Importance de l'enseignement de l'histoire des sciences

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87 POUR L'INTRODUCTION DE L'HISTOIRE DES SCIENCES DANS L'ENSEIGNEMENT DU SECOND CYCLE Geneviève Lacombe Si la place officielle de l'histoire de la biologie dans l'enseignement du second cy- cle est dérisoire, il est toujours possible, lorsqu'on est convaincu de son intérêt, de saisir les occasions de l'introduire, fût-ce de façon furtive. Les quelques exemples présentés ici correspondent à des essais échelonnés dans le temps conduits par des professeurs de plusieurs disciplines du lycée de Saint- Gaudens ; le plus souvent lancés sur un coup de coeur, ils nous ont permis de "dévorer" des documents, de partager nos connaissances, de confronter nos points de vue. Lieu d'interdisciplinarité, l'histoire des sciences est pour chacun de nous source de culture. Sans doute, notre pratique - inscrite dans les contraintes de l'institution- n'est-elle qu'un patchwork de tentatives partielles, miettes dépareillées et parfois ridiculement ambitieuses. Conscients de privilégier une seule facette de l'histoire de la biologie, nous pensons avoir toutefois aidé nos élèves (en particulier les "littéraires") à mieux comprendre et à mieux aimer la biologie. i. L'IMPORTANCE DE L'HISTOIRE DES SCIENCES une absence regrettable une discipline indispensable., i.i. Son intérêt dans la formation des chercheurs et des enseignants L'histoire des sciences n'a pas, en tant que discipline autonome, de place bien définie dans l'enseignement français. Présente dans certaines universités grâce à des chercheurs militants , elle est assez généralement absente de l'enseignement secondaire. La physique lui ouvre ses portes dans les sections littéraires ; l'histoire l'inclut dans les différentes facettes des époques étu- diées ; le français y fait parfois référence - Diderot et l'Encyclopédie, Balzac et la physiognomonie, Zola et Claude Bernard ; la philosophie peut l'aborder par le biais de la réflexion épistémologique ; la biologie ne l'assume qu'au détour des options de Terminales A et B. Si l'on en croit les passionnés d'histoire des sciences *, cette discipline serait pourtant absolument nécessaire, aussi bien pour les chercheurs que pour les enseignants, et elle ne saurait nuire non plus à l'honnête homme du * Voir Eléments de bibliographie sur l'histoire des scien- ces en fin d'article.

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POUR L'INTRODUCTION DE L'HISTOIRE DES SCIENCES DANS L'ENSEIGNEMENT DU SECOND CYCLE

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    POUR L'INTRODUCTION DE L'HISTOIRE DES SCIENCES

    DANS L'ENSEIGNEMENT DU SECOND CYCLE

    Genevive Lacombe

    Si la place officielle de l'histoire de la biologie dans l'enseignement du second cy-cle est drisoire, il est toujours possible, lorsqu'on est convaincu de son intrt, de saisir les occasions de l'introduire, ft-ce de faon furtive. Les quelques exemples prsents ici correspondent des essais chelonns dans le temps conduits par des professeurs de plusieurs disciplines du lyce de Saint-Gaudens ; le plus souvent lancs sur un coup de coeur, ils nous ont permis de "dvorer" des documents, de partager nos connaissances, de confronter nos points de vue. Lieu d'interdisciplinarit, l'histoire des sciences est pour chacun de nous source de culture. Sans doute, notre pratique - inscrite dans les contraintes de l'institution- n'est-elle qu'un patchwork de tentatives partielles, miettes dpareilles et parfois ridiculement ambitieuses. Conscients de privilgier une seule facette de l'histoire de la biologie, nous pensons avoir toutefois aid nos lves (en particulier les "littraires") mieux comprendre et mieux aimer la biologie.

    i . L'IMPORTANCE DE L'HISTOIRE DES SCIENCES

    une absence regrettable

    une discipline indispensable.,

    i . i . Son intrt dans la formation des chercheurs et des enseignants

    L'histoire des sciences n'a pas, en tant que discipline autonome, de place bien dfinie dans l'enseignement franais. Prsente dans certaines universits grce des chercheurs militants , elle est assez gnralement absente de l'enseignement secondaire. La physique lui ouvre ses portes dans les sections littraires ; l'histoire l'inclut dans les diffrentes facettes des poques tu-dies ; le franais y fait parfois rfrence - Diderot et l'Encyclopdie, Balzac et la physiognomonie, Zola et Claude Bernard ; la philosophie peut l'aborder par le biais de la rflexion pistmologique ; la biologie ne l'assume qu'au dtour des options de Terminales A et B. Si l'on en croit les passionns d'histoire des sciences *, cette discipline serait pourtant absolument ncessaire, aussi bien pour les chercheurs que pour les enseignants, et elle ne saurait nuire non plus l'honnte homme du

    * Voir Elments de bibliographie sur l'histoire des scien-ces en fin d'article.

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    ... pour les chercheurs..,

    ... et pour les enseignants

    XXe sicle. L'apport culturel de cette discipline est sou-haitable pour tout citoyen, les scientifiques trouveraient en outre, au travers de la connaissance du pass de la science qui est la leur : - l'occasion d'une meilleure comprhension de l'unit pro-fonde de la science et des relations existant entre les diffrents secteurs - des raisons d'tre modestes et de dvelopper leur es-prit critique - la possibilit de reprer et d'analyser les principaux facteurs de la cration scientifique ; d'apprhender aussi l'importance du contexte philosophique, socio-conomique, et politique dans la recherche, sans ngliger l'tude de l'volution de la pense scientifique sous son aspect conceptuel.

    Il ne faut pas oublier le rle de rvlateur idologique que joue de faon privilgie l'histoire des sciences, comme l'indique Michel Paty (i) : "Rendant aux scientifiques conscience de leur place dans leur travail, de ce travail dans l'ensemble de l'activit de production des connaissances, et de celle-ci dans l'-volution aussi bien sociale que scientifique et technique, elle peut contribuer pallier l'alination qu'ils prouvent souvent se sentir dsappropris de ce travail. Par contrecoup, ils peuvent se sentir responsables, et l'tre effectivement par une capacit accrue intervenir dans les choix, les dcisions, la politique scientifique".

    L'histoire des sciences sera tout aussi irremplaable dans la formation des enseignants, puisqu'elle leur permettra de se mfier tout la fois du dogmatisme et du scientisme, tentations trs fortement prgnantes de notre enseignement *. En outre les enseignants y reconnatront les obstacles pistmologiques vaincu qu'ils auront fai-re franchir leurs lves. L'tude parallle des mthodes de recherche et de l'his-toire de ces recherches devrait permettre de prvenir "toute alination au mythe d'une sacro-sainte mthode scientifique non critique et intemporelle". (1)

    1.2. Toutes les histoires des sciences se valent-elles ?

    il existe plusieurs types d'histoire des sciences :

    Les proccupations de ceux qui font de l'histoire des sciences, leurs choix, les axes qu'ils privilgient sont loin d'tre tous identiques. Les regards des historiens des sciences sont troitement lis aux conceptions qu'ils ont

    * Je ne parle ici que de ce que je connais, l'enseigne-ment de la biologie dans les lyces.

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    de la science elle-mme.

    C'est ainsi que Marie-Jos Imbault Huart (2) relve chez les "pres fondateurs", trois approches : " a. La position "continuiste" dfendue par Brunschvicg (1869-194-k) impliquant la notion de "savoir" comme dve-loppement continu de la "connaissance commune" la "connaissance scientifique". b. La position "prcursoriste" illustre par Duhem (1861-1916). Il n'y a dans l'histoire des sciences ni rvolution,

    continuit et ni rupture, mais volution lente et continue. Les cra-ruptures teurs vritables sont trs rares et ils ne font que conti-

    nuer l'effort des nombreux prcurseurs qui les ont prcds. c. La position "discontinuiste" met avec Koyr et Bache-lard l'accent sur les coupures pistmologiques en de desquelles la science nouvelle est dans l'obligation de rompre avec les systmes de rationalisation antrieurs et d'adopter une autonomie plus ou moins tranche par rap-port au pass. Elle nie ou minimise les prcurseurs et magnifie les crateurs, sans lesquels la discontinuit de la science serait impensable".

    De mme pour Pierre Thuillier (3), l'affrontement entre "internalistes" et "externalistes" tmoigne d'une pluralit d'analyses concernant l'laboration des savoirs : - aux "internalistes", une science autonome, libre de tou-te contrainte, de tout impratif financier, de tout choix politique et idologique, o les concepts s'engendrent d'eux-mmes, bulle de savoir aseptis ; - aux "externalistes", des sciences et des techniques en interaction constante entre elles et avec leur environne-ment (il y aura des facteurs "constitutifs" et des fac-teurs "seulement conditionnants" selon F. Russo (4)), des

    internalisme et relations double sens entre science et socit. externalisme Le premier type d'approche, lisse, facile cerner, con-

    tribue renforcer l'ide d'une science-produit-de-gnies, et les errances y deviennent des fautes, les ttonne-ments des erreurs. L'humanit s'approche en tremblant d'une vrit cache, et ses guides, l'lite, tiennent le flambeau qui dissipe les ombres. Beaucoup plus complexe, l'approche externaliste est le tmoin d'une recherche date, o est toujours prsent le contexte, mme si on ne peut chaque instant en con-natre ou en analyser tous les fils. Recherche en train de se faire, et non vrit rvle. Restructuration per-manente du savoir.

