).

On est donc tenté de croire que la pro-gressivité des taux se traduit effectivementpar la progressivité de la part d’impôt payéepar les différentes classes de revenu, ce quin’est pas faux. Cependant, la progressivitéau second sens serait encore plus forte si laprogressivité des taux était moindre.

En effet, contrairement à ce que l’onpeut penser, notre Tableau 2 suggère que lerégime québécois est, au second sens,moins «progressif» que le régime ontarien.En Ontario, les revenus les moins élevés(50 000$ et moins) paient 24,2% de l’impôtprovincial sur le revenu, en comparaison de40,0% au Québec. De même, les contribua-

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

TABLEAU 2Répartition de l’impôt sur le revenu des particuliers au Québec, en Ontario et au niveau fédéral, 2001

Catégoriesde contribuables

QuébecImpôt provincial

OntarioImpôt provincial

CanadaImpôt fédéral

En fonctiondu revenu total

Proportionde l’impôttotal payé

Proportiondu revenu

total

Proportionde

l’ensembledes contri-

buables

Proportionde l’impôttotal payé

Proportiondu revenu

total

Proportionde

l’ensembledes contri-

buables

Proportionde l’impôttotal payé

Proportiondu revenu

total

Proportionde

l’ensembledes contri-

buables

0 $ - 49 999 $ 40,0% 59,3% 86,3% 24,2% 45,7% 79,8% 33,2% 51,2% 82,9%

50 000 $ - 99 999 $ 37,5% 27,7% 11,7% 31,8% 31,2% 16,5% 34,6% 29,5% 14,2%

100 000 $ et plus 22,5% 13,0% 2,0% 44,0% 23,2% 3,7% 32,3% 19,3% 2,9%

Total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%

Pourcentage des contribuablesqui ne paient pas d’impôt

39,8% 29,1% 30,9%

Sources: Gouvernement du Canada (2003), Gouvernement du Québec (2003), et calculs de l’IEDM.

Le régime québécois esttrès progressif au sens

où les taux marginaux aug-mentent fortement et rapi-dement. Toutefois, cette pro-gressivité est tellement forteque les gens de la classemoyenne se retrouvent rapi-dement parmi les «riches»et que les «vrais» richespaient au total une moindreproportion des recettes del’impôt.

6. Godbout et al. (2003), p. 38-46.

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bles qui gagnent 100 000 $ et plus y contri-buent pour 44,0% en Ontario contre seule-ment 22,5% au Québec. La progressivité auQuébec joue surtout contre la classemoyenne7.

Le fait que le taux marginal maximumsoit très rapidement atteint signifie en effetque la classe moyenne supporte un trèslourd fardeau. Le système fiscal québécoisdécourage l’accumulation de richesses. Sil’on définit la classe moyenne comme cons-tituée des contribuables qui gagnent entre50 000$ et 100 000 $ dollars, le Tableau 2(page suivante) montre qu’elle est moinsnombreuse au Québec (11,7% des contri-buables) qu’en Ontario (16,5%), que sonpoids dans le total des revenus est plusfaible ici (27,7% contre 31,2%), et qu’elle estforcée de contribuer davantage à l’impôtsur le revenu (37,5% au Québec en com-paraison de 31,8% en Ontario).

Le fait que les riches contribuentmoins aux recettes de l’impôt sur le revenuau Québec qu’en Ontario (et qu’au niveaufédéral) découle en partie du fait qu’il y aplus de riches en Ontario (et dans desprovinces comme l’Alberta) et plus de«pauvres» au Québec. En effet, comme onle constate à la dernière ligne du Tableau 2,seulement 2,0% des contribuables québé-cois ont des revenus de 100 000 $ ou plus,en comparaison de 3,7% en Ontario et de2,9% au niveau canadien. Il y a presquedeux fois plus de «riches» en Ontarioqu’au Québec, et ces riches contribuent auxrecettes de l’impôt sur le revenu dans uneproportion deux fois plus importante queles riches québécois.

