Hoornaert Le Combat de la Pureté

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LE COMBAT

DE LA PURETE

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DU M1tME AUTEUR:

Les Chemins qui montent. In-12, 198 pp. (Épuisé). A propos de l'Évangile. 7" édition, in-12, 488 pp. Ceux qui ne croient pas. 2" édition, in-12, 45 pp. Lueurs d'au-delà. 2" édition, in-12, 72 pp. Vos Lectures. 4" édition, in-12, 64 pp. La Question scolaire. In-12, 45 pp. (Épuisé). Le Baptême d'urgence (en collaboration). 5" édition, in-12,

31 pp. Le plus beau livre. In-12, 61 pp. Catalogus praecipuorum quae abrogavit Jus canonicum.

In-12, 16 pp. Intelligence et cerveau. (Tract de l'A. C. J. B) . In-12, 8 pp. Éducation moderne. (Idem). In-12, 8 pp. S. Jean Berchmans. (Idem). In-12, 15 pp. Le Bréviaire. In-12, 90 pp. Le Chemin de la Croix. In-12, 74 pp. Sa Majesté la Presse. In-8°, 31 pp. Semense de roses. In-12, 135 pp. Celle qui a vu dix-huits fois la Vierge. In-12. 193 pp. Le LéPreux volontaire. In-12, 100 pp. Face au devoir. 2 vol. In-12, 533. Tiédeur. In-12, 40 pp. Ces temps-ci ... In-12, 94 pp. Saint Thomas d'Aquin. In-12, 61 pp . Le connaissez-vous? In-12, 125 pp.

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~V)(~~ 'f PROBLÈMES D'ÉDUCATION

/ G. HOORNAERT, S. J.

LE COMBAT

DE LA PURETÉ

38" MILLE

PESCLÉE DE BROUWER

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DE LICENTIA SUPERIORUM.

IMPRIMATUR: Mechliniae, die 13 jan. 1948

Mgr TESSENS

Vi:. gen.

Copyright by Desclée De Brouwer & Cie - I93I.

..

PRÉFACE.

par le R. P. VERMEERSCH, S. J.

La guerre à la tyrannie des passions s'impose â tout homme ici-bas. Elle est une lm d'o·ydf/@ et de subordination labone'use, mats aussi d'harmonie ei d'unité, ae tibef/té el de paix.

M. ais t'apparence austère de l'obligation en vaite la sublime e! sedu.isante beauté à une 1eunesse gui, fotlement prodii!u8 d'eile-même, saCflifie au plaisir son intégrité morale, puis n'hé­site pas à ruiner chez alltrui ce qu' elle n' a pas su respecter chet ûte-même.

Une dèPrava.tion plu~ consciente et plus malicieuse ajoute ia calomnie à la tentation i la 101 as la chasteté est réputée im­possible. Elle lU wnvient, dit-on, qu' au la.~ble.

« Faible", l'homme qui nourrit des ambitions célestes: Tort, l'incapable qui n'a pas te courage de s'élever au-dessus des sen­sations brutales 1

.• Faible », celui qui dispute à de pures intelligences te pn;ç de noblesse: fort, celui gui s'avilit?

« Faible., le magnan-ime qui s'oublie pour Dieu et pour les autres hommes; tort, l'égoïste qui ne songe qu' au~ misérables plaisirsr

• Faible 1; le chevalier du droit: tort, l'esclave des désirs cou-pablesl .

• Faible l, celui dont les énergies vitales mrichiront ta soclét4 des hommes; fMt, l'appau7ln, t'épuise du vice il

, Faible J, l'homme qui salt temr ses engagements sacrés .. tor!, le cynique ou l' hYPoc1'ite qui viole ses serments?

« F ai ble », le victorieux; tort, le vaincu il POI,rtant t'absurde calomnie trouve créance. Les préiuges

du monde t'entretiennent; des médecins, au nom d'une prétenàue science, la renforcent de le~lYs mauvais conseils: toute une presst la réPand et la patronne: et un Code de morale en vogue formule pour t'homme, pour la femme, POUy te célibataire, pour l'époux, po·ur t'habitant de la mere-patrie, pour le colon, aes reg/es pur­Mcuti~res qui sont autant de défis à. t'lionneteté.

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PRÉFACE

Devant cette insolence, la ve·ytu, t'imide et réservée, se résign6 trop souvent à rougir; parfois même à capituler /

Il faut donc faire estimer la pureté. Il faut en insPirer la fierté à qui la possède. Il faut aussi, puisque nous la tenons dans de. vases fragiles,

enseigner 1'a.rt de la défendre, de la préserver de tout choc meur­trier.

Et puisque l'homme est gltérissable, puisque te triomphe peut venger la défaite, il faut ranimer les courages abattus ou chan­celants et décider à la revanche, les hésitants, les humiliés.

Tout ce bien, le R. P. G. I-Ioornaert l'a en vue et le réalise, en écrivant - d'une plume vive, alerte, jeune comme le public pour lequel elle court allègrement sur le paPier - un livre cap­tivant comme un roman d'aventures et formatif comme un t-raité de vie spirituelle.

Le Combat de la Pureté: c'est le titre belliqueux de {' ou­vl'age. La chasteté est une bravoure: c'en est, logiquement, l'idée-mère. Cette bravoure se voit, dans le livre du P. Hoor­naert, successivement exaltée, aidée de préciettx conseils, exacte­ment renseignée sur ses devoirs. Elle est ensuite, avec quelle élo­quence incisive / rappelée et rendue à ceux qui l'ignoraient ou l'avaient oubliée.

Pour enrichir le fond et corroborer tes arguments, l'auteur l'éunit élégamment dans son ouvrage le résultat de ses obser­vations personnelles et le fruit de son érudition.

Et le jeune lecteur dépose ce livre, ravi, instruit, encouragé, entratné.

Puissent beaucoup de jeunes gens se faire disciples du P. I-Ioornaert / Nous le souhaitons, nous l'espérons. Le combat livré tt sa suite mène s11.rement à la victoire.

Me contenterai-je de conclure que ces pages, si actuelles et si vivantes, rendront à plusieurs, à beaucoup, des services signalés il Ce n'est pas assez dire. Le bien qui est réalisé par ta pureté des jeunes est d'ordre éminemment social. Autant et plus que la santé physique, la santé morale de ses membres importe à la société. Elle lui importe pour le présent: elle lui importe pour l'avenir. Elle lui aSliure une prosperité suPérieure à l'abon­dance matérielle. S'il est vrai, comme le répète le P . Hoornaert, après Napoléon, que l'éducation d'un enfant commence cent ans avant sa naissance, les chastes d'aujourd'hui préPal·ent les races fortes de demain et d'après-demain.

Il y a plus encore. . Lorsque le Christianisme pénétra dans cette ville de Rome,

jadis si corrompue, l'austérité de la croix, la sévérité des prin­ciPes religieux, la grandeur morale des fidèles, convertissaient 4 la. foi. De même, pour nos contemporains éloignés de l'Ég1is1

PRÉFACE 9

par leur naissance ou par leur éducation, mais dont les nobles aspirations se détournent avec dég011.t d'un néo-paganisme c~tpide et luxurieux, il ne sera pas moins salutaire de voir ce spectacle réconfortant d'une jeunesse qui porte sur te tront la fratcheur d'une pureté triomlJhante, et, dans le cœur, la {lamme d'une charité prête à tous les dévouements.

De la sorte, en gardant ou en rendant les âmes à Dieu, l'auteur aura contl'ibué à rendre Dieu à beaucoup d'autres ames.

Comment assez le féliciter d'un tel apostolat?

A. VERMEERSCH. S. ].

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A CEUX QUI ONT VINGT ANS 1

C'est pour vous que j'écris 1 Vous avez le don de la jeunesse l donc vous

êtes riches merveilleusement et puissiez-vous Il valoriser)l ce trésor 1

Vos Cœurs battent vite et fort. Vos yeux brillent; ils brillent tellement qu'on

se demande comment ils n'ont pas enc<?re brûlé leur porteur, depuis qu'ils flambent ainsi d'une flamme vive et droite.

Vos âmes neuves palpitent de désirs. Vous êtes si généreux l... Vous êtes si faibles 1 ... Vos âmes sont d'un cristal fragile 1 C'est très joli, le cristal irisé et vibrant d'un.

beau timbre; mais il faut le garder des chocs 1

,., '" '"

Depuis tant et tant d'années que je vous al vus de près, jeunes gens de Poésie, de Rhétorique, d'Université, j'ai pu recueillir bien des confi­dences, étudier cette chose attachante entre

. toutes l le cœur d'un jeune homme. De même que les « sourciers» découvrent une nappe d'eau, là où parfois on l'aurait le moins soupçonnée, ainsi, je le sais, il suffit de sonder un peu vos âmes

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~. --._-.~

I2 LE COMBAT DE LA PURETÉ

de vingt ans, pour trouver la source jaillissante d'enthousiasme et de nobles sentiments.

Je vous aime. Je çrois vous comprendre. J'ai assisté à vos luttes intimes, j'ai connu vos soirs de vertige, vos matins de victoire et vos enlise", ments et vos relèvements.

Ca.r on se relève 1 A côté des immaculés, il y a les repentants et les repentantes; nous admirons saint Jean, mais aussi saint Augustin; sainte An­gèle, mais aussi sainte Marie-Madeleine, la péche­resse de Magdala, dont le Christ chassa sept dé­mons 1 et qui devint l'enfant gâtée de Notre­Seigneur, la grande sainte du Nouveau Testament.

Il est deux sortes d'innocences: les innocences jamais perdues - ce sont les plùs belles 1 - et les innocences reconquises Il, Ces dernières, peut­être sont plus touchantes, plus humbles. Près du jeune homme venant dire avec une sainte allé­gresse: II. Je ne suis pas tombé», on rencontre parfois le jeune homme se jetant éperdu, d'abord, au prie-Dieu, pOUf se confesser, et puis, dans vos bras, en disant: « Sauvez-moi 1 Je reviens de loin, si vous saviez!... Mon Dieu 1 que ces chutes sont dégradantes 1 Que c'est vilain et bas 1 Mais maintenant je sais 1 C'est fini, entendez-vous, fini 1»

Pauvre cher ami. 1 le Sauveur miséricordieux de nos âmes, Celui qui sait de quelle argile est

J • • Jésus étant ressuscité ... Il 9.pparut d'abord à Mati.,. Madeleine, de laquelle il avait chassé sept démons •. S. l\1a.:". ch. XVI. v. 9.

2. Ces deux espèces d'inuocences se tenaient près de la croix de J .ssus : saint Jean représentant la vÎl'ginité et sainte ~iU'Îe-Madeleine représcutant le repentir.

~-_ ... A . CEUX QUI ONT VINGl: ANS ! 13

pétrie notre pauvre nature 1 ne se lasse jamais de pardonner, depuis vingt siècles, aux fils prodigues revenant des pays mauvais où l'on meurt de faim, vers la douce demeure oil l'on retrouve le festin de joie, la robe blanche, l'anneau de réconcilia­tion, ?ù l'on peut se jeter sur le cœur, sur le cœur ~agmfique du père qui oublie tout 1 Il est plus mdulgent que nous ne sommes faibles 1

Égaré, tu es fatalement triste. Reviens 1 Généreux, tu es nécessairement heureux. Per-

sévère 1 , Triomphe de tes appétits inférieurs. Tu seras récompensé par la fierté de sentir ton Cœur battre librement dans ta poitrine.

Tu murmures: «C'est pénible, cette lutte contre soi-même, sans un témoin de ce qui se passe dans le champ clos de son Cœur. Pas même une galerie 1 »

Erreur 1 tu as une nuée d'invisibles témoins 1 ton Dieu, ton ange gardien et tes chers morts et les élus te font une galerie céleste.

Tu ne les aperçois pas; ils t'aperçoivent. Près d'une pareille assistance, qu'est donc celle

qui contemplait, à Jersey-City, le match mondial Carpentier-Dempsey? et qu'était cette séance de gros coups de poings et d' « uppercut », à

. côté du très noble duel que tu soutiens, toi,

1 •• Cognovit figmentum nostrum .• Psaume 102 : n COD­n~.lt notre limon 1

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14 LE COMBAT DE LA PURETÉ

contre le vice qui voudrait te voler ton cœur ?

• * * Que Dieu et la Vierge très pure nous aident à

se parler clairement et délicatement tout en­temble. Qu'ils bénissent ces quelques pages.

« Eh quoi 1 t'écries-tu, e?core un livr7 sur l~ pure­té 1 La matière a été SI souvent déjà traItéel » 1

C'est vrai 1 Mais un sujet (surtout celui-ci) peut s'envisager à de nombreux :points de vue, comme un diamant peut être conSIdéré sous telle ou telle facette.

Et puis, il fa~.t, pour l'inc.ulque~, revenir fré­quemment sur lldée de de~?lr. Pmsque nos ad­versaires ne se lassent pas d mventer de nouvelles provocations au vice, ne nous lassons pas de don­ner de nouveaux encouragements à la vertu. Puis­qu'ils exploitent, eux, infatigablement le~ mê~es thèses impies ou immorales, répét~ns mfat~ga­blement l'idéal programme du Martre: « BIen­heureux les cœurs purs 1 »

Les cieux et la terre passeront, mais cette parole divine ne passera pas 1 Elle continuera à se dresser dans le défi brave de son éternité. Et, de même que la haute et forte Pyramide plantée dans le sable mouvant en arrête la mobilité capricieuse, ainsi la ferme doctrine du Seigneur restera un pxjncipe de fixité au ~i1ieu des. théories chan­geantes et des fluctuations bumames.

I. Cata logue des principaux Livres. sur l'éducation de la pUfeté, par J ean de l.ardee. 63 pp. (Tiré à part de la RevUII des L~ct14re$, 1930.)

L'1!TAT MILITANT

LE COMBAT DE TOUS

Vidée de ce livre revient à ceci : la chasteté est une bravoure 1

« Le combat de la pureté )J. C'est le titre. Le sous-titre serait l'exhortation du Livre

saint: « Que les jeunes gens se lèvent, et qu'ils se battent)J 1; ou le mot de Job: « La vie de l'homme ici-bas est une milice )J Il; ou le verset de l'Ecclésiastique: « Lutte .. . pour ton âme et combats jusqu'à la mort» J ; ou encore les devises Pauliniennes: « Sois le bon soldat du Christ J ésus » '. « Combats le bon combat» li. Ferraille « à droite et à gauche » ' .

Saint Paul, qui aimait tant ce « bon combat )J a décrit, pièce par pièce, l'équipement du vail~ Iant soldat : « Revêtez-vous de l'armure de Dieu ' afin de pouvoir résister, au jour mauvais, et d~ rester debout après avoir tout surmonté. Soyez

I. 2" Livre de Sam ., ch. II, v. 14. 2. Joh, ch. VII, v. I. 3· Eccl-i ., ch . I V, v . 33. 4· 2 Tim ., ch. II, v. 3. 5· 1 Tim., ch. IV, v. 7. 6. 2 Cor., ch. VI, v. 7.

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"""""" -_._=-=-= . .",.,.....,==""""''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''"'''''''''''''''''' 16 LE COMBAT DE LA PURETÉ

donc fermes, les reins ceints de la vérité, revêtus de la cuirasse de justice ... prenez le bouclier de la foi, par lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Malin. Prenez aussi le · casque du salut et le glaive de l'Esprit» 1.

Précisément parce que nous envisageons la vertu comme un combat, nous citerons souvent saint Ignace de Loyola. L'ancien capitaine garda toujours l'âme militaire. C'est un Ordre de sol­dats qu'il voulut fonder, car dans l'expression II: Compagnie de Jésus », le mot « Compagnie» a le sens guerrier.

Il conçoit ses « Ex.ercices Spirituels » comme une espèce d'École de guerre. Il se représente Dieu comme un divin Capitaine. Lisez sa médita­tion des « deux étendards» et surtout sa contem­plation . du «règne du Christ D, que voici textuelle­ment 1

PURlI!IÈ RE PAR'flll

1 er poiHt. - Je me représenterai un roi que la main de Dieu a choisi et à qui tous les princes et tous les peuples chré­tiens rendent respect et obéissance.

2" point. - Je m'imaginerai entendre ce même roi parla.nt à tous ses sujets et leur disant: « Ma volonté est de conquérir tout le pays des infidèles. Que celui qui voudra me suivre se contente de la même nourriture, de la même boisson, des mêmes vêtements que moi. Qu'il travaille durant le jour, qu'il veille pendant la nuit . comme moi, a fin de partager un

1. t!.p. /JfU llphés., ch. VI, v . 13 et 9uiv.

L'ÉTAT MILITANT

jour avec moi, selon la mesure de ses travaux, les fruits de la victoire . •

3" point. - Je considérerai ce que devraient répondre de fidèles sujets à un roi si généreux et si bon et combien celui qui n'accepterait pas de telles offres serait digne du mépris de tout le monde et mériterait de passer pour le plus lâche des hommes.

DXUXIÈME PARTIB

La seconde partie de cet exercice · consiste à appliquer à Jésus-Christ. Notre-Seigneur, les trois points de la parabole précédente.

Et quant au premier point, si l'appel d'un roi de la terre à ses sujets fait impression sur nos cœurs, combien plus vivement ne devons-nous pas être touchés de voir J ésus­Christ, Notre-Seigneur, Roi éternel, et devant lui le monde entier et chaque homme en particulier, qu'il appelle en disant: « Ma volonté est de conquérir le monde entier, de soumettre tous meR ennemis et d 'entrer ainsi dans la gloire de mon Père. Que celui qui' veut venir avec moi, travaille avec moi; qu'il me suive dans les fa.tigues, afin de me suivre aussi dans la gloire .•

Je considérerai, dans le second point, que tout homme, qui fait usage de son jugement et de sa raison, ne peut pas balancer à s'offrir généreusement à tous les sacrifices et à tous les travaux.

Je considérerai , dans le troisième point, que tous ceux qui voudront s'attacher plus étroitement à Jésus-Christ et se signaler au service de leur Roi éternel et Seigneur universel, ne se contenteront pas de s'offrir à partager ses travaux, mais, agissant contre leur propre sensualité, contre l'amour de la chair et du monde, ils lui feront encore des offres d'une plus haute importance et d 'un plus grand prix ....

* >,\: * Jeunes gens 1 vous comprendrez cette médita­

tion, vous qui, à l'appel du roi Albert 1er, avez répondu si généreusement! '

Voici que Dieu vous convoque à un autre corn-a

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bat: celui de la vertu. Vous avez fait la guerre pour un roi magnanime, pour une patrie très chère. Mais enfin, c'étaient un roi et une patrie terrestres !

Vous avez lutté comme des lions. Et cependant la vaillance n'avait pas toujours sa récompense 1 Même le plus brave, et surtout le plus brave, ris­quait d'être tué! L'héroïsme pouvait être inconnu, ou méconnu!

Oh 1 combien de combats, combien d'exploits célèbres Sont demeurés sans gloire al~ 'milieu des ténèbres!

Et cependant, pour cette cause humaine et pour cette récompense incertaine, vous avez enduré des risques incroyables: ceux des minnen­werEer, des schrapnelIs et des g1l:Z; la boue des tranchées, le tir fauchant des mitrailleuses, les iils barbelés. Vous avez « résisté jusqu'au sang ), Vous avez bâti une épopée belle à faire chanter les pierres et triste à les faire pleurer.

Dites, ne saurez-vous pas être courageux pour le Roi divin et, cette fois, avec la certitude de la victoire?

Ne vous faites pas illusion! la vertu est une guerre aussi et tellement austère que certains jeunes gens qui furent intrépides dans celle-là, celIe de I9I4-I9I8, sont lâches dans celle-ci. Il faut parfois plus d'héroYsme pour guerroyer ,contre soi-même, que pour guerroyer contre l'en­nemi du dehors.

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Et puis cette guerre-ci est plus longue.

L'ÉTAT MILITANT 19

Il a fallu combattre quatre ans contre les Alle­mands. Il faut combattre toute sa vie pour la chasteté. Toujours sur le « qui vive? » ; toujours «in prrecinctu)J, comme disaient les Romains. ,

Mon Dieu! que c'est dur de devoir incessam­ment recommencer le combat obsédant, affolant parfois! Même la paix n'est qu'une trêve et doit rester une paix armée. cc Si vis pacem, para bel­lum. » L'armistice n'est qu'au Ciel!

De lassitude, les déserteurs jettent leur épée. Toi, toi, ne les imite pas. Reste dans la gêne de ton armure, jusqu'au jour de la sainte relève.

Jusqu'au bout! Le 23 octobre 1914, le lieutenant Charles Per­

rot partait pour l'assaut des jardins Saint­Laurent; près d'Arras. Il était en pleine fièvre de bronchite aiguë et l'un de ses amis intervint, lui disant: « Reste! tu as déjà fait tout ton devoir 1 » Il répliqua 1 Il On n'a jamais fini de faire son devoir 1 J

« Miles Christi ! l)

'" '" '" Combats, mon jeune paladin, avec ta claire

épée. Sois bon chevalier. Chevalier, tu l'es 1 bien que tu ne portes point la cotte de mailles, le heaume et le cimier.

De même que l'habit ne fait pas le moine, la cuirasse ne fait pas le chevalier! Sous la cui­rasse d'acier, peut se dissimuler un cœur vil. Sous l'étoffe légère, peut battre un grand cœur.

Le panache! on peut ne l'avoir qu'au casque. Tu l'as au cœur. C'est mieux. -

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-.,. . ., ..

20 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Les jeunes d'aujourd'hui deviennent gouail­leurs, lorsqu'on leur parle de chevalerie. « A d'autres 1 Vous savez, tout cela, c'est de la poésie 1 La guerre nous a rendus positifs. Le sang a coulé pendant quatre ans: tant de rouge empêche de faire encore du bleu 1 »

Les anciens chevaliers paraissent bien étranges à nos soldats:

« Ils portaient des panaches neigeux. Nous aurions dû, nous, essayer cette mode-là 1...

» Ils paradaient dans les tournois, sous le regard des dames. Nous nous terrions dans les tranchées; nous cherchions les trous les plus pro­fonds par crainte des avions. Taubes et taupes 1 voilà la vraie guerre 1 .

Il Leurs cuissards brillaient. Nos molletières (quand nous pouvions en avoir 1) étaient cou­vertes de boue.

Il Ils arboraient les glorieux gonfanons et les bannières blanches, frangées d'or. Nous donnions tout ce clinquant pour de solides grenades en­voyant à l'ennemi leurs éclats, rudes pralines de la guerre ! Il

Ainsi les jass rient des chevaliers. Après tout, jass ou chevaliers, qu'importe?

Oui, qu'importe, jeune homme, que tu choisisses la forme ancienne, ou la forme moderne de la vail­lance... pourvu que tu en choisisses une 1 Tu préfères les poilus aux chevaliers? Va pour le poilu 1 et sois donc le poilu du bon Dieu 1

* '" * Prépare ton âme à la lutte.

- .:;â

L'ÉTAT MILITANT 21

La chasteté est un état militant. Du moins, c'est la condition normale. Une fois pour toutes, nous devons nous mettre en garde contre les énon­cés absolus, qui sont des procédés de simplifica­tion et pas de précision. Les réalités humaines ordinairement ne sont pas tranchées, mais nuan­cées, e n sorte que les invariables formules valent en mathématiques, mais guère dans le domaine psychologique.

Donc, en tenant compte des exceptions que comporte presque toujours un énoncé, surtout dans la matière délicate que nous traitons, nous affirmerons que la victoire de la pureté s'em­porte à la pointe de l'épée. « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive )1, affirmait le divin Maître.

On peut appliquer à beaucoup de chrétiens ce que saint Paul disait des pécheurs non encore gagnés à l'J~vangile: « Je suis charneL.. je ne fais pas ce que je veux; je fais ce que je hais ... Ce n'est plus moi qui le fais, c'est le péché qui habite en moi. Car je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair: le vouloir est à ma portée, mais non le pouvoir de l'accom­plir. Car je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que ie ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais; c'est ie péché qui habite en moi... Je prends -plaisir à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur; mais je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la foi de ma raison et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux que je suis 1 Qui me délivrera de ce

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22 LE COMBAT DE LA PURETÉ

corps. de mort? » (Ep. aux Rom., ch. VII, v. I4 et SUIV.)

Le mot expressif de ({ continence» nous avertit déjà qu'il faut se faire violence, pour comprimer les tendances mauvaises. Le R. P. Vermeersch, S. J., écrit: ({ La plupart des hommes, même de ceux dont les mœurs sont intègres, doivent lutter contre la propension naturelle à la luxure. » l

Guibert est du même avis: « Dans la condition ordinaire... la pureté est un vrai triomphe. A part de rares exceptions, de rudes combats se livrent dans l'être humain entre la raison et les sens ... Avouer que vous êtes tentés, c'est avouer simplement que vous êtes homme. » (La Pureté, P·9)·

'" * '" Tout cela est surtout vrai à vingt ans. La pureté, ami, est pour toi la première vertu.

Non pas en dignité, car la première place revient alors aux vertus théologales, ayant Dieu directe­ment pour objet; mais en ce sens que la pureté est ce qui suppose chez toi le plus de combats et de générosité.

L'obéissance est la vertu de l'homme, mais la chasteté est la vertu du jeune homme. ({ Jeune homme, la fréquence et la violence de la tenta­tion de la chair doit t'étonner moins encore. Elle s'explique scientifiquement par l'attraction phy-

l. R. P. VERMEERSCH, S. J. De castit!Jte. • Plerique ... etiam eorum qui integris mOlibus praediti sunt, eum l'laturali propensione ad luxuriam, luctari debent. D (P. 86, nO 93).

L ' :f:TAT ",nUTANT 23

siologique qui, normalement, à l'âge de la pre­mière maturité, doit s'exercer dans ce sens et qui, irrégulièrement, s'exerce plus tôt chez les tempéraments ... déséquilibrés par le chaos surex­citant de la vie moderne . . Elle s'explique surna­turellement parce qu'elle est, à l'égard de tous, l'arme favorite de Satan et qu'elle pénètre plus facilement à l'âge où la poussée de la vie neuve et bouillonnante rompt la cuirasse. A un degré plus ou moins fort, malaise ou crise, je crois qu'elle passe sur toutes les âmes des jeunes. » 1

Le même auteur a écrit sur la chasteté une bro­chure portant ce titre suggestif: La httte po~(,r la vie. 2

A un jeune homme se plaignant d'avoir des tentations contre la pureté, Lacordaire répondait le 2 2 février I 8SI : « La passion dont vous souf­frez est celle qui tyrannise le plus les hommes et elle est universelle et le triomphe que l'Évangile a remporté sur elle est une des preuves de la divi­nité du christianisme. »

'" '" '" La vie des Saints, écrite sincèrement, nous

révèle qu'eux-mêmes sentaient l'aiguillon de la passion. Sans doute, il faut excepter certains pri­vilégiés de la gràce, et encore, cette paix absolue ne fut-elle souvent que la récompense d'une vic­toire spécialement courageuse, chez un saint

1. Les limes lib?·~s, par Luc MIRIAM, p. 4~. 'l . C'est la formule anglaise « Stru·ggle for Iife » appliqtlé~

Il la vie spirituelle.

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. ~ ... _._~". _~

24 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Thomas d'Aquin, par exemple. Les autres (je parle des Saints 1. .. ) connurent le soufflet de Satan. Qu'il suffise de citer saint Alphonse Rodri­guez, saint Joseph de Cupertino, saint Camille de LeIlis, sainte Angèle, sainte Catherine de Sienne.

Saint Pierre Damien, pour éteindre les ardeurs du sang, se plongeait dans l'eau glacée. (Bréviaire du 23 février).

Saint Benoît se roulait dans les épines, pour « mater la volupté par la douleur.» (Brév. du 2r mars) .

Donc les Saints eux-mêmes éprouvaient que les âmes, comme les corps, semblent soumises à une loi de pesanteur, à une attraction d'en bas.

Méditez une page frémissante de saint Jérôme t « Oh 1 que de fois, au désert, dans cette vaste solitude dévorée des feux du soleil, retraite sau­vage des moines, je me suis vu en imagination au milieu des plaisirs séducteurs de Rome. Je m'asseyais à l'écart, tout plein d'amertume. Un cilice pesait sur mes membres; j'avais le teint noirci, pareil à celui de l'Éthiopien. Des larmes tous les jours, des gémissements tous les jours et lorsque le sommeil parfois triomphait de ma résis­tance, mes os décharnés s'affaissaient sur la dure, sans y reposer.

» Et moi qui m'étais condamné à cette prison, sans autre compagnie que celle des scorpions et des bêtes sauvages, je me figurais souvent me lmuver dans le tourbillon des fêtes romaines 1 Oui, le jeûne avait pâli mes désirs et cependant mon âme était bnîlante de désirs 1

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L'É TAT MILITANT 25

» Dans un corps glacé, dans une chair vouée, avant son heure, à la mort, seules les ardeurs des passions bouillonnaient toujours ... Je passais des semaines dans l'abstinence pour dompter mon corps rebelle ... Je m'enfonçais dans le désert .•• Apercevais-je le creux d 'une vallée, une cime escarpée, un rocher abrupt, j'y cherchais un asile à ma prière, une geôle à ma chair misérable 1. » Il ose conclure: « La garde de la chasteté est une forme du martyre. »

'" '" '" Une première conséquence de ce qui précède,

est que le jeune homme ne doit pas être humilié, ni même étonné d'éprouver certaines tentations. Il se trouble parfois parce que, ne connaissant que son cas personnel, il se croit une tranche de vie spéciale. S'il savait l'histoire intime des autres, s'il était confident d'âmes, il comprendrait

. que la tentation est l'état général, la condition normale. Ce qui frappe celui qui étudie , les hommes, c'est leur similitude fondamentale. Evi­demment, l'un est plus tenté, l'autre moins; l'un cède, l'autre pas. Mais, essentiellement, un jeune homme ressemble si fort à un autre jeune homme 1 un homme à un homme et un vieillard à un vieil­lard 1

» Quand on a peu vieilli et comparé, cela étonne de voir à quel point le fond de nos destinées est le même 1 On croit posséder en soi d'incomparables

l, Ép. XXII ad Eustochium, De virg. n. 7, P. L. XXII, ,398, 8.

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~ _ ::Z .!E!!!

26 LE COMBAT DE LA PURETÉ

secrets ... et pour peu que le cœur des autres, le cœur de ceux qui nous coudoient dans la rue, s'ouvre à nous, on s'étonne d'y apercevoir des misères toutes semblables, des combinaisons équi­valentes ... Tout cœur humain complet passe par des phases secrètes... qui ne varient que légère-­ment 1. li

De son côté, le Docteur Déjerine, dans son livre Psychonévroses, (p. 417) atteste: « Qu'il s'agisse d'un prince de la science, d'un baron de la finance d'un héritier du trône ou du plus mo­deste de ~es sujets, les sentiments qui font agir les hommes sont tout à fait semblables. »

Et de là, pour le dire en passant, l'uti~ité de cette optique interne, de cette exploratIOn de notre univers intérieur, qui s'appelle l'examen de conscience. « Tout homme, note justement P. Bourget, porte en lui l'huma~ité, li en so~te que bien pénétrer un cœur, le SIen 1 c'est bIen pénétrer tous les cœurs humains. Le ~. de Pon­levoy écrit dans la Vie du P. de Ravlgnan: « Il avait appris à connaître les hommes, dans son cœur 1 Il

* * * Deuxième remarque: précisément l?arce qu.e

la chasteté suppose le c<?mbat et le ~nomphe, !l est très glorieux pour l'Eglise cathohque d'avOlr été une grande école d'amour idéalement pur 2 et de virginité.

1. SAINTE-BEUVIL, Vol!tfrté, p. 133. 2. 1 Quand les Ancien.s parlent d'amour, c'est le plus son-

:ieat _ .-::z±!!l1

L'ÉTAT MILITANT 27

. iUn livre intitulé Païens (A. Eymieu, S. J.), signale ce phénomène spécifique du christia-nisme. .

Rome voulait avoir six Vestales, six jeunes femmes consentant à rester vierges, pour garder le feu sacré de la déesse Vesta. Afin de les encou­rager à faire ce sac~ifice du mar~age, Rome ~eur promit des faveurs moules! les lIcteurs devaIent incliner leurs faisceaux devant elles: les consuls éta ient obligés de leur céder le pas; les juges ne pouvaient pas discuter leur témoignage; les bourreaux épargnaient les coupables dont elles demandaient la grâce.

Rome ayant ainsi prodigué ses privilèges et déclaré les Vestales au-dessus de la loi, chercha parmi ses 200 millions de sujets, six jeunes filles voulant bien, au prix de tant d'honneurs, rester vierges, pour conserver au monde le feu sacré 1

Et jamais Rome ne trouva six Vestales volon­taires.

vent sensualité qu'il faut entendre et voilà pourquoi les philosophes n'ont .jamais pour l'amour assez de .sévérité ~t de mépris. Le sent~men~ de l'amou: ... est un sentlmen~ chre­tien .. . S'il n'y avait pomt eu de vierges vouées au Seigneur, il n'y aurait point eu d'amants comme Rodrigue, ou d'aman~es comme Chimène .• (M. THANIN, Samt Ambrotse et ta Soctété chrétienne a!~ IV· siècle).

«Ce que nous appelons proprement amour, est un senti­ment dont l'antiquité a ignoré jusqu'au nom ... C'est encore au christianisme que l'on doit ce sentiment; c'est lui qui, ten­dant sans cesse à épurer le cœur, est parvenu à jeter de la spiritualité jusque dans le penchant qui en paraissa~t le moins susceptible.» (CHATEAUBRIAND, Géme du Chnstzamsme, 3" Partie, Livre 3, ch. 2). .

Ces deux appréciations nous pal·aisseut vraies, malS trop nbsolue.'1.

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·- . ~

LE COMBAT DE LA PURETÉ

Alors elle fut contrainte de recourir à la vio­ience, et, quand elle eut recruté les Vestales par force, elle les menaça de châtiments terribles, leur imposa des gardes.

La virginité pratiquée ... tant qu'on a peur 1 Mais voici que le Christ paraît 1 Lui aussi il

demande des vierges afin de garder ici-bas la flamme sacrée de l'idéaI 1• Lui, il en trouve 1. Il trouve actuellement environ 3 12,000 prêtres au monde, c'est-à-dire 312,000 âmes s'engageant à rester toujours virginales; il trouve, pour tous ses cloîtres, pour des milliers de monastères, des jeunes gens et des jeunes filles faisant volontaire­ment le vœu de chasteté perpétuelle 8 • •

Avant la Révolution française, continue l'au-

1. La virginité, en elle-même, est préférable au mariage et plus parfaite. Cf. S. Matthieu, ch. XIX, V. 12.

S. Paul, Ire Ép. aux Co,. , ch. VII, v. 25 et suiv. Concile de Trente, Sess. 24, cano 10.

2. Que penser d'un THÉOPH. GAUTIER avouant que le chris­tianisme seul a fait fleurir la virginité ...... mais le regrettant dans ces termes: «La pudeur n'est faite que pour les laides et c'est une invention moderne, fille du mépris chrétien pour la forme ... Virginité 1 plante amère, née sur un Goi trempé de sang et dont la fleur étiolée et maladive s'ouvre péniblement à l'ombre des cloîtres, sous une froide pluie lustrale; rose sans parfum et toute hérissée d'épines 1 Le monde antique ne te connaissait pas, fleur inféconde ! Jamais tu n'es entrée dans ses couronnes aux odeurs enivrantes. Dans cette société vigou­reuse et bien portante, on t'eüt dédaigneusement foulée aux pieds. » (Mademoiselle de MauP in).

3. Le R. P. VERMEERSCH, S. J., dans son livre sur la chas­teté, ne consacre pas moins de 82 pages (pp. 84-166) à exposer le jugement de la raison, du christianisme et du néo-paga­nisme, sur le triple sujet de la chasteté, du mariage et de la continence.

m~ ___ ~~~===========~==~~~. L'ÉTAT MILITANT 29

teur cité, on comptait en France 28 religieuses sur 10.000 femmes; depuis on en compte 67, sur le même nombre. Et cependant, en France, les Vestales ne sont plus « au-dessus» de la loi, comme à Rome, mais hélas « hors la loi YI. Leur séjour dans la patrie est une tolérance pratique et non une reconnaissànce théorique.

Dans un accès de fierté, le chef romain s'était écrié: (! Je n'ai qu'à frapper le sol du pied pour en faire sortir des légions ». Le Christ n'a eu qu'à . frapper le sol du pied pour faire surgir des légions et des légions de vierges 1

Il l'a fait. Seul, il l'a fait. Seul, il pouvait le faire.

Lui « la pureté des vierges Yi, lui l'immaculé et le fils de l'immaculée, lui qui aiIna d'un amour de préférence Jean, l'apôtre vierge et lui permit à la Cène de repose.r si près, si près, qu'il pouvait entendre dans la poitrine du Christ les palpita­tions du cœur divin, lm qni réserve aux vierges, dans son ciel, une place à part près de l'Agneau, un cantique spécial que peuvent chanter seule­ment les vierges, lui, il a pu obtenir de la faiblesse humaine ce merveilleux triomphe de l'esprit sur la chair, qui s'appelle proprement l'héroïsme. Oui, l'héroïsme; tellement que beaucoup de saints ne craignent pas de rapprocher le chaste et l'ange et, les ayant comparés, d'adjuger la palme au pre~ mier 1

Saint Ambroise, dans son traité sur la virginité, s'écrie: «Les anges vivent sans la. chair; les vierges triomphent dans la chair. »

li: Il est plus ~lU de Cl;lnquérir la gloire angé-

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30 LE COMBAT DE LA PURETÉ

lique, que de l'avoir reçue par nature. Or, la vir­ginité obtient de haute lutte et par beaucoup d'efforts, ce que l'ange, lui, a tout naturellement. Il

(Saint Pierre Chrysologue.) Le chaste ne cède pas au vice. Direz-vous que

l'ange non plus n'y cède pas? Mais où est ~a mer­veille de ne pas pratiquer le péché de la chaIr, lors-qu'on n'a pas de chair? .

« Eux, les anges, ne sont pas sUJets aux pas­sions : . ni le chant alanguissant, ni la mUSIque charmeuse, ni la beauté des femmes ne sont capa­bles de les solliciter. » (Saint Jean Chrysostome.)

« L'homme chaste et l'ange diffèrent entre eux. La chasteté de l'ange est plus heureuse, mais celle de l'homme est plus courageuse. II (Saint Bernard, Ep. 24·) t té

Toute vertu est belle et cependant la chas e est appelée «la belle vertu ~ ~ar excellence, car elle spiritualise, si on peut runsi parler, nos corps de boue. .

Il est très émouvant de voir chez ceux qm ne sont que de pauvres ho:nmes, la vertu «rulgé- . lique ~ et ce que Tertullien nomme ~ caro an!Se­lificata». Ceux-là réalisent la ,Parole du ~hns~, « ils sont comme les anges de DIeu dans le cIel» .'

Qu'il ait fallu combattre, mais ~oin .d'être hu~m­liant, c'est, au contraire, ce q~ll faIt le .mérltlile. L'immaculé est un vainqueur. C est le vrru fort 1

1 S Matth., ch. XXII, v. 3°· . h ' 2: L~ Bible rapporte les acclamations du peuple à J~dlt : • Tu as montré une âme virile... Parce que tu as aimé la chasteté, la main du Seigneur t'a revêtue de force .• (L. du Juges, ch. XV, v . Il).

.2 _ __ _

L 'ÉTAT MILITANT

* * *

31

Jeune homme 1 tu as beau être athlète, tu as be~u être un premier « keeper li et le plus « vite » des « forwards » 1 Si, rentré le soir chez toi, tu n'as pas le courage de résister à la passion, héros des sports et des matches, tu n'es qu'un grand lâche 1

Et toi là-bas, au contraire, toi frêle enfant, toi jeune homme pâle, sans biceps pour soulever des haltères, toi qui ne sais pas même distinguer (ô pitié 1) un « hands» d'un « penalty» ou d'un « corner», si tu sais dominer tes passions, tu es le vrai brave et le géant de tantôt n'est pas digne de dénouer les cordons de tes chaussures. L'homme c'est toi 1 La pureté, comme la vertu, n'a de fé­minin que le nom Il

LE COMBAT DE CHACUN

Nous venons de le dire: tous ont à lutter. Mais pas de la même manière. La tentation est à la fois générale et relative.

Examinons les principaux éléments de cette relativité.

10 r Élément de relativité : le tempéra-

ment.

Certains sujets sont fort impression­nables et certains ne le sont guère; voici les très vite émus et voici les calmes, « les froids». Mais vous con­

cevez bien qu'entre les termes opposés se place

r. Le héros • est un soi triomphant. L'impulsion créatrice; le tonus du vouloir, l'équilibre raisonné ont en lui toute leur vigueur, Nous en concluons que l'instinct génésique est chez lui réduit à son minimum, sinon complètement dompté. 1 .~ DAUDE1', L'Hérédo, p. 160) ..

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32 LE COMBAT DE LA PURETÉ

toute la gamme des intennédiaires et, de même que l'on ne passe pas brusquement de la grande clarté de midi à la complète obscurité de minuit, de même que l'on n'anive des ardeurs de l'été au froid de l'hiver que par une lente « dégradation li de la chaleur, ainsi, entre les deux extrêmes nette­ment tranchés dont nous avons parlé, s'inter­calent toutes les étapes de la transition.

Entrevoyez-vous, dès maintenant, combien le problème est complexe? Il ne comprend pas seulement deux tennes: les supra-sensibles et les infra-sensibles, mais, de plus, le nombre incal-culable de types moyens. .

Autant de cas que de personnes 1 Nous venons de voir qu'un sujet ne

2- Éléx.n~nt ressemble pas à un autre. Allons plus de relatIVlté: 1 . . t bl t

les crises. om: un sUJe ne ressem e pas ou-jours à lui-même! Il passe des états

de crises: crises d'âge, de dépression physique, de tentations, etc.

Qui ne connaît le phénomène propre aux dia­bétiques ? Leurs moindres plaies se ferment mal et peuvent se compliquer de gangrène. Certains états moraux rappellent ce fait pathologique : une simple égratignure peut devenir fatale.

Outre les crises pAr accès brusques, il faut men­tionner les crises périodiques et, pour ainsi dire, chroniques. Quelques physiologistes pensent que l'instinct dont nous parlons obéit à la loi du cycle mensue1. Indépendamment de l'influence des saisons, qui sera plus loin analysée, la passion aurait chaque mois (pal' exemple au début), Hl!.