    Si le Collge de France et Laurent Schwartz soulignaient en mai 85 l'importance d'une histoire des sciences carre-four des disciplines, notre histoire - celle qui affleure dans l'enseignement de la biologie du second cycle - res-te le plus souvent hagiographique, ponctuelle, et de tou-te faon internaliste : chacun ne s'intresse qu' un tout

  • PROPOSITIONS LABORES LA DEMANDE DE POUR L'ENSEIGNEMENT MONSIEUR LE PRSIDENT DE LA RPUBLIQUE

    DE L'AVENIR PAR LES PROFESSEURS DU COLLGE DE PRANCE

    6. L'unification des savoirs transmis. Tous les tablissements scolaires devraient proposer un ensemble de connaissances considres comme ncessaires chaque niveau, dont le principe unificateur pourrait tre l'unit historique.

    Pour compenser les effets de la spcialisation croissante, qui voue la plupart des individus des savoirs parcellaires, et notam-ment la scission, de plus en plus marque, entre les littraires et les scientifiques, il faut lutter contre l'insularisation des savoirs lie la division en disciplines juxtaposes ;il s'agit pour cela d'labo-rer et de diffuser, tout au long de l'enseignement secondaire, une culture intgrant la culture scientifique et la culture historique, c'est--dire non seulement l'histoire de la littrature ou mme des arts et de la philosophie, mais aussi l'histoire des sciences et des techniques ; la mme tendance l'insularisation s'observe au sein d'un mme secteur de la culture et il faut encourager par exemple la progression coordonne des enseignements scientifiques, notam-ment des mathmatiques et de la physique.

    Un des principes unificateurs de la culture et de'l'ensei-gnement pourrait ainsi tre l'histoire sociale des uvres culturelles (des sciences, de la philosophie, du droit, des arts, de la littrature, etc.) liant de manire la fois logique et historique l'ensemble des acquis culturels et scientifiques (par exemple l'histoire de la peinture de la Renaissance et le dveloppement de la perspective mathmati-que). La rintgration de la science et de son histoire dans la culture d'o elle est en fait exclue aurait pour effet de favoriser la fois une meilleure comprhension scientifique du mouvement historique et une meilleure comprhension de la science qui, pour se comprendre compltement elle-mme, a besoin d'une connaissance rationnelle de son histoire, et qui livre sans doute mieux la vrit de sa dmarche et de ses principes lorsqu'elle est apprhende dans les incertitudes et les difficults des commencements. L'enseignement d'une vision plus historique de la science aurait pour effet de favoriser une repr-sentation moins dogmatique et de la science et de son enseignement et de porter les matres de tous les niveaux mettre au premier plan les problmes autant que les solutions et rappeler ce qu'ont t, en chaque cas, les programmes de recherche concurrents.

    L'histoire des uvres culturelles (science, art, littrature, etc.) devrait tre enseigne dans sa dimension internationale, notam-ment europenne ; en consquence, les enseignants de la langue et de la littrature nationales et des langues et littratures trangres devraient tre troitement associs, sans privilge hirarchique. Pour concilier les impratifs d'universalisme et les fonctions d'intgration culturelle de tout enseignement de culture, il importerait d'encourager et de favoriser la rdaction de manuels d'histoire de la civilisation et des uvres culturelles du monde europen, ainsi que d'autres grands ensembles culturels, en rassemblant des reprsentants minents, franais et trangers, des diffrentes disciplines et de traduire le rsultat de ces travaux dans des moyens de transmission comme la vido-cassette.

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    o l'institution choisit une approche internaliste...

    petit fragment du puzzle, par exemple l'histoire de la thorie cellulaire, en Terminale *. A la limite, on arri-vera autonomiser une exprience (voir les sujets du bac), que l'on voudra parlante... en oubliant qu'elle ne saurait tenir le mme langage au lycen du XXe sicle entrant dans un champ impos et circonscrit, et au chercheur (dont on ignore parfois quand il a vcu) enga-g dans un ensemble de recherches.

    ... nous avons choisi une approche externaliste...

    ... mene grace une concertation interdisciplinaire.

    ... partant souvent de sujets "ractua-liss" par les mdia

    1.3. Des choix raisonnes pour introduire l'histoire des sciences dans l'enseignement

    Quand nous avons, plusieurs reprises, tent d'introduire un peu d'histoire des sciences dans nos classes du second cycle, de faon interdisciplinaire, nos options ont t clairement externalistes. Refusant l'existence d'une sphre " part", dveloppement autonome et goste, o les ides germent, closent et s'panouissent sans heurts et "tout naturellement", pour une croise de che-mins la fois tmoin, produit et explication d'une po-que donne.

    Cette histoire des sciences serait enseigne par une quipe d'enseignants. La prparation des cours obligerait des confrontations, des regards diffrents et com-plmentaires ; chacun s'enrichirait des mthodes de travail, des mthodes de lecture, et des proccupations de l'autre. Nous partons de nos envies, de nos lectures, des "centenaires" qui brusquement lancent dans le champ de l'dition des documents jusqu'alors introuvables, et dont les remous arrivent, grce aux mdias, jusqu'aux oreilles de nos lves, les sensibilisant ces questions. C'est la difficult de lecture des documents anciens qui nous a, jusqu' prsent, arrts quelque part dans le XVIIe sicle. Nos haltes les plus frquentes seront le XVIIle sicle... parce qu'il nous plat bien, et le XIXe sicle, foisonnant de pistes de travail. Parfois, l'interdis-ciplinarit se limite deux : nous aurions souhait tre plus nombreux mais... Nous avons surtout travaill avec des classes de Premire, les classes de Seconde n'avaient pas jusqu'alors de biologie et les classes de Terminale sont souvent peu disponibles. Plus qu'une histoire diachronique, c'est l'histoire synchro-nique qui nous intresse, qui oblige chacun de nous, la fois mieux cerner la spcificit de sa "discipline" d'o-

    * Le mme programme invite l'enseignant se mfier -et ne pas enseigner - des thories "un peu trop fausses..."

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    rigine et l'inclure dans une globalit. Cette histoire est diamtralement oppose celle qu'enseigne massivement l'cole (5).

    2. QUELQUES REALISATIONS

    2.1. XVIIIe et XIXe sicles : foisonnement des pistes de travail

    Une source fructueuse pour l'histoire des sciences inscri-te dans son poque est la littrature de cette mme poque, quand les connaissances vulgarises deviennent le thme d'un dbat public ou alimentent les trames que tisse le romancier.

    . Le XVIIIe sicle est un lieu privilgi, comme l'indi-que Jacques Roger (6).

    "Si la connaissance scientifique contribue constituer l'image que l'homme se fait de lui-mme et de sa place dans le monde, si inversement elle rpond volontiers aux inquitudes que cette image suscite, ces liens rcipro-ques ont t particulirement troits au 18me sicle, et l'histoire littraire ne saurait les ignorer ". Beaucoup d'crivains y ont suivi attentivement l'actualit scientifique, certains s'engageant mme dans la recherche. La vulgarisation scientifique, aussi bien en dehors qu'au sein de l'Encyclopdie, tait pour eux un devoir, une mission. Il sera passionnant de confronter le "Rve de d'Alem-bert", les crits de Maupertuis, ceux de Voltaire ("L'homme aux quarante cus"), certains articles de l'En-cyclopdie comme "Corruption" dans un travail sur la reproduction. Charles Bonnet et ses pucerons pourront faire apparatre qu'une exprience parfaitement conduite peut corroborer une thorie que l'avenir tiendra pour errone. Avec les rcits de voyages, les textes de Buffon, ceux de Voltaire, Diderot, on pourra aborder la notion d'es-pce humaine, de race (voir les travaux de Michle Duchet) (7). La science apparat au XVIIIe comme tellement miracu-leuse qu'on aura du mal rester critique devant certai-nes expriences, pensons par exemple au succs public de Messmer concernant le magntisme. A ct de ces tudes parcellaires, une histoire des sciences et des techniques plus ambitieuse tudiera l'En-cyclopdie (analyses de J. Proust (8) et de R. Darnton (9)). C'est un travail d'actualit puisque notre fin de XXe sicle voudrait promouvoir la Nouvelle Encyclo-pdie-

    science et littrature

    Diderot

    Maupertuis

    Bonnet

    et les autres

    . Les crivains du XIXe sicle ouvriront aussi beaucoup

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    XIXe sicle et scientisme militant

    de portes scientifiques. C'est d'abord Balzac et la physiognomonie * bien sr, mais aussi ses rfrences aux travaux de Geoffroy St Hilaire, ses descriptions d'hommes de science. Les mde-cins deviennent les hros principaux des romans, o s'op-pose souvent l'obscurantisme au scientisme militant. On pourra aussi s'intresser une mise en parallle des nigmes que rsout Edgar Poe et des problmes que r-sout la recherche scientifique.