D’autre part, quelque 40% des contri-buables québécois ont des revenus trop fai-bles pour contribuer à l’impôt provincialsur le revenu, proportion qui a augmentésans arrêt au cours des quinze dernièresannées et qui est maintenant la plus élevéede toutes les provinces. Cette prépondé-rance des contribuables qui ne paient pasd’impôt sur le revenu au Québec relève enpartie du même phénomène: il y a trop depauvres et pas assez de riches au Québec.

3.3. L’expérience américaine

L’expérience américaine sous la prési-dence de Ronald Reagan confirme ce que lacomparaison Québec-Ontario suggère: destaux marginaux réduits – surtout en hautde l’échelle – augmentent la part desimpôts payés par les plus riches. NotreTableau 3 présente les faits. En 1981, alorsque le taux marginal maximum atteignait70%, les 1% des contribuables les plusriches (le percentile supérieur) contri-buaient pour 17,6% aux recettes de l’impôtsur le revenu des particuliers; en 1988, alorsque le taux marginal maximum avait étéréduit à 28%, la contribution du percentilesupérieur avait grimpé à 27,5%. Si l’onprend les 10% les plus riches (le décile supé-rieur), leur contribution est passée de48,0% à 57,2%. Au contraire, la participa-tion des 50% les moins riches a diminué de7,5% à 5,7%. Un autre fait important quenotre tableau ne montre pas est que le far-deau de la classe moyenne, calculé par saparticipation aux recettes fiscales de l’im-pôt sur le revenu des particuliers, a chuté de57,5% à 48,7%8.

Institut économique de Montréal 11

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

TABLEAU 3Répartition de l’impôt fédéral sur le revenu aux États-Unis avant et après les réformes

fiscales de Ronald Reagan

1981 1988

Taux marginal maximum 70 % 28 %

Part des recettes de l’impôt payée par le percentile supérieur 17,6 % 27,5 %

Part des recettes de l’impôt payée par le décile supérieur 48,0 % 57,2 %

Part des recettes de l’impôt payée par les 50% inférieurs 7,5 % 5,7 %

Source: Joint Economic Committee (1996).

Il y a presque deux foisplus de «riches» en Onta-

rio qu’au Québec, et ces ri-ches contribuent aux recet-tes de l’impôt sur le revenudans une proportion deuxfois plus importante que lesriches québécois.

7. Voir aussi Godbout et al. (2003), p. 13-16.8. La classe moyenne est ici définie comme les contribuables gagnant entre 18 367 et 72 735 dollars américains en 1988. Voir Joint

Economic Committee (1996).

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12 Institut économique de Montréal

Nous avons de bonnes raisons de croireque, si le scénario mis en œuvre par le gou-vernement consistait à réduire fortementles taux supérieurs, on obtiendrait auQuébec les mêmes effets que ceux de laréforme Reagan: un accroissement de lapart des impôts payés par les contribuablesen haut de l’échelle des revenus. De plus, sila réforme fiscale accélère la croissance éco-nomique, on s’attendrait à ce que toutes lescatégories de contribuables en profitent.Les théories économiques résumées dans laprochaine section expliquent ces phéno-mènes.

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Nous avons de bonnes rai-sons de croire que, si le

scénario mis en œuvre parle gouvernement consistaità réduire fortement les tauxsupérieurs, on obtiendraitau Québec les mêmes effetsque ceux de la réforme Rea-gan: un accroissement dela part des impôts payés parles contribuables en haut del’échelle des revenus.

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4. L’objection des recettes fiscales etde l’équilibre budgétaire

La deuxième grande objection à laréduction des taux de l’impôt sur le revenudes particuliers est qu’elle provoquerait uneréduction des recettes fiscales et remettraiten cause les objectifs d’équilibre budgétairedu gouvernement. Comme nous allons levoir, cette objection ne tient pas compte ducomportement des contribuables devantdes modifications aux taux d’impôt.

4.1. Impact sur l’efficacité et lacroissance économiques

L’impôt sur le revenu modifie les incita-tions des contribuables et exerce ainsi unimpact sur l’efficacité économique, c’est-à-dire sur la valeur de la production, et sur lacroissance de celle-ci. Une réduction destaux entraîne un effet positif à la fois sur laproduction actuelle et sur sa croissancefuture.