maximum d'intensité, suivi d'une quinzaine dfJ

~~~~~~~~=- ~ .. ="~~~~ L'ÉTAT MILITANT 33

lent decrescendo, puis d'une quinzaine de lent crescendo allant jusqu'à un nouveau maximum, de manière que ce double mouvement "descendant, puis ascendant, est comparable au flux et au reflux 1.

e: Vous croyez voir les gestes, entendre 8e Élément les paroles de contemporains ... Regar-de relativité 1 d 'è fI' b bl l'hérédité. ez dem re eux une ou e m~om ra el

les myriades de morts qUl poussent ces hommes, commandent leurs gestes et dictent leurs paroles. Nous croyons marcher sur la cen­dre inerte des morts; en réalité, ils nous enve­loppent, ils nous oppriment, nous étouffons sous leur poids; ils sont dans nos os, dans notre sang, dans la pulpe de notre cervelle et surtout ... quand les grandes passions entrent en jeu, écoutez bien la voix: ce sont les morts qui parlent 1 li (Meleh. de Vogüé : Les Morts qU'i parlent, p. I76.)

Tous nous portons le poids de notre hérédité-. Notre présent est lourd de passé.

« Le passé ! ... nous étions déjà si vieux, quand nous sommes nés 1 »a

Napoléon 1er demandait un jour 1 Cl Savez­vous quand on commence l'éducation d'un en­fant ?.. Cent ans avant sa naissance 1 l)

De fait, notre constitution physiologique, pas­sionnelle, mentale, est, pour ainsi dire, un terrain d'alluvion très complexe, où entrent les habi-

1. MOLL, H~ndbut" der Sex14alwissenschatten. Leipzig, 1912.

pp. 183-184. 2. c Un peuple d'ancêtres est en tout homme .• (LÉoN

DAUDE T, Les œuvres dam les hommes, p . 46). 3. AN. FRANCE, 1.6 Ly,ç roug8, p. 276.

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34 LE COMBAT DE LA PURETÉ

tudes saines ou malsaines, non seulement des parents, mais des parents de nos parents. Car il n'y a pas seulement l'hérédité strictement telle, ou dépendance de l'ascendant immédiat, père ou mère, mais aussi l'atavisme ou retour aux types antérieurs.

Nous agissons en fonction de nos aïeux. Très spécialement, la propension morbide aux

choses sensuelles est transmissible. Sans doute le vice lui-même ne peut pas être hérité, le péché étant un dérèglement de notre volonté person­nelle et libre. Mais cette volonté trouve une sol­licitation dans le tempérament, lequel s'hérite comme le démontre l'expérience de chaque jour.

>1<

Il< '"

Jeune homme 1 n'oublie pas que l'aspect de l'hérédité est double: tu es, à la fois, un point d'arrivée et un point de départ.

Fils, tu as reçu. Père, bientôt, tu transmettras 1.

Envisage la responsabilité prochaine. L'homme ne pèche pas pour lui seul, mais pour ses descen­dants. Ne deviens pas la souche d'une race tarée.' Songe combien il est affreux pour un père de remarquer, un jour, chez ses fils, certaines pâleurs, certaines nervosités 2, et, mettant la main sur la poitrine, de s'avouer: « Cela 1 c'est moi... »

Legouvé a décrit cette chose navrante dans

1. Lire Grimaud, Futurs éPoux. 2. Les Israélites disaient tristement: «Nos pères ont

mangé des raisins verts et nous en avons les dents agacées .• (ÉZÉCHIEL, ch. XVIII, v. 2).

Les pères et les enfants ~u. X!Xe siècl.e 1. Le du~ de Candé s'est mécondUlt Jad1s. Il. crOIt t?'?'t fint. Mais il a communiqué une maladie humIlIante ~ son fils et il assiste à la croissance d~ mal. « Celm qui le tue, c'est moi! Le jour où un Jeune homme fait entrer ce germe corrupteur dans son sang, ce n'est pas lui seul qu'il atteint, c'est son fils, ce sont les fils de son fils. Oh 1 certes, il est dur d'être un fils d'Adam. Mais je sais quelqu~ c~ose de plus affreux, c'est d'être un Adam SOI-merne et de créer un péché origineL.. Si tu te sens près de faiblir, pense au duc de Candé. Respecte ,en toi le père futur 1 Il Oui, respecte en tOI le pe~e futur 1 Ce serait horrible pour ton fils de devOlr accuser son pèrè comme Daniel Rovère, le héros de L'Immolé, p~r E. Baumann t «J'achève. des générations maudites 1» (Page 193·)

« Si la volonté ne fléchissait pas, lé tempéra­ment de son père recommençait à le tourmenter. » (Page 357.)

>1<

* :II

Notons, en passant, ce fait que .souvent, et même très souvent, l'hérédité (physIque e~ mo­rale) n'est pas directe, mais croisée, ce qUl veut dire que le fils resse~?le plu~ôt à sa .~ère et l~ fille à son père. «Ftlil matnsant. Fll1ae patn· sant. »

Lorsque, dans nos collèges, nous voulons con-naître mieux un jeune homme, ce . n'est pas son

3. Ce chapitre est cité dans FONSSAGRIVES, Education dl .Ia ixmlé, pp. 138 à 150.

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père, mais plutôt sa mère qu'il faut inviter à venir causer au parloir. Le proverbe exact serait r 1( Tel père, telle fille 1 telle mère, tel fils! :0

4- Élément Le désir des choses sensuelles cr: est de relativité: dominé par l'état de l'organisme tout l'éJ~t s~~:~aJ entier. Toutes les causes d'affaiblis-

sement général peuvent l'atténuer toute~ l~s c.a~ses d'exc~tations peuvent l'exal~ t~r.» L a~tIvlté totale mflue sur l'activité spé­cIale dont Il est question.

Ainsi les Collégiens, pendant la période des grands c?ncours, les Universitaires, pendant leurs préparatlOn~ d'examens, ou après des nuits écour­tées, éprouvent plus de tentations. Ils sont dans un état d'excitation qui amène facilement cette répercussion particulière.

Même contre-coup souvent dans la phtisie 2 à cause de l'état fiévreux du malade et dans la cocaïnomanie 8, ce danger social d'aujourd'hui,

I. Dr FÉRÉ, L'instinct sexuel, p. 'l52 ,

2. Ce phénomène u se montre même dans le premier de"ré de la tubelc~lose pulmonaire., (Dr BERGEIŒT, Médec2':ze, p. 130 ). Le meme fait est confirmé par le Dr RULoT ancien I~specteur principal au Ministère de l'Intérieur et de l'Hy-giène, à Bruxelles. . É3 .. Le Dr . PIOUFFLE, sans son livre Psvch.oses cocaïniqu8S

( '.dlt. Malome, 27, rue de l'École de Médecine, Paris, 1919,) fa.J~ r~m~rquer que cet. effet de la cocaïne n'est pas direct, mais mdlrect, semble-t-il, en ce sens que l'exaltation générale s~ résout en cette exaltation particulière et aussi parce que l'Ivresse ?o~aïni<jue supprime la pudeur et découvre le fond I~el de yrlams penchants. Le vin agit de même. On dit: in IltnO ventas. On pourrait dire: in cocaina veritas 1

Dans !a g~an~e ivresse cocaïnique, on signale trois phases 1 phase d exclta~l:m, ph,\,s~ délirante, ;phase comateuse: pen­dant cette trOISIème penode dépreSSive, se produit la réso-

.3.

L'ÉTAT MILITANT 37

si grave que la loi française a dû sévir en 1916 et que la loi belge est intervenue aussi. (Moniteur belge, 29 nov. 1920 et 6 mars 1921). l

lution musculaire et le sommeil profond. Mais la cocaYne n'est pas un stupéfiant (à moins qu'elle ne soit prise à haute dose). Au contraire, elle est un toxique euphoristique, employé par ceux qui veulent avoir l'extase portative et entrer dans les • Paradis artificiels» : on se sent plus heureux, plus en forme et on a l'impression de devenir un homme doublé. La morphi­nomanie procure la joie active, le bonheur en mouvement. On constate le prurit moteur. La cocaïne est très hallucinogène: hallucinations visuelles, gustatives, olfactives; sensations tactiles imaginaires, amenant le phénomène de la «punaise cocaïnique» et de la formication cutanée; hallucinations micropsiques (tout apparaît petit) ou mégalopsiques (tout apparalt grand) . Les états démentiels et confusionnels causent des méfaits, des meurtres.

Voici comment l'action vénérienne de la cocaïne est appré­ciée dans le Nouveau Traité de Médecine,. publié sous la direc­tion de MM. les Professeurs Roger, Widal, T eissier (Édit. Masson; 146 collaborateurs ; 22 fasc. de 500 pp.) :

• Le sens génital s'exalte chez la plupart des malades, tant que les prises toxiques ne sont ni trop élevées, ni trop fré­quentes. Dans le cas contraire, l'impuissance apparaît et ne cesse qu'après le sevrage. » Il y a souvent excitation génitale dans la première phase des effets cocaïniques.

I. Cf. La défense sociale contre le périt toxique, par le Dr VERVAECI{, Directeur du service d'anthropologie péniten­tiaire. Extrait de la Revue de Droit Pénal et de Criminologie, avril 1922. (Impr. Larcier, 26-28, rue des Minimes, Bruxelles, 1922).

« En divers pays: l'Amérique, l'Italie ",t l'Allemagne no­tamment, le péril toxique a pris une acuité spéciale. Aux États-Unis, toute une législation prohibitive a été créée .•• L'Allemagne est la grande productrice des toxiques .• (P. 3).

Le danger menace aussi l'Angleterre et La Croi;ç du 28 avril 1922 écrivait: • On constate que les Anglais se laissent gagner par un vice qui fait chez eux de grands progrès: l'usage de plus en plus répandu des stupéfiants .•• Il en est résulté de nombreux: divorces et une quinzaine de suicides, depuis trois mois. La quasi-totalité de la cocaïne vient d'usines allemandes et notamment d 'une maison établie à. Darmstadt.

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... ~~_ .. ~ LE COMBAT DE LA PURETÉ

Parmi les causes, directes ou non, d'effets libidi­neux, il faut placer en premier lieu celles qui agissent sur le système nerveux. C'est évident. Les satisfactions sensuelles sont d'ordre nerveux et le centre génésique est situé dans la moelle épi­nière, à hauteur de la quatrième vertèbre lom­baire 1. La conséquence s'impose l facilement l'~xcitation nerveuse diffuse s'applique et se pré­CIse en sensations lubriques, puisque celles-ci relèvent du même système.

Devinez-vous tous les corollaires de ce prin­cipe à une époque où tant de causes affolent et déséquilibrent la délicate machine nerveuse? A notre époque, la réserve énergétique est souvent à l'état déficient. Or, la dépression nerveuse, au­tant que l'exaltation, le défaut autant que l'ex­cès, expliquent beaucoup de tentations. Com­m:nt ? Parce que le système nerveux d'un pareil sUjet .est un accu~ulateur tout de suite épuisé, une plle de Volta vite déchargée. Ces débiles n'ont ph~s la force, p017r ainsi dire, de résister l le pou­VOlr et le voulOIr ne sont plus coextensifs. La volonté au rôle inhibant, ressemble chez eux à

1 L' ~l1emagne y tro~ve double profit en Angleterre: elle gagne de 1 al"!Sent et empOIsonne lentement une nation qui fut son ennemIe ••

Q':lant à l~ Belgique, un cri d'alarme a été poussé dans la übre Belgtque du 13 mai 1922. La conclusion de l'article: 1 Toxicomanies et tmd~omanes », était: 1 Il est urgent que de nouvell~s mesures SOIent prises et que la Société se défende avec énergIe contre les misérables qui vivent en vendant ... la poudre de mort, les drogues infernales génératrices de ruine et de déshonneur, la folie à cent sous le paquet .•

1. Dr BOURGEOIS, Les passions, p. 192 . -- AN'roNELLI, Meil. ~ast •• t. 1. p. 255. - Etc. '

-= L'ÉTAT MILITANT 39

un frein Westinghouse qui ne fonctionnerait plus. Parlant de ces jeunes gens anémiés, un profes­

seur de théologie morale disait: la cure ne doit pas seulement être morale, mais aussi corporelle; il faut conseiller le bifteck et le bordeaux.

Cela vous surprend? Sainte Thérèse a ~crit humblement et finement: « Certains jours, je me crois lâche; mais en m'étudiant, je constate que je suis plutôt mal portante, et que j'ai mal digéré et mal dormi. D'autres jours, je me crois fervente; mais examinant les choses de plus près, je vois que je suis mieux portante, ayant mieux digéré et mieux dormi. »

Que si une sainte Thérèse en est là, que dire du commun des mortels? L'homme est un composé indivisible d'âme et de corps. Chez lui, ces deux réalités viennent se fondre dans une union non seulement i.ntime, mais « substantielle ». Dès brs, il devient aisé de comprendre que généralement la pleine maîtrise de la volonté suppose certaineS conditions de santé, d'équilibre physiologique ct, comme on dirait un peu solennellement aujour­d'hui, d'euphorie.

ISe facteur de relativité: les circon~

stances exté-rieures.

Nous ne sommes pas seulement I!n dépendance des éléments intrinsèqut"s qui viennent d'être énumérés (tem­pérament, crises, hérédité, santé). Une large part d'influence doit être

attribuée aussi aux circonstances extrinsèques, si nombreuses qu'on ne peut songer à les indiquer toutes et si variées qu'elles sont irréductibles l'une à l'~l,ltre! vêtements trop serrants, linges trop soyeux, habitude de tenir les mains au fond

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

des. poches, malpropreté favorisant les déman­geaIson.s, exercices ~e gymna~tique, ou parfois sim­ple crOlse~ent des Jambes, Jeux de mains, bonne chèr~, rég?me trop ~amé, alors qu'il faudrait pluto~ majorer. la ratIon de fruits et de légumes, noumt~re excItante, telle que le homard, etc., m:t~ éplcés, excès de café très fort, de vin ou de spmtueux l, surtout pris le soir.

Notons surtout l'action du climat. Les habi. tants des pays tropicaux sont plus portés à la volupté que ceux des pays à température rigou­re~se. D'une manière générale, la chaleur est un stImulant et le froid un calmant. Les statistiques r~lèvent plus de crimes passionnels en été qu'en hIver. Le retour du printemps est l'époque des sentiments érotiques. N~us nous réservons d'indiquer plus loin, au

ch~pItre des « Occasions)J, plusieurs autres exci­tatI~ns d'ordre plus artificiel, inventées par la passIOn, telles que bal, cinéma, images, etc.

En matière de chasteté, le jeune ho~me o.rdinairement a plus de ten­tatIons VIOlentes (et, par voie de con­séquence plus de mérites) que la

6e facteur de relativité 1

le sexe.

jeune fille. ~es m~nifestati?ns de tendresse peuvent n'avoir

guere d mconvéments entre jeunes filles, alors

~. Ovide l'a remarqué: Celui qui ét ant déjà porté lI.U vice bOit sans mesure, ?,joute fla~me sur flamme, ignis in igne. '

S. Paul dé~end 1 abus d~ VIn, parce qu'il favorise la luxure. "É Ne vous enivrez pas de VIn; c'est la source de la débauche. 1 ( p. aux ÉPhés., ch. V, v. 18) .

S. Athanase écrit: • Valde dalmones oblectantur cl'apula ot ebnetatCl .• (Li ber (,Id VÙ'!JÙIf)'7 L

L'ÉTAT MILITANT

qu'entre adolescents, elles en présenteraient beau­coup.

Un même acte représente une gradation con­sidérable dans l'excitation, selon qu'il est posé entre filles; entre garçons; entre garçon et fille.

... * ...

Parlant d'une manière générale et, ici plus que jamais, en tenant compte des exceptions, on peut dire que la passion, du moins sous son aspect de fougue brutale, est plutôt masculine que fémi­nine.

La jeune fille n'est-elle pas sensible à l'amour? Extrêmement. Mais par un autre côté, celui des manifestations affectueuses et caressantes, celui de la vanité délicieuse qu'elle éprouve à se laisser adorer. Observez comment, dès qu'on la compli­mente sur sa beauté, elle devient toute rouge (pardon 1 toute rose) de plaisir. Toute sa stratégie de femme, toutes ses ruses et ses manèges de tour­terelle coquette ne trahissent pas ordinairement la passion proprement dite, mais le désir de ce qui

' résume toute la vie et toute l'ambition féminine l plaire 1.

J. Lemaître a finement analysé cette psycho­logie dans La Vieillesse d' Hélène 1 « La belle Hé-

T. Maintes jeunes filles catholiques observeraient mieux les recommandations des Évêques sur la modestie, si elles sa­vaient quels orages elles déchaînent dans les cœurs de jeunes gens. Étant personnellement à l'abri de désirs aussi véhé­ments, elles ne se rendent pas compte qu'elles provoquent, non un sentiment analogue aux leurs, de tendre affection, mais la brutale convoitise.

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~~.~~-~==~~~===~~~~==~~=-~

42 LE COMBAT DE LA PURETÉ

l~ne... (était) adorée des Argiens et des Phry­glens; l'Europe et l'Asie s'étaient entr'égorgées pour elle. Sa gloire était au comble. Sa beauté ayait enrichi la langue du pays d'une quantité de dIctons et de proverbes. En réalité, elle avait déchaîné les plus furieuses passions, sans être elle-même grandement émue, sinon du plaisir d'être tant aimée. Elle avait joui surtout de son action. » (Pages 4 et 5).

On objectera sans doute l « Mais n'y a-t-il pas beaucoup de chutes féminines? et dès lors votre thèse n'est-elle pas démentie par les faits? »

Ces cas, très souvent, pourront s'expliquer tout autrement que par la passion: la jeune fille a consenti pour des causes diverses: par besoin d'argent et appât du lucre, par convoitise des bijoux et de la toilette, par jalousie de femme voulant supplanter une rivale; ou bien par curio"; sit~, par lassitude, par crainte, par imprudence, VOIre par naïveté.

Il est incontestable d'ailleurs que l'habitude dans le domaine des passions, comme dans les autres, influe beaucoup et contribue à exalter les penchants.

Cet élément est peut-être le principal; 78 fac.te.ur de aussi l'avons-nous réservé pour la fin. relatIvl.té , L t t t· , l'âge. a en a IOn n est pas, comme on

pourrait se l'imaginer, un phénomène inconnu à l'enfant, et même au petit enfant. Cet attrait existe déjà, mais, en général, à l'état potentiel. Il dort et ne s'éveille vraiment qu'avec cet âge de transition qu'on appelle la puberté .

• A cette beauté qe l'enf(\.nt, il manquait cc

--=== L'ÉTAT MILITANT 43

qui doit l'achever et la rendre virile., la tra.ce du combat et le signe ·de la tentatIon vamcue. L'heure va venir, elle vient, si elle n'est pas encore venue pour vous, où cette pureté qui n'était ... qu'une tranquille possession, doit d~venir uJ?-e laborieuse conquête... Une perturbatlOn ~e faIt, comme un empire tranquille se sent surpns dans sa paix par des émeutes populaires. Si vous tenez à chercher vos satisfactions dans ces désaccords profonds que vous font entend!e vos sens~ tusque là . dociles organes des harmomes de votre ame ... il ne restera bientôt plus que des ruines 1. »

« La puberté, dit le Docteur Beaunis, est une seconde naissance. »

Au moral: l'adolescent éprouve de mystérieux émois un désir de vagues aventures; c'est le mom~nt des rêveries et de la sentimentalité, des larmes sans motif et des rougeurs subites. L'ai­guillon des passions se fait sen~ir. La pureté cesse d'être l'innocence, pour devemr la vertu.

Au physique, le corps subit de profondes modi­fications et cesse d'être un corps d'enfant, pour devenir un corps d'homme. C'est le mot d~ C~a­teaubriand : « On se couche enfant, on se revel11e homme. » A cette époque, on remarque le change­ment de voix, la « mue )J, l'apparition locale du système pileux, la naissance aux lèvres de ce léger

. duvet de pêche que l'adolescent app.elle pr~ten­tieusement sa « moustache » et dont Il est SI fier qu'il se rase exprès pour le faire pousser plus vite.

~. EM. BARBIER, Allocutions de colUg~.

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I:es phénomènes de la puberté ne sont pas subits ~als lents et normalement ils se produisent ch~~ 1 adolescent vers quatorze ans, chez l'adolescente v.ers douze ans. Mais ils peuvent être artifi­clel~em~nt hâtés l?~r certaines causes, comme les e-:ccItatIOns du mIlIeu. ~e climat rend un Méri­dIOnal plus précoce qu'un Russe 1.

Tout éducateur sait bien qu'il doit être patient avec les enf~nts arrivés à cette période critique. Le~r nervo~Ité ne trahit pas de petits révoltés malS de petIts malades. '

. J.a passion, éveillée à la puberté, gagne en ~I01ence ~endan~ la je.une~se et la première pé­r!01te de 1 âge mur, p111S dIminue lentement pour ~ a énuer. ~u même pour s'éteindre entièrement

ans la VIeillesse. Telle est la courbe normale' a~cendan~e, puis descendante; tel est, pour ainsi dIre, le dIagramme.

Mai~, encore un coup, il faut tenir compte des ex~eptlOns, des anomalies, et tous les cas ne s'em. pns?n~ent pas dans une loi simpliste.

.AmsI la fin de la maturité peut connaître une c~Ise. Dans !e. roman consacré à ce sujet i Le dem~n ~e mzdz, P. Bourget nous prévient qu'il ne s ~gIt pas du midi « du jour)J, mais du midi « des Jours». Vous comprenez

,A l'âge d0!lt nous parlons, ~n apprécie davan­tage les réalItés sensibles. On est devenu moins

----1. MARRO, La PuberU,

" 4I:!!!.'!!'~~_~~~~'!._. _____ ~~~.!....~'!'.!!!!l?!'~ .r!l •. _'N'!;._ .:~~~_~

L'ÉTAT MILITANT 45

idéaliste plus positif, au mauvais sens du mot. La gou:mandise, par exemple, . s'accentue. ord~­nairement avec les années et samt Augustm 1111-même éprouvait cette humiliante tentation de la table. (Con/ess., L. X, ch. 3I, fin.)

La conclusion très importante, jeune homme, c'est que, pour tes défauts ou tes vices, quels qu'ils soient, il ne faut pas remettre ton amende­ment à l'âge mûr, ni à la vieillesse.

Ne dis pas: plus tard 1 L'expérience montre q~e, assez souvent plus l'homme avance dans la VIe, moins il se dorrige, les chances de conversion l étant en raison inverse des années .

Sans doute, le jeune homme est plus tenté, mais il se rend compte qu'il s'agit pour lui d'une ques­tion de vie ou de mort; il a plus d'élan naturel; il n'est pas encore familiarisé avec le péché et m~me les premières périodes de chutes peuvent cohablter avec les scrupules.

Mais, avec le temps, l'homme s'épaissit de corps et de sentiments et se vautre sans grâce, comme sans vergogne, dans les grossières jouissances.

II est plus dif-ficile de se corriger à trente ans, qu'à vingt. Il est plus dif-ficile de se c~:mi[5er à quarante ans, qu'à trente. Il est plus dlf-ficIle de se corriger vers cinquante ans, que vers qua­rante 2.

1. N~us parlons de la conversion el!e-même ~t non des circonstances rendant la vertu plus faclle: décrOIssance des passions, etc.

2. Un phénomène parallèle s:observe d~n~ un ~utr~ do­maine: le renoncement à la VIe. On crOIrait qu un Jeune homme ayant devant lui sa réserve encore entière d'ardeur

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46 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Comment expliquer ce phénomène? Par l'abus de la grâce. Par l'ancienneté des ha­

bitudes devenant un tic moral, une sorte de réflexe. Le vicieux revient à son péché, comme l'homme retourne hébété, abruti, à son alcool.

Et puis, le relâchement sénile 1 Tout le système de défense est affaibli. Dans une attaque, il ne faut pas considérer seulement la violence de l'at­taque elle-même, mais aussi le degré de résistance. L'assaut étant peu redoutable, le fort tombera cependant, si la coupole est fendillée et toute détériorée.

et d'illusions, doit avoir plus de regret de mourir qu'un vieil­lard. Erreur 1 Jeune, on est généreux pour tout, y compris pour l'acceptation de la mort. On voit couramment des en­fants, des jeunes gens, faire, le sourire aux lèvres, le sacrifice de la vie, tandis que les vieillards se raccrochent désespéré­ment à l'existence, avec des ongles décollés et saignants. C'est étrange, mais c'est ainsi 1 Et nous pourrions reprendre les chiffres de tantôt: On meurt plus difficilement à 30 ans, qu'à 20; on meurt plus difficilement à 40, qu'à 3°1 vers 50, que vers 40. Et au-delà 1._

« GARDE A VOUS, »

C'est le cri lancé au soldat 1 C'est l'avertissement donné par Notre-Seigneur

à ses disciples: « Veillez 1 Vigilate 1» Garde à vous 1 Les plus forts sont si faibles 1

Nous ne sommes pas plus saints que David 1 et David est tombé dans le péché impur.

Nous ne sommes pas plus sages que Salomon 1 et Salomon est tombé dans le péché impur.

Nous ne sommes pas plus mortifiés que saint Jérôme au désert. Or, saint Jérôme n'est pas tombé dans le péché impur, c'est vrai, mais rappe­lons-nous combien son souvenir restait hanté par les danses romaines.

Nous ne sommes pas plus éloquents que Luther, et Luther est tombé dans le péché impur. Un soir, le firmament était beau; il contemplait avec Catherine de Bora, qu'il avait séduite, le grand ciel brillant, semblable à l'écrin fastueux d'un Dieu milliardaire d'étoiles. On raconte qu'il sou­pira: « Vois-tu, ce n'est pas pour nous 1 Nous n'irons pas de ce côté-là, n~us deux 1 » •

Sois donc sur tes gardes, Jeune homme 1 CelUl qui aime le danger y périra.

Évite tout ce qui peut allumer la flamme de ta concupiscence. La légende dit que les sala-

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48 LE COMBAT DE LA PURETÉ

~andres vivent impunément dans le feu. Mais toi, Jeune homme, tu es précisément le contraire des salamandres; tu es éminemment inflammable 1

Lorsq,:'on est. en amad?u, on doit se garder de la momdre étmcelle et Ion ne passe point avec du feu près des poudrières.

SOIS PRUDENT

« Ce n'est pas la santé, mais la maladie qui est contagieuse. » (J. de Maistre.)

Tu vis au cœur des trois concupiscences 1 L'air environnant fait la qualité de nos pou­

mons et de notre sang. Or, il est une atmosphère ~ora~e, .comme une. atmosphère physique. Au­Jourd hUl, nous respIrons mal. Trop de miasmes dangereux flottent dans l'air.

Récemment, je visitais un Institut de bacté­riologie. On nous montrait les bouillons de cul­ture, les tubes remplis de microbes: bacilles et c?ques; st~e.ptocoques et staphylocoques; sar­cmes. et spIrIlles .. Combien aurait-on pu infecter de VIlles et de VIlles, avec ces agents actifs du choléra, du tétanos, de la tuberculose? .. . Et tout ce~a. grouillait, dans ces ampoules, par millions de mIlItons, dans ces ampoules que nous tenions là en mains. Elles étaient soigneusement closes.

Hélas 1 pour certains autres germes, les ampoules ne sont ~as fermé~s .. . Elles sont ouvertes à plaisir, en v,:e d un empOIsonnement systématique. Qu'est tel kiosque, telle librairie, sinon une officine où on lâche en liberté les germes de toutes les décom­positions morales, familiales et sociales ?

~~~~_~~~~ __ ._"'._~~ __ .. : ,.<_- ' .. ~.~'..~.~~~j~~~.~_m_

« GARDE A VOUS! » 49

Des journaux ont affirmé qpe les Allemands avaient intentionnellement contaminé nos sources, y déposant les microbes de la fièvre typhoïde. Jus­qu'à preuve formelle, nous pO~Ivons en d,out~r!

Mais ce que les Allemands n ont pas ose faIre, semble-t-il, envers leurs ennemis, des corrupteurs le font chaque jour envers les hommes de leur pays: ils empoisonnent les sources, non pas celles où s'abreuvent les bouches, mais celles où viennent boire les âmes.

On est peu en défiance, parce que ces germes sont tellement subtils! On serait tenté de dire: « Existent-ils? je ne les vois pas! »On ne voit pas non plus les insidieux microbes, ni les trépo­mènes, ni les gonocoques, ni les microcoques. Jusqu'ici aucun appareil de microscopie n'est assez puissant pour nous permettre d'apercevoir les microbes de la rougeole, de la scarlatine, de la variole. Ils existent pourtant et nous en sommes terriblement sûrs . ..

Défions-nous des infmiment petits.

Le taret est presque in1perceptible. n a cepen­dant n'lis vingt fois en danger la Hollande: il perce ses digues, les plus fortes du monde, et, par

. ces fentes. d'abord minuscules, l'eau passe, puis envahit les terres.

De même, les fissures de la vie morale s'élar­gissant de plus en plus, pourraient tout com­promettre.

Nous devons dire des petits dangers ce que

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-50 LE COMBAT DE LA PURETÉ

St~l disait des petits défauts: ( Les maux légers qUI se répètent et dont on ne se défie guère, sous prétexte qu'ils ne sont pas mortels, sont de plus redoutables ennemis que les grosses maladies, contre lesquelles, dès le début, on se met en dé­fense. Ce ~'est presque jamais que par les petits maux néglIgés, que les grands arrivent.

«Les petits maux sont là tous les jours 1 Les grands sont comme les aérolithes qui ne tombent sur la terre qu'à longs intervalles.

« Un point noir sur une dent, ce n'est rien. Si v?us ne le montrez pas bien vite au dentiste, c'est bIentôt toute la dent gâtée; si vous ne la faites pas arracher, ses voisines se hâteront à leur tour; puis les voisines de ces voisines.

« Ce qui fait l'extrême danger des petits maux, c'est leur ténuité même, c'est leur air d'inno-. cence 1» .

'" '" '" Il faut être prudent 1 Or, celui-là seul est vrai­

ment prudent qui prévient la maladie. On ne tâche point de n'être qu'un « candidat»

à l'arthrite ou à l'albuminurie, d'être en puis­sance de phlébite ou de . bronchite; on tâche d'éviter tout à fait ces accidents fâcheux.

«Principiis ob~ta 1 Sero medicina paratur Curn mala per longas convaluere moras .•

(OVIDE, De rem. am., v. 91 et 92).

Tu as si bien étudié, pendant tes Humanités latines, ces deux vers d'Ovide, que par galanterie je te ferai le crédit de croire que tu n'as plus besoin de traduction ..•

..

« GARDE A VOUS! » SI

Tu comprends très bien, lorsqu'il s'agit de la santé corporelle, le principe : il est plus sage de soigner sa santé que sa maladie 1 Il est plus sage de prévenir que de guérir. L'hygiène est préférable aux pilules.

Sais-tu ce qui l'emporte sur la plus parfaite obturation? C'est une dent saine.

Demande à nos mutilés si la plus admirable jambe artificielle vaut la jambe naturelle, et si un crâne bien trépané, ou réparé avec des plaques d'argent, vaut un bon crâne intact 1

SOIS INTRANSIGEANT

Ai-je dit assez, en recommandant d'être « pru­dent»? Il faudrait, pour employer le mot adé­quat et l'adjectif propre, conseiller plutôt d'être 1( intransigeant )). La matière dont nous parlons est CI. lubrique» l ce mot significatif est la traduc­tion du latin « lubricus )), qui veut dire « glis­sant )). Tu te rappelles, dans tes souvenirs d'en­fant, ces « glissoires )), sur lesquelles, gamin amusé, tu filais si vite 1 N'était-il pas plus facile de ne point s'y lancer, que de s'arrêter en route?

Le vice est une « glissoire » 1 ...

Grave-toi dans l'esprit profondément, comme avec une pointe de diamant, ces vérités si évi­dentes pour celui qui a tant soit peu de vie vécue l

Il est plus prudent de ne pas goûter du tout à certains philtres, que d 'y goûter un peu. Il est plus simple de ne rien faire du tout, que de faire

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52 LE COMBAT DE LA PURETÉ

à moitié 1. Il est plus sage de ne pas s'engager dans le chemin de la fuite, que de se dire : au mi­lieu de la débâcle il sera temps encore de faire volte-face contre l'ennemi et de reprendre le com­bat.

'" ... * Saint Ignace recommandait vivement d'être,

dans la lutte contre le démon, catégorique, et, comme nous l'avons dit, intransigeant.

« Notre ennemi ressemble à une femme: il en a la faiblesse et l'opiniâtreté. C'est le propre d'une femme, lorsqu'elle se dispute avec . un homme, de perdre courage et de prendre la fuite, aussitôt que celui-ci lui montre un visage ferme; l'homme, au contraire, commence-t-il à craindre et à reculer la colère, la vengeance et la férocité de cett~ femme s'accroissent et n'ont plus de mesure.

« De même, c'est le propre de l'ennemi, de fai­blir, de perdre courage et de prendre la fuite avec ses tentations, quand la personne qui' s'exerce aux choses spirituelles montre beaucoup de fermeté contre le tentateur et fait diamétrale­ment le contraire de ce qui lui est suggéré. Au contraire, si la personne qui est tentée commence à craindre et à supporter l'attaque avec moins de courage, il n'est point de bête féroce sur la terre, dont la cruauté égale la malice infernale . . . J)

(Règles du discernement des esprits, Ire semaine, IZe règle.)

1. s. ~rançois de Sales disait: Tant qu'un fruit n'est pM entamé, Il se conserve longtemps. Mais s'il a été entamé il se gâte vite. '

L'ENNEMI

Jeune homme 1 le grand ennemi de ton âme, c'est le péché mortel.

Il importe souverainement de comprendre la gravité de ce péché mortel d'impureté, dont on parle parfois d'une manière si cavalière et dont on ose dire: « Mais c'est courant 1 ))

Parce que nous avons peine à sonder la malice de la faute grave, en elle-même, tâchons plutôt de la voir à l'œuvre.

Saint Ignace, dans une méditation très connue, nous invite à considérer trois grands désastres, dus à trois grands péchés. Voici les tableaux du triptyque ignatien :

1er tableau: Les anges sont au ciel, beaux, heu­reux, premier-nés de la puissance créatrice. Ils commettent une faute. Laquelle?.. Était-ce la révolte contre cette Incarnation, qui leur aurait été révélée, et dans laquelle ils voyaient Dieu, mais uni à une nature inférieure à la leur: rH omme-Dieu ? Il paraît plutôt oiseux de cher­cher quel fut l'objet spécial du péché. Très pro­bablement la faute des anges fut une faute d'or­gueil, la seule qu'on imagine facilement dans leur nature toute spirituelle et encore maintenue dans son intégrité primitive.

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>= -54 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Ils tombent du ciel comme la foudre et sont pré­cipités dans les enfers. Lucifer devient Satan 1 Les anges deviennent les démons 1

Qu'est-il intervenu entre ces anges lumineux et ces démons auxquels Notre-Seigneur dit, au rapport de l'Évangile i «Retire-toi... esprit im­monde 1 ... »?

Un péché mortel. Sans doute, il était d'une exc~ptionnelle gravité, éta:q.t commis en pleine lumIère, contre la lumière 1 Mais enfin il fut unique. Or, Dieu n'exagère pas, comme l'homme emporté par un accès de colère 1 Quand il punit, il y a équa­tion entre le délit et la peine.

2 e tableau: Adam et Ève, les deux belles fleurs humaines, s'épanouissent au Paradis terr. estre. Le bonheur est leur partage et doit être l'héritage de la grande famille humaine.

Ils commettent un péché mortel. Voyez l'expiation 1 Ils perdent pour eux et

pour leurs descendants tous les dons surnaturels . et préternaturels 1 qui n'étaient concédés que gratuitement.

Le Paradis terrestre devient la « vallée de larmes». Faites par la pensée l'addition de ces milliards de larmes au cours des siècles.

l. Pie V, Grégoire XIII et Urbain VIn ont condamné la 55" des 79 propositions de Baïus : « Dieu n'aurait pas pu créer l'homme, ~ès le début, tel qu'il naît maintenant. »

Le Concl~e de Tl'e~te (Sess. VI, ch. Il déclare que, depuis le I?éché ongul;el, !e ,lIbre arbitre n'est pas supprimé, quoique m~:)lns f~rt. et mc1~.l\e au m~l'par la tentation « liberum arbi­trium mlnIme extmètum, vmbus licet attenuatum et inclina­tum. »

L'ENNEMI 55

Dans cet ancien Paradis, naissent, le jour même de la faute, trois fleuves qui baigneront désor­mais le monde: fleuve pâle des pleurs, fleuve trouble de boue, fleuve rouge de sang.

Jésus-Christ, pour sanctifier l'homme, insti­tuera les sept sacrements, comme sept sources de grâce, opposant ainsi les sept fleuves de pureté aux trois fleuves de tristesses, de hontes et de crimes.

Après la chute de l'Éden est prononcé l'arrêt: « Tu enfanteras dans la douleur 1 » Et tout enfan­tement devient pénible: pas seulement celui de la mère, mais celui du travailleur, de l'artiste, du génie. Quiconque produit quelqlfe chose, ici-bas, dans n'importe quel domaine, homme d'œuvres, savant ou prêtre, expérimente la loi. « Tu enfanteras dans la douleur ».

La mort, l'horrible mort apparaît. Le pécheur ricane parfois: « Le péché mortel 1

On n'en meurt pas 1 » On n'en meurt pas? Mais on ne meurt qu'à

cause de cela 1 « La mort est la rançon du péché. » (Ép. aux Rom., ch. VI, v. 23.)

Tu mourras, toi, à cause de ce péché d'Adam et d'Ève. Les hommes en meurent 140.000 fois par jour 1 97 fois par minute 1 Cette faute est donc punie 140,000 fois par jour 1 Combien ago­nisent en ce moment même 1. ..

Or, répétons ce que nous disions plus haut: un péché mortel avait été commis, spécialement grave, mais unique. Et la punition de Celui que saint Paul appelle le juste Juge « justus Judex » (2 Tim., ch. IV, v. 8) ne peut pas excéder l'impor­tance réelle du délit.

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LE COMBAT DE LA PURETÉ -_._-."------.--~-~.-

311 tableau: Un homme, ayant d'ailleurs vécu jusque-là généreusement, commet un péché mor­tel; un péché mortel, donc il ne s'agit pas d'une surprise à demi consciente ou à demi volontaire mais d'une faute supposant plénitude de délibé: ration et de révolte.

Cet homme, s'il mourait sans s'être réconcilié avec Dieu, tomberait en enfer.

Et cependant, répétons--le une troisième fois, il ne s'agirait pas de cent péchés mortels, ni de dix, mais d'un. Et la justice de Dieu est parfaite.

L'hypothèse de cette mort spéciale, dont parle saint Ignace, venant à se vérifier, la conclusion est rigoureusement théologique.

Mais cette hypothèse se réalise-t-elle souvent, en fait? C'est le secret de Dieu. Jamais nous n'avons la certitude qu'un homme est damné, même s'il paraît mourir dans l'acte du péché. En effet, on n'a pas encore trouvé jusqu'ici un seul criterium absolument certain de la mort, à pa~t la décomposition qui survient relativement tard. Lisez, entre autres, La mort aj)parente et la mort réelle, par le R. P. Ferreres, S. ]. 1. ou la Déon­tologie médicinale 2 duR. P. Salsmans, S. J., pro­fesseur de théologie morale à Louvain. Si l'homme ne peut mourir, en réalité, qu'une demi-heure plus tard qu'on ne le croit (après une lente con­somption, par exemple) ou même deux heures et davantage (après un accident qui a trouvé in-

1. Paris, Beauchesne. 2. Geneeskundlge plichtenleer nO 232. - (Leuven: De

Vlaamsche boekenhalle Sint-Michiel) .

.. L ' ENN EMI 57

tacte encore la réserve vitale) , ne pourrait-il pas,. pendant cet intervalle de survie, faire un acte de contrition parfaite et se .rendre aux derniers assauts miséricordieux de la grâce 1 ?

Je ne saurais pas vous prouver que cela se passe. Mais vous ne sauriez pas me prouver que cela ne se passe point.

Jamais donc on n'est sûr de la damnation, exception faite pour le seul Judas 2.

* >11 >1<

Saint Ignace termine sa méditation par un colloque avec le Sauveur en croix. Homme, qui parlais si lestement du péché, vois ce qu'a fait ce péché 1 Il a tué l'Homme-Dieu.

Devant ce cadavre du Christ, comprends-tu enfin? ... On peut t'appliquer les mots de Tacite parlant du matricide Néron: « Perfecto demum scelere, magnitudo ejus intellecta est» (A n-

1. Évidemment, ce serait folie d'escompter pareil moment pour sa conversion. D'abord cette survie n'est qu'une proba­bilité. Il est fort clair que la théorie du Probabilisme ne rend ici aucun service: il s'agit d'une question de fait. Cela est, ou cela n'est pas. Toute vraisemblance cède devant la vérité du contraire 1 et toute présomption devant la certitude. Et puis, même, à supposer que l'homme vive encore, n'est-il pas dans un état comateux, inconscient?

. Peut-on raisonnablement remettre l'affaire la plus grave à un moment si défavorable ou même incertain ? Le ferait-on s' il s'agissait d'un testament ... d'un intérêt auquel on t ient beaucoup ?.. •

2. Sans doute, on pourrait ne pas trouver une évidence totale dans les textes de l'Évangile parlant de Judas. Mais ces textes mis dans la lumière de la Tradition et interprét és pa.r les Saints Pères, ne laissent plus place au doute. (Ami du clergé, II juin 1931, pp. 393 et 394)·

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=:::s::::::: _ __ .

LE COMBAT DE LA PURETÉ

naZes, L. XIV, ch. ro), « Ce n'est qu'après avoir consommé son forfait, qu'il en comprit toute l'horreur Il.

'" II< '"

Maintenant qu'elle a réfléchi sur l'énormité du péché mortel, l'âme est préparée à entendre la. parole du ~aître 1 « Si ton œil droit est pour tOl une occaSlOn de chute, arrache-le et jette-le loin de toi 1 Car il vaut mieux pour toi qu'un seul de tes membres périsse et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne. Et si ta main droite. est pour toi une occasion de chute, coupe-la et Jette-la loin de toi; car il vaut mieux pour toi qu'un seul de tes membres périsse et que ton corps tout entier ne soit point jeté dans la géhenne ». (St Matth., ch. V, v. 29-3r).

Peut-être sommes-nous tentés de dire: Maître Cl cette manière de parler est dure 1 » « Durus est hic sermo 1 »

Mais observons ce que font, chaque jour, tant d'hommes et de femmes qui, pour garder la vie, ac~eptent une mutilation chirurgicale 1 Que de fOlS, à l'ambulance établie à notre Collège de Namur, au début de la guerre, j'ai moi-même as~isté à ce dialogue: le docteur disait au soldat 1 « Ecoute 1 tu es un homme 1 Je vais te parler franchement. La gangrène monte' si tu ne te laisses pas couper la jambe, ou le' pied, c'est la mort 1» Et lui, le pauvre petit soldat, étai devenu tout pâle 1 Il répondait: « Ah 1 c'est rude ce que vous me dites là, docteur j Mais enfin, si

1 •

.. ::scz:: _:ad

L'ENNEMI 59

vraiment c'est une question de vie ou de mort, eh bien 1 soit 1 tranchez 1 »

Il obéissait à ce principe de bon sens élémen­taire: il vaut mieux sacrifier la partie que le tout 1 et l'intégrité des membres que l'existence elle-même 1

Ce que comprennent si bien les mondains pour la vie du corps, comprenons-le pour la vie de l'âme, et disons avec saint Augustin: « Hic ure 1 hic seca 1 dummodo in aeternum parcas 1 » Seigneur 1 bon chirurgien de nos âmes, cautérisez mes plaies, taillez dans le vif, pourvu qu'ainsi vous m'épargniez pour l'éternité.

Au demeurant, il est très clair que les 'paroles de Notre-Seigneur l « Arrache ton œil l ' coupe ta main 1 )) ne constituent qu'une image 1 Ni Lui, ni l'Église n'ont jamais ordonné à quelqu'un de s'arracher lui-même un œil, de s'amputer le pied 1 Ces expressions ne sont qu'une manière de parler métaphorique, revenant à dire d'une façon expressive: Souffre tout 1 accepte tout, y compris, le cas échéant, cette mutilation corporelle que certains hommes -- les martyrs - ont subie, plutôt que de perdre ton âme par le péché mortel!

'" * '" Le point examiné jusqu'ici est la gravité du

péché mortel. Il ne sera point inutile d'approfon­dir un peu la nature du péché mortel, pour tirer de cette analyse plusieurs corollaires.

Qu'est-ce qu'une faute grave? C'est une faute 011 se réa.lisent simultanément

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les t~ois éléments! matière grave; délibération parfaIte; consentement entier. Nou~ l'avons di.t tantôt: péché mortel signifie

que, SIon mouraIt dans cet état, on tomberait en e~fer 1 Enfer: ce petit mot de deux syllabes est v:Ite prononcé, .mais il représente une réalité fo~rmdable 1 devenir un malheureux immortel 1 DIeu n~ serait pas .infinim,:nt bon, ou plutôt II ne se~aIt pas ~em.e Juste, ~ Il c?ndamnait à pareil ~up~h~e, celUI HUI pourrait lUI répondre: « Mais Je ~ al pas enherement consenti, ou entièrement délIbéré 1 )l

Non, Dieu ne prend pas l'homme en traître et n'est pas un tyran qui triomphe de nous sur­pre~dre dans un acte à demi conscient, pour nous pumr éternellement 1

Le péché mortel n'est point une notion soit d'addition, soit de durée.

a) Ce n'est pas une notion d'addition ou de ~.u1tip~ication. En d'autres termes, il ne faut pas s Imagmer que les l?échés véniels s'ajoutant les uns aux autres fimssent par atteindre une si grande quantité que, se totalisant, ils constituent un p~ch~ mortel. Mille péchés véniels ne font pas u~ peche, ~ortel, parce que ces deux concepts de p~cM veIllel et de péché mortel sont cc analo­gIques ", c'est-à-dire irréductibles l'un à l'autre On dit, très familièrement l cent poires ne font pas une orange.

b) Il ne s'agit pas davantage d'une question de

lU! _. __ _ ~~===. "':!.~~~~':"~!:'!"~~._ ..•.. ____ . __ ~.~~~

L'ENNEMI 61

durée. Une faute de vanité, de paresse, peut SI\!

prolonger pendant des semaines et rester légère. Une faute de blasphème peut ne durer qu'une minute et cependant, si elle est bien volontaire. elle est grave.

Les pires méfaits parfois se commettent très rapidement. Il faut si peu de temps pour presser sur la gâchette d'un fusil ou lancer une bombe. De même, un péché de pensée, de désir, peut s'accomplir en une fraction de minute.

Mais encore faut-il que dans ce raccourci de temps, si petit soit-il, l'homme ramasse sa pleine personnalité et la condense si intensément qu'il jette dans cet acte sa plénitude de délibération et de consentement.

Donc le péché mortel n'est pas une notion de durée ou d'addition, mais de gravité.

C'est l' « aversio a Deo)J, le fait, équivalem­ment, de tourner le dos à Dieu, de poser consciem­ment ce qu'on pourrait appeler une complète rupture de relations avec Lui. Si profonde est la perturbation amenée en nous par cette révolte et cette insurrection contre Dieu, qu'elle devient une manière de bolchevisme dans l'ordre moral.

* .. >1<

De cette définition du péché mortel, se dé­duisent plusieurs règles, 'd'autant plus importantes qu'elles s'appliquent, non seulement aux péchés d'impureté, mais à tous les péchés, sans excep­tion. Les principes que nous allons exposer ne sont pas des trouvailles 1 ni des subtilités finement

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62 LE COMBAT DE LA PURETÉ

discutées entre Lehmkuhl et Ballerini-Palmieri 1 Nous ne parlons pas à des théologiens, mais à des jeunes gens.

1er •. Les scrupuleux doivent se raSsurer. Ils

prinCIpe. t t t ft" 'D' se rompen e on InJure a leu, quand ils s'imaginent que la vie chrétienne est un terrain miné, où l'on est ellglouti sans même avoir pu se reconnaître, une espèce d~ bois semé d'invisibles traquenards et d'innombrables pièges à loups. Non 1 non 1 il n'y a pas d'embûches divines et l'on ne commet de péchés mortels que l'ayant su, et complètement su, que l'ayant voulu et complètement voulu.

Vous dites: « J'ai si peur de commettre un péché mortel 1 li .

Mais ne voyez-vous pas que ce qui doit vous rassurer le plus, c'est précisément cette peur? Le seul fait de redouter extrêmement une chose, prouve bien qu'on ne veut pas cette chose 1

Saint Ignacy, - que Léon Daudet appelait récem­ment « le roi des psychologues »... « le prince des psychologues 1 », - saint Ignace, dis-je, dans ses « Règles pour la connaissance et le discernement des scrupules», estime que l'épreuve des scru­pules «est très utile, durant quelque temps, à l'âme .. . car elle sert grandement à la rendre plus nette et plus pure, en la séparant entièrement de toute apparence de péché, selon cette parole de saint Grégoire: C'est le propre des bonnes âmes de reconnaître une faute là où il n'y a pas de

1. L. DAUDET, Les œuvres dans les hommes, p. 108.

L'ENNEMI

faute: Bonarum mentium est, ibi culpam agnos­cere, ubi culpa nullaest » 1.

« L'ennemi (Satan) considère attentivement si une âme est peu scrupuleuse, ou si elle est timorée. Si elle est timorée, il tâche de la rendre délicate à l'extrême, pour la jeter plus facilement dans le trouble et l'abattre. Il voit, par exemple, qu'elle n~ ~o~sent ni au péché mortel, ni au péché véniel, m a nen de ce qui a ombre de péché délibéré! il tâchera, puisqu'il ne peut la faire tomber dans l'apparence même d'une faute, de lui faire juger qu'il y a péché, là où il n'y a point de péché ... Au contraire, si l'âm~ est peu scrupuleuse, l'ennemi s'efforcera de la ren(}re moins scrupuleuse encore. Par exemple, si jusqu'ici elle ne faisait aucun cas des péchés véniels, il tâchera qu'elle fasse peu de cas des péchés mortels; et si elle faisait encore q,:elque cas des péchés mortels, il la portera à y faIre beaucoup moins d'attention ou à les mépri­ser entièrement.

« L'âme, qui désire avancer dans la vie spiri­tuelle, doit toujours procéder d'une manière con­tr,a~re à cell~ de l'ennemi. S'il veut la rendre peu dehcate, qu elle tâche de se rendre délicate et timorée; mais si l'ennemi s'efforce de la rendre timorée à l'excès pour la pousser à bout, qu'elle tâche dgl se consolider dans un sage milieu pour y demeurer entièrement en repos. D

1. C'est, du moins, la règle générale. Nous l'avons déjà ~ot~: dans une même âme peuvent s'abriter ces deux hôtes 111 différents: le péché mortel et le scrupule·. Mais ordinaire­ment leur voisinage ne dure pas longtemps, parce que l'un tue l'autre.

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64 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Saint Ignace nous laisse d'autres directives pré­cieuses dans ses « Règles du discernement des esprits» :

« Chez les personnes qui travaillent courageuse­ment à se purifier de leurs péchés et vont de bien en mieux dans le service de Dieu Notre-Seigneur". c'est le propre du mauvais esprit de causer de la tristesse et des tourments de conscience, d'élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d'arrêter leurs progrès dans le chemin de la vertu; au contraire, c'est le propre du bon esprit de leur donner du c,ourage et des forces, de les consoler ... de les établIr dans le calme, leur facilitant la voie et levant devant elles tous les obstacles, afin qu'elles avancent de plus en plus dans le bien.» (zr" sem., 2' règle).

cc C'est le propre de Dieu et de ses anges, lors­qu'ils agissent dans une âme, d'en bannir le trouble et la tristesse que l'ennemi s'efforce d'y intro­duire, et d'y répandre la véritable allégresse et la vraie joie spirituelle.

« Au contraire, c'est le propre de l'ennemi de combattre cette joie et cette consolation inté­rieure, par des raisons apparentes, des subtilités et de continuelles illusions.» (2" sem., l'" règle).

cc Le bon ange a coutume de toucher doucement, légèrement et suavement l'âme de ceux qui font chaque jour des progrès dans la vertu; c'est pour ainsi dire une goutte d'eau qui pénètre dans une éponge.

CL Le mauvais ange, au contraire, la touche durement, avec bruit et agitation, comme l'eau qui tombe sur la pierre. » (2' sem., 7' règle).

.... -L'ENNEMI

Que l'âme trop craintive obéisse aveuglément iu confesseur: c'est à la fois sagesse humaine et humilité chrétienne; qu'elle regarde comme un danger très subtil, ce scrupule qui fait de la vie chrétienne un fardeau si insupportable qu'on est tenté de s'en débarrasser, en sorte que le rigo­risme aboutit parfois au laxisme.

Le scrupuleux doit prendre l'inébranlable réso­lution de ne jamais revenir sur les faits déjà accu­sés à confesse, à part le cas (presque métaphysi9,ue pour lui 1) où il constaterait qu'un péché certazne­ment mortel, n'a certainement pas été confessé. Qu'il jette ses pusillanimités dans la miséricorde de Dieu et se persuade qu'il n'a rien à craindre, puisque des fautes même graves, quand. elles SO?t oubliées à confesse, et tues sans mauvalS voulO1r, sont remises indirectement, mais réellement. Devrait-il y revenir dans la confession suivante? Oui, si se vérifiait la double certitude dont nous venons de dire qu'elle est, pour le scrupuleux, très peu vraisemblable.

Est-il possible de pécher gravement S" principe. pendant le sommeil, par rêves ou

impressions quelconques? . Ni gravement, ni même légèrement, car 11 est

contradictoire dans les termes, de dire qu'une personne consent et de dire qu'elle dort, ce. qui suppose chez elle l'impossibilité de consentir.

- Et pendant le demi-sommeil? par exemple, le matin et le soir, dans cet état indécis entre celui de conscience et celui de sommeil ?

Le problème est beaucoup plus délicat. L'incon­science est lentement progressive; à quel degré

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66 LE COMBAT DE LA PURETÉ

est-elle arrivée? L'emporte-t-elle sur l'état con­scient ou celui-ci demeure-t-il, au moins substan­tiellement ?

Si vraiment il y a déjà demi-sommeil, il ne reste plus que demi-conscience et dès lors peut se com­mettre le péché véniel, mais pas le péché mortel, puisqu'il suppose, par définition, délibération et consentement entiers. Le principe est extrême­ment simple (quoi qu'il en soit de l'application peut-être délicate) : oui ou non, y a-t-il encore connaissance et volition?

'" '" '" Si Je jeune homme subit, la nUit, certâins phé­

nomènes caractéristiques 1, que doit-il faire? Ou bien il ne se réveille point et alors la ques­

tion de moralité n'est pas en jeu, puisqu'il s'agit d'un phénomène subi tout passivement pendant le sommeil. Il devrait cependant se garder de poser volontaire~ent, pendant l'état de veille, des causes de troubles l lectures, désirs volon-taires, etc. , , Ou bien il se réveille. Dans ce cas, il ne peut

évidemment ni consentir, ni rien faire dans le but de provoquer les mouvements désordonnés ou de terminer le phénomène commencé inconsciem-

1. Leur fréquence, très diverse, peut osciller entre une fois par semaine et une fois par trimestre. Ce nombre se modi­fie « suivant les individus, le climat, le régime et varie entre ces deux termes: une fois par semaine, à une fois tous les deux ou trois mois; dans ces ~imites, ils sont compatibles avec uno bonne santé. » (Dr JAMES PAGE'r).

ment. Mais, si, vraiment ne se réalise pas le danger prochain de consentement, est-il obligé de changer une position qui serait correcte ou même de se relever? Non 1 D'autre part, il sera plus généreux en le faisant, et il faut le lui recommander instam­ment, surtout s'il n'éprouve pas d'inconvénient et s'il peut encore empêcher ainsi le résultat en question. .' Il arrive que des personnes ont fait ,

3 pnncipe. étant fort jeunes, des actes contraires à la pureté. Plus tard seulement, à la suite d'un sermon, d'une retraite, ou la réflexion et l'âge survenant, elles se rendent compte de la gra­vité de cette action et se disent: « Mais, ce que je faisais était une chose gravement défendue 1 »

Avaient-elles alors péché mortellement? Non. On pèche avec la conscience que l'on

a du geste posé. Si donc maintenant qu'elles ont remarqué la nature coupable de tel acte, elles l'admettaient, elles en porteraient la respon­sabilité, puisque se rencontreraient en même temps et la gravité objective, et la malice sub­jective.

Mais il s'agit d'un acte commis autrefois; ,or, autrefois, par hypothèse, on ignorait que la chose en question fût, en soi, un péché mortel. Le péché mortel n'a donc pas été perpétré. A moins, bien entendu, que cette ignorance n'ait été volon­tairement admise ou entretenue, il n'y a eu que la matérialité d'une faute grave, mais pas l'élé­ment moral de la responsabilité.

Si restaient des troubles de conscience fondés, parce qu'on avait eu la connaissance obscure que

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68 LE COMBAT DE LA PURETÉ

les actes étaient défendus, il serait utile de se con­fesser. Nous l'expliquerons bientôt plus au long. (P. 76). Pratiquement, dans le cas cité, le j~une homme conserve presque toujours des cramtes qui ne tombent que par la confession.

« J'ai admis, dit-on souvent, une faute ,. principe. d'impureté, mais je n'ai pas eu l'inten-

tion d'offenser Dieu. Il

Cette intention explicite d'offenser Dieu est rare et ne se constate que dans certains péchés de malice. Mais il suffit, pour constituer un péché mortel de l'intention implicite, qui existe dans les péchés de faiblesse. Tel acte ,(s'il est. délibéré) et l'injure faite à Dieu, sont soudes essentIelle~ent, de manière qu'ils deviennent absolument msé­parables et, dès lors, l'acte est, par sa nature même. une désobéissance à Dieu.

Que pensez-vous de l'enfant qui dirait à son père: «Vous m'avez. f~rme11emènt interdit t;l1e chose. Je la ferai. MalS Je neveux pas vous deso­Mir.» Acte et désobéissance coïncident. néces: sairement J Ainsi l'impureté est .une actIon ~u". offense Dieu, bien qu'elle ne SOIt pas commIse pour offenser Dieu. .