    2.2. Des lectures de Zola

    mthode exprimentale et roman exprimental

    C'est la lecture de "Feux et signaux de brume" de Mi-chel Serres (n) qui marque le dbut de nos activits au-tour de Zola **. Une plonge dans Zola, une "Histoire naturelle et sociale", que rver de mieux comme tmoignage d'interactions... Zola, un romancier qui se considre comme un homme de science, qui veut tre jug sur sa mthode : nous nous devrions de le lire dans Ta double perspective d'une analyse de la technique romanesque et d'une analyse du contenu, en nous efforant de comprendre comment Zola travaillait, s'informait, crivait, comment il rendait compte de son poque, comment son poque tait pr-sente dans la trame de ses romans et dans son criture. Ensemble nous lirons le Docteur Pascal (12) et des pages du Roman Exprimental (13). Zola s'est soigneusement document avant d'crire, nous aurons notre tour nous informer sur les connaissan-ces scientifiques et mdicales de l'poque, sur la concep-tion de la mdecine et sur la pratique mdicale. Nous avons ainsi fait le point : - sur les positions des fixistes et des transformistes ("le transformisme est actuellement le systme le plus rationnel, celui qui se base le plus directement sur notre connaissance de la nature." Zola). - sur la gntique humaine de cette fin du XIXe. Zola consultera les traits de Lucas, de Dejerine et emprun-tera des lments ces conceptions pathologiques de la transmission hrditaire. En outre, comme l'indique Mi-chel Serres (11), il respectera scrupuleusement dans la mise en place de sa saga, les exigences de la gntique

    * On retrouvera des restes de physiognomonie dans les premiers albums de Bcassine avec le docteur Proey-Minens.

    * En interdisciplinarit franais-biologie en classe de Premire A.

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    Zola, Claude Bernard et le docteur Pascal

    de l'ordre l'entropie

    de cette poque : d'une part la ncessit d'une popula-tion nombreuse - l'arbre des Rougon-Macquart est puis-sant et ramifi - d'autre part la fermeture du lieu, Plassans, depuis le coup d'Etat bonapartiste la chute de l'Empire.

    Nous avons approch la vie des mdecins au XIXe (14) et essay de comprendre avec "L'introduction la mde-cine exprimentale" (15) comment on essaie alors de fai-re reculer l'obscurantisme et les pratiques empiristes. Ouvrir "L'introduction...", c'tait se pencher sur la mthodologie, d'abord bien sr, celle de Claude Bernard (16), mais aussi sur celle de Zola et sur celle de leur double qu'est le docteur Pascal.

    A la "mthode exprimentale" correspond le "roman exprimental" ; l'crivain devant sa table de travail aura les mmes proccupations et les mmes exigences que le chercheur dans son laboratoire :

    "Et c'est l ce qui constitue le roman exprimental : possder les mcanismes des phnomnes chez l'homme, montrer les rouages des manifestations intellectuelles et sensuelles telles que la physiologie nous les explique, sous les influences de l'hrdit et des circonstances ambiantes, puis montrer l'homme vivant dans le milieu social qu'il a produit lui-mme, qu'il modifie tous les jours, et au sein duquel il prouve son tour une trans-formation continue. Ainsi donc, nous nous appuyons sur la physiologie pour continuer la solution du problme et rsoudre scientifiquement la question de savoir comment se comportent les hommes, ds qu'ils sont en socit". (17)

    L'crivain naturaliste ne se contente pas d'tre un obser-vateur ; il exprimente :

    "L'observateur, chez lui, donne les faits tels qu'ils les a observs, pose le point de dpart, tablit le terrain soli-de sur lequel vont marcher les personnages et se dve-lopper les phnomnes. Puis l'exprimentateur parat, et institue l'exprience, je veux dire fait mouvoir les per-sonnages dans une histoire particulire, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l'exige le dterminisme des phnomnes mis l'tude". (17) Zola se retire de son roman (Le Docteur Pascal) ds la fin du premier chapitre : aprs la situation initiale (Michel Serres (11)), tout est ordre, le roman obit alors la loi de l'entropie. Tout est en ordre dans les pices sombres et fraches de la Souleiade ; dehors, le soleil de juillet. Clotilde peint paisiblement ; les dossiers de la famille sont rangs dans l'armoire ; l'argent du docteur est dans le tiroir. Cet ordre est le fruit du travail du docteur. Zola s'efface, l'ordre va devenir dsordre : Clo-tilde partira Paris, l'arbre gnalogique brlera, il n'y aura bientt plus d'argent. Ce systme clos est soumis aux lois de la thermodynamique.

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    hrdit et milieu

    le credo du docteur Pascal

    Comme Zola - et donc comme Claude Bernard - le doc-teur Pascal, chercheur-praticien, fera des expriences ; dans la lutte qui oppose l'hrdit et le milieu - et l'h-rdit est lourde chez les Rougon-Macquart - le cher-cheur va jouer la carte du milieu. Le bon Pascal n'a-t-il pas "sauv" Clotilde en lui offrant pour sa jeunesse un milieu plus riche que ne l'aurait t le sien ? Le pre de Sophie et de Valentin est phtisique, Valentin qui res-tera dans son milieu familial mourra dans son taudis ; Sophie, sortie de son milieu par le docteur Pascal, le-ve la campagne au grand soleil grandira "en sant et en beaut, sauve du mal hrditaire". Les expriences soigneusement dcrites peuvent tre ana-lyses en termes bernardiens. Le roman passionnant o s'affrontent l'obscurantisme (Martine) et le scientisme militant - encore que tout n'y soit pas si clair * - cho d'autres luttes et dbats de cette deuxime moiti du XIXe sicle, est aussi un systme cohrent qui, longue-ment analys, permet des dcouvertes ultrieures sur des analyses du XXe sicle, aussi bien vers le roman que vers des problmes biologiques actuels. L'tude de cet ouvrage pourra tre l'occasion d'apports de connaissances sur un certain nombre de maladies prsentes avec les connaissances mdicales de l'poque : non seulement la tuberculose mais aussi l'hmophilie (Charles), l'ataxie (Maxime). On y trouve aussi l'effet placebo et d'aprs Yves Malinas (18) la description de maladies qui ne se-ront comprises que plus tard : Charles aurait une Oligo-phrenie phnylpyruvique, maladie mtabolique analyse en 1934-

    * Le "bon docteur", aprs avoir dfendu la science con-t re les illusions mystiques de son entourage, n'attend pas tout d'elle et est parfois profondment dcourag : "Corriger la nature, intervenir, la modifier et la contra-rier dans son but, est-ce une besogne louable ? Gurir, retarder la mort de l'tre pour son agrment personnel, le prolonger pour le dommage de l'espce, sans doute, n'est-ce pas dfaire ce que veut faire la nature ? Et r -ver une humanit plus saine, plus forte, modele sur no-tre ide de la sant et de la force, en avons-nous le droit ?"

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    dmler les relations entre mdecine officielle, mdecines parallles, religion...

    ... travers des romans du XIXe sicle...

    ... et diffrentes tudes complmentaires

    2.3. Mdecins et mdecine au XIXe sicle *.

    . Conditions de mise en oeuvre de ce travail

    L'influence des sciences parallles est toujours trs forte chez les jeunes. L'ombre des gurisseurs, des rebouteux et des tables tournantes pse lourd. Dans "L'ennemi de la mort" qui passait alors la tlvision, plusieurs l-ves de la classe avaient retrouv des ractions peu loi-gnes de celles qu'ils connaissaient dans leur village. C'est de l que nous sommes partis, cherchant dmler les relations entre mdecine officielle et mdecines parallles, entre mdecine et religion, entre pouvoir et savoir, en nous plongeant dans la littrature fin XIXe dbut XXe. Toute une poque reprenait vie ainsi, autour des por-traits de mdecins, leur statut, leur mode de vie, leur pratique mdicale, leur rapport la science, autant d'in-formations sur la vie qui les entoure. En retour, l'apport d'informations sur le contexte historique, scientifique, littraire paissit ces hros de romans. Ces analyses et cette rflexion, compltes par un travail d'enqute et d'interviews, nous permettraient par la suite de mieux comprendre la place de la mdecine dans notre socit actuelle.

    . Oeuvres utilises

    - Romans lus par les lves : Le mdecin de campagne (H. de Balzac). Le docteur Pascal (E. Zola). Knock (J. Romains). Madame Bovary (G. Flaubert). Vue de la Terre promise (G. Duhamel). Les Matres (G. Duhamel). L'ennemi de la mort (E. Le Roy). Les Thibault (R. Martin du Gard). - Etudes sur la mdecine au XIXe sicle : La France mdicale au XIXe (Lonard), Gallimard. La vie du mdecin de province au XIXe (Lonard), Hachette, 1977. La mdecine entre les pouvoirs et les savoirs (Lonard), Aubier, 1981. Sagesses du corps (proverbes) (Loux Richard), Maisonneuve, 1978. Travail des hommes et savants oublis (Valentin), Docis, 1978. Mdecins et mdecine (Paule Dumatre), Magnard. Mde-cines et maladies, Dossiers de l'histoire, oct. 1981.

