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Page 1 sur 22 Licence 1 - Introduction au droit privé 2021/2022 Cours de Monsieur Nicolas Anciaux (Groupe 2) Semaine de TD : du 29 novembre au 4 décembre et du 6 au 11 décembre SEANCE N° 9-10 : NOTIONS FONDAMENTALES DU DROIT PRIVE / LA PREUVE DES DROITS SUBJECTIFS Indications générales sur la séance Cette fiche a vocation à couvrir les deux dernières séances de travaux dirigés. L’idée est, pour vous, dans un premier temps, pour la semaine du 29 novembre au 4 décembre, de lire intégralement la fiche et tous ses documents. Il s’agit de vous familiariser avec des notions fondamentales du droit privé que vous retrouverez tout au long de vos études de Droit : la personnalité juridique, le patrimoine, les droits subjectifs, les actes juridiques, les faits juridiques, la preuve. L’enchaînement des thèmes dans cette fiche est volontaire. Il s’agira tout d’abord de voir la personnalité juridique, dont le bénéfice conduit nécessairement à être titulaire d’au moins un patrimoine (si ce n’est plus avec les patrimoines d’affectation). Ensuite, différentes classifications des droits subjectifs sont présentées, notamment la classification droits subjectifs patrimoniaux (qui se rattachent donc au « patrimoine ») / droits subjectifs extrapatrimoniaux. Les évènements conduisant à l’attribution d’un droit subjectif à une personne sont également introduits (actes juridiques / faits juridiques). Enfin, le régime juridique des droits subjectifs fait l’objet d’une subdivision. Enfin, la dernière partie de la fiche concerne la preuve des droits subjectifs. Durant la semaine du 29 novembre au 4 décembre, vos chargés de travaux dirigés reviendront sur ces notions fondamentales. Ils répondront à vos questions et vous aideront à mieux comprendre ces différentes notions qui peuvent apparaître complexes au premier abord. Aucun autre exercice ne vous est demandé durant cette semaine : il s’agit simplement de lire la fiche et tous ses documents et de préparer des questions à vos chargés de travaux dirigés. Pour la semaine suivante, du 6 au 11 décembre, vous aurez à réaliser 2 exercices : un cas pratique et un commentaire d’arrêt. Ils porteront sur des thèmes présents dans cette fiche.

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Licence 1 - Introduction au droit privé 2021/2022

Cours de Monsieur Nicolas Anciaux (Groupe 2) Semaine de TD : du 29 novembre au 4 décembre et du 6 au 11 décembre

SEANCE N° 9-10 : NOTIONS FONDAMENTALES DU DROIT PRIVE / LA PREUVE DES DROITS SUBJECTIFS

Indications générales sur la séance Cette fiche a vocation à couvrir les deux dernières séances de travaux dirigés. L’idée est, pour vous, dans un premier temps, pour la semaine du 29 novembre au 4 décembre, de lire intégralement la fiche et tous ses documents. Il s’agit de vous familiariser avec des notions fondamentales du droit privé que vous retrouverez tout au long de vos études de Droit : la personnalité juridique, le patrimoine, les droits subjectifs, les actes juridiques, les faits juridiques, la preuve. L’enchaînement des thèmes dans cette fiche est volontaire. Il s’agira tout d’abord de voir la personnalité juridique, dont le bénéfice conduit nécessairement à être titulaire d’au moins un patrimoine (si ce n’est plus avec les patrimoines d’affectation). Ensuite, différentes classifications des droits subjectifs sont présentées, notamment la classification droits subjectifs patrimoniaux (qui se rattachent donc au « patrimoine ») / droits subjectifs extrapatrimoniaux. Les évènements conduisant à l’attribution d’un droit subjectif à une personne sont également introduits (actes juridiques / faits juridiques). Enfin, le régime juridique des droits subjectifs fait l’objet d’une subdivision. Enfin, la dernière partie de la fiche concerne la preuve des droits subjectifs. Durant la semaine du 29 novembre au 4 décembre, vos chargés de travaux dirigés reviendront sur ces notions fondamentales. Ils répondront à vos questions et vous aideront à mieux comprendre ces différentes notions qui peuvent apparaître complexes au premier abord. Aucun autre exercice ne vous est demandé durant cette semaine : il s’agit simplement de lire la fiche et tous ses documents et de préparer des questions à vos chargés de travaux dirigés. Pour la semaine suivante, du 6 au 11 décembre, vous aurez à réaliser 2 exercices : un cas pratique et un commentaire d’arrêt. Ils porteront sur des thèmes présents dans cette fiche.

