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Définition Les vomissements se définissent comme des rejets actifs du contenu gastrique ou intestinal par la bouche secondaires à des contractions du diaphragme et de la musculature abdominale. Ils ont souvent un caractère pénible et peuvent être associés à une sensation de malaise (de type vagal avec pâleur). Ils peuvent être alimentaires, bilieux ou hémorragiques. Ils sont à différencier : – des régurgitations : rejets alimentaires réalisés sans effort, sou- vent postprandiaux et de faible quantité, observés essentielle- ment chez le jeune nourrisson (âge < 6 mois). Elles sont parfois accompagnées d’une éructation (rot) qui survient de façon physiologique en raison du volume d’air dégluti par un nourris- son lors de la tétée ; – du mérycisme : phénomène de rumination observé chez des sujets qui font remonter de façon volontaire ou automatique des aliments de l’estomac jusque dans la bouche. Celui-ci peut être en relation avec un authentique reflux gastro-œsophagien pathologique, ou bien être de mécanisme psychogène chez des enfants victimes d’une carence affective. Démarche diagnostique Les vomissements sont un symptôme fréquent, peu spéci- fique, pouvant révéler de nombreuses pathologies dont certaines peuvent être sévères, ou à l’origine de complications sévères (déshydratation, dénutrition). La démarche étiologique doit donc être rigoureuse, essentiellement clinique, fondée sur l’interroga- toire puis l’examen. L’interrogatoire et l’étude du carnet de santé Les caractéristiques des vomissements permettent de rechercher : – âge de début : intervalle libre par rapport à la naissance, après la diversification ou l’introduction d’un type d’aliment particulier (lait de vache, gluten, légumes ou fruits) ; – horaire par rapport aux repas ; – aspect : bilieux, alimentaires, hémorragiques ; – fréquence : répétés, journaliers, épisodiques ; – caractère douloureux ; – facteurs déclenchants : changements de position, effort, toux, consommation d’un type d’aliment riche en protéines (viande, poisson…), en fructose (fruits, légumes, miel…) ; – abondance : difficile à apprécier par l’interrogatoire, car sou- vent majorée. L’alimentation de l’enfant doit être notée : – mode de préparation et de reconstitution des biberons ; – nombre de prises alimentaires et quantités ; – historique de l’alimentation depuis la naissance, avec le type d’allaitement, les changements de lait, les dates d’introduction des types d’aliments particuliers (lait de vache, gluten, légumes ou fruits). L’association à d’autres symptômes peut être au premier plan : généraux : fièvre et/ou contexte infectieux, soif, anorexie, amai- grissement, malaise ; LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 61 Novembre 2011 1 III Q 345 R R VOMISSEMENTS du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte (avec le traitement) Orientation diagnostique Vomissements du nourrisson et de l’enfant Pr Thierry Lamireau 1 , Dr Frédéric Villéga 2 , Pr Éric Dobremez 3 1. Unité de gastroentérologie et nutrition pédiatriques 2. Unité de neurologie pédiatrique 3. Service de chirurgie pédiatrique, CHU Bordeaux, Hôpital des enfants, 33076 Bordeaux Cedex, France [email protected] Devant des vomissements du nourrisson et de l’enfant, ARGUMENTER les principales hypothèses diagnostiques et JUSTIFIER les examens complémentaires pertinents. ARGUMENTER l’attitude thérapeutique et PLANIFIER le suivi de l’évolution. OBJECTIFS ref345_lamireau:Mise en page 1 27/10/11 16:27 Page 1

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Définition

Les vomissements se définissent comme des rejets actifs ducontenu gastrique ou intestinal par la bouche secondaires à descontractions du diaphragme et de la musculature abdominale. Ilsont souvent un caractère pénible et peuvent être associés à unesensation de malaise (de type vagal avec pâleur). Ils peuvent êtrealimentaires, bilieux ou hémorragiques.

Ils sont à différencier :– des régurgitations : rejets alimentaires réalisés sans effort, sou-

vent postprandiaux et de faible quantité, observés essentielle-ment chez le jeune nourrisson (âge < 6 mois). Elles sont parfoisaccompagnées d’une éructation (rot) qui survient de façonphysiologique en raison du volume d’air dégluti par un nourris-son lors de la tétée ;

– du mérycisme : phénomène de rumination observé chez dessujets qui font remonter de façon volontaire ou automatiquedes aliments de l’estomac jusque dans la bouche. Celui-ci peutêtre en relation avec un authentique reflux gastro-œsophagienpathologique, ou bien être de mécanisme psychogène chezdes enfants victimes d’une carence affective.