Ce qui est vrai, c'est que l'impureté est, par~ll les péchés mortels, celui qui représente le ~oms d' « aversio a Deo » et le plus de « converslO ad creaturam ». Aussi Notre-Seigneur, qui, da.ns l'Évangile, se montre si sé,:ère. pou~ la perv:rslt~ des Pharisiens, est très mIsérIcordIeux, LUI qUI sait combien « la chair est faible, li enve~ les

1 repentants qui vi~nnent pleu.rer près de lUI les surprises de la chaIr et la défaIllance des sens.

.. L'ENNEMI

Nous parlons de l'impureté elle-même, indé­pendamment de circonstances aggravantes, comme seraient: la froide préméditation, la lâcheté d'un homme abusant de sa force ou de son argent, la séduction entreprise méchamment, l'adultère qui complique la faute contre la pureté, d'une faute contre la justice.

. i La responsabilité est parfois «cau­,e pnnc pe. al se». n peut arriver qu'un homme ne soit pas res­

ponsable ,au moment même où s'accomplit maté­riellement l'action, mais qu'il ait encouru la faute précédemment, lorsqu'il posait librement la cause et que le corollaire était dans le champ normal de sa prévision.

La philosophie expose ce principe en deux adages classiques: « Causa causae est causa cau­sati. .. Qui vult antecedens, vult et consequens .• Celui qui veut la cause, veut implicitement l'effet qui s'y trouve contenu; celui qui veut l'arbre, veut la branche qui naît de cet arbre et le fruit qui naît de cette branche.

- Il est vraiment trop commode pour celui qui a 9éclenché une injuste guerre, de pousser devant l'horreur des résultats, l'exclamation: « Je ne l'ai pas voulu 1» Il n'a pas voulu tel meurtre spécial, soit 1 mais, s'il a décidé la guerre, il a décidé les deuils et les tueries, qu'elle com­prend toujours. Donc, il l'a voulu J

'" '" '" Les principes rappelés ont de nombreuses appli-

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

cations en matière de cha:steté. Un jeune homm~ ,dira: « J'ai vu rouge .dans c~tte oc?asion. » ,

, Cela peut être vraI parfoIS. Mals cette espece de folie, vous l'aviez prévue: l'expérience ne vous l'avait que trop apprise. Et cependant, sans ex-' cuse, vous vous y êtes exposé. Vous avez péché. au moins alors: au preinier regard, si plus aux derniers; à la première page de ce roman, si plus à la centième. Vous n'étiez plus libre de vous arrêter sur la pente; mais vous étiez libre de ne pas vous mettre Sl)r la pente 1

Il se peut que vous ayez perdu la tête dans telle maison, à tel ÎIl$taht. Cela prouve tout au plus que vous n'étiez plus responsable à ce mo­ment déterminé; mais vous l'avez été en entrant dans cette demeure. Le vrai moment de la respon­sabilité fut celui où vous avez franchi le seuil, avec la certitude que vous succomberiez.

Dieu n'a pas sëulement défendu les 6

e principe. actes impurs, mais les imaginations,

pensées 1 et désirs:

Luxurieux point ne seras De corps, ni de consentement.

Sachant que l'acte est l'aboutissant logique de l'idée, Il n'a pas uniquement voulu couper la

1. Distinguons soigneusement trois cas: 4) Penser à une chose qui a un côté impur. C'est souvent

nécessaire. . . . b) Penser à 'une chose par ce côté. C'est parfOIS léglbm~,

dans l'étude, par exemple. Dieu,- qui connaît tout, connalt aussi cet aspect des réalités.

c) Y penser pour ce côté. C'est maL

= L'ENNEMI 71

plante vénéneuse, mais remonter à la racine elle-même, pour l'extirper du cœur humain.

« Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens: Tu ne commettras point d'adultère. Et moi je vous dis que quiconque regarde une femme avec convoitise, a déjà commis l'adultère dans son cœur. Il (S. Matth., ch. V, v. 27).

Il importe de considérer non seulement le début de nos pensées, mais tout le processus, parce qu~.! d'abord innocentes, elles peuvent gau­chir et dégénérer,

«C'est le propre de l'ange mauvais, lorsqu'il se transformèen ang@ de lumière, d'entrer d'abord dans les sentiments de l'âme pieuse et de finir par lui inspirer les siens propres. Ainsi, il commence par suggérer à cette âme des pensées bonnes et saintes, conformes à ses dispositions vertueuses; mais bientôt, peu à peU, il tâche de l'attirer dans ses pièges sec:rets et de la faire consentir à ses coupables desseins.

« Nous devons examiner avec grand soin la suite et la marche de nos pensées. Si le commence­ment, le milieu et la fin, tout en elles, est bon et tendant purement au bien, c'est une preuve qu'elles viennent du bon ange.» (S. Ignace, « Règles du discernement des espritS», 2 8 sem., règles 48 et 5e).

.. '" '"

Quels sont les principes de la responsabilité dans les tentations de mauvaises pensées?

Trois attitudes morales sont possibles: Résister positivement; consentir positivement;

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.. 72 LE COMBAT DE LA PURETÉ

garder l'attitude intermédiaire de ne point com­battre, mais aussi de ne point céder. Examinons chacune de ces trois hypothèses, en commençant par la dernière. 8 thè Théoriquement, il suffit de réaliser

e hypo se. cette troisième attitude, puisque en-fin le péché consiste à vouloir le mal et que, dans cette troisième hypothèse, on ne le veut pas, et de plus, on n'est pas, nous le suppo­sons encore, dans l'occasion prochaine de le vouloir. Mais en pratique, surtout si la tentation est impétueuse, il sera concrètement presque im­possible de résister, sinon en s'efforçant, non seulement de ne pas garder cette espèce d'at­titude neutre « ne pas vouloir, D,mais de vouloir positivement le contraire. S hyp thè Si; ayant pris conscIence que des pen-

e 0 se. sées, des désirs sont malsains, libre-ment on y consent, à ce moment précis com­mence la responsabilité.

Pas plus qu'on n'a le droit de conserver une mauvaise image dans un album secret, on ne peut garder volontairement un mauvais phantasme dans l'album secret du souvenir. A côté du déver­gondage extérieur, il yale dévergondage inté­rieur: mémoratir ou imaginatif. Le rôle de l'ima­gination, dans les tentations lubriques, est très grand. L'acte coupable est normalement accom­pagné _.ile représentations qui le provoquent et l'entretiennent; même dans les impressions véné­riennes subies pendant le sommeil, le tableau cérébral intervient pour une large part (que ce $oit d'ailleurs à titre de cause ou d'effet).

eo

L'ENNEMI 73

Nous avons vu que les satisfactions sensuelles sont d'ordre nerveux. Le système nerveux est en communication avec ce bureau central qu'on nomme le cerveau. Or, l'image (l'image corres­pondante) est une forme de l'activité cérébrale. Il n'est donc pas étonnant que mouvements lascifs et imaginations lascives aillent presque toujours de pair 1.

lrehypo- On tâche de rejeter les mauvaises pen-thèse: sées. Dès lors, non seulement on ne

commet pas de faute, mais on a~qui~rt des m~­rites, puisqu'on remporte une vlctOlre sur SOl­même.

... ... ...

- «Mais les pensées ou imaginations qui me poursuivent sont abominables 1 »

Soit 1 le péché n'est pas dans le jeu de l'imagi­nation ou de l'intelligence, mais dans le consen­tement de la volonté.

«Non nocet sensus, ubi non est consensus. » Ce qu'on pourrait traduire par ces deux vers,

que d'ailleurs je ne vous donne pas comme étant de Racine ou de Corneille :

Ce n'est rien de senti" C'est tout de consentir.

l, «Quantum ... phantasia valeat ad venereum appetitum vel excitandum, vel moderandum, vel sedandum, O1;nne,s perspectum habemus. » R , P. V ERME ERSCH, S. J" De Cast~­tale, nO 16, Nous savons tous combien le rôle de l'imagination est important pour exciter, modérer ou apaiser les tendances vénérienlles.

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~===:..~=======--"..=-.""" 74 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Éprouver n'est pas approuver. . - « Mais ces pensées tournent à l'obsession et

me harcèlent jour et nuit. »

Et après? Il est beaucoup plus beau de résister deux heures, que de résister deux minutes. Com­bat plus long, palme plus belle 1

« On. peut m~rite: de deux manières, lorsqu'une mauvaise pensee Vient du dehors.

« Premièrement, si, lorsque la pensée de com­mettre un péché mortel se présente, je lui résiste aussitôt et qu'ainsi j'en triomphe.

« Secondement, si, d'abord repoussée, cette mau­yais~ pe~sée revient une ou plusieurs fois et que Je l?l réSiste toujours, jusqu'à ce que je la chasse entièrement. Cette seconde manière est d'un PZus grand mérite que la première. » (S. Ignace, Ex. général.)

- « Mais je ressens le plaisir défendu. » La chose est fatale, mais tu es irresponsable

tant que tu l'éprouves sans l'avoir recherchée et sans t'y complaire volontairement.

- « Je tremble, en songeant qu'il suffit d'une mi­nute pour commettre un péché mortel de pensée 1 »

!l suffit d'une minute aussi pour lacérer une tOile .d~ Rubens, pour souffleter un ami ou pour se SUiCider, en se Jetant par la fenêtre. Crains-tu, cependant, de commettre ces énormités d'une minute, malgré toi?

Cette autre énormité d'une minute, le péché m?rtel! ne sera pas davantage commise malgré lot, pUisque la faute grave suppose essentiellement outre la matière grave, la délibération parfait~ et le consentement entier.

aa:z:z::_

L'ENNEMI 75

- « Le diable est si fort 1 Il Le diable, dit saint Augustin 1, est un chien

qui aboie terriblement.. . mais il est lié. Laisse clabauder ce rageur impuissant. Il ne te mor~ra que si tu vas, toi-même, lui détacher son collier.

« Ces tentations m'assaillent de pré­'1. principe. férence avant la communion. »

Le phénomène est assez fréquent. Il s'explique, d'abord par une cause toute naturell~: Le .ma~in, l'esprit ayant toute sa fraîcheur et limagmat~on n'ayant pas encore travaillé, jouent pl?s facIle­ment. Les facultés oht alors leur maXImum de plasticité.

De plus, le démon sachant fort bie~ qu~ la communion est le grand moyen de sanctificatiOn, tâche, pour nous en détourner, de no~s troubl~r et il insinue: «Comment 1 tu oseraIS receVOir ton Dieu dans une â.me toute hantée de désirs malsains et souillée de pareilles vilenies ? »

S'abstenir de la communion, alors qu'on n 'a pas co~senti au mal, c'est faire admirablement le jeu du démon. .

- « Mais, parfois, on ne sait pas, avant 1:'1-Sainte Communion, si, oui ou non, on a consentI. Quelle est alors la règle ? D

Tant qu'il reste solidement 2 probable.qu'on, est encore en état de grâce, on garde le drOit de s ap­procher de la Sainte Table. Il serait prudent de

1. S. Augustin, Sermon 19'7. ~ur la tempérance .. 2. La théorie du • Probablhsme. ~up{l~se touJours que

la licéit é de l'action en jeu ait une probabilIté non I?as quel­conque mais solide. Sans doute, elle ne dOIt p~s etre plus /iirande' que la probabilité contraire, comme l'eXige le « Pro-

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...... LE COMBAT DE LA PURETÉ

faire un acte de contrition parfaite. Mais la con­fession ne peut êfre imposée. Pourquoi? La loi de la confession ne valant (même ' à Pâques, en toute rigueur) que pour le cas de péché mortel et dans notre hypothèse, le péché mortel étant trè~ sérieusement douteux, la loi elle-même devient douteuse; or, la loi douteuse n'oblige pas: « lex dubia, lex nulla. »

Cependant, si la crainte d'une faute grave est assez fondée, il deviendrait hautement souhai­table, et il serait plus convenable, plus pacifiant, de passer par le confessionnal. Sans doute, nous avons dit qu'il n'y aurait pas d'obligation vraie, tant que reste solidement probable le fait d'avoir résisté, mais c'est le cas ou jamais de distinguer la loi formelle et le conseil.

Dans les rapports avec ~otre-Seigneur, comme dans ceux avec les hommes, à côté de ce qu'il faut faire, existe tout le domaine des délicatesses et des convenances.

Le doute dont nous parlons sera plus facilement fondé chez celui qui resterait perplexe sur l'état de son âme, malgré sa conscience « à gros grains », que chez celui qui hésiterait parce qu'il est porté aux scrupules. Or, remarquez-le bien, nos conseils en ce moment s'adressent surtout aux âmes dé­lica.tes et elles peuvent s'appliquer l'adage: f( In

babiliorisme J, n i même rigoureusement égale comme le veut l' « ~quiproba~i1isme », mais au moins doit:eUe tOUjOUI8 rest~r vraunent séneuse. Cette remarque seule suffirait déjà à faIre tomber beaucoup d'objection~ contre le Probabilisme. Antreml:mt conciu, il n'est plus le Probabilisme, mais le La.lPsn1e.

u ....

L'ENNEMI 77

dubiis judicandum est ex ordinario contingenti­bus », en estimant que, dans le doute, la présomp­tion est en leur faveur.

• • • Tous les principes exposés jusqu'ici sont fort

bien résumés par un maître de la vie spirituelle: saint ' François de Sales. Voici cette page écrite dans un joli français et pensée avec beaucoup de bon sens:

cc 1hes-vous en butte aux tentations? « Il ne faut, pour cela, ni s'inquiéter, ni changer

de posture 1 c'est le diable qui va partout autour de votre esprit, furetant pour voir s'il pourrait trouver quelque porte ouverte. Il faisait comme cela avec Job, avec saint Antoine, sainte Cathe­rine de Sienne et une infinité de bonnes âmes.

« Faut-il se fâcher pour cela? 1( Laissez-le se morfondre; tenez toutes les

avenues bien fermées, et il se lassera enfin, ou, s'il ne se lasse pas, Dieu lui fera lever le siège.

Ci C'est bon signe qu'il fasse tant de bruit et de tempête autour de la volonté: c'est signe qu'il n'est pas dedans 1 Gardez-vous bien de savoir mauvais gré à votre cœur de ces fâcheuses pen­sées qui lui sont tout autour: car le pauvret n'en peut mais, et Dieu même ne lui en sait aucun mauvais gré, au contraire 1 Sa divine sagesse se plaît à voir que ce petit cœur va tremblotant à l'ombre du mal, comme un petit poussin à l'ombre du milan qui va voltigeant au-dessus.

\( Recourons à la croix, embrassons-la de cœur; demeurons en paix à l'ombre de ce saint arbre.

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« Il est impossible que rien nous souille, tant que nous avons une vraie résolution d'être tout à Dieu.

« Il ne faut donc point s'effaroucher dans les tentations, mais deme~rer en une gaie et douce résignation au bon plaisir de Dieu.

« Les tentations ne peuvent rien ôter à la pureté du cœur qui ne les aime point. Ne les regardons pas, mais regardons fixement notre Sauveur qui nous attend au-delà de la tourmente.

« Les tentations ne nous troublent que parce que nous y pensons trop et que nous les craigrions trop. »

Méditez ces deux dernières ligries de saint François de Sales, vous que préoccupe, outre mesure, l'assaut des importuns désirs.

Pourquoi perdre la maîtrise de v.otre â~e, en vous énervant? L'affolement entretIent et mten­sifie ces tentations. Gardez votre volonté bien <J'énéreuse mais votre cœur bien calme. L'irrita-" , tion est de la force déplacée 1

Tâchez plutôt de négliger, de méPriser.

* ... * Je vais vous d~re toute ma pens~e. . L'essentiel seraIt de songer le moms pOSSIble à

l'impureté 1. Certains finissent par s'halluciner

1. Il faut bien, parfois, traiter ex professo la question de la chasteté, comme nous le faisons nous-mêmes dans ce tra­vail. Dans ce cas, il semble préférable de parler de .l~ pureté que de l'impureté et ainsi on envisage le côté posltIf (mon­trant les avantages de la pureté, sa llossibilité, les moyens de

L'ENNEMI 79

devant ces misères et concentrent tellement leur attention sur tout ce qui touche à la pureté, qu'ils finissent par croire que la religion ne con­siste qu'en cela 1

Voyons les choses grandement 1 Le jour où l'on demandait à Notre-Seigneur

quelle était la première vertu, il répondit: « La charité. » Aime Dieu et tout le reste sera assuré.

Lorsque résonne une note fondamentale, elle s'accompagne de ces II: harmoniques» qui en de­viennent les satellites sonores.

Le jour où l'amour de Dieu sera la note fon­' damentale de notre âme, les autres vertus en deviendront naturellement les harmoniques 1 Que la chasteté , soit un corollaire de la charité 1

Songe un peu moins aux cent points négatifs: « On ne peut pas faire ceci, ni cela, » pour affermir davantage le grand précepte positif: « Aime Dieu de tout ton cœur 1 » Du moment qu'un fils aime sincèrement son père, est-il encore nêcessaire de lui détailler les vingt recommandations: de ne pas le peiner, de ne pas le frapper, etc. ? « Ama et fac quod vis. » •

Elles sont justes, les deux remarques de samt Ignace.

« La première: que l'on doit faire consister l'amour dans les œuvres, bien plus que dans les paroles; la seconde: que l'amour réside dans la communication mutuelle des biens. » 1

la conserver) plutôt que le côté négatif (turpitude du vice). On en est revenu du système de Sparte, attribuant une vertu moralisatrice au spectacle de l'ilote ivre.

1. Cont,mpl. pour obtenir l'amour divin 1 2 rem. prélimi­naires.

Page 40: Hoornaert Le Combat de la Pureté

<

80 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Aime le Seigneur de toute ton âme, de toutes tes forces et cette noblesse généreuse descendra de haut à tous les étages. C'est ton erreur de com­mencer par en bas et non par en haut. Dans plu­sieurs maladies nerveuses, il faut avant tout guérir les centres supérieurs.

Saint Ignace avait ainsi conçu la vie religieuse. Devant conclure ses Exercices spirituels et porter le coup décisif, il propose sa Contemplati~n sur l'amour divin. « Je rappellerai à ma mémOIre les bienfaits que j'ai reçus ... considérant très affec­tueusement tout ce que Dieu, N otre-Seigneur, ~ fait pour moi... Puis, faisant un retour sur mOI­même, je me ~emanderai ce que l~ raison et la justice m'obligent de mon côté à offnr et à donner à sa divine majesté ... »

s, . i' Comment interpréter le principe 1 prlllcpe. ,. é '1 ' d lé-Le 6- com- «Dans llmpuret ,ln y a pas e

mandement gèreté de matière» ? de Dieu. Il faut, pour ne pas se fausser la

conscience, comprendre cet adage comme les théo­logiens l'expliquent. D'abord il se peut que,. la matière étant grave, la faute reste néanm01DS légère, parce que le péché mortel suppose, outre ce premier élément de la matière grave, deux autres conditions: délibération parfaite et con­sentement entier. Dès lors, dans plusieurs cas, il y aura seulement « matièr~» à pé~hé mortel, mais pas péché mortel effectif; ou, SI vous pré­férez, il y aura péché grave purement «maté­riel », mais pas « formel ».

En second lieu l lorsque la théologie enseigne qu'il n'existe pas de légèreté de « matière J,

L'ENNEMI il b '

que veut-elle désigner par cette « matière" ? Non une simple sensualité (il est évident qu'il

peut y avoir légèreté de matière dans telle lecture un peu libre, dans telle allusion déplacée ou tel sourire indulgent, etc.), mais il s'agit, dans le principe énoncé, de la luxure elle-même, lMrecte­ment cherchée. Examinons chacune de ces deux expressions.

« La luxure" elle-même! nous entendons par là ces mouvements déréglés 1 des parties sexuelles (souvent appelés révoltes de la chair), accompa-

. gnés de jouissances d'ordre vénérien 2, génésique 8,

en sorte que l'aboutissant logique (qu'il soit atteint ou non), serait la satisfaction complète de la passion.

Dieu, prévoyant quel courage il faudrait à l'homme et à la femme, pour accepter les charges d'une famille, a mis providentiellement l'attrait et la compensation du plaisir dans l'exercice des fonctions génératrices. Chez l'homme, il y a sur­tout deux appétits: celui de la conservation de l'individu, le stimulant à la nutrition, et celui de la conservation de l'espèce, le stimulant à la reproduction. L'individu meurt, mais il faut que la race vive. L'espèce doit rester, et c'est pour

1. On peut évidemment pécher contre la pureté sans qu'il y ait mouvement, mais alors par péchés internes (pensées ... désirs ... )

2. Ce mot vient de Vénus, la déesse de la Volupté, d'après la mythologie.

3· C'est-à-dire: relatifs à la génération. On peut éprouver è. ces organes des impressions qui ne so~ent pas d'o:dre gél7é­sique, par exemple la chaleur, le frOld, la press!on, voue un ' certain bien-être n'ayant pas de caractère vénénen.

L(I Combat de lA ~ •

Page 41: Hoornaert Le Combat de la Pureté

cela que l'homme a si profond en lui l'instinct de. perpétuation.

Les organes destinés à la génération et nommés, à cause de ce motif, génitàux ou sexuels 1, auront droit au plaisir licite trouvé dans l'union légitime du mariage, qui assure au monde la transmission de la vie et que Dieu a élevée lui-même à la dignité de Sacrement. Mais, en dehors de là, ce plaisir violemment détourné de la fin qui le justi~ fie, frustré de son vrai but, devient un désordre.

On ne peut pas établir cette dissociàtion illégi~ time entre la satisfaction sensible et la fin pour laquelle elle est donnée, de même que, dans le fait de manger, on ne peut pas séparer la nutri­tion d'avec le besoin, ou d'avec la satisfaction légitime du goût 2.

Cet attrait spécial est si impétueux chez l'homme que, si on voulait admettre certaines exceptions, l'illusion et la passion élargiraient de plus en plus cette fissure par laquelle s'échappe­rait finalement toute l'austérité de la prohibition divine. L'acte luxurieux, défendu par le droit naturelS, reste défendu toujours. De plus, l'attrait de la volupté étant si fort et si séduisant, Dieu n'a pas seulement interdit le terme, c'est-à-dire

1. On les nomme aussi, quelquefois, les «pavties hon­teuses »; honteuses, non en elles-mêmes, puisque Dieu et la nature les ont voulues telles, mais à cause de J'abus qu'on en fait souvent par le péché. Sans la faute originelle, nous n'aurions pas connu les révoltes des sens.

2. «Delectatio propter operationem ». S. th., la. lIa •• Q. 4. 2. 3· Unanimité des théologiens. De plus: Innocent XI a condamné .les propositions 48e et 49". Elles

disaient que la fornication et le péché solitaire, ne sont pas .

"' L'ENNEMI

le péché consomm~, ~ais tout ce qui, de sa nature, en est la préparatIOn . ,

Pas de légèreté de matière, puisque, dès qu on est sur le domaine luxurieux, ce ~l' est pas seul~­ment l'assouvissement de la. paSSIOn et .la plénI­tude de la Jouissance, mais une délectatIOn quel­conque qui se trouve défendue.

* * * Ce qui est ainsi prohibé - .toujours. - ~'est

de reche,rcher (en dehors de l'unIon matrImonIale) ces satisfactions directement. .. .

Mais est-illicite de poser des actes qUl mdzrecte­ment entraîneront des sensations, des mouvements vénériens ? . .

Oui, pourvu que se vérifient quatre condItions ! Si l'action est honnête; . Si l'intention est honnête et q~'il n'y a P?mt

péril de consentement (car alors l~tervlendr~len~ les règles de l'occasion plus ou moms prochame) ,

Si l'effet déshonnête ne sert pas de moye? P?ur atteindre l'effet qui est bon; car la fin ne Justifie pas les moyens et on ne peut jamais passer d'abord par le tunnel du mal, pour arriver ensuite dans le domaine du bien; .

Si l'effet déshonnête est excusé par la graVIté du motif.

défendus par le droit naturel, mais seulement par une inter· diction positive de Dieu. . 1

Propos. 48.: • Fornicationem, secun~u:m se, .nullam IOVO -vere malitiaril et solum esse malam qUIa IOt~r~lCta .. . "

Propos. 49" : • Mollities jure naturae prohlblta non est ... 1

1. Cfr. proposition 40. condamnée par Alexandre VII.

Page 42: Hoornaert Le Combat de la Pureté

zia

84 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Ce quatrième énoncé revient à dire! Lorsque la cause influe légèrement, il suffit

d'un motif léger; lorsque la cause influe grave­ment, il faut un motif grave; lorsque la cause influe très gravement, il faut un motif très grave 1.

Et pour tout n;sumer, il faut un motif propor­tionné à l'effet ressenti.

Quand les conditions que nous venons d'indi­quer se réalisent, de quel droit pourrait-on dé­fendre une action, puisque, d'une part, elle est correcte et que, d'autre part, son intention ne l'est pas moins? Le fait est donc honnête, et ob­jectivement et subjectivement. Sans doute, il a un contre-coup luxurieux, mais nous avons sup­posé une raison proportionnellement assez grave pour l'excuser. Dès lors, on n'agit pas pour cet effet, mais malgré lui.

Il ne s'agit que d'un accident loyalement désa­voué par la volonté qui cherche un autre but. Si une conséquence pareille, que nous déplorons,

1. Nous supposons toujours une cause influant ainsi pa, ,lle-m6m" parce qu'elle est d'ordre luxurieux. Si, au con­traire, elle n'avait rien de commun avec cet ordre, si elle était • extra genus luxuriae » et s'il n'y avait pas danger prochain de. consentement, on ne serait pas obligé de s'abstenir: il suffi­rrut de ne pas consentir à la tentation qui pourrait survenir. Exemples: la position assise, très longtemps prolongée, les trépidations du .train, de l'auto ou de la bicyclette peuvent provoquer certams troubles. En réalité, il s'agit d'un simple phénomène d'afflux sanguin. La cause de cette congestion locale n'est nullement d'ordre vénérien. L'obligation de s'in­teldire des actions aussi innocentes rendrait la vertu imprati­cable et ferait aboutir aux scrupules des bonnes femmes n'osant pas regarder un crucifix, parce que Notre-Seigneur n'est pas entièrement vêtu, ou aux scrupules des hommes ne voulant plus considérer les images de la Sainte Vierge, parce qu'elle représente l'autre sexe.

L'ENNEMI

suffisait pour nous défendre d'agir, la vie chré­tienne deviendrait impossible et ne serait plus qu'une perpétuelle occasion de scrupules et d'ob­sessions, puisque tant d'actions innocentes en elles-mêmes peuvent avoir, surtout chez des jeunes gens impresstonnables, chez des sujets ner­yeux, l'accompagnement accidentel, le «per acci­dens l) d'une émotion érotique. Encore une fois, pareille sensation est en eux, sans eux.

Appliquez ces principes du II double effet D au docteur obligé, par profession, à des études spé­ciales; au moraliste, au confesseur s'occupant de questions délicates; au censeur de films ou de livres; au jeune homme devant étudier certains points dè littérature et d'histoire, ou, tout simple­ment, pratiquant des sports, s'adonnant au plaisir de l'équitation, de la natation; aux personnes chez qui les phénomènes de miction et de défé­cation s'accompagnent de mouvements déréglés. On pourrait multiplier les exemples. Il est préfé­rable d'assurer la richesse féconde d'un principe, que de se perdre dans la multiplicité des applica­tions menues, ou déplacées .

* * * Il va de soi que, dans les cas cités et dans tous

les autres, il faut toujours être en garde contre les hallucinations et les subtilités de la passion et, pour vérifier si l'âme reste bien en règle, il est utile de se poser ces deux questions: Est-ce que je sais justifier l'action? A-t-elle un motif suffisam­ment sérieux et différent de la passion ? - Est-ce que je sais justifier l'intention? Est-elle droite ?

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=== _c::._

86 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Insistons sur ce dernier point: il se peut que telle chose soit honnête en elle-même et permise par la morale, mais toujours en supposant que l'intention directrice reste bonne. Le fait d'apai­se: les démangeaisons, et celui de prendre des soms de propreté ou de santé, peuvent être sérieu­sement utiles ou parfois nécessaires, mais peuvent aussi devenir des prétexte~ de la passion.

Pas de conscience à tiroirs et à doubles fonds, comme les boîtes de certains charlatans 1 Pas de pieuses juiveries 1 Il arrive qu'on veuille tricher avec le bon Dieu, tâcher de lui écouler la fausse monnaie de fallacieuses raisons.

Or, ce que Dieu regarde, avant tout, c'est la loyauté du cœur 1. Au point que, même en cas d'erreur, l'irresponsabilité est certaine, dès qu'il y eut réellement bonne foi. Le désordre objectif est excusé par la droiture subjective. Le cas se réalise dans l'ignorance et l'illusion, à supposer qu'elles ne soient pas coupables.

Le philosophe Fichte l'a bien dit: « Le seul devoir, c'est de vouloir agir conformément à son devoir », et il faut approuver Kant écrivant! « De toutes les choses qu'il est possible de con­ce,:,oir dans le monde, il n'en est qu'une qu'on pUIsse tenir pour bonne sans restriction: c'est une bonne volonté ».

ge " Répartition des causes. Certaines prmClpe. d' ff t 1 'f . causes e e s aSCI s sont mauvaIses

essentiellement; d'autres ne le sont que dans des circonstances déterminées.

1. • Le Seigneur regarde le cœur •. (1 L. Sam., ch. XVI, V·7)·

== L'ENNEMI

Sont essentiellement coupa?les, les choses qui, par leur nature même, sont dIrectement une pro­vocation grave au vice.

D'autres causes ne sont pas intrinsèquement mauvaises, mais ne deviennent condamnables que dans certaines conditions, de manière que le même acte sera bon ou répréhensible, d'après les cir­constances.

Ainsi, « tel regard est-il mortel» ? Il faudra distinguer: a-t -il lieu de près, ou de

loin? en passant, ou en insistant? par pure curiosité, ou par intention perverse?

« Telle conversation, dont voici les termes précis, est-elle grave? »

Celui qui la tient, ou l'écoute, est-il un enfant? un homme marié? un vieillard que peu de choses inl­pressionnent encore? une personne plus ou moins immunisée par une habitude coupable ou non?

« Les baisers sont-ils péchés mortels? » Ils peuvent être autorisés par . l'usage ou les

relations de famille. Ils peuvent se compliquer d'exagérations sentimentales, de mièvreries. Ils peuvent souvent constituer une manifestation gravement passionnelle.

Force est donc de voir les circonstances. Celle qui généralement influera le plus, c'est

la durée. Mainte action faite rondement (et tou­jours en supposant une intention droite) restera bonne, alors que la même action, lorsque lon­guement on s'y attarde, deviendra grave.

* * * Après la répartition, voici la gradation des

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88 LE COMBAT DE LA PURETÉ

causes. L'ordre ascendant des causes excitantes, pourrait, semble-t-il, s'indiquer comme suit!

Au degré inférieur: la parole. Le simple récit d'une chose impressionne moins que la chose elle-même.

En second lieu r la statue, plus évocatrice que la parole, puisqu'elle exhibe les formes.

En troisième lieu: la peinture, qui ajoute le charme du coloris.

En quatrième lieu: la vue directe. Ce n'est plus seulement la représentation avec la forme ou la couleur, mais la chose elle-même.

En cinquième lieu: l'attouchement. Telle est la gradation normale, mais souf­

frant l'exception de circonstances particulières. Exemple: une statue peut être plus provocante qu'une peinture. La matière même de la statue influera plus ou moins, selon par exemple que c'est du bronze sévère ou du marbre dont la blancheur et les veines rappellent davantage la camation humaine. Une statue perdra beaucoup de son action dangereuse par le seul fait qu'étant plus peti~e ou plus grande que nature, elle n'est plus aUSSI fidèlement représentative de la réalité.

. 100 principe. On plaide ~arfois l'irresponsabilité de la chute Impure 1 en prétextant

que l'homme perd sa liberté pendant l'hypnose sensuelle. On ose affirmer: la tentation devient irrésistible, tant l'attrait est troublant et d'ailleurs

~. Rapprochez de cette objection celle que nous avons déjà vue : ' .Je ne pèche pas pour offenser Dieu ... Fragilité sans. perversIté » et celles que nous verrons plus loin: • Im­possIble de rester pur ... de redevenir pur '.

L ' ENNEMI

voyez comment tous reconnaissent cette espèce d'ensorcellement, depuis Clément d'Alexandrie, déclarant que « l'homme est arraché de l'homme avec violence», jusqu'à P. Bourget décrivant d~s Le Disciple: «Cette ivresse dont nous sommes pns comme d'un vin. » Telle est l'objection. Mais n'ou­blions jamais que séduction n'est pas fatalité, que, dans l'homme, à côté de l'action subie, existe le principe de réaction, ce libre arbitre ~ont .c'est le privilège et l'essence même de pOUVOIr réSIster.

« L'homme a dompté les animaux.. . Il a dompté la terre avare et lui a imposé les moissons. Il a dompté les montagnes et les a ouvertes a,:ec une étincelle qu'un enfant peut allumer de lom, en mettant le doigt sur un bouton. Il a dompté les métaux les plus durs et les a coulés comme de l'eau ou tordus comme un fil de chanvre. Il peut se dompter lui-même 1 et c'est une vaine ~xcu~e de dire 1 c'est mon tempérament 1 Je SUlS fait comme cela 1

« Pourquoi ne pas dire en face de la terre ~n friche: c'est son tempérament 1 Elle est falte comme cela 1 Ou en face d'un fauve qui bondit pour vous dévorer: c'est son tempérament 1 Il est fait comme cela 1

«Vous êtes fait comme cela 1 mais il ne ti~nt qu'à vous de vous refaire, ou du moins de vous transformer. J (P. Eymieu, S. J., Gouvernement de soi-même, p. 13.)

Se refaire, ou du moins se transformer 1 C'est possible, puisque l'expérience est là 1 La religion a su dominer les vices les plus des-

potiques et les plus tenaces ; les licences du paga-

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• = LE COMBAT DE LA PURETÉ

nisme, la soif de vengeance des sauvages, l'ivro­gnerie de plusieurs peuples, les duels du moyen­âge. Pourquoi ne pourrait-elle pas triompher aussi du vice impur?

Sans doute, cette passion est fougueuse et gri­sante. « J'étais tout autre, dit quelquefois celui qui a cédé, et je semblais en proie à une courte folie. »

Il peut effectivement arriver que le manque de délibération parfaite, ou de consentement en­tier, excuse du péché mortel, si pas du péché véniel. Et cela se vérifie « plus fréquemment dans les fautes contraires à la chasteté, que dans les fautes contre les autres vertus, à cause de la vio­lence de la passion de la nature sensible, qui aveugle et paralyse la perspicacité de l'intelli­gence, dans une mesure plus ou moins grande; elle peut même aller jusqu'à rendre inconscient et involontaire un acte matériellement fort dé­réglé. (P. De Smedt, S. J., Notre vie surnaturelle, T. II, p. 272.)

Mais ce cas de responsabilité abolie 1 se vérifiera surtout. dans les états de pure surprise, que les théologIens appellent, d'une expression peu latine mais fort suggestive, « motus primo primi » : mou­vements tellement rapides qu'ils préviennent toute délibération de l'intelligence 2. L'irresponsa-

1. Même alors devront peut-être s'appliquer les principes de responsabilité causale, exposés plus haut. . 2. E~ ce sera, parfois au moins, l'excuse de celui qui cède Immédiatement; maIS beaucoup plus difficilement le cas de celui .qui dit : .• J'ai d'abord résisté ", car, par le fait même, il a pns conscience que l'action était malhonnête. La lutte prou~e qu'il y eut délibération: « Ipsa lucta indicium est deli­beratioDls. » (P. VERMEERCH, S. J., De Castit., nO 383).

\

L'ENNEMI

bilité vient alors de cette surprise, non de la vio­lence et la volonté ressemble à une place forte pouv~nt être livrée par trahison, mais non em-portée de haute lutte. . .

La stratégie moderne parvIent à fal~e tomber les citadelles les plus résistan.tes;. malS un fort reste inexpugnable 1 le fort mténeur de notre libre arbitre. .

L'assaut de la concuPiscence sera éVl~emme~t une circonstance atténuante de la défaite, malS non une circonstance justificatrice. .

La crainte ne peut pas davantage contramdre notre liberté. Qui connut plus que les martyrs l'affolement de tout l'être? Et cependant les deux conciles de Nicée et d'Ancyre déclarèrent que le chrétien abjurant sa foi dev~nt l'horreur des supplices était un apost~t, moms co.upable que celui qui renierait le Chnst sans parellIe presslOn .morale, mais enfin coupable quand mêlIl:e.

L'habitude impure est tyrannique, malS on es~ responsable de l'avoir contractée. L'homme, q~t est le fils de ses œuvres, est le père de ses habt-tudes. .

L'ignorance constituerait p~us facll,ement une excuse. On ne peut pas voulOIr ce qu on ne con­nait point et rien n'est si contraire au consente­ment que Î'erreur. Il ne s'agit plus alors de céder. mais de ne pas connaître 1

Le milieu peut être dangereux pour la chasteté. ou corrupteur. Mais i

a) Le milieu sollicite l'homme; il ne le néces-site pas.

b) Ou bien Dieu a permi!! que nous naissions

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92 LE COMBAT DE LA PURETÉ

et vivions dans un pareil milieu et alors il nous donnera les grâces correspondantes, ou bien nous nous y sommes volontairement exposés et, par le fait même, nous sommes devenus respon­sables.

c) Si le milieu faisait tout, comment expliquer que des jeunes gens élevés dans des milieux très différents se ressemblent et, en revanche, que deux frères élevés dans un même milieu familial, aient des vies divergentes ?'

à) J. Simon, dans le Devoir (pp. 7 à IO) rappelle comment l'homme, même dans le milieu le plus dépravé, entend toujours la voix de la conscience.

Bref l dans la lutte pour la chasteté, plusieurs causes diminuent la liberté humaine, mais ne la suppriment pas.

L'ATTAQUE

CELUI QUI AIME LE DANGER ..•

Le péché d'impureté est l'ennemi de votre âme. Avec un ennemi, on n'évite. pas seulement une alliance mais un compromIs. Pendant la guerre, pas de flirt avec l'adversaire. A,plus f~rte raison, pas de flirt entre. l'âme et le peché. C est idiot d'être en coquettene avec Satan.

* * * Vous savez que le péché impur est tentant. Pourquoi vouloir en goûter. .. un peu? Le petit enfant auquel on a défend,: de man~e~

la crème, se prend parfois à vouloIT au mom:; lécher les bords du pot. .

Combien d'hommes âgés, connaIssant la. dé-fense divine de goûter des dou~eurs malsames, veulent, eux aussi, lécher au ~oms l~ bords du pot. A cinq ans, passe t... MalS à vmgt ans 1 à quarante ans 1 ou plus tard ...

Celui qui 's'amuse avec un rasoi:, se coupera. Celui qui joue avec le feu, se brulera.

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94 LE COMBAT DE LA PURETlt

L'Écriture dit 1 «Celui qui aime le dan­ger y périra JJ 1. Évidence et expérience tout ensemble 1...

Il Y a de cela, trente ans environ, dans une im­primerie liégeoise, un jeune apprenti était chargé de placer les brochures entre les rouleaux com­presseurs. Il ne courait aucun danger, puisque, tenant la brochure par un bout, il présentait l'autre bout à la machine. Mais voilà 1 c'est gri­sant, paraît-il, l'attrait du péril frôlé et, pour avoir cette sensation particulière, l'enfant s'amu­sait à mettre le bout du doigt entre les rouleaux et le retirait vite, au moment précis où il allait être pris.

Un jour, il convoque ses amis. Cl Vous allez voir 1 c'est si gai 1 ce petit frisson ... Jl

Non, ce ne fut pas gai 1 Car, cette fois, il ne parvint pas à retirer le doigt à temps. Sous les deux lourds rouleaux compresseurs, tout fut broyé: les muscles, les nerfs, les os. L'enfant avait jeté un grand cri, mais la machine aveugle conti­nuait et quand l'ingénieur accourut et parvint à déboulonner les deux rouleaux, il s'aperçut, dé­tail horrible, que sur chacun d'eux s'étalait, en une large lamelle sanglante, la chair broyée du petit.

e< C'est si gai 1. .. ce petit frisson .. . D

Vous direz 1 u L'affreuse histoire 1 mais c'était mérité. Quelle folie, cette gageure de l'enfant 1 J

Nous sommes d'accord. Et pourtant, combien de jeunes gens agissent ainsi 1

1. Ecclésiastique, ch. III, v. 2+

L'ATTAQUE 95

Ils veulent, eux aussi, jouer avec le danger. « C'est si gai 1... ce petit frisson 1 ... » Oh 1 ils sont décidé? à ne mettre que le bout du petit doigt dans l'engrenage 1 Mais voici que la machine brutale les happe tout entiers 1 Ils voulaient ba­diner. Elle ne badine pas, elle, la gloutonne ma­chine mangeuse d'âmes et elle les dévore 1 Oui, oui, l'Écriture a raison 1 « Celui qui aime le danger, y périra. »

Mais quels sont ces dangers, ces occasions du péché impur? Nous devons les répartir en deux classes j occasions individuelles, occasions géné­rales ..

DANGERS PERSONNELS

Lorsque nous faisons le bilan de notre état phy­siologique, nous constatons que nous avons chacun notre « point faible ». Ce sera, d'après les individus, le système cardiaque, pulmonaire, rénal, artériel, etc.

Si vous me promettez de ne pas rire, je vous répéterai le terme médical: on constate des « idiosyncrasies». Vous m'aviez promis de ne pas rire ...

L'idiosyncrasie est la manière spéciale dont l'in­dividu réagit sous l'action de germes pathogènes et d'agents quelconques, 'Ou, comme dit Littré 1 Il la disposition propre à chaque sujet, en vertu de laquelle ' les mêmes causes produisent chez les divers sujets des effets différents. »

Les médecins en sont venus à déclarer! (f Il n'y a pas de maladies, mais des malades, » ce qui signifie que les caractères de la maladie se diver-

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96 LE COMBAT DE LA PURETÉ

sifient avec la variété des organismes qù'elle af~ fecte. Aussi, comment apprécier ceux qui vont chercher dans les annonces des journaux le remède à leurs infirmités? Ils oublient que la maladie n'est pas une entité absolue et invariable, mais relative et se nuançant à l'infini, d'après la complexité des tempéraments.

Eh bien 1 ce qui est vrai pour la santé corpo­relle est vrai aussi pour la santé morale. Chacun a son tempérament spécial et son point déficient, qui ne ressemble guère à celui du voisin.

Tous sont tentés, au point de vue de la pureté, nous l'avons dit, dès le début, mais tous ne sont pas tentés de la même façon.

L'un est sollicité du côté du cœur; pour tel autre, la difficulté ne vient pas du cœur, mais de l'imagination ou de la mémoire; pour d'autres, les occasions délicates ne seront pas les précé­dentes, mais la lecture, ou les regards, ou les rela­tions 1.

Quelquefois les tendances se précisent étrange­ment et finissent par se concentrer sur un point unique, à circonstances très déterminées. 11

Comment expliquer que la tentation soit ainsi spécialisée ?

Le phénomène peut être fort complexe et tenir au tempérament, etc. Mais une cause très ordi-

!. En général, une propension n'exclut pas entièrement les autres, ne fait que les dominer.

2. Pour connaître ses tendances personnelles, et, pour ainsi dire, sa mentalité sexuelle, il suffira d'observer quel genre de désirs ou d'images accompagnent ordinairement les tentations impures.

L'ATTAQUE 97

naire sera l'habitude. Celle-ci est une facilité à recommencer la même action. Un acte ne s'épuise pas lui-même; il laisse quelque chose de lui e~ nous et nous gardons dans l'âme comme un pli contracté, comme un sillon à jamais creusé.

Le jeune homme a péché de telle manière, il a créé une « association d'images» 1 entre cette

1 . Le mécanisme de l' • association des images. a une double explication: physiologique et psychologique.

I. - EXPLICATION PHYSIOLOGIQUE • Étant admis que tout état de conscience, tant soit peu

caractérisé, laisse après lui une trace dans les centres nere veux, on conçoit que plusieurs images se produisant ~imul· tanément ou en succession immédiate, il se produise, entre les éléments nouveaux correspondants, comme des trajets qui les constituent en groupes sympathiques, t endant à vibrer de concert. Dès lors, que l'un de ces éléments vienne à être ébranlé par une image, grâce aux trajets qui le mettent e~ communication avec les autres éléments, et au courant qUl parcourt ces traj ets, tout le groupe . auquel .iI apparti~mt s'éveillera en même temps et fera reVlvre les lmages qm le composent. D'où cette loi formulée par HofIding: tout fait de conscience, qui se reproduit, tend à restaurer l'état total ~ont il fait partie .•

(P. LAHR, S. J., Psycllol., 1920, p . 136). Ii. - EXPLICATION PSYCHOLOGIQUE

• a) En règle générale, une association es: d'a~tant p.lue durable, qu'elle s'est formée sous le coup dune Impre-sslOll plus vive. Ainsi un grave accident vient-il à se passer sous mes yeux, l'émotion que me cause ce specta~le suffit à asso: cier et à fixer si solidement les diverses cIrconstances qUl l'ont accompagné, que je ne puis plus désormais penser à l'une, sans rappeler les autres.

» b) La t énacité des associations dépend aussi du d~gré d'attention.

»c) Troisième loi: la répétition. L'association ~e fortifie d'auta~t plus que le même groupe s'est présenté plus fré­quemment dans des conditions identiques.

• On voit, en définitive, que. l'association n'est pas tant

ï . ,

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

occasion et cette faute. Les deux phantasmes sont comme soudés. l Quelqu'un a commis le mal ainsi; eh bien 1 dé sonnais il sera tenté ainsi et non, ou beaucoup moins, de toute autre façon. On a beau se croire guéri: chacun a mal à sa cica­trice 21 Paul Goy, dans sa Pureté rationnelle, va jusqu'à proclamer: a: Les tentations ne sont qu@ les excitations préalablement consenties. »

L'affirmation n'est pas rigoureusement exacte; celui qui n'a jamais consenti, peut être tenté. Mais il faut concéder qu'il existe une étonnante (,( mé­moire des sens» 8 et que l'homme garde, à cause du psychisme mémoratif, une terrible propension à répéter la faute spéciale qu'il a commise.

On est faible, ou fort, de son passé ..• Aussi, heureux, trois fois heureux, celui qui

n'est point tombé 1 « Précisément parce qu'il n'a

une fonction spéciale, qu'un cas particulier de l'habitud6; c'est-à-dire de cette tendance que nous avons à refaire ou à repenser automatiquement ce que nous avons déjà fait et pensé. L'une comme l'autre sont régies par les mêmes lois: une association se noue, de même que l'habitude se prend, d'autant plus facilement que l'idée ou l'acte ont fait sur nous une impression plus vive, qu'ils se sont reproduits plus fré­CJ.uemment ou enfin que nous y avons apporté plus d'atten-tion. » (Id., ib.).

1. Si la chose est nécessaire et possible, recourez au voyag6 pour sortir d'un milieu où tout rappelle vivement le péché. Cassez résolument les vieux cadres dans lesquels votre sou­yenir reste misérablement enfermé; quittez ces lieux, ces ob­Jets auxquels des rappels de volupté demeurent comme à jamais accrochés et allez ailleurs, bien loin, vous refaire, cians une situation neuve, une âme neuve 1

2. «La plupart des hommes ne vivent-ils pas avec une blessure intime, qui, aux mauvais jours, se rouvre? • (H. BORDEAUX, Les yeux qui ,,'ouvrml, p. 424).

3. P. BOURGET, Phys. de l'am.

L'ATTAQUE 99

pas subi de défaite, la voie n'est pas frayée en lui vers le mal. Il n'a ni ces images obsédantes, ni ces funestes associations nerveuses, qui sont le fruit de chutes antécédentes et qui inclinent si puis­samment à des chutes nouvelles. » (Guibert, La Pureté, p. 145). Justice immanente des choses 1 Rançon de la faute 1 On est puni par où l'on a péché 1

* * * Cette vérité trouve une application frappante '

chez les vieillards péchant par souvenir des fautes d'enfance ou de jeunesse. Considérez aussi le cas des complices. Quand une défaillance grave est survenue avec une personne, plus jamais cette personne n'est pour nous identiquement la même qu'une autre. . . . . .

Pourquoi? Un hen mdIssoluble a um les deux images: celle de telle personne, celle de telle faute.

Principe: Envers un complice, on reste tou-jours faible.

Et le phénomène se réalise même pour les com­plices qui ont vieilli. Depuis leur première ~om­plaisance coupable, les années ont passé. Mamte­nant, additionnés, ils feraient quatre-vingts ans 1 Parfois plus ...

. Ils paraissent l'oublier. Transposant et projetant l'un sur l'autre les souvenirs anciens, ils se revoient, par une étrange illusion d'optique, avec leurs ye?x de jadis. L'imprégnation primitive de la mém01re et la séduction des « premières amours» sont demeurées si profondes, qu'en dépit de l'âge, ils

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100 LE COMBAT DE LA PURETÉ

ne peuvent se retrouver ensemble, sans un vrai danger.

Ceux qui très sincèrement, se croient décidés à ne plus tomber, s'aperçoivent parfois, dans ces visites imprudentes, que les résolutions les plus belles, fondent

« Comme fond une cire au souffie d'un brasier ••

La vraie tactique n'est pas de vouloir lutter, quand on se retrouvera dans l'occasion, mais d'éviter cette ?ccasion .. Seul cas, peut-être, où la bravoure conSIste à fUIr 1 . ' .

1 •

• • Résumons ce chapitre: chacun a ses « associa­

tions d'images II bien personnelles; chacun a son tempérament moral, comme son tempérament physique.

La conclusion pratique est qu'il faut se con:­naUre. « Connais-toi toi-même ,'IJ, disait l'inscrip­tion du temple de Delphes.

Mais on ne se connaîtra qu'en s'étudiant 1. , Plu ... sieurs le font si peu J

1. De là, l'utilité de cet Examen de conscience dont il 8er~ , question plus loin et. celle du Journal spirituel. Tâche; ami, de prendre chaque Jour, ou chaque semaine, quelques notes sur ton état moral. D'ailleurs, brièvement et sans la moind:e co<).uetterie littéraire, puisque tu n'écris pas pour la posténté, nI pour l'Académie Française, mais pour toi seul, sous le regard de Dieu. Il te sera utile et intéressant de relire l'histoire de. to.n âm.e. Tu comprendras ce plan providentiel que tu ~e .dlstmguals pas,. au Jour le jour. Tu manquais de recul. Amsi le voyageur faIsant une route, pas à pas, la voi1l

L'ATTAQUE 101

Ils ont scruté tout le reste: l'histoire des vieux Pharaons, la géographie du Japon; ils se sont passiçmnés avec Flammarion pour savoir si, oui ou non, des planètes étaient habitées. Ils s'écrie­raient volontiers, comme la revue moderne: « Je sais tout 1 » Tout 1 ... excepté eux-mêmes. Quèlle anomalie 1 Ils pourraient vous dire quel était le point vulnérable de l'armée d'Annibal; mais ils ne pourraient pas vous dire quel est le point vul­nérable de leur cœur.