    - Etudes sur l'hrdit au XIXme sicle : La logique du vivant (Jacob), Gallimard, 1970. Mytholo-gies de l'hrdit au XIXe sicle (J. Borie), Galile, 1981.

    * Travail fait en classe de Premire B, interdisciplinari-t histoire/franais/biologie.

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    - Etudes sur les localisations crbrales : Le cerveau conscient (Rose), Le Seuil, 1973. Aux beaux temps de la craniologie (N. Fresco), in Le Genre Humain 1. Une science mconnue, la phrnyognie (Thuillier), in Le petit savant illustr, Le Seuil. La dominance crbrale (Hcaen), Mouton, 1978. Evolu-tion des connaissances et des doctrines sur les localisa-tions crbrales (Hcaen), Descle de Brouwer, 1977. - Etudes sur le feuilleton et la littrature populaire : La bibliothque bleue, coll. Archives, n 44. Histoire du roman populaire en France (Martin), Albin Michel, 1981. Le feuilleton, Europe, juin 1974.

    2.4. Le docteur Moreau (1896) La littrature et le cinma ne manquent pas de savants fous : Faust, Mabuse, Frankenstein, Cornelius... savants dmoniaques qui modlent l'homme leur gr et veulent rectifier le monde. Blasphmateurs ambitieux qui accl-rent ou modifient le cours de l'volution. Leurs tentati-ves sacrilges tmoignent qu'une volution est possible. Une socit moderne, qui croit en la science et en ses possibilits, ne saurait obir indfiniment des lois "aveugles" d'une "Nature" nigmatique laquelle tous sont soumis. En revanche, elle peut, elle veut rver et frissonner : le savoir conduirait au pouvoir ; l'homme pourrait se jouer de la nature : apprenti-sorcier, l'homme changerait l'homme, dfierait le destin. A l'heure du scientisme, c'est de la science - et non plus de la magie - que nat le fantastique.

    Un travail sur l'Angleterre de la fin du XIXe sicle de-vait obligatoirement nous faire rencontrer le Docteur Moreau. Rencontre stimule, il faut le dire, par un ex-cellent numro de la revue "Europe" (19). L'ombre de Darwin se projette sur cette le volcanique, borde de coraux, laboratoire-refuge de ce savant dmiurge, banni de son Angleterre originelle, incompris du public et mme de ses pairs. Vingt ans aprs Darwin, Moreau se passionne pour l'volution - une volution qui s'inscrit dans un temps pais - et tudie avec minutie l'expression des motions chez les animaux et chez l'homme. Comme T.H. Huxley ("L'volution et l'thique", 1898), disciple de Darwin ("Le chien de Darwin") qui fut aussi le matre de Weils), Moreau pense que "la singularit humaine doit tre recherche non dans la soumission au processus cosmique de slection naturelle, mais dans une lutte contre cet apparent dterminisme" (20). Sa pratique n'a rien voir avec les essais anarchiques tents ailleurs par des criminels, des tyrans, des inquisiteurs. Lui, qui "possde une connaissance rellement scientifique des

    l'le du docteur Moreau

    disciples de Huxley...

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    ... Prendick.. et le lecteur

    o le fantastique permet d'aborder l'volution

    lois naturelles" (21), n'hsitera pas modifier l'ordre de la nature, se substituer, par ses expriences et ses oprations "in vivo" la nature et aux lois de l'volution elles-mmes. "Sur cette le-microcosme, il devient le matre de l'volution, dont il peut changer, voire inver-ser l'ordre et le sens" (20). Homme de son temps, il pra-tique l'hypnose, connat et utilise l'antisepsie ; il croit en l'atavisme, et la rgression des organes inutiles ou des comportements tombs en dsutude. En revanche, il rejette l'hrdit des caractres acquis. Le lecteur dbarque sur cette le mystrieuse avec le narrateur, Prendick, jeune biologiste curieux et rflchi, lve de Huxley tout comme Wells. Notre lecture suivra la qute de Prendick : enqute trs bernardienne, o les observations suscitent des hypothses, se restructurent au fur et mesure que se dcouvrent de nouvelles informa-tions : le suspense nat bien sr de ces fausses pistes, lments de rponse plausibles un moment donn. L'angoisse chassera la curiosit quand le statut de Pren-dick (et donc celui du lecteur) va brusquement changer : il tait un observateur, il devient un ventuel objet d'exprience. "Prendick, double du lecteur et de l'crivain, fait sur l'-le l'preuve de la cruaut l'oeuvre dans le processus volutif : ainsi Wells lui fait-il vrifier exprimentale-ment la justesse des leons de leur matre commun, T.H. Huxley" (20). Nos lves ont lu avec plaisir cette "le" qu'ils connais-saient trs peu, beaucoup moins que le premier volet du diptyque : "La machine explorer le temps" ; d'autre part, "la machine" appartient davantage au domaine de la science fiction - assez peu pris, du moins a priori, cet ge - tandis que "l'le" serait plutt "fantastique". Des travaux de groupes ont permis d'approfondir un cer-tain nombre de pistes * ; en mme temps, la classe rencontrait Darwin et T.H. Huxley. Comme Prendick "retournant l'humanit", le lecteur ferme ce livre en s'interrogeant sur "ce produit ambigu et nigmatique de l'volution, l'homme" (20).

    * "L'atavisme", "Mort ou vie", Moreau : apprenti sorcier", "Si Dieu est mort, tout est permis", Le but que s'est fix Moreau est-il scientifique ?", "Moreau : Dieu ou Diable ?" Travail sur le film de Don Taylor (1977) qui pose des problmes d'adaptation cinmatographique.

  • 99

    l'actualit, prtexte des flash-back

    une epoque, une peste

    2.5. Les pestes *

    La tlvision prsentait un montage sur la peste Mar-seille ; en Avignon se jouait une pice de Chartreux sur la peste ; le "Journal de l'anne de la Peste" de Daniel Defoe paraissait en collection de poche. En mme temps, on faisait le bilan d'"un sicle de tuberculose"... et Isabelle Huppert tait, la tlvision, la "Dame aux camlias" du film de Bolognini (1980). Un certain nombre de livres concernant l'histoire des maladies venaient d'tre publis. Restait toujours prsent le problme du cancer, et une nouvelle "peste" se dessi-nait l'horizon : le SIDA. Nous avons alors relu "Le normal et le pathologique" de G. Canguilhem (22), "La maladie comme mtaphore" de Susan Sontag (23). Notre objectif a t de mettre en vidence que : "chaque "peste" appartient son poque" : au travers de la peinture, des romans, des rcits d'une poque, nous souhaitions comprendre les relations entre maladie et socit, reprer l'mergence des facteurs de fantasmes individuels et collectifs, retrouver et analyser les images et les mtaphores, vrifier comment s'inscrivent et se transmettent des croyances, des mythes enracins dans les peurs collectives.

    Aprs une tape de sensibilisation collective, chaque groupe travaillerait de faon plus prcise sur "peste et socit", "tuberculose et socit", "cancer et socit". Les romans circuleraient entre les lves pendant la phase de sensibilisation. Des sances collectives permet-traient de faire des mises au point, d'apporter des claircissements, d'changer des informations d'un groupe l'autre.

    "journal de l'anne de la peste"

    C'est d'abord la peste de Londres en 1665, et le statut trange de Daniel Defoe, faux journaliste/romancier, qui durant ce "grand incendie" essaie de comprendre l'origine du mal, d'analyser les ides qu'on s'en fait, et de propo-ser des hypothses sur les raisons de ce mal, et sur son mode de propagation. Quand, en 1720, elle svit de nouveau Marseille, Defoe voit l l'occasion d'un livre qui sera la fois une des-cription mdicale et une description sociologique. Cette peste de Marseille a pu apparatre comme l'irruption in-congrue d'un tragique "d'un autre ge" : "Sans mme cder la facilit de dvelopper le contre-point de la peste de Marseille clatant dans l'atmosphre festive de la Rgence comme un svre rappel au temps d'une premire douceur de vivre des Grands, le flau qui

    * Travail en Premire B.

  • 100

    s'abat sur le port parat hors de saison dans la trame historique des grandes pidmies. (...) Si Marseille s'affole, et la France avec elle, c'est aussi qu'une certaine sensibilit la mort est en train de changer l'aube des Lumires en ce sicle qui lira le scandale majeur - celui de la prsence du mal dans la cration - dans le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, ngation de cette harmonie prtablie. La mort n'est plus accepte sans murmure." (Michel Vovelle (34)) Mais, ainsi que le rappelle Georges Jean (25), tous ne sont pas gaux devant la peste : entre dans le port avec des tissus convoits par les marchands - alors que le navire est en quarantaine - la peste pargnera ceux qui l'ont ainsi introduite Marseille : ils pourront s'en-fuir temps.