Démarche diagnostique

Les vomissements sont un symptôme fréquent, peu spéci-fique, pouvant révéler de nombreuses pathologies dont certainespeuvent être sévères, ou à l’origine de complications sévères(déshydratation, dénutrition). La démarche étiologique doit doncêtre rigoureuse, essentiellement clinique, fondée sur l’interroga-toire puis l’examen.

L’interrogatoire et l’étude du carnet de santé

Les caractéristiques des vomissements permettent de rechercher :– âge de début : intervalle libre par rapport à la naissance, après

la diversification ou l’introduction d’un type d’aliment particulier(lait de vache, gluten, légumes ou fruits) ;

– horaire par rapport aux repas ;– aspect : bilieux, alimentaires, hémorragiques ;– fréquence : répétés, journaliers, épisodiques ;– caractère douloureux ;– facteurs déclenchants : changements de position, effort, toux,

consommation d’un type d’aliment riche en protéines (viande,poisson…), en fructose (fruits, légumes, miel…) ;

– abondance : difficile à apprécier par l’interrogatoire, car sou-vent majorée.L’alimentation de l’enfant doit être notée :

– mode de préparation et de reconstitution des biberons ;– nombre de prises alimentaires et quantités ;– historique de l’alimentation depuis la naissance, avec le type

d’allaitement, les changements de lait, les dates d’introductiondes types d’aliments particuliers (lait de vache, gluten, légumesou fruits).L’association à d’autres symptômes peut être au premier plan :

– généraux : fièvre et/ou contexte infectieux, soif, anorexie, amai-grissement, malaise ;

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III Q 345

RR

VOMISSEMENTS du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte (avec le traitement)

Orientation diagnostique

Vomissements du nourrisson et de l’enfant

Pr Thierry Lamireau1, Dr Frédéric Villéga2, Pr Éric Dobremez3

1. Unité de gastroentérologie et nutrition pédiatriques2. Unité de neurologie pédiatrique

3. Service de chirurgie pédiatrique, CHU Bordeaux, Hôpital des enfants, 33076 Bordeaux Cedex, [email protected]

Devant des vomissements du nourrisson et de l’enfant, ARGUMENTER les principaleshypothèses diagnostiques et JUSTIFIERles examens complémentaires pertinents.

ARGUMENTER l’attitude thérapeutique et PLANIFIER le suivi de l’évolution.

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– digestifs : diarrhée ou au contraire transit ralenti, douleurs abdo-minales, rectorragies ;

– respiratoires : toux, bronchopneumopathies à répétition ;– neurologiques : retard de développement, voire régression,

céphalées ;– analyse des courbes de croissance : cassure de la courbe de

poids, infléchissement de la taille, augmentation trop rapide oustagnation du périmètre crânien.

Les antécédents du patient et de la famille sont à rechercher :– grossesse normale ou pathologique ;– naissance prématurée, hypotrophie ;– régurgitations précoces après la naissance ;– traumatisme récent ;– développement psychomoteur ;– prise de médicaments ou de toxiques.

L’examen clinique

L’étude du retentissement des vomissements recherche :– déshydratation, en cas de vomissements aigus et abondants ;– dénutrition, en cas de vomissements chroniques chez le jeune

nourrisson ;– encombrement respiratoire avec toux quinteuse, dyspnée,

râles bronchiques à l’auscultation.Des signes orientant vers une cause sont recherchés :

– fièvre, altération de l’état général (teint gris, apathie…) ;– odeur acétonique de l’haleine ;– foyer infectieux ORL : rhinopharyngite, otite, angine ;– météorisme abdominal, sensibilité ou douleur provoquée à la

palpation, défense, voire contracture, orifices herniaires, hépato-mégalie ;

– anomalies des organes génitaux (hernie inguinale, douleur ducordon spermatique, trouble de la différenciation sexuelle) ;

– troubles de la conscience, raideur méningée, fontanelle tendue.

Examens complémentairesIl n’y a pas d’examen complémentaire à réaliser de façon systé-

matique devant des vomissements chez l’enfant. Ils sont demandésexclusivement pour confirmer une orientation clinique, d’où l’im-portance d’un interrogatoire et d’un examen rigoureux.