Ils s'intéressent à la Grande Ourse, à Mars et à Sirius ,mais ils ne rentrent jamais dans leur for interne.

Je vous prie de croire qu'ils ont étudié à fond la composition des terrains primaire ou quater­naire; seulement, ils n'ont jamais étudié le fond de leur conscience. , Possédant les sciences paléontologiques et autres, mais pas la science morale, ils vivent à la surface de leur âme, ou en dehors d'eux-mêmes. Connaissant l'univers, ils s'ignorent.

La préhistoire leur est familière, mais leur propre histoire est pour eux un livre fermé.

Vous devriez voir comme ils déchiffrent les pa­limpsestes et les hiéroglyphes; mais ils ne se dé­chiffrent pas, eux 1

Ils s'intéressent plus aux fossiles et aux mam­mouths, qu'à eux-mêmes.

En ont-ils lu, des volumes et des volumes 1

successivement et de manière fragmentaire; mais placé sur un haut belvédère, il l'embrasse dans son ensemble. d'un regard panoramique.

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102 LE COMBAT DE LA PURETÉ - ---Ma~ jamais ils'. n'ont ouvert un livre de psycho­lOgIe : les M axtmes de Joubert; le Gouvernement de soi-même d'Ant. Eymieu, S. J.; le Guide des nerveux et des scrupuleux du P. Raymond, O. P.; les Nerveux de Toulemonde . les Caractères de L. Sempé, S. J. 1. '

Ils seraient incapables de dire s'ils ont le tem­pérament nerve.ux,. sanguin, bilieux, lymphatique, ou quelle combmalson de ces tempéraments com­pose l'amalgame de leur individualité.

Et cependant, ami, pour bien te conduire tu dois b.ien te connaître. Sais-tu qui t'apprend la ~~cessIté de cet examen? Le diable. Il comprend 1 ~m~or~ance de la psychologie et tâche de l'étu­dIer mtxmement, mais hélas 1 pour te perdre.

Il :essemble, dit saint Ignace, dans ses « Règles du dIsce~eI?ent des esprits Il (Ire sem., 14e règle), à un c~pItame tâchant de découvrir l'endroit par lequel Il attaquera une position. Satan ct imite ce capitaine qui veut emporter une place. Il ' asseoit son camp, il considère les forces et la disposition de cette place et il l'attaque du côté le plus faible. Il en est ainsi de l'ennemi de la nature humaine Il rôde sans cesse autour de nous; il examine d~ tout7s parts chacune de nos vertus théologales, cardmales et morales et, lorsqu'il a trouvé en nous l'endroit le plus faible et le moins pourvu des arme~.du salut, c'est par là qu'il nous attaque e~ q~ il tâche de remporter sur nous Wl~ p~eine VIctoIre. Il .

~. Messager d'!4 Sqcré-Co/ur, llo de I~21-1923. 1 ' : : '

oh '

L'ATTAQUE 103

LE DANGER DE TOUS

La défense est réglée par l'attaque. Il est essentiel, avant le combat, de connaJ~

les plans de l'adversaire, de déjouer sa tactique. De là l'importance, pendant la guerre, des avions de reconnaissance et des patrouilles d'explora­tion. Tout moyen était bon aux Allemands pour remporter la victoire: «42 », ,pastilles incen­diaires, terrains minés, guerre chimique par les gaz asphyxiants, vésicants, sternutatoires, lacry­mogènes.

Le démon aussi essaie tout pour nous perdre: les « 42 » des grosses attaques, les pastilles incen­diaires des déclarations brûlantes, ces principel délétères qui sont ses « gaz asphyxiants Il à lui; le terrain miné des relations périlleuses. La stra­tégie de Satan est féconde en ruses de guerre 1

Jeune homme, nous allons te signaler quel­ques-uns de ces pièges multiples! 1re embftche : Les conversations 1 l'écueil classique les conversa- des réunions de jeunes gens.

tions. Sois crâne. 1° N'en tiens pas. 2° N'en écoute pas. 1° N'en tiens pas. Un livre qu'on n'accusera point d'être prude,

Sapho, écrit: l'immoralité (,( se propage, brûlure de corps et d'âme, semblable à ces flambeaux dont parle le poète latin, et qui couraient de main en main, par le stade ».

Songe que plusieurs âmes sont en jeu: la tienne et celle ou celles de celui ou de ceux à qui tu

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~-'====-~-:==,..........,"""""

104 LE COMBAT DE LA PURETÉ

parles. En causant ainsi, on pèche et on fait péche;. La faute personnelle est déjà regrettable.

Mals la faute avec un autre! Qui sait ? elle est peut-être, pour lui, le premier anneau d'un~ ch~îne le rattachant finalement à l'enfer. Cela doit peser lourd, tout de même, sur la conscience au lit de mort, d'avoir été pour une autre âme un~ cause de tentation et parfois de perdition. « Mal­heur, disait le Maître, à qui donne le scandale! Il :rel homme est inconsolable d'avoir, involon­talrement, dans une partie de chasse mortelle­n:ent attei~t son, ami. Celui qui, par s~ conversa:­tlO?, contnbue a perdre un compagnon, ne tue pomt par mégarde, mais sciemment. Ce n'est plus l'homicide par imprudence, mais par mé­chanceté.

« Que les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche. » (Ep. aux Col., ch. III, v. 8).

« Q~l'on n'entende même pas dire qu'il y ait parml vous de fornication, d'impureté de quelque s~rte, d.e convoitise ... Point de paroles déshon­n.~tes, 111 de bouffonneries, ni de plaisanteries gros­Sleres l tou!es choses qui sont malséantes... Car, s~che~-l; ~len : aucun impudique, aucun impur ... n ~ d hentage dans le royaume du Christ et de ~Ieu. Que personne ne vous abuse par de vains dIscours; car c'est à cause de ces vices que la colère de Dieu vient sur les fils de l'incrédulité N'ayez donc aucune part avec eux. li (Ép. au~ Éphés .• ch. V, v. 3 et suiv.)

:;:0 N'en écoute pas.

wa::::::z:_== __ ===== L'ATTAQUE 105

Mais les objections pullulent: _ CI: Je me suis, pour ce genre de conversa-

tions, formé la conscience 1 » Formé ? ou déformé ? _ «Nous ne pouvons cependant pas placer

de la ouate dans nos oreilles 1 »

C'est assez évident. As-tu déjà entendu des prédicateurs ordonner de se mettre de la ouate dans les oreilles? Mais, au moins, peux-tu ne pas provoquer ces conversations « raides». ne pas les entretenir par tes questions, etc.

_ CI: On m'appellera bigot 1 »

Dieu t'appellera courageux. Son jugement im-porte plus!

_ u On me donnera le surnom de Capucin, ce qui est ennuyeux, et de Jésuite, ce qui est plus grave. li

Tu répondras: Flatteur, va 1 J'aimerais bien d'être dans ces corporations-là, au ciel!

_ u Comment me jugera-t-on? » On t'admirera. J'en appelle à toi-même. Entre

jeunes gens, vous vous connaissez i~timemen~. Eh bien 1 quels sont les camarades vraIment estI­més? ceux auxquels tu iras à une heure grave, s'il faut un conseil sérieux, ceux que tous res­pectent? Quels sont-ils? Les lâches, mettant leur drapeau en poche (et alors ce n'est plus un drapeau, mais un mouchoir de poche 1) ou ceux qui se posent comme catholiques? intégralement, « effrontément n, dirait L. Veuillot, mais, d'autre part, sans avoir cette pudibonderie touj?urs e~a­rouchée qui découvre partout des plalsantenes à double-sens, qui confond les conversations

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I06 LE COMBAT DE LA PURETÉ

« grossières» avec les conversations « mauvaises l, sans adopter un genre compassé, étriqué. Les jeunes gens détestent les attitudes farouches ou maussades et la vertu en devient ridicule. Tâche au contraire (ce point est très important) de rendre la religion sympathique, par l'apostolat de la joie. Non seulement un jeune homme cor­rect peut être gai, mais il a, pour l'être, cent motifs de plus que les autres. Le seul spleen per­mis à un chrétien est celui du ciel 1

Je ne connais pas dans l'Écriture de textes recommandant d'être moroses et désagréables en société; j'en connais beaucoup recommandant d'être aimables et heureux: CI. Réjouissez-vous dans le Seigneur, toujours: je le répète, réjouis­vous 1 » (Ép. aux PhiliP., ch. IV, v. 4). «Nous sommes toujours joyeux. » (2e Cor., ch. VI, v. 10). CI Restez toujours joyeux.» (Ire Thessal., ch. V, v. r6). «Votre cœur se réjouira et nul ne vous ravira votre joie ... Que votre joie soit parfaite 1 1

.(Saint Jean, ch. XVI, V. 22). «Bienheureux les immaculés 1 » (Ps. lIB, v. r) 1.

- « Mais on me persécutera 1 1

Oui, si tu restes seul, sans former avec d'autres amis un groupe propre, contre le groupe sale.

Oui encore, si tu prends les poses de saint go­thique, dont nous venons de parler.

1. Pour un motif semblable, que les jeunes filles chré­tiennes s'habillent avec goût. La modestie ne nous condamne pas au spectacle affligeant de modes vieillottes ou vilaines. Que la religion ne devienne ja.mais chez le jeune homme syno­nyme d'ennui et chez la jeune fille synonyme de laideur. Lui qoit rite 1 l!;tle doit être jolil)lent mis~.

\

r07

Non, si tu restes naturel, boute-en-train (pour­quoi pas?) et bon comp~gn?n. ~c~)Ute l ,des dizaines et des dizaines d Ull1Verslt~lres m ?nt dit: « Il suffit d'avoir courage les dIX. pre~mers jours. On nous sonde. Si, ces di~ premle~s Jo~rs, on se fait respecter, on nouS laIsse enSUIte bIen tranquilles et parfois on nous avoue: C'est beau 1 Tu es un brave, toi 1

«Si au contraire on cède, c'est fini! On a com­mencé par une lâ;heté, par une ab~ication, qu~ d'ailleurs n'attire que mépris. Il deVIent alors SI

difficile de se reprendre, de faire machine en arrièrel»

N'aie pas peur 1 CI. Les méchants ne sont forts, que parce que les bons sont faibles,» disait Mgr Darboy, l'évêque martyr.

Oui faibles! Plus on étudie les jeunes gens, plus 0~1 voit que Ceux des collèges chrétiens cèdent à l'entraînement des autres, surtout par respect humain. C'est par respect humain qu'ils se vant~nt parfois de cent « bonnes fortunes )), alors qu en réalité ce sont de petits garçons bien rangés et que ' l~ur fameuse ({ garçonn~ère)) n'est qu'un quartier où ils « bloquent )) bIen sagement, pour rie pas être ( revus» à l'examen. .

Leur vie heureusement, vaut mIeuX que leurs paroles. 11~ ne sont fanfarons du vice, que parce qu'ils rougissent de la vertu et ne comprenn~nt pas _ les pauvres 1. - qu~! même ~u seul. pomt de vue de cette estlme qu ils convoitent, 11s au­raient tout à gagner en étant logiques avec leurs convictions 1 Comme ils devraient se montrer fiers 4'êtl-"e des baptisés, 4es confirméSj, 4es comm~-

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-I08 LE COMBAT DE LA n URETÉ

niants 1 Un roi n'a qu'un seul diadème. Un chré­tien en a autant qu'il a reçu de Sacrements.

'" '" * Il connaissait à fond les jeunes gens, l'auteur

qui, dans la Loi de Caïn 1 raconte l'histoire d'Henri Sigean, un pur, mais un faible, qui, par respect humain, n'a pas le courage de se soustraire aux conversations pervertissantes:

«L'heure de la récréation était arrivée. De tous côtés, de petits groupes se formaient et, bras dessus, bras dessous, commençaient à tourn(!r dans le sens classique, de droite à gauche ...

« Le jeune homme hésitait, quand il fut abordé par le sarcastique Maillard, flanqué de son insé­parable Lefort. «- Allons, as-tu fini de lanterner? dit le

premier. Arrive un peu, l'Immaculée Concep­tion ...

cc - Bah 1 riposta son compagnon, ne l'emb .. '. pas, ce garçon; viens avec nous, affreux clérical, on n'est pas si méchant qu'on en a l'air. Avance à l'ordre.

cc Et prenant d'autorité le bras d'Henri, tandis que Maillard l'investissait de l'autre côté, i1l'en­traîna dans le cercIe, ot'! les groupes tournaient déjà en riant. C'était un gros et grand garçon que ce Lefort, vrai type du meneur de collège. Une figure plate, sans expression, sans contours,

1. SETH, La Loi de Caïn. Paris, Tequi, 82, rue Bonaparte, 1900.

== L'ATTAQUE 109

des yeux placidement moqueurs, entre les. pa~­pières clignotantes et, ~eml;~ermees. On e~t dIt un apathique, sans 1 alr d msolence gouaIlleuse qui faisait toute sa physionomie.. , .

(c De tels gens, lancés dans le bIen, n auraIent aucune action. Pour guider les hommes vers le noble, le généreux, l'héroïque, il faut la grande pensée ou le grand cœur, la parole ardente, le fluide qui pénètre. Pour être coryp~ée de chahut ou de corruption, point n'est besom ~~ ces dons électrisants. Du cynisme, de la grosslereté, une bouche prête à verser l'injure, le sarcasme, tout natllrellement, sans colère, sans effort, c'est assez.

(c Avec cela on peut être populaire, grâce aux secrètes lâchetés, aux basses complicit~s lu?rique.s de la foule. Rien de pire pour le caracten: d Henn. Lefort ne l'exaspérerait pas, co~me. Maillard par des attaques directes. Il 1 enlIseraIt doucem~nt dans la fange, en blaguant la vertu san~'pasSI?n apparente, en déversant tranquillement lu;famle, comme un produit naturel du cœur humam.

« Henri sentait vaguement le danger. Ce mot même de déniaiser sonnait, étrangement sus~ect à son oreille chaste. Mais que faire? Il se laIssa entraîner dans le cercle qui tournait... La conver­sation retombait dans la boue, sans qu'il fût pos­sible de s'en dépêtrer. Les deux compères sem­blaient prendre plaisir, chacun selon SOt; genre, à tourmenter la pauvre âme pure, tombee entr.e leurs mains. N'est-ce pas d'ailleurs l'affreux écuell des conversations de jeunes gens, que cett~ fan­faronnade d'impureté ? Partout elle est à cramdre,

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~ ,""""'''''''''''''''''''' ·· c~""· =-"""" ___ """'"""""",,,,,_ no LE COMBAT DE LA PURETÉ

partout elle produit les mêmes fruits: l'abaisse­ment des âmes, la mort de l'idéal, l'anéantisse­ment de la pudeur. Contre elle, les éducateurs religieux luttent par la vigilance, par la salutairE' diversion des jeux violents, par la religion sur­tout, dont le frein austère et noble contient les jeunes cœurs et ferme les lèvres aux paroles trop libres. Ils n'empêchent pas tout le mal, sanll do~lte. Ils donnent du moins à tous, même aux caractères encore faibles, la possibilité d'y échap­per, avec une bonne volonté moyenne. Il (p. 37).

Henri Sigean, perverti par les conversations, a une entrevue avec Albert, l'énergique jeune homme vainqueur du respect humain.

Henri tâche d'excuser sa propre faiblesse J «- Tu n'es pas à ce point moyen-âgeux que

tu n'aies entendu blaguer la religion 1 »- Évidemment 1 Seulement 1 je te prie de

croire que j'ai rudement « muselé» les blagueurs, quels qu'ils fussent. Tous ces gens-là connaissent le christianisme comme un tambour l'astronomie. Leur force est dans leur audace et dans la frayeur de leurs victimes. Or, je n'ai jamais eu peur.

» - Tout cela, c'est très joli; mais pour agir avec ton sans-gêne, il fallait être un ours. »- Du tout 1 il fallait être un homme et avoir

du caractère. . " Henri s'était incliné, les coudes sur les genoux,

les yeux vers la terre. Il semblait pensif, subjugué qu'il était par cette force morale qui contrastait si crûment avec ses propres lâchetés.

» - Du caractère, murmura-t-il comme en aparté, c'est beau cependant 1 Mais les solli-

-- .2 se"':"

L'ATTAQUE III

citations des conversations joviales... A qui feras-tu croire qu'on puisse y opposer un front d'airain?

» - Hé 1 qu'ai-je donc fait? Quand je l'ai pu, j'ai imposé le silence et forcé à rougir qui voulait m'intimider. Quand je n'ai pu m'éloigner, ni obtenir le respect de moi-même, j'ai écouté, impassible. Du moins n'ai-je jamais fait à ce~ vilenies l'aumône d'un sourire ou d'une approbation.

»- Et on ne t'a pas persécuté? » - Oui, un railleur m'a appelé Mademoiselle.

Je lui ai mis sous le nez le poing de Mademoiselle ... et il m'a traité de cher ami 1 » (p. 124.)

2 A Le jeune homme est travaillé par

• embuche: d t' té . . t' é la C\lliosité. es sensa IOns mys neuses, ID ngu par certains problèmes de la vie et de

l'origine de la vie, par les allusions qu'il entend un peu partout.

Connaître 1 Cueillir le fruit à l'arbre de la science 1...

Alors commencent les recherches furtives dans les dictionnaires, dans les brochures spéciales, dans les livres médicaux; ce sont les billets clan­destins et les questions aux amis. Le malheur de l'enseignement par de mauvais camarades est que désormais les réalités de l'existence sont apprises avec des ricanements pervers, et sous un aspect malsain de débauche, qui les souille à jamais.

Jeune homme curieux de ces questions, adresse­toi simplement et loyalement à tes parents, et s'ils n'aiment pas d'entrer dans ce genre d'expli-

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"" II2 LE COMBAT DE LA PURETÉ

cations l, demande-les à ton confesseur ou fi. une personne digne de toute confiance.

Ton père, ta mère veulent ton bien; ils ont dû se tenir au courant de ce qu'on a écrit, ces der­niers temps, sur la délicate question de l'initia­tion 2.

Tu ne les étonneras point. Au contraire, tant qu'un enfant a la confiance d'exposer candide­ment ses doutes à qui de droit, c'est un excellent signe, tandis que la rupture morale d'avec ses parents et le fait de se « fermer» contrastant avec l'expansion si naturelle à cet âge, deviennent une présomption inquiétante. L'Évangile remarque qu'il y a le « démon muet ». Je n'en dis pas plus long sur ce sujet, parce que le problème de l'ini­tiation regarde directement les parents et que Je présent travail ne s'adresse proprement pas à eux, mais aux jeunes gens.

1. Ton affection et ton respect pour eux n'ont rien à y perdre. Au contraire: lorsqu'une mère a eu le courage de ~aire la ?onfidence sacrée, la ,reconnaissance d~ l'enfant gagne Je ne saIs quOI de grave et d ému. Désormais Il recourra avec pleine confiance à sa mère, aux heures décisives dans les ciro constances délicates de la vie. '

2. En tout cas, ils ne peuvent pas tromper leurs enfants par des contes ridicules sur l'origine de la vie. Plus tard, le fils découvrant l'inanité de ces fables, perdrait confiance en ses parents, non seulement pour ce point particulier, mais d'une manière générale, et se dirait: «Si mes parents m'ont induit en erre,:r pour une question, ils le font, peut-être, pour d'autres questIOns aussi. » On peut différer d'avis sur l'oppor­tunité de l'initiation, sur le procédé, sur le moment. Mais on n'a pas le droit de mentir.

Voir P. VERMEERCH, S. J ., De Castitate, nO 194. Lire, sur « L'éducation sexuelle " le Décret du Saint Office,

2I mars 1931, Acta Apostolicae Sedis, 1er avril 1931, pp. lIB . et II9.

L'ATTAQUE Il3

3e embûche: Voilà les deux moments dangereux. le lever et le C'est au premier et au demier in-

coucher. stant du jour, que les tentations nous assaillent davantage. Ce lit qui semble n'être qu'une molle couche de repos est souvent l'étroit champ clos où le jeune homme lutte le plus pour sa pureté. Considérez les circonstances: l'abandon de la pose, le vague bien-être, l'imagination qui vagabonde, débarrassée des soucis du jour, J'en­gourdissement de la volonté et la moindre maî­trise de soi dans l'état de demi-conscience.

La pare~se matinale est la plus dangereuse des paresses. Evite de « caresser l'oreiller JJ , car « le diable est caché sous l'oreiller», assure un pro­verbe plus profond qu'il n'en a l'air.

Lorsqu'il faudrait se lever, « les dernières mi­nutes, dit-on, sont les meilleures r» Le Tenta­teur est certainement de cet avis! et pour lui « les dernières minutes sont les meilleures 1 »

Le mauvais ange dit: « Prends comme modèle le loir r »

Le bon ange dit: «Prends comme modèle le coq 1»

« Surgamus ergo strenue 1

Gallus iacentes excitat Et somnolentos increpat, Gallus negantes arguit. Gallo canente, spes redit .•

Vite, levons-nous 1 Le coq excite ceux qui reposent, Il presse les somnolents, Il tait des reproches à ceux qui refusent de l' ~coute, • Chant du coq, ,.etau,. d'espérance 1

&

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= .:..-- - ~ II4 LE COMBAT DE LA PUIŒTl~

Ces paroles sont tirées de l'hymne Aeterne ,erum ...

Détail frappant: dans le Bréviaire, l'hymne de Matines et de Laudes, pour chaque Férie, est un encouragement au prompt lever. 'Donc, qua­torze hymnes qui sont quatorze éloges du lever généreux 1

. E! ne va pas croire que le Bréviaire seul parle amSl. Pèse les deux remarques du non religieux Payot, dans son Éducation de la volonté, pp. IBo-204 :

« Dis-moi à quelle heure tu te lèves et je te dirai si tu es vicieux... Tout jeune homme qui

' demeure au lit une ou plusieurs heures après le réveil, est fatalement vicieux. »

Te faut-il encore d'autres autorités? • «. On interdira le séjour prolongé au lit; on mSlstera pour que le lever ait lieu aussitôt après le réveiL» (Docteur Francotte, Quelques points de morale sexuelle, p. 13).

» En habituant le corps à n'avoir que la ration de sommeil qui lui est absolument nécessaire, on le contraint... à dormir énergiquement, ce qui est, à n'en pas douter, la perfection de l'énergie. Il

(Cité par le R. P. Vermeersch, S. J., De Cast., p. 175)·

« Le lever tôt conserve la santé et la sainteté .• (S. François de Sales).

« Le lit est destiné au sommeil. On ne doit s'y mettre que pour s'y livrer au repos; on doit en sortir dès qu'on est réveillé ... Secouez-vous au réveil et levez-vous de bonne heure; c'est la santé non seulement pour votre corps, mais pour

L'ATTAQUE Ils

votre âme. J (Docteur Surbled, La Vie de ieune fille, p. 43).

Conseils pratiques! Fais comme un soldat, quand sonne la diane

(du moins, comme il est censé faire 1) et lève-toi à l'heure fixe;

Prie. « 0 Dieu, je te cherche dès l'aurore.)I (Psaume 63) ;

Bois modérément le ·soir ; Ne lis pas, le matin et le soir, dans ton lit: Évite, autant que possible, la sieste au lit ;

\ Si le decubitus dorsal provoque en toi des perturbations, n'hésite pas à changer de posi­tion;

Garde une tenue modeste, une pose digne; N'aime pas la chambre trop attiédie ou trop

chaude; Ne veille pas trop tard; Crains le lit très moelleux. Pendant la guerre,

les Allemands nous prirent la laine de nos matelas et nous avons dû dormir sur des crins. C'était fort dur pour les reins, mais bon pour la vertu. A ce point de vue, mieux vaut paille, que plumes de tourterelles.

« On devrait aussi prendre l'habitude de dormir les bras placés hors du lit, dût-on porter pendant l'hiver un tricot de laine, pour éviter les refroi­dissements. Il (Docteur Good, Hygiène et morale, p. 24·)

* * * Nous avons pensé qu'il était oppolwn d'in­

sister sur une occasion de tentations éminem-

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-n6 LE COMBAT DE LA PURETÉ

ment pratique, puisque, pour tous, elle revient deux ~ois quotidiennement; c'est par elle que notre Journée commence et qu'elle finit 1

40 embfiche : le Celui qui ne tait l'ien est pl'ès IÙ désœuvrement. faire mal. (FRANKLIN).

Au dire des anciens: « Otium malorum omnium origo )J, l'oisiveté est la mère de tous les vices. Le désœuvrement est mauvais conseiller. Aussi les vacances sont plus dangereuses pour la chasteté que le temps des classes. Ce qui, hélas 1 chôme alors le plus, c'est la vertu.

Adopte un« ordre du jour Il, . Occupe-toi, coûte que coûte: à une collection,

SI tu veux, à la photographie, à l'escrime; tiens 1 quand ce ne serait qu'à fumer 1 Évidemment c'est très peu de chose 1 mais au moins c'est quelque ch?se 1 et très peu reste plus grand que rien. N'II~porte quoi... ~ais. ne moisis point 1.

LIS. « Pour me dIstraIre d'une imagination im­portune, il n'est que de recourir aux livres: ils ~e la dérobent. C'est la meiUeure munition que J ale trouvée ~ cet humain voyage. » (Montaigne).

Intéresse-tOI. a~x chose~, aux hommes. A vingt ans, on devraIt etre cuneux de tout et comme dit Léon Daudet, « pousser des antenne; en tous sens )J.

Étudie. Entre dans les cercles d'étude. Nous causerons plus loin de ces deux points.

Promène-toi. Excursionne. Joue: donne.-toi aux

.1.« L'oisiveté. ressemble à la rouille: Elle use beaucoup plus que le travail. La clé dont on se sert est toujours claire • (FRANKLIN). •

L'ATTAQUE II7

sports, à ces exercices un peu violents qui offrent le double avantage d'être, au point de vue moral, une « distraction )l, et, au point de vue physique, une canalisation du fleuve d'énergie, en divers ruisselets 1.

Chasse, si tu le peux, car « Diane est l'ennemie de Vénus ».

Tous ces conseils se ramènent à la loi du déri­vatif qu'a bien analysée le P. Ant. Eymieu, S. J. : II: Parce que tous les éléments de l'être commu­niquent entre eux dahs l'unité du tout que nous sommes, on peut attirer sur un point une partie du courant qui circule dans les autres. Mais aussi, parce que, à un moment quelconque, la somme en est toujours limitée, l'augmentation sur un point coïncide nécessairement avec une diminu­tion équivalente sur le reste ...

« La vie semble s'atténuer sur un point, dans la mesure où elle s'accumule sur les autres, comme la masse d'eau qui remplit les océans et que la marée soulève, ne peut venir battre un rivage, qu'en s'éloignant du rivage opposé ...

1. Les récréations animées, les travaux manuels, les jeux, la gymnastique, le foot-bail, le patinage, la course, le cano­tag~, sauf abus, sont recommandables. Par l'exercice, les or­ganes s'équilibrent, les muscles se développent, les centres nerveux perdent leur irritabilité.

C'est le Docteur SURBLED qui, d'accord avec tous les méde­cins, parle ainsi dans La vie de jeune garçon, p . 75 et dans La morale dans ses rapports avec la médecine et l'hVl!1ène. t. III. p. 130 sq .

" Il "st utile d'avoir en dehors des occupations profe:mon­neUes. un travail préféré, quelque violon d'In<>res, qui rem­plira précieusement les heures de désœuvreme~t. » (Docteur P. BARBET.)

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IIB LE COMBAT DE LA PURETÉ

« Quand l'effort vital se porte sur la pensée, c'est à elle que paient tribut toutes les forces physio­logiques ... Dérivez la pléthore d'énergie, qui em­barrasse votre organisme: en haut, vers les idées. ou en bas, vers les actes 12lus ou moins violents. J

(Ant. Eymieu. S. J.. Etudes, 5 février 19°7. p. 30l sq.).

• Biduo salta vit 5- embûche 1 Et placuit .• . le bal. Il dansa deux foU,.!

Et il plut.» (Epitaphe d'un jeune Romain de la décadence);

Il y a bal et bal : le bal honnête, en famille et celui dont les parents sont exclus (parfaitement! ... ) parce que, selon l'expression, non pas d'un ga­vroche, mais d'une jeune fille de la plus haute société: «Tant que les parents sont là, on s'em­bête. »

Il y a danse et danse: pavane de jadis, tango d'aujourd'hui; le menuet où l'on sautillait genti­ment, tel exercice moderne où l'on s'agite cafre­ment, oi! l'on se balance pingouintiquement. Vous qui nous questionnez sur les danses, de laquelle parlez-vous donc ?

Au reste, il ne suffit pas, pour apprécier la mo­ralité d'un bal, de connaître la danse, parce que la même danse peut être exécutée correctement ou incorrectement.

Des manifestations passionnées cessent-elles d'être répréhensibles parce qu'elles ont lieu au bal? Je puis bien, après Mgr Deschamps, (Œuvres, T. VIII, p. l57), répéter le mot d'une femme du monde : « Comme nous crierions, si nous voyions ainsi nos filles dans les bras des jeunes gen~ ...

co

L'ATTAQUE II9

sans la musique. Il Mais le mal ne devient pas le bien, je suppose, par le fait d'un accompagnement de musique 1.

Lorsqu'on blâme les danses, on a vite l'air d'un aïeul ne comprenant pas la jeunesse moderne.

Je me résoudrai à ne pas comprendre la jeu­nesse moderne, plus facilement qu'à. ne plus com­prendre le vieil Évangile. Or, l'Evangile dit: « Celui qui désire une femme dans son cœur ... » et j'ai beaucoup de peine à croire qu'un jeune homme ne la désire pas dans son cœur, quand il la serre si fort contre son cœur.

De plus, il allume facilement la même flamme chez sa valseuse, lui, le beau cavalier, en sorte qu'il est à la fois attiré et attirant, inflammable et incendiaire. 2

Moment propice à la défaillance 1 oi! souvent les plus belles considérations d'honneur sont vola­tilisées comme une goutte d'eau sur une tôle chauffée à blanc.

Qu'entre ce jeune homme et cette jeune fille arrive un scandale, c'est/autour d'eux un étonne­ment pharisaïque. Logique du monde 1 On mal­tiplie les excitations au mal, et quand le jeune homme fait ce mal, quand il accomplit ce à quoi on le provoquait, alors il est convenu, n'est-ce pas? que ce sera un ahurissement général. On jette à plaisir les tisons ardents sur une paille sèche, mais avec défense de brûler 1 La mère

1. L'enquête de José Germain, intitulée Danseront-elles' ose rappeler l'expression d'André David: {( porcs en gilet •.

2. u Un œil incendiaire, un cœur incendiable .• (E. Ros­TAND, Chanteele,).

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

inconsciente qui mena son fils au flirting-box au c~ucho, et,. ainsi pr~voqua l'ince:r:die, est st~pé­faite que llllcendle eclate et soupIre à son amie 1 cc Chère! il n'y a plus de jeunesse 1 Où allons-nous? Cet enfant me fera mourir 1 Il

* * * On a tout dit sur le bal. Je me co~tenterai, jeune homme, de te poser

deux questlons, auxquelles tu répondras dans la loyauté de ton Cœur.

Voudrais-tu que ton fils, plus tard, entrât dans ce même dancing et dansât comme tu danses? Tu seras un honnête homme et un bon chrétien si tu. adoptes c~tte règle: Je ne ferai jamais ce que Je defendral plus tard à mon fils.

Deuxième question! l'ivresse du bal passée, g~rdes-tu la co?science tranquille? On la trompe SI peu, la conSCIence 1 Le monde a beau multiplier les sophismes, tous les amis ont beau accumulel' toutes les excuses, tu dois, dans le fond silencieux de l'âme, caractériser telle chose comme elle est l un péché mortel Il

6e bft h' Ou plutôt le cc ciné »... à moins em ce. 'b' t ' le cinéma. qu a regean encore on n en arrive

un jour, à dire le « ci)) tout court: Nous n'avons plus le temps de dire cinéma: dans notre vie trépidante on ~st tellement pressé 1

I. Lire surtout la brochure franche d'ailleurs, Les Danses modernes, par. M. JANSSEN, Professeur de Morale à l'Univer. slté de Louvam. Bruxelles, Tiré à part de La lectl,re al' toy~y 34, rue Stassart, Bruxelles, 1925. 40 pp. •

1 )

L'ATTAQUE 121

- « Le cinéma peut servir à l'apologie de la vertu 1 ))

Il « peut Il ... 1 Mais en fait ? Beaucoup plus de films, n'est-ce pas? représentent Salomé dansant, que saint Louis de Gonzague priant. Les héroïnes du film sont les Marie-Madeleine ... d'avant la conversion 1 et saint Jean Berchmans est bien fade près de Landru.

Certes, il est de bons cinémas, favorisés (peut­être à titre de pis aller) par le clergé lui-même. Certes il est d'excellents films: Chacun porte sa croix, etc.

Mais la plupart ! ... Voyez les titres 1 Regardez les images réclames 1 Ou plutôt, ne regardez pas trop 1

- Les Pères de l'Église ont parlé sévèrement du théâtre. Que diraient-ils, les pauvres Pères, s'ils revenaient et voyaient le cinéma corrup­teur?

Là, tout favorise la chute l l'obscurité, les ap­plaudissements, qui, plus audacieux dans l'ombre, soulignent les passages graveleux, la compagnie, le film, beaucoup plus dangereux que la lecture. Lire un roman de Zola suppose le temps · (et la patience 1) de parcourir cinq cents pages. Tandis qu'au cinéma, le mode de perception est intuitif et rapide, puisqu'il suffit d'ouvrir les yeux 1.

I. «II serait dommage que les catholiques laissent à l'Es­prit du mal une arme plus rapide, plus émouvante, plus toute-puissante encore que le journal sur l'âme des foules. Et c'est pourquoi j'ai fait mon film et même, que j'ai tourné de­dans. II (PIERRE L'ERMITE, LB Cinéma.)

2. Dans cette Épître aux Pisons, improprement appe­. lée Art poétiqu~. Horace note que les perceptions visuelles

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-122 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Dans le livre, l'action est contée. Sur l'écran, l'action se fait 1.

Ce n'est plus seulement le récit, c'est le mouve­ment lui-même, avec la précision mécanique du geste, au point de donner l'illusion de la réalité. Voir, c'est lire deux fois 1

La psychologie montre à l'évidence que la narration reste, pour beaucoup d'esprits, un « état faible», tandis que la représentation est un « état fort». Or, un état fort tend à se réaliser et s'il ne s'achève pas, c'est qu'il est refoulé au second plan, tenu en échec par des facultés supé­rieures ou par des images concomitantes de force plus grande ou égale, car c'est une loi que tout état faible est vaincu par un état fort qui lui est contraire. Une image saisissante est animatrice, comme on dit aujourd'hui et le geste correspon­dant suivra, comme de l'arbre se détache le fruit mûr. Cela est vrai pour tous, mais spécialement pour l'enfant plus imitateur encore et plus im­pressionnable que tout autre.

« Qui t'a donné l'idée de devenir chef d'une bande de cambrioleurs?» demandait au jeune bandit René Fournel, le commissaire de police de Puteaux.

sont beaucoup plus impressionnantes qu'un simple récit: • Segnius irritant animos demissa per aurem Quam quae sunt oculis subjecta fidelibus et quae Ipse sibi tradit spectator. » (V. 180-182).

Horace posait là, cinquante ans avant Notre-Seigneur, le principe du cinéma et analysait son action ...

I. Et elle s'accoinpagne maintenant de la parole et du chant.

- «Le cinéma .. . » (Écho de Paris, 28 déc. 1920) 1.

La conséquence est qu'on ne peut pas intro· duire dans l'âme, surtout dans l'âme des jeunes, les images contraires aux actes qu'il faut poser.

Si les parents apprenaient qu'on donne à leurs enfants un cours d'immoralité, quel émoi 1 Or, tel film n'est-il pas un vrai cours d'immoralité? Et cependant les parents aveugles disent: « Étu­die bien, chéri, et nous irons ce soir au cinéma. Sois sage à table ce soir, mignonne, et nous irons voir le superfilm, qui d'ailleurs, je t'en préviens, montre des choses qu'il ne faut pas imiter. »

Je traduis : « Sois sage à table, ce soir, mignonne, et comme récompense tu auras ce qui est dan­gereux pour ton âme; étudie bien, chéri, et alors tu auras ce qui est mauvais pour toi et tu pourras aller là-bas d'où sortent de petits nerveux et de petits vicieux. »

Ils ne demandent pas mieux, les enfants avides d'émotions fortes 1 Au lieu de ces excursions au grand air, d'où ils reviendraient la poitrine pleine de bon oxygène, ils vont s'étioler dans les salles malsaines pour le corps et malsaines pour le cœur. Ils raffolent, les jeunes détraqués, du film policier, du film sensationne1 2•

1. « Une séance de cinéma est la plus belle façon de choses gue puisse prendre un élève voleur, ou un apprenti assassin .• (La Bataille, 13 juin 1921).

2. Le film représentant une pièce de théâtre ou un roman, fera lire cette pièce et ce roman. Le 27 mars 1914. M. Paul Deschanel présidait le banquet de la Chambre syndicale française de la cinématographie et disait: • Lorsque vos spectateurs ont vu représenter sur vos écrans un chef-d'œuvre,

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I24 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Quant à la formation intellectuelle de l'en­fance par le cinéma, nous savons maintenant à quoi nous en tenir. L'expérience a montré qu'il déshabituait de l'effort mental et substituait le tableau facile au raisonnement viril, l'œil à l'es­prit 1. Ce n'est plus de l'éducation, mais de la documentation, par le spectacle et par l'image, sans ce travail de la généralisation, sans cette recherche de la cause, de la finalité, sans cette codification sous forme de lois qui s'élèverait au-dessus des faits, pour devenir une vraie science. Aux habitués du cinéma, on peut appliquer ce que Malebranche écrivait au ch. V de son Traité de morale: celui qui se borne à regarder, « con­tent de ses prétendues richesses, méprise le tra­vail de l'attention.» Ces spectacles négligent «d'incorporer le savoir à leur âme» et ils ne peuvent plus se résoudre « à gagner à la sueur de leur front, le pain de l'âme. li

* * * Le cinéma fait fureur. On s'écrase à la porte.

Hélas 1 s'écrase-t-on à la porte des églises, à l'heure des Vêpres ou de la Sainte Messe?

Le Cid, ou Phèdre, ils ont le désir d'aller le voir au théâtre. Lorsque vous avez donné Les Misérables de V. Hugo. la vente chez les libraires a aussitôt monté dans des proportions énormes. »

1. XX· Siècle, sept. 1919. «L'échec du film instructif •. Rapport de M. Paul Janson: «La question des cinémas.

Comment ils se sont développés pendant la guerre. L'échec du film instructif .•

En revanche, lire L. JALABERT, Études, 5 févr. 1924: « Ciné­ma éducateur J.

L'ATTAQUE 125

Le peuple, qui n'a pas l'arg;nt nécessaire p.our retenir une place au théâtre, fut-ce au « paradIS ~, trouve toujours quelques sous pour aller VOIr un film. Le cinéma est le théâtre du pauvre.

Aussi, malgré la vie chère, il fait des affaires d'or le cinéma 1 Une statistique, bien dépassée mai~tenant, nous apprenait que les cinémas de Belgique déroulent, à chaque séance de deux heures, trois millions de mètres de films. Un cinéma de Bruxelles offrit à un artiste, cette année, 25.000 francs par an, pour venir jou~r de l'orgue chaque jour. On soupçonne quelle~ dOlv.ent être les recettes d'un cinéma pour qu'Il pUIsse présenter ainsi 25,000 francs à celui qui touchp les orgues.

Dans son bel article sur le cinéma, publié dans les Études du 5 oct. 1921, L. Jalabert nous donne des chiffres instructifs:

(( Il Y a actuellement, dans le monde entier, 60,000 salles de spectacle consacrées a,: cinéma.

» Les États-Unis viennent en tête de ligne avec 25,000 cinémas.

» On en compte 4,000 en Angleterre, 3,000 en Allemagne, 2,000 en France.

» Paris, à lui seul, aurait 320 salles auxquelles s'ajoutent les 180 ouvertes dans ~a. banlieue., Dé­filent chaque jour de I20 à IS0 mIlhons de metres de films.

J) On estime à 600 millions, les capitaux engagés en France dans les entreprises cinématogra­phiques.

»Le trust 15 milliards;

mondial du film disposerait de c'est dire que, dans le commerce

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"'" LE COMBAT DE LA PURETÉ

universel, la denrée cinématographique arrive au troisième rang, aussitôt après le blé et le char­bon. J) Remarquez bien que la citation date de I92I. Dep;uis ...

• • *, . Un jeune homme que je connais, a la fiêvre du

cinéma. Voici son dimanche: 7 h. du matin: Messe et Sainte Communion;

I2 h. : prières avant le repas; 3 h. t saint Vincent de Paul; 5 h. 1 Salut; 9 à II h. ! cinéma dange­reux. '

Comment s'appelle ce jeune homme? Il s'appelle « légion )J.

Les princiPes des mauvais livr~s sont 7" embftche : une esPèce de dynamite morale. les lectures. (P. BOURGET).

Nous n'aurons pas le mauvais goût de mettre votre courage à une seconde épreuve 1, en reve­nant longuement sur ce sujet des lectures.

Mais, de plusieurs côtés, on écrit.: « Nous con­naissons les principes. Nous voudnons quelques traits. C'est encore ce qu'on retient le mieux! Après tant de règles, un peu de documen!ation ferait bien... Des citations ou exemples SI pos­sible. »

Certes, c'est possible 1 très possible 1 Et voici.

1. Nous avons déjà publié Vos Lectures (4° édit., 64 pp.).

_ .. _ ... , _C'· ..

L'ATTAQUE I27

* '" '" Une jeune femme avait lu La Nouvelle Hélorse.

Elle vint sur la grand'place de Genève, se fit sauter la cervelle, et le sang de la malheureuse éclaboussa la statue de l'auteur: J.-J. Rousseau • L'événement fit sensation, parce que le sang rouge avait coulé .

Dans les drames intimes d'une âme, causés par la lecture, le sang rouge ne coul~ p~, ,m.ais la foi et l'innocence se perdent par d IrremedIables blessures.

Vous dites, sceptiques: « Mais non 1 il ne s'agit point de blessures 1 Simples piqûres d'épingles 1 )J

Piqûre d'épingle, quand c'est au cœur, vaut coup d'épée 1

Après la guerre de r870, un député de gauche, M. Balisaux, de Charleroi, faisait en plein Parle­ment belge, cette remarque humiliante: « Lorsque, après Sedan, on ouvrit les havresacs allemands, on y trouva des Bibles; dans les havresacs fran­çais, on découvrit des romans et quels r~mans.! )J

Je suis assez sceptique pour le premIer fmt: nous savons tous que la vertueuse Germania, pen­dant la guerre, ne mettait pas unique~~nt. des Bibles dans les havresacs 1 et que 1 E~nture Sainte eût été en étrange compagnie près de pâtes spéciales et de pastilles incendiai.res;

Mais on assure que le second fait s est fréquem­ment constaté et qu'entre les mains de ces pauvres enfants si près de la mort dans leurs tranchée~, on voyait « des romans, et quels romans 1 » PlUSIeurs

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128 LE COMBAT DE LA PURETÉ

de ces volumes auraient mérité bien réellement l' ~ épigraphe pour un livre condamné» écrite par Baudelaire dans ses FleHrs d1 t malI

• Lecteur paisible et bucolique, Sobre et naïf homme de bien, Jette ce livre saturnien, Orgiaque et mélancolique 1 Si tu n'as fait ta Rhétorique Chez Satan, le rusé doyen, Jette 1 tu n 'y comprendrais rieno Ou tu me croirais hystérique. »

Pour Baudelaire, cette épigraphe, tout comme sa « Prière à Satan» et ses « Litanies de Satan» (ib., p. 332) n'est probablement qu'une gageure. Mais, chez plusieurs auteurs, cette gageure est réalisée. Aussi, voyez les conséquences 1

En France, la Gazette des TribHnaHx (nO de juillet 1921), rapporte le dialogue entre le Prési­dent des Assises et deux assassins d'un marchand de toilette, à Clichy:

« - Comment vous est venue la première idée du crime?

)) - Nous lisions ensemble un roman, où se trouvaient l'histoire et le plan d'un meurtre, suivi de vol.

)) - De combien de temps cette lecture est­elle antérieure au crime? »- De huit jours environ. J

La publication avait commencé dans le J oHrnal de famille, le 22 juillet et s'était terminée le 6 dé­cembre. L'assassinat fut commis le 15 décembre.

Au mois de juin 1874, un soldat français, nommé

L'ATTAQUE 1 2 9

Bonard allait être fusillé. Il avait jeté dans la Seine u~ agent de police et commis encore d'autres crimes.

Il se prépara chrétiennement à la mort et, avant de subir le supplice, déclara: li. Je meurs plein de confiance en Dieu, à qui j' ai deman~é pardon de mes forfaits. Je fus très coupable, malS il est des hommes beaucoup plus coupables que moi: ce sont les écrivains, les rédacteurs de mau­vais journaux, qui m'ont perdu, en m'inspirant le mépris de la religion et la révolte contre toute autorité. J

* 1$: * «J'aimerais mieux que vous. fus~iez incapables

de lire, plutôt que de vous VOIr faIre une lecture nuisible à l'intégrité des mœurs. »

Qui a dit cela? Vous v~us ,écriez, s~ns do~te 1 un curé fanatique 1 un vicaIre a mentahté étrOIte 1

Non 1 c'est un païen : Quintilien. « J'aimerais mieux que vous fussiez incapables

de lire ... 1 » Choisissez donc bien vos livres. On s'étiole, à rester dans un air vicié. On s'amollit à vivre dans une atmosphère

affadissante co'mme les effluves d'un «tepida­rium )) romain.

On se fortifie, à respirer cet air salin de la r,ner régénératrice, qui vous do~ne, dè~ qu'on. ar~lve, comme un puissant coup d éventaIl et qUl faIt la poitrine plus large, plus saine.

Ces trois airs si différents, rappellent les trois atmosphères de la triple littérature: malsaine, amollissante, vivifiante.

r", Comh3t de la Pureté 1/

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

Détestez la première. Craignez la seconde. Aimez la troisième.

Mieux vaut le livre trempant la volonté, que le livre affolant la sensibilité. Soyez en garde contre ces œuvres détraquantes dont lei Gon­court disaient: cc Notre littérature repose sur une maladie de nerfs 1 lI ·-

* * * J'entends d'ici les exclamations.-« Vous exagérez le péril J Des lectures lestes

n'entameront pas nos convictions, ou nos mœurs. Il

Peut-être pas tout de suite. Mais les lézardes sont un commencement do

ruine. Les voies d'eau iont un commencement do

naufrage. Toute défaillance wnstitue, dani notre vie

spirituelle, une «fuite li et~ par cette mince fis­sure, s'écoulent beaucoup de belle joie et de mé­rites, comme, par une fine fêlure, se vide peu à peu le contenu du plus riche réservoir.

* * * Les petite!! causes produisent souvent de

grands effets. Voyez le travail des termites. Certaines lectures feraient en vous leur œuvre

de termites et mineraient souterrainement votre âme.

Voyez encore, à la guerre, les ravages d'une gouttelette d' «Yperite Il. Elle se remarquait à

L'ATTAQUE I3I

peine sur la main, ou sur le visage. Cependant elle causait d'horribles plaies 1

Mainte lecture est, dans le cœur, une goutte d' « Yperite 1 »

- «Je suis fort 1 » , Le grand arbre aussi. Cependant quand il a le ver au cœur, il pourrit.

- «Mauvaise lecture 1 petite graine emportée par le vent J »

Non J cc La petite graine de sapin, jetée par le vent dans une fente de rocher, fera éclater le rocher.» (A. Leleu! Éducation et enseignement religieux).

- « J'ai fait des lectures risquées. Suis-je em­bourbé?» Généralement, on s'embourbe peu à peu; on s'enlise. Jeune homme, tu as pu trouver, un peu dans toutes les anthologies, ce passage de V. Hugo: ('( L'enlisement» et, avec la mémoire scandaleusement fidèle qu'on possède à ton âge, je suis sûr que tu connais ces lignes par cœur.

Rappelle-toi cette page. Applique-toi cette page. Pour -moi, je m'en suis souvenu, je te l'avoue,

chaque fois que j'ai vu des jeunes gens s'enliser 1 et que, selon la parole de Jules Vallès, leur main agitait une dernière page corruptrice cc au-dessus du bourbier où ils allaient périr », au-dessus du linceul de fange qui devait les ensevelir 1

* * * Cet enlisement d'une âme de jeune homme,

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LE COMBAT DE LA PURETl~

à la suite de lectures, est raconté dans un livre que nous avons cité déjà: La Loi de Caïn: « Un singulier cadeau de Lefort avait terriblement avancé son éducation morale.

» _ Tu n'as jamais lu Nana, j'en suis sûr! »_ Nana! fit Henri effaré. N'est-ce pas un

roman de Zola ? »- Bien sûr! »_ Oh 1 s'exclama Sigean, dans un soubre-

saut de franchise indignée, il n'est pas permis de lire cela!

« Il se mordit les lèvJ;"es. Il était trop tard et un éclat de rire acheva sa confusion.

\'( _ Ha 1 Ha! Ha! Maman ne permet pas à Mademoiselle de lire des romans ?

» _ Qu'est-ce qu'a lu Mademoiselle? inter-rogea un autre. « L'Imitation ? »

C'était une belle occasion de se fâcher et de conquérir son indépendance par une de ces fières déclarations qui ferment la bouche aux plus acharnés. Mais il faut un courage autrement trempé que celui de la moyenne.

« _ Allons, allons, gronda la grosse voix de Lefort, laissez-lui la paix, que diable 1 on lui pas­sera Nana, à ce garçon, et il se formera. C'es. pas sa faute à lui, s'il a été élevé par des Capu­cins.

» Le soir même, dans son bureau, Henri avait trouvé le livre corrupteur, recouvert de papier marbré, afin de lui donner un faux air d'auteur classique.