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Documents

I. La personnalité juridique

A. La personnalité juridique des personnes physiques Doc. n° 1 : Cass. ass. plén., 29 juin 2001, pourvoi n° 99-85.973 : Bull. Ass. plén. n° 8 ; D. 2001, p. 2917 et s., note Y. MAYAUD ; JCP G 2001, II, 10569, rapp. P. SARGOS, concl. J. Sainte-Rose, note M.-L. RASSAT. LA COUR, Sur les deux moyens réunis du procureur général près la cour d'appel de Metz et de Mme X... : Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui conduit par Mme X..., enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des suites du choc le foetus qu'elle portait ; que l'arrêt attaqué (Metz, 3 septembre 1998) a notamment condamné M. Z... du chef de blessures involontaires sur la personne de Mme X..., avec circonstance aggravante de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, mais l'a relaxé du chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, l'article 221-6 du Code pénal réprimant le fait de causer la mort d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable, qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et alors que, d'autre part, le fait de provoquer involontairement la mort d'un enfant à naître constitue le délit d'homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n'aurait pas respiré lorsqu'il a été séparé de la mère, de sorte qu'auraient été violés les articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le foetus ; D'où il suit que l'arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le moyen ; Par ces motifs : REJETTE le pourvoi.

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Explication de l’arrêt par rapport au thème

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que l’enfant à naître n’est pas une personne à l’occasion d’un arrêt du 29 juin 2001, qui a d’ailleurs été confirmé (c’est-à-dire que la solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt a été reprise dans un arrêt ultérieur).

Les faits ayant conduit à cette décision de la Cour de cassation sont les suivants : le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par une personne entre en collision avec un véhicule conduit par une femme enceinte de 6 mois. La femme est blessée suite à l’accident et a perdu, des suites de cette collision, l’enfant qu’elle portait.

Le conducteur du véhicule à l’origine de la collision a été condamné, dans un premier temps (devant une juridiction du premier degré) du chef de blessure involontaire sur la personne de la femme mais il a été relaxé (c’est-à-dire que sa responsabilité pénale n’a pas été engagée,) du chef d’atteinte involontaire à la vie de l’enfant à naître.

Finalement le contentieux arrive jusqu’à la Cour de cassation et la question de droit (c’est-à-dire le problème de droit au cœur du conflit entre les parties) est le suivant : est-ce que l’article L. 221-6 du Code pénal est applicable à une personne qui cause la « mort » d’un embryon ?

Voici l’article L. 221-6 du Code pénal : « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende »

Tout le problème est donc de savoir ce que l’on entend par « autrui » au sens de l’article L. 221-6 du Code pénal. Et la réponse de la Cour de cassation est assez claire : l’enfant à naître n’est pas susceptible d’être ce « autrui » dont parle l’article L. 221-6 du Code pénal. Pourquoi ? Car autrui est considéré par la Cour de cassation comme faisant référence à une entité détentrice de la personnalité juridique.

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B. La personnalité juridique des personnes morales Doc. n° 2 : Cass. 2ème civ., 28 janv. 1954 "#$ Allez lire obligatoirement à l’aide vos identifiants Paris 1, le commentaire de cet arrêt dans les Grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 1 (par H. CAPITANT, F. TERRE, Y. LEQUETTE, Dalloz, 13ème éd., 2015, p. 134 s., comm. 19-20) "#$. Sur le moyen unique pris en sa seconde branche : Vu les articles 1er paragraphe 2 et 21 de l'ordonnance législative du 22 février 1945, 1er du décret du 2 novembre 1945 ; Attendu que la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés ; Que, si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au contraire, implicitement mais nécessairement, l'existence en faveur d'organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d'être déduits en justice ; Attendu qu'après avoir, en son article 1er, institué des comités d'entreprises dans toutes les entreprises qu'elle énonce, l'ordonnance susvisée dispose : "le comité d'entreprise coopère avec la direction à l'amélioration des conditions collectives du travail et de vie du personnel, ainsi que des règlements qui s'y rapportent" ; "Le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les oeuvres sociales établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leurs familles ou participe à cette gestion ... dans les conditions qui seront fixées par un décret pris en Conseil d'Etat" ; "Le décret déterminera notamment les règles d'octroi et l'étendue de la personnalité civile des comités d'entreprises" ; Attendu que l'article 21 de la même ordonnance est ainsi conçu : "Dans les entreprises comportant des établissements distincts, il sera créé des comités d'établissements dont la composition et le fonctionnement seront identiques à ceux des comités d'entreprises définis aux articles ci-dessus, qui auront les mêmes attributions que les comités d'entreprises dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; "Le comité central d'entreprise sera composé de délégués élus des comités d'établissements" ; Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action intentée contre le sieur X..., en remboursement du prix d'un marché de vêtements prétendu non exécuté par le Comité d'établissement de Saint-Chamond de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt, représenté par son Président, le sieur Y..., l'arrêt attaqué énonce qu'un groupement n'a la personnalité civile que si celle-ci lui a été expressément attribuée ; que le silence de la loi relativement aux comités d'établissements dans une matière ou une disposition expresse est indispensable ne peut s'interpréter que comme étant l'expression de la volonté de n'attribuer la personnalité civile qu'aux seuls comités d'entreprises, l'existence et le fonctionnement des comités d'établissements devant se confondre avec la personnalité des comités centraux d'entreprises et les comités d'établissements ne pouvant contracter ou agir en justice que par l'intermédiaire de ces derniers ; Mais, attendu que, d'après l'article 21 précité, la composition et le fonctionnement des comités d'établissements sont identiques à ceux des comités d'entreprises et ont les mêmes attributions que ces derniers dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; Et attendu que si les dispositions de l'article 1er du décret du 2 novembre 1945, prises en application de l'article 2, alinéa 2 de l'ordonnance législative, ne visent expressément que les comités d'entreprises, elles impliquent nécessairement reconnaissance de la personnalité civile des comités d'établissements,

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celle-ci n'étant pas moins indispensable à l'exercice d'attributions et à la réalisation de buts identiques, dans le champ d'action qui leur est dévolu par ladite ordonnance elle-même ; D'où il suit qu'en déclarant, pour les motifs qu'elle a admis, l'action dudit comité d'établissement irrecevable, la Cour d'appel a faussement appliqué, et par suite, violé les articles invoqués au moyen ; PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Lyon, le 30 octobre 1950, et les renvoie devant la Cour d'Appel de Riom.