Étiologie

En pratique, il faut distinguer les vomissements aigus ou récentset les vomissements chroniques ou récidivants, bien que certainescauses puissent appartenir aux deux catégories.

Vomissements aigus ou récents

Il est important de ne pas méconnaître une urgence chirurgi-cale ou médicale.

1. Affections chirurgicalesDe nombreuses affections chirurgicales peuvent entraîner des

vomissements et nécessitent en général une prise en chargeurgente.

Sténose hypertrophique du pylore : il s’agit d’une affection fré-quente (1 pour 400 naissances) atteignant plus souvent le garçon(3 fois/4) avec parfois un caractère familial (15 % des cas). Laphysiopathologie fait intervenir une hypertrophie progressive dumuscle pylorique dont la cause reste inconnue.

Il s’agit typiquement d’un nourrisson âgé de 3 à 5 semaines(intervalle libre pouvant varier de 10 jours à 3 mois après la nais-sance) présentant des vomissements alimentaires (jamais bilieux)en jets. La symptomatologie s’aggrave progressivement avecdes vomissements de plus en plus tardifs après les tétées chezun nourrisson dont l’appétit est conservé ou qui est mêmeaffamé, avec des selles rares. Le retentissement sur l’état généralest variable, avec une stagnation ou une perte de poids, une dés-hydratation lorsque les vomissements sont fréquents, voire une

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pH-métrie de longue durée : présence d’un reflux gastro-œsophagien pathologique avec de nombreux reflux acides, essentiellement diurnes, unpourcentage temps à pH < 4 de 12 % et des symptômes corrélés (T : toux).

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dénutrition lorsqu’ils sont moins abondants mais se prolongentplusieurs jours avant que le diagnostic ne soit posé.

L’examen clinique recherche un météorisme épigastrique avecclapotage à jeun lié à la stase gastrique, et, après un biberon, desondulations péristaltiques visibles à jour frisant, transversales,parcourant l’hypochondre gauche de gauche à droite. Cessignes ne sont présents que dans les formes évoluées. La palpa-tion retrouve de façon inconstante une masse ferme et mobile,oblongue, au niveau de l’hypochondre droit, correspondant àl’olive pylorique.

Une radiographie d’abdomen sans préparation, faite au moinsune heure après la dernière tétée, montre un estomac qui resteplein avec un niveau hydroaérique gastrique, associée à unerareté de l’aération du grêle. Le diagnostic repose sur l’échogra-phie abdominale qui montre l’olive pylorique avec une image encible (coupe transversale) ou en sandwich (coupe longitudinale).Les mensurations du muscle pylorique sont augmentées (lon-gueur > 17 mm ; diamètre total > 13 mm ; épaisseur musculaire> 4 mm). L’estomac est en stase, avec de rares passages trans-pyloriques. En cas de mensurations limites, l’échographie estrefaite après 24 ou 48 heures, montrant alors des signes plusfrancs. Le transit œsogastroduodénal n’est plus réalisé pour lediagnostic de sténose du pylore. Il montrerait un estomac dis-tendu et rempli de liquide de stase, un défilé pylorique allongéavec des berges rapprochées et de rares passages de produitsde contraste à travers le pylore.

Le bilan est complété par un ionogramme sanguin et une gazo-métrie montrant une alcalose hypochlorémique, désordreshydro-électrolytiques qu’il faut corriger par une réhydratationintraveineuse avant l’anesthésie générale nécessaire à l’interven-tion chirurgicale (pylorotomie extramuqueuse).

Invagination intestinale aiguë : elle doit être évoquée chez unenfant présentant brutalement des accès de douleurs intensesavec vomissements et refus d’alimentation. La palpation abdo-minale recherche en fosse iliaque droite un boudin, souvent diffi-cile à mettre en évidence. Le cliché d’abdomen sans préparationpeut évoquer le diagnostic devant une fosse iliaque déshabitée.C’est l’échographie abdominale, indispensable devant untableau clinque évocateur, qui établit le diagnostic en montrantune image en cocarde (coupe transversale) ou en sandwich(coupe longitudinale) correspondant à l’invagination. Le lavementopaque, sous faible pression, confirme l’invagination et permetéventuellement sa réduction. En cas de contre-indication, dansles formes vues tardivement (occlusion, perforation digestive), oud’échec du lavement, l’intervention chirurgicale en urgence per-mettra la désinvagination et la résection éventuelle d’une lésionintestinale. On retient que toute occlusion intestinale aiguë dupetit enfant est une invagination intestinale jusqu’à preuve ducontraire.