Les gens auront tendance à travaillermoins si leur rémunération diminue pourune même quantité de travail9. L’ampleurde cet effet se mesure par le coefficientd’élasticité du travail par rapport au revenuaprès impôt, qui indique à quel point lesgens décident de travailler plus ou moinsselon que leur revenu net augmente oudiminue. Les estimations économétriquesévaluent qu’il est de l’ordre de 0,1510. End’autres termes, une augmentation destaux marginaux d’impôt qui réduirait larémunération après impôt de 10% entraîne-

rait une réduction de la quantité offerte detravail de 1,5%, et vice versa.

Pour illustrer ce que cela signifie pourle Québec, supposons que la réforme fiscaleconsiste à réduire d’à peu près le tiers surcinq ans l’échelle des taux marginaux pro-vinciaux. Notre hypothèse du tiers corres-pond aux réductions promises de cinq mil-liards de dollars par rapport à des recettesactuelles d’environ 16 milliards. Grossomodo, cela équivaut à une réduction de huitpoints de pourcentage du taux marginalprovincial en haut de l’échelle des revenus.Si l’on suppose maintenant que cet allège-ment augmenterait la rémunération nettedes contribuables de 10%11 et que le travailcompte pour 75% de la valeur ajoutée dansl’économie, il s’ensuivrait alors une aug-mentation du PIB d’un peu plus de 1%12.

Au-delà de la question de l’impactexact des taux marginaux sur l’offre globalede travail dans l’économie, il existe plu-sieurs autres raisons pour lesquelles destaux marginaux élevés sont économique-ment très coûteux.

Si les contribuables ne peuvent garderpour eux qu’une proportion réduite de leurrémunération, ils épargnent et investissentmoins, prennent moins de risques, créentmoins d’entreprises et innovent moins, cequi réduit la croissance économique future.Inversement, une réduction de l’impôt,notamment en ce qui concerne les tauxmarginaux maximum, stimule la croissanceéconomique. Après avoir examiné l’expé-

Institut économique de Montréal 13

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Les taux marginaux éle-vés de l’impôt sur le re-

venu des particuliers impo-sent un coût économiqueimportant en termes de pro-duction et de revenu, de va-leur économique sacrifiée,et de possibilités futures decroissance.

9. D’un point de vue théorique, ce n’est pas nécessairement le cas, puisqu’il faut compter avec un « effet de revenu » qui joue ensens contraire de l’«effet de substitution». Cependant, les estimations économétriques montrent que c’est généralement lecas. Une autre considération est la décision de participer ou non au marché du travail, ce qui aurait également comme effetd’affecter l’offre totale de travail; voir Heckman (1993).

10. Certains analystes produisent des estimations plus élevées, notamment quand il s’agit de certains sous-marchés (celui desfemmes ou des plus riches, par exemple) du marché du travail; voir Eissa (1995), Feldstein (1995), Slemrod (1983, 1998),Browning et Browning (1994) et Ziliak et Kiesner (1999).

11. L’augmentation de la rémunération nette dépend du taux marginal qui frappait le contribuable au départ. L’impact sera d’au-tant plus grand que le taux marginal était élevé. Notre calcul suppose que tous les contribuables québécois ont un revenu de27 500$ et font face au taux marginal combiné (des célibataires) de 34%. Une réduction du tiers du taux marginal provincial in-termédiaire (qui est de 20% à ce niveau) donne une réduction de 6,6 points de pourcentage. Le dernier dollar brut gagné rap-porte maintenant $0,72 net (0,66$ + 0,066$) au contribuable, une augmentation de 10% par rapport au revenu net antérieurde 0,66$.

12. Ce résultat correspond au produit de 15% � 10% � 75%, soit exactement 1,125%.

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rience des États-Unis et de plusieurs autrespays, Engen et Skinner (1996) concluentqu’une réduction de cinq points de pour-centage des taux marginaux américainsentraînerait une augmentation à long termedu taux de croissance économique annuelde 0,22%. Ce chiffre peut sembler faible,mais l’effet cumulatif sur le long termen’est pas négligeable.

