IMPASSE THERAPEUTIQUE PRISE EN CHARGE DU … · logiques relationnelles et spirituelles, ... et...

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PRISE EN CHARGE DU MALADE

D L iminaire / ) ' .l lorc /Josl

D Impasse thérapeutique et prise en charge du malade. différents asp ects

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À noter llès mainte1ia1it

Les 20 et 21 novembre 1999

XXI l le Congrès national du C.C.M.F.

à PARIS - 6, rue Albert-de-Lapparent - 75007

THÈME

CONSCIENCE CHRÉTIENNE et PRATIQUE MÉDICALE

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WI:mJDI:mCCilNI:m e JDI:m l1~WCDWWI:m Revue du Centre Catholique des Médecins Français

BIMESTRIEL

111t:t1('(·i111• dt• /'/111111111(• : C11111i/1i tir réd11clio11

M. ABIVEN - F. BLIN - M. BOST M. BOU REL- P. CHARBONNEAU

F. GONTARD - S. GROSBUIS M.J. IMBAULT-HUART - J.M. JAMES

Cl. LAR9CHE - J.M. MORETTI s.j. S. SEJEAN - J.-L. TERMIGNON

J.-C. BESANCENEY

C1'11/re cafholiq111• des .llétf1•ci11s Fr1111çais:

C1111.,<'il na/ i1111a I P' GENTILINI, Président (Paris),

MM. les Docteurs ABIVEN (Paris), BARJHOUX (Chambéry) , BLIN (Paris),

DE BOUCAUD (Bordeaux), BOST (Paris), BOUREL (Rennes), BREGEON (Angers),

CAZOTTES (Perpignan), CHARBONNEAU (Paris),

DEROCHE (Joué-les-Tours), ESCHARD (Reims), GAYET (Dijon) ,

M- les D~ GONTARD (Paris), GROSBUIS (Garches),

MM. les D~ LAROCHE (Paris), LIEFQOGHE (Lille) ,

MASSON (Bar-sur-Aube), REMY (Garches). Père J.-C. BESANCENEY, aumônier national

A tlmi 11 is f rai ion Hétl111·ti1111

P11ûlfrité Centre Catholique des

Médecins Français 5, avenue de !'Observatoire

75006 Paris Tél.: 01 46345915 Fax: 01 43 54 10 07

Un an: 350 F Étranger : 370 F

Le numéro simple franco : 60 F Le numéro double franco : 100 F C.C.P. : C.C.M.F. 5635-34 T Paris

N° simple 239 - JANVIER-FÉVRIER 1999

s • ornrnazre • Une dale ù retenir

XXIII• Congrès National du C.C.M.F. - Paris . . . . . . . . . . 11· w 11 v

• Les vœu.1· du Trésorier P' Jean-Michel Rémy...... .. ... . .... .. . . . . . . . . . . . . 2

• Assemblée géuémle du 25 oclobre 1998 lettre du P' Michel de Boucaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

• Liminaire D' Marc Bost ................................... .

• Impasse tltérape11liq11e et prise en charge du malade, différents aspects D' Bruno P. Boulte ............................... .

• Le.<> soins du malade eu rupture sociale D' Jacques Hassin ............................... .

• Uenfanl porteur d 'un handicap p;rave D' Philippe Lacert ............................... .

• Prise eu charge du malade alcoolique chronique D' André Bonnefond ............................. .

• Pri.i;e en charge du malade P·".Vclûatriquc D' Françoise Gonçalvès .......................... .

• S oig11w1/s el soignés face à 1mc maladie à pro1wslic létal D' Martine Ruszniewski .. .... .. . .. . .............. . .

• À l'écoule des malrules, à l'écoule du Christ, quelle espérance ? Mgr François Favreau, évêque de Nanterre ........... .

• Réjlc.'l'ions d11 Comité Cowmltalij'National d 'Élhique Père J.-C. Besanceney ........................... .

• Un sÇjour de quatre semaines au Nord-Tof!,·o (été 1998)

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D' Marc Bost . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . :29

• •

Plan de travail proposé rm;, · 15·ro11pes (.m ile) Père J.-C. Besanceney. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . :31 Appel des cotisations el abotl/l('l/IC/l/S 1999 . . . . . . . 1 v·· ('U LI V .

MÉDECINE DE L'HOMME N' 239 e 1

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Les vœux du Trésorier

Chers Amis,

Au seuil de cette nouvelle année votre trésorier vous présente ses meilleurs vœux au nom de toute l'équipe du C.C.M.F. Il souhaite à chacun(e) un souffle d'énergie suffisant pour affronter les grands problèmes médico-sociaux du moment qui nous interpellent, que nous soyons croyants ou non.

Nous voudrions augmenter les liens entre les différents groupes de réflexion qui s' orga­nisent dans certaines villes, telles Angers, Reims, Dijon, Bordeaux ... (la communication se fai­sant entre nous soit directement, soit par l'intermédiaire de la revue« Médecine de l'Homme» ouverte à tout un chacun).

Pour mener à bien cette solidarité dans le dialogue et la réflexion, nous avons besoin de vous, et un des premiers moyens de nous aider est de régler votre cotisation 1999 (200 F) et votre abonnement 1999 (350 F) le plus tôt possible dans 1' année, aux tarifs inchangés.

D'avance merci.

Très amicalement,

Professeur J .M. Rémy

2 e MÉDECINE DE L'HOMME N° 239

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Assemblée Générale 25 octobre 1998

La passation de pouvoir du P Gentilini au P de Boucaud n'a pu avoir lieu comme prévu, le 25 octobre 1998 lors de l'Assemblée Générale, du fait d'ennuis de santé de notre nouveau président.

Marc Gentilini a accepté de poursuivre pendant quelques temps la présidence de notre mouvement, en attendant le rétablissement de Michel de Boucaud.

Vous trouverez ci-après la lettre que ce dernier nous avait adressée quelques jours avant l'Assemblée Générale.

« Cher Président,

Chers amis, chers confrères,

Il ne m'est pas possible de participer à l'Assemblée Générale du C.C.M.F. de cette année 1998 et je le regrette très profondément. De brusques événements de santé m'obligent à rester à Bordeaux et je n'aurai pas la possi­bité de me déplacer pendant une période assez longue.

Dans l'approche des responsabilités que le Conseil National avait souhaité me confier, ma réflexion s'est appro­fondie progressivement, en considérant les événements récents concernant notre discipline, les problèmes actuels des hommes et de la société, et l'actualité religieuse.

Il me paraît important de considérer ensemble les pro­blèmes de la santé et de la médecine dans leur globalité, prenant en compte les dimensions scientifiques, psycho­logiques relationnelles et spirituelles, comme le fait depuis longtemps notre mouvement. En tant que médecins chré­tiens, il paraît fondamental de prendre en compte tous les aspects de la conçeption chrétienne de l'homme, façonnée au creuset d~ l'Evangile et construite dans toutes les périodes de l'Eglise. Cette conception repose en fait sur les deux grandes pierres de la liberté et de l'unité : car Dieu nous rend libre et permet de sculpter l'unité de l'homme et des sociétés.

Car nous avons à toujours plus développer une concep­tion de l'homme capable d'intégrer les puissantes recher­ches scientifiques de notre temps et la permanence des caractéristiques humair1es. Au travers qes cultures diver­sifiées, le langage de l'Evangile et de l'Eglise est capable de nous présenter d'une façon toujours actuelle et percu-

tante le sens de la personne humaine. Ainsi nous avons à nous situer dans deux mouvements distincts et com­plémentaires, être à l'écoute de ceux qui souffrent dans leur corps et leur psychisme et cherchent une issue à leurs maux, et ouvrir des portes vers le spirituel.

Car tout en écoutant respirer le monde et en agissant par nos techniques, il est important d'affirmer notre point de vue de médecins catholiques, face aux atteintes des droits de l'homme et de l'enfant fomentées par des attitudes relativistes qui confondent tout et inversent même le sens des mots et des choses.

Tâche bien immense au milieu de la minceur apparente de nos moyens ! Mais n'est-ce pas en affirmant de plus en plus notre identité que nous pourrons être à l'écoute de la vie quotidienne des personnes, des malades, et à l'écoute des mentalités contemporaines de la société ?

C'est ensemble, dans des groupes, grands ou petits, que nous pouvons approfondir et éveiller, en étant atten­tifs à deux dimensions : utiliser et développer les moyens modernes de communication pour contribuer à la forma­tion des personnes dans le domaine qui est le nôtre. Pour­suivre les inter-relations avec les différents secteurs de la pastorale de la santé.

Je souhaite qu'il nous soit possible de poursuivre ensemble notre chemin. Je vous remercie de votre écoute et je vous adresse l'assurance de mes sentiments très cordiaux. » Ill

Michel de Boucaud, 21 octobre 1998

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 e 3

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Liminaire

or Marc BOST (*)

Ce numéro a été bâti à partir d'un après-midi de réflexion lors d'un colloque médical tenu dans les Hauts­de-Seine le 18 octobre 1998, autour de Mgr Favreau, évêque de Nanterre, sur le thème« Impasse théra­peutique et prise en charge du malade». Donc bien différent de« soins palliatifs et fin de vie», déjà étu­dié dans notre revue et combien à la mode.

Ici, il s'agit de la constatation d'un fait récent: il s'agit de l'impasse thérapeutique« sociale» concer­nant des malades en« rupture sociale». Abandon non pas de la médecine et des médecins, mais en quelque sorte abandon par la société: manque de moyens; manque d'un cadre« habituel» (plus de travail, plus de logement, plus de Sécurité sociale). Se pose alors, en 1999 et ceci depuis plus d'une décennie, le pro­blème de l'exclusion d'une partie de la population: exclusion parfois des sidéens ou des drogués; exclu­sion des vieux parents abandonnés à une certaine solitude ... ; difficulté avec une administration tatillonne pour ne pas dire parfois «UBUESQUE» ; exclusion des handicapés graves. Difficulté de la prise en charge des patients alcooliques et de leur réinsertion, familiale et sociale. Exclusion de certains malades psychiatriques ...

Un certain pessimisme ou découragement que nous ressentons tous parfois, est atténué par la réflexion de Mgr Favreau: «à l'écoute des malades, à l'écoute du Christ, quelle espérance?»

Que la lecture et la relecture des Évangiles nous aide à ne pas devenir ou rester « des ingénieurs de la médecine», mais que chaque situation difficile nous pousse à réfléchir et à aider notre prochain, en l'occurrence certains de nos malades, et que nous restions « vigilants » voire agressifs, avec les pouvoirs publics, le monde politique, le monde de la rentabilité (pour ne pas dire le monde de l'argent). •

(*)Médecin attaché à l'hôpital Bichat - Service infectiologic, P' Vildé.

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«Impasse thérapeutique et prise en charge du malade» Différents aspects

0' Bruno P. BOULTE (*)

L'impasse thérapeutique en médecine de ville est multiforme. Les différentes facettes ne cessant d'aug­menter et de se diversifier, vous seront exposées, dans un 2° temps, par des Confrères, à partir de sujets précis et pro­bablement plus parlants. Quelques expériences de ce qui se vit à Argenteuil seront abordées par moi-même.

Il faut savoir qu'Argenteuil est une ville de 100 000 habitants dont les caractéristiques sont les suivantes :

• un pouvoir d'achat faible pour une grande partie de la population; une multi-ethnie, une ZUP de 20 000 habi­tants, sans âme, sans vie, car sans commerce en dehors d'une moyenne surface. Dans la pratique du généra­liste, on peut envisager 3 types d'impasses:

- impasse médicale avec quelques exemples vécus,

- impasse sociale,

- impasse administrative.

1) bnpa.i;se nzé<licale

Entre le souhaitable et le possible apparaissent beau­coup de difficultés. Ceux qui ont une pathologie multiple ... dont il faudra ne retenir que l'essentiel, s'assurer de ce que le patient est en état d'assumer, évoquer les complaintes de certaines personnes âgées, nécessitant patience, temps, explications. Difficultés que l'on a chez les personnes âgées à modifier les ordonnances, encore davantage à sup­primer un médicament ; le carnet de santé que l'on aura à cœur de remplir chez la personne âgée que l'on visite à domicile. Le médecin référent, pour moi, est une fausse réponse à un vrai problème.

111' exemple : un enfant de 7 ans, encéphalopathe,

grabataire, suite à une méningite à Hémophilus (avant que le vaccin n'existe). Nous sommes devant une impasse thérapeutique mais sous ma conduite et avec l'aide du C.E.S.A.P. (1 ), nous allons pouvoir aider cette famille. Les consultations seront régulières, l'écoute de la mère sera attentive. Bien que la perspective médicale soit nulle, il va falloir avancer, discuter d'un placement ou non, parler des autres enfants, entendre la demande des parents, demande qui va osciller, selon les moments, entre le déses­poir et l'espérance.

(") Généraliste, compétent en pédiatrie.

(1) Comité d'Études et Soins Aux Polyhandicapés.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 o 5

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« Impasse thérapeutique et prise en charge du malade » Diffërents aspects

2 exemple : l'impasse thérapeutique chez les toxi­comanes. Une jeune fille de 25 ans connue de moi-même de longue date, sous traitement substitutif. Appelé un jour, par sa mère, pour une visite à domicile avec un faux motif, elle me demande de régulariser une absence de 3 jours, car elle s'est shootée pendant le week-end. L'ami que je ne connais pas est dans la même situation et la demande est la même. Une discussion vive s'ensuit; je montre ma déception, je leur explique que je ne supporte pas le double langage, je m'exécute furieux après moi-même et qui plus est incapable d'honorer ma visite ... Il se passera 6 mois avant que je ne la revois, de nouveau dans la galère. Il faut reconnaître que la prise en charge des toxicomanes est une voie de sainteté ...

:J1 exemple : une femme vient me demander de renou­veler son dossier COTOREP (2). Je crois comprendre, dans son histoire, qu'elle a été opérée il y a 20 ans, d'une tumeur cérébrale. Elle ne sait ni où, ni les circonstances. Je remarque dans ses propos une débilité légère. Son dossier médical rempli par mes soins, le dossier technique est rempli par ses soins. Tout lui sera renvoyé car le dos­sier technique est incomplet. Je lui demande de voir une assistante sociale de quartier, lui donne une adresse ; elle se présente : personne. Je me renseigne, la permanence sociale était fermée, et pour cause, elle s'est présentée aux heures de fermeture. Médecin, assistante sociale, bon samaritain, écrivain public - Que suis-je exactement, tout probablement, est-ce mon rôle ? : certainement.

4e exemple : prenons l'exemple des diabétiques, cette maladie si mal prise en charge car beaucoup d'entre nous médecins, moi le premier, n'y consacrons pas le temps qu'il faudrait. Les malades, dont certains ne comprennent pas bien notre langue, ne mesurent pas la gravité poten­tielle de la maladie. Comment faire avec certains patients pour qu'ils comprennent que si, actuellement, ils vont bien, tout peut se dégrader s'ils ne changent pas certaines habi­tudes, s'ils ne surveillent pas quotidiennement certains paramètres, s'ils n'acceptent pas une ou deux fois par an de voir un spécialiste ? Pour beaucoup, le médecin est un prescripteur, celui qui donne des ordonnances et peu d'entre eux comprennent que consulter un médecin, voir régulièrement son médecin, c'est faire le point sur la situa­tion présente, envisager l'avenir non seulement médica­menteux, mais surtout écouter, comprendre.