Appendicite aiguë et péritonite : l’appendicite aiguë est uneurgence chirurgicale fréquente, de diagnostic parfois difficile.

Typiquement, l’enfant présente des douleurs de la fosse iliaquedroite, d’intensité croissante, associées à une fébricule et parfoisdes vomissements. Des selles liquides peuvent se voir. L’examenclinique recherche une défense à la palpation. On peut trouversur le bilan biologique un syndrome inflammatoire (polynucléose,CRP élevée), sur le cliché d’abdomen sans préparation desniveaux hydroaériques et/ou une calcification (stercolithe) auniveau de la fosse iliaque droite. L’échographie peut visualiser unépaississement inflammatoire de l’appendice, voire un abcès. Laprésentation clinique peut être aspécifique au début, et c’estalors l’évolution, montrant la persistance de douleurs de plus enplus intenses et l’apparition d’une défense nette de la fosseiliaque droite, qui confirme le diagnostic.

En cas de localisation inhabituelle de l’appendice, la sympto-matologie peut être atypique, avec des signes urinaires (appen-dicite pelvienne), hépatiques (appendicite sous-hépatique), unpsoïtis (appendicite rétro-cœcale), ou une occlusion fébrile(appendicite mésocœliaque).

Chez le nourrisson, l’appendicite est rare mais de diagnosticdifficile, se manifestant par des selles liquides, vomissements etfièvre, évoquant une gastroentérite aiguë, mais avec une altéra-tion de l’état général (asthénie, teint gris) et un météorisme abdo-minale douloureux qui doivent alerter.

Le tableau de péritonite est généralement de diagnostic facile,avec des douleurs abdominales intenses, des vomissements,une fièvre, et une contracture à la palpation abdominale. Unehypothermie et/ou une leucopénie sont parfois observées, réali-

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Q RR345Vomissements du nourrisson et de l’enfant : Orientation diagnostique

POINTS FORTS À RETENIR

Chez le nourrisson, de très nombreuses affections aiguësou chroniques peuvent entraîner des vomissements.

Les infections communes sont les causes les plusfréquentes de vomissements aigus chez le nourrisson.

Des vomissements bilieux témoignent d’une causechirurgicale jusqu’à preuve du contraire.

Une occlusion fébrile est le plus souvent due à une appendicite aiguë.

Les vomissements répétés peuvent être responsables en eux-mêmes d’une alcalose : en cas d’acidose, il fautévoquer une cause métabolique.

Les erreurs diététiques sont fréquemment responsables de vomissements chez le petit nourrisson.

En cas de vomissements chroniques ou récidivantsassociés à des troubles neurologiques, il faut évoquer une hypertension intracrânienne ou une cause métabolique.

Les vomissements psychogènes sont un diagnosticd’élimination.

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sant un signe de gravité supplémentaire. L’intervention, réaliséeen urgence, permettra de confirmer le diagnostic et de réaliserl’appendicectomie. En l’absence d’appendicite, une autre cause(notamment un diverticule de Meckel) est recherchée.

Tableau occlusif : un syndrome occlusif doit être évoqué devantdes vomissements bilieux associés à des douleurs abdominaleset un arrêt des matières et des gaz.

Chez le nouveau-né, l’occlusion peut survenir dès la naissanceet nécessite généralement une intervention chirurgicale plus oumoins urgente.

En cas d’occlusion haute (vomissements bilieux, météorismeabdominal, élimination possible de méconium), il faut évoquerune sténose ou une atrésie du grêle siégeant souvent au niveaudu duodénum.

En cas d’occlusion basse (vomissements plus tardifs, absenced’émission du méconium, météorisme abdominal diffus, nom-breux niveaux hydroaériques sur le cliché d’abdomen sans pré-paration), le lavement opaque peut être utile pour orienter vers uniléus méconial (complication néonatale de la mucoviscidose),une atrésie iléale ou colique, une maladie de Hirschsprung.

En cas de vomissements bilieux d’apparition brutale et de dou-leurs abdominales survenant après un intervalle libre, un volvulusdu grêle sur malrotation intestinale doit être évoqué. Son pronos-tic est très sombre, avec une nécrose possible de tout l’intestingrêle. La moindre suspicion de ce diagnostic doit faire réaliserune échographie abdominale avec doppler (étude des vaisseauxmésentériques en recherchant une rotation anormale de la veineautour de l’artère) et conduire à l’intervention chirurgicale enextrême urgence.