Si la réforme consistait à réduire lestaux marginaux provinciaux du tiers et,donc, le taux marginal combiné de 48% à40%, et que l’on suppose un effet sem-blable au Québec, il s’ensuivrait une aug-mentation permanente de la croissance éco-nomique annuelle d’environ un quart depoint de pourcentage, au-delà du 1% d’aug-mentation ponctuelle estimé plus haut.

Nous avons donc plusieurs raisons decroire que les taux marginaux élevés de l’im-pôt sur le revenu des particuliers imposentun coût économique important en termesde production et de revenu, de valeur écono-mique sacrifiée, et de possibilités futures decroissance.

4.2. Impact sur le revenuimposable

De plus, des taux marginaux élevésamènent les contribuables (notamment,mais pas seulement, ceux à revenus élevés)à arranger leurs affaires financières demanière à minimiser leur revenu impo-sable. Le revenu imposable (sur lequel s’ap-pliquent les taux marginaux) varie non seu-lement en fonction de la quantité de travailfournie et de la croissance économique,mais aussi en fonction des incitations descontribuables à le minimiser quand les tauxmarginaux sont trop élevés. Martin Feldsteinexplique:

Une réduction des taux marginauxengendre non seulement un accrois-sement de la quantité offerte detravail …, mais également des chan-gements dans la forme de la rémuné-ration (une rémunération en argentplutôt que des avantages sociaux ouautres formes de revenu non impo-

sable), ainsi qu’une réduction desdépenses déductibles puisque le prixrelatif des objets de consommationordinaire diminue par rapport auxbiens et activités fiscalement favori-sés. […] Par conséquent, le revenuimposable augmente beaucoup plusque les heures de travail13.

Ce sont les contribuables dont les reve-nus sont les plus élevés et qui sont imposésau taux marginal maximum (ce qui, commenous l’avons vu, arrive vite au Québec) quisont le plus affectés par les désincitations fis-cales. Or, ces contribuables sont égalementles mieux placés pour réduire leur revenuimposable au moyen de préférences fiscalesdiverses, en dissimulant des revenus ou enexagérant des dépenses d’affaires, ou en-core en déménageant dans un endroit où lafiscalité leur est plus hospitalière. C’estdonc au sommet de l’échelle des revenusque l’impact du régime actuel de l’impôtsur le revenu est le plus négatif.

Une recherche économétrique récentemontre que, au cours des dernières annéesdans l’ensemble du Canada, les contribua-bles à hauts revenus (plus de 100 000 $) onteffectivement réagi aux changements dansle barême d’imposition en réduisant leurrevenu imposable14.

4.3. Courbe de Laffer, recetteset déficit

Ce que l’on appelle la «courbe deLaffer» représente l’effet combiné des tauxmarginaux élevés sur l’efficacité écono-mique et sur les incitations des contribua-bles à minimiser leur revenu imposable. Lacourbe de Laffer capte le phénomène de«trop d’impôt qui tue l’impôt» et, inverse-ment, des réductions des taux d’impôt qui,dans le contexte d’un fardeau fiscal troplourd, augmentent les recettes fiscales.

Imaginez une courbe en forme de«U» inversé avec, sur l’axe horizontal, lestaux marginaux d’impôt et, sur l’axe verti-cal, les recettes qu’en tire le gouvernement.Au-delà d’un certain niveau des taux d’im-pôt (qui correspond au sommet de la

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Ce sont les contribuablesdont les revenus sont les

plus élevés et qui sont impo-sés au taux marginal maxi-mum qui sont le plus affec-tés par les désincitations fis-cales.