    En luttant contre la peste, ou du moins, en essayant de la juguler, les hommes ont appris mieux la connatre. Recherche empirique, d'o natra une lgislation. Faute de connatre l'agent responsable, on domestiquera la contagion. La loi des riches sauvera au moins les siens. Et le feu purifiera, rduisant la peur. Quand le XlX sicle cherchera - et trouvera - le microbe responsable de la peste, ce sera dj trop tard. Et le XX sicle, nos lves compris, oubliera - sauf la faveur d'un cen-tenaire escamot - jusqu'au nom de Yersin. Ont t suivies un certain nombre de pistes : les origi-nes de la peste, la lutte prventive, les soins et les me-sures prises, les peurs et les angoisses, les consquences conomiques, dmographiques...

    Toute autre sera notre approche de la tuberculose, trs XlX sicle. Aprs la contagion qui dcimait les populations en quel-ques jours, le mal sournois, individuel, et que l'on croira longtemps hrditaire. Le jeune romantique poitrinaire la sensibilit exacerbe ; la maladie de l'me, source de crativit ; le sanatorium rdempteur ; les romans o l'on se consume lentement de phtisie. On lit bien sr la "Dame aux camlias" aprs avoir vu la version tlvise du film de Bolognini ( et ri avec celle de Gotlib) ; on retrouve des morts par tuberculose dans les derniers ro-mans lus ; on se rappelle la troisime fille du docteur Marsch, et l'Eve evanescente de "La case de l'oncle Tom" ; on ne se hasardera pas toutefois dans la "Montagne magique" (Thomas Mann) ; on pourra relire "Le docteur Pascal". On rencontrera aussi les tuberculoses moins "glorieuses" des taudis et des villes ; on relvera des chiffres, que l'on trouvera trs levs encore, en 1982 : la carte de la tuberculose concide avec celle de la misre sociale.

    Si, au XlX sicle, la tuberculose apparat comme la

    tous ne sont pas gaux devant la peste

    "belle comme toux"

    crachats et taudis

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    maladie qui conduit inexorablement la mort, c'est que l'on ignorera pendant longtemps son caractre conta-gieux. Pourtant, ds 1754 un dit florentin rendait obli-gatoire la dclaration des cas de tuberculose, le lessiva-ge l'eau bouillante de leur linge et le blanchiment la chaux des pices o ils avaient vcu. Venise, Bologne et Naples avaient fait de mme. Ferdinand III d'Espagne en 1758, publie une ordonnance menaant d'une amende de 200 ducats les praticiens qui ne dclareront pas les cas de tuberculose. En France, cette analyse ne semble pas faite, puisque, quand J.A. Villemin, le 5 dcembre 1865, dmontre exprimentalement que la tuberculose procde d'un agent spcifique inoculable, on ne l'entend pas, on ne le croit pas : "la contagion ne peut exister puisque la tuberculose est hrditaire" (Laennec, Broussais). Avec le XX sicle, on entrera dans la croisade : "l'aigle boche sera vaincu ; la tuberculose doit l'tre aussi". Le Corbusier publie la Charte d'Athnes ; l'O.M.S. s'engage dans une campagne de mesures prventives.

    2.6. Le procs du singe

    1982, l'anne Darwin : on rdite des crits de Darwin ; de nombreux articles, des livres sont publis. Peu de

    . . temps auparavant "La matresse du lieutenant franais", e Mr Dar indevr i t f i l m d e R e i s Z ' a t t i r a i t l'attention sur le roman de Fow-

    r. . e " ^es ; "S a r a n et Ie lieutenant franais" (26), plus prcis " " que le film sur la faon dont le XlX sicle anglais en-

    visageait les problmes de l'volution. Autant de bonnes raisons pour introduire les thories de l'volution dans une classe de Premire scientifique (il s'agissait alors de Premire D). La place de ces thories dans l'enseignement secondaire franais est assez fantaisiste ; supprimes par l'"Etat franais", elles n'ont t rintroduites qu'assez tard dans l'enseignement secondaire, puis, la faveur des allge-ments de programme lis la mise en place des 10 %, elles ont de nouveau disparu *. A l'heure actuelle, elles ne figurent que dans les programmes de Terminales A et B, o la biologie est optionnelle, et donc trs gnrale-ment absente, et sont survoles en Terminales D. Les lves de la section scientifique "noble" (C), eux, n'ont absolument aucune chance d'en entendre parler. Cette absence n'est pas innocente et contribue tout fait donner de la biologie l'image d'une science de "faits", d'"observations", de certitudes : aux cours de biologie, on

    * Voir l'article de Genevive Lacombe : "Adaptation et thorie de l'volution", Aster n4, 1987, INRP.

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    " . . . i l m'a assur que jamais i l n'accorderait la main de sa f i l l e un homme qui prtend avoir un singe pour arrire-grand-pre"

    un f i lm vido.

    de f i c t i o n

    apprend, c'est bien connu (on relira avec profit les sujets de baccalaurat) "dduire" partir de rsultats... O sont les hypothses ? O sont les thories ? On les ignore.

    A l'encontre de ces insuffisances, nous avions donc dci-d de nous intresser, en quipe, aux thories de l'volution. Les problmes soulevs par le nodarwinisme, par l'enseignement des thories de l'volution dans diff-rents tats des USA taient de nouveau trs prsents depuis deux ans. Il nous semblait important que notre enseignement prenne en compte ces voix amplifies par les mdias, et essaye de donner des outils explicatifs et des lments de jugement nos lves. Au cours de ce travail, parat "le procs du singe" de Gordon Golding (27), qui donnera son orientation la production vido envisage : ce procs avait t dj prsent en juin 81, par un numro de l'"Histoire" (28) et par un numro de "la Recherche" (29), et nous avions pens qu'il pourrait tre l'lment qui focaliserait les re-cherches des lves, qui leur donnerait un sens et un but, qui justifierait et socialiserait l'acquisition des connaissances. Nous sommes convaincus, en effet, que la lecture de documents, d'informations, se fait d'une faon active si elle est sous-tendue par une production venir. A la fois rinvestissement d'un savoir et production sociale : on n'apprend pas seulement pour apprendre, mais aussi pour savoir et pour communiquer. Dans le travail par groupes, o chaque groupe n'aborde qu'une partie d'un problme, ou qu'une facette d'une question, une des difficults reste la phase de communi-cation aux autres. Chaque groupe a du mal couter les autres et s'approprier les informations transmises par les autres groupes. Une des faons de remdier cette difficult est que l'ensemble des travaux des diffrents groupes soit rutilis collectivement pour une production s'appuyant sur les apports de tous. C'est cette proccu-pation qui nous a fait adopter l'ide de ralisation d'un film vido. Cette classe ayant dj utilis la vido en cours d'anne trouvait l une excellente manire de r-utiliser ses comptences.

    Nous sommes entrs dans le travail par le biais de la fiction, et c'est sous forme de fiction que s'organisera la lecture de l'vnement. Cette dmarche, qui sans doute au dpart ne fut pas entirement consciente, nous est apparue ensuite - et nous l'avons vrifi dans d'autres travaux - beaucoup plus intressante que celle qui s'en-ferme dans une production raliste. Le biais de la fiction, tout en enrichissant la lecture des documents, l'organise plus finement. La fiction peut tre cration plus que restitution, et pour cela oblige des choix qui exigent une lecture plus consciente, plus critique, plus

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    engage.

    C'est donc avec Charles, l'ami de Sarah, que nous allions rencontrer Darwin : le pre de Sarah n'accorder pas la main de sa fille un partisan de Darwin ; toutefois, en homme "libre", il coutera les thses que dfend Charles et, de faon trs moderne, les utilisera comme justifica-tion du monde o il vit : on retrouve l le darwinisme social, qui pourra soutenir que l'ingalit sociale est "bonne" puisque "naturelle". Tout au long du livre, court la voix off de l'auteur : relations darwinisme-dtermi-nisme, influences culturelles de l'poque comme la litt-rature franaise (Madame Bovary) et la psychanalyse. Et l'on va, d'un mme mouvement, se laisser entraner par la qute amoureuse de Charles, et par la passion des deux "carbonari de la pense" : Charles, et le docteur Grogan. "Lyme, dans la nuit, c'tait ce t te masse des hommes ordinaires, apparemment plongs dans un sommeil imm-morial ; tandis que Charles, reprsentant la slection naturelle, n'tait plus qu'intellectualite pure, pleinement veill, comme un dieu libr parmi les scintillantes toiles, avec l'aptitude tout comprendre.. ." (30)

    Charles, le lieutenant "Darwinien" ?

    "passionment"

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    le procs du singe

    Scopes,instituteur darwiniste en 1925 aux Etats-Unis

    la production filme : une ralisation coordonne du travail de dif-frents groupes.