Chez le nourrisson et l’enfant, un tableau occlusif doit faire évo-quer une hernie inguinale étranglée, une occlusion sur bride (siantécédent de chirurgie abdominale), une malrotation intestinalecompliquée d’un volvulus (au même titre que le nouveau-né), uneinvagination intestinale de cause secondaire (diverticule deMeckel, lymphome digestif, purpura rhumatoïde…). Une occlusionfébrile est généralement due à une appendicite aiguë, parfois undiverticule de Meckel infecté.

Un épisode subocclusif chez un nourrisson constipé et météo-risé depuis la naissance doit faire évoquer une maladie de Hir-schsprung (distension aérique, mais absence d’aération rectale

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IIIQ 345 VOMISSEMENTS DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT RR

Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?

QUESTION N° 3Quel examen complémentaireprescrivez-vous pour confirmer votrediagnostic ? Décrivez les signestypiques qu’il mettra en évidence.

QUESTION N° 4Le diagnostic est confirmé. Quel est letraitement précis de cette affection ?

QUESTION N° 5Le traitement évoqué est programmé.En attendant, quelle prise en chargede l’enfant instituez-vous ?

QUESTION N° 1Quel diagnostic évoquez-vous ?Énumérez les arguments qui justifient votre réponse.

QUESTION N° 2Quels signes recherchez-vous àl’examen clinique pour vous conforterdans cette hypothèse ?

Mme B. vous amène Grégoire, son premier enfant, âgé de 1 mois et 10 jours, qui vomit. Il est né à terme avec un poids de naissance de 2 850 g et a étéalimenté d’emblée avec un lait artificiel. À son retour à la maison, il a présentéquelques régurgitations peu importantes après les tétées. Mais depuis l’âge de 3 semaines environ, celles-ci sont plus abondantes, puis sont devenues de véritables vomissements qui surviennent maintenant 1 à 2 heures après le biberon. Le lait a été épaissi et un traitement par Motilium a été mis en route,mais rien n’y fait. L’enfant garde un bon appétit mais la mère est désespérée car Grégoire ne grossit plus, et en plus il a des selles dures tous les 3 jours.À l’examen, vous trouvez un enfant tonique, qui cherche à téter. Vous notez quelques plis cutanés au niveau des cuisses, l’auscultationcardiopulmonaire est normale, la fontanelle n’est pas tendue et même plutôt un peu déprimée. Le poids est de 2 550 g, la taille de 50 cm et le périmètrecrânien de 35 cm.

OK

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sur l’abdomen sans préparation, disparité de calibre colique aulavement opaque, absence de réflexe recto-anal inhibiteur à lamanométrie, absence de cellules ganglionnaires sur la biopsierectale).

Une torsion du cordon spermatique ou torsion d’annexe : une torsionest évoquée devant des douleurs abdominales brutales, asso-ciées parfois à des vomissements. La palpation et l’écho-dop-pler des bourses fait le diagnostic de torsion du cordon sperma-tique, et l’écho-doppler du pelvis celui de torsion de l’annexe,parfois favorisée par la présence d’un kyste ou d’une tumeurovarienne. Il faut noter que beaucoup d’adolescents ne localise-ront pas directement la douleur au niveau des organes génitauxpour des raisons de pudeur. C’est pourquoi l’examen desorganes génitaux externes et des orifices herniaires doit être sys-tématique devant tout vomissement accompagné de douleursabdominales. Le traitement est réalisé en urgence.

2. Affections médicalesOrigine alimentaire : une erreur diététique doit être recherchée

systématiquement chez le jeune nourrisson. Il peut s’agir d’uneerreur quantitative (volume) ou qualitative (reconstitution du bibe-ron) ou d’un non-respect des rythmes biologiques.