2) I mpas.'Je sociale Les enfants qui travaillent et habitent parfois loin. Les

enfants qui ont cc abandonné » leurs parents. Les parents qui ont cc abandonné » leurs enfants majeurs ou mineurs. Tous nous connaissons des situations de ce type. Que d'enfants majeurs ont oublié le devoir impérieux de sub­venir; devoir d'assistance aux parents vieillissants (code civil). Que de fois, nous avons dû intervenir pour que les enfants viennent voir leurs parents en institution ou isolés. Mon premier rôle était d'éclairer, d'ouvrir les yeux de ces

(2) Commission Technique d'Orientation et de RÉadaptation Profes­sionnelle.

6 e MÉDECINE DE L'HOMME N° 239

enfants devenus adultes qui ne prennent pas conscience que leurs parents vieillissent. Un obstacle, le respect du secret médical, mais je pense que c'est du devoir du méde­cin de demander à des parents vieillissants, l'autorisation de téléphoner à leurs enfants, de leur parler de la santé de leurs parents. Hélas, à plusieurs occasions, je me suis entendu répondre : cc chacun a ses problèmes ». Dans d'autres cas, cela va être des parents peu conscients des réalités et des drames qui se vivent chez leurs enfants, même majeurs ; je pense à çe garçon de 17 ans ayant un cancer en phase terminale. A sa demande, je me suis mis à la recherche de son père disparu « dans la nature »,

depuis des années. Que de soucis, que de temps passé, pour que j'arrive à retrouver cet homme, à lui faire com­prendre que son fils était très malade et qu'il le suppliait de venir le voir. Renouer contact avec son fils, le fils qui renoue contact avec son père et ce, avant de mourir, pour mettre au clair ce qui les avait séparé. Le père est venu, ce fût beau et son fils pût mourir peu de temps après, en paix, enfin, comme je l'ai su. Pour moi, quelle fût ma joie de réussir à ce que ces deux hommes se rencontrent.

3) Impasse admitiistrative

La complication croissante des prises en charge. Les formulaires à remplir sont nombreux (et une lettre par case surtout !). On a parfois l'impression que l'administration vous envoie de guichet en guichet pour cc gagner du temps ». Cependant, soyons honnêtes, la généralisation de l'A.M.G. (3) donnée à l'assuré, une fois par an, et non plus une fois par mois, par le Conseil Général, a amélioré considérablement la prise en charge et la possibilité de se soigner, mais dans le même temps, c'est une cause de dérapage des dépenses de santé. N'en déplaise aux esprits chagrins.

L'impasse thérapeutique, c'est aussi des rendez-vous non honorés, des retards systématiques, le carnet de santé non présenté, les demandes de prise en charge à 1 OO %, par des patients qui n'ont aucune chance d'aboutir. Et on recommence, on poursuit, on se ressaisit. L'impasse thé­rapeutique se retrouve chez les personnes âgées qui ren­trent en institution, mal préparées psychologiquement, entrées trop tardivement, à un moment où l'organisme est fragilisé. On note souvent une distorsion entre ce qui est prescrit et ce qui est possible. Des exametis complémen­taires peu raisonnables vu l'état du patient. A mon avis, par­fois il faut se limiter à l'essentiel. Je vous livre cette ordon­nance glanée ici ou là, remise à un patient très malade : «un plaisir par jour, à prendre matin, midi et soir». Véri­fier que la prise a bien lieu, cela nécessite disponibilité, renoncement, ouverture, compassion ... Reconnaissons que le temps passé auprès d'un patient, n'a pas de prix, mais a un coût. L'acte technique est reconnu mais pas le temps passé ... et, cependant, rien n'est plus essentiel que cette présence aimante. J'ai toujours été peiné de constater que les familles qui doivent placer un parent ne me donnent plus aucune nouvelle, voire changent de médecin. Mais là, sur ce dernier point, un psychiatre nous

(3) Assistance Médicale Gratuite.

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donnerait probablement une explication. Adresser un malade à l'hôpital pour y mourir est vécu par moi-même comme un échec, je n'ai pu, je n'ai pas su, je n'ai pas voulu y consacrer le temps, donc l'argent (n'ayons pas peur de parler argent ; ~n médecine de ville c'est un para­mètre incontournable). A l'hôpital, les dernières heures de la vie terrestre seront, certes, plus « clean », mais loin des siens le plus souvent, d'autant que le malade n'est pas dupe, il comprend. Faut-il aimer ses patients ? je ne sais pas et je m'interroge.

Il existe aussi une demande qui me laisse toujours rêveur : « Docteur, en aucun cas, je ne veux que mon parent décède à l'hôpital et en même temps le refus de voir la mort apparaître avec des phrases de ce genre : « La nuit fut effrayante : du fait du malade, je n'ai pu dormir ... »

Qu'est-ce qui est effrayant, le fait que votre parent peut­être souffre et va mourir, ou le fait que vous n'avez pas dormi de la nuit ? La réponse, je crois qu'elle est les deux à la fois ... Autre exemple : « Docteur faites quelque chose, il va mourir » ••• et, calmement, avec compassion, je réponds : « Je croyais qu'on en avait déjà parlé ».

Le Généraliste rend la vie viable tandis que le spé­cialiste garde en vie. Mais pour qu'il en soit ainsi il faut connaître le patient, ce qui n'est pas toujours le cas, car de plus en plus, pour de multiples raisons, la médecine suit l'air du temps. Cela va prendre du temps si la maladie est grave, l'exigence est grande, les urgences vraies ou fausses se succèdent, l'angoisse brouille les idées, le malade a besoin qu'on lui explique, qu'on lui réexplique les choses, la question tant attendue et en même temps si appréhen­dée par le médecin vient enfin un jour, «vais-je mourir;

dans quel état ? ». Comment préparer un malade à cette nouvelle période de la vie, qui sera désormais consacrée en grande partie à la maladie et son traitement, sinon en lui expliquant, calmement, que rechute ne signifie pas mort : rester dans la vérité mais sans désespérer, assurer la qualité de la vie du patient, mais aussi de ses proches, est la tâche difficile mais gratifiante du médecin traitant. Le geste de s'asseoir a une signification symbolique essen­tielle : la demande a été perçue dans toute son intensité, le médecin signifiant, s'asseyant sur un siège et non sur le lit du patient, qu'il perçoit la gravité de la souffrance ainsi exprimée et son attention à la personne du malade comme sujet autonome.

- Savoir pour écouter,

- écouter pour confirmer au malade le respect absolu de sa personne,

- prendre conscience du désespoir du patient,

- affirmer, qu'en aucun cas, on ne mettra fin à sa vie,

- lui permettre et lui montrer dans les faits qu'on soulagera sa souffrance, qu'on ne s'obstinera pas, dans des thérapeutiques futiles ou disproportionnées.

Je vous dirai en terminant que ce quotidien, vécu à Argenteuil, est le lieu par excellence pour vivre cet appel de Jésus à « demeurer en son amour » (Jean XV,5). « Demeurer implique quelque chose de tous les instants, quelque chose que l'on garde dans son cœur » (Luc Il, 5).

Quelques lignes, dont mon souhait est qu'elles soient l'occasion pour nous tous, de relire nos journées profes­sionnelles. il

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 9 7

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Les soins du malade en rupture sociale

or Jacques HASSIN (*)

8 0 MÉDECINE DE L'HOMME N° 239

Pour une bonne compréhension de mon propos, il est nécessaire de présenter brièvement mon parcours. J'ai été, durant 15 ans, médecin anesthésiste réanimateur. J'ai donc reçu une formation scientifique de haut niveau me permettant d'exercer une spécialité extrêmement tech­nique. J'exerce maintenant, depuis deux ans, la méde­cine générale auprès des personnes comptant parmi les plus désocialisées, les plus «cassées» de nos conci­toyens, en tant que médecin responsable de l'antenne médico-sociale du Centre d'Hébergement et d' Accueil pour les Personnes Sans-Abri (CHAPSA) à Nanterre. Dans ce centre, 300 à 350 «clochards» sont conduits quotidien­nement, et environ une cinquantaine y reçoit des soins médicaux ou infirmiers. Cette double approche me permet d'avoir un regard particulier produit par la synthèse de deux angles d'approche de ces deux aspects du malade et de la maladie. Cela me permet d'individualiser deux parties bien distinctes dans mon propos : l'approche dans laquelle le malade et la maladie sont des éléments par­faitement distincts et individualisés, et celle dans laquelle le malade et la maladie sont deux données globales, conjointes, indissociables l'une de l'autre.

Première approche : Le malade et la maladie sont deux· données par/ aitement di.~tinctes .

Comme médecin non seulement somaticien, mais qui plus est dans une discipline très technique, j'ai exercé une spécialité à bien des égards porteuse de fantasmes, d'an­goisses et de mystères. Ré-animer, redonner le souffle, plonger le patient dans le coma, à la frontière de la mort afin qu'il soit opéré, et de façon quasi magique, le réveiller à la demande. L~ geste qui sauve, l'urgence, l'hyperacti­vité, la compétence, la sûreté du geste, le raisonnement clair, arracher le malade à la grande faucheuse, la vie sau­vée. Voilà assurément des activités qui sont prestigieuses et glorifiantes. Dans ,ce cadre, le syndrome « d'omnipo­tens » n'est pas loin. Egaler les Dieux, magnifier la science et la technique, on retrouve là ce que l'on peut dénommer un mythe prométhéen basé sur la pulsion de l'avenir et sur la grande loi linéaire du progrès. Il ne s'agit en rien de nier

(*) Responsable antenne médico-sociale du Centre d'Hébergement et d' Accueil pour les personnes sans abri - Nanterre (CHAPSA), Médecin Samu Social, Paris.

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le bienfait du progrès technique et scientifique, mais on se situe là, clairement, dans le domaine du savoir-faire. Nous sommes dans une praxis où le malade et la maladie sont complètement dissociés. Le praticien dans son geste tech­nique ne se préoccupe que de la maladie qu'il s'agit de com­battre et de vaincre pour guérir le malade. La relation médecin-malade est, dans ces conditions, réduite à sa plus simple expression. Il s'agissait plutôt d'une relation médecin-maladie.

On peut voir comment, à partir de cet exemple cari­catural, on arrive à des pratiques déshumanisées qui vident la relation et l'échange de toute substance d'humanité. D'ailleurs, l'interrogation éthique amène à passer du savoir­faire au pour quoi faire. C'est-à-dire à réintroduire le malade et plus particulièrement son visage dans cette relation médecin-machine ou médecin-savoir. Cette tendance à vouloir rationaliser à l'extrême les pratiques, à refuser de laisser le jugement et la décision être « parasités » par de l'affectif, de !'éprouvé, de l'émotif, a existé et existe encore bien souvent. On nous dit parfois que l'empathie du médecin appartient au passé. Autrefois, dans un passé après tout pas si lointain, il n'avait que çà à offrir au malade. La plupart de ses patients mouraient sans qu'il ne puisse rien faire. Certains de nos maîtres encore vivants ont connu l'époque où les antibiotiques n'existaient pas et où, par exemple, tous les enfants atteints de méningites bac­tériennes mouraient. Maintenant le rôle du médecin est non seulement de soigner mais aussi et de plus en plus de guérir, et pour beaucoup, évidemment, cela vaut mieux que de compatir avec un malade devant lequel on est médicalement impuissant.

De1u:ièrne approche : Le 11zalade et la maladie .'/Olll de.'I do!luée.'I complètement indi."J."Jociable.'I

Je travaille maintenant dans une consultation médico­sociale réservée aux personnes sans-abri. Dans le cadre de cette structure, au sein d'un centre d'hébergement d'ur­gence, ce qui est déjà sensible dans une relation médicale quotidienne «normale», l'est également et plus encore dans la relation paroxystigue, quasiment baroque entre le clochard et le médecin. A la marge de la relation sociale normale, entendue ou plutôt convenue voire ressentie dans l'horrible, le puant, le violent et l'efflorescent, se noue pourtant une relation de même type. Dans cette institution qu'est le C.A.S.H. de Nanterre, on ne peut que s'interro­ger sur cette notion de malade et de maladie. En particu­lier, il est fréquent que le patient S.D.F. soit remis à la rue, alors même que des soins longs et patients comprenant plusieurs interventions chirurgicales, avec greffes de peau et traitements divers, ont permis de guérir son ulcère de jambe. Mais il revient souvent, un ou deux mois après, avec des lésions pires encore. La question du pour quoi faire est là, bien présente. Ceci se pose aussi entre l'éco­nomique et les questions posées par le personnel vis-à-vis de ces « mauvais » malades que l'on ne guérit jamais.

De façon très concrète, on se fait souvent interpeller par le personnel paramédical de la façon suivante.« Y'en a marre des clochards. Ils sont désagréables et grossiers. Ils présentent lorsqu'ils arrivent un état de dégradation physique effroyable avec des pieds dans un état épou­vantable. On les traite du mieux qu'on peut et dès qu'ils vont

mieux, au bout de trois ou quatre jours, ils n'ont qu'une idée en tête c'est de sortir, au besoin contre avis médical ou par mesure disciplinaire. Dès qu'ils ont été soignés, ils sont cfésagréables et nous insultent quand on les contrarie. A quoi ça sert de soigner leurs ulcères de jambe, pour qu'ils retournent dans la rue, sans refaire leurs pansements et qu'ils reviennent dans un état encore plus dégradé ? Il y en a assez des clochards, il n'y a plus que ça dans les services».

On voit, à travers ce deuxième exemple qu'il est là strictement impossible de dissocier la maladie du malade. Soigner et se borner à guérir la maladie est complètement inopérant si on ne prend pas en compte l'individu dans son intégralité. Soigner simplement la grippe d'une per­sonne S.D.F. sans prendre en compte tout ce qui va autour de la grippe, représente un non-sens médical qui devient inacceptable lorsqu'il s'agit d'une maladie grave.

Au fond, et pour tenter une rapide synthèse entre les deux conceptions extrêmes développées ici, la question que l'on peut se poser est de savoir si, par un curieux retour, la rencontre entre le malade, qu'il soit Sans Domicile Fixe (S.D.F.) ou Avec Domicile Fixe (A.D.F.) et le médecin héri­tier de Galien n'amène pas, par une curieuse ironie histo­rique, à revenir à un médecin qui serait aussi le fils spiri­tuel de Paracelse. Galien (vers 130-vers 200), est considéré comme le « père » de la médecine scientifique. Il est un des précurseurs de la pharmacologie moderne et il est proba­blement le premier à préconiser le raisonnement clinique. Quant à Paracelse (1493-1541) il est médecin et alchi­miste. Lui, au contraire, replace l'homme dans une totalité macrocosmique. Il est à l'origine de l'homéopathie. Il fera inscrire cette épitaphe sur sa tombe: «La médecine est tout amour ».

Le travail à la consultation médicale du C.H.A.P.S.A. auprès des grands exclus amène le médecin à un travail de deuil. Deuil des principes médicaux académiques, des conduites thérapeutiques schématiques et rigoureuses, rationnelles et logiques, deuil de notre idéal d'explorations diagnostiques abouties, de thérapeutiques logiques et complètes, de guérisons gratifiantes et de réinsertions sociales réussies. Nous avons, dans ce cadre, à examiner de façon critique, ce rôle médical en posant le problème de la culpabilité ou de l'impression de culpabilité et de la responsabilité (répondre de) de cet intervenant privilégié qu'est le médecin au contact de cette population qui souvent ne se sent pas malade et qui a de la santé une définition bien différente de la nôtre. En bref, il faut aban­donner l'image idéale du bon soignant et faire le deuil de ce que l'on peut appeler «le syndrome du docteur Schweitzer ,, .