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II. Le patrimoine

A. La théorie classique du patrimoine d’Aubry et Rau Doc. n° 3 : C. AUBRY, C. RAU, Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, tome 6, LGDJ, 4ème éd., 1873, p. 229 et s., § 573 et s.

§573 Notion du patrimoine

« Le patrimoine est l’ensemble des biens d’une personne envisagé comme formant une universalité de droit. 1° L’idée du patrimoine se déduit directement de celle de la personnalité. Quelle que soit la variété des objets sur lesquels l’homme peut avoir des droits à exercer, quelle que soit la diversité de leur nature constitutive, ces objets, en tant que formant la matière des droits d’une personne déterminée, n’en sont pas moins soumis au libre arbitre d’une seule et même volonté, à l’action d’un seul et même pouvoir juridique ; ils constituent, par cela même, un tout juridique (universum jus). Le patrimoine étant de nature purement intellectuelle, les éléments dont il se compose doivent revêtir le même caractère. Les objets extérieurs sur lesquels portent les droits d’une personne, ne forment point des parties intégrantes de son patrimoine, en eux-mêmes, et sous le rapport de leur nature constitutive, mais à titre de biens, et sous le rapport de l’utilité qu’ils sont susceptibles de procurer. En cette qualité, ces objets se ramènent tous à l’idée commune d’une valeur pécuniaire. 2° En pure théorie, le patrimoine comprend tous les biens indistinctement, et notamment les biens innés, et les biens à venir. Le Droit français s’est conformé à cette théorie en ce qui concerne les biens à venir, qui, ainsi que cela ressort nettement des art. 1270, 2092, 2122 et 2123, sont regardés comme virtuellement compris dans le patrimoine, dès avant que de fait ils y soient entrés. Mais il s’en est écarté en ce qui touche les biens innés. Tout en considérant, comme des parties intégrantes du patrimoine, les actions auxquelles peuvent donner ouverture les lésions causées à de pareils biens, notre Droit n’y comprend cependant pas ces biens eux-mêmes, tant qu’ils n’ont pas éprouvé quelque lésion. Il y a mieux : les droits de puissance envisagés comme tels, et indépendamment des avantages pécuniaires qui peuvent y être attachés, ne sont pas non plus, d’après notre Code, à regarder comme faisant partie du patrimoine. 3° Le patrimoine, considéré comme ensemble de biens ou de valeurs pécuniaires, exprime lui-même, en définitive, l’idée d’une pareille valeur. Pour en déterminer la consistance, il faut, de toute nécessité, déduire le passif de l’actif. La circonstance toutefois que le passif surpasserait l’actif ne ferait pas disparaître l’existence du patrimoine, qui comprend les dettes comme il comprend les biens. 4°Le patrimoine étant une émanation de la personnalité, et l’expression de la puissance juridique dont une personne se trouve investie comme telle, il en résulte : Que les personnes physiques ou morales peuvent seules avoir un patrimoine ;

Que toute personne a nécessairement un patrimoine, alors même qu’elle ne posséderait actuellement aucun bien Que la même personne ne peut avoir qu’un seul patrimoine, dans le sens propre du mot ».

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B. La théorie moderne des patrimoines d’affectation

Doc. n° 4 : F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les biens, Dalloz, 10ème éd., 2018, p. 30-31, n° 23.

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Explication sur le patrimoine d’affectation

Le droit positif dément qu’une personne ne puisse pas avoir plus d’un patrimoine. Si la personne a toujours nécessairement au moins un patrimoine, exceptionnellement, elle peut en avoir d’autres : c’est ce qu’on appelle un « patrimoine d’affectation ». Cette notion de patrimoine d’affectation est d’origine allemande. Qu’est-ce qu’un patrimoine d’affectation ? Il s’agit d’une masse de biens structurée autour de la réalisation d’un, ou plusieurs, intérêts spécifiques. C’est l’exemple de la fiducie, ou encore de l’EIRL (Entreprise individuelle à responsabilité limitée, à ne pas confondre avec l’EURL qui est une personne morale). La particularité des patrimoines d’affectation est qu’une ou plusieurs personnes affectent des biens à la réalisation d’un intérêt (l’exploitation d’un bien par exemple ou sa conservation) mais que la propriété des biens n’appartient pas au « patrimoine d’affectation » (cela reviendrait à avoir un « patrimoine » sans sujet de droit ce qui apparaît, logiquement impossible) mais demeure aux personnes qui l’ont constitué.