Causes infectieuses : en cas de fièvre, on recherche une infectionqui peut s’accompagner de vomissements, parfois au premierplan, notamment chez le nourrisson :– infections ORL : rhinopharyngite, otite, angine à streptocoque ;– infections pulmonaires : bronchopneumopathies virales, pneu-

monie lobaire aiguë (fièvre à 39-40 °C, vomissements avec par-fois syndrome pseudo-appendiculaire associé ou syndromeméningé) ;

– gastroentérites aiguës : les vomissements peuvent précéderl’apparition de la diarrhée ;

– hépatites virales : vomissements, douleurs abdominales, rare-ment ictère ;

– infections urinaires hautes (pyélonéphrite) chez le nourrisson ;– méningites virales ou bactériennes et méningo-encéphalite :

les signes méningés peuvent être frustes ou absents chez lenourrisson.Causes digestives ou urinaires : elles sont évoquées lorsque les

vomissements sont associés à des douleurs abdominales oulombaires :– lésions aiguës gastroduodénales (gastrite, ulcère) : douleur

épigastrique, vomissements parfois hémorragiques ;– purpura rhumatoïde : douleurs abdominales, lésions purpu-

riques ;– pancréatite : douleur épigastrique, transfixiante ;– cholécystite, angiocholite : douleur de l’hypochondre droit,

ictère ;– lithiase rénale : douleur lombaire, du flanc ou inguinale.

Causes neurologiques : elles sont à évoquer en cas de vomisse-ments faciles, en jets, associés à des céphalées, des troubles de laconscience ou du comportement. L’imagerie cérébrale par tomo-densitométrie est alors l’examen utile, et permet de rechercher :

– une hémorragie cérébro-méningée spontanée ou post-trau-matique, en particulier l’hématome sous-dural chez le nourris-son ;

– une hypertension intracrânienne aiguë pouvant être en relationavec une thrombophlébite cérébrale (post-otitique), un proces-sus tumoral, une origine toxique (vitamine A, tétracycline), unehydrocéphalie en poussée.Les autres causes sont :

– respiratoires, à évoquer en cas de toux associée : infection(coqueluche, virus respiratoire syncytial) ou toux chroniqueaggravée (allergie, mucoviscidose) ;

– toxiques : médicaments (digitaliques, théophylline, acide sali-cylique, vitamine D), ingestion accidentelle de produit toxiqueou caustique (les vomissements sont peu spécifiques d’un pro-duit, mais témoignent en revanche de la réalité de l’ingestionlorsqu’elle n’a pas été constatée) ;

– métaboliques : le diabète décompensé et de nombreusesmaladies métaboliques héréditaires (cf. vomissements récidi-vants) peuvent se présenter par des tableaux aigus compor-tant des vomissements.En cas de vomissements sanglants, après avoir éliminé une épis-

taxis déglutie, on évoque :– une cause œsophagienne (œsophagite peptique ou virale) ;– une cause gastrique (gastrite à Helicobacter pylori ou gastrite

médicamenteuse) ou un ulcère gastrique ou duodénal (AINS etacide salicylique).En cas d’hématémèses massives, il faut évoquer une hémorra-

gie en relation avec un ulcère duodénal ou par rupture de varicesœsophagiennes (hypertension portale).

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Q RR345

Fibroscopie œsophagienne : lésions d’œsophagite peptiqueulcérée (coll. Pr Lachaux).

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Vomissements chroniques ou récidivantsLes causes sont en règle médicales. Toutefois, certaines

pathologies digestives chirurgicales, donnant habituellementdes vomissements aigus, peuvent se révéler sur un mode inter-mittent d’évolution prolongée.

1. Erreurs diététiquesLes erreurs de régime sont recherchées systématiquement

devant des vomissements chez le nourrisson. On recherche uneerreur quantitative (rations excessives à évoquer devant unecourbe de poids trop belle) ou qualitative (mauvaise reconstitu-tion, introduction trop précoce de farines, de légumes…).

2. Causes digestivesLe reflux gastro-œsophagien : dans les premiers mois de vie, le dis-

positif antireflux est incomplètement efficace, autorisant à la foisdes rots et des régurgitations, correspondant au reflux de liquidegastrique (en règle générale acide) vers l’œsophage. Ce phéno-mène physiologique devient pathologique lorsqu’il se prolongeet/ou entraîne des complications.

Le reflux gastro-œsophagien se traduit par des vomissementsou simples régurgitations, ne nécessitant alors pas d’examenscomplémentaires pour son diagnostic, qui reste clinique.