En fait, comme souvent, il est probable que la « vérité » se trouve dans un mixte de ces deux approches. D'une part, l'approche scientifique et technique qui s'intéresse d'abord et avant tout à la maladie. D'autre part l'approche globale de l'homme dans sa totalité qui s'intéresse aussi au malade. On ne peut pas dire, dans une opposition très tranchée, que l'on retrouve l'humanisme, la compréhension, l'empathie, la douleur et la souffrance d'un côté, et de l'autre la com­pétence, l'efficacité et l'inhumanité de techniciens froids, sans âme, sans douleur et sans question, voire sans conscience. Il me semble que personne, aujourd'hui, n'ima­gine que l'aventure scientifique moderne apporte et sus­cite un regain de sagesse. Mais à l'inverse, l'humanisme hérité de nos anciens maîtres n'apporte ni la compétence ni l'excellence. L'humanité que l'on peut témoigner vis-à-

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Les soins du malade en rupture sociale

vis d'un malade, un simple regard disant : « Je suis avec toi ». Un silence tout simplement, mais qui est observé après un temps d'arrêt, après un temps de présence auprès d'un malade. Une empathie qui témoigne d'un échange entre deux visages, un geste, une main que l'on pose, la communion par le toucher. Tout cela témoigne bien de cet humanisme dont on parle, de cet humanisme qui considère l'autre comme un « Frère en humanité » quelle que soit sa déchéance apparente.

À l'opposé, artificiellement délimité comme contradic­toire avec l'humanisme, on trouve la technique pure oubliant l'homme. On trouve la médecine réparatrice certes, glo­rieuse et efficace mais aussi fantasmatique, car porteuse d'un mythe : la mort est une maladie qu'on saura traiter un jour. Si l'utopie est la réalité de demain, l'utopique que je suis aimerait à croire que le médecin idéal réunirait à la fois l'humanisme et la compétence, l'humanisme et l'excel­lence. Prenant à nos maîtres anciens cet humanisme,

*

cette culture et ce regard qui me fascinaient tant lorsque j'étais étudiant, il associerait aussi les connaissances les plus pointues sur les avancées scientifiques les plus récentes. Pouvant alors privilégier au gré des nécessités le côté rigoureux et parfois agressif de la technique moderne pour << attaquer » la maladie avec l'humanisme et la cha­leur humaine d'un accompagnement bien compris pour aborder le malade. Car, en vérité, l'humanisme sans la compétence, comme la compétence sans l'humanisme me semblent absolument incompatibles avec l'idée qu'on peut se faire d'une médecine accomplie. Cette alliance est la seule possible pour aborder mieux à la fois le malade et la maladie.

Pour conclure, je citerai le pr Jean Bernard : « La médecine est justement définie par cette alliance de la science et de l'humanisme. On a bien souvent essayé de la tirer de l'un des deux côtés, à la vérité, il faut les deux». fi

Le prochain numéro de la revue « Médecine de l'Homme »

de MARS/JUIN 1999 - N°s 240-241, aura pour thème :

PROBLÈMES ÉTHIQUES POSÉS PAR LA GÉNÉTIQUE

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L'en/ ant porteur d'un handicap grave

D' Philippe LACERT {*)

l peut paraître surprenant de parler de handicap • grave " si cela conduit à admettre, implicitement au moins, qu'il en est de bénin. Toutefois, il faut bien voir que cette notion de gravité varie d'une époque et d'une contrée à l'autre. Aussi, pour mieux cerner mon propos, je me limiterai à deux situations fréquentes où le handicap pèse lourd sur l'en­fant et sa famille : - Les situations où la lésion est telle, dès les jours qui

entourent la naissance, que le caractère pluri-fonction­nel de l'atteinte est quasi certain ; on parle alors de façon usuelle de « polyhandicapé ».

- Les situations où rien ou presque n'est apparent initia­lement mais l'existence d'une maladie évolutive va entraîner irrémédiablement une dépendance croissante et la longévité a de sérieux risques d'être réduite.

Quand la dépendance est évidente d'emblée ou presque, la situation n'est pas identique selon le registre sur lequel on se place. On peut en effet envisager les conditions de vie à trois niveaux : - un niveau biologique qui n'a rien de propre à l'espèce

humaine, - un niveau relationnel et social où le langage parlé prend

progressivement une place prépondérante chez l'homme,

- enfin un niveau affectif où prédomine l'irrationnel et qui fait le support de la vie relationnelle et spirituelle.

Dans ces cas dramatiques, la vie biologique a été ini­tialement le souci majeur avec la crainte de mort enva­hissante ; la «non mort» s'est installée, vécue comme une guérison et occultant dans l'immédiat les séquelles indélébiles qui vont se préciser peu à peu.

Cette progressivité de la découverte des déficits fonc­tionnels multiples fait partie de l'annonce du handicap qui n'est pas notre propos; il nous paraît pourtant indispen­sable de souligner que cette progressivité de la décou­verte fait courir un double risque : donner l'impression de vouloir cacher la vérité alors qu'il ne s'agit que d'une incom­pétence à la cerner tout entière, y compris dans ses aspects quantitatifs ; ne pas réussir à faire comprendre que cette accumulation de faits nouveaux, de difficultés complé­mentaires n'est pas aggravation mais révélation de ce qui préexistait, « invisible ,, .

(*) Neurologue. Chef du service Neurologie Hôpital Raymond Poincaré -Garches.

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1 L'e1~fànt porteur d'un handicap grave

La part la plus apparente initialement aura habituelle­ment été la nécessité d'une assistance ventilatoire et nutri­tionnelle. Quand elles peuvent être abandonnées, il reste souvent des difficultés alimentaires avec une tendance aux fausses routes dont on sait quels risques elles ont d'entraîner des infections pulmonaires à répétition ; à un degré de moins les reflux gastro œsophagiens peuvent comporter les mêmes risques. Plus tard, on s'apercevra que la maîtrise des sphincters pose également des problèmes malgré l'absence de désordre physiologique significatif.

La seule possibilité thérapeutique est ici de faire prendre conscience aux familles que les gestes néces­saires à la survie de l'enfant peuvent être de leur ressort, comme il le serait si des difficultés spécifiques n'existaient pas. Dédramatiser la situation est tout aussi facile à dire que difficile à faire vivre.

Du point de vue de la vie relationnelle, ce qui est le plus rapidement évident est que la communication reste sans parole et que l'outil de communication par excellence ne s'installe pas. Le langage reste absent et la mimique comme les gestes sont parasités ou réduits par les dégâts. Entre l'enfant et ses familiers la communication semble impossible ; il est pourtant des cas où on reste rêveur sur les modalités de perception de l'environnement. On pourrait, en cultivant le paradoxe, s'interroger sur le porteur du handicap, si l'on reste le plus souvent inca­pable de décoder ce qu'il propose. Que dire alors des capacités conceptuelles qu'il peut avoir dans un tel contexte où la communication est et reste aussi rudimentaire ?

Tout doit être mis en œuvre pour découvrir une sup­pléance à cette communication orale manquante, mais arriverait-on à un code de communication fiable, et cela est déjà rare, que les échanges restent au niveau du concret. Les échanges conceptuels sont plus des projections de l'adulte qui ose parfois dire« il comprend tout».

Les efforts aboutiront quand même à la perception de trois états affectifs différents : la relative satisfaction, l'in­confort, voire une véritable douleur ou souffrance, et un état intermédiaire d'indifférence ou de quiétude passive.

Il n'est pas dans mon propos de rentrer dans les finesses de la vie affective mais on ne peut ignorer les différences dans les relations cc mère-enfant » ; la dépen­dance de l'enfant qui se prolonge crée des conditions favo­rables pour que s'installe une relation fusionnelle prolon­gée où l'enfant ne montre pas de désir d'autonomie et où la mère n'ose pas lui proposer celle dont il serait capable et encore moins la lui imposer. Pour que ne s'installe pas une relation pathologique, il faut faire admettre que « auto­nomie réduite ne veut pas dire nulle » et que si la demande de l'enfant n'est pas explicite, elle n'en demeure pas moins implicitement réelle.

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Sans doute pour parvenir à cette pertinence éducative, il faut bien sûr que le deuil de l'enfant normal rêvé avant la naissance s'opère: il n'est pas sûr que tous les parents aient besoin d'un soutien psychothérapique pour y parve­nir, même s'il faut indiscutablement leur exposer cette pos­sibilité comme une démarche éventuelle normale, ne sous­entendant aucune pathologie les concernant. Il est sûr aussi que les deux éléments du couple parental n'opè­rent pas cette démarche d'un même pas. Leur annoncer qu'il est normal que leur réaction ne soit pas synchrone peut éviter bien des conflits. Mais peut-on parler dans ces accompagnements, de traitement ?

·Quand la dépendance s'installe progressivement, la maladie se laisse initialement à peine deviner ; l'annonce va devoir porter non seulement sur l'état du moment mais va devoir également conduire à la prise en compte d'une évolution péjorative, qui est tout aussi inexorable que dif­ficile à imaginer ; mais pour douloureux et difficile que soit cette situation, elle est du ressort de l'annonce du handi­cap qui n'est pas notre propos.

Ce qui paraît trop facile à oublier, c'est la valorisation du restant possible, comme dans la situation précédente; si les déficits vont s'aggravant, il ne faut pas qu'ils occul­tent toute la part normale du développement qu'il faut lui aussi accompagner et surtout valoriser. Cette parcelle de normalité qui perdure doit être mise en évidence non seu­lement aux yeux des parents mais aussi de l'enfant.

Les soins au sens traditionnel du terme ne doivent pas être considérés comme inexistants: ils n'ont pas la pré­tention de guérir mais ils peuvent souvent limiter les com­plications secondaires, souvent elles aussi invalidantes. Les contraintes apportées par ces processus de véritable cc éducation thérapeutique» ne doivent pas devenir à leur tour envahissantes et plus difficiles à supporter que le sur­croît d'incapacité qu'ils prétendent supprimer.

Au-delà de ces pauvres apports de la stricte technique médicale, il faut savoir faire découvrir aux parents les res­sources de la législation sociale. Les conduire vers les travailleurs sociaux qui leur permettront d'accéder sans honte aux différentes prestations auxquelles leur situation leur donne droit est un geste indispensable.

Au-delà de ces registres qui peuvent rester froide­ment professionnels et sans tomber dans une mièvre sen­siblerie, il faut rester à l'écoute de leur préoccupation et les conduire à découvrir et accepter que « si la science peut prétendre et doit répondre à la question « comment », elle sortirait de ses compétences si elle se risquait à apporter une réponse à leur questionnement implicite le plus sou­vent sur le « pourquoi ». Aller plus loin ne m'a que bien rare­ment été possible ; par pudeur ? Par timidité ? Par peur du non respect de la liberté d'autrui ? 1§

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Prise en charge du malade alcoolique chronique

or André BONNEFOND (*)

L'alcool est un produit psychotrope dont la consom· mation abusive, chez des millions d'adultes en France, entraîne des conséquences graves. Cette conduite d'ad­diction est caractérisée par des passages répétés à l'acte de boire, par une dépendance à un produit dont le besoin est prioritaire, évitant ainsi toute expérience du manque. Ce comportement retentit sur la qualité de la vie de la per­sonne alcoolo-dépendante, diminuant progressivement son autonomie et sa liberté. Maladie insidieuse, longtemps ignorée par l'entourage, l'alcoolisme chronique peut frap­per n'importe qui et son évolution naturelle est grave, met­tant en jeu la santé physique, mentale, sociale et spiri­tuelle du patient.

Plusieurs causes se conjuguent pour expliquer la sur­venue de cet état. A côté de facteurs génétiques dont l'im­portance reste à discuter, on reconnaît des facteurs liés à la personne et à l'environnement socioculturel. Le mal­vivre de l'homme moderne, avec son cortège d'angoisses et de solitude, le rend vulnérable face au pouvoir trom­peur de l'alcool; «J'ai toujours bu par passion, vingt ans de vie commune, au coucher, au réveil... Nous avons joué tous les rôles, l'homme brisé, l'homme réussi, le héros impuissant, l'ivrogne d'azur ... Faut bien que je te quitte ... » Ainsi s'exprime un de nos contemporains qui décidera un jour de se soigner. Tel autre nous crie sa souffrance par ces mots : « Je suis devenu une épave incapable de se gérer, les dégâts sont considérables, rejeté par tout le monde, voire méprisé sauf bien sûr par les piliers de bar». Cette vie, dans et par l'alcool, marquée par une souffrance exis­tentielle, entraîne honte, repli sur soi, enfermement et iso­lement.

*

Si les médecins, à l'image de notre société, ont mani­festé pendant de nombreuses années peu d'intérêt pour ces patients réputés difficiles, jugés inintéressants, de caractère « faible », les associations d'aide aux personnes

(*) Gastro-entérologue. Chef de service Centre Hospitalier Émile-Roux, 95600 Eaubonne.

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!Prise en charge du malade alcoolique chronique

ayant un problème avec l'alcool ont validé un message de vie autour de l'abstinence définitive. La reconnais­sance de leur travail a permis depuis trente ans de réflé­chir à la problématique alcool et de proposer une prise en charge des malades alcoolo-dépendants. Quelles que soient les méthodes utilisées, on obtient 30 % de stabi­lisation à un an, c'est-à-dire, une vie de qualité autour de l'abstinence.

Notre réflexion sera menée autour de ces patients connus dont la situation médico-psycho-sociale s'aggrave avec le temps et qui continuent malgré tout à faire confiance à l'équipe de soignants : médecins, infirmiers, psycho­logues, assistantes sociales et secrétaires. Nous pensons particulièrement à ces hommes jeunes qui utilisent l'alcool comme une drogue, se présentant en consulta­tion le matin avec une alcoolémie supérieure à 2,9 g par litre ; à ces femmes atteintes de cirrhose alcoolique grave, qui consomment encore de l'alcool la veille de leur décès. Les vraies questions que chacun d'entre nous se pose autour de la prise en charge de tels malades, sont : pour­quoi continuer de faire ce travail en alcoologie et com­ment le faire ? La réponse du soignant est personnelle mais elle sera confrontée à celle des autres membres de l'équipe.

*

La fonction du médecin est de prendre en charge cette personne en détresse dont l'accompagnement pourra s'étaler sur des mois ou sur des années, car nos malades nous ont appris « l'incurable blessure » d'un traumatisme de l'adolescence qui laisse une « cicatrice douloureuse qui saigne pour un rien». Des témoins rescapés de l'en­fer de l'alcool nous disent : « Pendant plusieurs années j'ai vécu une véritable déchéance, je m'en suis sorti parce qu'on m'a tendu la main ». Ce chemin fait ensemble est une aventure où s'entrelacent de la souffrance du « boire et du voir boire », de l'espoir d'un lendemain différent, la solidarité. Il n'y a pas de réussite thérapeutique sur ce chemin diffi­cile mais il y a une histoire commune d'homme et de femme avec ses limites et ses échecs. Cette histoire, au travers de leur mode de vie, de leur impuissance face à l'alcool, nous apprend beaucoup sur notre propre nature humaine, devenant ainsi plus réceptifs à créer une relation inter-humaine.