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III. Les droits subjectifs

A. Les classifications des droits subjectifs

1. La distinction droit patrimonial / droit extrapatrimonial Doc. n° 5 : P. MALINVAUD, Introduction à l’étude du droit, LexisNexis, 20ème éd., p. 317, n° 351. « 351. – Droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux. La classification des droits permet de dresser un panorama des divers droits dont on peut être titulaire. La grande classification est celle qui oppose les droits patrimoniaux aux droits extrapatrimoniaux, le critère de distinction reposant sur la possibilité d’une évaluation pécuniaire du droit considéré. Les premiers, appréciables en argent, ont une valeur pécuniaire, et, à ce titre, entrent dans le patrimoine de la personne ; tel est le cas du droit de propriété (qui porte sur des choses) et du droit de créance (qui s’exerce à l’encontre d’une personne, le débiteur). Ils constituent donc des biens, et, de ce fait, ils sont transmissibles (à un acquéreur ou à un successeur) et saisissables par les créanciers ; le plus souvent ils sont également prescriptibles, malgré l’exception remarquable du droit de propriété qui ne s’éteint pas par le non-usage. Ainsi, le droit à dommage-intérêts d’une victime, destiné à l’indemniser de ses dommages matériels ou de son incapacité de travail, est un droit patrimonial. À l’inverse, les droits extrapatrimoniaux ne représentent pas en eux-mêmes une valeur pécuniaire, même si, en définitive, ils peuvent entraîner des conséquences pécuniaires, si bien qu’à cet égard ils présentent une certaine ambiguïté. Ainsi peut-on dire pour faire image que le droit à l’honneur n’a pas de prix ; et de même du droit au respect de la vie privée, bien que leur violation soit en général sanctionnée par une condamnation à dommages-intérêts. Sans qu’il y ait une opposition absolue entre droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux, il y a néanmoins une différence bien réelle, notamment de régime juridique ; c’est ainsi qu’à l a différence des droits patrimoniaux, les droits extrapatrimoniaux sont intransmissibles, insaisissables et imprescriptibles ».

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2. La distinction des droits réels et des droits personnels Doc. n° 6 : J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, Traité de droit civil (dir. J. GHESTIN), Introduction générale, LGDJ, 3ème éd., 1990, p. 173 s., n° 213 s. II. – La distinction des droits réels, des droits de créance, des droits intellectuels et des droits de la personnalité 213. – Droits ayants pour objet des choses (droits réels). Les droits réels sont ceux qui portent sur des biens matériels, des choses (en latin : res, d’où l’expression « droit réel »). Le sujet bénéficie de certains pouvoirs qu’il peut exercer sur la chose objet de son droit. Le droit réel par excellence est la propriété. C’est en effet le droit au contenu le plus vaste possible. Sous réserve de respecter les lois et règlements, le propriétaire a tous les pouvoirs. Il en résulte qu’il n’y a pas de place à côté de la propriété pour d’autres droits réels sur une chose déterminée. Tout droit au contenu plus restreint est nécessairement retranché du droit de propriété ayant le même objet. On dit que la propriété est « démembrée » : elle est éclatée et ne peut plus subsister dans sa plénitude. Généralement, les éléments de base du droit originaire demeurent toutefois identifiables, de sorte que la propriété a vocation à se reconstituer pleine et entière autour de ce « noyau central », par extinction des droits qui s’en étaient détachés. (…) 214. – Droits ayant pour objet l’activité d’une personne (droits de créance). Les droits de créance ont pour objet la personne du débiteur ou, du moins, l’activité de celui-ci (ils sont parfois désignés par l’expression : « droits personnels »). En effet, le pouvoir d’exiger dont est investi le créancier est dirigé contre une autre personne. Alors que le droit réel met en contact le sujet avec une chose sur laquelle il peut exercer ses prérogatives, le droit de créance met son titulaire en contact avec le débiteur contre lequel il fera valoir ses pouvoirs. La situation du débiteur n’est certes pas analogue à celle de la chose sur laquelle porte un droit réel. D’une part, le créancier ne saurait avoir tous pouvoirs sur une personne ; il n’existe pas de droit de créance correspondant au droit de propriété sur une chose : la dignité de l’homme s’y oppose. D’autre part, le débiteur n’est pas un « objet » passif. Le droit de créance tend à courber sa volonté pour obtenir de lui l’exécution d’une prestation. Mais il n’en résulte pas un assujettissement physique de la personne. La sanction de l’inexécution de l’obligation se fait sur les biens du débiteur. De la sorte, le droit de créance qui atteinte directement la personne, porte indirectement sur l’actif du patrimoine du débiteur. Il est classique de dire que les droits réels, par leur opposabilité à quiconque, sont absolus, tandis que les droits de créance, qui sont dirigés contre une personne déterminée, sont relatifs. L’observation n’est qu’approximativement exacte. Il est vrai que le sujet d’un droit réel peut imposer à tous le respect de la zone de pouvoirs qui lui est réservée et que c’est de cette façon que se traduit la relation sociale qu’exprime ce droit ; au contraire, le titulaire d’un droit de créance ne peut exiger que du seul débiteur l’exécution d’une prestation et c’est là, pour le créancier, la relation sociale essentielle résultant de son droit. Mais il ne faut pas exagérer l’importance de cette différence. Comme tous les droits subjectifs, le droit de créance doit être respecté par autrui ; il est opposable à tous, en ce sens que l’existence du pouvoir dont est investi le créancier contre le débiteur s’impose aux tiers : l’atteinte portée par eux au droit du créancier serait sanctionnée. Mais à cette opposabilité générale s’ajoute la relation particulière avec le débiteur et celle-ci est relative. On dit encore souvent qu’à la différence des droits réels, les droits de créance ne comportent ni droit de suite ni droit de préférence. La remarque est juste, mais il faut en comprendre la portée.