» Henri s'était consulté, fiévreux, angoissé. Que faire? Refuser le livre, c'était déchaîner une

~"'- -"

L'ATTAQUE 133

campagne de moqueries, attacher à son nom le ~obnquet de. n;tademoiselle, d~ clérical, que sais­Je 1 Ne seraIt-ll pas plus pohtique de parcourir le r0t?an ? Il en lirait si peu, si peu, à dose homéo­pathIque ... Et, ~out en se pipant de la sorte, le pauvre enfant nsquait un œil dans le cloaque. Il lu~ q~elques pages, referma, écœuré; puis, sous 1 actIOn de la crainte, de la curiosité éveillée il reI?rit l'ouyrage, le referma, le rouvrit. Bref: Henn .Iut le livre avec dégoût, avec horreur, mais enfin 11 le lut. La fleur était fanée, le miroir terni par ces vapeurs pestilentielles D. (Pp. 42 à 44).

* '" >II

Lorsqu'o.n parle de la presse, on ne pourrait trop le .redIre : ce n'est pas le livre, c'est le jour­nal qm reste, dans la lutte pour le bien ou pour le ,mal, .le plus f~rmidable engin de guerre.

,fel Journal tIre .à ~n million d'exemplaires. C est donc une mitraIlleuse à un million de balles 1

Plusieurs journaux bruxellois éditent ' à 100,000 numéros. 100,000 balles! Le meilleur browning n'a que sept balles. L~ ~eilleur ~usU à répétition n'en a. que six. L a~tlOn du Jot;trnal, est d'ailleurs triplée, qua­

druple~, par le faIt qu un même exemplaire passe en trOIS ou quatre mains successives. , Si J'on pou,vait représenter, sous forme de plan,

1 actIOn du Journal! Les rails aériens du télé­graphe et les rails terrestres des grands trains fumants, apportent au bureau de la rédaction les pouvelles de partout.

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134 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Des centaines de fils arrivent à ce bureau central, comme des centaines de nerfs aboutissent au cerveau.

Puis la voie de retour 1 le poste récepteur du matin devient le poste émetteur de l'après-midi et, du même organisme central, partent des mil· liers d'autres fils, le long desquels cheminent les nouvelles honnêtes ou corruptrices.

Une carte de géographie nous représenterait ce delta, cet inextricable réseau de fils partant des locaux du journal et allant couvrir les villes, les villages. Partout, partout pénètrent ces feuilles sur lesquelles est imprimée de la pensée humaine.

Paul . Deschanel, au banquet de l'Association des journalistes parisiens, le 28 mars I920, s'écriait: « Mes chers confrères 1 vous tenez en main l'arme la plus puissante, la plus redoutable: la plume. Vous vous rappelez le mot d'Henri Heine: une petite goutte d'encre, tombant comme une rosée sur une pensée, la féconde et fait germer ce qui fait penser ensuite des milliers et peut-être des millions d'hommes. » ,

De la presse, on peut dire ce qu'Ésope assurait de la langue; vingt siècles après l'ère chrétienne, on revient au mot prononcé six siècles avant Jésus-Christ: Rien n'est meilleur 1 Rien n'est pire 1 Pour le prouver, on pourrait apporter cinquante traits ... à moins que ce ne soit cent... ou mille ..• Se embûche: Il arrive, surtout dans les pension. les « amitiés nats où les jeunes gens sont ensemble particulières.» perpétuellement, et n'ont pas, po r leur besoin de tendresse, le dérivatif normal de

L'ATTAQUE I35

la famille, que se créent des relations sentimen. tales et dangereuses, désignées par cette appel. lation discrète l «amitiés particulières».

Elles vont généralement du plus âgé au moins âgé. La route inverse est rare, parce que l'amitié descend, mais ne monte guère.

L'affection spéciale dont nous parlons ici, n'étant, en somme, que l'amour de la femme, qui se trompe d'adresse, suppose, chez cèlui qui en est l'objet, des charmes rappelant l'autre sexe et moins la beauté masculine que la beauté un peu « efféminée ». On s'épendra du bel adolescent imberbe (imberbe, ou du moins soigneusement rasé: c'est requis 1), à la faiblesse un peu lasse, évoquant l'idée d'une fleur, dont la tige gracile appelle un tuteur, tandis qu'on n'éprouvera aucun attrait pour ce grand rougeaud de voisin.. . '

Les amitiés particulières peuvent, pour parler comme saint Paul, commencer par l'esprit et finir par la chair (Gal., ch. III" v. 3), et avoir un triple étage: angélique, humaine, diaboliquè. Au début, elles seront innocentes. Après viendront les miè'­vreries, les fadaises, les vers de caramel, les petits cadeaux: aujourd'hui les images pieuses, demain les friandises, après-demain les symboles consacrés des cœurs blessés, des mains entrelacées, des tourte­relles se becquetant dans un'·rayon de soleil. Puis on se confie, l'un à l'autre, ses tentations contre la pureté. Ruse de la sensualité, ou naïveté à demi consciente, imaginant un prétexte religieux pour pouvoir s'entretenir de choses délicates. On s'im­provise confesseur.

On s'improvise aussi docteur." Autre moye,n

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ZEtCD"

LE COMBAT DE LA PURETÉ

d'entrer dans l'intimité et de recevoir les confi­dences. « Ne suis-je pas ton petit médecin? Au médecin, on dit tout ... »

Confesseur et docteur, c'est encore un peu froid. On trouve un troisième stratagème: « Tu es mon frère. Agissons en frères, simplement. '

« Simplement » ••• Beaucoup de choses peuvent passer derrière cet adverbe-là 1 On n'oublie qu'une chose: les frères devant vivre dans un perpétuel rapprochement entre eux, ou avec leUl"S sœurs, Dieu, pour que ce contact ne devînt pas un péril moral de chaque jour, a mis dans le cœur humain une pudeur et une réserve naturelles. Les rela­tions, entre frères, entre frères et sœurs, peuvent être extrêmement tendres et cependant épurées de toute arrière-pensée troublante 1. n est vrai que le vice peut parfois violer cette loi si profon­dément gravée en nous, mais c'est une perver­sité ou une aberration spéciale, faisant horreur aux intéressés eux-mêmes. Le Docteur Lefebvre, dans la Revue des questions scientifiques de l877, écrivait l c'est Dieu qui a voulu cette «pure et douce intimité des enfants d'une même famille, vivant, côte à côte, les années les plus orageuses de la vie. »

Saint Augustin, dans la Cité de Dieu (L. l5, ch. l6), nous indique les deux grandes causes pour lesquelles la convoitise des sens ne se porte pas vers les membres d'une même famille: « Non seulement afin de m'ultiplier les alliances avec

L Même cas pour l'enfant le plus caressant avec sil !;Ilèr~,

L'ATTAQUE l37

d'autres familles 1 dans l'intérêt de la fraternité humaine, au lieu de les réunir sur une seule tête, mais encore parce qu'il est un noble instinct de pudeur qui fait taire les désirs des passions en présence des personnes que la parenté nous oblige à respecter. »

Mais la sauvegarde de cette instinctive réserve, n'existe pas dans le cas des « amitiés particu­lières ». Le cœur étant pris, on multiplie les fami­liarités, les imprudences, on va de plus en plus loin et l'on peut aboutir à des fautes qui mérite­raient le feu et le soufre de Sodome et de Go­morrhe.

Saint François de Sales, si raisonnable et si doux, a écrit dans son Introduction à la vie dé­vote, le ch. l8 des « amourettes» masculines ou féminines, et croit devoir revenir sur le même sujet aux chapitres 19, 20, 2l et 22 : « Iceux s'ar­restent à détremper leurs cœurs en souhaits, sous­pirs, muguetteries et autres belles niaiseries et vanitez ». Rien de tout cela « n'est exempt de grands esguillons ». « Les maladies du cœur, aussi bien que celles du corps, viennent à cheval et en

1. Pour la question des mariages entre consanguins, con­sulter: Dr LEFEBVRE, R evue des quest. scient., 1877.

Dr FOREL, professeur de psychiatrie à Zurich: La question ,ex. (1906), pp. 179 et 180,

MOLL, Handbuch der Sexualwissenschaften. Leipzig (19IZ). pp. 908-9 1 5,

R. P. VER MEERSCH, S. J., De Cast., nO 43. On sait que, d'après le nouveau Droit canonique, promulgue

à la Pentecôte de 1917 et devenu obligatoire à la Pentecôte de 1918, le quatrième degré de consanguinité n'est plus un e!llpêchement de mariage. . .

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

poste, mais elles s'en revont à pied et au petit pa.s» (chap. 5).

* Il< >1<

On s'illusionne de bonne foi, au début surtout, sur la nature de ces relations avec l'intéressé ... intéressant ... 1 Comme disait joliment Jos. de Maistre: « Le Cœur fait des contes à l'esprit)J.

Ainsi, on tâche d'expliquer l'insistance des regards en disant: « Cet adolescent est gracieux. Je me plais à le regarder longuement par plaisir esthétique. Voyez-vous un péché à contempler, pour ce même motif d'esthétique, un séduisant paysage, une belle amphore? li Avoue qu'il y a une différence. Tu n'es pas tenté de pécher avec un paysage, avec une amphore 1

- « J'aime en lui, la jeunesse 1 J) Non 1 ce compagnon malchanceux qui a le

nez camus et les cheveux roux, est jeune aussi. Cependant tu ne rêves pas de lui, tu n'écris pas son nom sur l'écorce des arbres. La vérité est que tu n'aimes pas la jeunesse, mais la jeune fille, et que, faute de jeune fille, tu t'éprends du jeune homme qui lui ressemble le plus.

- « Mais j'aime cet enfant pour sa belle âme 1 »

Naïf 1 Qu'il gàgne la petite vérole ou la teigne, nous verrons si tu l'aimeras encore de cette manière 1 Il aurait cependant gardé la même

1. :Ëtre l'objet de pareilles prévenances est mauvais. Celui qu'elles ont affadi risque de rester toujours un gl'and enfant gâté. Parfois, un grand enfant gâteux 1 ...

L'ATTAQUE 139

âme 1... Il aura encore la même âme à soixante ans; toi, auras-tu encore la même flamme ?

De petits scrofuleux, des infirmes peuvent avoir une âme remarquablement belle 1

• Triste ébauche, Je suis gauche, Je suis laid.

Point d'envie / C'est la vie Comme elle eGt.

Noble lame, Vil fourreau; Dans mon âm6 Je suis beau '.»

Eh bien 1 pour tous ceux-là, qui, dans leur corps de deuxième qualité, ont ainsi une âme de première qualité, éprouves-tu des « amitiés par­ticulières » ?

L'affection est d'une tout autre nature que l'amour (l'amour féminin dévié), dont nous parlons.

Comment départager ces deux sentiments? Le R. P. Vermeersch, S. J.2 nous indique plus

d'un criterium 1

L'AMOUR L'amour veut une posses­

sion absolument exclusive.

L'amour naît plutôt de la sympathie physique.

L'AMITIÉ L'amitié admet un partage

avec d'autres, quoique res­treint à un petit nombre.

La sympathie physique ne suffit pas à l'amitié, n'est pas nécessaire, ni suffisante, ni requise absolument.

r. V. HUGO, La Es1fter.lda, Acte IV, sc. 2. a. De Cast., nO 40.

Page 70: Hoornaert Le Combat de la Pureté

.... I4° LE COMBAT DE LA PURETÉ

L'amour naît subitement! un regard, une rencontre, dé­termine le « coup de foudre ", quoique une longue «incu­bation » puisse précéder la dé­claration.

L'amour se fonde entre ca­,actères opposés, l'un qui do­mine, l'autre qui obéit; un fort, un faible.

L'amour est inquiet.

L'amour demande des dé­clarations répétées, puis adop­te le langage muet. Il est ja­loux; amène des brouilles profondes, puis des rappro­chements qui raniment la flamme. On se brouille pour la douceur de se réconcilier.

L'amour s'exprime par bil­lets.

L'amour se perd par l'éloi­gnement physique, la cause physique n'agissant plus.

L'amour cause un certain scrupule.

L'amour porte à écrire par­tout le nom de l'aimé.

L'amour est anxieux de voir, d'embrasser, dt<. serrer la main. Le tact joue un rOle princitJal.

L'amour. affecte un certain mystère, affecte de cacher le sentiment, de le couver en ~eq·e~.

L'amitié nalt peu à peu, a mesure que se dévoilent les qualités morales.

L'amitié est plutôt entre jeunes gens de même carac­tère, de même âge.

L'amitié est sereine, désin­téressée.

L'amitié est moins coupée d'incidents. Elle est si peu jalouse, que les amis servent de confidents. Elle n'a pas de sous-entendus.

L'amitié, moins ou pas.

L'amitié pas.:

L'amitié pas.

L'amitié pas.

L'amitié pas.

L'amitié pas.

L'ATTAQUE

L'amour provoque facile-, L'amitié pas. ment pensées et mouvements mauvais. "

LACORDAIRE, dans Sainte Mari~-MadeleiM, indique aussi les di'fférences entre l'amour et l'amitié.

RAYMOND RADIGUET a écrit le Bal du Comte d'Orgel, où il montre l'amitié pour une femme mariée, devenant un amour défendu.

On devrait les isoler. Comme les « contagieux ». Ils sont infectés; qu'ils ne soient pas infectieux 1

ge embftche 1 les mauvais

campa­gnons. l

Dans les hôpitaux, les contaminés sont à part.

Au moyen-âge, on avait les ([ léproseries ". Lorsque les malades en sortaient, ils devaient agiter une petite sonnette, afin qu'on ait le temps de fuir devant eux 1. ..

Il faudrait fuir plus vite encore devant les mauvais compagnons. Ils propagent l'impureté.

C'est la vraie lèpre 1 Celle des âmes 1 Un lépreux, après tout, peut avoir une âme

belle. En revanche, tel jeune homme peut rem­porter les plus grands succès de salon; telle jeune fille peut être séduisante. Dieu, qui voit l'âme, juge: «C'est un lépreux 1 c'est une lépreuse! »

Charme du visage; sanie du cœur 1 attraits du corps; hideur de l'âme 1

Nous avons un instinctif dégoût de la pourri­ture visible. Et parfois nous craignons si peu la gangrène morale du péché mortell

J. «Je vous ai écrit de n'avoir point de commerce avec les impudiques .. . J'ai voulu dire que vous ne deviez pas entre­tenir de relations avec celui qui, tout en portant le nom de frère, serait im~udique ... Retranchez le coupable du milieu de vous .• (Ire Ep. aux COY., ch. V, v. 9).

Page 71: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LE COMBAT DE LA PURETÉ

'" • • Comment les mauvais compagnons font-ils leur

mauvais coup? Ils agissent d'abord sournoisement: « On commence par se mettre en dehors de la

règle des parents, des maîtres. C'est en particu­lier que se font ces confidences inavouables. Ren­contre ménagée à la sortie du collège, du patr~ nage ou de l'atelier ; têt~-à-tê~e d:un groupe q~l. dans un coin, se soustrait à 1 oreIlle des surveil­lants; entretiens doucereux, correspondance clan­destine ...

u Sortons 1 Le corrupteur n'est pas seulement un méchant, c'est un lâche. »1

Caïn dit à son frère: « Egrediamur foras! » Sor­tons 1

Abel suivit. Alorj1 C.aïn se leva contre Abel et le tua. . .

'" • • «Ne craignez pas seulement ceux qui peuvent

tuer le corps ! » Il avait bien compris cet avertissement du

Maître, le jeune seigneur qui, jadis, était sollicité par des pages, de commettre le mal.

Pour toute réponse, il repartit , « Apportez­moi une bougie. » Étonnés, ils l'apportèrent. « Al­lumez-la 1» De plus en plus surpris, ils l'allu .. mèrent.

1. Mgr BAUNAl'(D. L~ CliJlIège chrétisn. t. 1. p. 326 et suiv.

.. L'ATTAQUE I43

Il mit le doigt dans la flamme et, au bout d'une demi-minute, vaincu par la souffrance, il retira la main grièvement brûlée. ."

Alors, s'adressant aux tentateurs, il dit: « Voyez donc! je n'ai pas pu laisser mon petit doigt, une petite minute, dans la petite flamme d'une petite bougie. Mais comment donc pourrais­je, en enfer, rester tout entier dans les ardeurs éternelles ? » '

Celui qui parlait ainsi devait un jour entrer à la Trappe et devenir le célèbre abbé de Rancé.

Ami, si tu es sollicité par de' mauvais compa­gnons, rappelle-toi l'histoire de l'abbé de Rancé, et réponds comme lui: II: Je ne pourrais pas laisser mon petit doigt, une petite minute, dans la petite flamme d'une petite bougie. Mais com­ment donc pourrais-je habiter avec les ardeu:rs éternelles ? »

100 embftche: «Amour, ne te réconcilieras-tu famais avec le péril fé- la raisrJn r »

minin. . (PRÉVOST, Manon Lescaut) . .

L'AMOUR DÉFENDU. - Jeune homme, tu vas t'embarquer sur la mer du monde (pour prendre une image très neuve !. .. )

De même que Camoëns tombé à la mer, pen­dant la tempête, sauva héroïquement son chef­d'œuvre, dit-on, en parvenant à le maintenir au­dessus des vagues, ainsi tu dois bravement dis­puter aux flots méchants, le trésor de ton inno­cence.

Prends garde aux requins. Prends garde sur .. ' tout aux sirènes .••

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144 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Il est écrit, au livre des Proverbes 1

« La prudence te gardera Pour te délivrer De l'étrangère qui use de paroles doucereuses: Car elle penche vers la mort , ' Et sa route conduit aux enférs: 1 De tous ceux qui vont à elle, nul ne revient. » •

. (Ch. II, v. II et SUlV.).

• Les lèvres de l'étrangère distillent le miel Et sa bouche est plus douce que l'huile. Mais, à la fin, elle est amère comme l'absinthe; Aiguë comme un glaive à deux tranchants. Ses pieds descendent vers la mort, Ses pas vont droit au séj.our des OI;nbres, Loin de prendre le chemm de la Vle ... Éloigne-toi du chemin qui conduit vers e~le .•• De peur que tu ne livres ... la fleur de ta Jeunesse De peur que tu ne gémisses à la fin. » •

(Ch. V, v. 3 et SUlV.).

»Les sages avertissements te préserveront de la femme per-verse,

De la langue doucereuse de l'étrangère; Ne convoite pas sa beauté tians ton cœ~r Et ne te laisse pas séduire par ses paupières: . Car, pour la courtisane, on se réduit à u;n morceau de palO .•• Et on donne tout ce qui est dans la maison. » .

(Ch. VI, v. 23 et SUIV.).

« Il se met à suivre cette femme Comme le bœuf qui va à la boucherie, Comme l'insensé qui court au châtinlent des entraves, Jusqu'à ce qu'une flèche lui perce le foie, Comme l'oiseau qui se précipi~e dans l~ filet, Sans savoir qu'il y va pour lUI de sa vie. l) •

(Ch. VIl, V. 22 et SUIV.).

Mêmes avertissements au livre de l'Ecclésias~ tique l

• Ne va pas à la rencontre d'une femme courtisane De peur de tomber dans ses filets. Ne reste pas longtemps avec une chanteuse

L'ATTAQUE

De peur que tu ne sois pris par son art. N'arrête pas ton regard sur une jeune fille, ' , ' De peur d'avoir à subir des châtiments à cause d'elle. Ne te livre pas aux femmes mauvaises, De peur que tu ne perdes tes biens. Ne promène pas tes yeux dans les rues de la ville Et ne rôde pas dans les endroits solitaires. Détourne tes yeux de la femme élégante Et ne regarde pas curieusement une beauté étrangère. Beaucoup sont séduits par la beauté de la femme. l)

(Ch. IX, v. 3 et suiv.) •

* . * *

145

Beaucoup sont séduits... Chez nombre de femmes, la ruse serpentine l'emporte terriblement sur la simplicité colombine. Aussi, tu dois les fuir comme le serpent: « tamquam a facie colu­brio »

Dans beaucoup de cas, la vraie responsable est la jeune fille qui se prête complaisamment à la passion du jeune homme (il pourrait peu, si elle ne voulait pas) ou même c'est elle qui positive­ment le provoque. Ce n'est pas Joseph qui tenta la femme de Putiphar, mais la femme de Putiphar qui tenta Joseph. Il ne faut pas remonter aux Pharaons pour trouver des femmes pareilles ...

Elles sont câlines et félines. Dents blanches; âme noire.

Leur cœur est plus truqué qu'une machinerie de théâtre. « Ah 1 s'écriait l'une d'elles, c'est moi qui me défierais des femmes, si j'étais un homme 1 » Elle ajoutait: « et ce que je me mo­querais d'elles 1 »

Un homme, risquant le jeu d'amour, n'en remontrera jamais à une femme, en fait de ruses 1

Lt Combat dola Pam6 »,

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· ....." LE COMBAT DE LA PURETÉ

elle est là sur son terrain propre. Et, quelquefois, si grande est l'astuce féminine, que l'on compren­drait presque l'exclamation sauvage rapportée dans SaPho, lorsque le vieux sculpteur Caoudal apprend que Jean Gaussin a quitté son amante!

1( Le sculpteur eut un rire féroce. Bravo 1 je suis content 1 venge-nous, mon petit; venge-nous de ces coquines. Et qu'elles pleurent, les misérables! Tu ne leur feras jamais autant de mal qu'elles en ont fait! »

La comtesse de Tramar a écrit un livre qui d'ailleurs veut ne s'adresser qu'aux femmes hon­nêtes et de très bon ton i Le Bréviaire de la femme, qui, ~n 1903, atteignait déjà la 72e édition 1

Écoutez: « Il faut conquérir cette pui~ance (sur l'homme)

et cela est si vrai que tous les artifices dont se servent les femmes, tous les frais de coquetterie, d'habileté, de diplomatie, toutes les modes nou­velles qu'elles suivent, n'ont d'autre but que de se faire remarquer, adorer. » (P. I07).

1( Il est indispensable de savoir employer les moyens que nécessite ce genre de sport; l'ennemi est défiant: il faut de la finesse, varier les pro­cédés, parer les feintes; c'est une science com­plexe que nous devons déployer, ne livrant rien au hasard, visant avec justesse, non seulement pour conquérir, mais aussi pour retenir, ce qui est parfois plus difficile ... c'est en un mot la femme dans toute sa féminité, son adresse de charmeuse. " (P. loB).

« On peut acquérir par l'étude la manifestation extérieure de sensations irréelles ... Le miroir est

le maître, par excellence, pour acquérir cette science profonde de l'expression factice. » (P. I09, 1I0).

« L'esprit vient au secours des moins bien partagées: c'est à leut intuition qu'il convient de savoir quelles sont les armes dont elles se servent! la hautaine indifférence, l'enjouement, le luxe, la méchanceté, peuvent, selon la psycho­logie masculine, être des armes souveraines .• (P. lIO, III).

« La femme a toujours un mystère qu'elle ne doit jamais dévoiler. » (P. 55).

Voilà ce qu'on pourrait appeler la franchIse d~ ~a dissimulation et la sincérité de son hypo­CrISIe 1...

Lisez d'ailleurs les titres des chapitres. « Les trucs féminins. » (p. loB). « L'expression étudiée. » (p. I09). « Les armes de combat. » (p. IIO). « L'ensorceleuse.» (p. II2). « Pour donner l'illusion. » (p. 1I4). « Coquetterie. » (p. lIB). Décidément, ce livre d'une femme pour les

femmes, est singulièrement instructif pour les hommes 1 Il est bien utile, pour eux, de pouvoir pénétrer dans cet arsenal où elles cachent leurs armes secrètes et ces flèchettes avec lesquelles elles visent au cœur 1

Aù reste, les femmes, même excellentes, restent souvent impressionnables, changeantes. Mentent­elles? Je n'oserais pas le dire. Elles ont plutôt des convictions successives... Surtout, elles sont . de fines diplomates et sont remarquablement ha-

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biles, pour arriver à leur but. Sainte Thérèse met­tait en garde son Provincial, le P. Gratien, dans une lettre du 1er septembre 1582 : « Tenez, mon Père J Souffrez que je vous donne un avis: c'est de ne jamais vous fier à des femmes ... lorsque vous verrez de la vivacité dans leurs désirs, car leur envie de réussir leur fera imaginer cent mauvaises raisons, qu'elles croiront admirables. » (Vie de sainte Thérèse, par une Carmélite, T. II, P· 433)· .

- « Mon Dieu, que les hommes sont lourds 1 s'écriait une femme. Ils frappent sur la table un gros coup de poing, en disant « Je veux. » No~s répondons « Sans doute... sans doute ... » PUIS, nous les amenons tout doucement, par des dé­tours et des chatteries, à faire ce que nous dési­rons. Le plus joli est qu'ils ne s'aperçoivent pas qu'ils nous obéissent. »

Et les missives r... Grande différence entre les lettres d'un homme et celles d'une femme! Dans une lettre d'homme, dès le début, sont affirmés franchement, impérieusement, son ordre ou son blâme, sa volonté ou sa colère.

Voulez-vous connaître le véritable objet d'une lettre féminine? Généralement, il faut le chercher tout à la fin. Ce qui précède n'a été que la savante préparation des travaux d'approche.

* * * Défie-toi, ami, de celles qui, semblables à l'an­

tique magicienne Circé, ont le don redoutable de changer les hommes en bêtes et de faire comme elle des «hommes-pourceaux ».

L'ATTAQUE

On les rencontre un peu partout: au skating, ou «faisant le trottoir», au cirque, au théâtre, aux salles où se jouent les II. Revues »; dans l'ar­rière-boutique des coiffeurs ou des marchands ~e cigares, dans les hôtels situés près des gares, .pres des Universités ou des casernes; dans les malsons à II. chambres garnies » et à quartiers ,d'étudia!lts 1

et surtout dans les bars à serveuses ou les Umver­sitaires, déjà pris par un commencement d'ivresse, entraînent un II. bleu» et fêtent le succès d'un examen.

Combien de jeunes gens se respecteraient s'ils étaient seuls et ne commettent le mal que par l'entraînement de l'entourage. L'âme des foules grandes ou petites, souvent n'est pas très n~ble.

Défie-toi des ensorceleuses: de leurs sounres, et aussi de leurs larmes. C'est leur stratagème. Cela leur coûte si peu, ces larmes 1 Quand un homme en verse, c'est son âme qui pleure.

Quand une femme en verse, souvent, ses yeux seuls se mouillent. Elle pleure (pas trop, du reste, pour ne pas enlever le fard) et, de ces pleurs faciles et sans conséquence, elle sort plus fraîche, comme une pelouse après la fine ondée si légère.

1. Il est très important, pour un étudiant, spéciale men pour celui qui débute à l'Université, de bien choisir son • quartier ». , •.

A Louvain, à Liége, à Gand, un Père Jés~llte a mIssI~n de s'occuper des Universitaires et peut fourmr des renseIgne­ments pratiques sur cette question des logements.

De plus, les professeurs de Rhétorique. seront toujours heureux de garder contact avec leurs ancIens et sont tout désignés pour les conseiller.

Page 75: Hoornaert Le Combat de la Pureté

ISO. LE COMBAT DE LA PURETÉ

Défie-toi. On peut appliquer au jeune homme ces vers de V. Hugo à une jeune fille 1

• Jeune fills, l'amour, c'est d'abord un miroir ' Où la femme coquette et belle aime à se voir '

Et, gaie ou rêveuse, se' penche.. ' Puis, comme la vertu, quand il a votre cœur' Il en chasse le mal et le vice moqueur '

E t vous fait l',âme pure et blanche ..

P~is on descend un peu, le Pied vous glisse ... A lor.~ C est un abfme! En vain la main s'attache aux bords'

, On s'en va dans l'eau qui tournoie 1... ' L a.m~ur. est charmant, pur et mortel. N'y crois pasl Tel, 1 ~nla1~t, pat un fleuve attiré pas à pas,

S y m~fe, s y lave et s'y noie. » (VICTOR HUGO, Les Voix intérieures, XXVI).

« Les relations d'un homme et d'une femme quand celle-ci est jolie et celui-là entreprenant: ne sont jamais bien définies: la volonté féminine demeure toujours à la merci d'une surprise, comme la volonté masculine est toujours à la veille d'une brutalité. Il y a un domaine obscur et profond des sens, où les résolutions les plus fermes s'amollissent et se fondent. La familiarité physique y aboutit si vite 1» (P. Bourget 1 L'Etape, p. 223). . N'aime pas les longs apartés, l'ombre propice a~x av~ux troublants. L:obscurité supprime la gene qUI he?reusement re!le?t beaucoup de jeunes gens et de Jeunes filles. EVIdemment ce motif de timidité n'est pas une vertu surnaturelle mais mieux vaut une considération d'ordre ~aturel que rien du tout et il faut s'aider de tout moyen, pourvu que ce moyen reste honnête.

Défie-toi de ce flirt qui est comme la « petite guerre» de l'amour et que Paul Bourget encore

- .... L'ATTAQUE I5 I

caractérise justement 1 0: PériIieux badinage, amour sans amour 1 (p. I3I) ; ... péché des hon~ nêtes femmes (p. I32) ; ... plaisir de frôler le dan­ger (p. I38); ... arhitié voluptueuse» (p. I4~. a Le flirt est un état d'équilibre instable, toujours à la veille d'une culbute d'un côté ou de l'autre. C'est d'ordinaire dans le néant que le flirt verse, mais quelquefois aussi la nature reprend ses droits. Elle se moque bien, elle, la sauvage et l'indomp­table, de .nos petites combinaisons de salon 1 « Je ferai joujou avec les sens, » dit la vertu qui ne veut pas céder, ou le vice qui ne veut plus. Et voilà que l'animal s'éveille chez l'homme, que toutes les colères de l'orgueil et de la sensualité grondent d'un coup. » (P. I36) .

Flirt 1 jeu d'escrime périlleux, où souvent l'épée mal mouchetée « fait plaie ».

On n'a d'abord voulu que le marivaudage sou­riant et tendre. Mais parfois la partenaire prend le jeu au sérieux et s'éprend tout de bon. Alors quelles déceptions 1 A-t-on le droit de jouer av~ le bonheur d'une autre âme? Honnête jeune homme qui rougirais de voler cent ,francs ne devrais-tu pas rougir de voler le cœur d'une da.ïve jeune fille?

Ceci est une histoire sur laquelle on pourral* mettre dix noms, cent noms .. .

Défie-toi, ami, non seulement de la femme malS même de l'adolescente. A partir de l'âge oh l'en­fant gagne un. sexe, l'amour qu'on lui porte eq gagne un aUSSI.

1. PAUL BOURGET, Phys. de I·amour.

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152 LE COMBAT DE LA PURETÉ

La jeune fille, ayant encore les cheveux flot­tants sur les épaules, peut être experte dans l'art des agaceries. Elle connaît déjà les artifices de la toilette. Or, il est bien clair, n'est-ce pas ? que la mode féminine a surtout en vue l'impression masculine. La femme fait toilette pour l'homme 1.

* * *

$;;.' ..

Défie-toi 1 Si tu étais au confluent des confi­dences, tu serais frappé de voir que le roman des chutes de jeunes gens ne varie guère.

L'éternelle histoire d'Adam et d'Eve 1 Elle le tente. Elle lui montre le fruit défendu. Il était (c bon à manger, agréable à la vue et désirable ... Elle en prit et en mangea; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle et il mangea. » (Genèse, ch. III, v. 6).

Adam : c'est toi. Ève (ou la fille d'Ève) : tu la connais. Tu connais aussi ce fruit défendu. Jeune dévoyé, tu soupires: cc Mon histoire est

un drame mystérieux et long à raconter. » Chacun de tes mots est inexact 1 D'abord ce

n'est paS cc ton » histoire, mais celle de tous les pauvres flétris, l'histoire identique 1 Ensuite, elle n'est pas cc mystérieuse» : elle est claire et simple. Enfin, elle n'est pas « longue à raconter» : elle est même si courte, que je vais te la dire, ton histoire, en deux mots:

1. «Avant une visite, un homme se demande: Que dirai-je l Une femme se demande: Que mettrai-je?» (METTERNICH).

L'ATTAQUE 153

Tu as voulu recommencer l'aventure de Sam­son et Dalila. Oui, une Dalila de malheur est entrée dans ta vie et, comme la première Dalila, elle t'a « pris ta force.» Infortuné jeune homme 1 Comme c'est loin maintenant, pour toi, l'enthousiasme, le dévouement, la lutte pour la vertu, les fiers élans 1 Tout a sombré, à cause d'une malheureuse.

* * * Elle t'a dévirilisé. Elle a stérilisé ta pensée et

ton action. Tu n'es plus qu'un efféminé . . Hercule oubliait ses travaux quand il écoutait

alangui les chants d'Omphale. Hercule filait la quenouille aux pieds d'Omphale 1

Oh 1 ce n'est pas de la mythologie 1 C'est de la réalité toujours vraie 1

Le Tasse, dans sa Jérusalem délivrée, raconte qu'au temps des croisades, la païenne Armide par­venait à endormir les plus fiers courages.

Combien de jeunes gens, aujourd'hui encore, appelés aux croisades du bien et du beau, sont pris par les c( enchantements d'Armide».

Et toi, vas-tu, après tant d'autres, faire revivre l'histoire d'Armide ou d'Omphale? entrer dans le troupeau des lâches et pâles vaincus de l'amour, à une époque où, plus que jamais, la patrie a besoin de fiers jeunes gens?

c( Quoi 1 une patrie abandonnée... des sophistes dans toutes les chaires, des malheureux partout, partout des orgies, partout des gémissements, partout des craquements sinistres ... et, dans l'at­tente des choses formidables qui vont s'accomplir, nous irions, laissant là ce grand souci, nous pen-

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154 LE COMBAT DE LA PURETÉ

cher sur une coupe, et chanter aux pieds d'une femme 1 pour que l'ennemi venant nous assaillir, ou le malheureux venant nous implorer, nous trouve endormis entre la coupe épuisée et la femme sans amour? Non, non 1 il faut autre chose aujourd'hui à des hommes 1 une idée 1 une épée 1 des combats .' et que ce bétail d'amoureux, d'ambitieux, d'égoïstes s'engraisse, s'il le veut, de toutes les joies de la terre ... ]amaisquiconque a reçu de Dieu le don magnifique d'une âme et d'une intelligence n'eut moins qu'aujourd'hui le droit d'abdiquer; jamais Dieu n'a dit plus claire­ment à la liberté humaine i Sois prête 1 je veux me servir de toi. » (Louis Veuillot 1 L'honnête femme, p. 256). .

Défie-toi des tentatrices. Clém'e~t d'Alexandrie, dans Le Disciple, L. III, décrit les splendeurs des temples égyptiens. « Si, tout pleins de ce grand spectacle, vous demandez à voir l'image du dieu pour qui un temple si magnifique a été construit · et si alors un des sacrificateurs vient soulever le voile du sanctuaire, un sentiment amer de mépris succède, dans votre âme, à votre admiration trompée: ce dieu puissant, cette magnifique image que vous avez hâte de voir, c'est un chat, c'est un crocodile, c'est un serpent, ou tout autre monstre semblable.

Il N'est-ce pas l'image de ces femmes toutes couvertes d'or ... les joues étincelantes de fard, les sourcils imprégnés de couleurs?

» Si vous voyez la réalité de ce nouveau temple, si vos yeux percent ces habits de pourpre, ces

L'ATTAQUE 155

bijoux, ces teintures, si vous pénétrez jusque dans leur âme, ce que vous trouvez vous repoussera et vous fera horreur. 1)

EST-CE DE L'AMOUR? - « Liberté r que de crimes on commet en ton nom. »

On pourrait dire aussi: « Amour, que de crimes on commet en ton nom 1 »

Les relations coupables revendiquent à tort le nom d'amour, puisqu'elles n'en sont que la caricature, la parodie avilissante. Elles ne sont pas l'amour - cette chose sacrée 1 - mais un sentiment profane, ou plutôt profané. Cette mi­sère ressemble peu au véritable amour. Ce faux amour est comme tel champagne moderne, où entre tout, excepté du champagne.

Il faut se rendre à cette évidence que les rapports dégradants, loin d'être de l'affection vraie, sup­posent, pour peu qu'on réfléchisse, le mépris mu­tuel.

« Cette créature n'avait jamais eu de lui que ses sens ... qu'une passion si basse 1 » (P. Bourget, Détours du cœur, p. 174). Il avait pour elle: « le délire de la passion et les amertumes du mépris. » (Phys. de l'am., p. 169).

Autre aveu d'autant plus précieux que l'auteur est peu soucieux de fournir des textes pour ser­mons, ou d'écrire dans un but d'édification 1 les deux complices « avaient entre eux comme le cadavre de leur perversité, comme un ragoût de bassesse. » Le comte de Muffat, chambellan de Napoléon III, se conduit mal. a Il avait conscience

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

de sa défaillance 1 il la savait stupide, ordu­rière. »1

Et ailleurs! II: Toute sa brutalité reparut, le dédain féroce qu'il avait de la femme, sous son air d'adoration câline. » 2

F. Coppée écrit dans Vingt contes nouveaux 1 « Et ces misérables amants étaient pris d'épou­

vante ... Par un châtiment singulier, ils ne pou­vaient pas se faire illusion sur leur ignominie, en se disant, même à voix très basse, de menteuses paroles d'amour. Car ils ne s'aimaient pas! ils n'avaient cédé qu'à leurs sens et ils continuaient par lâcheté, par honte de s'avouer si vils. »

A. de Musset confesse la même honte! « Ce n'était pas de l'amour que je ressentais ... Mon cœur n'était pour rien là dedans ... li (Contess. d'un enfant du siècle.)

« A les voir, on aurait pu croire qu'ils s'aimaient. Non 1 ils ne s'aimaient pas 1 ils se connaissaient trop bien pour cela 1 Il la savait menteuse. Elle le savait faible et mou jusqu'à la lâcheté. Ils ne s'aimaient pas. » (A. Daudet, Le Petit Chose.)

Quels sentiments pouvait bien inspirer la jeune Dea? si on ne voyait en elle qu'un « ravissant petit animal. » (A. Daudet, L'Immortel.) - « En songeant à sa passion, à toutes les vile­nies dont elle était faite, il lui semblait sortir d'une fièvre pernicieuse, comme on en gagne à la buée des terrains marécageux. » (A. Daudet, Sapho, p. 67).

I. ZOLA. Nana. 2. Id., Pot-Bouille, p. 315.

0 '

L'ATTAQUE 157

Jean Gaussin aimait-il vraiment sa compagne? Il éprouvait « la tentation de tomber sur elle et de la battre, car, en ces amours où l'estime et le respect sont néant, la brutalité apparaît toujours. 1

(A. Daudet, Sapho, p. 63.) Entre la concupiscence et la haine, souvent

il n'y a qu'une mince cloison, une feuille de mica, vite crevée.

Cette constation n'avait pas échappé à Pascal 1 • La concupiscence est, au fond, une haine. ))

«La volupté, quand elle n'est que physique, est toujours près d'être féroce.» (Paul Bourget, Phys. de l'am., p. 199.)

« En tournant les yeux vers sa compagne, qui l'étudiait du coin de sa prunelle, comme un félin étudie les mouvements de sa proie, il sentit, avec un frémissement, qu'il la haïssait, autant qu'il l'aimait. Il (Paul Bourget, Détours du cœur, p. 174·)

Cet amour-haine est exposé dans le Roman d'un Spahi de P. Loti. Entre Jean le spahi et la petite négresse Fatou-gaye « il y avait fréquem­ment ,des scènes. Il avait commencé à frapper ~ coups de cravache, pas bien fort au début, puis plus durement par la suite. Sur le dos de Fatou, les coups laissaient quelquefois des marques comme des ha.chures: noir sur noir... 1

• Jean aimait-il Fatou-gaye ? 1 Il n'en savait trop rien, le pauvre spahi. 1) Il la considérait du reste comme un être

Inférieur, l'égal à peu près de son laobé, chien jaune; il ne se donnait guère la peine de chercher à démêler ce qu'il pouvait bien y avoir au fond

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

de cette petite âme noire, noire comme son enve­loppe de Khassonkée.

» Quelquefois sa grande fierté se réveillait 1 Sa dignité d'homme blanc se révoltait .•

Il se sépare de Fatou-gaye. c Bientôt il n'y pensa plus. " Il lui semblait qu'il avait retrouvé sa dignité

d'homme blanc ... Cette fièvre des sens surexcités par le climat d'Afrique, ne lui inspirait plus, quand il regardait en arrière, qu'un dégoût pro­fond. »

Et, malgré tout, il retourne à Fatou-gaye. cIl a oublié qu'elle était méchante, menteuse et noire l noire de figure et d'âme ... Mais elle deve­nait bien belle 1 ses grands yeux d:émail bleu, son sourire découvrant lentement ses dents blanches, tout cela avait une grâce nègre, une puissance de séduction matérielle, quelque chose d'indéfinissable qui semblait tenir, à la fois, du singe, de la jeune vierge et de la tigresse. J

Elle ne ressemble plus, même de fort loin, à l'amour, cette manière de contempler la femme 1 laobé, chien jaune ... singe ... tigresse ...

Hélas 1 ce n'est pas seulement un héros de Pierre Loti, c'est Pierre Loti lui-même qui fit -un peu sous tous les cieux -l'expérience des rela­tions déshonorantes. Amours sans amour 1

1( De ces créatures, je n'ai conservé que le sou­venir sans charmes que laisse l'amour enfiévré des sens: rien de plus ne m'attacha jamais à aucune d'elles et elles furent vite oubliées .• (Aziadé, p. 5r.)

Des amantes « desquelles je n'ai aimé aucune 1

= L'ATTAQUE 159

be~ucoup de péripéties, beaucoup de dettes, des JUlfs à mes trousses, des habits brodés d'or jus­qu'à la plante des pieds; la mort dans l'âme et le cœur vide. » (lb., p. 83.)

Il échange des propos d'amour avec la jeune T:urque Aziadé, mais « hélas J tout ce que je lui dls dans la langue de Tchengiz, dans d'autres langues, je l'avais dit à tant d'autres 1 tout ce qu'elle m'a dit, tant d'autres me l'avaient dit avant elle J ... d'autres jeunes femmes dont le souv~nir est mort dans mon cœur. » (lb., p. 224.)

AZl'ldé elle-même n'est pas la dernière. Après elle, Séniha :

« Je n'aimais point cette Séniha 1 mes sens seuls avaient la fièvre. » (lb., p. 186.)

Et. après Séniha, Rarahu, qui est décrite dans ces hgnes du Mariage de Loti:

« Rarahu avait des yeux d'un noir roux, pleins d'une langueur exotique, d'une douceur câline comme celle des jeunes chats ... une teinte fauve ...

, celle des terres cuites claires de la vieille Étrurie. -.. (Son regard) donnait à sa figure d'enfant une finesse maligne de jeune ouistiti. »

Le spahi de P. Loti ne voyait dans la femme qu:un léobé,,un singe, une tigresse. P. Loti, lui, vo~t un. petIt chat, un petit singe, une terre CUlte. Mlsère de misère 1

Je suppose que vous comprenez maintenant le titre de ce chapitre! « Est-ce de l'amour? •

* * * Celui qui entretient avec une complice des

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~~~==~~~~~~~ 160 LE COMBAT DE LA PURETÉ

rapports défendus, n'a pas le droit de lui dire: «Je t'aime.» Aime-t-on vraiment, si les « sens seuls ont la fièvre» ? Aime-t-on vraiment une per­sonne lorsqu'on nuit à sa dignité, à son âme, lors­qu'on est cause de sa damnation? et qu'elle au­rait le droit de jeter le cri de Jeanne d'Arc, dans la flamme: « Méchant! je meurs par toi! »

Les journaux rapportent parfois le drame de deux amants qui se noient, réunis par les mêmes liens, après s'être dit: « Ainsi, nous resterons toujours ensemble, rivés l'un à l'autre.» C'est plus vrai qu'ils ne le croient eux-mêmes. Ils se retrouvent, peut-être, en enfer, « toujours e~­semble! rivés l'un à l'autre! » Oh! que ce dOlt être terrible pour deux complices de se reconnaître là-bas, de l'autre côté de la vie! quels reproches 1 quelle rage maintenant à se cracher mutuellement au visage leur immortelle colère 1 Est-ce de l'amour, ce qui aboutit ainsi à la haine?

Relisons ensemble la page où Gœthe nous montre Faust allant chercher en enfer Margue­rite, Marguerite qu'il a perdue.

Il aperçoit sa complice, dans un cachot de souf­frances. Il s'adresse au diable, qui lui est apparu sous la figure de Méphistophélès, le jeune sei­gneur au pourpoint écarlate, galonné d'or, por­tant la plume de coq et, au côté, l'épée effilée. Faust lui avoue son émoi de voir Marguerite en enfer.

Méphisto, cynique, se contente de répondre 1 Il Ce n'est pas la première. »

Faust, indigné: « La misère d'une seule a suffi pour glacer la' moelle de mes os, et toi tu ricanes

L'ATTAQUE 161

tranquillement en parlant du sort affreux de plusieurs milliers d'entre elles 1 »

M éphisto : « Pourquoi fais-tu société avec nous (les démons) si tu n'en peux supporter les con­séquences? « Est-ce moi qui me suis jeté à ta tête? ou toi

à la mienne? Est-ce moi, ou toi, qui l'a précipitée dans l'abîme ? »

Faust: « Conduis-moi dans sa prison 1 Conduis­moi, te dis-je 1 »

M éphisto : « Eh bien! je t'y conduirai. » Faust entre. Et, cette fois, le dialogue s'engage

entre lui et elle. Il voudrait l'emmener et l'assure qu'il désire rester près d'elle toujours, tant il a soif de la revoir.

Elle : « Nous nous reverrons 1 mais pas au bal .• Il en est beaucoup sur terre, qui valsent, pâmés

de joie, dans l'ivresse des lumineux salons. Avant quelques années, ils se reverront, «mais pas au bal. »

FIANÇAILLES. - Nous avons parlé de la femme perverse.

Grâce à Dieu, il y a la bonne jeune fille. Nous avons décrit le pseudo-amour. Grâce à Dieu, il y a le véritable amour. Il est printanier et pur. Jeune homme, à ton

vingtième avril, tandis que s'ouvraient les bour­geons gorgés de sève et que s'épanouissaient les premières fleurs, tu as senti la rose de l'amour parfumer ton âme.

Ton cœur a. battu plus vite au passage d'une jeune fille.

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

Tu as dit 1 « EUe est belle. Elle est bonne. Sous l'œil de Dieu, j'unirai ma vie à sa vie. Je mettrai à son doigt l'alliance, ce petit cercle d'or qui attache deux êtres jusqu'à la tombe. Il

«Et ton cœur chantà la chanson d'amour 1. Désormais, tu te gardes pour elle! 1 Pareille affection devient une sauvegarde. L'amour pré­serve des amours.

• Mets ta foie dans la femme de ta ieunessl1l Que ses charmes t'enivrent en tout temps/ Sois toujours épris de son amour / Pourquoi irais-tu à une étrangère? »

(Livre des Proverbes, ch. V, v. 18 et suiv.).

Louis de Bavière était fiancé à Elisabeth la douce Sainte du miracle des roses. Un baron ~le­mand eut le goût épais de proposer au jeune duc no~ seul~ment !a table et le gîte, mais des plaisirs fa~iles ou .aur~I~ so~bré la fidélité de la foi pro­mIse. (Déjà 1 hIstOIre des contrats, chiffons de papier, qu'on déchire, quand ils gênent 1)

Louis s'écria l «Baron 1 même si Dieu me le permettait, mon amour pour Elisabeth ne me le permettrait pas ! »

Songe à la gracieuse et pure jeune fille qui de­main deviendra ta femme. Comme tu seras fier et récompensé de tes luttes, si tu peux lui jurer, les yeux dans les yeux, qu'elle a les prémices de

1. Se marier qu~nd ~n. est jeune et sain, choisir une jeune fille honnHe et saIlle, 1 auner de toute son âme et de toutes ses fo.r.:es, en faire une compagne sûre et une mère féconde, travruller pour élever ses enfants et leur laisser ·en mourant l'exemple de sa vie: voilà la vérité. 1 ANDRÉ T~EURIET Dis,: tU l'Ieept • .i l'Académie française. '

.""" ... L'ATTAQUE

ton cœur 1. En revanche, si ta jeunesse connut des aventures misérables, tu devras jouer la comé­die de cacher une portion de ta vie à celle à qui on dit tout, avec laquelle on a une existence commune 2; tu devras garder toujours le mys­tère de ce grand secret, avec la crainte de te trahir ou la terreur que, le passé venant à se dévoiler, l'amour de ta femme ne sombre dans cette hor­rible révélation. Quel triste cadeau tu déposes dans la corbeille de noce!

Lacordaire, poùr exciter les jeunes gens à la générosité. leur rappelait cette touchante trinité

I. En 1781, Mozart , âgé de vingt-cinq ans, écrivait à un ami: • La nature parle en moi aussi haut que dans tout autre et peut-être même avec plus de force que dans quelque rustre épais et grossier. Cependant, il m'est impossible de 'régler ma conduite sur celle de beaucoup de jeunes gens de mon âge. D'un côté, j'ai l'esprit trop sincèrement religieux; j'ai trop d'honnêteté, trop d'amour du prochain, pour me résoudre à tromper quelque innocente créature.

.D'un autre côté, ma sa.nté m'est trop précieuse pour que je la hasarde dans un commerce équivoque. Aussi puis-je jurer devant Dieu que, jusqu'à ce jour, je n'ai eu à me repro­cher aucune défaillance. »

Cette lettre de Mozart pourrait servir de plan à une disser­tation sur la continence du jeune homme, tant elle résume bien les principaux motifs de garder la chasteté (religion .•• respect d'autrui ... crainte de la maladie ... ) :

2. Dans le roman de CLAUDE FARRERE, Les Civilisés, le misérable Fierce rencontre une jeune fille délicieuse de can­deur. IlIa demande en mariage. Mais il a conscience de trom­per sa fiancée d'une manière indigne et lâche, en lui taisant, lui, le viveur, tout son passé d'abjection .• Il voudrait être franc, dire: Je ne suis pas ce que vous croyez 1 Je n'ai rien dans le cœur, ni dans la tête, que vous puissiez aimer. ~t si vous entrevoyiez mon par-dedans, je vous ferais horreur 1 Je suis blasé, sceptique. A force d'être allé partout, je suis revenu de tout ..• Il n'y a rien de commun entre vous et moi. 1

(Édit. Flammarion, Select-Collection, p. 26).