    ... qui pourra servir d'autres classes

    Nous avions ainsi resitu les travaux de Darwin dans le contexte victorien de la deuxime moiti du XX sicle. Un travail collectif allait maintenant permettre chacun de mieux comprendre les thses de Darwin : ensuite, chacun pourrait approfondir tel ou tel point sans tre arrt par une absence totale de connaissances, et sans tre dcourag par une recherche trop difficile. Nous souhaitions aussi, ds cette premire tape de travail, que Darwin apparaisse comme "encore vivant", mme si ce point ne devait tre approfondi que plus tard. La prsentation du "procs du singe" permettrait d'une part, de montrer comment, en d'autres temps, se posaient diffremment les questions souleves par Darwin, et d'autre part de donner des envies, de sugg-rer des ides pour la production finale : le film du procs. Se place ici l'utilisation des deux articles parus en juin 81 autour de ce procs : celui de Thuillier (29), et celui de Golding (28). Apparat alors nettement l'en-jeu idologique, politique et religieux du dbat qui s'instaure. Aprs cette tape de sensibilisation - la fois au tra-vail engag et aux problmes soulevs par le darwinisme -, une tape individuelle de lecture, hors du temps scolaire, permettrait chacun d'approfondir cette approche de Darwin, du darwinisme et du nodarwinisme.

    Enfin, vint le film... son laboration, son tournage, son montage. Le livre de Golding nous sert de base pour un premier dcoupage du "procs du singe", ce procs de Scopes, instituteur darwiniste, procs voulu comme une tribune permettant l'affrontement des thses volution-nistes et des objections des fondamentalistes. Chaque groupe d'lves va prendre en charge une squence du film, et, documents l'appui, en raliser le dcoupage, plan par plan. L'image doit rendre compte, dans son or-ganisation et son articulation avec les autres, de la si-gnification sur laquelle il y a consensus. Un groupe, aid des enseignants, assurera la coordination, et veillera l'unit de l'ensemble et sa cohrence. Sont alors dfi-nis les acteurs, les quipes de tournage, l'quipe de montage. Le film est tourn en trois journes banalises : film vido 3/4 de pouce ralis avec l'aide technique (deux animateurs, et le matriel vido) du stu-dio mobile rgional. Le montage sera fait par un petit groupe, en dehors des heures de cours, la fin de la mme semaine. Le film dure environ 15 minutes, et peut maintenant servir de base de travail, de discussion pour d'autres classes. Les lves ont vcu le tournage avec beaucoup de plaisir, malgr les habituelles difficults techniques. La direction d'acteurs n'a pas toujours t facile, surtout quand il a fallu faire appel des figu-rants extrieurs la classe, et peu motivs...

    Et aprs ? En dehors de la satisfaction d'avoir tourn le

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    une situation d'apprentissage qui semble efficace...

    ... mais qui a ses limites

    film et pour un petit groupe de l'avoir mont, qu'en ont retenu les lves ? J'ai, quelque temps aprs le film, propos un questionnaire crit la classe (j'avais donn ce mme questionnaire d'autres classes non impliques dans le film). Je pense qu'un certain nombre de points ont t acquis de faon plus approfondie dans cette si-tuation d'apprentissage que dans des situations plus traditionnelles, bien que je n'aie pas fait une tude d-taille des rponses. Une seule chose certaine ! Tout ce travail a t insuffisant pour branler les convictions d'une lve qui s'affirme comme appartenant aux "tmoins de Jehovah", et qui a gentiment jou le jeu scolaire sans pour autant mettre en question des convic-tions fixistes fortement ancres. Situation limite sans doute, mais qui claire le problme toujours prsent de la difficult de restructuration d'acquis antrieurs, sur-tout quand l'affectif et la scurit sont profondment investis dans ces acquis. Le programme d'une anne se dpose sur des strates plus ou moins solidifies et n'attaque que trs rarement les dpts fossiliss. Problme majeur de tout l'enseignement du second cycle, qui prend souvent trs au srieux les connaissances qu'il apporte mais ne se soucie pas du "terrain" qui les accepte... momentanment. Problme qui n'est pas rsolu aussitt qu'on en a conscience, hlas.

    histoire des sciences et epistemologie

    On l'a vu au cours des exemples qui prcdent, il est souvent difficile, et je pense qu'il est bien qu'il en soit ainsi, de sparer l'histoire des sciences de l'pistmo-logie. On peut aussi choisir de privilgier cette approche comme dans les situations suivantes.

    une image est toujours celle de son temps

    2.7. Images et mtaphores *

    Cette tude trs riche peut tre aborde de diffrentes faons avec diffrents objectifs. Une tude transdiscipli-naire des images et des mtaphores utilises une mme poque doit tre trs fructueuse. Mes ambitions avec une classe littraire avaient t assez limites. Je souhaitais qu'ils comprennent : - que l'utilisation d'images n'est jamais innocente et de ce fait mrite d'tre analyse - que les relations entre l'utilisation d'images et la re-cherche scientifique ne sont pas simples. Raliser qu'une image est toujours celle de son temps fait bien sr appel l'histoire. Les images du systme nerveux, en particulier celles du cerveau, sont passion-

    * Activit en Premire A.

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    la vulgarisation scientifique peut se rvler un va-et-vient entre deux inconnus

    nantes. Canguilhem d'abord (31), Rose ensuite (32) sont des sources prcieuses. La vulgarisation scientifique son tour s'intresse au cerveau et l'image de l'ordinateur sera largement prpondrante. Exit les esprits animaux, les signaux lectriques, les bip-bip tlgraphiques, les ouvriers de l'usine paternaliste ds les premiers balbu-tiements de l'informatique. Les vulgarisateurs russissent faire croire au lecteur qu'ils vont lui expliquer un in-connu (le systme nerveux) par des images empruntes un autre inconnu (l'ordinateur). Dans ce va-et-vient entre deux inconnus, qu'apprend le lecteur ? Ainsi renvoy la complexit des objets que dcrit la vulgarisation scientifique, il est prt croire -avec modestie - que tout ce qu'on lui dit est exact... Et pourtant, la vrit rvle de 1980 sera toute diffrente de celle de 1920. Une magie chasse l'autre. Le pittores-que des images appelle l'adhsion (cf. Bachelard) ; il im-porte de le savoir, et de lire avec un oeil critique. Se mfier des nouveaux dogmes en resituant les informa-tions dans l'histoire et dans la ralit qui les modle, dicte des choix, impose des priorits. Nul doute qu'une analyse linguistique puisse enrichir une tude des images et des mtaphores qu'utilise la science, un moment donn de l'histoire.

    permettre une approche vraie du travail scientifique...

    2.8. Les fraudes scientifiques

    L'tude des fraudes m'intresse (au mme titre que la lecture de livres comme "La double hlice" de Watson qui montre l'arrire-cuisine des dcouvertes) car elles prsentent un aspect de la science qui est massivement absente de nos programmes du second cycle. Ceux-ci reposent sur une double conception "de la science et de l'histoire des sciences" jamais lucide, prsente comme la seule possible : il me semble important que des l-ves de section scientifique prennent conscience de la fa-on dont se fait le travail scientifique, des conditions qui font qu'un chercheur puisse tre amen "tricher". Cette analyse, qui peut se faire par exemple partir d'un article de "La Recherche" sur les fraudes scienti-fiques (33), permet de remettre en question les images de la science et de l'histoire des sciences les plus gn-ralement vhicules par notre enseignement.

    Habituellement, la biologie apparat comme une somme de faits : un savoir cumulatif, un empilement d'lments successifs laissant croire au primat de l'observation, et l'vidence des rsultats. Cette somme est ferme ; le programme clos dfinissant une fois pour toutes les limi-tes de l'intrt qu'on lui porte, ceci tant surtout vrai -contradiction profonde ! - dans les sections dites scientifiques. Elle se prsente dans un discours transpa-rent (cf. Todorov), qui est ainsi entirement assum par

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    ... remettre en question le "si la science le dit, c'est que c'est vrai"...

    ... refuser l'histoire des sciences qui se borne une hagiographie...

    ... cela peut tre envisag travers l'tude des fraudes

    ceux qui le lisent. "La science semble l'image mme de la rigueur et de l'objectivit" (33), d'autant mieux que ce discours gomme tout contexte. "Si la science le dit, c'est que c'est vrai"... et c'est sans doute pour cette rai-son que les mdias prsentent souvent les opinions des scientifiques sur tel ou tel sujet d'actualit (problmes sociaux, thiques, nergtiques, catastrophes diverses...), comme des arguments indiscutables, arguments d'autorit. Enfin, elle ne rflchit jamais sur elle-mme. Dichoto-mie significative de notre enseignement : en biologie, on est cens "faire" ou "voir", on rflchira ailleurs et plus tard... peut-tre. La philosophie rflchira pour nous, et l'histoire aussi. Pas d'epistemologie pendant les cours de biologie. On ignorera superbement que les chercheurs ont pu parler de leurs pratiques, les analyser, indiquer leurs a priori thoriques. D'ailleurs, les chercheurs existent-ils ? Bref, il s'agit d'une science scientiste, dont l'approche est plus magique que raisonne ("c'est vrai puisque c'est crit"), qui superpose des leons apprises par coeur et aussitt oublies (un franais sur quatre croit que le so-leil tourne autour de la terre). C'est la mme science que les mdias clbrent. L'lve n'a pas le choix, c'est la seule version qui lui est offerte.