Le développement de cette relation se renforce par la qualité du regard du soignant vers le soigné : « les yeux parlent un langage de liberté, ils laissent à autrui son ini­tiative ; ils l'encouragent de leur étonnant silence». Ce véritable face à face peut conduire à la vie par notre dis­ponibilité, notre patience, notre discrétion et notre sourire, des liens seront créés et le patient sera accepté avec sa souffrance et son dysfonctionnement. Les propos du Père Talvas, fondateur de VIE LIBRE, entrent bien en réso-

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nance avec nos propres convictions : « Le désespoir ne peut avoir le dernier mot, même si tout paraît détruit, jeunes ou adultes peuvent toujours se lever et repartir». Ce pas­sage toujours possible d'une mort à la vie, véritable renais­sance, révèle toujours une énergie profonde et une vita­lité étonnante. Cet itinéraire aux prises avec cet esclavage que représente l'alcool-drogue, porte en soi, au milieu de ce combat incertain, un vécu pathétique ; la dimension spirituelle n'est pas absente de ce parcours. Les églises chrétiennes, qui ont pris conscience de la nature tragique de l'alcoolisme, ont favorisé la création de sociétés, dites de tempérance, dès le milieu du x1x0 siècle.

Dans ce travail, le soignant en alcoologie n'est jamais seul pour affronter des situations difficiles et, en particulier, il rencontre des groupes d'alcooliques stabilisés qui refu­sent de se tenir «muets face à des hommes et à des femmes en extrême danger » ; ils seraient « coupables de non alliance avec autrui, de trahison de la fraternité, de reniement de l'humain ». Dans ces lieux de vie, les mots de tous les jours retrouvent leur pleine signification humaine: amitié, générosité, fidélité, réconciliation; les per­sonnes malades peuvent ainsi retrouver, grâce à la force d'un groupe, le droit d'exister, la confiance en soi et celle des autres, devenir jour après jour un peu plus adultes. Les associations d'anciens buveurs ont leur langage propre qui permet à celui « touché au plus intime de lui-même » d'être écouté en silence, d'être aidé dans sa démarche de soins par un partage fraternel et fêté à l'occasion d'un événement heureux. La découverte de ce travail d'ac­compagnement communautaire dans ces lieux de vie représente une grande richesse thérapeutique, ce qui doit entraîner une collaboration fructueuse entre les profes­sionnels de santé et ces bénévoles.

*

Grâce à ce travail en commun, les moments de lassitude ou d'épuisement du soignant s'effaceront devant ce par­tage de vie où un avenir reste possible; d'un appel, sur­git une rencontre qui change notre regard sur ce malade alcoolique et sur soi-même. Le Père Duval, qui a connu l'épreuve de cette maladie, dit très justement : « J'ai fait une plongée dans l'humilité ; j'ai compris que notre condition d'homme c'est d'être impuissant devant le mal, devant la mort et d'être pécheur». Cette proximité secondaire à un accompagnement spécifique différent avec chaque patient impose un travail personnel du soignant afin de permettre à l'autre de « naître par la chair et ensuite par l'âme ; les deux naissances sont comme un arrachement». Une bonne relation alcoolique-médecin nécessite un long apprentissage à l'écoute, à la bienveillance, au regard qui dépasse l'apparence et le désordre. Un poète dont le cœur a connu cette détresse délivre ce message : « Quand les

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malades vivent dans la souffrance, ils scrutent avec confiance l'horizon grâce à leur espoir de guérison ,, . Sur cette terre, la parole de Paul, dans sa lettre aux Hébreux, entendue le jour de !'Ascension , reste plus que jamais d'actualité : « Continuons sans fléchir d'affirmer notre espé­rance, car il est fidèle celui qui a promis"· Chaque détresse nous provoque à réinventer des réponses nouvelles.

malades. Assurer une prise en charge médicale de qua­lité, continuer de proposer l'abstinence comme objectif de vie, favoriser les rencontres avec des personnes et avec des associations, expérimenter des prises en charge type hôpital de jour ; cette attitude d'accompagnement répond à la définition des soins palliatifs qui visent l'approche glo­bale de la personne en phase évoluée d'une maladie potentiellement mortelle.

*

A insi la notion d'impasse thérapeutique ne parait pas jus­tifiée, je préfère proposer le terme de soins palliatifs en alcoologie ; l'équipe trouve sa véritable place auprès de ces

N.B. : Ce texte a été rédigé grâce à des témoignages de José, de Richard, de Lucien, d'Annabelle et de Christian ; la réflexion a été inspirée par la lecture de textes de Christian Aurenche, de Christian Bobin, de Francis Fauve!, de Sylvie Germain, d'Yves Pelicier et de France Quéré. •

Notes de lecture

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Sur une question aussi délicate que la mort provoquée, !'Auteur prend le parti de don­ner le maximum d'informations destinées, non pas aux théologiens et aux moralistes, mais au grand public. D'une certaine manière, il s'agit de préparer les débats qui ne man­queront pas d'être engagés sur cette ques­tion lors de la présentation aux différents pouvoirs législatifs des projets de loi sur l'eu­thanasie.

L'Auteur commence par une étude de l'évo­lµtion des législations aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, au Canada et en Suisse pour conclure : " une tendance se dessine : libé­raliser les pratiques d'euthanasie et d'aide

médicale au suicide " (p. 48). Vient ensuite un chapitre sur Médecine et euthanasie. L'Auteur en conclut que le débat sur l'eu­thanasie et l'aide médicale au suicide témoigne de deux visions de la médecine et de deux anthropologies (p. 74) l'une d'inspi­ration hippocratique et l'autre issue de l'hu­manisme de la Renaissance. Cette dernière nous est présentée comme très ouverte au fait de provoquer la mort d'une personne malade.

L'Auteur met en évidence trois types d'ar­guments théologiques en faveur du respect absolu de la vie: en provoquant la mort les hommes se prennent pour Dieu, la vie est sacrée et elle est un don de Dieu. De là cette conclusion : " il y a dans la vie qui est la nôtre quelque chose de plus grand que nous mêmes. C'est pourquoi la vie demande à être profondément et concrètement res­pectée " (p. 99).

Pour essayer de trouver une voie à la confrontation entre ceux pour qui l'homme ne saurait en aucun cas être le maître absolu de sa destinée et ceux pour qui l'homme doit

prendre totalement en main sa destinée (p. 129), !'Auteur fait appel aux théologiens en demandant à ceux-ci de développer une vision globale de la personne, une recon­naissance de la mort, d'aider la société à apprivoiser la souffrance de la mort et enfin de susciter l'altérité et la compassion.

L'Auteur conclut : " cette dimension de la compassion est au coeur de la relation humaine, de la responsabilité pour l'autre. Sans altérité au moment où la souffrance détruit le sens, il n'y a pas de dignité humaine possible. La tâche des professionnels de la santé qui consiste à redonner la dignité au moment où le monde s'écroule est ici de nature proprement.spirituelle. C'est la dyna­mique même de l'Evangile " (p. 155).

Souhaitons que cet appel aux théologiens l'emporte sur les courants d'opinion qui ne manqueront pas d'intervenir lors des futurs débats législatifs sur le sujet. •

Père Pierre Lambert o.p.

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Prise en charge du malade psychiatrique

D' Françoise GONÇALVES (*)

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Praticien hospitalier à temps partiel à l'hôpital psy­chiatrique de Villejuif, j'assume depuis janvier 95 la res­ponsabilité d'une unité fonctionnelle qui a du mal à définir son nom puisqu'elle regroupe une population à la fois homogène et hétérogène de patients : autistes, psychoses infantiles, arriérations mentales, séquelles d'encéphalo­pathies, tous devenus adultes et hospitalisés en milieu psychiatrique depuis de nombreuses années.

Cette unité a été créée en 1995, tant il a paru impor­tant qu'elle soit individualisée du reste du service, avec une équipe de personnel volontaire sous la responsabilité d'un cadre infirmier et d'un médecin.

*

Le projet de l'unité comprend trois axes de travail : la prise en charge individuelle et de groupe des patients, les relations avec les familles, la recherche de structures adap­tées en vue de placement.

Ces patients au nombre de 10, aux diagnostics variés sont, en fait, pour nous : Khadi, Kiki, ou Dany, avec leurs traits de caractère, leurs manies, leur histoire, leurs familles. Dans l'ensemble, leur autonomie est restreinte et leurs troubles du comportement très importants (cris, jets de meubles, automutilations, barbouillage d'excré­ments ... ).

L'équipe de jour est composée de 12 personnes, moitié infirmiers moitié aides-soignants, auxquels s'ajou­tent quelques intervenants extérieurs (orthophoniste, ergo­thérapeutes, art-thérapeutes).

*

Par périodes, l'équipe se décourage, se déprime. Non seulement les· patients sont par eux-mêmes difficiles, mais en plus il ne faut attendre ni remerciements ni reconnais­sance, que ce soit des familles, des collègues de l'unité d'entrants ni même des autres médecins du service.

(•) Hôpital psychiatrique de Villejuif.

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Dans de telles conditions, on peut se demander pourquoi une telle équipe continue à tenir avec un dévouement sans défaut, pour certains depuis l'ouverture de la struc­ture, voici presque quatre ans. Une unité, un bon esprit d'équipe, un sens de l'humour et de la convivialité sont, certes, des atouts.

je_pense que nous vivons avec ces patients, tous les jours, l'Evangi le : Jésus lui-même ne fréquentait-il pas les infré­quentables ?

Pauvre en esprit (Mathieu 5, 3), petits enfants que Jésus accueille (Marc 10, 14) et semblables aux ouvriers de la dernière heure (Mathieu 20, 1-6), tous ces gens chez lesquels nous avons du mal, parfois, à voir l'humanité, ils sont bienheureux, promis au royaume de Dieu, premiers avant nous tous dans le coeur de Dieu.

*

Jlf ais aussi, il faut prendre du recul et voir les changements en se reportant 5 ou 10 ans en arrière. Et puis, il y a des petites victoires, fruits de notre patience, qui sont autant de petits signes nous prouvant que nous ne nous sommes pas trompés et qu'il faut toujours " remettre sur le métier le même ouvrage"·

Quant à nous, si nous semons souvent sans savoir où le grain tombe, il ne faut pas se décourager et ne jamais cesser de semer.

Enfin, malgré tout ce que l'on dit au niveau de la dis­tance thérapeutique , au-delà du soin et du profession­nalisme, notre relation à ces patients est avant tout une relation d'amour qui renvoie au second commandement dont Jésus dit lui-même qu'il est semblable au premier : Même si cela n'a jamais été évoqué en équipe, ni

même en relation plus personnelle avec tel ou tel soignant, " Tu aimeras ton prochain comme toi-même "· •

Communiqué fie Pre.~.se

LA COMMUNAUTÉ DU PUITS DE JACOB PROPOSE :

SESSION POUR LES CHRÉTIENS DES PROFESSIONS DE SANTÉ Le soignant, un blessé - relevé

7-13 juin 1999

Pour médecins, infirmières, kinés, et autres soignants chrétiens ou en recherche de Dieu qui aspirent à l'uni­fication de leur vie spirituelle et de leur activité professionnelle. Une démarche vivante qui allie connaissance de soi, rencontre de l'autre et vie dans !'Esprit. Animée par François Vignon, Bernard Bastian, prêtre et médecin, et une équipe de la Communauté.

Renseignements et inscriptions : Communauté

du Puits de Jacob, 12 rue des Dentelles,

67000 STRASBOURG Tél: 0388221114 Fax: 03 88 32 40 65

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Soignants et soignés face à une maladie à pronostic létal

or Martine RUSZNIEWSKI (*)

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si toute situation d'angoisse et d'impuissance engendre en chacun de nous, des mécanismes psychiques destinés à nous préserver d'une réalité vécue comme intolérable, ces opérations défensives, dont la finalité est de réduire les tensions et d'atténuer l'impact de la souffrance, vont tou­jours s'exacerber dans les situations de crises aiguës et d'appréhension extrême.

Dans ce douloureux contexte, tous les protagonistes vont devoir se défendre et se protéger, chacun avec ses propres armes, contre la peur et l'angoisse de la mort. Si le malade demeure le principal acteur de cette lutte contre la maladie, les soignants, référants privilégiés du patient pour lequel ils incarnent, jusqu'au bout, cet espoir déses­péré d'une possible guérison, se trouvent en permanence confrontés à des situations difficiles et éprouvantes, sou­vent démunis face à la souffrance psychique du malade, toujours désemparés par leur propre impuissance à accep­ter l'échec thérapeutique et les limites de la médecine. Pour se prémunir de leur propre désarroi et des angoisses conjuguées dont ils demeurent la cible, les soignants vont instaurer des mécanismes de défense qui s'apparentent souvent à un comportement de fuite, revêtant des formes tantôt massives, parfois plus subtiles:

1. Différente.'l attitude.'j de soignant.'l

Le men.~011ge

Mécanisme de défense de «l'urgence »1 il s'avère être, de par son caractère entier et radical, le plus dommageable à l'équilibre psychique du malade. En effet, la violence de l'impact de la vérité, dévoilée sans préalable le moment venu, engendrera toujours, par sa soudaineté, un effet de traumatisme insoutenable pour le patient. En voulant «apaiser» le malade par le mensonge, le soi­gnant (qui évoquera par exemple une hépatite pour un cancer du foie) neutralisera chez le patient la montée pro­gressive de l'angoisse, alors protectrice par le biais des contre-tensions qu'elle génère; car l'angoisse, en proté­geant le malade de l'effet de sidération, lui permet alors de s'ajuster progressivement à la menace qui se profile.

(•) Psychanalyste, Unité Mobile d'Accompagnement et de Soins Pallia­tifs - La Pitié-Salpêtrière, Paris.

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La fuite e11 ava11t Surestimant parfois la maturation psychologique du

patient, certains soignants ne parviennent pas à s'adap­ter au rythme du malade ni à suivre les bouleversements de.son cheminement intérieur: devançant toutes les ques­tions et brûlant sans cesse toutes les étapes, ils s'em­presseront de tout dire, comme oppressés par le poids d'un secret non partagé dont ils voudraient se libérer sur­ie-champ.

La f aus.r.;e réassurar1ce

En optimisant des résultats alors que le patient lui­même n'y croit plus, le soignant va chercher à se protéger encore un peu en conservant la maîtrise de ce savoir sur lequel lui seul a encore prise ; en tentant d'enrayer le pro­cessus psychique du patient, le soignant parvient ainsi à suspendre, encore un temps, l'accès du malade à l'iné­luctable certitude.

La rati<malisatio11

Par un discours hermétique et totalement incom­préhensible pour le malade, le médecin va se retrancher derrière son savoir médical pour tenter de neutraliser l'ex­pression de la souffrance du patient et pallier, par-là même, sa propre angoisse. Ainsi parviendra-t-il à établir un dialogue sans dialogue, apportant aux questions trop embarras­santes du patient, des réponses plus obscures qui ne pourront qu'acccroître le malaise et la détresse du malade.

L' éviteme11t

Souvent investi d'un rôle capital et prépondérant, le soi­gnant ne parvient pas toujours à supporter ce trop grand investissement psychique, cette requête constante de contact, cet appel pressant à l'écoute. En faisant abstrac­tion de la présence physique du malade, en le réduisant à un cas clinique et à un dossier qu'il consultera sans même un regard pour son patient, le soignant parviendra à« oublier» le malade et sa souffrance.