13. Feldstein (1995), p. 172.14. Gagné et al., p. 13.

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courbe de Laffer), les recettes fiscales dimi-nuent parce que les individus travaillentmoins ou réduisent autrement leur revenuimposable. En d’autres termes, si on sedéplace au-delà du sommet de la courbe deLaffer, l’assiette fiscale diminue davantageque les taux n’augmentent, et une réduc-tion des taux de l’impôt sur le revenu entraî-nera une augmentation des recettes fiscales.Il est facile d’imaginer qu’au bout de lacourbe, lorsque le taux marginal est de100%, les recettes fiscales sont nullespuisque personne n’a intérêt à travaillerpour rien.

Il est donc tout à fait concevable qu’uneréduction des taux marginaux de l’impôtsur le revenu des particuliers finisse parentraîner une augmentation plutôt qu’uneréduction des recettes fiscales, comme lesgouvernements ont tendance à le prévoir àcourt terme.

Les opinions divergent sur la questionde savoir quand les conditions nécessairessont réunies pour que cette possibilité sematérialise, mais Engen et Skinner (1996),pourtant sceptiques quant à la possibilitéqu’une réforme fiscale se finance elle-même, soutiennent qu’il «y a des indica-tions empiriques à l’effet que les réductionsd’impôt concentrés sur les revenus élevéss’autofinancent»15. C’est dire que, si l’onréduit l’ensemble des taux marginaux, lesrecettes en provenance des riches augmente-ront, finançant au moins une partie de laréforme. C’est ce que suggèrent les donnéesfiscales relatives à la réforme Reagan, demême que le fait que les riches contribuentdavantage à l’impôt sur le revenu en Onta-rio qu’au Québec.

Après avoir soumis à l’analyse écono-métrique les variations des taux et des re-cettes de l’impôt sur le revenu parmi toutesles administrations publiques durant lestrois dernières décennies au Canada, Gagnéet al. (2000) parviennent à la même conclu-sion:

…nos résultats montrent que lesgouvernements provinciaux et fédé-ral auraient pu, au cours des années

1988-1996 au Canada, augmenterleurs recettes fiscales en diminuantles taux marginaux des contribua-bles dans les deux catégories supé-rieures de revenu. […] Au vu de cesrésultats, il importe que le gouver-nement fédéral et les gouverne-ments provinciaux considèrent lefait qu’ils peuvent à la fois augmen-ter leurs recettes et leurs dépenses etréduire les impôts, à condition dechoisir les bonnes réductions d’im-pôt16.

Qu’en est-il maintenant de l’expé-rience historique? Appuie-t-elle ces conclu-sions théoriques?

4.4. L’expérience américaine

Plusieurs années de forte croissanceéconomique ont suivi la réforme Kennedy,entrée en vigueur en 1964 avec de fortesréductions des taux de l’impôt sur lerevenu. Durant presque tout le reste de ladécennie, les taux de croissance du PIB réelatteignirent des sommets: 5,8% en 1964,6,4% en 1965, 6,5% en 1966…17. Les recettes

Institut économique de Montréal 15

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

C’est dire que, si l’onréduit l’ensemble des

taux marginaux, les recet-tes en provenance des richesaugmenteront, finançantau moins une partie de laréforme.

Figure 1La courbe de Laffer

15. Bartlett (1999), Engen et Skinner (1996), p. 636.16. Gagné et al. (2000), p. 14. On notera que 1996 est la dernière année des séries de données analysées par les auteurs.17. Selon le Bureau of Economic Analysis du gouvernement américain.

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de l’impôt sur le revenu des particuliers aug-mentèrent peu en 1964 et 1965 mais très for-tement durant le reste de la décennie; seulela récession de 1970 mettra fin à cetteprogression.

La Figure 2 montre l’évolution desrecettes et des dépenses du gouvernementfédéral américain en dollars constants (de1996). La ligne verticale indique le débutprobable de l’impact de la réformeKennedy, soit l’exercice financier 1965, quiva du 1er octobre 1964 au 30 septembre 1965.Considérons d’abord l’évolution des recet-tes de l’impôt sur le revenu des particuliers.En 1965, ces recettes ont stagné à 241,1 mil-liards de dollars, en comparaison de 240,4milliards en 1964. Toutefois elles ont reprisleur tendance à la hausse dès 1966 (262,5 mil-liards de dollars), et ont accéléré jusqu’’à lafin de la décennie avec 359,8 milliards$ en1969). Rappelons que cette progression sesitue dans un contexte où, en 1964, les tauxmarginaux avaient été globalement coupésde 20%, et de 30% au sommet de l’échelle.On constate ici l’impact des riches qui se

trouvent à payer plus d’impôt parce qu’ilscherchent moins à l’éviter.