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Ce que l’on vise par-là n’est plus le pouvoir d’exiger l’exécution d’une prestation, mais le pouvoir qui s’établit, au second degré, sur les biens du débiteur en cas d’inexécution. Parce que la créance est un droit contre une personne, c’est seulement en tant qu’ils appartiennent à cette personne que les biens figurant à l’actif du patrimoine de celle-ci répondent de ses dettes. Le créancier n’a aucun droit particulier sur un bien déterminé du débiteur. Il peut seulement saisir les biens dont celui-ci est titulaire au moment où il pratique la saisie (absence de droit de suite) et tous les créanciers, ayant le même pouvoir, sont en concurrence pour l’exercer (absence de droit de préférence). À cet égard, la comparaison avec le droit réel est donc intéressante au point de vue pratique, mais elle est quelque peu trompeuse car les deux termes de la comparaison ne se situent pas sur le même plan : il s’agit de l’opposabilité du droit lui-même dans un cas, et de la sanction du droit dans le second.

B. Les évènements générateurs de droits subjectifs Doc. n° 7 : articles 1100-1 et 1100-2 du Code civil

C. civ., art. 1100-1 : « Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux ».

C. civ., art. 1100-2 : « Les faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit ».

Il existe, schématiquement, deux types d’évènements générateurs de droits subjectifs : les actes juridiques (C. civ., art. 1100-1) et les faits juridiques (C. civ., art. 1100-2). Par exemple, suite à la conclusion d’un contrat de vente, une personne va devenir titulaire d’un droit de propriété sur la chose en question. Ici c’est bien l’acte juridique qu’est le contrat de vente qui va générer un droit subjectif. A la suite d’un simple accident en pleine rue où une personne, sans faire attention, casse un téléphone portable d’une autre personne, un droit subjectif va naître : la personne dont le téléphone portable vient d’être cassé devient titulaire par ce fait (l’accident) d’un droit de créance tandis que la personne qui a cassé le téléphone devient débitrice et doit ???? Doc. complémentaire : P. MALINVAUD, Introduction à l’étude du droit, LexisNexis, 20ème éd., p. 417 s., n° 455 s. "#$ document disponible sur l’EPI "#$.

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C. Le régime des droits subjectifs

Doc. n° 8 : Cass. req. 3 août 1915, Coquerel c. Clément-Bayard. Allez lire, obligatoirement le commentaire réalisé dans les Grands arrêts de la Jurisprudence Civile, tome 1 (par H. CAPITANT, F. TERRE, Y. LEQUETTE, Dalloz, 13ème éd., 2015, p. 420 s., comm. 69). "#$ disponible via vos identifiants Paris 1 sur le site Dalloz livres électroniques "#$. MOYEN DE CASSATION : Violation des articles 544 et suiv. et 552 du code civil, des règles du droit de propriété, violation par fausse application des articles 1382 et suiv. du code civil, violation de l'article 7 de la loi du 20 Avril 1810, défaut de motifs et de base légale, En ce que d'une part, l'arrêt attaqué a considéré comme un abus du droit de propriété le fait par un propriétaire de construire sur son terrain une clôture élevée, destinée à empêcher le propriétaire du fonds voisin de pénétrer chez lui ou de tirer de son fonds un usage quelconque destiné à rendre sa jouissance plus commode, sous le prétexte que cette construction avait été faite uniquement dans une intention malveillante, alors qu'un propriétaire a le droit absolu de construire sur son terrain tels ouvrages de défense ou de clôture qu'il lui plait pour éviter toute incursion sur son terrain, et qu'il ne peut y avoir abus de droit que si le propriétaire exécute chez lui, sans aucun profit pour lui- même, un acte qui apporte un trouble au propriétaire du fonds voisin restant dans les limites de sa propriété, ce qui n'était aucunement le cas. Et en ce que d'autre part, l'arrêt n'a rien répondu à la théorie de droit ainsi formulée dans le dispositif des conclusions d'appel. PAR CES MOTIFS et tous autres à produire, déduire ou suppléer, l'exposant conclut à ce qu'il plaise à la Cour de Cassation : Casser l'arrêt attaqué avec toutes les conséquences de droit. LA COUR : Sur le moyen de pourvoi pris de la violation des articles 544 et suivants, 552 et suivants du code civil, des règles du droit de propriété et plus spécialement du droit de clore, violation par fausse application des articles 1388 et suivants du code civil, violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et de base légale. Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Coquerel a installé sur son terrain attenant à celui de Clément-Bayard, des carcasses en bois de seize mètres de hauteur surmontées de tiges de fer pointues ; que le dispositif ne présentait pour l'exploitation du terrain de Coquerel aucune utilité et n'avait été érigée que dans l'unique but de nuire à Clément-Bayard, sans d'ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l'article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes ; que, dans cette situation des faits, l'arrêt a pu apprécier qu'il y avait eu par Coquerel abus de son droit et, d'une part, le condamner à la réparation du dommage causé à un ballon dirigeable de Clément-Bayard, d'autre part, ordonner l'enlèvement des tiges de fer surmontant les carcasses en bois. Attendu que, sans contradiction, l'arrêt a pu refuser la destruction du surplus du dispositif dont la suppression était également réclamée, par le motif qu'il n'était pas démontré que ce dispositif eût jusqu'à présent causé du dommage à Clément-Bayard et dût nécessairement lui en causer dans l'avenir.