Il peut entraîner des complications qui peuvent nécessiter desinvestigations complémentaires :– douleur rétrosternale lors de l’alimentation, voire hématémèse

et anémie, font évoquer une œsophagite ;– bronchopneumopathies à répétition et toux nocturne ;– malaises graves du nourrisson avec apnée (réflexe vagal) et

parfois mort subite ;– problèmes ORL : otites chroniques, dyspnée laryngée, enroue-

ments fréquents… ;– troubles du sommeil ;– malnutrition (anorexie, refus du biberon).

Le caractère pathologique du reflux gastro-œsophagien estaffirmé par une pH-métrie de longue durée (24 heures) qui permetd’apprécier le temps de pH < 4 dans l’œsophage. L’endoscopieœsogastroduodénale appréciera l’existence ou non d’une œso-phagite, et un transit œsogastroduodénal peut être réalisé pourrechercher une anomalie morphologique (hernie hiatale).

La plicature gastrique : elle correspond à un estomac se position-nant en bissac : la partie inférieure se pliant et remontant devantsa partie supérieure, séparant la cavité gastrique en deux poches,correspondant à la grosse tubérosité et à l’antre. Lors de la tétée, lapremière poche, de capacité réduite, est rapidement remplie,expliquant que les régurgitations surviennent en cours de biberon.

Le traitement est postural. L’enfant est couché sur le ventrependant 1 à 2 heures après chaque repas. Fréquente dans lespremières semaines de vie, cette anomalie s’atténue progressi-vement dans les premiers mois de vie (diversification, modifica-tion des rapports anatomiques).

Les vomissements des intolérances alimentaires se voient dans :– l’intolérance au gluten ou maladie cœliaque : le tableau classique

chez le nourrisson associe vomissements, diarrhée chronique,

météorisme abdominal et dénutrition avec cassure de la courbe depoids. Parfois, les symptômes sont moins francs, avec des vomis-sements au premier plan chez un enfant météorisé. Le diagnosticrepose sur la présence d’anticorps antitransglutaminase et d’uneatrophie villositaire totale à la biopsie intestinale, et est confirmé parla disparition des symptômes sous régime sans gluten ;

– l’allergie aux protéines du lait de vache : les vomissementssont habituels dans la forme aiguë dite réaginique (type I) où ilspeuvent apparaître isolément après la prise de protéines du laitde vache ou associés à d’autres symptômes (diarrhée profuse,éruption urticarienne, bronchospasme, état de choc…).Dans la forme entéropathique (type IV), les vomissements sont

associés généralement à une diarrhée chronique et une mauvaiseprise pondérale.

Le diagnostic repose sur les tests allergologiques (dosage desIgE spécifiques dans le sérum, tests cutanés) et sur la disparitiondes symptômes après régime d’exclusion.

Les causes chirurgicales : des vomissements récidivants peuventparfois être révélateurs d’une pathologie chirurgicale (v. Affectionschirurgicales) :– une sténose du pylore peut être diagnostiquée chez un nourris-

son au-delà d’un mois de vie devant des vomissements persis-tants avec dénutrition et déshydratation ;

– une malrotation intestinale peut être à l’origine de volvulus inter-mittents avec douleurs et vomissements postprandiaux. Untransit baryté est nécessaire pour diagnostiquer la malrotationintestinale et indiquer l’opération avant la survenue d’un volvu-lus complet avec risque de nécrose intestinale ;

– la maladie de Hirschsprung, ou plus rarement une pseudo-occlusion intestinale chronique, peut parfois être évoquéedevant des épisodes subocclusifs suivis de débâcles de sellesliquides chez un nourrisson présentant depuis la naissance uneconstipation avec météorisme abdominal.3. Causes métaboliquesLes vomissements peuvent apparaître au premier plan du

tableau clinique de nombreux types de maladies métaboliqueshéréditaires. Chacune d’entre elles est rare mais nécessite undiagnostic rapide, car pouvant mettre rapidement en jeu le pro-nostic vital. Les éléments d’orientation vers une origine métabo-lique sont une consanguinité parentale, le jeune âge, une hépato-mégalie, des troubles neurologiques (convulsions, coma), unehypoglycémie, une stagnation pondérale. Le bilan doit rechercherune acidose, une cytolyse et/ou une insuffisance hépatique, unehyperammoniémie, et prélever du plasma et des urines pour deschromatographies des acides aminés et des acides organiques.