Quant aux recettes et aux dépensestotales, elles ont continué d’augmenter, àun rythme accéléré dans les deux cas. Enfait, les dépenses ont augmenté plus viteque les recettes, d’où l’apparition de défi-cits importants. Il est donc évident que cene sont pas les réductions des taux margi-naux qui ont entraîné ces déficits, maisbien l’impuissance du gouvernement àcontenir l’explosion de ses dépenses.

L’autre épisode plus récent marquéd’une forte réduction d’impôts aux États-Unis fut celui de la réforme fiscale de 1981(et de sa suite en 1986). À partir de 1982, laréforme réduisait les taux de l’impôt sur lerevenu d’environ 25% sur trois ans, avecune forte réduction du taux marginal maxi-mum dès 1982. Les sept ans qui ont suivifurent, avec les années postérieures à laréforme Kennedy, l’une des trois plus fortespériodes de croissance économique de l’his-toire américaine, avec des taux annuels deprès de 4%18. La Figure 2 montre que lesrecettes totales ont diminué en 1982 et 1983,mais c’est en partie à cause de la forte réces-sion de 1980-82 (les recettes de l’impôt surle revenu sont un peu décalées). L’impactde la réforme fiscale de 1982 ne peut vrai-ment pas avoir été ressenti avant l’exercicefinancier 1983 (du 1er octobre 1982 au 30 sep-tembre 1983 – indiqué par une ligne ver-ticale sur notre graphique).

On notera que les recettes de l’impôtsur le revenu des particuliers ont moinsdiminué que les recettes totales et n’ont pasrepris leur tendance à la hausse avant 1985.Durant cet exercice, cependant, elles ontaugmenté de 8% en dollars constants etont généralement continué de croître jus-qu’à la fin de la décennie. De 1981 à 1990,malgré le creux de la récession à la fin de1982, les recettes fédérales de l’impôt sur lerevenu des particuliers ont augmenté de15% en dollars constants.

Deux phénomènes se sont produits.D’une part, les allègements d’impôts ontjoué un rôle majeur pour sortir les États-Unis de la récession et produire la fortecroissance qui s’est poursuivie jusqu’en

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Figure 2Recettes et dépenses de l’administration fédérale américaine, 1960-1990

(en milliards de dollars constants de 1996)

Source: Office of Management and Budget (2004).

Les dépenses ont augmen-té plus vite que les re-

cettes, d’où l’apparition dedéficits importants. Il estdonc évident que ce ne sontpas les réductions des tauxmarginaux qui ont entraî-né ces déficits, mais bienl’impuissance du gouverne-ment à contenir l’explosionde ses dépenses.

18. Selon le Bureau of Economic Analysis du gouvernement américain.

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1990; les recettes fiscales ont suivi. D’autrepart, comme nous l’avons observé plushaut, le revenu imposable des riches a aug-menté davantage que les taux n’ont dimi-nué, de sorte que le montant des impôtsprélevés a augmenté. La réduction des tauxs’est partiellement autofinancée.

La Figure 2 montre que le déficit fédé-ral américain a été provoqué non pas parune réduction des recettes fiscales, mais,comme deux décennies plus tôt, par uneaugmentation incontrôlée des dépenses. Enfait, en 1990, les recettes totales atteignaient1 222 milliards de dollars, soit 217 milliardsde plus (toujours en dollars constants) queles recettes de 1981.