    Le problme est le mme avec l'histoire des sciences qui tient de l'hagiographie et de la petite histoire : galerie de tableaux, photos de savants "bienfaiteurs de l'humani-t", prcurseurs gniaux balisant la ligne droite qui mne la vrit, prophtes visionnaires qui, sans a priori d'aucune sorte, sans erreur et sans faille et Dieu sait pourquoi, dcident de faire une exprience qui portera leur nom. Il s'agit d'une lecture idologique du pass et du prsent qui ne dit pas son nom.

    On comprend facilement que dans pareil contexte, les fraudeurs n'aient pas grand chose faire. Au maximum, il y aura uji mchant, contrepoint indispensable de tous les bons. Et encore, se rfugie-t-il dans les manuels d'histoire (tel Lyssenko). Ce mchant a d'ailleurs un grand matre qui tire les ficelles, et ce sera la seule fois o la science apparatra comme tant au service de la politique, comme ayant quelque chose voir avec la politique. "Les fraudes jouent un excellent rle de rvlateur sur la manire dont fonctionne la science tant au niveau pistmologique qu'au niveau de l'institution." (33) D'o un travail d'analyse de diffrentes fraudes, fait avec une classe de Premire S : allchs par l'aspect "fait divers" les lves entrent avec plaisir par la petite porte dans un domaine sacro-saint. Trs vite, dans les demandes d'claircissement leur apparat ce qui pour eux est une nouveaut : tous les chercheurs n'ont pas, dans

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    un mme domaine, des points de vue identiques, et cer-tains vont ainsi jusqu' la fraude pour "dmontrer" qu'ils ont raison.

    Ce qu'apprennent les fraudes sur le fonctionnement de l'institution : Etre le premier publier un rsultat, une nouvelle tho-rie peut avoir des rpercussions sur la carrire d'un chercheur, sur sa clbrit. On comprend alors les an-goisses de Darwin recevant une lettre de Wallace et y retrouvant des rflexions qui convergeaient avec les siennes... qu'il n'avait pas encore publies. Cette ambition peut se rencontrer aussi bien au niveau d'individus que de laboratoires ; elle s'accompagne tou-jours d'implications financires et peut se doubler ven-tuellement d'un nationalisme exacerb (voir les problmes lis l'identification du virus du SIDA). Tant que la science marchera coup d'honneurs, de pu-blications glorieuses, de comptitions effrnes, de riva-lits entre patrons et assistants, elle gnrera son cort-ge de fraudeurs et de tentations. Pour chacune, de nom-breux exemples ! : l'espionnage scientifique, les fraudes de scurit (virus, manipulations gntiques), la publica-tion anticipe de rsultats... probables (bluff, mauvaise, foi, prvision, il est difficile de faire la part des choses). On cherche tellement que l'on croit avoir trouv (34), et il est important de publier avant le concurrent. On prend bien sr ainsi des risques certains (cas de l'homme de Piltdown), mais parfois, nul ne s'en aperoit ou presque (Mendel). En mme temps, on peut essayer de freiner les recher-ches concurrentes. Pour l"'homme de Piltdown", une des hypothses avance que la supercherie serait due un

    . . . freiner les anatomiste autralien, Smith, qui aurait voulu ridiculiser concurrents.. . Sir Woodward, conservateur au British Museum. On peut

    aussi tenter de discrditer l'autre, pour des raisons poli-tiques par exemple (Kammerer tait-il fraudeur, ou a-t-il t la cible d'un militant nazi qui voulait le discrdi-ter ?) (35). Ce qu 'apportent les fraudes la rflexion

    pistmologique: Les fraudes les plus intressantes, bien sr, sont celles dont on ne s'aperoit pas tout de suite, celles que l'on croit. Leur analyse permettra d'aborder : - les rapports entre "faits" et thorie - le statut de l'exprience - l'importance et les limites du doute.

    . Les rapports entre "faits" et thorie Il existe des situations o le doute recule, o l'esprit critique perd sa vigilance : - si les rsultats proclams correspondent une attente

    l'cueil de la comptition : tre le premier...

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    ... se laisser trop entraner par ses attentes...

    pratique de la part du grand public : c'est l'attitude scientiste qui croit en la science, et qui tourne sa foi vers ses progrs (remdes miracles contre le cancer, contre le SIDA...) mais la communaut scientifique, elle, chappe ces mirages. - si les rsultats proclams correspondent des attentes thoriques, alors les scientifiques eux-mmes risquent de se laisser tromper. Aux prhistoriens cherchant le "chanon manquant", l'homme de Piltdown apparat comme l'intermdiaire attendu entre singes et hommes ; pour les partisans de l'hrditarisme, les jumeaux de Burt seront les arguments indispensables leur lutte contre les environnementalistes. Gould (36) dcrit Burt comme tant habituellement fort honnte ; de la mme faon, les partisans de l'hrdit des caractres acquis voyaient dans les brosses copulatrices des crapauds de Kammerer des exemples absolument dmonstratifs. Parfois le doute subsistera longtemps : Mendel a-t-il fraud ?

    . . . peut conduire des fraudes, quelque-fo is inconscientes...

    . Le statut de l'exprience Certaines de ces fraudes ne sont peut-tre pas entire-ment conscientes, du moins au dpart. Si la rigueur scientifique exige que l'on accepte tous les rsultats, y compris ceux qui remettent en question vos propres hypothses, chacun sait que c'est extrmement difficile, et que ceux-l mme qui ont insist sur cette rigueur ne s'y sont pas toujours tenus (Claude Bernard, Pasteur) ; or l'histoire ne leur en tient pas rigueur. Il est toujours possible de ne pas voir tous les rsultats, de mettre en place un dispositif exprimental orient inconsciemment par ce que l'on recherche ; il sera difficile ensuite de revenir en arrire, de remettre publiquement en question des rsultats trop vite annoncs. On essaie de gagner du temps ; il faut arriver dmontrer qu'on a raison, pour soi, et pour les autres. Et cela d'autant plus que les au-tres vous font dj confiance. Avec un peu de chance, on mourra assez tt (Burt).

    mettre l 'exprience l'preuve du principe de la r e p r o d u c t i b i l i t . . .

    La difficult de "dtecter" les fraudes, ou de les prvoir, est bien relle : bien sr, il peut y avoir des dnonciations, mais elles ne peuvent tenir lieu de preuves. Que peut-on prouver ? - qu'une exprience "cruciale" n'a jamais t faite (les jumeaux de Burt) - que certains rsultats dcrits pour une situation exp-rimentale donne n'ont jamais pu tre obtenus (les Chlamydomonas et leurs flagelles) - que certaines conditions exprimentales ont t tru-ques (difficile prouver !) - que des rsultats ont t maquills (encre de chine des crapauds).

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    ... n'est pas toujours possible

    En principe, toute exprience doit pouvoir tre refaite par d'autres, mais ce n'est pas toujours vident : Kam-merer tait, semble-t-il, un trs habile exprimentateur, et il tait le seul pouvoir lever plusieurs gnrations de crapauds, aucun de ses contradicteurs ne pouvait gar-der vivants les crapauds sur lesquels il aurait souhait refaire les expriences litigieuses. D'autre part, comment contester rapidement, ou refaire, des expriences qui demandent une priode aussi longue que dix ans ?

    De plus, la spcialisation de la recherche fait qu'il est difficile de s'intresser, et de pouvoir critiquer des tra-vaux faits dans d'autres domaines, avec des techniques sophistiques (dans le cas d'IUmensee, la remise en ques-tion vient de ses assistants).

    se mfier des rsultats qui renforcent une idologie

    viter le manichisme scientiste

    . L'importance et les limites du doute On peut tre mfiant a priori, en particulier quand les rsultats servent de "preuve" unique et "vidente" une thorie elle-mme inscrite dans un contexte qui la d-passe tel l'intrt vident du stalinisme pour Lyssenko, du biologisme hrditariste pour Burt, e t c . Seulement voil, l'histoire nous rappelle en mme temps qu'ont t longtemps ignors, ou mme rejets, pour-chasss... des rsultats qui apparaissent comme trop nouveaux, voire gnants dans un paradigme donn. Il faut savoir ne pas rejeter trop vite ce qui est nouveau. Quelles responsabilits prend-on, en freinant des expriences, en refusant des soutiens financiers a des recherches qui apparaissent farfelues, pas forcment "orthodoxes" si elles taient valables ? La lecture de li-vres parus en 85 sur "l'affaire Priore" pose clairement ce genre de problmes. O passent les limites entre sciences et "fausses sciences", ou "parasciences" ? Comment naviguer, en vitant tout la fois le conservatisme ractionnaire, et l'aventurisme irresponsable ? "L'esprit de sel" (37) peut tre utilis, dans la rflexion avec une classe, pour aider mieux cerner ces questions, et viter le manichisme scientiste qui trancherait en escamotant les problmes.