En prenant conscience de ses défenses, le soignant craint souvent de se sentir affaibli et déstabilisé face à son malade ; or, identifier ses propres mécanismes, savoir les reconnaître et les accepter en tant que réponses légi­times à un surcroît d'angoisse, engendre paradoxalement un certain assouplissement de l'intensité même de certains mécanismes. En admettant de cheminer avec ses forces et ses failles, le soignant va aussi se révéler plus apte à reconnaître les propres mécanismes de défenses du malade, contre-tensions qui se révéleront souvent fluc­tuantes, imprévisibles et déconcertantes pour les soignants et les proches.

2. Différentes attitudes de soignés

La déllégatioll

Le malade refuse de toutes ses forces de reconnaître la réalité traumatisante, préférant refouler sa souffrance et

enfouir, en le niant, ce savoir encore trop douloureux ; en dépit de l'évidence et de la multiplication d'indices mani­festes et flagrants, certains patients s'acharneront à récu­ser la menace pour tenter, le plus longtemps possible, d'assourdir le choc de l'inconcevable certitude.

Le déplaceme11t Le malade focalise sa peur sur une autre réalité en

transférant l'angoisse inhérente à sa maladie sur un élé­ment substitutif, souvent sans rapport apparent avec sa maladie ; en procédant par associations directes (ne par­ler que de sa peur de l'alopécie sans jamais évoquer son cancer) ou parfois plus lointaines et plus complexes, le malade « choisit ,, ainsi une cible plus accommodante et de ce fait, moins douloureuse.

Le.Y rites obses.'liorme/.r.;, la maitrise

Le malade se sentira moins vulnérable s'il pense pou­voir encore comprendre son mal et en maîtriser le pro­cessus, lui restituer « dans le présent ,, une certaine cohé­rence. Il s'attachera ainsi à certains rites, précis et obsessionnels, respectant scrupuleusement toutes les prescriptions, suivant rigoureusement l'évolution de sa maladie pour en appréhender les moindres détails, comme si cette hantise d'une surveillance sans relâche avait pour corollaire un gage de guérison : les manquements de l'en­tourage ou de certains soignants aux mesures d'hygiène préconisées par le corps médical, constitueront pour ces patients une souffrance telle que leurs réactions seront souvent d'une extrême violence.

La régres.r.;ior1

Le malade se replie sur lui-même et sur ses symp­tômes, demandant à être protégé et pris en charge sur un mode parental ; incapable de s'investir dans une lutte active contre la maladie, il se laissera alors porter par son entourage auquel il s'en remet complètement; en se cou­lant tout entier dans le statut du malade, il en viendra natu­rellement à adopter une attitude infantile et puérile - cette forme de régression affective revêtant, pour certains, une solide fonction consolatrice contre la peur et l'anxiété.

La projection agre.'1.'live

Le malade réagira de façon agressive et revendicatrice, attaquant son entourage sur un mode paranoïaque et déversant sur lui son ressentiment et son amertume. Point de mire de toutes ses difficultés, conflits et souffrances générées par la maladie, les soignants et les proches sup­porteront difficilement les incessantes récriminations et griefs du patient. Néanmoins cette agressivité exprimée au travers de « l'incompétence ,, des médecins et de l'in­adéquation affective de ses proches constituera son unique système de défense pour se préserver encore de l'an­goisse.

Sublimatio11, combativité

Si la maladie est ici intégrée, le malade prendra cepen­dant appui sur l'épreuve qu'il endure pour tenter de la

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Soignants et soignés face à une 111aladie à pronostic létal

dépasser et se dépasser lui-même, pour rendre construc­tif son rapport à l'adversité. Cette combativité engendrera alors une énergie surprenante, ne laissant place qu'à l'ini­tiative, au dynamisme et à l'action : il s'attachera ainsi à créer une association, à écrire un livre ou à se tourner vers l'autre dans une réelle forme d'altruisme. Plus intense sera le vécu de ce temps présent ainsi sublimé, plus flou semblera l'angoissant devenir, car ce désir de consolider sa propre fragilité par le don de soi restituera un sens à sa maladie, comme si l'intensité même du présent pouvait atténuer la souffrance à venir.

De par leur rôle d'amortisseurs et leur fonction d'adap­tation, ces mécanismes de défense vont ainsi permettre au malade de temporiser en ménageant un temps de latence indispensable pour affronter l'inéluctable réalité. Mais dès que ces mécanismes de défenses tendront à se fragiliser parce que la souffrance psychique, plus ou moins contour­née ou déniée jusqu'alors, se concrétisera dans son corps sous forme de douleurs, de nouveaux symptômes et de rechutes, alors pourra apparaître le CLIVAGE DU MOI, processus dans lequel le Moi se scinde en deux pour don­ner forme à une ambivalence subtile et complexe, au sein de laquelle cohabiteront en permanence deux réalités tout aussi authentiques et contradictoires : tandis qu'une par­tie du Moi aura intégré et admis la réalité (approche de la mort), l'autre sera capable de l'ignorer et manifester simul­tanément, un découragement massif devant l'évidence d'une issue fatale et envisager sereinement un projet de voyage ou un retour à domicile. Alors, quelque lucides et conscients qu'ils soient, certains malades se remettent parfois à espérer et à évoquer leur guérison, à la faveur d'un mieux-être ou d'un regard encourageant.

*

Si face à la dénégation, le rôle du soignant est de parve­nir à capter le message tout en respectant l'actuel désir du malade de tenir refoulée une réalité encore trop doulou­reuse, le Clivage du Moi en revanche requiert, de la part des soignants, un regard plus subtil tant l'ambivalence du malade s'avère parfois difficile à cerner. Car espoir et désespoir sont à ce point entrelacés que le malade, tout en réclamant la vérité, supplie implicitement d'en être pro­tégé, renforçant ainsi dans l'ambivalence ce va-et-vient

20 e MÉDECINE DE L'HOMME N° 239

entre lutte et lâcher prise, semant le doute et le désarroi chez l'entourage. Dans cette constante fluctuation entre sa résignation face à l'inéluctable et sa rébellion pour tenter d'annihiler la réalité et consolider l'espoir d'une vie à vivre encore, le malade va de surcroît moduler son comporte­ment en fonction de l'interlocuteur, rendant alors particu­lièrement difficile, pour les soignants, l'objectivation du véritable désir du malade. Si l'on ne saurait envisager dans cet amalgame de souhaits contradictoires, une stan­dardisation uniforme et arbitraire des dires au travers d'une attitude stéréotypée des soignants, c'est précisément que l'amoindrissement de la souffrance implique une recon­naissance de la fluctuation psychologique du malade. Néanmoins, savoir identifier les mécanismes de défense du malade, repérer ses capacités d'intégration tout en s'adaptant au rythme du patient, permet au médecin de pouvoir instaurer une relation d'empathie sans laquelle il se sentirait submergé par sa propre angoisse. En effet, la demande du malade se situe davantage dans l'attente d'une relation dans la vérité que d'une vérité médicale dès lors que celle-ci n'est pas sollicitée: ainsi, tandis que cer­tains patients n'iront jamais au-delà de certaines ques­tions, d'autres en revanche s'enfonceront dans cet inconnu où le soignant se devra alors de l'accompagner en conti­nuant pied-à-pied, animé du seul souci de se tenir au plus près de la vérité psychique du malade.

Mais ce travail auprès de patients atteints de maladie grave, ce difficile cheminement dans un pas-à-pas au quo­tidien, requiert une immense énergie aux soignants, sou­vent usés par les trop-pleins de tensions émotionnelles inexprimées. Mieux se comprendre permet alors aux soi­gnants d'affronter cette usure pour pouvoir tenir et composer avec leur propre angoisse et celle du malade. Pour parvenir à côtoyer la mort et tenter d'accompagner cet être en souf­france, peut-être faut-il aussi accepter l'imprévu en se lais­sant surprendre, admettre de n'être, dans le silence, que le dépositaire impuissant de la détresse du malade ; le laisser cheminer tout en l'assurant de son soutien et de son écoute et tenter de l'aider à vivre au cœur de ce présent, en restituant à ce temps sa valeur, son amplitude et son intensité ; réinventer enfin, jour après jour, ces liens com­plexes qui se tissent au travers d'une relation faite de souf­france et d'authenticité pour permettre au malade de demeurer jusqu'au bout, un sujet aimant et aimé, un être encore vivant malgré la mort qui se profile. Ill

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À l'écoute des malades, à l'écoute du Christ, quelle espérance ?

Mgr François FAVREAU, évêque de Nanterre

A. - Dau.t.; l'ùnpa.t.;se ... Bien des situations ont des formes d'impasses :

• un handicap grave ... sans remède possible ... surdité -cécité,

• les séquelles irréversibles d'accidents en tout genre,

• la dépendance ... alcoolisme - drogue lorsque cette dépendance apparaît sans appel,

• la dégradation du grand âge,

• le mal incurable avec développement implacable,

• la mort annoncée,

• la rupture sociale lorsqu'elle laisse un être cassé,

• la dérive.

Qu'est-il possible de faire?

Que faut-il apporter comme soutien ? ... Comment vivre?

Le médecin, « ce sauveur», peut-il sauver?

À défaut, apaiser, parfois soulager?

Avec qui peut-il aider à ce que la route se pour­suive?

Quelle est la prise en charge possible ?

*

Y a-t-il des impasses thérapeutiques ? N'y a-t-il pas plu­tôt des situations dont il apparaît que médecine et chirur­gie ne pourront pas permettre que l'on en sorte?

L'impasse thérapeutique ........... est-elle :

- sans retour en arrière possible ?

- sans autre voie ouverte possible ?

L'expression « impasse thérapeutique » ne dit-elle pas plutôt : il n'y a pas de guérison possible : nous ne pouvons rien faire pour redonner santé et force parfaites ...

Hormis le cas d'une fin de vie annoncée pour un ave­nir immédiat, quand il y a impasse thérapeutique, il y a une route qui continue.

Comment accompagner la route à faire ?

Comment soutenir le dynamisme possible ?

Comment alimenter l'espérance?

*

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 e 21

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A l'écoute des malades, à l'écoute du Christ, quelle espérance?

Ayant traversé l'épreuve d'un très grave accident de voiture et ayant à en assumer des séquelles, j'ai écrit une lettre à ceux et celles qui connaissent une épreuve grave:

« J'ai connu l'épreuve d'un terrible accident : un camion double en haut de côte; j'arrive en face juste au même moment. C'est le choc : voyage aux frontières de la mort, souffrances difficiles à supporter pendant quinze jours, très longue convalescence, séquelles à assumer. Je dois aux soins qui m'ont été donnés et à l'affection comme à l'amitié qui m'ont entouré, d'être encore de ce monde. Il y a des moments dans l'existence, où nous ne vivons qu'avec et par l'aide d'autrui.

Il est vrai : le salut vient souvent des autres ... Mais pour autant personne ne peut se mettre à votre place. Lors­qu'il y a épreuve, nous avons à faire la clarté sur ce point : chacun est provoqué à faire face ... personnellement. Car nous ne vivons pas, nous ne croyons pas, nous ne souf­frons pas par procuration. Notre dignité humaine tient à ce cc je » qui atteste : je vis, je crois, je souffre ••.

En vous disant : « personne ne peut se mettre à votre place » je ne vous demande ni de vous isoler dans la peine ni de refuser toute aide. Je vous invite à ne pas céder au découragement, à croire en vous-même et à entendre le Seigneur vous dire « Je compte sur toi... ». Sur ces bases-là, n'hésitez pas à tendre la main : puisse quelqu'un la prendre pour vous aider !

*

Notre réaction face aux épreuves est facteur de beau­coup d'éléments. Il n'y a pas de lois générales : chaque his­toire est par trop personnelle. Mais suivant le type d'épreuve, je vois trois genres de réactions personnelles à avoir: - certaines épreuves sont à affronter avec l'espoir qu'il

nous sera possible d'en sortir. - d'autres sont à assumer lorsque leur permanence est pré­

visible. - d'autres enfin sont à franchir : elles peuvent laisser des

blessures, elles ne doivent pas nous enfermer dans un moment particulier de notre vie.

Pour éclairer cette classification, je vous donne quelques exemples : - la maladie est à combattre en prenant les moyens d'en

guérir, en acceptant les convalescences nécessaires, la solitude est à combattre par un effort d'ouverture et dans l'acceptation de demander conseil, les conflits dans le couple sont à affronter en prenant les chemins du dia­logue et en allant si nécessaire jusqu'au pardon.

- l'épreuve permanente, nous la rencontrons lorsqu'il y a brisure irrémédiable d'un couple, un handicap physique de naissance, des séquelles de guerre ou d'accident, des maladies sans recours. Il nous faut « vivre » quand même ... vivre« avec», vivre« malgré tout».

- une expression est souvent utilisée par des psycho­logues: il faut savoir« faire le deuil», assumer la situa­tion nouvelle dans laquelle nous sommes, au prix d'un détachement par rapport à ce que nous avons vécu : faire

22 e MÉDEC[NE DE L'HOMME N° 239

le deuil de la vie active lorsqu'arrive la vieillesse, faire le deuil de l'absence d'un être cher trop tôt décédé, faire le deuil d'une vie de couple lorsqu'il apparaît que l'on res­tera célibataire. Affronter l'épreuve, c'est alors savoir la « dépasser » sans nier ce qu'elle laisse comme traces.»

*

B. - L'espérance dans nos vies de médecins, de soignants, de proches

Il n'y a pas de paroles toutes faites.

Il y a souvent une espérance incommunicable ... Une espérance imprononçable ... du moins dans la relation avec le malade, le handicapé, le blessé.

. Mais n'avons-nous pas souvent à espérer pour deux ... A être des relais de l'espérance pour le malade «dans l'impasse»?

Une halte à la source de l'espérance est nécessaire; je vous y invite quelques instants.

*

Le psaume 129 dit l'espérance au cœur de l'obscurité · qui marque le temps de la foi. Nous ne voyons pas : nous croyons. Croyants, les yeux de la foi nous donnent de per­cevoir l'invisible.

Psaume 129

« Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur; Seigneur, écoute mon appel !

Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur,

Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon

pour que l'homme te craigne.

J'espère le Seigneur de toute mon âme; je l'espère, et j'attends sa parole.

Mon âme attend le Seigneur plus qu'un veilleur ne guette l'aurore.

Plus qu'un veilleur ne guette l'aurore, attends le Seigneur, Israël.

Oui, près du Seigneur, est l'amour ; près de lui, abonde le rachat.

C'est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes. »

C'est encore la nuit. Mais il y a l'aurore ...

Nous manque l'expérience de cette aurore d'éternité. Est agissante l'espérance fondée sur l'aube de Pâques. « La résurrection est une promesse ... elle sera une

surprise. » (J. Turck - Journal de Garches).

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Le témoignage, voire la parole de foi auront à s'ap­puyer: - sur le sens de la vie

avec discrétion et en vérité ... nous avons à dire et que, dans la foi, nous recevons

de Dieu le sens de la vie, et que cette même foi nous aide à reconnaître une

orientation vers Dieu dans le sens que beaucoup cher­chent en tâtonnant à donner à leur existence.

Dans les vies les plus blessées, quelque chose mani­feste parfois qu'il y a un «cap» espérance. - sw les images de résurrection que nous avons dans

/'Ecriture : images annonçant plus le « bonheur » que la résurrection, mais serions-nous heureux en n'étant qu'une cc moitié » de nous, un esprit sans cette chair qui a fait notre vie ?