4.5. L’expérience ontarienne

Une évolution semblable s’est produiteen Ontario. Les réductions d’impôt, etnotamment du taux marginal maximum,ont été appliquées à partir du milieu de1996, se sont étendues sur trois ans, et ontété suivies de l’amorce d’une nouvelleronde d’allègements. Ces politiques fiscalesdu gouvernement Harris ont donné lieu àune forte croissance économique: la crois-sance réelle du PIB ontarien a atteint 4,5%en 1997, 4,8% en 1998, 7,5% en 1999 et 5,6%en 200019.

Comme le montre la Figure 3, les recet-tes de l’impôt sur le revenu des particuliers,qui étaient de 17,3 milliards de dollars en1996 (le premier budget du gouvernementHarris concernait l’exercice 1997)20, attei-gnaient 19,8 milliards de dollars en 2001,soit une croissance réelle de 14,4% en cinqans. Entre 1996 et 2000, ces recettes ont crûde 2,8% par année, en comparaison d’unecroissance annuelle de 1,3% au cours desquatre années précédentes. (L’exercice àpartir duquel les mesures se sont fait sentir,1997, est indiqué par un trait vertical.) Onvoit nettement sur le graphique que lesrecettes de l’impôt sur le revenu des particu-liers ont augmenté plutôt que diminué à la

suite de la réforme. (Elles ont évidemmentaugmenté encore davantage en dollars cou-rants.) On peut conjecturer que la réduc-tion des taux marginaux supérieurs a sti-mulé la croissance, augmenté le revenuimposable des riches et financé une partiede la réforme fiscale.

La Figure 4 montre l’évolution desdépenses et recettes totales du gouverne-ment ontarien en dollars constants. Onconstate que le gouvernement Harris a équi-libré les finances publiques de l’Ontario en1999-2000, soit un an plus tôt que prévu.Par conséquent, il est bien clair que les cou-pures d’impôt n’ont pas compromis l’équi-libre budgétaire. En fait, on voit clairementque le gouvernement Harris a éliminé le

Institut économique de Montréal 17

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Figure 3Taux marginal maximum et recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers

en Ontario, 1992-2001 (en milliards de dollars constants de 1997)

Sources: Statistique Canada, CANSIM, Tableau 385-0002, selon le Système de gestion financière; et tableau 384-0036 pour l’indice implicite des prix du PIB; Association canadienne d’études fiscales (2003) pour les taux margi-naux maximum.

Le gouvernement Harrisa éliminé le déficit da-

vantage par l’augmenta-tion des recettes (malgré lescoupures d’impôt) que parla réduction des dépenses,qui ont continué de progres-ser.

19. Gouvernement de l’Ontario (2003).20. Selon la convention canadienne, nous désignons ici l’exercice financier par l’année où il se termine (le 31 mars): ainsi, 1996 est

l’exercice 1995-96.

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18 Institut économique de Montréal

déficit davantage par l’augmentation desrecettes (malgré les coupures d’impôt) quepar la réduction des dépenses, qui ont conti-nué de progresser. Le gouvernement deMike Harris a quand même mieux réussi àcontrôler l’augmentation des dépenses quele gouvernement de Ronald Reagan durantla décennie précédente.

Les bienfaits économiques d'une réduction de l'impôt sur le revenu

Figure 4Recettes et dépenses de l’administration publique provinciale ontarienne, 1992-2001

(en millards de dollars constants de 1997)

Sources: Statistique Canada, CANSIM, Tableau 385-0002, selon le Système de gestion financière; et tableau 384-0036 pour l’in-dice implicite des prix du PIB.

Au-delà des effets positifsd’une réduction géné-

rale, c’est une réduction destaux marginaux supérieursqui entraînera les effets lesplus considérables, autantdu point de vue de la répar-tition du fardeau fiscal quedu point de vue de l’équi-libre budgétaire.

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5. Conclusion: une solution gagnante

Le fardeau fiscal des Québécois, notam-ment l’impôt sur le revenu des particuliers,est beaucoup trop lourd, à la fois au cha-pitre de l’impôt total payé et à celui de laprogressivité des taux marginaux. Ceux-cinon seulement atteignent un niveau plusélevé que partout ailleurs au Canada, maisils atteignent ce niveau à des seuils de reve-nu plus bas que partout ailleurs dans lespays du G-7.