    L'histoire des sciences ouvre ainsi, par l'tude des fraudes, la porte des chercheurs bien vivants, inscrits dans une poque o interfrent de multiples problmes, et dont les laboratoires nous apprennent la complexit des recherches. Nul doute que cette tude gagnerait tre complte par les observations actuelles faites par l'quipe de Bruno Latour (38).

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    3. EN GUISE DE CONCLUSION

    l'histoire des sciences pour mieux comprendre les erreurs des lves.,

    ... sinon c'est le bon sens qui gagne au dtriment de la rigueur scientifique

    Une meilleure connaissance de l'histoire de sa discipline permettrait sans aucun doute l'enseignant de mieux comprendre les erreurs que commettent ses lves. Mme sans cro i re que l 'ontogense r e t r ace la Phylogenese, il est intressant de voir que les points de forte rsistance la connaissance scientifique s'ancrent profondment dans un bon sens collectif qui a d'ancien-nes racines. Des observations faites sur plusieurs annes (en Premire D, en Terminale C) m'ont amene penser que notre enseignement n'aide pas les lves remettre en ques-tion les "vidences", les connaissances relevant du bon sens, et qu'on peut trs bien empiler des connaissances exactes sur des bases fausses, sans que - court terme - l'incompatibilit des deux clate. Et, long terme, c'est le "bon sens" qui gagne. C'est ainsi que les mentions hilarantes des manuels de Troisime sur les croyances que les souris naissent de chemises sales n'aident en rien remettre en cause la thorie de la gnration spontane. Plus prcisment, on peut illustrer cette persistance du bon sens collectif par l'exemple qui suit.

    lie l'histoire de la reproduction, celle de la gntique...

    ...et aussi celle de la thorie cellulaire...

    3.1. A propos d'un travail sur la thorie de la "gnration spontane en Terminale C

    . Intrts que prsente cette thorie pour la classe

    - Elle correspond un concept qui figure au programme de troisime et qui motive en gnral vivement les l-ves par son aspect anecdotique (c'est en effet par l'a-necdote que l'histoire entre dans le premier cycle). - Son histoire est troitement lie celle de la repro-duction et celle de la gntique que nous devions aborder par la suite. Elle apparat comme telle dans le livre de F. Jacob, La logique du vivant (39), dont j'avais dcid de faire le livre de rfrence de la classe. Elle est aussi un lment important de comprhension d'une partie de la thorie cellulaire (fin XIXe sicle), dont la lecture de l'nonc ne semble poser aucun pro-blme (toute cellule vient d'une cellule prexistante) quand il suffit de l'apprendre par coeur pour la rciter le jour du bac. Or, si un sicle et demi sparent les premires observa-tions microscopiques de la thorie cellulaire, les probl-mes poss par la gnration n'y sont pas trangers bien que n'tant pas les seuls (cf. Les sciences de la nature au XVIIIe sicle, J. Roger (6))

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    ... la thorie de la gnration spontane a longtemps rsist

    qu'en est-il pour les lves ?

    leurs rponses vont nous permettre de l'entrevoir :

    - C'est une thorie qui a longtemps rsist puisque, alors qu'elle avait disparu au niveau du macroscopique la fin du XVII sicle selon F. Jacob, elle rapparat, persiste au niveau du microscopique. Qu'en est-il au XX sicle ? Qu'en est-il pour les lves de Terminale ?

    - C'est un exemple intressant du fait qu'on ne peut pas interprter des rsultats d'expriences, d'observations, sans a priori, sans thorie pralable dans le cadre de la-quelle on s'inscrit, ou qu'on cherche dtruire... pour des raisons qui peuvent tre autant philosophiques, politiques, que strictement biologiques ; ceci qu'on en soit conscient, ou non. Or, depuis la Sixime (au moins), on demande aux lves de conclure partir d'un rsultat d'expriences (Que voyez-vous ? Que pouvez-vous en dduire ? Concluez.). C'est l qu'on juge leur "esprit logique"... Il ne suffit pas - encore que ce soit indispensable -qu'une exprimentation soit mene avec toutes les pr-cautions ncessaires pour qu'elle permette une interpr-tation correcte. Si c'est la mme chaleur que le Crateur a place dans toutes les cratures, comment s'tonner que des tres anims puissent natre de matire inerte (cf. XVI sicle). S'il existe une force vgtative (et comment prouver qu'elle n'existe pas ?), ne peut-on pas la dtruire en fai-sant bouillir les infusions de foin ? (cf. reproches de Needham Spallanzani, XVIlle sicle). - Enfin, elle met en vidence le faux du parti pris his-torique de la cellule, tel qu'on l'observe dans les manuels de Terminale o l'"apparition" (?) d'une nouvelle techni-que semble toujours la cause d'un "progrs" : vue linaire, mcaniste et passive de l'histoire.

    Un exercice propos la classe

    Les lves avaient rpondre (seuls, par crit) la question suivante concernant des Colpidiums et des Pa-ramcies prlevs dans de l'eau o croupissait du cresson : 'Vous avez vu en T.P. des micro-organismes animaux. Pouvez-vous mettre des hypothses sur leur provenance." Quelques-uns (peu) ont rpondu : "Je ne sais pas." D'autres (peu) ont parl de l'origine des tres vivants, en gnral. Restaient dix-neuf rponses analysables.

    - Cinq (dont trois redoublants) proposent : ces micro-organismes proviennent de "germes", "coques", "embryons", qui sont dans les plantes qu'on a places dans l'eau sur ou/et dans l'air. Deux prcisent pourquoi

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    ... la gnration spontane ? pas morte !

    ils mettent cette hypothse : un, par analogie avec ce qu'il sait sur le dveloppement de spores de champignons sur milieu favorable ; l'autre - redoublant - "tant donn que la gnration spontane n'existe pas..."). - Tous les autres (quatorze) proposent des rponses qui renvoient plus ou moins la thorie implicite de la g-nration spontane : "Ils proviennent d'une pourriture." "Ils proviennent de ractions entre l'eau et des cellules vgtales transformes." "Il existerait dans i'eau croupie par exemple, une sorte de gnration spontane, partant des micro-organismes vgtaux en dcomposition." "Us pourraient aussi venir de la dcomposition de cer-tains corps quoique ce serait bizarre, puisque ces micro-organismes sont vivants."

    3.2. Et demain ?

    Dj des projets apparaissent, dans les universits des formations se mettent en place. Mais l'enseignement se-condaire est encore fort peu concern. Quand la "dfense et illustration" de l'histoire de la bio-logie s'chappera-t-elle des Cahiers Pdagogiques (40) pour envahir le B.O. et les instructions officielles ?

    Genevive LACOMBE Lyce de Saint-Gaudens

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    (1) Michel PATY. "Science, retour aux sources et fondements". La Recherche, n69. Juillet-Aot. 1976.

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    (3) Pierre THUILLIER. "La Science moderne entre le Diable et le Bon Dieu." La Recherche, n35. Juin 1973.

    (4) Franois RUSSO. Nature et Mthode de l'Histoire des Sciences. Paris. Lib. Blanchard. 1983.

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    (5) Genevive LACOMBE. "0... grands hommes". Cahiers pdagogiques, n2i4. Mai I983-

    Genevive LACOMBE. "Histoire des Sciences et Manuels. Photosynthse et changes de matire". Bull. APBG, n4. 1983.

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    (8) Jacques PROUST. Diderot et l'Encyclopdie. Paris. Colin. 1962. (9) Robert DARNTON. La fin des lumires, le messmerisme et la rvolution Paris. (10) Pierre BARBERIS. Diffrentes tudes sur Balzac dont : Balzac et le mal du sicle : contribution une physiologie du monde moderne. Paris. Gallimard. 1970. Balzac. Une mythologie raliste. Paris. Larousse. 1970.

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    (30) Ibid. (26) p. 233 .

    (31) Georges CANGUILHEM. La formation du concept de rflexe aux XVII et XVIIIe sicles. Paris. Vrin. 2e d. 1977.

    (32) Hilary et Steven ROSE. Le cerveau conscient. Paris. Le Seuil. 1973. (33) Marcel BLANC, Antoine DANCHIN. "Les Fraudes scientifiques", vn La Recherche, n" 113. Paris, juillet. 1980. Michel de PRACONTAL. L'imposture scientifique. Paris. La dcouverte. 1986.

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    Jean ROSMORDUC. "Enseigner la biologie". Cahiers pdagogiques. n 214, mai 1983.

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    Elments de bibliographie sur l'histoire des sciences

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    Gabriel GOHAU. Enseigner l'histoire des sciences. Pourquoi ? Cahiers Pdagogiques, janvier 1967. Nicole HULIN. L'histoire des sciences dans l'enseignement scientifique : aperu historique. Revue Franaise de Pdagogie, janvier fvrier mars 1984. Sabine LAURENT. Et l'histoire des sciences ? Cahiers Pdagogiques n 199. d-cembre 1981.

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    . Collectif. Questionnaire et rsultat de l'enqute sur l'enseignement de l'histoire des sciences et des techniques, octobre 1980 (Organis par la Socit d'histoire des sciences et des techniques).