Il y a des lumières que nous avons du mal à accueillir. Pour parler d'une manière abrupte, il y a deux grandes manières de répondre à l'interrogation sur le sens de la vie: - ou la vie de l'homme est le fruit du hasard et elle conduit

à la mort ... elle n'a pas de sens qui lui soit donné par le terme de

son parcours, la vie est un moment entre deux néants ... L'homme est ainsi « fait » qu'il est capable de donner

du sens à ce qu'il fait et ce qu'il fait peut avoir de la valeur.

Mais tout est promis à l'anéantissement. - ou la vie de l'homme a en Dieu sa source et son terme.

Dès lors, elle devient un voyage : elle a une direction, un sens ... Elle peut encore n'être qu'un intermède. Mais la révélation fait découvrir que tout a valeur en elle, car il y a une Alliance pour la vie entre Dieu et l'homme.

Plusieurs éléments ont à rentrer dans la réponse que nous avons à faire. - de toute façon, par leur manière de vivre, les hommes

donnent un sens à leur vie, un sens qui est parfois non-sens, un sens qui est souvent fatalisme, un sens qui est également fréquemment quête de

petits bonheurs.

Il y a dans l'existence humaine un dynamisme vital qui se nourrit :

d'objectifs à atteindre, d'attentes de jours meilleurs, de jouissance du présent.

L'espérance théologale n'y a pas explicitement sa place. Elle y est sans doute attendue. Si elle était accueillie, elle viendrait tout bousculer aidant à assumer même l'in­supportable. - tout se joue sur la question de la mort.

cc La question est celle de la mort qui, si elle est l'anéantissement de toute vie, réduit à un non-sens tous les sens partiels donnés et reconnus par l'homme. Le der­nier mot de la vie et de l'Histoire est-il une victoire du néant sur l'être, du silence sur la parole, de la non-vie sur la vie?

Est-il le triomphe de l'absurde sur le sens : l'amour, même heureux finalement pour rien, la révolte, l'engage­ment, tous les efforts des hommes, les souffrances elles­mêmes, pour rien !

Ce sens ultime qui donne sens à tous les sens est pressenti par le cœur humain et désiré par l'homme qui le recherche dans une croyance en un au-delà de la mort qui donne sens à la mort.

On s'accorde assez volontiers à reconnaître que dans l'évolution, là où il y a sépulture rituelle, il y a présence d'une conscience au second degré, c'est-à-dire d'une personne, d'un être qui sait qu'il meurt et qui donne sens à sa mort.

Pour le chrétien, ce sens du sens est objet d'une révé­lation de Dieu. L'homme ne se le donne pas, il le recon­naît et il le reconnaît en Jésus-Christ, vraiment Dieu et vraiment homme, qui est mort et qui est ressuscité. » (R. Coffy)

S'il est vrai que Jésus-Christ est ressuscité et qu'll est le Premier-Né d'entre les morts, alors notre vie trouve son sens à la fois comme direction à prendre et comme signi­fication à recevoir.

Nous pouvons nous cc occuper » du présent puisqu'il y a un à-venir.

- des " images » pour l'espérance

Dans l'Évangile et dans les autres écrits du Nouveau Testament, des images viennent nous annoncer le royaume à venir.

Ces images ne nous donnent pas «d'explication» sur la résurrection.

Elles ne sont pas à matérialiser, toute représentation induisant des conceptions trop cc terrestres » et cela en raison de leur origine.

Mais ces images sont précieuses, car elles symboli­sent ce qui fera notre bonheur. En voici quelques-unes :

les noces:

le royaume:

la maison (Jn 14):

une alliance d'amour, une fête de vie ensemble,

un monde réconcilié, le règne de Dieu, c'est l'amour qui fait la loi et qui dit l'essentiel de l'exis­tence

Jésus nous devance et Il nous prépare une place ... il y a beau­coup de places. La cc maison » dit la proximité avec des êtres aimés et la reconnaissance de la place de chacun,

la cité sainte (Apoc. 21): la ville annoncée nous promet une convivialité éclairée par Dieu même et réjouie par cette Pré­sence,

le paradis, le séjour des morts, les enfers :

Nous avons en mémoire le paradis perdu et nous pou­vons espérer un univers d'harmonie à la manière d'un paradis retrouvé. Mais, dans le Nouveau Testament, le paradis (Luc 23, 3) renvoie plutôt au cc lieu » dans lequel les justes attendent la résurrection. «C'est le séjour des morts >> dont Jésus parle dans la parabole du riche et de Lazare (Luc 16, 33). Ce sont les « enfers » dont parle le Symbole des Apôtres : "Il est descendu aux enfers"·

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 e 23

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A l'écoule des malades, à l'écoule du Chri.i;t, quelle espérance?

Nous est annoncé un bonheur

un bonheur à l'abri de la destruction, un bonheur plein de vie, un bonheur intéressant tout ce que nous sommes, ce

« tout ce que nous sommes » étant le fruit de tout ce que nous avons été.

La mesure de ce bonheur est« façonnée» par notre humble fidélité et par notre courageuse charité.

Soyons les témoins d'une espérance qui ne devance pas l'aurore.

*

C. - La pri.fle ell charge du malade ell té1noill de l 'e.flpérallce

Dans une note qui m'a été remise, j'ai relevé, face à l'impasse thérapeutique, trois attitudes qui semblent ne pas devoir être retenues:

L'ob.'tti11atio11 <lem." il, traitemt'lll

L'obstination pour guérir à tout prix, forme exacerbée de l'énergie et de la constance thérapeutique est proba­blement la réaction la plus fréquente. Vécue positivement, bien contrôlée et sans excès, cette recherche de la gué­rison du malade représente l'énergie motrice du soignant. Elle est le soutien de l'espoir du patient, l'expression d'un certain respect de la vie, et l'occasion des progrès pro­fessionnels et scientifiques. Par contre, vécue négative­ment, elle peut conduire à l'acharnement thérapeutique, au refus de l'histoire personnelle du malade et au« jusqu'au­boutisme » médical et scientifique.

L'e.tt;quive

Très souvent également, le médecin peut être tenté de refuser cette confrontation et, consciemment ou incons­ciemment, mettre en place des réponses d'esquive. Se tromper soi-même, considérer, contre tout évidence « qu'il y a encore quelque chose à faire», se convaincre que « tout va bien » ou au contraire passer devant la porte de la chambre sans entrer, considérer que ce n'est plus de sa compétence, sont quelques exemples de ces évitements. La pratique hospitalière du transfert à la recherche d'un ser­vie~ «adapté», est le plus souvent envisagée pour une meilleure prise en charge du malade mais elle peut parfois traduire la volonté de rechercher pour soi une activité pro­fessionnelle intellectuellement satisfaisante aux dépens d'un malade ballotté d'institution en institution, parfois loin des siens et transformé en « boule de flipper ». La créa­tion des centres de soins palliatifs a été un progrès majeur, mais même un transfert en soins palliatifs, souhaitable pour une meilleure prise en charge, peut être aussi une façon d'échapper à une impasse thérapeutique. L'eutha­nasie est également une façon de fuir. Elle est plus sub­tile dans son expression actuelle, entremêlée à une légi­time et prioritaire prise en charge de la souffrance et de

24 e MÉDECINE DE L'HOMME N° 239

l'angoisse, et masque un manque d'attention à la per­sonne du malade ou un désir d'en finir.

Lt1 111t1wumgt1 au 111almlt1

La tentation du mensonge est souvent présente. En première analyse il peut sembler protéger le malade et le médecin. En fait il est souvent dpmmageable pour le patient car il l'empêche de s'adapter. A l'inverse, la vérité brutale présentée comme le respect de l'autonomie du patient ne doit pas prendre pour alibi un paternalisme abusif privant le malade d'un regard légitime sur son devenir ou être une forme de confort du médecin.»

Je n'ai pas de conseil à donner sur la bonne direction à prendre comme médecins.

Je ne vous donne pas le conseil de dire des « paroles » d'espérance.

Mais je crois qu'il y a une espérance à mettre en acte, une espérance qui croit à l'à-venir de la personne, une espérance qui garde à la personne d'être digne de

respect, de mériter de vivre, une espérance qui fournit les moyens de lutter contre

le désespoir en gardant quelque goût pour la vie, une espérance qui apaise la douleur pour permettre

que le présent ne soit pas insupportable.

Dans ce que j'ai lu, dans ce que j'ai entendu, j'ai relevé des« attitudes» qui sont porteuses d'espérance et géné­ratrices de vérité pour la vie possible.

1. Regarder le malade comme une personne

L'être humain n'est pas qu'une machine, une machine qui peut être réparée, remise à neuf ou qui, au contraire, est condamnée à un fonctionnement défectueux avant de devenir inserviable ...

L'être humain est une personne: soigner un malade, c'est avoir soin de« l'homme total», de l'homme et de la femme dans sa globalité : « La santé est un état de com­plet bien-être, physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladies ou d'infirmités » (définition de la santé par l'O.M.S.).

Regarder le malade comme une personne, c'est déjà lui donner des raisons d'espérer.

2. Valoriser ce que - dans une situation d'impasse -le malade fait et peut faire.

L'espérance nous apprend la vraie valeur des choses. Alors que beaucoup ne retiennent comme critères de valeur que des critères de réussite, de plaisir, de bien­être, nous croyons que, dans les gestes les plus simples de l'existence, il y a une éternité en genèse.

L'effort fait pour faire face, la ténacité mise à vivre, le courage du traitement, sont des matériaux d'éternité.

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Car ce qui donne à la personne de « vivre ,, lui ouvre les portes du Royaume.

Nous allons vers la résurrection non par une « recons­truction » du corps de mort, mais par le « je » auquel le Seigneur donnera de devenir ce que St-Paul appelle "un corps spirituel» (1 Cor. 15, 44).

3. Faire le deuil de la guérison ... et soigner quand même

Le médecin est appelé parfois à constater une guéri­son impossible : doit-il_ abandonner le malade, l'exclu, la personne dérivante? A l'évidence non.

Quand le médecin prend soin de personnes qui, sur la base d'un diagnostic vérifié, n'en mériteraient plus : perte de temps, dépenses inutiles, le médecin témoigne du prix de la personne. Il l'aide à ne pas se « désocialiser encore plus ,, .

Ce témoignage est alimenté pour le croyant par l'es­pérance, et ce témoignage est une chance d'espérer pour qui n'attend plus rien de la vie.

Faire le deuil est une opération douloureuse et coû­teuse.

La société pousserait à se défaire de personnes « sans visages » et sans prix plutôt qu'à garder de l'intérêt pour elles.

4. Cheminer en vérité

Avec ceux qui sont en situation de ne pas faire beau­coup de chemin s'ils sont dans une impasse.

J'ai été très touché par les remarques de Madame Martine Ruszniewski :

« La demande du malade se situe davantage dans l'attente d'une relation dans la vérité que d'une vérité médi­cale dès lors que celle-ci n'est pas sollicitée: ainsi, tandis que certains patients n'iront jamais au-delà de certaines questions, d'autres en revanche s'enfonceront dans cet inconnu où le soignant se devra alors de l'accompagner en continuant pied à pied, animé du seul souci de se main­tenir au plus près de la vérité psychique du malade. » ( ••• )

« Permettre au malade de demeurer, jusqu'au bout, un sujet aimant et aimé, un être encore vivant malgré la mort qui se profile.», voilà un très bel idéal.

Ell couclwûofl

Pour être porteurs d'espérance, • vivons nous-mêmes sur fond d'espérance, • donnons ses chances à la vie, • portons sur l'existence un regard qui lui reconnaisse

d'être en devenir : - cesser de devenir, c'est commencer de mourir, - la vie est une genèse : la mort une naissance, - par ce que nous vivons dans le temps, nous semons

de l'éternel, • porter les personnes dans la prière, • vivre l'eucharistie comme un chemin d'espérance pour

nous-mêmes et pour toutes nos relations, • avoir des paroles qui font exister, tout cela est à vivre chacun selon son charisme.

18 octobre 1998. •

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 0 25

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Réflexions dµ Comité Consultatif National d'Ethique

J.-C. BESANCENEV (*)

"Consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de soins et de recherche" Avis n° 58 du 14-9-98.

Ce document volumineux (29 pages) a été rédigé par un groupe de travail de 16 personnes suivant le " modèle " du C.C.N.E.: pluridisciplinaire et pluraliste.

Les thèmes abordés sont proches de ceux qui font l'objet du N° 238 de Médecine de l'Homme cc L'information du malade - consentement aux soins» qui n'a pas pu prendre en compte le contenu de cet important travail, car la préparation de ce numéro de Médecine de f Homme était terminée quand le document du Comité d'Ethique a été rendu public.

Ce travail englobe donc toute l'évolution de la problé­matique du consentement et de /'information qui en est la condition nécessaire, y compris la décision de la Cour de Cassation de février 1997 obligeant le médecin à faire la preuve de /'information donnée et qui a suscité une vive émotion dans le corps médical.

Les quelques réflexions qui suivent ne prétendent pas être un compte rendu, simplement un accent mis sur quelques-uns des aspects de ce rapport d'une grande richesse.

Jr'· réfle:i·io11 : relatio11 « .~oitu; »

et « recherche »

Le titre lui-même constitue une petite révolution. Il y est question à la fois de « soins » et de « recherche ». Les rela­tions médecin-patient ayant pour objet le soin sont balisées par la déontologie, et celles qui s'établissent au sujet de la recherche, par la législation (Loi Huriet Sérusclat de 1988). Or, bien qu'en effet le « contrat de soins » et le cc contrat de recherche » restent différents, puisque celui qui est le demandeur dans l'un est bénéficiaire dans l'autre, le consentement est identiquement et de plus en plus nécessaire.

La raison de cette appréhension commune des soins et de la recherche est développée à la fin du chapitre troi­sième intitulé cc Une évolution incertaine », dans le para­graphe. cc intrication des actes de soins et des actes de recherche ». cc On estime qu'au moins huit cent mille per­sonnes ont été soumises en France en 1996 à des essais biomédicaux. » (p. 12) Être invité, notamment au cours d'une hospitalisation, à se prêter à un essai thérapeutique,

(")Aumônier National du C.C.M.F.

26 e MÉDECINE DE L'HOMME N° 239

n'est plus une exception. Mais le patient doit être informé lorsqu'il passe de la situation « d'objet de soins » à celle de « source de données». Il y a là en effet un dévelop­pement de la relation soignant/soigné qui est signifié par deux types d'information et de consentement : aux soins et à l'essai.

Il semble exister de plus en plus de situations « où le besoin de prise en charge médicale et la possibilité de participer à un protocole de recherche se recouvrent ,, (p. 18).

Jusqu'à la promulgation de la loi Huriet en 1988, la recherche en France n'était pas reconnue par la législation. Par contre existait de fait la pratique non contrôlée de « l'innovation thérapeutique ,, . Cette dernière n'est même pas mentionnée dans le document. Le C.C.N.E. estime-t­il que cette pratique a disparu devant le développement de la « recherche » ? Tous les médecins seraient alors prêts à inviter leurs patients à entrer dans un protocole, ce qui suppose une information complète sur le plan thérapeu­tique, mais allant jusqu'au montant de la rémunération des investigateurs ? Et combien de patients sont-ils capables de distinguer vraiment soin et essai ?

2'' réf/e;rion : « Une .(/ituatio11 évolutive, mab; incertaine »

Ce qui a évolué, c'est la conscience de la nécessité de l'information et du consentement, en rapport avec le déve­loppement de la notion du droit à l'information. L'évolution de la déontologie est bien soulignée, y compris les ambiguïtés de la dernière version, et« tend à ce que l'obligation d'in­former aille jusqu'à une obligation complète, par exemple d'un risque exceptionnel, mais grave et connu ,, (p. 7).