Il est donc impératif pour la prospéritéfuture du Québec que le gouvernementtienne sa promesse de réduire l’impôt sur lerevenu d’un milliard de dollars par annéedurant cinq ans – a fortiori si ce n’est quepour empêcher les augmentations annuel-les presque automatiques. La seule ques-tion qui se pose vraiment est de savoir com-ment procéder à cette réduction.

Le gouvernement peut réduire l’assiette(majoration des crédits d’impôts ou desdéductions du revenu) ou modifier lebarème (réduction des taux marginaux ouaugmentation des seuils de revenu impo-sable). Les résultats de la présente recherchesuggèrent qu’au-delà des effets positifsd’une réduction générale, c’est une réduc-tion des taux marginaux supérieurs quientraînera les effets les plus considérables,autant du point de vue de la répartition dufardeau fiscal que du point de vue de l’équi-libre budgétaire. En effet, la théorie écono-mique tout autant que les expériences histo-riques indiquent qu’une réduction des tauxmarginaux exerce sur les incitations deseffets tels que le dynamisme économique,de même que la hausse des revenus impo-sables déclarés, compensent au moins enpartie pour la réduction des taux. Ainsi, lesrecettes fiscales ne diminuent pas autantque le laisserait prévoir une applicationmécanique des nouveaux taux à une as-siette fiscale inchangée.

En fait, il est vraisemblable que la ré-duction des taux marginaux qui frappentles plus riches engendrera un accroissement

de l’assiette fiscale qui fera plus que com-penser pour cette réduction des taux et,donc, que les recettes fiscales sur les tran-ches de revenus supérieures augmenteront.En réduisant toute l’échelle des taux, y com-pris le taux maximum, on pourrait financerune partie de la réduction du fardeau fiscalde la classe moyenne grâce à l’augmenta-tion relative de la contribution des plusriches.

Le gouvernement priverait les Québé-cois d’une croissance économique plus viveet se priverait de recettes si la réforme pro-mise se limitait à alléger le fardeau fiscal dequelques catégories spécifiques de contri-buables, qu’il s’agisse des familles de laclasse moyenne ou de ceux qui en paientdéjà le moins. Il est important de réduireégalement les taux supérieurs de l’impôtsur le revenu. Cela est nécessaire non seule-ment parce qu’ils frappent des revenussomme toute modestes (si l’on prendl’exemple d’une famille de quatre person-nes dont le revenu se situe juste au-dessusdu seuil de 53 405$ à partir duquel le tauxmarginal supérieur s’applique), mais aussiparce qu’ils engendrent des incitations trèsperverses: les gens n’ont pas intérêt à deve-nir riches ou, s’ils le deviennent, ils sontpoussés à réduire, légalement ou non, leurrevenu imposable. L’OCDE admet que«[si] l’on maintient des taux marginaux éle-vés d’imposition […], le système fiscal perdde son efficacité sans y gagner beaucoup enéquité»21.

Il est temps d’aller de l’avant avec uneréforme fiscale au Québec. Tout le monde ygagnera. C’est la timidité dans la réductiondes impôts qui risque de faire mal.

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Il est temps d’aller del’avant avec une réforme

fiscale au Québec. Tout lemonde y gagnera. C’est la ti-midité dans la réductiondes impôts qui risque defaire mal.

21. OCDE (2002), p. 197.

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Note biographique

Norma Kozhaya,économiste,

Institut économique de Montréal

Norma Kozhaya est économiste àl’Institut économique de Montréal(IEDM). Elle détient un Ph.D. en scienceséconomiques de l’Université de Montréal(spécialisation en macro-économiqueinternationale et finances publiques). Sesintérêts de recherche se concentrent sur lesquestions de taxation et de dépensespubliques. Elle est chargée de cours àl’Université de Montréal. Elle a aussicontribué à des travaux de recherche avecdes professeurs du Centre de recherche etde développement en économique(CRDE) et du Département de scienceséconomiques de l’Université de Montréal.

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