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== LE COMBAT DE LA PUIŒTÉ

féminine: la mère, la sœur, la fiancée. « Il y a au monde, entre ta mère et ta sœur, entre tes aïeux et ta postérité, une frêle et douce créature qui t'est destinée de Dieu ... Ah! garde-lui ton cœur, comme elle te garde le sien; ne lui apporte pas des ruines, en échange de sa jeunesse. »

Et encore: « Ami! enfant de ta mère et frère de ta sœur, enfant de ta mère qui t'a mis au monde dans la continence sacrée du mariage, frère de ta sœur dont tu gardes et dont tu respires la vertu, ah 1 ne déshonore pas en toi-même ce grand bien ...

« Sois chaste, ami 1 Conserve, dans une chair fragile, l'honneur de ton âme ... Sois chaste, pour aimer longtemps et pour être aimé toujours. J

,Con/ir. N.-D. de Paris, T. III) 1.

CHOISIS BIEN Il 1 Étudie le caractère de celle dont tu veux faire ta femme. Le mariage est une ~aire à deux et pour la vie. M. de la Palisse l'au-

J. «Dans le. cours d'un ministère déjà long, je n'ai point connu un seul jeune homme ayant donné sa foi, qui n'ait trouvé dans le souvenir de sa fiancée, la force de garder sa chasteté.» (Chanoine FONSSAGRIVES, Éduc. de la pureté, P·I30 ).

2 •• Je prie qu'elle ne se présente que tard, quand je m'en serai rendu digne.

J Je prie qu'elle apporte avec elle ce qu'il faudra de charmes extérieurs pour ne laisser aucun regret.

J Mais je prie surtout qu'elle apporte une âme excellente, une grande vertu, qu'elle vaille beaucoup mieux que moi, qu'elle m'attire en haut, qu'elle soit généreuse, parce que je suis pusillanime; qu'elle soit fervente, parce que je suis tiède; qu'elle soit compatissante enfin, pour que je n'aie pas ". rougir de mon infériorité .• (Ozanam).

L'ATTAQUE 165

rait trouvé tout seul. Il paraît opportun cepen­dant de le rappeler.

Les époux, dit spirituellement A. Daudet, dans L'immortel, sont très souvent (1. un service dépa­reillé. li

Ta «douce l) n'est-elle pas, en réalité, une « furie» ? Cette mondaine richement habillée est une colère en grande toilette! D'aucuns s'aperçoi­vent avec stupeur qu'ils ont épousé une tempête et que Pailleron dit vrai « de grands mots avant; de petits mots pendant; de gros mots après! »

Par un mariage malheureux, l'homme fait en­trer dans sa vie la femmj:! qui s'y promène méchan­te, obsédante comme un cauchemar à deux pieds y

C'est toujours la remarque de Taine, dans Th. Graindorge: « On s'étudie trois semaines, on s'aime trois mois, on se dispute trois ans, on se tolère trente ans ... et les enfants recommencent. »

Si vous êtes avisé, pensez-y bien! car lorsque l'engagement est conclu, « il n'est plus temps de s'en repentir. Le mariage est un Ordre où il faut faire profession avant le noviciat et, s'il y avait un an d'épreuve, comme pour la profession dans les monastères, il y aurait peu de profès. » (Saint François de Sales).

Ne choisis pas ta femme parmi les jeunes filles peu sérieuses.

Leur jugement est encore plus court que leur jupe! et il y a aussi peu d'idées dans leur tête que d'étoffe sur leurs bras ou sur leurs épaules 1,

I. « Les femmes pasQent la moitié de leurs jours à se plaindre qu'elles n'ont rien à se mettre sur le dos, et l'autre moitié à prouver qu~ c'est vrai. . . ,. .

• Une femme seraxt au désespOlI SI la nature 1 avaIt ta.lte

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166 LE COMBAT DE LA PURETÉ

. Leurs sentÜ?ents sont d'un tissu aussi peu so­Ii~e que la S.Ole transparente de leurs bas arach-' neens.

Ces petites ne sont grandes que par leurs hauts talons et ne sont I,>récieuses que par leurs bagues.

Leur cerveau n est pas une cloche capable de rendre le b~au son gr~ve de la réflexion; c'est une clochette ou ne tinte que le grelot fol de la vanité et du plaisir.

Colifichets l 100. Pensées J o. Ces ê~res légers sont tout ce que l'on veut J

des papIllons, des colibris... mais des' femmes, non J ah non Il

* * :te

N'ép~use pas la jeune fiTIesans religion. ' La pIre mésalliance est celle des âmes a 1

telle q,ue la mode l'arrange. » (Mlle DE LESPINASSE. Cité dans le Pettt Message,.. du Cee!!r de Marie, juill. 1931, p. 220.)

1. ~avourez la fine raIllerie de ces lignes: ". Gmette .. Je le connais très bien. J'ai dansé avec lui dans

trOIS balR; il a dansé chez nous; je l'ai vu passer vingt fois à la tête de son ,escadron. 11 est très beau sous la cuirasse.

r Laur?: Tu n es .pas assez enfant pour épouser un homme parce. qu il porte bIen la cuirasse et qu'il a de belles bottes 1

". Gm~tte. Non .certes. J'ai plus réfl~chi que tu ne crois et ]~ saIS ce qu~ Je veux. Je veux un mari qui possède des quahté~ e:x:cepb,?nnelles: je veux qu'il soit grand, beau, bIen faIt, bIen taillé, avec de belles dents, une voix bien tim­brée, des yeux énergiques. »

. (AD" ADERER, Com,me ils s~nt tous, Acte. l, sc. VI). 2 . «SI les cœurs sont touJours ums, les esprits ne parlent

plus la m.ême langue. ~ans le métal nouveau de leurs deux personnahtés fondues, il y a une paille. Et le métal ne rend p~us le beau son harmonieux du bronze qui est un.' (PIERRK ~ EJ'lMITE, Pauvre toi /) , ,

L'ATTAQUE 1&;

Si tu veux que ton amour dure, mets-y du divin. Imite les époux de Cana: invite le Christ à tes noces.

D'autres n'y invitent que Bacchus. Ils l'expient. Dans les ménages sans religion, que de vies pa­raissent unies et ne sont que parallèles. Parallèles: tu te rappelles ta géométrie? .. deux lignes qui, même à l'infini. ne se rencontrent pas 1

Entre ces époux qui continuent, en public, à se donner le bras, le divorce des âmes est con­sommé depuis longtemps.

Une crevasse en profondeur coupe ces deux existences, comme, dans les Alpes, une crevasse de cent mètres sépare deux glaciers dont les bords paraissent, au premier aspect, rapprochés.

Monsieur et Madame sont ces deux glaciers. Ils sont si près et si loin l'un de l'autre 1

Ciel 1 que de tristesses, parfois, derrière les belles façades et dans les salons dorés 1 A table, devant les invités, on se sourit. Puis dans la chambre, en haut, on se griffe. Quand on ne fait que se griffer 1 ..•

c Le monde se vante qu'entre gens bien nés, la querelle est décente. Le monde ment. Com­bien, et des plus belles, et des plus tendres, le front sur le parquet ou sur leur tapis, sans oser pousser un cri, ont été traînées par la soie de leurs cheveux 1» (Sainte-Beuve 1 Volupté, p.282.)

* * '" La psychologie masculine et féminine, dans

cette question du ehoix, que nous étudions, ne ~e

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r68 LE COMBAT DE LA PURETÉ

rencontre pas tout à fait sur le ~ême terrain. Le concept est double et la propension diver­gente. Tel attrait qui inspire à l'homme une ~nde passion est incompris de la femme, et VIce-versa.

En réalité, chacun des deux sexes demande à l'autre ce qui lui manque et, pour ainsi dire son angle complémentaire. '

La }eune ,fille cherche surtout, chez l'homme, ce qu elle n a pas elle-même: la force. «Ferrum ~st quod amant.» L'homme demande Surtout a la femme, ce dont lui-même est ordinairement dépourvu: la grâce. ,

Il est avant tout 1 sensible à la beauté. C'e~t légitime. Il est normal de considérer cette

beau.te: chez celle que tu veux épouser. Mais ne consIdere pas uniquement le charme des lignes, l~ finesse du galbe. yers quarante ans, ou plus tot, se perd le fil délIcat de la grâce et alors ne restent que les qualités sérieuses. L'éternel prin­~emp~ se chante toujours, mais ne se réalise JamaIs. ~n jour so~ miroir .l'~vertira qu'elle vieillit.

Salt-elle ce qu est un mIrOIr? Jusqu'à trente ans r un « conseiller des grâces». De trente à cin­quante: un juge sévère. A partir de cinquante r un témoin désolé.

Alors au moins, puisse-t-elle, en voyant sa

1. Avant tout, !l1ais pas ,exclusivement, ni toujours. « Une. femme laide peut etre séduisante alors qu'une très

bel}e laIssera dans l'indifférence la plus ~bsolue' de mêm [~une femme s'éprendra d'un homme insignifi~nt et for~ ald •• (Comtesse de TRAMAR, Brev. de la femme, p. 11 2 ),

! L'ATTAQUE r69

' psyché la réfléchir, réfléchir... Fut-elle poupée ou femme? A-t-elle su être mère? a-t -elle voulu être mère? et, si elle a eu un enfant (un! . . ) n'a-t -elle pas vu en lui une manière de joujou vivant?

* * *

Quand un jeune homme songe' à' se' iriariêr ;"qui doit-il choisir pour épouse? Une femme.

Je répète: une femme. Et il n'est pas inutile de le rappeler, puisque, aujourd'hui, on veut changer cela, pour épouser des coffres-forts ou des blasons. La valeur d'une personne réside en ce qu'elle est et non en ce qu'elle a. Le bien n'est pas dans la grandeur, mais la grandeur est dans le bien.

Le mariage ne doit pas être une juxtaposition de dots, mais une union de cœurs.

Elle était bien moderne, la jeune fille qui, au jeune homme lui déclarant « Je vous porte beau­coup d'intérêt», répondait par le hardi calem­bour: « J'espère que vous ne m'apporterez pas seulement l'intérêt, mais aussi le caPital 1 »

Hélas 1 argent n'est pas synonyme de bonheur 1 Si l'on pouvait parler 1. ..

D'autre part, la prudence ordonne de prévoir l'avenir raisonnablement et d'examiner si tes sources de revenus (réalisés ou raisonnablement escomptés) jointes à celles de la fiancée, vous per­mettront de vivre et de faire vivre les enfants.

A vingt ans, on fredonne l « Une chaumière et ton cœur 1 »

C'est très beau, mon joli frisé, dans une chan-

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

son 1 Mais, dans la réalité des choses, cela n'est supportable (quelque temps ••• ) que si l'hiver n'est pas trop froid et s'il ne pleut pas trop par les fentes de la ci-devant chaumière, car l'amour transi, ou l'amour mouillé, c'est pitéux . et une mandoline console peu, lorsque les doigts sont gelés, ou que l'eau dégouline du toit. L'amour, quoi qu'on dise, est mal à son aise dans la chambre, lorsque les huissiers se présentent et que les créanciers viennent faire des scènes .••

APRÈS LE CHOIX. - Maintenant ton cœur a choisi. Dis-le à tes parents. Pourquoi le leur cacher? ils ont passé par là, voyons, et ils écou­teront avec attendrissement ta confidence.

Ne prolonge pas trop la durée des fiançailles. Pendant cette période, aime ta «promise»

sincèrement, correctement. Sincèrement l si Dieu a fait du mariage un

des sept sacrements, il a voulu aussi ce prélude du mariage qu'on nomme les fiançailles et, pen­dant ces fiançailles, l'amour. Tout cela s'enchaîne logiquement. Aime donc, de toute ton âme ta fiancée. ' .

Correctement 1 les fiancés peuvent se donner les preuves normales d'affection.

Doit-on adopter la règle suivante! il faut agir comme on le ferait si on était vu ? Non, car les sentiments délicats sont tellement intimes, qu'ils ne pourraient se manifester devant d'autres per­sonnes 1.

,. pe même~ 0ll ne peut pas donner cette règle aux eU-

1

L'ATTAQUE 171

La ' règle serait plutôt celle indiquée déjà plus haut, pour les bals, je ne ferai que ce que je per­mettrai plus tard à mon fils, en pareille circon­stance. Ou encore l je prévoirai le moment où ma fiancée sera devenue ma femme et agirai de ma-

" nière à ne point devoir alors rougir devant elle. Même indépendamment de toute considération

religieuse, et en se mettant au seul point de vue de l'estime réciproque, des fiancés gagnent tou­jours à demeurer corrects.

Malheur à ceux qui se connurent d'abord dans la faute 1 Reste entre eux, pour la vie, comme un écran sombre, le souvenir obsédant d'une chute, qu'en dépit de tous les entraînements de la pas­sion, on sent coupable et flétrissante. Le respect a sombré. C'est fini. On s'est vu, mutuellement, lâches et méprisables.

On ne s'aime plus par l'âme. On a péché, non seulement contre la religion, mais contre l'amour 1 Oui, contre l'amour, qui reste saboté par ces choses laides.

Tu dis l «C'est encore de l'amour 1. C'est plutôt de la concupiscence. En tout cas, c'est de l'amour taché, ravalé. Un fruit à demi rongé reste un fruit, mais un fruit véreux.

* * * Les jeunes filles croient parfois s'aHacher da­

vantage un jeune homme, en lui accordant des

fants pour distinguer les actions pures et impures: II est dei actions honnêtes, nécessaires, que cependant on tiendra to~· jours secrètes, par une instinctive pudeur.

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-2&

172 LE COMBAT DE LA PURETÉ

gages d'amour illicites. Imprudentes 1 souvent . punies par l'abandon du jeune homme, auquel l~ mariage n'apporterait plus rien de nouveau, SInon la gêne d'une indissoluble chaîne.

I~ est rapporté, au 2 e Livre de Samuel, qu'Amnon avalt pour Thamar un amour coupable et si vio­lent qu'il cc se tourmentait jusqu'à devenir ma­lade. » Or, à peine eut-il obéi à sa passion que r aussitôt Amnon eut pour Thamar une 'forte aversion, plus forte que n'avait été son amour. Et Amnon lui dit: Va-t'en 1 Elle lui répondit: Au mal que tu m'as fait, n'ajoute pas le mal plus grand encore de me chasser. Mais, sans vouloir l'écouter, il appela son serviteur et dit: Jette cette femme dehors et ferme la porte derrière elle. Le serviteur d'Amnon la mit dehors et ferma la porte derrière elle. Thamar déchira sa longue robe et s'en alla en poussant des cris. » L~s jeunes gens, même légers, n'apprécient pas

les Jeunes filles légères. Ils disent :. ~es jeunes filles, hantées par la peur

de rester vleilles filles, s'imaginent que nous allons demander !eurmain, parce qu'elles ont pour nous des complaisances exagérées. Quelle erreur 1 Nous distinguons parfaitement entre la valseuse d'un soir, à qui on demande seulement d'être in~éressante et la jeune fille dont nous voulons falre notre femme et la mère de nos futurs en­fants! ce~e qu.i .est peu réservée, par là même nous InSplre medlOcre confiance. « Elle avait été prise à ce jeu redoutable. Elle avait donné au sé­du~teur c~ droit qui devient si facilement un prétex­te a mépns. »(Paul Bourget: L'Étape, p. 3u ).

--L'ATTAQUE 173

Réciproquement, les jeunes filles estiment qu'un jeune homme viveur offre peu de garanties sé­rieuses pour l'avenir. Du moins, les jeunes filles en général. .. Certaines obéissent au préjugé idiot qu'il faut choisir un jeune homme ayant déjà « jeté sa gourme» 1.

Mademoiselle, vous n'êtes pas chrétienne, en donnant cette prime à la méconduite.

Vous n'êtes pas prudente, en préférant un jeune homme au cœur, et peut-être, au corps conta­miné.

Vous n'êtes pas fière, vraiment, en vous con­tentant de restes.

Vous n'êtes pas sage, en vous imaginant qu'il faut avoir été mauvais, pour être bon 1 Comme si la meilleure garantie de la vertu était le vice 1 Défiez-vous, au contraire, de celui qui, ayant goûté au fruit des amours défendues, avant le mariage, sera bien tenté d'y goûter encore, après le mariage.

I. Ce qu'on appelle la «double ~orale» du monde .. ex­cuse la faute du jeune homme, malS pas celle de la Jeune fille . De quel droit introduire pareille distinction ? « Qui non habetis uxorem et ducere vultis, integros vos ad eas servate, sicut integras vultis invenire. » (Saint AUGUSTIN .. Sermon 224,

Migne 38, 1094).: Jeunes gens, gardez-v?us mtègres pour celles qu'au manage vous voulez trouver Intègres.

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LA n1!FAITE

La défaite 1 Mot amer 1 Comme il brûlé · les lèvres 1

Pour ne pas le connaître, nous avons lutté pen- . dant quatre ans. Pendant quatre ans, nous avons donné le sang de nos veines et nos plus beaux gars.

Afin de garder notre indépendance. Or, le jeune homme dominé par le vice impur

a perdu son indépendance. C'est la défaite 1 Mot amer 1 Comme il brûle les lèvres 1

Au début de la guerre, j'ai vu des jeunes gens emmenés entre les baïonnettes allemandes. Si je vivais cent ans (ce qui serait déplorable ...... ) je me rappellerais encore l'expression de leurs visages. Humiliation poignante 1 Et cependant ces jeunes gens n'avaient pas à rougir! Ils avaient le droit de garder le front haut.

Mais le vaincu de la passion doit rougir et marcher le front bas. Il a rendu les armes par lâcheté et au plus méprisable des vainqueurs, à ce démon que Notre-Seigneur, dans l'Évangile, appelle « homicide dès le commencement. »

Un soldat des environs de Namur nous racon­tait comment son dort» avait été pris. On avait ensuite fait sortir les Belges et alors, devant eux,

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

on avait cassé leurs fusils, sur les rails du tram­way qui passait à proximité. Et, de la vengeance dans les yeux, il criait: « Quelle rage, quand on voit le vainqueur briser ainsi votre fusill Vous ne sauriez pas comprendre cela, vous 1 vous n'êtes pas soldat, vous 1 Il

De nouveau, l'humiliation pour ce soldat avait été purement matérielle, mais pas réellement infa­mante, puisque non méritée. Tandis que le vaincu

. du vice a une défaite et infamante et méritée. C'est dur d'être captif chez l'ennemi. Le vice aussi est une servitude. Il n'est point

rare que les esclaves du péché impur, pleurant d'impuissance et de honte, viennent nous dire i « Oh 1 c'est terrible, cette tyrannie de l'habitude 1 Comme elle nous tient enchaînés despotique­ment. Il Peu de geôliers gardent leurs prisonniers aussi étroitement que le vice garde les siens 1

* * * Périclès, parlant des jeunes gens tombés au

combat, disait: « L'année a perdu son printemps! » Comme c'est plus vrai encore au sens moral! Lorsque la luxure est venue abîmer une race, « l'année a perdu son printemps. »

Nous lisons dans L'indiscipline des mœurs, par Bureau: « Il se fait chaque jour un grand carnage de jeunes gens. Il L'auteur traçait-il cette ligne triste, pendant la guerre, en songeant aux jeunes gens massacrés? Non! il faisait allusion au car­nage moral des jeunes gens chez qui l'impureté a tout détruit.

LA DÉFAITE 177

1 Un grand carnage .•• 1 L'année a perdu son printemps ... » Cette tristesse spéciale, j'ai tâché de l'expri­

mer dans le livre Les Chemins qui montent, (p. 195), et, si l'on veut bien m'excuser de me citer moi-même, je rappellerai ici cette page opposant les jeunes gens chastes à ceux qui ne le sont pas 1.

Que les premiers sont beaux 1 « 0 quam pulchra est casta generatio ! »

Examinez leurs facultés, une à une 1

L'intelligence: elle est ouverte et claire, l'homme éprouvant, dans le moi supérieur, une dilatation proportionnée à la réserve imposée au moi infé­rieur.

La volonté est trempée par la lutte même, par cet effort qui est pour le caractère une espèce de peptonate de fer. Elle devient capab~e d'avoir une énergie à haut voltage, à forte tenSlOn.

La mémoire est l7énéralement fidèle, tellement . 0.

que, souvent, « une mémoire heu:euse est un ~n-dice ... de la pureté. li (Fonssagnves: Éducatwn de la pureté, p. 72 .)

Le cœur a gardé intactes ses réserves d'affec­tion et cette fraîcheur de sentiments qui paraît l'embaumer. « Le jeune homme qui a conser­vé jusqu'à vingt ans son innocence est.. . le plus aimable des hommes.» (J.-J. Rousseau) 2.

1. Dans ce contraste entre pùrs et impurs, nous considé­rons surtout les deux termes extrêmes. De plus, nous sommes les premiers à le reconnaître, les phénomènes relevés com­portent des exceptions, des nuances.

2. Émile, L. IV.

J~ Cowbn.t df'< la. p"rfltL

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

Le corps ! il n'est pas rare qu'on s'embellisse, d'être chaste. C'est logique: l'esprit amenuise le visage: il est «l'ouvrier de sa demeure, dit Michelet. Voyez comme il travaille la figure hu­maine, dans laquelle il est enfermé, comme il en forme et déforme ' les traits. » Le trop plein des sentiments intimes, rejaillit sur le visage, finit par en devenir l'expression normale, la « physio­nomie ».

Aussi « le visage d'un homme chaste, a je ne sais quoi de radieux. » (Balzac: Ursule Mirouet, 1).

On est jusqu'à un certain point responsable de sa figure: elle est le miroir de l'âme et, dès lors, e le moyen d'embellir notre physionomie, autant qu'il est en nous, est d'embellir notre âme.» (Lavater). Or, «un beau visage est le 'plus beau de tous les spectacles. » (La Bruyère).

«Il est impossible de voir une âme vierge sur un visage pur, sans être ému d'une sympathie qui contient de la tendresse et du respect. li (La­cordaire, 22e Conférence de Toulouse.)

- Telle est la première génération. Mais hélas 1 il en est une autre. J'y vois le

jeune homme corrompu, gâchant ses belles an­nées comme l'insensé qui, volontairement, jette­rait à la rivière, une à une, ses pièces d'or.

Cette fois, quelle déchéance 1 Reprenons l'examen de chaque faculté! L'intelligence. - Elle est, pour ainsi dire, obnu-

bilée, comme si la buée malsaine était montée du Cœur à la tête. Le philosophe Joubert n'exa­gère pas: «Au moment précis où un jeune homme s'allume pour la chair, il s'éteint pour l'idée. Il

~~. m~~e-i~~~~~~~-=~~~--.

LA DÉ FAITE I79

Platon et, longtemps après lui, de Bonald, qui se trompaient, sans doute, mais au moins se trom­paient noblement, définissaient l'hom~e ! ' une intelligence servie par des organes. Le Jeune dé­bauché, renversant cette définition, ne voit plus dans l'homme que des organes faisant servir l'in­telligence à la recherche du plaisir.

Lacordaire a dit audacieusement: «L'âme se matérialise» et Vinet plus audacieusement en­core 1 « L'âme des voluptueux s'en va tout en chair. l)

Quelquefois « l'âme, passée dans les .sens,. finit par tomber dans une sorte de paraly~Ie qw res­semble à de l'imbécillité. » (P. JanVIer: Confé­rence de Notre-Dame, I903·)

Cette déchéance peut aller jusqu'au point ex,:" trême noté dans les deux textes suivants. « Avec l'imp~reté, c'est l'aptitude au travail qui décl!ne, c'est l'impuissance sénile, même dans la )eu­nesse. » (Sertillanges l Nos vrais ennemis, p. 223·)

« La vie est descendue de ' la tête aux sens ... Le vice émousse la pointe intellectuelle, éteint le goût des choses de l'esprit, rend l'homme inapte à cet effort de recueillement et d'attention que suppose le commerce des li,,:res sérieux... On ~e saurait mener de front la VIe des sens et la vie de l'esprit.» (Guibert 1 La Pureté, pp. 45 et 98.)

Avez-vous déjà vu un aigle en cage? Le grand roi de l'azur/, entre ces barreaux, que c'est mélan­colique! ' Plus mélancolique encore est la situa­tion de l'âme captive dans sa cage charnelle ...

La volonté. - Elle est gravement atteinte, chez ce jeune homme qui n'est plus qu'un concession-

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180 LE COMBAT DE LA PURETÉ

niste. Remarquez le cercle vicieux i parce qu'il a cédé, la volonté est affaiblie; parce que la volonté est affaiblie, il cède 1

La mémoire. - La mémoire sensible a tu:l or­gane : le cerveau. Les excès du vice, ébranlant le système nerveux, ont sur le cerveau, et consé­quemment sur la mémoire, un contre-coup déplo­rable.

Le cœur. - Le cœur? mais, souvent, le mal­heureux n'en a plus. «L'impureté, dit le pro­phète, enlève le cœur 1. Il Le cœur? mais le vice en a rongé les fibres vives. Nul ne l'a déclaré avec plus de compétence que l'apôtre des jeunes, La­cordaire: « J'ai déjà vu dans ma vie bien des jeunes gens et je vous le déclare: je n'ai jamais rencontré d'âmes aimantes que les âmes qui igno­raient le mal, ou qui luttaient contre lui. li

« La débauche suppose beaucoup de froideuI d'âme. » (Joubert.) .

Qu'il est sec et fermé ce cœur tari de libertin jeune 1 Il (P. Bourget: Étape, p. 325.)

Des mères li viennent pleurer dans nos par­loirs. Cl Mon fils était si affectueux 1 si bon pour

1. Osée, ch. IV, v . II. 2. Que de mères ont vu, épouvantées, le vice grandir au

cœur de leur fils, comme une redoutable bête de désolation: • Et ce tut ttn iettne lion: Il apprit à déchirer sa prois; Il dévorai t des hommes; Il dévasta leurs palais Et ravagea leurs villes; Le pays et tout ce qu'il contenait fut épouvantl Du bruit d,e ses rugissements. »

(ÉZÉCHIEL, ch. XIX, v. 6 et suiv.). Comli>ien de pères, songeant au libertinage qui avait perdu

- . LA DÉFAITE 181

ses frères et sœurS! Le regard maternel plongeait dans ses yeux, jusqu'au fond, jusqu'à l'âme!. et maintenant on dirait qu'il y a tout un domame réservé où même la mère, où surtout la mère, ne peut plus pénétrer. Mon enfant est devenu dur. Mais qu' a-t-il donc? »

Ce qu'il a ? pauvre mère \ il a le grand mal des jeunes \ L'impureté est ,:,oleuse de. cœurs. Cela ne l'émeut plus, lui, de faire blanchIT les. ch~~eux du père et de faire pleurer la mère, pmsqu il ~e les chérit plus. Le lys des belles amours ne cr~)1t plus dans le parterre où une végétation malsame absorbe la sève et la suce voracement.

Pareil égoïste peut en ar;i.ver à ne plus m~m~ désirer le mariage. Les plaiSirs h~:)llteux du p:che solitaire lui suffisent. Quand ce viveur reste vieux garçon, ne vous y méprenez pas: .ce n'est poir;t.t par motif supérieur d'idéal, malS parce qu il est parfaitement blasé, usé. C'est un égocen-trique. . .

Non seulement le jeune homme vIcieux. a cessé d'être affectueux, mais il peut quelquefOls deve­nir positivement cruel. Impureté et ?ruauté! ces deux formes de l'amour de la chaIT et du sang se rencontrent dan~ les som,?re: bas-fo~~ de l'animal humain. Lot de contlgUlté! AfIim­tés secrètes \ Il faut des émotions bestiales de plus en plus fortes, ~ui, aboutis. sent au sang. \ A Rome, le cirque ou 1 on tuatt, et les mat-

leur enfant, se sont écriés comme le vieux Jacob pleurant so~ fils Joseph: • Une bête féroce l'a: dévoré ... Je descendrai dans le deuil, vers mon fils, au séjour des morts. » (Genèse, ".h. 37. v . 33)·

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

sons de débauche étaient toutes proches. « Le même instinct ... au cœur de l'homme au

vice n:êle biet;ttô~ le sang. Tous les cultes impurs ont éte sang?I~rur~s, sans ,exception que je sache, ~ travers 1 hI.stOlre... L homme, à toutes les e~oques! est bien l~ même par son fond. Quand DIeu . lUI manque, bIentôt, fatalement, il ne reste en I~I que la brute. Il court à son plaisir, à travers le VIce, trél;)Uche dans le crime ... Un magistrat chargé de Juger l'enfance criminelle me disait un jour.: j'ai vu passer à ma barre ~7,000 cou­pables, Jeunes gens ou jeunes filles: vols assas­sinats, p~rrici~e~ ... Ma~s je n'en ai pas re~contré u?, .seul Jusqu ICI parmI ces 17,000 criminels, qui ~alt comme~cé par de mauvaises mœurs.» (P. Ant. Eyrmeu, S. J. : Pai~ens.)

Quand l'orgie est reine, le crime est roi. Le corps. :- « Le vice mène à l'hôpital... et par

que~~ chemI~s 1» (L. Veuillot.) L Impu.rete est le péché du corps; elle est sou­

vent p~mIe dans le corps. Voyez ce jeune homme marque. d'une estampille significative, portant deu~ phs am~rs aux coins des lèvres: il se rend, le visafSe flétn, les yeux cernés, aux lieux où l'on perd 1 honneur et la santé. Parfois il en arrive à être frappé d'impuissance; il ri~que l'épuise­ment, rançon. de~ excès, et ces maladies spéciales dont, plus lom, Il sera parIé « ex professo. »

I! a , c~mmencé par ·les fêtes; il finit par la petI~e VOIture des ataxiques et par le gâtisme. « Tres souv~nt, c'est l'homme mûr qui expie les ~hés du Jeune homme. Il (Docteur Good, Hy­g~ene et morale, p. 32 .)

LA DÉFAITE

* * * Comparons une dernière fois le jeune homme

pur et le jeune homme impur 1.

Le premier est hiérarchisé, si je puis ainsi parler, puisqu'il a « une âme virile, maîtresse du corps qu'elle anime. » Il obéit au .préceI?te « Sub te erit appetitus ejus et tu dommabens» 2. Tu domineras tes appétits inférieurs.

Le second est « anarchique », foncièrement dés­équilibré, la chair étouffant l'esprit 3. La bête a vaincu l'ange. « Dès que la folie décapite l'être humain, il ne reste plus que la bête. » (P. Ant. Eymieu, S. J. : Païens" p. 55.)

Est-il étonnant que l'être tout entier se ressente d'un pareil désordre ?

Si les mondes les plus divers sont reliés souvent par mille dessous et comme par un mystérieux système de vases communicants, à plus forte raison, une perturbation aussi profonde aura-

I. Saint PAUl. établit ce parallèle: «Ceux qu~ vivel!t selon la chair, s'affectionnent aux choses de la chaIr; malS ceux qui vivent selon l'Esprit, s'affectionnent aux cho~es de l'Esprit. Et les affections de la chair, c'est la mort, tandIs que les affections de l'Esprit, c'est la vie et la paix: parce que les affections de la chair sont inimitié contre Dieu, car elles ne se soumettent pas à la loi divine... Or, ceux qui vivent dans la chair, ne sauraient plaire à Die~ . P01:lr vou~, ,:ous ne vivez point dans la chair, ma~s dans 1 Espnt ... Am~1 donc, mes frères, nous ne sommes pomt redevables à la ch<l;lr, pour· vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chrur, vous mourrez; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir les œuyres du corps, vous vivrez. » (Ép. aux Rom., ch. VIII, v. 5 et SUIV.).

2. Genèse, ch. IV, v. 7. 3. r La civilisation a pour effet général de soumettre les

instincts à la volonté.» (FÉRÉ, L'instinct se;>;., p. 24). .

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-LE COMBAT DE LA PURETÉ

- -- ____ 2&

t-elle un contre-coup sur toutes les facuItés d'un même individu, l'homme étant une réelle unité et non un simple agrégat.

Les différentes parties du composé humain sont en si intime relation, qu'elles agissent et

. réagissent l'une sur l'autre. Rien ne se sépare dans la vie.

Ainsi donc, le vicieux devient le pire des dés­équilibrés. Et, par le fait même, le pire des dé­classés.

Un déclassé de l'ordre moral 1 La' preuve que le vice est laid, c'est qu'il sent

la nécessité de se déguiser 1. nne devient à moitié présentable qu'à force d'euphémismes : « vie épa­nouie... tempérament ardent... prodigalités de cœur ... etc.» Le mot fait passer la chose 1 et l'étiquette propre dissimule le produit malpropre.

Ayons le courage d'appeler les réalités par leur vrai et triste nom 1

Pendant une guerre, l'ennemi camoufle ses pièges. Le vice impur agit de même.

Grattons son double camouflage: celui de la joie et celui de la poésie. Le péché est, tout au contraire, (et nous allons le montrer), triste et plat.

LE VICE EST TRISTE ..•

et par sa nature même. Voici pourquoi r c L'homme vicieux demande au plaisir de ré-

I. Si évident est le mérite de la vertu, que le vice doit en prendre les dehors pour se faire excuser,

l = LA DÉFAITE 185

ponfue, non pas au beso~n .limi~é des organes, comme la bête, mais à la sOIf mfime de ~on cœur ... S'il donne tout, c'est pour tout receyOIr .et ~onc, à mesure qu'il se livre plus à la :passIOn, illUl. ~e­mande une ration toujours grandIssante de plaISIr. jusqu'à l'infini 1

» Mais fatalement aussi, à mesure que la pas­sion s'e~aspère, elle donne une ratio~ de plus en plus faible ... Car, si l'idée creuse touJours plus l'abîme insondable de notre cœur, les organes, au contraire, étant matériels, sont sujets, comme toute matière, à la limite et à l'usure. Ils se blasent· leur activité se dégrade, surtout quand le vice Îes surmène et les déséquilibre. Le plaisir peu à peu s'éteint.

»Et voilà donc le vicieux pris à son propre piège. Sa faim va grandissant, ~ mesure 9ue sa proie diminue et fatalement la dIstance crOIt to.u­jours entre la réalité et son rêve. Or, cette dIS­tance sentie, la conscience d~ l'écart entre la réalité et le rêve ... voilà pour 1. homme la m~~ure de sa tristesse. » (P. Ant. EymIeu, S. J. l Pazens, p. I55·) h

La défaillance charnelle n'est pas le bon eur, mais l'illusion très courte du bonheur 1 ..

La griserie est tellement rapide, ~ue l~ plaISIr est moins dans l'éclair de cette satIsfactIon elle­même ' de cette « epilepsia brevis )l, que dans les prodr~mes. Après, immédiatement après, c'est l'ennui jaunâtre, car le péché est, dans ses con­séquences, essentiellement ennuyeux et mono-tone l ,

C'est la déchéance tellement évidente qu on ne

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186 LE COMBAT DE LA PURETÉ

peut s'illusionner à ses propres yeux. C'est le mépris de soi-même 1 si net qu'on s'écrie comme, dans l'Atlantide le capitaine Saint-Avit, lorsqu'il a cédé à sa passion pour Antinéa: « Je ne suis plus qu'un être abdiqué.» (p. 291.)

C'est enfin le remords. « Cette joie n'est que cela 1... J'ai de nouveau cédé 1... C'est fait 1.. . Qu~l bonheur grêle 1 et que me reste-t-il mainte­nant ? Une dépression physique et morale 1 peut­être, une hébétude sensuelle. Marché de dupe, recommencé cent fois 1 Je me retrouve mou, vaseux. Je suis mécontent des autres, parce que je suis mécontent de moi. Tout aboutit au regret. J)

Le péché doit engendrer la tristesse, car « un être conscient, dit saint Thomas d'Aquin, placé hors de l'ordre, souffre toujours. »

Le vicieux est un irrégulier, qui s'est mis volon­tairement en marge du devoir. Il est un désaxé, un déboussolé 1

Ami, je te pose à toi-même cette question, à laquelle tu répondras dans la loyauté de ton âme: le péché impur rend-il heureux ? Peut-être l'as-tu pratiqué et consommé pendant des se­maines, des mois. Dans ce cas, tu sais expérimen­talement et bien concrètement ce qu'il est. Parle.

I. • Il n'existe qu'un être Que ie puisse en entier et constamment connattre, Sur qui mon jugement puisse au moins faire foi , Un seull Je le méPrise 1 et cet être .. . c'est moi. »

(A. DE MUSSET, Vœux stériles) . • Au jond des vains plaisirs que f'ap pelle à mon aide, J'éf}rouve un tel dégoût que ie me sens mourir. »

(Id. , L 'Espoir en llieu). - c Ce que ';e me dégoûte 1 » (P. BOURGET: Le Tribun).

LA DÉFAITE

Après cela, est-on content? ou éprouve-t-on une nausée intime, l'écœurement de la double. satiété corporelle et psychique 1 ?

Immense convoitise, suivie d'un immense dé­goût 1 Éternel appât, éternelle désillusion 1 Le lendemain du péché est mélancolique, et des centaines d'aveux le prouvent !

«La tristesse est au fond du plaisir, comme, à l'embouchure de tous les fleuves, l'eau amère. » (Gabriel d'Annunzio.)

II: Partout où abonde le vice, surabonde la tris­tesse. » (Édouard Rod.)

« Aimer d'un amour où les sens dominent, c'est toujours, toujours et toujours souffrir de l'inassouvi. » (P. Bourget, Phys. de l'am., p. 202.)

Le même auteur fait dire au héros du Dis­ciple l tout de suite après la faute, je me sentis « retomber de mon âme exaltée et frénétique ... J'éprouvai un desséchement absolu de ma ten­dresse, un retour rapide à un état d'âme anté­rieur. » (p. 24I.)

Que reste-t-il alors? ... « Dégoût sinon remords. » (P. Bourget, Némésis, p. 72 .) i

Daniel Rovère, après sa défaillance, « se serait vomi lui-même de dégoût. l) (Ém. Baumann, L'Immolé.)

La volupté coupable n'est pas le bel or solide

l I. Et c'est alors qu'il faut prendre une résolution pour

l'avenir, à ce moment où l'on juge fort bien et non pas quand on est travaillé par l'appétit dél·églé. On peut appliquer ici le principe que saint Ignace donne en parlant de la tempé­rance: il faut prévoir la manière dont on agira « à un moment où l'appétit ne se fait pas sentir ... afin de prévenir tout dérèglement. (8e règle de la temptJrance).

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r88 LE COMBAT DE LA PURETÉ

et fin du bonheur, mais de l'alliage ou seulement une pauvre petite pépite qu'il faut acheter bien cher 1

La courti"ane Thaïs le reconnaît 1 « Je n'ai pas trouvé le bonheur, et voici que je suis lasse infi­niment.» (A. France, Thaïs, p. r57.)

Et une autre héroïne du même genre, dans les Contes en prose de F. Coppée, avoue: « Je n'ai encore que vingt-sept ans, mais si vous saviez comme mon cœur est vieux 1 »

P. Loti, racontant la vie dépravée qu'il mène à S!a~boul, ajoute: «J'ai goûté un peu toutes les JOUIssances. Je me trouve fort vieux, malgré mo~ ;xtrême jeunesse physique.» (P. Loti, Azzade, p. 24.)

Combien, quoique jeunes encore, sont maus­sades, « petits vieux! » Nous devinons pourquoi 1 1

Quand nous nous rappelons tant de textes significatifs sur les prétendues félicités du vice, nous comprenons la boutade originale de lord Palmerston: « La vie serait supportable sans les plaisirs. »

Plus on s'amuse, plus on s'ennuie 1

* * '* Regardons-y de près: tous, tous cherch~~t la

même ?hose? ~t le Saillit, comme le pécheur, par des VOles differentes, poursuivent un but iden­tique: le bonheur. Qui le trouve?

1. «Depuis qu'elle est entrée en riant dan! ma vie. Je souffre ...•

(ALB. SAMAIN, Polyphème).

-= LA DÉFAITE r89

La vertu est récompensée, non seulement dans l'autre vie, ce qui est évident, mais même ici­bas: elle procure cette paix que le monde ne peut ni donner, ni enlever. La sainte joie est sœur de Ù!- sainte innocence.

La défaillance est punie, non seulement dans l'autre vie, ce qui est évident, mais même ici­bas. Le péché laisse dans la bouche l'arrière-goût amer du remords.

Ceux qui se font violence sont les mieux avisés, et les plus sûrs de rencontrer la paix. J ésus­Christ l'a prédit: celui qui veut, par une sagesse mal comprise, sauver son intérêt, le perd; celui qui le perd, en réalité le gagne. Le jeu divin du « qui perd gagne 1 » Somme toute, Mgr Baunard a raison: « On ne garde que ce qu'on a donné », ce qu'on a donné à Dieu, par la générosité.

Après une victoire remportée sur soi-même, l'âme est légère. La fanfare de joie sonne dans le cœur agrandi.

Après une orgie, on a la bouche pâteuse et il ne reste qu'une rancœur de ces violents plaisirs d'où l'on sort courbaturé.

Si la vertu coûte, c'est surtout au début. Triste entrée, belle sortie.

Pour le vice, au contraire, belle entrée, vilaine sortie 1 Il entre dans l'âme par la porte du bon­heur; il sort par celle de la tristesse.

Les roses du vice cachent mal la mort. Tel à Rome, le « supplice des fleurs ». On invitait à un festin ceux qui, à leur insu,

étaient destinés au trépas. Le banquet était splen­dide.

Page 95: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LE COMBAT DE LA PURETÉ

Soudain, au plafond, le grand velum de pourpre s'entr'ouvrait et laissait tomber une pluie, une pluie fine, odorante et poétique, de roses et de verveines. D'abord, chez les convives, c'était un ravissement et ils chantaient la somptuosité de la fête.

Mais comme la pluie tombait, tombait tou­jours implacablement, une ombre d'inquiétude commençait à se remarquer sur les fronts. Décidé­ment, c'était trop de fleurs, trop de parfums. Et finalement on expirait, enivré par tant de sen­teurs, et l'on avait comme linceul la jonchée de verveines, l'avalanche de ces roses si douces qui étaient les roses de la mort. '

Ainsi en va-t-il du vice impur. Lui aussi nous invite à un banquet brillant,

où nous pourrons boire dans la coupe du plaisir un vin capiteux, mordre à pleines dents aux fruits qui sont défendus et, par là même, si ten­tants. Lui aussi nous offre et des parfums et des fleurs.

Et d'abord, comme chez les convives de Rome, c'était un ravissement.

Mais bientôt, on s'aperçoit avec anxiété que ces passions si suaves cachent, en réalité, un redou­table alanguissement. Finalement on en meurt. Il ne reste que l'incurable tristesse des choses finies et coupables.

Ce « supplice des fleurs» ne s'est point passé seule.., ment à Rome. Il se renouvelle chaque jour, autant de fois qu'un jeune homme cède à la volupté 1.