Mais ce développement n'est pas homogène, et se heurte à des difficultés. Car « la réflexion sur le devoir d'informer est complexe et nuancée,, (p. 8). La simple référence aux cc principes ,, - bienfaisance et non mal-effi­cience - peut mener à des excès, comme on le voit dans un sens aux U.S.A., où le risque existe d'une information qui déstabilise et dans un autre sens dans les pays de tradition latine, où l'information est parfois réduite pour protéger le patient. Par ailleurs, cc Faire passer des actes de recherche pour des actes de soin - tentation que les médecins ont parfois pour échapper aux contraintes de la loi Huriet - n'allège pas l'obligation d'informer ,, (p. 14).

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Cette évolution s'inscrit dans celle même de la société. En France et généralement en Europe, va-t-on vers une relation réellement contractuelle entre médecin et patient, ou s'inventera-t-il une voie spécifique pour concilier autant que possible le droit à l'information et l'appréciation res­ponsable du médecin ?

On en revient toujours au caractère essentiel de la relation interpersonnelle par la parole, même si celle-ci se traduit par un écrit, chaque cas restant particulier. Mais, devant la difficulté toujours renouvelée de l'information, ne faudrait-il pas inclure une « formation à l'information »

dans les études médicales? (p. 8). Mais« le paternalisme autoritaire est de toute façon une attitude du passé ». « Le problème en France n'est pas de légiférer, les textes exis­tent, mais de faire passer les normes de bonne informa­tion et de bonne communication dans les habitudes concrètes » (p. 13).

3'' ré[Le:rion : Les diverses situations vis-a-vis du con.'lentement

Les deux derniers chapitres sont consacrés à l'examen des questions posées par les deux types de patients : ceux qui sont autonomes, cc compétents ,, , et cas où le consentement apparaît comme difficile.

Le.~ patie11ts <l1tl01wme.'I

La preuve écrite de l'information est exigée par la loi en cas de « recherche », et tend à le devenir pour cer­tains actes, notamment pour ceux pour lesquels l'évalua­tion bénéfices/risques s'avère nécessaire. L'extension de la nécessité de signer « serait une bureaucratisation de la relation patient-médecin où l'information dialoguée serait escamotée au profit d'une signature arrachée ,, (p. 15). cc Un bon moyen de contrôler si l'autre a compris est de s'assurer qu'il peut réexpliquer » (p. 16).

Lorsqu'en urgence un patient se trouve en« péril immi­nent» et refuse un traitement vital, l'attitude intervention­niste se justifie, mais « l'obligation d'assistance ne justifie pas n'importe quel acharnement thérapeutique ou attitude coercitive de la part des soignants ».

Le.~ patients « 1w11 capable.'I » 011 « incompéte11t.'I »

Cette catégorie ne reco~pe pas celle des « inca­pables » au sens juridique. « Etablir l'incompétence (rela­tive) d'une personne, c'est établir son inaptitude à com­prendre une information et/ou à prendre une décision rationnelle touchant son propre bien » (p. 19). Mais pour ce discernement on manque encore de critères valables.

Propo.~itio11 d'u11 « répo11da11t »

Représentant, mandataire, répondant. Outre les situa­tions « d'incompétence », une forme de « consentement assisté» pourrait convenir à certaines situations (début de la perte d'autonomie). Le répondant devrait pouvoir faire connaître aux soignants ses volontés et ses préfé­rences. Il pourrait être un « interlocuteur » du médecin en vue d'une décision.

Urge11ce.'f

Plusieurs difficultés peuvent se présenter. « L'urgence justifie que le médecin commence à donner les soins qu'il juge nécessaires sans le consentement explicite du malade si celui-ci est hors d'état de s'exprimer» (p. 22). Mais si le patient redevenu conscient exprime son désaccord avec ces soins? (ex.: suicidant).

Fill.'f de vie

Le C.C.N.E. souhaite qu'on puisse en parler de façon sereine , sous trois aspects : - celui du droit d'accès au domicile ou à l'hôpital à des

soins palliatifs et au traitement de la douleur ; - celui de l'abstention de soins superflus ; - celui de l'euthanasie. Le C.C.N.E., avait rejeté toute

perspective de reconnaître l'euthanasie comme une issue admissible dans certaines conditions. Il s'inter­roge, car si la participation des patients aux décisions augmente, la question des fins de vie ne manquera pas de se poser.

Conclusion.'1/Recommandations

1. L'information des malades, qu'il s'agisse de recherche ou de soins, est la condition nécessaire d'un consentement de qualité. Après avoir été informé, le malade peut accepter ou refuser la procédure qui lui est proposée.

La Charte du malade hospitalisé doit être systémati­quement mise à la disposition des malades et enseignée au personnel soignant.

2. L'expérimentation d'une thérapeutique nouvelle, si elle a pour objectif principal de soigner un patient, a éga­lement pour conséquence d'enrichir les connaissances scientifiques et techniques des médecins hospitaliers. La frontière entre soins et recherche est très poreuse. Les principes qui sous-tendent la recherche du consentement des malades aux soins médicaux ou à la recherche sont les mêmes (respect de la liberté du patient), et ils mènent vers le même objectif : la responsabilité et la confiance par­tagées entre deux partenaires également autonomes, le malade et le médecin.

3. Certaines dérogations à cette règle doivent être envisagées : par exemple le consentement des malades peut être présumé en urgence, et réitéré lorsque le malade a retrouvé ses capacités de discernement.

4. Les malades dits cc incapables» ont souvent des capacités de compréhension qui justifient leur information et légitiment la recherche d'un consentement aux soins qui ne doit pas être présumé.

5. Il est nécessaire d'envisager deux points qui posent actuellement de sérieux problèmes au corps médical : celui de la définition du « bénéfice individuel direct » que les malades peuvent retirer de la recherche biomédicale, et celui de l'évaluation des soins ou des techniques bio­médicales.

Pour les protocoles d'évaluation des soins ou des techniques médicales qui vont se banaliser et entrer dans les procédures d'accréditation des établissements de soins, il faudra clarifier la différence entre évaluation et recherche,

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 e 27

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1 Réjle.i:io11s c/11 Comité Co11s11!1a1 {/' Nat ion al d 'Ét !tique

et pour un certain nombre de protocoles alléger les contraintes actuellement en cours.

S'agissant de la recherche biomédicale, le législateur doit préciser la distinction entre la " recherche avec béné­fice direct pour la santé '" et la " recherche sans finalité directe pour la santé " ·

Certains argumentent en effet que la " finalité directe ,, d'un protocole de recherche est l'acquisition ou la valida­tion de connaissances (et non pas directement le soin d'un malade individuel) ; d'autres argumentent que la par­ticipation à un protocole de recherche est en général " bénéfique ,, pour le malade, parce que dans le cadre du protocole de recherche, il est suivi avec une rigueur scientifique dont les autres patients ne bénéficient pas toujours.

6. Il faut envisager la question extrêmement difficile de la recherche biomédicale avec des malades hors d'état d'être informés et donc de consentir. C'est le cas des

patients qui ont des atteintes neurologiques centrales graves, et sans espoir d'amélioration. Comme l'OMS­CIOMS l'a souligné, il est injuste de priver ces catégories de patients de toute recherche sur les pathologies dont ils sont affligés.

7. Il est par ailleurs aussi injuste de vouer à la recherche des personnes sans défense. Lorsque le recueil du consen­tement est rendu impossible, la possibilité de désigner un " représentant ,, ou " mandataire ,, serait une avancée positive.

Le 12 juin 1998.

NB : Les numéros des pages sont ceux de l'édition polycopiée,_disponible au secrétariat du Comité Consultatif National d'Ethique, 71 , rue Saint-Dominique, 75007 Paris, 01 44 42 48 52.

On peut le trouver également sur Internet : http://www.ccne-éthique.org •

DANGER

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LE PHOTOCOPILLAGE

TUE LE LIVRE ET LA REVUE

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Un séjour de 4 semaines (été 98) dans le dispensaire de brousse de Biankouri (Nord Togo)

Contacté par l'association• Joie et santé pour tous" située à Paris et réunissant des fonds pour aider la vie de ce dispensaire, j'ai passé le mois d'Août au Nord Togo pour assumer consultations et cours de médecine tropicale.

Ce dispensaire de brousse est situé au Nord du Togo (à 650 km de la capitale : Lomé), mais à 8 km de la fron­tière sud du Burkina-Faso ; à quelques km du Ghana à l'ouest, et du Benin à l'est. Le dispensaire draine des malades de tous ces pays, surtout du Togo. Cette région a en commun d'être loin des 4 capitales respectives ... d'où un certain abandon au bon vouloir des pays voisins, et des bonnes volontés étrangères.

Aussi une congrégation de sœurs polonaises s'est­elle installée au Togo depuis 15 ans, et à Biankouri plus par­ticulièrement depuis une dizaine d'années.

À Biankouri existent donc des bâtiments comportant la partie « conventuelle » avec une petite chapelle, une mai­son d'hôte et en face, de l'autre côté de la piste, un dis­pensaire comportant des salles de consultation, une salle de soins, un petit laboratoire, une maternité, une phar­macie, mais aussi des salles d'hospitalisation avec la place pour que les familles accompagnant leur malade puissent rester: faire la cuisine, dormir et s'occuper pour une part, de leur malade.

Enfin, élément ~ssentiel : existe un CAEN (Centre de Récupération et d'Education Nutritionnelle), où peuvent rester en permanence 30 enfants avec leur mère, pour une durée moyenne de 4 semaines, afin de les sortir de leur grave état de dénutrition : marasme et Kwashiorkor.

En effet, à 5 heures d'avion de Paris (arrivée à Oua­gadougou) puis 5 heures de route, on se retrouve sur une «autre planète»: la savane est là: pas d'électricité, pas de téléphone, pas de courrier, les pistes tenant lieu de route ; des cases comme il y a un siècle et quelques mai­sons en « dur » avec toit en tôle ondulée. Quelques puits très éloignés des habitations. La pauvreté règne, mais la population est souriante, gaie, fataliste ... , assumant toujours, entre autres, corvée de bois et corvée d'eau.

Le dispensaire n'a pas de médecin, mais un infirmier togolais et deux infirmières polonaises assurant les consul­tations médicales. Une « matrone » s'occupe de la mater­nité et des consultations de « gyriécologie ». Un laboran­tin pratique le minimum : Goutte Epaisse ; numération des Globules Blancs. E.P. des selles et des urines. On « dose » l'hémoglobine en mettant une goutte de sang obtenue par

(*) Médecin attaché à !'Hôpital Bichat, Service infectiologie, P' Vildé.

or Marc BOST {*)

vaccinotyle sur un buvard blanc et on compare avec une échelle colorimétrique ... En dessous de l'évaluation de 5 g, on ne fait rien ... ; à partir de 6n g, on recherche un éventuel donneur pour transfusion. Mais, selon l'ethnie, on ne « donne pas son sang », même pour son propre enfant.

Avec si peu de moyens, le dispensaire assume envi­ron par an:

• 14 000 consultations médicales,

• 1 300 consultations prénatales,

• 200 accouchements, • 320 enfants hospitalisés.

Les vaccinations sont assurées avec plus ou moins de régularité car il existe des difficultés pour se procurer les doses de vaccin.

L'an dernier ont été assurées :

• 1 116 vaccinations antitétaniques,

• 1 178 vaccinations par le BCG, • 7 720 vaccinations anti-polio,

• 1 OO vaccinations contre la rougeole, • 580 vaccinations contre la méningite.

Cette dernière campagne de vaccination ayant été provoquée à la suite d'une épidémie de méningite qui a entraîné la mort de nombreuses personnes, en particulier des enfants.

Autre activité du Centre : l'évacuation des malades chirurgicaux, des affections graves,, vers !'Hôpital de la Préfecture voisine Dapaong (37 km). Evacuation se faisant en « 4 x 4 » et non pas en ambulance, par des pistes défoncées.

La pathologie la plus courante rencontrée comporte : • des crises de paludisme (Plasmodium falciparum résis­

tant), surtout chez l'enfant n'ayant plus la protection immunologique maternelle et n'ayant pas encore acquis une protection naturelle.

L'enfant est souvent vu trop tard (çà« chauffe» depuis 3 jours ... ), d'autant que la famille a d'abord« consulté» le féticheur, retardant le traitement salvateur, aggravant par­fois l'état de ce patient par des pratiques locales (scarifi­cations en regard de la rate) entraînant une surinfection cutanée. L'unique traitement étant la quinine (Halfan ou Lariam trop onéreux) sous ses différentes formes : comprimés, intra-veineuse, et même intra-musculaire ... Plus rarement le Fansidar, celui-ci étant là-bas utilisé surtout en prophylaxie.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 e 29

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1 Un séjour de 4 .';ernaines (été 98) dans le dispensaire de brousse de Biankouri (Nord Togo)

La mortalité est encore aggravée par un état « ané­mique chronique » chez la plupart de ces enfants.

• Anémies résultant de plusieurs causes : la dénutrition par le manque de protéines animales, les avitaminoses et surtout les parasitoses, en particulier Ankylostomiase très fréquente en cette région avec traitement quasi sys­tématique (Vermox) lors de tout accès fébrile avec amai­grissement et atteinte de l'E.G.

• Parasitoses digestives habituelles sous ce climat. Le traitement peut être assuré par l'aide thérapeu­tique de généreux particuliers ou par quelques asso­ciations internationales. Mais récidives et diagnostics tardifs entraînent encore de nombreux cas d'atteinte de l'E.G.

• Infections pulmonaires répondant en général très bien au traitement antibiotique, mais il manque parfois la forme pédiatrique de !'antibiothérapie nécessaire. Sans oublier la tuberculose .... nécessitant alors une évacua­tion vers l'hôpital pour confirmation (Radio) et mise en route d'un traitement spécifique, mais qui sera rarement poursuivi jusqu'à son terme (manque d'argent).

Le sida est présent, mais on n'en parle pas : il n'existe pas de dépistage, pas de possibilité de confirmation, pas de traitement, pas d'éducation ni possibilité de politique de prévention dans une région où la polygamie est la règle et l'utilisation du préservatif illusoire, non seulement pour des raisons culturelles, mais surtout en raison de son prix prohibitif. Certes le sida est plus fréquent en zone urbaine qu'en zone rurale. Mais cette différence tend aujourd'hui à s'amenuiser en fonction des déplacements de popula­tions, du développement des axes de circulation, des migrations saisonnières.

*

Après un séjour finalement assez court de quatre semaines, passé uniquement dans ce dispensaire avec 2 visites à des dispensaires voisins ayant les mêmes carac­téristiques et le même fonctionnement, avec la même population et la même pathologie, quelles constatations peuvent-elles être faites:

• Les vaccinations ne sont pas régulièrement effectuées par manque de vaccin (mais aussi comme moyen pour maintenir une certaine mortalité infantile ... ).

30 e MÉDECINE DE L'HOMME N° 239

• La « promotion » de la femme passe par le nombre de grossesses (10 à 12 en moyenne) plus que par le nombre d'enfants survivants : il ne reste bien souvent que la moitié de la fratrie ... Le décès d'un enfant est supporté avec une fatalité inconnue dans notre pays.

• Il existe une demande certaine de scolarité mais celle­ci est chère et souvent l'enfant ayant atteint 5 à 6 ans, va être utilisé « aux champs » ou comme berger, plutôt que d'aller à l'école.