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Attendu que l'arrêt trouve une base légale dans ces constatations ; que, dûment motivé, il n'a point, en statuant ainsi qu'il l'a fait, violé ou faussement appliqué les règles de droit ou les textes visés au moyen. Par ces motifs, rejette la requête, condamne le demandeur à l'amende. Ainsi fait jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre des Requêtes, en son audience publique du trois août mil neuf cent quinze.

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Doc. n° 9 : Cass. 3ème civ., 3 mars 2010, n° 08-19.108 ; Bull. civ. III, n° 53.

Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 juin 2008) que les époux X..., propriétaires d'un terrain à proximité d'une source d'eaux minérales naturelles exploitée par la Société d'économie mixte Vals (la SEM) ont fait réaliser courant 2001 un forage pour l'arrosage de leur jardin ; que la SEM les a assignés en fermeture de ce forage, en se prévalant d'une violation du principe de précaution et d'un abus du droit de propriété ; Attendu que la SEM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen : (…) 2° / que le droit du propriétaire de capter sur son fonds les eaux souterraines qui s'y infiltrent ou s'écoulent dans son héritage dégénère en abus lorsque, agissant sans utilité pour lui-même, ce forage est susceptible de porter atteinte à la qualité d'une eau minérale naturelle destinée à la consommation humaine et exploitée depuis plus de cent ans ; qu'en jugeant que la réalisation du forage litigieux n'était pas constitutive d'un abus de leur droit de propriété par les époux X..., bien que l'expert ait constaté l'improductivité de ce forage dont il a préconisé la fermeture en application du principe de précaution, la cour d'appel a violé les articles 552 et 642 du code civil ; (…) Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a retenu que la valeur d'un forage à productivité réduite relevait de la seule appréciation des époux X... et qu'il ne résultait de ce forage ni absence d'utilité, ni intention de nuire, ni dommage causé à la SEM, a pu en déduire qu'aucun abus du droit de propriété n'était établi ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

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IV. La preuve (principes généraux)

A. La charge de la preuve Doc. n° 10 : article 1353 du Code civil.

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Doc. n° 10 : Civ. 1re , 21 mars 2006, n° 04-20.639 ; Bull. civ. I, n° 166.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Vu l'article 1315 du Code civil ; Attendu que, se prétendant créancière à l'égard de Mme X... de la somme de 4 698,41 euros, solde du prix de travaux de construction d'un caveau, que celle-ci lui avait commandés, la société Roger Bonzom lui a demandé paiement de cette somme ; Attendu que pour accueillir cette demande, à laquelle Mme X... s'opposait en prétendant que, relativement à sa contenance, le caveau construit par la société Roger Bonzom, n'était pas conforme à celui qui lui avait été commandé, la cour d'appel, après avoir constaté que les travaux litigieux n'avaient donné lieu à établissement ni d'un bon de commande, ni d'un devis, énonce que c'est à Mme X..., qui invoque une non-conformité de la chose livrée, qu'il appartient d'établir la consistance exacte de ce qu'elle avait commandé et qu'elle n'apporte pas cette preuve ; Qu'en se déterminant par de tels motifs, alors qu'il incombait à la société Roger Bonzom de prouver que Mme X... avait commandé, ou accepté, les travaux litigieux tels que ceux-ci avaient été exécutés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation du texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;

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Doc. n° 11 : article 1354, al. 2 du Code civil

« La présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d'en rapporter la preuve. Elle est dite simple, lorsque la loi réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout moyen de preuve ; elle est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renversée ou l'objet sur lequel elle peut être renversée ; elle est dite irréfragable lorsqu'elle ne peut être renversée ».

B. Les modes de preuve Doc. n° 12 : articles 1358, 1359 al. 1, 1360, 1362 du Code civil

C. civ., art. 1358 : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen ». C. civ., art. 1359, al. 1 : « L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique ». C. civ., art. 1360 : « Les règles prévues à l'article précédent reçoivent exception en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l'écrit a été perdu par force majeure ». C. civ., art. 1362 : « Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. Peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution. La mention d'un écrit authentique ou sous signature privée sur un registre public vaut commencement de preuve par écrit ».

Doc. n° 13 : Ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.316 (principe de loyauté de la preuve).