L «Chacun est tenté par sa propre convoitise... Ensuite la convoitise, lorsqu'elle a con çu, enfante le péché et Je

~~~~~~~~~~~-~.~-~.~~~---~.~~~~

LA DÉFAITE

Ne dis pas: est-ce bien vrai que la joie se ter­mine par la mélancolie? si je risquais l'expé­rience ?

Cette expérience est faite depuis plus de : deux mille ans! L'Ecclésiaste l'avait déjà tentée 1 et ce désabusé la raconte dans son poème de l'éternel ennui:

1 J'ai dit à mon cœur: allons 1 Goûte le plaisir 1 Mais c'est là une vanité 1... Je me procurai des chanteurs. et des chanteuses Et les délices des enfants des hommes, Des femmes nombreuses. Tout ce que mes yeux désiraient Je ne les en ai pas privés. 1 e n'ai refusé à mon cœur aucune joie .•• Et j'ai vu que tout est vanité et poursuite du vent .•

(Ecclésiaste, ch. II, v. 1 et suiv.). «L'œil n'est pas rassasié par ce qu'il voit, Ni l'oreille par ce qu'elle entend . •

(Idem, ch. l, v. 8).

Saint Augustin, lui aussi, avait fait, pendant dix-sept ans, l'expérience des plaisirs défendus.

Il nous en consigne le résultat dans ses Con­fessions!

Vous, Seigneur, vous savez que je souffrais 1 «Sciebas quid patiebar. •

J'étais rongé. « Rodebar .• Que j'étais malheureux 1 «Quam miser eram 1. L'habitude de vouloir rassasier l'insatiable concupiscence,

me faisait cruellement souffrir. «Me excruciabat. » Quels étaient mes tourments, et mes gémissements 1 1 Qure

torrnenta . .. qui gemitus 1 •

péché, lorsqu'il est consommé, engendre la mort .• (~p. de saint Jacques, ch. l, v. 14).

Page 96: Hoornaert Le Combat de la Pureté

.' 192 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Une telle vie, était-elle encore une vie ? • Talis vita num-quid vita erat ? • '

Dans mon cœur abondait la tristesse immense. « Maestitudo ingens.1

Seigneur, vous avez fait notre eœur pour vons, et il est inquiet, jusqu'au moment où il se repose en vous 1 «Et in .. quietum est cor nostrum, donee requiescat in Te. 1

C'est vrai. Comme l'aiguille de la boussole est inquiète et folle, jusqu'à ce qu'elle ait trouvé le pôle, ainsi notre pauvre cœur est éperdu, jus­qu'à ce qu'il se soit définitivement orienté vers le pôle divin.

Augustin avait entendu la voix lui disant: prends 1 lis 1 Il avait pris le livre et lu ce passage de saint Paul. «Marchons dans l'honnêteté comme en plein jour, ne nous livrant point au~ or~es, à l'ivresse, à la luxure et à l'impudicité ... malS revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne prenez pas soin de la chair, de manière à en exciter les convoitises 1. 1

LE VICE EST PLAT 1

I?e même que Balthazar employait, pour ses orgIes, les vases du Temple, ainsi le jeune homme impudique profane ce corps qu'un des plus an­~ien~ 2 documents de la littérature ecclésiastique, 1 Ép~tre du pseudo-Barnabé, appelait « le vase gracIeux. de l'âme », ce cœur qui, à la Sainte CommunIon, est devenu un ciboire vivant. La loi ecclésiastique exige que le calice soit doré.

1. Ép. aux Romains, ch. XIII, v . 13. :1. Entre l'année 96 et l'année 131.

LA DÉFAITE 193

A plus forte raison, le calice de ton cœur ne peut pas être dédoré par le vice.

Vous vous êtes indignés en apprenant que des impies avaient souillé les tabernacles.

Il serait plus grave, ô communiant, de vous souiller vous-même.

Le jeune homme qui descend à la honte du péché impur, a beau vouloir excuser et colorer de prétextes ce vertige des sens. Ce n'est pas beau. Ce n'est pas propre.

« J'examinerai la laideur et la malice intrin­sèque de chaque péché mortel, supposé même qu'il ne soit pas défendu. Il (S. Ignace, Ife sem., 2e exerc. sur le péché.)

Saint Augustin reconnaît, dans ses Confessions, qu'il ne parvenait pas, au temps de ses défail­lances, à s'illusionner sur sa honte morale l Je me plaçais devant mes propres yeux pour consta­ter combien j'étais lamentable et contrefait, sor­dide, couvert de taches et d'ulcères.

« Constituebam me ante faciem meam, ut vide­rem quam turpis essem et quam distortus, sor­didus, et maculosus et ulcerosus. »

Notre âme n'est pas faite pour s'empoisonner dans l'air fétide des sentines, mais pour respirer chastement l'air vierge des glaciers.

« Le moi divin aspire à sortir de cette boue. D

(Maine de Biran.) L'impureté est ce « qui remue le mieux les

bas-fonds de l'animal »1. C'est le mot 1 Il s'agit d'une chute animale a.

1 . P. BOURGET, Phys. de l'am., p. 184. 2. La passion va « chercher la brute, an fond de l'homme,

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I94 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Un soir mauvais, la débauche est commise et suivie d'une morne torpeur, d'un sommeil stu­poreux. C'est poétique cela? Altitude ou plati­tude?

Cette chose inélégante relève moins de la psychologie, que de la physiologie. Pouah 1. ..

S'il ne s'agit point du mal commis seul, mais des relations coupables, c'est pis encore, puisque la, honte est double.

Amours illicites! Amours de boue 1 Les romanciers et les poètes essaient inutile~

ment de les filtrer, elles restent des amours fan­,geuses, qu'il suffit de remuer tant soit peu, pour que le fond de vase, toujours mal déposé, remonte .à la surface.

Lorsqu'on est jeune, très jeune, candide et très candide, on ne se rend pas compte de ces vulgarités. On a lu des scènes idéalisées par la Poésie et l'on s'imagine quoi? Un rêve bleu! l'émoi des aveux rougissants; le baiser sur la joue, au clair de lune; la promenade sentimentale, à la vesprée; des airs de guitare à la manière de Cyrano, le soir, sous le balcon de Roxane; quelques conjugaisons nouvelles (après vingt

et réveiller ce qui reste à quatre pattes dans le quadrupède redressé. » (A. DAUDET) ..

Elle excite « le vieux singe lascif qui sommeille en nous. 1

(TAINE). « Ah! maudit soit le jour qui laissa la débauche Planter son premier clou sous ma mamelle gauche. 1

(A. DE MUSSET: Rolla). Un jeune correspondant avouait au Docteur Good : « C'est

affreux de céder ainsi à une chose qu'on est le premier à trouver basse et vile. » (Dr GOOD, Hygiène et Morale, p. 14).

LA DÉFAITE I95

siècles 1) du verbe aimer; quelques vers pour chanter les lèvres pareilles à deux arcs rouges, les dents comparables à des perles.

Vous le voyez l tout cela est quelque chose comme un sentiment lilial dans une âm~ d:azur 1

Seulement, même à supposer que se reahse cet innocent début, le vice ne continuera pas long­temps à conter ainsi fleurette. L'amour coupable (nous ne parlons que de celui-là) n'est pas cette jolie littérature. .,

C'est la chute grosslere. Pourquoi beaucoup de malheureuses cèdent~

elles ? Pour tes beaux yeux ? Tu es encore can-dide, mon blondin 1 . ,

Mais, fort souvent, le vraI but est 1 ~rgent 1 Tout prosaïquement 1 « Amour... et cheque!)) N'est-ce pas que c'est noble? Le cœur. .. contre remboursement 1

L'amour troqué! C'est le « donnant ~om~ant D

du marché! du marché avec toi, ou (ne t IllUSIOnne point 1) avec q~iconque :veut solder ~utant. A? reste, qu'il y aIt rétnbutIon ou non, 1 amour de-fendu reste coupable. . . . .

Dans le cas ou ce seraIt tOI qUI entreprendraIs la séduction d'une jeune fille, parce qu'elle est, pauvre, en lui promett3:nt cet argen~ don~ ell~ a besoin comment qualifier cette lachete d un homm~ abusant d'une situation de r.nisèr~, .ache­tant l'honneur d'une personne, pUIS lUI Jetant vingt francs en retour de sa vertu ?

«Celui qui corromp~ une. fem~e. Ne recueille que plale et 19nom~me, . Et son opprobre ne s'effacera JamaIS. •

(Livre de. Proverbes, ch. VI, v. 32).

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I96 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Le libertinage restera toujours une -aWênture très plate. C'est séduisant, de loin ...

C'est affreux, de près ... De près 1. .. mais faisons bien pratiquement, le bilan de tout ce qu'en­traînent les amours de rencontre: les dettes, puisque « un vice, au dire de Franklin, coûte plus à nourrir que deux enfants»; les scènes de fa­mille; les jalousies féroces 1; la terreur des scandales; les chantages; l'obstination harce­lante des malheureuses, ne voulant point vous quitter et devenant, selon l'expression estudian­tine, des « crampons»; les vengeances de femmes lâchées, faisant des révélations, preuves à l'ap­pui.

Imprudent joueur 1 voilà tout ce que tu risques, sur cette carte de l'amour qui te paraît si ten­tante. Si jeunesse savait 1. ..

Et puis les drames 1 que de vitriol, de poitrines ouvertes 1 de cœurs transpercés par les lames de poignards 1 Pourquoi? (c Cherchez la femme .•

Eh bien 1 idylle blanche, ou drame rouge ? Laissons la parole à un magistrat, Louis Proal r

u Pendant que les romanciers et les poètes cé-lèbrent les vertus et les beautés de l'amour, les magistrats en constatent, chaque jour, les hontes, les désespoirs et les crimes. Il n'est pas de pas­sion qui fasse autant de désespérés, de fous et d'assassins. Il n'en est pas qui conduise autant de malheureux et de coupables à la morgue, à

1. «Oh 1 bondir, les surprendre et m'ttlancer sur eU, Et lui tordre le cou, son cou de tourterelle, Et la jeter sanglante 1 ....

(ALB. SAMAIN, PolYPkème).

"

-== LA DÉFAITE I97

l'asile d'aliénés et à la Cour d'assises. » Et il ap­porte, à l'appui de cette thèse, environ 7~o pages de faits et de statistiques. (Crimes et suzczdes pas­sionnels. Alcan, I900).

Le dérèglement de l'individu a toujours un contre-coup sur la collectivité dont il fait partie, tant la solidarité humaine est intime.

Le vice est antisocial. « Les nations sont fortes dans la mesure où elles sont chastes.» (Saint Méthode).

La décadence ou le progrès des nations sont attachés à. la décadence ou au progrès de la pureté.

* '" . Comptez, si vous le pouvez, combie~ de fois,

dans l'histoire des amours volages, la Jeune fille est finalement abandonnée.

Choisie par caprice. Laissée p~r caprice. . Dans le livre de P. Bourget, L Étape, Rumesnil

abandonne ainsi Julie Monneron. Mais alors, pourquoi l'avait-il aimée? « Un

peu par fantaisie, un peu par désœuvrement, un peu par perversion, un peu par amour-propre et beaucoup par légèreté. »

C'est aussi beaucoup par légèreté que Lescuyer, le héros du Coupable de François Coppée, s'était épris de Perrinette, qu'ensuite il renvoie. «. Ah 1 ce n'est pas toujours bien joli, le cœur hum am 1. .. Il n'avait contracté aucun engagement ayec Perrinette. On s'était plu, avec la certitude de se quitter. Bonjour, bonsoir 1

~ Vous, Monsieur l'étudiant tiré à quatre

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I98 LE COMBAT DE LA PURETÉ

épingles, qu'est-ce que vous feriez de Perrinette, quand vous aurez soutenu votre thèse? - Il écrivit un méchant bout de lettre et le « je t'em­brasse» tout sec, écrit sur ce papier qu'envelop­paient quelques billets de banque, était pire qu'un soufflet. »

Plus cruelle encore est la lettre de séparation adressée par Rodolphe à Emma Bovary, et mainte jeune fille, trop confiante, reconnaîtra son cas dans l'afireuse ironie de cette missive: « N'ac­cusez que la fatalité ... Voilà un mot qui fait tou­jours de l'effet, se dit-il. Adieu! Et il Y avait un dernier adieu séparé en deux mots: A Dieu 1 ce qu'il jugeait d'un excellent goût. Pauvre petite femme, pensa-t-il! Il eût fallu quelques larmes, là-dessus! mais moi, je ne peux pas pleurer: ce n'est pas ma faute. Alors, s'étant versé de l'eau dans un verre, Rodolphe y trempa son doigt et il laissa tomber de haut une grosse goutte, qui fit une tache pâle sur l'encre. )) (G. Flaubert: Ma­dame Bovary, p. 225).

Enfin, n'oublions jamais que la débauche n'est pas seulement un drame à deux, mais à trois.

Le troisième, l'enfant, que devient-il? Ou bien on se débarrasse du petit gêneur et ainsi l'amour commencé par un baiser, finit par un crime. Ou bien on consent à le laisser vivre, mais lui, le pauvre innocent, il sera toujours déconsidéré, ayant, accolée à son nom, l'appellation d'illégi­time et de bâtard.

Parfois, on l'abandonne aux mille hasards de la vie. Mais cela doit être terrible pour la con-

\ 1

.LA DÉ FAITE I99

science, n'est-ce pas? de penser qu'il est quelque part, dans le vaste monde, un fils sans père, un enfant, votre enfant, délaissé, qui vous maudit. C'est ce poignant remords que F. Coppée a décrit dans son livre Le Coupable: « Pourtant, cette pen­sée lui revenait... qu'il était... l'homme qui avait livré son fils à toutes les aventures de la misère. ))

* * * Oh 1 les lamentables amours! qui ne sont guère

à base de tendresse, mais d'égoïsme! !

« Un égoïsme mal déguisé ! Non pas un égoïsme à deux. On a trouvé ce dicton pour esquiver la cruelle et humiliante vérité ; mais un égoïsme tout pur, c'est-à-dire tout. impur... .

) Lorsque Dieu n'est pas l'ami commun, que chacun aime le plus, celui que chacun des deux amis aime le plus, c'est soi-même! '

» Et tout cela est pauvre, mesquin, périssable,: plus qu'à moitié mort. Tout cela sent la misère humaine. Tout cela éloigne de Dieu, éloigne Dieu. » (L. Veuillot: Çà et Là, T. II) . ..

Cet égoïsme féroce, cette dureté de cœur con­tractés par l'amour charnel, s'étalent cynique": ment dans Aziadé, où P . Loti ne rougit point de reproduire ses lettres au lieutenant de marine Plumkett: « Vous direz qu'il faut, pour arriver là, un terrible fond d'égoïsme. Je ne dis pas le contraire, mais j'en suis venu à penser que tout ce qui me plaît est bon à faire et qu'il faut tou­jours épicer de son mieux le ragoût si fade de la vie (p. I5). Ces belles amitiés à la vie, à la mort,·

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200 LE COMBAT DE LA PURETÉ

personne plus que moi n'en a éprouvé tout le charme, mais, voyez-vous, on les a à dix-huit ans; à vingt-cinq, elles sont finies et on n'a plus de dévouement que pour soi-même 1 C'est déso­lant, ce que je vous dis là, mais c'est terriblement vrai (p. 24). Croyez-moi : le temps et la débauche sont deux grands remèdes. II n'y a pas de Dieu, il n'y a pas de morale; rien n'existe de tout ce qu'on nous a appris à respecter. II y a une vie qui passe, à laquelle il est logique de demander le plus de jouissance possible, en attendant l'épou­vante finale qui est la mort. Je vais vous ouvrir mon cœur, vous faire ma profession de foi: j'ai pour règle de conduite de faire toujours ce qui me plaît, en dépit de toute moralité, de toute con­vention sociale. Je ne crois à rien, ni à personne, je n'aime personne, ni rien. » (p. 59-61) .

Quand le. simoun a dévasté une région, tout est desséché, brûlé. Quand la passion a dévasté un cœur, tout est desséché, brûlé.

Là où passa le sabot de mon cheval, disait le farouche Attila, l'herbe ne croît plus. Là où passa la cavale hennissante de la luxure, broyant tout de son rude sabot, la fleur délicate des tendres affections ne croît plus 1 -

* 01< * J'ai peur d'abuser des citations. Mais rien ne

templace l'éloquence des aveux faits par les pro­fessionnels de l'inconduite. Excusez-moi de rap­porter un dernier passage qui résume tout ce CJue nous avons dit dans ce chapitre de la « .J)~.

1

l ,

LA DÉFAITE 201

faite» et qui est d'autant plus significatif qu'il vient d'un auteur appelé Sainte-Beuve 1 et d'un livre nommé Volupté 1 Le volume a 400 pages, mais se résume tout entier dans ces quelques extraits: 0: J'entendis profondément ce mot des textes sacrés l II: Ne dededs mulieribus substan­tiam tti.am » ; ne jetez pas à toutes les sauterelles du désert vos fruits et vos fleurs, votre vertu et votre génie, votre foi, votre volonté: le plus cher de votre substance. » (p. 129).

« J'appris que la volupté est la transition, l'initiation à d'autres passions basses. Elle m'a fait concevoir l'ivrognerie, la gourmandise, car, le soir de certains jours, harassé et non assouvi, moi, sobre d'ordinaire, j'entrais en des cafés et demandais quelque liqueur forte, que je buvais avec flamme. » (p. 128) . Hélas 1 oui. On dirait que toutes les vilenies moisissent et champignonnent sur le fond gâté du vice. Dans les terrains maréca­geux de l'impureté ne pousse que la flore mal­saine des laids sentiments.

»Quand les âmes tendres se sont ravalées au plaisir, à un plaisir d'où elles sortent mécon­tentes et flétries, elles contractent un endurcisse­ment profond. Elles ont à se beaucoup surveiller, pour ne pas d~venir dures et cruelles. » (p. 278). On est frappé de constater « les excès d'un être faible et de tous les êtres qui intervertissent brusquement la nature.» (p. 278) .

Plus heureux, le jeune homme sachant s'im­poser « ces chastes années, qui sont comme une solide épargne prélevée sur la corruption de la vie. » (p. 8).

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.. 202 LE COMBAT DE LA PURETÉ

« Il n'y a, dans le voluptueux, qu'un semblant de compassion, une surface de larmes. Ses yeux se mouillent aisément, avant le plaisir; ils étin­cellent: on croirait qu'il va tout aimer. Mais prenez-le sitôt son désir éteint: comme il se ferme 1 comme il redevient sombre! Tandis que l'homme chaste est d'une allégresse innocente, le voluptueux se retrouve personnel, dès qu'il a réussi, farouche, terne, fuyard. » (p. 286).

« Il a prodigué dans un but de plai.sir rapace, ce qui devait se répandre sur tous; il a dépensé en une fois, et à mauvaise fin, son. trésor d'allé­gresse heureuse. » (p. 286).

Les passants, avoue-t-il, auraient pu me voir, «le soir, la tête baissée, traînant mes pas, avec une âme aussi en déroute et anéantie que celle de Xerxès quand il . repassa son Hellespont.» (p. 287)·

«Qui dira combien, dans une grande ville, à certaines heures du soir et de la nuit, il se tarit périodiquement de trésors de génie, de belles et bienfaisantes œuvres, de larmes d'at~endrisse­ment, de velléités fécondes détournées ainsi avant de naître 1 Tel, né capable d'un monument gran­diose, coupera chaque soir, à plaisir, sa pensée.

»Tel, en qui une création sublime de l'esprit, allait éclore sous une continence sévère, manquera l'heure, le passage de l'astre, le moment enflammé qui ne se rencontrera plus.

» Tel, disposé par la nature à la bonté, à l'au­mône et à une charmante tendresse, deviendra lâche, inerte ou même dur.

li Un cœur qui aurait aimé beaucoup, gaspillera \ (

LA DÉFAITE 2 03

en chemin sa faculté de sentir. L'homme se dis­perse à vingt ans! » (p. 133).

» Le péché impur « altère l'homme, l'appauvrit, le frappe dans ses sources supérieures et recu­lées ... Ces tristes consolations souillées attaquent la volonté à son centre. » (p. 133 et 248).

0: La volupté a été pour vous, de bonne heure, un vœu brillant, une fleur humide, une grappe savoureuse où montaient vos désirs. Votre jeu­nesse l'a cueillie et elle n'a pas été satisfaite de ce fruit étrange. Vous savez à l'avance ce qu'elle vaut, ce qu'elle vous garde, à chaque fois, de mécomptes amers et de regrets. Elle a saisi votre chair. C'est là votre mal. Hâtez-vous de vous relever, mon ami. Il le faut et vous pouvez, en le voulant. Sevrez7vous une fois, et vous admi- i rerez combien il est concevable de guérir. Je n'ai pas toujours été tel moi-même que vous me voyez ... Ne vous effrayez pas! C'est moi, malade un peu guéri, qui vous parle à vous, malade qui vous désespérez. » (p. 133 et suiv.)

LES EXCUSES DES DÉFAITISTES

La lâcheté, pendant une guerre, est représentée par différents types: embusqués, fuyards, défai­tistes.

Comme ils sentent bien, tout de même, avec le peu de cœur qui leur reste, que ce n'est pas glorieux, ce qu'ils font là, ils tentent des excuses. Prétextes loqueteux et miteux!. ..

Le combat de la pureté a; lui aussi, ses embus­qués, ses déserteurs, ses . défaitistes. Eux aussi balbutient des excuses. Ecoutez-les 1

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204 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Les autres se mettent à l'aise. 1re ;exCmsd. . _ D'abord, sais-tu comment on nortune c~lui qui fait une chose parce que les autres la font ?

Un Cyrano? Pas précisément 1 Mais, un mou­ton de Panurge. « Bée ... bée ... bée ... 1 »

Ensuite, la veulerie des autres excuse-t-elle ta veulerie? Un déserteur est-il acquitté au tribunal militaire, parce qu'il y a d'autres déserteurs que lui? Cesse-t-il d'étre méprisable parce qu'il y a d'autres traîtres?

Au jugement dernier, tu seras récompensé ou condamné d'une manière absolue et non d'une manière relative, c'est-à-dire d'après ta conscience à toi et Dieu ne te demandera pas si tes voisins ont Pratiqué ou non la vertu. Leur ver<lict n'inté­resse pas le tien.

Lamorale du plaisir existe; elle s'ap-se 8%01188. d . pelle l'Hédonisme et a es par.hs~s. - Que oui 1 Elle fut défendue par Anshppe

de Cyrène (380 av. N.-S.); par Épicure, qu'on a d'ailleurs un peu calomnié... (34I - 2ZO) ; au XVIIIe siècle par des Encyclopéd1stes comme Helvétius, d'Holbach, Saint-Lambert; au XIXe siècle par Fourier; au xxe siècle par tous ceux qui « vivent leur vie D.

Nos modernes ne font que répéter les an­ciens. C'est incroyable combien le nouveau est antique~

La morale de l'Hédonisme est aussi vieille que les passions 1Îumaines~ et .aussi v~e ... Toujours elle aura pour elle les hbertms. TOUjours elle aura çontre elle lé;!. conscience et la loi cjjvine.

) {

LA DÉFAITE 205

3e excuse. Si peu de jeunes gens observent l'autre morale, celle de la chasteté 1

- Qu'en sais-tu? Un seul homme connaît le fond du fond! le

confesseur. Or, s'il pouvait parler, il t'explique­rait comment, à côté de beauco~:R. de tristesses, il a beaucoup de consolations. _

Je te le jure: des centaines de jeunes gens com­battent victorieusement; des centaines d'autres, s'ils ont cédé, se confessent. Il y a les défaillances, mais aussi les repentirs. Après tout, il est deux manières d'être qon 1 ne jamais tomber, et se relever toujours.

Tel jeune homme qui succombe, avait d'abord lutté pendant des semaines. L'homme sévère constate cette défaillance finale; le juste Juge a vu les deux phases de la crise: cette défaite, sans doute, mais aussi les centaines de victoires qui l'avaient précédée.

Rien n'est facile comme de vaticiner 1 0: il n'existe plus de vertu» 1.

Voilà qui est un peu rapide.

1 . Ne pas cultiver le scepticisme. Les lèvres de vingt ans lIont faites pour le bon sourire et non pour le pli amer.

Éviter la critique, se rappelant qu'elle. est l'arme des im­puissants. . (LA BRUYÈRE).

• Il Y a ceux qui diminuent les choses et les gens, ceux qui Bont marqués du signe algébrique moins. » (L. DAUDET, Fam. et viv., rre série, p. II6).

:Ëtre bienvèillant, encourageant, c'est avoir le signe algé­brique plus.

La critique! cette manie collective! ce défaut belge! • La France, disait Rochefort, compte quarante millions

de sujets, sans compter les sujets .•• de mécontentemep.t. • On pourrait appliquer le mot à la Belgique • Ello compte sept

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206 LE COMBAT DE LA PURETÉ

La vérité est que le scandale frappe beaucoup plus que le bien. C'est toujour~ ainsi. Trois mal­heureuses, dont la vie est très dissolue, attirent plus l'attention que quatre-vingt-dix-sept femrp.es restées honnêtes.

On répond : « Ces dernières ne font que leur devoir. » D'accord! mais encore l'ont-elles fait 1 Encore sont-elles le nombre 1 Encore est-il très beau et quelquefois héroïque de faire son devoir 1 Les martyrs aussi n'ont fait que leur devoir 1

Nous sommes tous exposés à retenir l'excep­tion scandaleuse, plutôt que le grand nombre correct. Si le mal choque tellement, c'est qu'il est l'accroc à l'ordre, tandis que la vertu est la con­formité à l'ordre. Le bien se définit: ce qui doit être ainsi.

L'anormal provoque plus la curiosité que le normal.

Quand un caissier part avec l'argent, les jour­naux en parlent. Mais aucun journal n'éprouve le besoin de mettre un entrefilet: « On nous an­nonce que, dans telle ville, un caissier ne s'est pas enfui avec la caisse 1 »

Ajoutez que le mal est tapageur. La vertu est discrète.

Un Bolcheviste cassant les vitres d'un monas-

millions et demi de sujets, sans compter les sujets ... de mé<­contentement .•

Eh bien 1 tu as un homme sous la main: toi. Corrige-toi, sois parfait et si chacun agit ainsi, le monde sera excellent. C'est le conseil profond de Paul Bourget au Français gémis­sant sur les maladies de la société contemporaine: «Guéris la France en toi. • '

1 , .~

== LA Dlt FAITE 207

tère, fait plus de bruit que dix Carmélites s'im­molant toute l'année dans le silence de leurs austères cellules 1

Appliquez ces remarques au cas qui nous oc­cupe: un seul « viveur» force plus notre atten­tion que vingt-cinq jeunes gens restés innocents, et dont personne n'a vu les luttes intimes. L'in­discipline des mœurs est plus remarquée que la vie morale. 40 excuse. Oll est le mal ? Dieu nous a donné

des sens et des facultés pour que nous nous en servions et Il n'interdit pas la satisfaction qui en résulte.

- Luc Miriam, dans son opuscule Les âmes libres, nous répond:

« Oui, Dieu nous permet de nous servir de notre corps, mais conformément à sa loi; ainsi ne nous est-il pas permis d'employer notre force à la brutalité, à l'oppression du prochain, au sui­cide. Or, la loi de Dieu règle l'usage de nos or­ganes en vue du bien personnel et en vue du bien social. S'il a voulu que certain acte nécessaire à la vie sociale soit chez l'individu l'occasion d'un plaisir, c'est afin d'entraîner les hommes vers cet acte qu'ils auraient fui ou négligé, s'il avait été douloureux ou indifférent. Dieu, qui permet le plaisir lorsque cet acte peut avoir normalement son effet social, le défend dans le cas contraire. Le plaisir n'est donc pas toujours mauvais, il est même quelquefois licite, en raison des charges éventuelles conséquentes, qu'il peut entraîner. Mais lorsque l'être humain se constitue dans un éta l lel qu'il n 'a pas à attendre l'effet normal de

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cet acte ou qu'il ne l'obtiendra que contrairement aux saintes lois de la famille, il renverse le plan de Dieu, il veut le plaisir pour le plaisir, la jouis­sance sans la charge, il est hors de l'oxdre, il est dans le péché. J (p. 38), " ...

5- excuse. On insiste: ,pourqùoi ce qui est permis dans le mariage, devient-il dé-­

fendu parce qu'il est fait d'une manière extra­conjugale? La wêJAe_ré_alité peut-elle ,être bonne et mauvaise ? - - .;,,,., . -

- D'abord ouT il èSt possID'Ie -qwfOeux actes identiques dans l'ordre matériel, soient différents dans l'ordre moral, pour ce motif que ' la même chose peut devenir conforme ou opposée à l'ordre, tomber sous le coup d'~e !oi prescriptive ou pro-hibitive. -

Manger de la viande est permis le l end!- et dé­fendu le vendredi. Brûler de l'encens est excellent, lorsque le geste se fait en l'honneur du vrai Dieu et détestable quand il s'accomplit en l'hon­neur des faux dieux. Un pas en avant devient méritoire du ciel ou de l'enfer, selon qu'il signifie le renoncement ou l'adhésion à la foi..

Et puis, ce n'est pas exact qu'il s'agisse de réalités identiquement les mêmes, dans le mariage et dans l'union libre. Des époux chrétiens ne peuvent pas souiller les rapports normaux, par des manœuvres anticonjugales, anticonceptionnelles.

Le mariage interdit, du vivant de l'autre con­joint, toute nouvelle union.

Il ne veut pas seulement nne seule union, il l'exige, de plus, indissoluble.

Il l'élève à la hauteur d'un Sacrement.

LA DÉFAITE

( -Des deux éléments de l'amour: celui d'attrait

physîque et celui d'attrait moral, le premîer do"! mine très souvent au début, mais va, peu à peu, s'atténuant, tandis que le second peut aller gran-

, dissant et l'on trouve des époux vieillis entre les­quels ne reste rien de la fièvre passionnelle, mais dont l'affection toute sereine repose sur la longue communauté des joies et des peines, sur la par­faite intimité des çœurs. Ce qui était un peu trouble au début, s'est décanté, et l'amour de fin de vie est tout spiritualisé.

Ainsi l'on admire des ruisseaux limpides dont la fange s'est complètement déposée, si bien qu'on voit rire au fond les cailloux blancs.

Au contraire, dans les relations d'amour libre, beauté flétrie, union rompue!

Du moins c'est fréquent et, après tout, c'est logique, précisément parce qu'il s'agit d'amour « libre». On tâche de se séparer bien gentiment, de commun accord, et, en guise de consolation, on fredonne: . ' - ---'--'--

« L'amour est un oiseau rebelle : Que nul ne peut apprivoiser ... \, , L'amour est enfant de Bohême Qui n'a jamais connu de loi. »

6e excuse Le monde ne tient pas comp1:ë', des . préjugés religieux sur l'amour libre.

Celui-ci n'est pas mal porté ... - Quelle erreur! Le monde qui rit de la mo­

rale, finit par se ranger du côté de la morale. Laissons la parole à P. Bourget;:- dans Le

Divorce. Berthe Planat a contracté une union libre. Dès son enfance, elle a entendu railler le

Le Combat de la Pureté

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ZIO == LE COMBAT DE LA PURETÉ

mariag~ religieux par son oncle, républicain radi­cal et par son maître socialiste. Or, ces deux hommes sont les premiers à blâmer la jeune fille. « Son oncle, le républicain radical et son maître, M. André, le vieux professeur socialiste, en dépit de leurs doctrines sur les impostures de l'Église, l'avaient considérée comme déshonorée.» Elle­même, malgré les sophismes dont on lui a im­prégné l'âme, sent dans son Cœur la protestation de la vérité et du devoir méconnus et ce que Tertullien aurait appelé: le témoignage de l'âme naturellement chrétienne. «Les déductions les mieux conduites ne parviennent pas à détruire' entièrement l'évidence immanente de certaines lois inscrites par la nature dans les plus secrètes profon:Ieurs de notre personne morale. Un père pe.ut mer la famille: son fils ne sera jamais pour lm, un homme pareil aux autres hommes. Un cosmopolite peut nier la patrie: les horizons de son enfance ne ressembleront jamais pour lui aux autres horizons. Pareillement, une jeune fille peut avoir reçu l'éducation la plus infectée d'idées révolutionn.aires, s'être intoxiquée des pires para­do~es, aVOIr professé le mépris des conventions socIales. et en particulier du mariage, proclamé et pratIqué, hélas 1 le droit à l'union libre: il suffit qu'un amour sincère s'éveille chez elle. De s'être donnée sans sacrement et sans contrat lui fait une honte irraisonnée et invincible co~me un instinct. » (Chap. IV).

.. II faut que jeunesse se passe 1 . ,e excuse. - Il faudrait qu'elle ne passât jamais.

C'est possible? Oui, mais le seul moyen de

e ~ .

LA DÉFAITE ZII

garder une éternelle ieunesse, ~st de garder une éternelle chasteté.

Le prêtre à cheveux blancs, dont la main tremble en tenant le calice, peut dire, chaque matin: « Je monterai à l'autel du SeigneU!. qui réjouit ma jeunesse. »

L'âge véritable est celui du cœur. . A quatre-vingts ans, le cœur peut aVOIr encore

vingt ans. En revanche, chez certains débauché~, le corps n'ayant que vingt ans, le cœur abomI­nablement vieux en a quatre-vingts.

Jeune homme, si fier de ta jeunesse, ne gâche pas tes belles années, comme les dieux de l'Olympe, ~ux fêtes, gaspillaient l'ambroisie.

Tu es à l'âge où l'on prend son pli pour tou­jours. La vie d'un hom,me n'est qu'une idée de sa jeunesse, réalisée dans l'âge mûr. Tu es au mo­ment de l'existence, où l'on sème à cent pour cent dans la terre féconde.

A maigre semaille, maigre récolte. A riche semaille, riche moisson 1.

e Vous ne comprenez plus certaines 6 excuse. h c oses. Sauf respect, vous êtes trop vieux. - Tu ne comprends pas encore certaines

choses. Sauf respect, tu es trop jeune. « La sagesse habite sous les fronts dépouillés. ))

C'est peu flatteur pour toi qui as une si opulente chevelure, que la sagesse soit ainsi en raison in­verse du nombre de chevellX.

1. 2" Ép. aux COY., ch. IX, v. 6 : « Celui qui sème p~u, mois­sonnera peu; celui qui sème abondamment, mOIssonnera Jl.bondamment. J

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T' . T .

2I2 LE COMBAT DE LA PURETÉ

te excuse. Je veux connaître tout par moi-même.

- Oui? tout? par exemple le dard de la guêpe, ou la morsure du chien enragé? As-tu déjà expérimenté le venin du serpent? N'oublie pas de t'en faire inoculer 1

100 excuse. Je ne suis plus un enfant. - Ce n'est que trop vrai. Tu es un

jeune homme, et, à ce titre, tu dois lutter.

n. excuse. Personne n'en saura rien 1 - Dieu le saura. Et toi-même, qui

en rougiras.

la- excuse. Bagatelles 1 - «Ce ne sont là, dites-vous, que

des bagatelles. Mais la question est de savoir si DIeU en jugera comme vous et si vous-même, lorsqu'il faudra comparaître devant son tribunal, vous n'en jugerez pas autrement. Il (Bourdaloue).

13" excuse Je veux être libre 1 • - Tu as raison 1 Mais n'oublie pas

que le chaste seul est libre 1 Saint Paul écrivait aux Galates: « Dans cette liberté par laquelle le Christ nous

a affranchis, tenez bien. Marchez selon l'Esprit .• (Ch. V, v. I et I6.)

»Nous usons d'une grande liberté .. . Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté .• (28 Ép. aux Cor., ch. III, v. I3 et I7).

» Vous avez livré vos membres comme esclaves à l'impureté et à l'injustice ... Vous étiez esclaves du péché. Quel fruit aviez-vous alors des choses idont vous rougissez aujourd'hui? Car la :fin do

LA DÉFAITE 2 I 3

ces choses, c'est la mort. Mais maintenant, affran­chis du péché ... vous avez pour fruit la sainteté et pour :fin la vie éternelle. » (Ép. aux Romains, ch. VI, I9 et suiv.)

Que votre âme soit « affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glo­rieuse des enfants de Dieu. » (lb., ch. VIII, V. ZI).

Le Psalmiste s'écrie: 1( Béni soit Jéhovah 1 Notre âme, comme le passereau, s'est échappée du filet de l'oiseleur. Le filet s'est rompu et nous avons été délivrés. Il (Ps. I23).

L'impudique est esclave de la passion. Saint Augustin le dit très bien dans ses Confessions 1 « La luxure, comparable à une reine méchante, étendit sur moi son sceptre dominateur et moi je lui présentai les deux mains, pour qu'elle pût les entraver. »

Quelle est la passion la plus tyrannique? La morphinomanie? Non 1 La dipsomanie ? Non 1 Mais l'impureté. L'infortuné, qui est pris par le péché de-la chair,

finit par commettre le mal sans plaisir, en rou­gissant plus qu'en jouissant. Des jeunes gens honteux, désespérés, en arrivent à souhaiter comme solution lâche, la délivrance de la mort.

Ils mâchent et ils remâchent la rancœur de toutes leurs défaites successives. Les années s'ac­c~mulent, s'accumulent, et le garrot se resserre, se resserre.

Les voici vieillards 1 et, lugubrement, couverts de sueur froide, ils s'efforcent encore de « s'amu-

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_ JI.

2 14 LE COMBAT DE LA PURETÉ

ser» 1 « Nous allons mourir. Eh 1 Gai... 1 profitons vite de la vie! »

On l'a dit: le vice est le plus despote des des­potes et, de même qu'il y a les travaux forcés à perpétuité, il y a les plaisirs forcés à perpétuité 1 Plaignons le forçat, le bagnard du plaisir.

Vraiment, celui-là s'est vendu à un mauvais maître. Satan règne maintenant sur cette âme de voluptueux.

En Russie bolcheviste, on a dressé une statue à Satan. Le luxurieux le dresse sur un socle, dans son .cœur.

'" *,* Si le malheureux ne se conténte pas de pécher

seul, s'il est engagé dans des relations coupables, il a, davantage encore, abdiqué sa liberté.

Psichari, dans le Voyage du Centurion, raconte que Maxence vainqueur choisit une captive et l'emmena. Écoutez l'appréciation: «Il fut l'es­clave de cette esclave. » (p. III).

Pour employer le terme courant, l'homme prend une « maîtresse ».

Mot révélateur! qui indique, corrélativement, qu'on est devenu un serviteur.

L'Ecclésiaste nous met en garde contre !

• La femme dont le cœur est un piège et un filet Et dont les mains sont des liens ; Le pécheur sera enlacé par elle. • .

(Ch. VII. v. 26).

Les chaînes de fleurs ' peuvent être plus forles que celles de fer,et c'est une femme qui, parlant

LA DÉFAITE 215

de ces entraves d'amour, note que « plus la chaîne est légère, plus elle est solide. » (Comtesse de Tra­mar, Bréviaire de la femme, p. 18).

La cage aux barreaux dorés, reste la cage 1 Comprenez la profondeur du dicton: le châti­

ment de ceux qui, étant jeunes, ont aimé les femmes, est de continuer à les aimer toujours 1 C'est la honte et le ridicule des Don Juan caducs 1 Tel est le cas, dans Sapho, de l'artiste de Potter, faisant à Jean Gaussin sa confession: « Ce que vous voyez aujourd'hui, pourra peut-être vous servir. Moi 1 voilà vingt ans que je vis avec Rosa; vingt ans que, revenant d'Italie, je suis entré à l'Hippodrome, un soir, et que je l'ai vue debout dans son petit char, au tournant de la piste, m'arrivant dessus, le fouet en l'air, avec son casque à huit fers de lance et sa cotte d'écailles d'or... Ah 1 si l'on m'avait dit 1... » Oui, si on lui avait dit qu'après vingt ans il serait encore l'esclave de cette écuyère de cirque, qu'il méprise et déteste 1

14e Que faites-vous du droit au bon-excuse. heur?

- Je le revendique pour toi, malgré toi. Immédiatement après la défaillance, on est

puni, la faute et la tristesse étant conjuguées. Il est difficile de dire ce qui l'emporte, dans la faute lascive, la violence de l'action ou de la réaction, du goût qui précède ou du dégoùt qui suit. Et ce dégoût est tel, qu'à pareil moment, la rec~ute paraît impossible. Quelle ironie d'appeler « plai­sir », ce qu'on est certain de regretter ensuite. ce qui est éminemment dommageable.

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216 LE COMBAT DE LA PURETÉ

D'ailleurs, tout cela nous l'avons déjà exposé longuement, au chapitre « Le vice est triste 1 »

Le jeune homme ayant cédé à l'attrait de la volupté pdurrai~ dire comme le jeune Jonathas, en.courant l~ pemesuprême po~r avoir mangé du mI~l,. ma!g~e la défense d~ rOI Saül, son père: « J al ~oute un peu de mIel... et voici que je mourraI 1 » (rel' L. de Sam., ch. XIV, v. 43).

Un peu de douceur défendue... puis la mort 1

ISe excuse. La c~asteté 1... Impossible 1 - SI tu restes seul, je le crains 1 et

voilà pourquoi tu dois mendier le secours du bon Dieu, à genoux, comme un petit enfant. Tu te relèveras fort, en disant avec saint Paul. «Je puis tout en Celui qui me fortifie. » . I~npossible! mais as-tu réfléchi que cette ob­JectIon, si elle était bien consciente serait mon petit, un vrai blasphème ? ' ,

, E~ quoi 1 Die~ corr:mettrait l'injustice criante d eXIger un deVOIr qUI dépasse nos forces? Non non 1 II. Dieu est ii,dèle, qui ne permettra pas qu~ nous soyons tentes au-delà de nos forces mais avec la tentation, il ménagera une heUI'eus~ issue' en vous donnant le pouvoir de la supporter.; (Ire Ép. aux Cor., ch. X, v. 13).

« Qui nous séparera de l'amour du Christ ? La trib~l~tion, ou l'angoisse, ou la persécution, ou le peril? '" Dans toutes ces épreuves, nous sommes plus .~~e, vainqueurs, par. Celui qui nous a aimés. Car J aIl assurance que nI la mort, ni la vie, ni les choses pr~sentes, ni les choses à venir, ni les puis­sa~ces, nI la hauteur, ni la profondeur, ni aucune creature, ne p_ourra nous sép~rer -de l'amour de

LA DÉFAITE 217

Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur. » (Ép. aux Romains, ch. VIII, v. 35 et suiv.).

Impossible! mais regarde autour de toi 1 n'en connais-tu pas, vraiment, dans ta famille, dans ton entourage, de purs jeunes gens, des jeunes filles aux yeux clairs? « Quod isti et istae ... li

Ce qu'ont pu ces jeunes gens, ces frêles jeunes filles, toi tu ne le pourrais pas ?

Impossible! et les Saints? Il nous plaît de citer une belle page de P. Bu­

reau: Notre lâcheté imagine « que les remèdes de

tout repos, les petits procédés qui s'accordent avec la nature, suffisent à guérir nos maux. Mais l'observation impartiale contredit ces espérances intéressées, et, dans toute société, les actes qui paraissent ne réclamer qu'une dose commune de moralité et de dévouement ne sont accomplis par la grande masse des individus qu'autant que ceux-ci trouvent devant eux des pionniers, des entraîneurs capables de pousser jusqu'à l'héroïsme l'observance parfaite du principe intégral. Les volontaires de la chasteté perpétuelle jouent ce rôle magnifique d'entraîneurs et de leaders, et \ à ce titre ils méritent, eux aussi, à côté des parents de familles nombreuses, le titre de pères de la patrie.

» Lorsque leurs services et leurs vertus at­teignent les plus hauts sommets, ils ne sont plus seulement les pères de la patrie, mais les pères de l'humanité tout entière, qui, indéfiniment et tout le long des âges, vit de leur exemple et de leurs sublimes leçons.

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2I8 LE COMBAT DE LA PURETÉ

» Il est vraiment étrange que nos contempo­rains qui ne tarissent pas d'éloges, lorsqu'il s'agit de louer les grands savants et les grands artistes, fassent si peu de cas des services plus importants encore qui ont été rendus par ces admirables inventeurs de la vie morale que sont les Saints. Pourtant c'est leur force qui soutient notre fai­blesse, et nous participons à leur vie spirituelle débordante. Leur exemple nous montre, à côté de notre devoir, l'étendue de notre pouvoir et, derrière ces pionniers, ces conquérants de la liberté spirituelle, chemine la masse innombrable des humains, non pas certes libérés et affranchis comme eux, mais tout de même un peu moins asservis, moins esclaves de leur égoïsme et de leurs appétits mauvais.

)) Prenons garde de taxer trop facilement d'ex­centricité et d'exagération des pratiques et des attitudes qui n'ont été qu'une réaction vigou­reuse et nécessaire contre les excès autrement nocifs d'une sensualité grossière, à laquelle nous prodiguons cependant les trésors de notre indul­gence. Ces hommes n'ont bataillé si âprement contre les exigences en apparence les plus légi­times du corps et de l'esprit que parce qu'ils savaient que nous luttions si peu et si mal contre les pires excès et, grâce à eux, il nous est donné, à nous les bénéficiaires de leur vaillance, d'éviter les écueils qui se cachent à proximité de nos ten­dances les plus normales. » (P. Bureau: L'indisci­Pline des mœurs, p. 334).

Oh 1 je prévois ton exclamation : «Les Saints sont des hommes à part 1 J

LA DÉFAITE ZI9

A part, au point de vue du courage, oui. A part, au point de vue des tentations, non. Écoute saint Ambroise: «Sachons bien qu'ils

n'ont pas été d'une essence supérieure, mais d'une générosité supérieure ; ils n'ont pas ignoré les vices, ils les ont domptés. »1

Quoi qu'en dise l'objection lâche, ils étaient taillés dans l'étoffe commune du patron humain.

Les Saints sont des hommes magnifiquement couronnés, parce qu'ils ont magnifiquement com­battu. Il est écrit : «Nul n'est couronné s'il n'a bravement lutté. »

Un vainqueur est la preuve péremptoire que le triomphe est possible. .

Impossible! mais voici, mot pour mot, ce que le journal Le PeuPle publiait dans son numéro du 18 novembre 19I9, sous la signature d'Eusèbe : « L'Église!... certes son remède, la chasteté, est le meilleur. La chasteté est possible, ne nous las­sons pas de le répéter ».

La revue Sporting, sous la rubrique « Hygiène et Sports )), a fait paraître un article intitulé « Soyez chastes )) . C'était une enquête sur l'utilité de la chasteté pour les jeunes sportsmen. A la fin, le docteur G. Deschamps concluait nettement à la possibilité de la pureté juvénile et en appelait à l'autorité de M. Roosevelt et de M. Elliot, pré­sident de l'Université d'Harvard, partisans réso­lus de la continence jusqu'au mariage.

Tu peux vérifier. C'est dans le Sporting du

1. • Cognoscamus illos non naturae praestantioris fuisse, sed observantioris, nec vitia nescisse sed emendasse. » (L. d, S. JosePh, c. 1.)

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220 . LE COMBAT DE LA PURETÉ

1er mai I9I8 et dans les numéros précédents. Au reste, nous n'avions pas besoin d'atten­

dre ravis du Sporting ou du PeuPle. Voilà vingt siècles que l'Évangile a parlé assez haut 1

Eh bien !... Plus tard 1 16e excuse. - Je comprends 1 Tu pratiqueras

la vertu quand tu ne pourras plus faire autre­ment et tu aimeras Dieu lorsque tu seras vieux et infirme. Donc tu donneras au vice les belles fleurs et à Jésus-Christ ton Sauveur, ce qu'on a pu appeler les « fruits gâtés d'arrière-saison»?

Dis, tu as vingt ans, tu es à l'âge où l'enthou­siasme frissonne et vibre, toi qui parles ainsi ? Ce que cela manque de panache 1

Que penserais-tu si, plus tard, ton fils raison­nait de même avec toi: « Mon père, je sais bien tout ce que je vous dois 1 Aussi je vous aimerai... plus tard. Je voudrais d'abord m'amuser; quand je serai lassé, ankylosé et noué au physique et au moral, alors je viendrai à vous. »

Ou bien encore que répondrais-tu à ton fils s'il disait: « Je vous obéirai. .. plus tard. »

Et toi tu oses dire: « J'obéirai au Décalogue ..• lorsque cela ne me coûtera plus. li

17 D'ailleurs, la continence est désas-e excuse.

treuse pour la santé. - Attention 1 nous sommes ici dans une ques­

tion d'ordre médicall Eh bien 1 je vais t'apporter des textes précis de docteurs et d'hommes com­pétents, ayant étudié, au point de vue médical, ce fait de la continence masculine.

Le Dr Xav. Francotte, dans le supplément

LA DÉFAITE 221

aux Annales de la Société scientifique (séance du IO aVTil 1907), écrit: li: La continence est possible et la loi divine, en la prescrivant avant le ma­riage, n'a rien statué qui soit en contradiction avec les lois physiologiques .. . » 1 et il cite le Dr syphiligraphe Fournier, de l'Académie de médecine: « On a parlé indûment et à la lég~re des dangers de la continence pour les jeunes gebs. Vous avouerai-je que, si ces dangers existent, je ne les connais pas 1 et que moi médecin j'en serais encore à ne pas les avoir constatés, bien que les sujets d'observation ne m'aient pas manqué, en la matière 1 »

« On ne saurait trop répéter que l'abstinence et la pureté la plus absolue sont parfaitement compatibles avec les lois physiologiques et mo­rales et que le contraire n'est pas plus justifié par la physiologie et la psychologie, que par la morale et la religion. Il (Dr Beale, professeur au Col­lège royal de Londres, Our moraMy and the moral question, p. 47, 1887) .

« La virginité des jeunes gens est tout à la fois une sauvegarde physique et une sauvegarde mo­rale et intellectuelle et il faut tâcher de la leur conserver. .. Il est d'observation en hygiène hu­maine, comme en zootechnie, que la continence est une condition de prospérité nutritive. II

(Dr Perrier, cité par Guibert, Pureté, p. 95). « Je n'ai jamais connu de personnes devenant

malades par suite de la continence, » atteste le Dr Forel, de Zurich. (Cité ib., p. 141) ~ \

1. P. 10. Lire aussi les pp. 7 à 26.

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222 LE COMBAT DE LA PURETÉ

« La chasteté ne fait de mal ni au corps, ni à l'âme: sa discipline est excellente ... » (Sir James Paget, médecin de la Cour d'Angleterre).

Et Guibert, qui rapporte ce témoignage, ajoute! «Voulez-vous des observations personnelles? Votre chasteté a-t-elle jamais ébranlé votre santé et entravé vos travaux? Il Y a dans le cercle de vos connaissances des personnes dont la bonne conduite ne fait aucun doute pour vous: leur vitalité en est-elle altérée? N'avez-vous pas en­tendu attribuer à la pureté de leur vie la force et la longévité, des moines ? Regardez plus bas: combien d'animaux domestiques auxquels l'hom­me impose la continence: en sont-ils moins bien portants et moins utiles? )) (Id., p. 143).

Avis semblable du Dr Féré, qui, d'ailleurs, n'est pas catholique: « Dans la discussion qui eut lieu à la Société de médecine de Lyon, à propos du livre de Dufieux qui faisait l'apologie du célibat religieux, ses adversaires n'ont rien trouvé à objecter à la négation des maladies attribuées à la continence. Mantegazza 1, qui ne se fait pas remarquer parmi les apôtres de la con­tinence, ne lui re~onnaît cependant aucun incon­vénient. Les physiologistes, au contraire, lui ont trouvé des avantages. La continence réalise une réserve de forces. Elle est généralement favorable à l'activité psychique, aussi Qien qu'à l'activité physique ••• (en sorte qu'elle) favorise la longévité et les différentes formes de l'activité intellectuelle.

I. Voici les mots de ce docteur professeur: .Je n'ai jamaia vu aucune maladie causée par la chasteté. »

LA DÉFAITE 223

L'impuissance n'est pas le produit de l'absb­n:nce, ~l1ais bie? souvent de l'abus. Il n'est pas necessmre de s appuyer sur les religions, pour mettre en évidence les mérites moraux de la chas­teté en dehors du mariage. Il nous suffit de prendre en considération exclusive la morale utilitaire ... A ce point de vue, on peut affirmer sans hésitation que le défaut de chasteté est. immoral. )) (Dr Féré, Inst. sex., pp. rr6 et 316. Lire aussi les pp. 25, 26,27,28,317 et 318). -

La Con~érence internationale du Congrès de ProphylaxIe sanitaire, réunissant en 1902, à Bruxelles, 102 sommités du monde entier, adopta à l'unanimité, cette conclusion: « Il faut surtout enseigner à la jeunesse masculine que, non seule­ment la chasteté et la continence ne sont pas nuisibles, mais encore que ces vertus sont des plus recommandables au point de vue médical. ))

Rapprochez de cette déclaration celle de la Faculté de Médecine de l'Université de Christia­nia: « L'assertion faite récemment par différentes p~rsonnes et répétée dans les journaux, qu'une VI~ morale et une continence parfaite sont mau­vaIses pour la santé, est tout à fait fausse d'après notre expérience, qui est, en ceci unanimement exprimée. Nous ne connaissons ~ucun cas de maladie que nous puissions attribuer à une con­duite parfaitement pure et morale. ))

Le Dr Bourgeois consacre, à prouver la même thèse, un chapitre spécial de son livre Les pas­sions (2e partie, ch. IV).

« L'observation rigoureuse de la chasteté est compatible avec une pleine santé d'âme et de

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e:

224 LE COMBAT DE LA PURETÉ

corps. » (P. Goy, La pureté rationnelle. (Lire les pages II à 32) .

« Les maux de l'incontinence sont connus, in­contestés; ceux que provoquerait la continence sont supposés, imaginaires. Ce qui le prouve, c'est que de nombreux ouvrages savants et volumi­neux ont été consacrés à exposer les premiers et que les autres attendent encore leur historien. Il n'y a à cet égard, que de vagues allégations qui se dissimulent honteusement dans les conversa­tions, mais qui ne supporteraient pas la lumière du grand jour. » (Dr Surbled, Célibat et Ma­riage.)

Il Nous condamnons énergiquement, comme une doctrine des plus pernicieuses, calculée pour servir le mal et encourager la pire forme du vice, la théorie qui veut qu'un préjudice quelconque puisse découler d'un célibat chastement conservé. Il

(Dr G.-H. Naphez, La transmission de la vie.) « J'ai souvent, en raison de ma profession, des