• L'absence d'électricité entraîne un manque d'information, en particulier par la T.V. La radio est peu écoutée.

D'où un marasme dans l'éducation et l'évolution de la vie. On reproduit de génération en génération les mêmes gestes, les mêmes méthodes, même en agriculture.

Il commence à exister un exode rural mais l'état éco­nomique du Togo est médiocre, et l'arrivée en ville, comme souvent en d'autres pays, entraîne chômage, plus grande pauvreté, prostitution, alcoolisme et drogue.

La rencontre avec des religieuses polonaises, espa­gnoles, mais aussi avec des prêtres salésiens espagnols, m'a permis d'entendre les mêmes conclusions de leur part : améliorer l'état sanitaire, éduquer et faire venir des « coopérants » pour apprendre à travailler, surtout au niveau de l'agriculture et de l'élevage, ce qui permettrait une augmentation de consommation de protéines animales nécessaires à la croissance des plus jeunes.

Dans ce pays où n'existe guère que la tradition orale, est encore vrai cet axiome : « un ancien qui meurt est une bibliothèque qui meurt ».

Il faut donc, plus que de l'argent ou des capitaux, leur apporter un savoir-faire, des techniques, des conseils adaptés au climat et à la géologie du pays.

En assistant à plusieurs offices religieux, en particu­lier le 15 août, j'ai constaté combien la liturgie était un exemple d'intégration entre la messe traditionnelle, uni­verselle, et l'utilisation de danses ou de musiques eth­niques. L'ensemble étant le plus souvent d'une excellente tenue, grâce aux prêtres venus d'ailleurs mais aussi à la qualité de la catéchèse.

Espérons qu'une intrication sociale, professionnelle, manuelle, intellectuelle, puisse voir le jour et sortir ces populations d'une pauvreté chronique sur tous les tableaux, avec pourtant la persistance d'une certaine joie. Ill

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Plan de travail proposé aux groupes (suite du numéro 238)

R4 partie

LA CONDITION LAÏQUE, UN « ÊTRE DANS LE MONDE »

Pour l'ensemble de cette partie, on aurait intérêt à faire une lecture suivie en plusieurs fois de la Déclaration conciliaire sur !'Apostolat des Laïcs, chapitres 1 et 2.

Bien qu'au cours du xixe siècle, des groupements de laïcs se soient constitués de leur propre initiative (par exemple les Conférences Saint-Vincent-de-Paul, avec Ozanam, à la fin du x1xe siècle ; la Société St Luc qui est à l'origine du C.C.M.F.), il a fallu attendre Vatican Il pour que la consci~nce se fasse clairement de la situation de « diaspora » de l'Eglise dans un monde sécularisé et autonome. De ce fait, est reconnue à tous les membres de l'Église une vocation com­mune sur la base du baptême et de la confirmation.

THÈME 5 : « LE LAÏCAT À VATICAN Il »

Le monde reconnu Tout d'abord, la consistance, la valeur propre du

« monde » du « temporel » est bien reconnue « Tout ce qui compose l'ordre temporel : les biens de la vie et de la famille, la culture, les réalités économiques, les métiers et les professions, les institutions et la communauté politique, les relations internationales et les autres réalités du même genre, leur évolution et leur progrès, n'ont pas seulement valeur de moyen par rapport à la fin dernière de l'homme, ils possèdent leur valeur propre, mise en eux par Dieu lui même». (1)

Et l'Église alors « fait route avec l'humanité »

Dans cette Église, dit encore le Concile,« Il y a diver­sité de ministères, mais unité de mission ... Les laïcs ... assu­ment dans l'Église et dans le monde leur part dans ce qui est la mission. du Peuple de Dieu tout entier». (2)

Cette part de la mission commune, elle vient de ce que « Le propre de l'état des laïcs étant de mener leur vie au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appe­lés par Dieu à exercer leur apostolat dans le monde à la manière d'un ferment grâce à la vigueur de leur esprit chré­tien». (3)

« Insérés qu'ils sont par le baptême dans le Corps mys­tique du Christ, fortifiés grâce à la confirmation par la puis­sance du St Esprit, c'est le Seigneur lui-même qui les députe à l'apostolat», (4)

Père Jean-Claude BESANCENEY (*)

C'est donc bien le baptême qui habilite tout chrétien à participer à l'annonce de l'Évangile en le vivant dans ses responsabilités temporelles, en même temps qu'il tente de construire ce monde« selon Dieu». Et il peut le faire en participant à une association de laïcs reconnue par !'Épiscopat.

Ainsi la légitimité des mouvements de laïcs s'enracine dans leur condition de baptisés, en communion avec le ministère ordonné, évêques et prêtres.

Mais par ailleurs l'évêque peut demander à des chré­tiens, prêtres, religieux, laïcs, de partager, de mettre en œuvre sa mission apostolique. C'est ainsi que par exemple les responsables de la pastorale de la santé, nommés par l'évêque, peuvent être des laïcs. À leur responsabilité ori­ginelle née de leur baptême, vient s'ajouter celle donnée par l'évêque.

Double mission du laïcat

Car cette mission propre aux laïcs est elle-même double : « L'œuvre de rédemption du Christ, qui concerne essen­tiellement le salut des hommes, embrasse aussi le renou­vellement de tout l'ordre temporel. La mission de l'Église n'est pas seulement d'apporter aux hommes le message du Christ et sa grâce, mais aussi de pénétrer et de parfaire par l'esprit évangélique l'ordre temporel», (5)

Les laïcs exercent donc leur apostolat aussi bien dans l'Église que dans le monde. Ainsi c'est dans la même inser­tion dans la réalité du monde que le chrétien a à la fois avec les membres des mêmes groupes humains à tenter de construire ce monde dans un esprit évangélique - pen­sons en particulier à ce respect de la personne sous toutes ses formes qu'il est facile d'affirmer, plus difficile de mettre réellement en œuvre - et également de témoigner de sa foi.

Mais qu'est-ce donc qu'évangéliser pour un laïc? Écou­tons Paul VI, qui 10 ans après le concile a proposé une réflexion approfondie dans une exhortation intitulée «L'évangélisation dans le monde moderne» (1976) : « L'évangile doit être proclamé d'abord par un témoignage. Voici un chrétien ou un groupe de chrétiens qui, au sein de

(*) Aumônier du C.C.M.f. ( 1 ) Déclaration sur l'apostolat des laïcs § 7. (2) Idem. (3) Idem§ 2. (4) Idem§ 3. (5) Idem§ 5.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 239 e 31

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1 Plan de travail proposé au.r groupes (sw~te)

la communauté humaine dans laquelle ils vivent, manifes­tent leur capacité de compréhension et d'accueil, leur communion de vie et de destin avec les autres, leur solidarité dans les efforts de tous pour tout ce qui est noble et bon. Voici que en outre ils rayonnent d'une façon toute simple et spontanée, leur foi en des valeurs qui sont au-delà des valeurs courantes et leur espérance en quelque chose qu'on ne voit pas, dont on n'oserait pas rêver. Par ce témoi­gnage sans paroles, ces chrétiens font monter dans le cœur de ceux qui les voient vivre des questions irrésistibles : Pourquoi sont-ils ainsi ? Pourquoi vivent-ils de la sorte ? Qu'est-ce - ou qui est-ce - qui les inspire ? Un tel témoi­gnage est déjà proclamation silencieuse mais très forte et efficace de la Bonne Nouvelle. Il y a là un geste initial d'évan­gélisation» (6). Geste initial qui, poursuit Paul VI,« doit un jour être éclairé par une parole explicite». Et, dit-il,« à ce témoignage, tous les chrétiens sont appelés».

Une seule conscience

Le laïc, qui est tout ensemble membre du peuple de Dieu et de la cité des hommes, n'a qu'une conscience chrétienne. Celle-ci doit le guider sans cesse dans les deux domaines (7).

Devant certains courants, nous avons aujourd'hui à défendre la capacité de cette conscience de poser des actes libres : ce qui est pour nous chrétiens signifier comme étant le propre de l'homme, comme étant image de Dieu. Certes, cette liberté comme toutes les productions du psy­chisme humain repose sur l'extraordinaire complexité du sys­tème nerveux central. Elle repose sur, elle ne se réduit pas à ... comme le pense un courant remontant au siècle der­nier et actuellement assez répandu à la suite de J. Monod.

C'est cette conscience qui permet à la personne humaine de délibérer afin de poser des choix qui privilé­gient le « bien ,, et non le mal. La raison pratique à l'œuvre dans la délibération conduit à la sagesse pratique qui per­met de prendre la décision.

Cette délibération est rendue nécessaire du fait que les situations qui se présentent, dans le contexte familial, social, professionnel sont rarement en noir et blanc. Il est néces­saire pour prendre une décision responsable de peser les

conséquences possibles de telle ou telle décision sur telle ou telle personne.

Un théologien contemporain (8) exprime ainsi cette sta­ture donnée à l'homme par Dieu :

D'abord:« Il a conscience de l'étendue de ses propres capacités». Nous connaissons bien ce thème de la condi­tion humaine lorsque le pouvoir sur la nature extérieure avait déjà une certaine réalité, mais sans presque s'étendre sur sa propre nature. Naissance, maladie, souffrance, mort n'étaient vécues que dans la soumission à un destin trans­cendant sur lequel on ne pouvait avoir aucune prise.

Puis : « Cette maîtrise, il peut l'exercer à l'égard des limites de sa propre existence, à l'égard de son propre corps».

Le progrès des connaissances fait qu'aujourd'hui l'homme peut intervenir. Les limites reculent, tandis que des états limites se présentent, tant au début qu'à la fin de la vie.

Enfin : « Il devra décider »

« Fort de ses connaissances et de ces nouveaux pou­voirs, l'homme sait que c'est lui qui devra décider de l'usage des capacités développées par son intelligence. li lui faut décider quoi faire de ce qu'il sait faire », Et de cela il est res­ponsable, entièrement, mais solidairement. À l'impuissance et la solitude.de I'« homme soumis à des forces qu'il ne maî­trisait pas,,, succède la responsabilité, mais dans une autre solitude, de l'homme convoqué à la décision pour la gesH tion de ces nouveaux pouvoirs. Quel homme, quelle société humaine voulons-nous construire ?

Tout homme entend la voix de sa propre conscience, plus ou moins oblitérée par des attitudes habituelles de refus de « se poser des questions », Le chrétien en outre a pour le guider la référence évangélique, elle-même rappelée par le magistère. Mais jamais, sauf exceptions, ces repères n'imposent une décision, tant la considération des« cir­constances» est essentielle.

(6) Idem § 31. (7) Idem§ 5. (8) Bruno Cadoré.

(à suivre ... )

Directeur de la Publication 0' Marc BOST 16, rue du Rocher, Paris-a•

ISSN 0543-2243 Commission Paritaire

N° 54216

IMPRIMERIE ,i!I ALENÇONNAISE Rue Édouard-Belin, 61002 Alençon

Dépôt légal: 1 .. trimestre 1999- N° d'ordre: 41574

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Vie des 1nouve1ne11f.(] nzé<lico-sociau~r chrétien.r.; · D' Pierre Charbonneau

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Ce numéro est intitulé : " Dans un monde en mutation. une aumônerie en recherche .,

Est d 'abord développée la réforme en cours et les enjeux de cette réforme. Un directeur de C.H.U. nous en donne les grands axes et évoque ensuite le rôle et la responsabilité qui incombe à tous les gestionnaires.

À cette réforme marquée surtout par des regroupements hospitaliers, l'aumônerie doit s'adapter. C 'est cette nécessaire adaptation qui est développée dans ce numéro fort inté­ressant et qui met bien en évidence que la Pastorale des malades est l'objet d 'une importante réflexion théologique.

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·~ La Bible sous le regard des femmes "· A l'automne 1997, la Faculté de Théologie Protestante de Genève organisait un cours public autour des questions, des enjeux et des défis posés par le regard des femmes sur la Bible. Les articles de ce numéro mettent en lumière la relativisation des lettres bibliques et l'ap­port des exégètes féministes dans cette pers­pective. Pour les auteurs, le regard des femmes sur la Bible devient incontournable.

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Ce bulletin s'intitule: " ouverture et fidélité"· Il contient deux articles fort intéressants de Konrad Reiser, actuel secrétaire.

Le premier concerne les réflexions présen­tées au colloque organisé à l'occasion du cinquantenaire de !'Amitié judéo-chrétienne de France. Ces réflexions exposent le che­min des relations entre juifs et chrétiens depuis cinquante années.

Le deuxième texte va dans le même sens d'exigence et de dépassement. notamment lorsque les institutions ne suivent plus les attentes immenses des hommes et des femmes de bonne volonté .

Ce numéro est intéressant car il contribue à un nécessaire mouvement de renouvelle­ment de !'oecuménisme.

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Numéro très original et intéressant intitulé " vivre avec les sœurs désorientées "· L'espérance de vie s 'accroit sans cesse. C'est un bien et un grand progrès pour /'humanité. Mais le nombre croissant des personnes âgées pose aussi des défis nouveaux à la société, dont l'un gravissime : celui de leur accueil et de leur accom­pagnement. Des médecins, des équipes de soignants ont réfléchi à la prise en compte humaine de cette population. dont les religieuses ne sont pas exclues : aussi ce numéro de la Revue est consacré à une contribution à une recherche concer­nant la prise en charge des sœurs déso­rientées. Il contient des articles d 'un médecin qui décrit " la vie en communauté et les troubles du comportement " : " le vieillissement psycho­lof!ique et pathologique " ; " les syndromes dementiels "· JI donne une image des " Cantou " vingt ans après leur création. Un autre article décrit /'accompagnement au jour le jour. Puis sont exposées quelques situa­tions particulières.

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Ce numéro de la revue d'information et de for­mation fondée par des Dominicains de la Province de Lyon est intitulé " Paranormal , la religion sauvage "· Il met en évidence la séduction de l'étran­geté qui aurait une audience considérable auprès de nos contemporains. Pour eux. l'étrangeté serait attirante, car elle mettrait en mouvement le sentiment, l'imagination, l'affectivité ; elle affronterait les questions existentielles.

Différents auteurs donnent leur vision. L'un trace l'histoire communautaire de l'attirance pour le paranormal ; un autre constate que la science n'a jamais pu vérifier la validité de ces phénomènes ; un autre, par une fine analyse, s'oriente, pour expliquer l'engoue­ment présent. vers l'hypothèse d'une inflation de l'individualisme. Ce parcours s'achève en narrant l'ambiguïté de la foi institutionnelle à l'égard des croyances erratiques. Il est enfin estimé que la négociation toujours reprise entre foi et croyances conduit à une purifi­cation réciproque.

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Ce numéro est intitulé : " Le Paradis, l'excès promis "·

Pourtant, autant il semble aisé de représen­ter les souffrants de l'enfer hypothétique, autant il est difficile d'imaginer un bonheur absolu dont Paul avoue qu'il n'est pas mon­tré au cœur de l'homme.

Un auteur met bien en évidence que la mort est une catastrophe, mais elle peut être une ouverture. Il a fallu des siècles d'expérience croyante pour que la mort désigne autre chose que son évidence de clôture. mais peu à peu. le paradis devient notre espé­rance, l'expérience terrestre devenant pré­misses de la plénitude à venir.

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Dans ce numéro sont abordés des problèmes posés par " Toxicomanie el grossesse " et par /'importance du " vieillissement " qui doit aussi intéresser les sages-femmes.

Petite revue pratique et concrète.

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