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi formé par la société Sony et le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi formé par la société Philips, réunis : Vu l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; Attendu que, sauf disposition expresse contraire du code de commerce, les règles du code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant

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de l'Autorité de la concurrence ; que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 3 juin 2008, Bull. 2008, IV, n° 112), que la société Avantage-TVHA a saisi le Conseil de la concurrence (devenu l'Autorité de la concurrence), de pratiques qu'elle estimait anticoncurrentielles sur le marché des produits d'électronique grand public, en produisant des cassettes contenant des enregistrements téléphoniques mettant en cause les sociétés Philips France et Sony France ; que ces sociétés ont demandé au Conseil de la concurrence d'écarter ces enregistrements au motif qu'ils avaient été obtenus de façon déloyale ; Attendu que pour rejeter leur recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence qui a prononcé une sanction pécuniaire à leur encontre, l'arrêt retient que les dispositions du code de procédure civile, qui ont essentiellement pour objet de définir les conditions dans lesquelles une partie peut obtenir du juge une décision sur le bien-fondé d'une prétention dirigée contre une autre partie et reposant sur la reconnaissance d'un droit subjectif, ne s'appliquent pas à la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence qui, dans le cadre de sa mission de protection de l'ordre public économique, exerce des poursuites à fins répressives le conduisant à prononcer des sanctions punitives ; qu'il retient encore que, devant le Conseil de la concurrence, l'admissibilité d'un élément de preuve recueilli dans des conditions contestées doit s'apprécier au regard des fins poursuivies, de la situation particulière et des droits des parties auxquelles cet élément de preuve est opposé ; qu'il ajoute enfin que si les enregistrements opérés ont constitué un procédé déloyal à l'égard de ceux dont les propos ont été insidieusement captés, ils ne doivent pas pour autant être écartés du débat et ainsi privés de toute vertu probante par la seule application d'un principe énoncé abstraitement, mais seulement s'il est avéré que la production de ces éléments a concrètement porté atteinte au droit à un procès équitable, au principe de la contradiction et aux droits de la défense de ceux auxquels ils sont opposés ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Doc. n° 14 : Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 19-12.058, PB (droit à la preuve), (l’arrêt n’est reproduit que partiellement).

Mme I... M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-12.058 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Petit Bateau, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est 15 rue du lieutenant Pierre Murard, 10000 Troyes, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

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(…) Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2018), Mme M... a été engagée à compter du 1er juillet 2010 en qualité de chef de projet export par la société Petit Bateau. Par lettre du 15 mai 2014, elle a été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité en publiant le 22 avril 2014 sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 présentée exclusivement aux commerciaux de la société. 2. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens : ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes au titre de la rupture du contrat, alors : « 1°/ que l'employeur ne peut accéder aux informations extraites d'un compte Facebook de l'un de ses salariés sans y avoir été autorisé ; qu'il s'ensuit que la preuve des faits invoqués contre un salarié dans une procédure disciplinaire issue de publications figurant sur son compte Facebook privé, rapportée par l'intermédiaire d'un autre salarié de l'entreprise autorisé à y accéder, est irrecevable ; que dans ses conclusions d'appel, la salariée soutenait que la preuve des faits reprochés n'était pas opposable, ces derniers se rapportant à un compte Facebook privé, non accessible à tout public mais uniquement aux personnes que cette dernière avait accepté de voir rejoindre son réseau ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur n'avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d'atteinte à la vie privée, ayant été informé de la diffusion de la photographie litigieuse sur le compte Facebook de la salariée par un des « amis » de la salariée travaillant au sein de la société, sans s'expliquer sur le caractère inopposable, et donc irrecevable, de la preuve invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 et 1353 du code civil, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ; 2°/ que l'employeur ne peut porter une atteinte disproportionnée et déloyale au droit au respect de la vie privée du salarié ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut s'immiscer abusivement dans les publications du salarié sur les réseaux sociaux ; qu'en décidant que l'employeur n'avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d'atteinte à la vie privée quand elle se référait, pour justifier la faute grave, à l'identité et aux activités professionnelles des amis de la

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salariée sur le réseau Facebook, telles que rapportées par l'employeur et dont il considérait qu'ils travaillaient chez des concurrents, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil. » Réponse de la Cour 5. D'abord, si en vertu du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, l'employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, la cour d'appel, qui a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l'employeur par un courriel d'une autre salariée de l'entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme M..., a pu en déduire que ce procédé d'obtention de preuve n'était pas déloyal. 6. Ensuite, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi. 7. La production en justice par l'employeur d'une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n'était pas autorisé à accéder, et d'éléments d'identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée. 8.Cependant, la cour d'appel a constaté que, pour établir un grief de divulgation par la salariée d'une information confidentielle de l'entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l'employeur s'était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l'intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d'activité et qu'il n'avait fait procéder à un constat d'huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l'identité du titulaire du compte. 9.En l'état de ces constatations, la cour d'appel a fait ressortir que cette production d'éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la confidentialité de ses affaires. 10.Le moyen n'est donc pas fondé. (…)

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Méthode du cas pratique L’exercice du cas pratique consiste à résoudre une difficulté pratique dans laquelle se trouvent impliquées des personnes imaginaires. Cet exercice permet de développer l’aptitude de l’étudiant à interpréter une règle de droit et à l’appliquer concrètement pour dégager une solution juridique. La méthode du cas pratique vous a déjà, en partie, été exposée dans la fiche consacrée à la Séance n° 4. En très grande partie donc, la résolution de ce que l’on nomme un « cas pratique » repose sur la réalisation du syllogisme juridique. Le syllogisme juridique est constitué de trois étapes (l’énoncé de la règle de droit / le constat que les faits relèvent de la règle identifiée / l’application aux faits de l’effet juridique prévu par la règle). La résolution d’un cas pratique va se construire donc autour de cette méthode. Mais nous allons ajouter des étapes préalables.