L’anomalie peut porter sur le métabolisme :– des glucides : intolérance héréditaire au fructose (vomissements,

malaises postprandiaux par hypoglycémie et hépatomégaliesurvenant après l’introduction des fruits et légumes dans l’ali-mentation [saccharose = glucose + fructose]), galactosémiecongénitale (vomissements dès les premières semaines de vie[lait contenant du lactose = glucose + galactose]), avec ictère

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IIIQ 345 VOMISSEMENTS DU NOURRISSON ET DE L’ENFANT RR

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persistant et hépatomégalie, parfois syndrome hémorragique(insuffisance hépatocellulaire). Le diagnostic est réalisé par spot-test et dosage sanguin de l’activité galactose-1-phosphate-uridyl-transférase ;

– des acides aminés : acidémies organiques (vomissements etdes troubles neurologiques, accompagnés d’une acidose etd’une hyperammoniémie), anomalies du cycle de l’urée (accèsde vomissements avec troubles du comportement, accompa-gnés d’une hyperammoniémie) ;

– des acides gras et des corps cétoniques : troubles de la bêta-oxydation des acides gras (accès de vomissements avec trou-bles neurologiques, signes cardiaques et musculaires, acidoselactique), déficits de la cétogenèse ou de la cétolyse.4. Causes endocriniennesL’insuffisance surrénalienne par hyperplasie congénitale des surré-

nales doit être évoquée dans les premières semaines de vie devantdes vomissements, une mauvaise prise de poids et déshydratationavec troubles hémodynamiques et un syndrome de perte de sel.

5. Causes neurologiquesUne hypertension intracrânienne doit être évoquée devant des

vomissements faciles, en jets, survenant surtout le matin, associés àdes signes neurologiques, des troubles du comportement, éven-tuellement une augmentation du périmètre crânien chez le nourris-son. Le fond d’œil, s’il peut être réalisé en urgence, montrera unœdème papillaire en cas d’hypertension intracrânienne avec deshémorragies rétiniennes évocatrices d’une origine traumatique (syn-drome du bébé secoué). L’imagerie cérébrale montre un œdèmecérébral, un hématome sous-dural, une tumeur de la fosse posté-rieure, une sténose de l’aqueduc de Sylvius, exceptionnellement unaccident vasculaire. L’hypertension intracrânienne bénigne est évo-quée en cas d’œdème au fond d’œil avec imagerie normale.

Les migraines sont fréquentes chez l’enfant mais sous-diag-nostiquées. Elles sont à l’origine de céphalées récurrentes avecvomissements dans plus de la moitié des cas.

Le vertige ou torticolis paroxystique bénin survient épisodique-ment avant 3 ans et se traduit par un vertige avec vomissementsurvenant lors d’un changement de position brusque, pouvantdurer de quelques minutes à plusieurs heures.

6. Vomissements acétonémiques ou vomissements périodiques avec cétoseIls surviennent sans cause apparente ou après un jeûne ou une

affection banale chez un grand enfant.Ils entraînent une intolérance gastrique avec vomissements

incoercibles, odeurs acétonémiques de l’haleine, cétonémie etcétonurie, reflets du déficit énergétique. Les accès durent plu-sieurs jours, entraînant parfois une déshydratation, et peuvent serépéter plus ou moins fréquemment pendant plusieurs années.

7. Origine psychoaffectiveLes vomissements peuvent être observés chez le jeune nourrisson

dans le cadre de difficultés alimentaires avec un conflit mère-enfant, associé ou non à un forcing alimentaire. Ils peuvent aussiêtre mis sur le compte de certains changements à l’intérieur de lafamille (conflits, mise en nourrice, travail maternel, modificationdu mode de vie ou des repas…).

Chez l’enfant plus grand, ils peuvent être le témoin d’une souffrancepsychologique ou de phénomène de conversion. Les vomisse-ments sont habituels, en particulier dans l’anorexie mentale. •

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Q RR345

POUR EN SAVOIR

Navarro J, Schmitz J. Gastroentérologie pédiatrique, 2e édition, FlammarionMédecine-Sciences. 2000.

Viola S, Tounian P. Reflux gastro-œsophagien de l’enfant : quand proposer desexplorations non endoscopiques ? Arch Pediatr 2004;11:668-70.

Bargy F, Beaudoin S. Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson.EMC (Elsevier Masson). Pédiatrie. Maladies infectieuses. 2006.

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Douleurs abdominalesaiguës de l’enfant

Monographie

Douleursabdominalesaiguës de l’enfantRev Prat2011;11(5):615-49

T. Lamireau, F. Villéga, É. Dobremez déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

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