- Étape n°1 : le bref rappel des faits. La première partie de votre cas pratique consiste ainsi à présenter les faits qui vous sont soumis. Il est inutile de recopier l’énoncé ; il faut simplement expliquer avec vos mots ce qu’il s’est passé. Les faits doivent être présentés sobrement, de façon neutre. Souvent, les énoncés des cas pratiques se « perdent » dans les détails. Tenez-vous à l’essentiel dans ce bref rappel des faits ; ne présentez que les faits qui vous semblent être le « cœur » du cas qui vous est soumis.

- Étape n° 2 : la formulation des questions juridiques à résoudre. À la suite de ce bref

rappel des faits, il s’agit maintenant de formuler les questions juridiques qui se posent à vous dans ce cas. Il peut y en avoir une ou plusieurs. S’il y en a plusieurs, il faudra répondre à toutes. Ici, il faut donc identifier, à partir de l’énoncé du cas pratique, les questions juridiques que semblent soulever le cas. Il ne s’agit pas ici de multiplier artificiellement les questions juridiques. Si vous maîtrisez suffisamment votre cours et vos TD, la question (ou les) va apparaître aisément.

- Étape n° 3 : la majeure. Nous rejoignons alors la méthode du syllogisme juridique. Une

fois la question juridique posée, il s’agit de commencer à y répondre. Dans un premier temps, dans la majeure donc, il faut l’énoncer la règle de droit qui vous semble pouvoir permettre la réalisation du cas pratique. Exposez toujours en priorité la règle légale puis, ensuite, une éventuelle règle jurisprudentielle qui viendrait la compléter. Ne recopiez pas l’intégralité d’un article de loi, notamment s’il est long, exposez simplement sa substance en indiquant la numérotation de l’article auquel vous vous référez (sous oublier d’indiquer, le cas échéant, s’il s’agit d’un article en L., R. ou D.). La majeure a ainsi pour objet d’exposer les règles de droit qui vont permettre de réaliser le cas pratique en partant de la règle la plus générale en allant vers la règle la plus particulière.

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Attention n’énoncez que les règles de droit pertinentes pour la résolution du problème juridique. Pour marquer le début de l’étape n°3 (la majeure), vous pouvez commencer cette partie par l’expression « En droit, … ».

- Étape n° 4, la mineure : Il s'agit ici de confronter les faits du cas pratique avec les règles

juridiques dégagées dans la majeure afin de répondre à la question juridique formulée en étape n° 2. La considération fondamentale à garder à l'esprit est que la mineure est argumentative et non descriptive. Autrement dit, il s'agit de justifier pourquoi, selon vous, telle ou telle condition n'est pas remplie en l'espèce ou, au contraire, est caractérisée. Vous ne pouvez vous limiter à affirmer, il faut argumenter. Cette étape est souvent négligée par les étudiants. Elle est pourtant fondamentale. Souvent les faits du cas pratique soumis ne sont pas exhaustifs, ou volontairement flous pour, précisément, que vous discutiez de l’application des règles dégagées dans la majeure à l’espèce dans la mineure.

Si vous estimez qu'il manque un élément de fait (voire plusieurs) permettant de vérifier l'ensemble des conditions juridiques, n'hésitez pas à le souligner et à émettre des hypothèses.

Pour marquer le début de l’étape n° 4 (la mineure), vous pouvez commencer cette partie par l’expression « En l’espèce, … ».

- Étape n° 5 , la conclusion : en quelques mots, vous concluez en répondant directement à

la question juridique posée. Cette étape est très courte mais nécessaire. Elle est la suite logique de la mineure.

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Exercices à réaliser

"#$ Ces exercices sont à réaliser pour la semaine du 6 au 11 décembre "#$ 1°/ Commentaire d’arrêt Vous réaliserez le commentaire d’arrêt du document n° 9 (Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 19-12.058), tel qu’il a été reproduit dans votre fiche. 2°/ Cas pratique Après avoir lu la méthode du cas pratique, en vous aidant de votre cours et de manuels, vous traiterez le cas pratique suivant. Marie a prêté 50 000 euros à son frère Henri. Mais lorsqu’elle lui demande de la rembourser, celui-ci lui répond qu’il pensait qu’elle lui avait donnée cette somme et que de toutes les façons, à supposer même qu’il s’agisse d’un prêt, elle ne dispose d’aucune preuve pour l’établir. Marie et Henri n’ont en effet pas conclu le contrat pas écrit mais seulement verbalement au cours d’un dîner. Cependant, Henri après avoir reçu la somme a écrit un SMS à Marie dans lequel il la remercie « de lui avoir prêtée 50 000 euros ».