relations avec les missionnaires et les prêtres, et j'ai acquis l'évidence que l'observation absolue du Vœu de chasteté, n'a aucun inconvénient, ab­solument aucun. Je vous défie de trouver, dans toute l'histoire de la médecine, chez n'importe quel peuple, une maladie, une seule, vous enten­dez, causée par la continence. Parcourez les biblio­thèques, consultez tous les médecins dignes de ce nom dans les deux hémisphères, et si vous m'ap­portez un témoignage signé d'un nom honorable, une page d'un livre sérieux faisant autorité en la matière, qui fasse mention d'une seule maladie due à. la continence, je brûlerai immédiatement

LA DÉFAITE 225

ces pages .. . Ce n'est pas sans motifs que je dis 1 livres sérieux, médecins dignes de ce nom. Toute une littéraire pseudo-médicale exploite les curio­sités morbides, émet des aphorismes répétant plus ou moins le préjugé ,vulgaire: « Il faut qt;1e jeunesse se passe,» tout cela par flatterie pour les secrètes passions des lecteurs, pour aug­menter le nombre des éditions de leurs livres .•• C'est là de la pornographie médicale, mais ce n'est pas mériter le nom de serviteur de la science. Il

(Dr Good, Hygiène et Morale, p. 40). « Les nombreux exemples d'hommes voués à

des travaux physiques et intellectuels absorbants, ou encore retenus par des idées religieuses et restés chastes pendant toute une vie, sans trouble physiologique apparent, sont tout à fait démon­stratifs. » (Dr Toulouse, Comment former un esprit. (Hachette, 1908, p. 157) .

Jules Payot, recteur de l'Académie de Cham­béry, écrit dans l'Éducation de la volonté (p. 209) 1 « On déclare la chasteté nuisible à la santé ..• Au contraire, la continence donne à l'organisme ..• une vigueur et une énergie admirables.»

« Le jeune homme. .. doit apprendre à se con­tenir. Il faut qu'il sache qu'il sera récompensé de ce sacrifice volontaire, par une santé floris­sante.» (Oesterlen, professeur à l'Université de Tubingue).

« La continence ne fait aucun mal: elle n'em­pêche pas le développement, elle accroît l'éner­gie.» (Sir Andrew Clarke. Cité par P. Bureau, Indisc . des mœurs, p. 297).

Le Dr Dubois, l'illustre professeur de neuropa-

15

Page 113: Hoornaert Le Combat de la Pureté

226 LE COMBAT DE LA PURETÉ

thologie à Berne, assure qu'il y a « plus de neuras­théniques parmi ceux qui laissent libre cours à , leur sensualité, que parmi ceux qui savent échap­per au joug de l'animalité 1. »

Consulter aussi le Dr P. Barbet, chirurgien~ adjoint de l'hôpital Saint-Joseph, à Paris: Pré­paration du jeune homme au mariage, par la chas­teté. Baillère, 1922, Paris 2.

En 1922, le Dr L. Delattre, Inspecteur d'hy­giène, insère ces lignes dans son Rapport l « Loin d'être contraire à la conservation de la santé, la continence constitue une des plus vraies garanties de saine et virile activité ... Un jeune homme peut être certain de trouver dans la chasteté la garantie d'une énergie vitale qu'il n'aurait pu atteindre dans l'incontinence. Ces faits, garantis par la médecine et l'expérience, doivent être affir­més avec force.» (Rapport concernant un Plan d'éducation morale et hygiénique de la vie sexztelle, pp. IO et II. Imprimerie Nossent, Bruxelles).

Avouez qu'il y a surabondance de lumière. Le R. P. Vermeersch, S. J., l'affirme: « La

chasteté et la continence, par elles-mêmes, ne sont aucunement nuisibles à la santé. Tant de

1 . Les psychonévroses, p. 390. 2. Conclusion de ce Docteur: • Nous pouvons conclure

hardiment: la chasteté n'a jamais engendré aucune maladie, • (p. 56) .

Il faut méditer aussi les paroles du Docteur Bayet, à la réunion de la Ligue antivénérienne, tenue à Bruxelles, le 31 janvier 1923.

Le Docteur Pasteau a écrit son Étude médicale de la chastet4 chez l'homme. (Publié par l'Association du mariage chr4ti,n; 86. rue de Gergovie, Paris).

L ... . ""'!!o!,

LA DÉFAITE 227

docteurs et de physiologistes de première valeur l'attestent, que les quelques rares ~P?os~n~~ peuvent être considérés comme quanhte neglI­geable. Ceux qui, prétextant la santé du. corps, blâment la continence, ou donnent (ce qUl ~rnve trop souvent) des conseils immoraux, d01ve~t être condamnés, précisément au nom de la vraie science.») (R. P. Vermeersch, S, J.I De Cast., nO 42).

-

Page 114: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LA VI CTOI R E

POUR RÉPARER LA DÉFAITE

Un vainqueur peut avoir connu des échecs mo­mentanés. Mais il n'a pas rendu les armes 1

Dans le combat de la chasteté, il importe aussi de garder intacte sa confiance.

Quel est le plus grand danger de celui qui a connu les défaillances nombreuses de la chair? C'est de dire « Il est trop tard 1 Il Le pauvre dé­couragégémit: Je suis devenu ce que les théolo­giens appellent un consuétudinaire, un habitudi­naire. J'ai essayé de me relever; je suis retombé. Après telle retraite, telle confession, je suis resté pur, trois semaines, un mois. Puis le vice m'a repris. Oh 1 il est fort, le vice 1 et ce qu'il tient, il le tient bien 1 Maintenant je n'ai plus aucun « rebondissant Il. Le confesseur m'encourage: c'est son rôle, mais je sens bien, moi, que l'amendement est impossible. Il

Ami, c'est le « piu non posso Il (je n'en puis plus) des âmes lassées que voyait Dante. Purga­toire (X, terc. 44-47).

Déjà tu avais dit, « Impossible de devenir chaste. » Maintenant tu dis; « Impossible de rede­venir chaste. Il

Non 1 non 1 et non 1 Autant de fois non, qu'il y a de lettres dans ce livre.

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· LE COMBAT DE LA PURETÉ ·

Au tort de ne pas avoir agi comme un homme, n'ajoute pas celui de pleurer comme une femme.

Nous l'avons déjà réfutée, ton objection lâche. Le mot impossible n'est pas français, assure le dicton. Hélas 1 si 1 et l'héroïque « furia francesa » peut échouer, quelquefois, devant une écrasante supériorité numérique, ou devant une artillerie plus puissante. Mais le mot impossible n'est pas chrétien.

Dieu n'a pas fait, n'a pas pu faire, du relève­ment après le péché, une chose impraticable 1

Et d'ailleurs l'adage philosophique est évident 1 si une chose existe, c'est la meilleure preuve qu'elle est possible 1 « Ab esse ad posse, valet illatio. » Or, elle existe, cette preuve de relève­ment moral 1 Lis donc les Confessions de saint Augustin, la vie de sainte Marie-Madeleine.

Combien d'autres se sont libérés de leurs mi­sères, de leurs abominations parfois et se sont refait ,une belle âme. Il y a les purs et les purifiés.

CrOls-tu, par hasard, que tu es le premier jeune homme au monde à qui est arrivé malheur? Des centaines et des centaines sont chastes, qui ne l'ont pas toujours été 1 Dans l'Église, on compte les préservés, mais aussi les rescapés, les non­blessés, mais aussi les cicatrisés.

Beaucoup pourraient répéter avec le poète 1

« ... Du long combat q:ui m'a fait l'âme obscure, Je sors pâle et vamqueur l' •

Qui veut, peut 1 «Nous possédons, avec la volonté, une force de pétrissage, de réfection, de

J. V. HUGO, Contsmplations, L. IV.

LA VICTOIRE 23 I

refonte, dont nous ne soupçonnons pas l'impor­tance. J'appelle application de la volonté non le fait de répéter Je veux, en serrant les de;ts et l~s poings, mais l'exercice quotidien, appuyé, pré­CIS, portant au même endroit. L'assiduité et l'at­tention sont deux rebouteuses de premier ordre, 3

(Léon Daudet, Devant la douleur,p. 250).

* * * La première vertu du malade (ou du vaincu),

c'est l'espérance. Le docteur Dubois, de Berne, a publié tout

un livre Les Psychonévroses, pour montrer que, chez les psychonévrosés, ce n'est pas précisément le pouvoir d'exécution qui est atteint, mais l'idéa­tion ou la volition, et que, dès lors, le remède est une cure saine de suggestion, et la conviction len­tement déposée dans l'âme, de la curabilité.

On a, au témoignage de ce Docteur, abusé de la cure médicamenteuse et trop négligé la cure psychique. La confiance a un rôle dynamo­phallIque. Remarque le mot : pas dynamogénique (créant le pouvoir), mais dynamophanique (révé­lant un pouvoir, qui existait à l'état latent).

Cette latence est une réalité qu'il faut amorcer éveiller. '

« Des sujets dont l'incapacité est ancienne, retrouvent une âme vaillante après une seule conversation psychothérapeutique. » (A. Eymieu op. cit., p. I45) 1. '

. 1. Sur ~e déclenchement de l'énergie, sur ce passage du Virtuel à 1 actuel, le même auteur ajoute : • Il Y a des gens

Page 116: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LE COMBAT DE LA PURETÉ

Courage donc 1 «En fait d'énergie, ose écrire P. Bourget, nous valons à peu près autant que nous croyons valoir 1. »

En revanche, nous devenons réellement im­puissants dans la mesure où nous nous croyons impuissants. Incapacité par autosuggestion 1

Napoléon 1er, qui s'y connaissait en victoire, affirmait: « La confiance est la moitié du triomphe 1 » Si cela est vrai dans les victoires des champs de bataille, nécessairement dépendantes du nombre de baïonnettes et de canons, à com­bien plus forte raison dans les victoires de la vertu, puisqu'elles relèvent uniquement de notre vo­lonté, à laquelle ne manque point la grâce.

L'axiome de Napoléon 1er a été repris par ce Napoléon moderne qu'on nomme Foch et coulé par lui dans le moule d'acier d'une' équation 1

(,( victoire = volonté. »

Retiens, ami, les deux principes que voici 1 Toute défaite rend la défaite suivante plus

facile. Toute victoire rend la victoire suivante plus facile. .

qui semblent devenir spirituels quand ils ont bu. L'alcool serait-il vraiment capable de nous donner des facultés que nous n'avons pas à jeun? Non 1 Il supprime les obstacles: notre timidité, notre désir de tenue correcte et réservée. Si, sous l'influence de l'alcool, du café, de la griserie qui résulte de la joie, un homme s'est montré spirituel, soyez sûr qu'il possède bien cette qualité au fond de lui-même et que, si elle ne se manifeste pas d'ordinaire, c'est qu'elle est inhibée par des états d'âme concomitants, s'opposant au déclenchement de ces facultés natives... Un encouragement provoque de m.ême un renouveau de puissance . • (Op . dt., p. 145).

L En parlant ainsi, il ne faisait que répéter Virgile: • Possunt, quia posse videntur. » En., 1. V, V . Z31.

LA VICTOIRE 233 r

« La chasteté, dit le Dr Hyrtl, de Vienne, est difficile. Elle cesse de l'être, à mesure qu'on l'ob­serve.» Pourquoi? Parce que dans le monde moral, comme dans le monde physique, se réalise la théorie de Lavoisier! CI. Rien ne se crée, rien ne se perd. »

Ainsi, le triomphe ne se crée pas soudain; il reste toujours quelque chose de la défaillance.

Mais, si toute victoire intéresse les suivantes, il f~ut cependant noter l'importance spéciale des premiers succès. Il y avait association d'images entre tentation impure et chute. Eh bien 1 cette soudure est cassée et la dissociation enfin obte­nue 1. On a pris conscience qu'il est pratiquement possible d'être vainqueur.

Pourquoi ne pas noter ce résultat? « Aujour­d'hui, j'ai résisté; je résisterai demain. » Tu gardes alors la preuve écrite de ta générosité et la con­viction, pour ainsi dire, entre en toi par les doigts qui écrivent la formule précise.

Ainsi Stanley, à la recherche de Livingstone,

1. Qu'on nous permette d'indiquer deux applications assez spéciales, mais très suggestives, du même ptincipe.

A l'École d'aviation, quand un pilote a eu un accident au « décollage. ou à l'atterrissage, on le force, s'il est en état de le faire, à recommencer immédiatement la même ma­nœuvre. Le but est de briser, dès le début, l'association d'images qui s'établirait, dans son être impressionné, entre cet exercice et cet accident.

Jusque dans le dressage des animaux, on emploie la même discipline. Lorsqu'un cheval s'est effarouché, près d'un pas­sage dangereux, ou devant un obstacle, on le contraint à repasser tout de suite par le même endroit, sans quoi, dans sa mémoire (car les animaux ont comme nous la mémoire sensible) se formerait une association d'images entre ce lieu et l' effroi qui le fait cabrer.

Page 117: Hoornaert Le Combat de la Pureté

..... 234 LE COMBAT DE LA PURETÉ

en Afrique, aux soirs de dépression morale écri­vait, d'une écriture haute et brave: « Je le retrou­verai. Je sortirai de mes misères. Je le veux. » Il écrivait cela, pour s'encourager lui-même, pour s'aider du procédé verbo-visuel et verbo­moteur.

Écris de même: « Je sortirai de mes misères. Je le veux. » Tu avais la conviction de ta dé­faite. Tu dois lui substituer la conviction contraire de ta victoire, t'enfoncer dans la tête c~tte deuxième idée fixe, qui délogera la première, et, <>omme on dit, chasser un clou par un autre.

* * * Le tout est de commencer 1 Il paraît que, dans maint sanatorium on fait

aujourd'hui une expérience curieuse. ' pes pensionnaires ont été amenés, qui, à la

sUIte d une névrose de guerre, . ou d'une commo­tion émotive, s'imaginent très sincèrement être paralysés. En réalité, il n'y a qu'ùn imperceptible noyau d'incapacité, perdu dans une gangue énorme d'autosuggestion d'impuissance. Mais telle est la réaction du psychique sur le physique que l'in­téressé devient paralytique effectivement. . On met le malade devant une table, où l'on a placé ce qu'il aime le plus. Je n'apprends rien à personne en disant que chacun a son faible: li­queur ... cigare ..• pâtisserie ... devant lequel son libre arbitre s'en va à la dérive... Le Docteur a cherché quel est précisément ce faible, pour notre malade. Il l'a trouvé et l'a déposé tout près, tout près, à un centimètre de sa main.

..---LA VICTOIRE 235

Vous voyez le tableau! Le malade songe: « Que c'est lamentable, tout de même, d'être paralysé 1 Je suis incapable de prendre cette gâterie dont je raffole \ »

Mais si grande est la convoitise, qu'il parvient à faire l'effort de cet unique centimètre et à saisir ce qu'il veut . . A voir franchi cet espace d'un cen­timètre, c'est énorme!

Le. lendemain on écarte l'objet de deux centi.;. mètres. Même découragement au déb:ut, même succès à la fin. Et tu es trop intelligent pour ne pas deviner la suite: l'objet placé successivement à trois, dix, vingt centimètres, est toujours pris finalement. Le pseudo-paralytique est guéri.

Quand il s'agit de la vertu, et surtout de celle de chasteté, combien de simili-paralytiques 1 « Je ne pourrais plus marcher dans le chemin de la générosité. J'ai une paralysie; tout au moins une hémiplégie. »

Fais l'effort initial et tu comprendras profon­dément la vérité du proverbe: il n'y a que le pre.mier pas qui coûte. A ce propos, voici l'expé­rience qu'un Docteur, professeur à l'Université de Lund (Suède), le Docteur Seved Ribbing, con­signe dans son livre 1 i « J'ai reçu de nombreuses confidences de la part d'étudiants ••• Ils m'ont reproché de ne pas avoir assez insisté sur la facilité avec laquelle les désirs des sens peuvent être dominés. »

* * * I. L'hygiène sex. et ses conséquences morales. (lfdit. Fél~

Alcan).

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

Le but sera-t-il atteint immédiatement? Cela dépend de toi. La volonté, aidée de la

grâce, peut renoncer radicalement et définitive­ment aux habitudes même invétérées. . D'autres fois, l'~mendement sera progres­

SIf. « La volonté dOIt se conquérir sur notre molle et mouvante nature, comme la Hollande ~ conquis .son territ?ire s?r la mer, pied à pied et Jour par Jour 1. )) L été 1 emporte sur l'hiver par une marche ascensionnelle certaine, en dépit cV défaites partielles et de reculs.

Le vrai courage est la patience. Tous en ont besoin: le saint, le savant, le génie,

le prisonnier, le soldat. Le saint! il faut de la patience avec beaucoup

de personnes 1 mais la personne avec laquelle il en faut le plus, c'est soi-même 1

Ainsi parle saint François de Sales. Le savant! on demandait à Newton, comment

il avait trouvé la loi de l'attraction universelle. Il répondit! Cl En y pensant toujours. ))

Le génie est « une longue patience )). Et la vertu donc 1 •

Rien ne s'improvise. C'est le principe connu r une œuvre vaut ce qu'elle coûte. Chose hâtive. chose précaire, puisque le temps ne respecte pas ce qu'on a fait sans lui. .

Le Christ nous le dit dans la parabole du semeur: le grain qui germa vite, sécha vite, car il n'avait pas de racines: (( Quia non habebant radicem, aruerunt. )) Il

1. Cité par Luc MIRIAM, Les dmes libres, p. 59. 2. S. Matth. , ch. XIII, v. 6.

LA VICTOIRE 237

La fleur de la sainteté ne croît que dans une terre lentement préparée et suppose la richesse du dessous où plongent les racines nourricières.

Le prisonnier! quand il ne peut briser d'un coup sa chaîne, il la lime. Applique-toi cet exemplel Usure, à défaut de cassure.

Le soldat! nos soldats ont-ils remporté d'un coup la victoire? Pendant quatre ans, le terrain se gagnait (quand il se gagnait 1...) une tranchée à la fois, ou même pouce à pouce 1

Au début, tu n'avanceras peut-être pas plus vite qu'on n'avançait à l'Yser. Et, que veux-tu? il Y a des ennemis qu'il faut Cl grignoter)). Grignote, ami, grignote 1

Le rat de La Fontaine, qui grignotait ainsi, finit par défaire les mailles du filet. De la même manière, tu sortiras d'autres filets ... qui, pour être de soie et d'or, n'en restent pas moins des filets 1.. .

'" * * L'important est de garder confiance. Pourquoi la perd-on? Parce qu'on prévoit

trop. (( Quoi 1 je devrai lutter pour la pureté et demain et après-demain et la semaine suivante et le mois suivant et chaque année et toujours 1.

Rien ne décourage autant que d'imaginer toutes les difficultés de l'avenir. Imagine que nous ayons pu prévoir toute la durée de la guerre. Beaucoup de personnes se seraient suicidées 1 Tan· dis qu'elles sont parvenues à tenir bon. Elles ont vécu chichement, elles ont vécu d'espoir et de pain quelconque; mais enfin elles ont vécu 1

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

Excuse une comparaison très familière. Si un homme pouvait contempler d'ava,nce t?ut c~ qu'il devra manger pendant sa VIe entIère, il serait effaré! Des trains de vivres! « Je dois m'intégrer cela? » Et la boisson! Il s'écrierait consterné: « Mais je ne suis pas un hectolitre, ou un gouffre ! »

Patience! Il sera heureux demain, de déjeuner, de dîner et de souper. Après-demain, il éprouvera le même besoin de nourriture; et finalement cette prodigieuse quantité de pain, de vi~nde, etc. au.ra été assimilée. Mais peu à peu! débItée en détall J tranche par tranche !

Ainsi en va-t-il pour l'ensemble énorme des difficultés. Ne prévoyez pas trop! Ces difficultés, vous ne les aurez que peu à peu, avec la grâce d'état correspondante, que vous n'avez pas encore maintenant!

Obéissez au conseil du divin Maître l 0: A chaque jour suffit sa peine! »

Voyons! ne parvien.drez-vous I?as à êt~e chaste jusqu'à demain matm? Demam matm, vo.us aurez une nouvelle communion, un nouveau VIa­tique pour la nouvelle route.

Soyez purs au jour le jour! Ayez une chasteté ,de vingt-quatre heures!

Demain, vous vous proposerez, de nouveau, une chasteté de vingt-quatre heures! . Coupez la difficulté et vous serez vainqueurs 1 « Divide et impera ! »

Ce secret de la victoire est exposé dans un ~écit de guerre, écrit par R. Bazin.

Une Française avait eu son mari déporté, son

LA VICTOIRE 239

fils .tué, s~ maison saccagée. Tous les malheu ' quOI! MalS elle restait vaillante. R. Bazin ~i <1:emanda : « Comment faites-vous, pour demeurer SI courageuse ? »

Et elle,. la brave f~mme de F~ance, de répondre %

«~e reçOIS. chaque Jour le pam qui m'est néces­saIre en dIsant au bon Dieu qui entre en m '. d 'd 01. o~nez-mo~ u courage pour vingt-quatre heures' et a demam, autant' »

Fai~ co~m? elle.' ami. Reçois, chaque matin, le. Pam 9UI t est SI nécessaire, en disant au bon DIeu qUI entre en toi l « Du courage pour vingt­quatre heures' et à demain, autant. »

LA STRATÉGIE DE LA DÉFENSE

Nous avons décrit la tactique du mal' parlons de la tactique du bien. '

~'arsen,al du vice a beaucoup de redoutables e~gIns: L arsenal de la vertu a beaucoup d'armes defensIves.

Nous allons les examiner.

1r • arme: la commu­

nion.

« 0 Salutaris Hostia 1 Bella premunt hostiIia; Da robur .•

o Hostie de salut 1 La guerre nous presse; Donne-nous la force.

(Office du S. Sacrem.).

1 En temps de guerre, il faut choisir les armes es plus fortes et ne pas s'entêter à garder les

chassepots démodés, la vieille artillerie à tir trop court.

Page 120: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LE COMBAT DE LA PURETÉ

Et toi, jeune homme, dans le combat de la pureté, tu sais bien quelle est l'arme des armes 1

la communion. Le démon t'assaille? La dévotion eucharistique

sera comme un feu de barrage, empêchant Satan de parvenir jusqu'à toi.

Tu veux rester brave? Rappelle-toi que com­munier, c'est t'incorporer le courage à la plus haute dose possible: c'est manger la Force 1

Les premiers chrétiens le savaient bien 1 On lâchait contre eux les lions du cirque romain; mais eux-mêmes, « lions vomissant des flammes J) 1.

les affrontaient vaillamment. Grâce à quoi? Grâce à la communion. « N'avez­

vous jamais été frappés, demande le R. P. Van Tricht, S. J., dans sa conférence sur l'Eucha­ristie, n'avez-vous jamais été frappés par cet in­compréhensible spectacle des premiers siècles et des premières persécutions de l'Église? Tous ces chrétiens-là vont à la mort comme à un jeu 1 On les déchire, on les tenaille, on leur coule du plomb dans la bouche; on les livre aux ours, aux tigres, aux lions. Ces hommes, ces femmes, ces jeunes filles, ne reculent pas. » L'explication, continue­t-il, est la Sainte Communion.

Vous, jeunes gens, qui devez combattre aussi, non plus dans l'arène du cirque, mais dans l'arène de votre cœur, soyez vaillants par l'Eucharistie.

«Qu'a fait le Chrîst pour revêtir de force le pauvre cœur humain? Il se l'est attaché par des

1. Paroles d'un pseudo-Chrysostome, souvent attribuées. par erreur, à saint Jean Chrysostome lui-même.

LA VICTOIRE

liens magnifiques 1 comme faisaient ces vieux Gaulois qui, la veille des batailles, s'enchaînaient l'un à l'autre, pour mieux se défendre et ensemble vaincre l'ennemi. » (Id.)

«Des liens magnifiques 1...» Mieux encore 1 1 «communion» c'est-à-dire union intime, inter­pénétration de Dieu et de l'homme. Nous sommes (( mêlés à Dieu », pour répéter une expression qu'on peut compter six fois, dans une seule homé­lie de saint Jean Chrysostome. (Hom. 608 au peuple d'Antioche).

'" '" '" Maintenons aux différents moyens, par lesquels

nous purifions et assainissons notre â.me, leur im­portance relative.

La communion prime tout. Pourquoi? Parce que communier, c'est boire la sainteté, non plus à une dérivation, à un ruisselet, mais à la source.

Rien n'est plus christianisant que le Christ en personne 1 Communier, c'est se greffer sur le Christ 1 1 et brancher sa petite vie humaine sur la grande vie divine.

Ne substituons jamais les dévotions à la dévo­tion.

Aucun procédé ne remplace la vie. Or, com­munier, c'est recevoir la vie.

I. «Toi qui n'étais qu'un olivier sauvage, tu as été enté .. . et rendu participant de la racine et de la sève de l'olivier .. . Ce n'est pas toi qui portes la racine, mais la racine qui te porte ... Toi, tu as été coupé sur un olivier de nature sauvage et enté, contrairement à ta nature, sur l'olivier franc. 1 (Ép. /JfU Rom., ch. l, v. 17 et 24).

Page 121: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LE COMBAT DE LA PURETÉ

Toutes les autres pratiques de piété, tous les autres moyens de garder l'innocence de son âme, se comparent à la dévotion eucharistique, comme quelques rayons au foyer de chaleur.

Ce sera la gloire de Pie X d'avoir ramené à son véritable principe la vie chrétienne et d'en avoir redressé l'axe qu'on tentait de déplacer. Par le grand Pape, la piété fut bien « centrée ».

Mettez dans un plateau de la balance toutes les bonnes œuvres, toutes les mortifications des ermites et dans l'autre plateau une communion - une seule - saintement faite. Dans ce second plateau, vous avez placé un poids beaucoup plus fort, puisque c'est Dieu lui-même.

* * * La communion est la divine therapeutrque,

préventive, ou curative. Préventive l elle est, dit un prêtre vivant en­

core, « le sérum qui prévient l'invasion des ba­cilles impurs. »

Curative 1 dans certaines maladies on fait la transfusion du sang.

Lui, le Médecin de nos âmes, il nous fait, chaque matin, la magnanime proposition l « Recevez 1 ceci est mon sang. » Tu es faible: bois 1 inoculp.. t.<li le sang divin 1

ru es débile: mange! « Ego sum cibus gran­dium ». Mon Dieu, à cette union, c'est moi qui

, ai tout à gagner 1 « Non Tu mutaberis in me, sed ego mutabor in Te.» (Saint Augustin). Vous n'allez pas, Seigneur, vous humaniser, mais moi

LA VICTOIRE 243

je vais me diviniser. Il y aura, si j'ose ainsi parler, ; osmose divine. .

Je mangerai donc le pain, le bon pain de chez nous, le pain supersubstantiel. Je le mangerai, non pas une fois, mais chaque jour, pour que la cure soit radicale. Je ne veux pas être guéri à moitié, comme l'insensé qui dirait 1 « Le médecin a chassé la tuberculose de mes ganglions, de mon rein, de mon foie. Cela suffit. Je sais que je garde un foyer dans le poumon. Qu'importe? »

Je communierai, non parce que je suis pur, mais pour le devenir; non parce que je suis en bonne santé, mais pour retrouver la bonne santé. Quand va-t-on chez le docteur? Pas quand on se porte bien, n'est-ce pas? mais quand on est malade.

Jésus débonnaire, Christ guérisseur des corps et des âmes, vous me sauverez!

Aux jours de votre vie terrestre, parmi nous, vous étiez bon, si bon ! .

Vous avez guéri le lépreux 1. Quelle lèpre que l'impureté!

Vous avez guéri l'homme à la main aride B.

J'ai le cœur aride. Vous avez guéri l'aveugle 3. Je vous dis comme

lui: « Que je voie 1 » Il est des choses qu'on ne distingue qu'avec des yeux purs; et moi j'ai une taie sur les yeux 1

Vous avez guéri cette femme qui « depuis dix­huit ans était toute courbée et ne pouvait pas du

I. s. Matth., ch. VIII, V. 1. 2. S. Marc, ch. III, v. I. S. S. Luc, ch. XVIII, v. 35 et suiv.

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244 LE COMBAT DE LA PURETÉ

tout regarder en haut 1. » Peut-être y a-t-il aussi longtemps que ma pauvre âme est toute courbée et ne peut plus du tout regarder en haut 1

Vous avez guéri ce paralytique dont l'infirmité était vieille de trente-huit ans 2 1 Considérez le mal invétéré de mes tristes habitudes 1

Vous avez délivré cet homme de Capharnaüm qui était « possédé d'un espyit immonde» et ces possédés de Gérasa dont les démons passèrent dans les pourceaux. Hélas! l'esprit qui me pos­sède, moi, n'est pas plus noble 1

Vous avez ressuscité des morts: la fille de Jaire, qui venait d'expirer: symbole des âmes qui viennent de mourir à la grâce ;

le jeune homme de Naïm, que déjà on portait au cimetière; symbole des âmes dont la mort est déjà plus ancienne. A moi, infortuné jeune homme, comme à celui-là, dites donc: « Surge 1 J

Lève-toi 1 ; . Et Lazare 1 «Jam fretet »; symbole des cœurs

sentant déjà la corruption de la mort, la décom­position. Et cependant, Maître, vous lui avez ordonné de sortir du sépulcre et il est sorti du sépulcre. Il avait encore ses bandelettes; il les a rejetées. Puissé-je me débarrasser ainsi des ban­delettes qui m'entravent 1

Fils de Dieu, si vous voulez me sauver, vous le pouvez 1 0 bon et très doux Jésus 1 je serais le premier que vous repousseriez 1 Jésus 1 celui que vous aimez est malade. Oh 1 très malade ...

Sauveur, quand on touchait les franges de votre

~ x. S. Luc, ch. XIII, v. 10 et suiv. 2. S. Jean, ch. V. v. 1 et suiv.

LA VICTOIRE 245

robe, ce gland rouge placé au bas de votre vête­ment, on était guéri. Et moi, qui touche votre corps à la Sainte Communion, je ne serais pas guéri? Expulsez à jamais le maL de mon ~me pétrie d'Eucharistie 1

* * :;. Ouvrons l'Introduction à la Vie dévote (L. II,

ch. XX), où l'aimable saint François de Sales écrit: «Communiez souvent et croyez-moi: les lièvres deviennent blancs parmi nos montagnes, en hiver, parce qu'ils ne voyent ni mangent que la neige. A force d'adorer et manger la beauté, la bonté et la pureté même, en ce divin Sacrement, vous deviendrez toute belle et toute pure. »

Ne riez pas des lièvres « qui deviennent blancs en hiver, parce qu'ils ne voyent ni mangent que la neige. 1) Ce serait absurde. · Que la comparaison soit un peu naïve et fuême fausse, c'est absolu­ment secondaire.

Ce qui importe, c'est l'enseignement moral. Le Saint poursuit: « Que si les fruits les plus

tendres et les plus sujets à corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises, se con­servent aisément toute l'année, étant confits au sucre et au miel, il ne faut pas s'étonner si nos cœurs, quoique faibles et imbéciles, sont préservés de la corruption du péché, lorsqu'ils sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptibles du Fils de Dieu. »

Elle sera purifiée et trempée de virginité, la chair nourrie de la chair du Christ.

Page 123: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LE COMBAT DE LA PURETÉ

La communion est, par excellence, 1~~lltidote , du péché impur. Le vice animalise. La commu­nion divinise. n Les soldats mutilés par la guerre ",e arme: la ét' t t t'à l' b l confession. men ranspor es am u ance.

Pêle-mêle, ils y formaient une mo­saïque de souffrances. Un bandage rouge barrait certaines poitrines de part en part, comme un tragique « grand-cordon» de la Légion d'honnel,lr.

Imagine qu'un Docteur ait découvert le baume magique, qui pût, en une minute, reconstituer ces chairs, fermer les horribles trous, rendre l'intégrité des forces ...

Tu t'écries: « Quelle étrange supposition! 11

Ce n'est pas une supposition! C'est la réalité. Les cœurs de milliers et de milliers de jeunes gens ont été blessés grièvement par le péché. Pour les guérir, Dieu a inventé un remède mer­veilleux, infaillible: la confession. Le confession­nal est l'ambulance où l'on panse les cœurs blessés, la bonne « Croix rouge» des âmes ...

« Mon Dieu! gémis-tu, n'avez-vous rien de plus neuf à proposer que la confession? Qu'il est vieux ce remède! et traditionnel t »

C'est vrai, mais qu'importe, si le remède est bon ? Diras-tu: « Cela devient monotone de con­tinuer à couper la fièvre avec lIa quinine»? Si l'on n'a pas trouvé mieux, gardons le procédé classique t

Pour combattre la mort, nous mangeons; pour réparer la fatigue, nous dormons. Il est bien an­tique, ce double remède t Vas-tu l'abandonner sous prétexte que c'est trop vieux jeu?

LA VICTOIRE 247

De même, la confession est Utl remède très ancien, puisqu'il remonte à deux mille ans! Mais il a été découvert par le divin Médecin. ,

Cette vieille cure reste la meilleure, même au­jourd'hui, et P. Bourget le prouve dans ce livre définitif où il résume toutes ses expériences de l'âme humaine Un drame dans le monde.

* • t'

Tu as péché gravement. Il faut te déshifecter l'âme et, pour employer l'expression passable­ment réaliste de Huysmans, employer « le chlore des prières et le sublimé des Sacrements. »

Il le faut. Tant que tu ne l'as pas fait, tu es l'ennemi de Dieu; si, la nuit, tu mourais à l'im­proviste, tu te réveillerais en enfer; aucune de tes œuvres n'étant plus méritoire, tu es comme frappé de stérilité; tu as perdu plus qu'un million, plus qu'un milliard: tu as perdu l'infini, puisque tu as perdu Dieu et, fils déshérité, tu n'as plus aucun droit au ciel. Que tu es pauvre!

Mon triste frère, tu n'as plus qu'une « âme en haillons 1 t »

Et si elle n'était qu'en haillons t Mais elle est morte. Péché « mortel» veut bien dire cela: ce qui enlève la vie surnaturelle.

Tu as beau t'écrier: « Moi, mort 1 mais je chante et je ris! Je marche sur les trottoirs et je danse dans les salons t Donc je vis ... )l

En réalité, tu fais semblant... tu es un faux-

1. Luc MIRIAM, LIS 4m~$ libr".

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

vivant z « Tu as l'air de vivre, mais tu es mort » 1,

puisque tu n'as plus cette vie de la grâce qui est la vraie vie.

* , * * N'essaie pas de crâner et de plastronner 1 Saint Ignace te rappelle la réalité misérable

dans la « Méditation sur ses propres péchés»! 0: Je pèserai mes péchés, c'est-à-dire que je con­sidérerai la laideur et la malice intrinsèque de chaque péché mortel, supposé même qu'il ne soit pas défendu... Je me considérerai comme un ulcère et un abcès d'où sont sortis tant de péchés ... (Et puis, ce sera) le cri d'étonnement d'une âme profondément émue. Je parcourrai toutes les créatures, leur demandant comment elles m'ont laissé la vie, comment elles ont concouru à me la conserver. Je demanderai aux anges, qui sont le glaive de la justice divine, comment ils m'ont souffert et gardé, comment ils ont même prié pour moi; aux Saints, comment ils ont aussi intercédé et prié pour moi. Je m'étonnerai que les cieux, le soleil, la lune, les étoiles"-et-les élé­ments, les fruits de la terre, les oiseaux, les poissons et les animaux, que toutes les créatures aient continué à me servir et ne se soient point élevées contre moi, que la terre ne se soit pas entr'ouverte pour m'engloutir. Il

Comment dois-je me préparer à comparaître, au tribunal de la pénitence, devant le Dieu que j'ai offensé? En « m'exçitant à la confusion de

1. Apoçal .• ch. III. v. 1.

LA VICTOIRE 249

mes péchés si grands et si nombreux; je me pro­poserai quelques comparaisons: par exemple celle d'un gentilhomme qui se trouverait devant son roi et devant toute sa cour, honteux et con­fus d'avoir ' reçu de nombreux bienfaits et des faveurs signalées. » (Exerc. spir., rre sem., 2 e ad­dit.)

Et tel est précisément le sentiment qu'exprime un drame moderne La Fille de Roland. Relisez la scène qui peint Ganelon comparaissant devant Charlemagne, ou bien la tirade fameuse :

« ... moi. je suis Ganelon 1 Ganelon le Judas, le traître, le félon 1 Je restai là trois jours. Au fond de ma pensée. Je revoyais mon crime et ma honte passée .•

Tout pécheur est un Ganelon. Au moins qu'il se repente, en détestant son crime et sa honte passée 1

'" '" '" Allons, jeune homme, fais la démarche 1 . Aie cinq ininutes de courage pour aller te Jeter

aux pieds ' d'un prêtre, comme Ganelon s'est confessé au moine et l'absolution sera si com­plète que ton confesseur, comme celui de Ganelon, pourra, si tu lui rappelles que tu étais jadis un félon, te répondre:

• Et vous pouvez parler à présent. de cet homme Comme d'un étranger que par hasard on nomme. »

Rends-toi 1 avoue-toi le vaincu de Dieu: depuis si longtemps tu te débats contre la grâce, éprou-

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

vant qu' « il n'est pas bon pour toi de regimber contre l'aiguillon» 1.

Cinq minutes de courage r et tu te sentiras l'âme inondée par une paix que tu ne connaissais plus. Tu recommenceras ta vie à neuf, avec l'impres­sion délicieuse de devenir un autre homme.

Cinq minutes de courage r et puis (c'est l'ex­périence de tous les pénitents) quel soulagement 1 Tout ce poids des péchés, enlevé du cœur 1 toutes ces taches soudain effacées dans l'âme rendue blanche comme l'hermine et légère comme une aile r Jadis, écrit Retté dans son livre Du diable à Dieu (p. I95) : « rien qu'à l'idée de gagner le plus proche confesseur, je me sentais pris d',une véritable panique... (Or, ma confesslOn f,alt,e), dans la rue je marchais tout allègre 1 Je me dIsaIs 1 je suis pardonné! je suis pardonné! Quel bon­heur r Cent Alleluia. me chantaient dans le cœur, et il me semblait que J'avais rajeuni de dix ans, »La confession est une séance de pacification et de joie.

* * * Que ta confession soit sincère. Peut-on imaginer un péché plus absurde que

la mauvaise confession ? Pour les autres fautes, tu te procures une satisfaction d'orgueil, de gour­mandise, d'amour-propre ou d'amour sale; cette satisfaction est éphémère, défendue, mais enfin c'est une réalité, Tu as obtenu quelque chose. Tandis que par la confession sacrilège, tu n'as rien Qbtenu 1 et non seulement tu n'as aucune

1 • .4ctes des .4p" eh. IX, v. 5.

LA VICTOIRE 251

rémission de tes fautes, mais tu y ajoutes un nouveau péché mortel.

Sois loyal 1 C'est la belle qualité de ton âge. Sois limpide.

Oh 1 ta dernière confession, si tu as conscience que tu vas ' paraître devant Dieu, comme tu la­feras bien 1 Pourquoi ne pas faire chacune, comme celle-là? de manière qu'après chaque confession, la situation soit liquidée, tellement nette que tu puisses hardiment tourner la page.

Ne te ménage pas, pour la mort, un arriéré de troubles. Puisses-tu te dire: « J'ai eu des fai­blesses, mais au moins je ne dois jamais remonter plus haut que ma dernière accusation. Chaque confession fut dans ma vie l'instant sincère où j'étais vrai. »

Au Jugement dernier, sera étalé le livre dont parle le Dies irre :

«Liber scriptus proferetur In quo totum continetur,.

Ce livre de notre vie est à double feuillet t celui des mérites, celui des fautes. A chaque confession, Dieu nous met équivalemment en main ce vo­lume, ce dossier de notre jugement et nous dit! tu peux effacer, raturer les lignes regrettables, déchirer les feuillets accusateurs et ne garder que les belles pages blanches.

Où et quand vit-on jamais un juge de la terre user d'une pareille magnanimité avec l'accusé, la veille du procès ?

* * * Outre la loyauté pour le passé, est exigée la

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_ _ !Z!U

252 LE COMBAT DE LA PURETÉ

droiture pour l'avenir. Il ne faut pas seulement l'accusation, mais le bon propos: Ne serait-il pas contradictoire de dire: je regrette mes fautes, mais je suis décidé à recommencer 1

La confession, si le propos n'était pas requis, deviendrait un encouragement aux chutes.

Tu accuses tes péchés et tu dois même, s'il s'agit de péchés mortels, déterminer, autant que possible, le nombre et l'espèce.

Mais Dieu ne se contente pas de cette exacti­tude matérielle d'une opération mathématique rigoureusement faite, d'une comptabilité de '9anque bien tenue. Le confessionnal n'est pas un guichet où suffit le geste physique de solder la somme due: il suppose la « conversion », la double sincérité de la contrition pour ce qu'on a fait, de la bonne volonté pour ce qu'on devra faire.

La preuve que Dieu considère surtout cette loyauté du cœur, c'est qu'il n'impose pas l'accu­sation numérique et spécifique des péchés mor­tels, dès qu'il y a impossibilité absolue ou morale, tandis que le regret des fautes, atteste le Concile de Trente, a toujours été requis pour obtenir la rémission des péchés. « Fuit, quovis tempore, ad impetrandam veniam peccatorum, hic contritio­nis motus necessarius.» (Sess. 14, c. 4.)

* * * S{ tu es tombé, confesse-toi tout de suite. Qu'en toi, comme disait le curé d'Ars, « Le

Christ soit décloué. » D'ailleurs cette prévision de et devoir confesser immédiatement sera un frein salutaire.

LA VICTOIRE 253

Ne laisse pas la faute pourrir dans ton âme. Tu constaterais que le péché n'aime pas à rester célibataire. Le péché est père de péchés.

Et puis, tu ferais le vilain raisonnement: « Il n'en coûtera pas plus d'avouer dix péchés mor­tels, que d'en avouer un seul. »

Dès que tu as commis une faute grave, te voilà découragé, « déforcé », comme dit le peuple, et les chutes se présentent par séries. Tel jeune homme qui a résisté deux mois, quatre mois, s'il tombe une fois, tombe, immédiatement après, cinq fois, dix fois. On dirait qu'un charme est rompu 1 « Je n'ai plus rien à perdre, puisque je n'ai tout de même plus l'état de grâce 1. ...

Si, tu as encore beaucoup à perdre 1 Est-ce la même chose d'avoir une ou dix

taches ? une ou dix blessures ? Le péché mortel est la tache et la blessure de l'âme ...

Ensuite, il sera plus difficile à un pécheur en­durci d'avoir la contrition vraie et la grâce de la conversion.

Enfin, il est clair qu'on sera plus puni en enfer pour dix péchés mortels que pour un; de même qu'on sera plus récompensé au ciel pour dix actes de vertu, que pour un. T'imagines-tu qu'un per­sécuteur de l'Eglise n'est pas châtié plus que l'homme qui n'aurait commis qu'une seule faute grave? ou qu'au ciel un ermite n'a pas une plus belle couronne qu'un converti de la dernière heure? L'étiage de bonheur ou de malheur, répond (et c'est justice) à celui de mérites ou de démé­rites.

De l'enfer, comme du ciel, on peut dire le mot

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254 LE COMBAT DE LA PURETÉ

de Notre-Seigneur: il y a des étages différents et beaucoup de degrés « Mansiones multae sunt.» Et, pour le rappeler en passant, tu dois te sauver, non pas économiquement et « tout juste )), mais richement, splendidement 1 d'après l'idéal de sainte Thérèse · disant: « J'accepterais toutes les souffrances du monde, afin d'acquérir un degré de gloire en plus, pour l'éternité du ciel. J

* * * Ne te contente pas d'avoir un confesseur 1 aie

un Directeur spirituel. Absolument parlant, tu peux confier ton âme malade au premier con­fesseur venu, à peu près comme tu peux confier ton corps malade au premier docteur venu. Mais tu préfères, n'est-il pas vrai? un médecin « trai­tant » qui connaît tes antécédents, ton tempéra­ment, et qui, par le fait même, peut plus sûrement établir ta (c diathèse)) et procéder à cette recherche sagace des causes que les docteurs appellent « étiologie )).

Dans le langage chrétien, ce médecin traitant, se nomme le Directeur spirituel. Il a si souvent ausculté ton âme, que son diagnostic est plus pénétrant et sa cure mieux adaptée.

* * * Choisis comme Directeur, celui que tu préfères.

La confiance ne s'impose pas, et personne n'a le droit de t'imposer celui-ci ou celui-là. Tu es libre. C'est sacré.

LA VICTOIRE 255

Tu aimeras mieux, sans doute, le prêtre qui comprend les jeunes gens et qui est un éveilleur d'enthousiasme.

Apprécie le Directeur très miséricordieux, sans doute, mais aussi très ferme, à direction active. Il doit, pour ce qui concerne la chasteté, être exi­geant et avoir une attitude conquérante. Le con­cessionnisme, le « latitudinarisme» seraient désas­treux. Quand il s'agit de la direction en matière de pureté, sévérité est charité et mollesse devien-:­drait cruauté 1.

On ne vient pas chez le Directeur pour se faire flatter, pas plus que chez son Docteur pour avoir une prescription de confiture, mais pour qu'il ouvre les abcès et guérisse les plaies.

Seulement, pour qu'il guérisse les plaies, il faut les lui montrer. Au Docteur on dit tout. Au Directeur dis tout.

Ne sois pas muet, ou monosyllabique; expose ton cas 2.

Le seul fait d'avouer une tentation est déjà la moitié de la guérison morale. Le démon est un serpent n'aimant pas qu'on enlève la pierre sous laquelle il se blottit, ni qu'on fasse la lumière.

Eclaire-toi, jeune homme, sur tes doutes. D'ail-

1. C'est la traduction un peu large de saint Alphonse de Liguori, dont voici les termes exacts: « Quanto magis rigorem cum pœnitente adhibebit, tanto magis ej us saluti proderit; et contra, tanto magis cum illo immanis erit, quanto magis benignus erit in permittendo ut ille in occasione maneat aut se immittat. D (Prax. Con/css., nO 65 .)

2. Va trouver ton Directeur et te confesser en chambre, si tu es ainsi plus à l'aise et si le prêtre accepte, comme le lui permet le Droit cano (can. 910).

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

leurs, tu ne pourrais pas bénéficier de la théorie du « probabilisme ", si tu gardais volontairement une ignorance vincible, ou un doute pratique, qui est facilement soluble.

Ne rougis pas de demander conseil. Les âgés, ceux qui conseillent excellemment les autres, souvent ne voient plus clair dans leur propre cas. « Nemo judex in propria causa. » Le fait n'est pas rare, des Directeurs d'âmes blanchis dans le ministère, qui, lorsqu'il s'agit d'eux­mêmes, doivent consulter un confrère dans le sacerdoce. Dieu attache la lumière et la grâce à cet acte d'humilité. Il aime cette simplicité. Mais le diable en a horreur 1

Saint Ignace nous l'explique dans sa 138 règle du « discernement des esprits ». La conduite du démon « est celle d'un séducteur: il demande le secret et ne redoute rien tant que d'être décou­vert. Un séducteur qui sollicite la fille d'un père honnête, ou la femme d'un homme d'honneur, veut que ses insinuations et ses discours restent secrets. Il craint vivement, au contraire, que la fille ne découvre à son père, ou la femme à son mari, ses paroles trompeuses et son intention perverse; il comprend facilement qu'il ne pour­rait alors réussir dans ses coupables desseins. De même, quand l'ennemi de la nature humaine veut tromper une âme juste par ses ruses et ses arti­fices, il désire, il veut qu'elle écoute et qu'elle garde le secret. Mais si cette âme découvre tout à "un confesseur éclairé, ou à une autre personne spirituelle qui connaisse les tromperies et les ruses de l'ennemi, il en reçoit un grand déplaisir;

LA VICTOIRE 257

car il sait que toute sa malice demeurera impuis­sante, du moment que ses tentatives seront dé­couvertes et mises au grand jour. D (Règles pour le discernement des esprits, Ire semaine).

Rappelle-toi cette parole de l'Écriture; « Qui­conque aime l'iniquité, hait la lumière »1.

* * ... Le diable détestant (et pour cause 1) la coMes­

sion, accumule contre elle les objections. IO « C'est gênant. Il

! - Oui. Je ne crois pas qu'un seul homme au Inonde se confesse pour son plaisir. Mais voilà 1 il faut choisir entre deux gênes:

Ou bien tu accuseras ce péché au confesseur. Dieu lui scelle les lèvres par un secret plus strict que le plus strict secret professionnel. C'est un homme, mais un homme qui représente Dieu, et qui est, pour aînsi dîre, Jésus sensible, au point que tu lui dis 1 « A vous, mon Père, qui tenez la place de Jésus-Christ. »

Ou bien ce péché mortel que tu n'as pas voulu accuser à confesse sera publié au Jugement der­nier, devant tous, y compris ce confesseur auquel tu l'auras caché. Quelle honte 1 et, cette fois, stérile et non plus rédemptrice.

Telles sont les deux gênes. Compare. Choisis. 2° « Le confesseur sera étonné. » - Tiens 1 je suis sûr que je la ferais d'avance, .. 1. S. Jean, ch. III, v. 20. ..

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

ta confession 1 Tu n'aurais plus qu'à dire cc oui... autant de fois 1 »

30 cc Que pensera le confesseur? J)

- Probablement rien. Chacun croit son roman le pl~s intéressant de tous. Mais le prêtre qui est condamné à les entendre tous 1... Ce que lui raconte un anonyme est confondu avec tant d'autres récits.

40 « Le confesseur me méprisera. » - Il te félicitera 1 non de tes défaillances certes

mais de la générosité que tu mets à t'en relever: Ne nous suppose pas une telle déformation

profe~sionnelle que nous ignorions quel courage, pa:IOls quel héroïsme il faut pour venir faire cer­tams aveux. Nous nous rendons compte que l'homme préférerait n'importe quelle pénitence d'ordre extérieur à ce brisement de la volonté qui l:atteint dans son être intime, à cet acte d'h~mi­lité! cc Pardon 1 j'ai mal fait.» Il croit baisser dans notre estime. Il grandit.

Frère, qui as été faible, frère qui maintenant es si généreux, te mépriser ?non, non 1

Sans doute, il faut te parler de devoir. C'est ce q.ue tu attends de nous. C'est pour cela que tu VIens chez un prêtre, pauvre enfant, pour qu'il ~e sau~e ~a1gré toi. S'il ne te rappelait pas la loi, il trahIraIt son maildat et tu en serais le premier scandalisé.

Mais te mépriser 1 Nous représentons le Christ infiniment miséricordieux. Jeune homme tenté, nous savons qu'à notre époque tu es entouré de mille séductions, que tu as le feu en toi et autour de toi. Surtout, nous avons touché du doigt,

LA VICTOIRE 259

mieux que personne, cette évidence que tous sont faibles, tous! Le dernier sentiment dont nous serions capables serait ce mépris envers toi qui as souffert et dont nous devinons la détresse, mon ami, mon frère, mon enfant, toi que nous aimons malgré tes faiblesses, à cause de tes faiblesses, cher jeune homme.

Te rappelles-tu ce touchant dialogue ' placé par L. Veuillot dans L'honnête lemme?

- cc Je vous suivrai 1 mais donnez-moi la main! mais ne m'abandonnez pas! ne vous décou­ragez pas! ne vous dégoûtez pas t je vous fais pitié? .

- Il Ne craignez ' pas. Votre sincérité plaît à Dieu. Il pardonne tous les jours de bien autres faiblesses t» (L'honnête lemme, p. 26r).

Oh t reviens t Tu demandes: quand serai-je reçu? et quel jour puis-je me présenter?

Je réponds: il n'y a pas de jour, pour le fils prodigue.

::e

* * Les poètes de l'antiquité parlaient beaucoup

de la fontaine de Jouvence. Ils assuraient: les vieillards, lorsqu'ils y descendent, y déposent leurs rides, leurs infirmités; ils en sortent brillants de jeunesse, parés du diadème de leurs vingt ans.

Inutile de dire avec quelle ardeur les hommes vieillis et surtout les femmes vieillies soupiraient après la fontaine de Jouvence. Le Docteur qui dé­couvrirait l'élixir faisant rajeunir, ou simplement empêchant de vieillir davantage, en gagnerait-il des millions et des millions! en aurait-il des clients

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....... LE COMBAT DE LA PURETÉ

et plus encore des clientes 1 Mais ce Docteur est introuvable 1 La source de Jouvence n'a existé que dans l'imagination des poètes.

Ou plutôt non 1 Ce Docteur existe 1 Cette fon· taine existe. Mais dans la religion seule.

Dieu a inventé le bain salutaire de la confession, le bain de son propre sang. C'est la nette affirma­tion de saint Jean dans sa première ÉpUre 1. « Le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché >l,

et dans l'Apocalypse 2 « Il nous a lavés de nos péchés dans son sang. >l

Ainsi l'âme qui avait vieilli dans la faute, peut retrouver la fraîcheur et le premier éclat. Et voilà donc réalisé le vieux rêve de l'humanité 1 ra­jeunir 1

II< ... ...

L'Évangile nous parle de cette fontaine de Bethsaïde, où à certaines heures, l'Esprit des· cendait sur l'eau. Ceux qui alors s'y plongeaient, étaient guéris.

Il ne faut plus attyndre certaines heures, lorg. qu'il s'agit du sacrement pénitentiel. Quiconque s'y lave, à n'importe quel moment, est sauvé 1

* * * En plein XXi siècle, il est un endroit du

monde où le miracle est, selon l'expression du Docteur Vergez, « établi à l'état de permanence >l,

1. Ch. l, v. 7. 2. Ch. l, v. 6.

LA VICTOIRE 26r

au point d'être devenu une institution! Lourdes. Bethsaïde contemporaine 1 Et cependant l'eau de la piscine n'opère pas

toujours, et ne guérit (directement, au moins) que le corps.

La piscine de la grâce, qu'on appelle la con­fession, est plus merveilleuse doublement: parce qu'elle guérit les âmes et parce que, si le malade, est bien disposé, elle agit infailliblement « ex opere operato)) comme disent les théologiens.

* ... :II

Dans Cruelle Énigme, P. Bourget écrivait autre­fois: « Dieu 1 S'il était quelque eau salutaire où se laver le sang, où noyer le souvenir de toutes les fièvres malsaines 1 » Mais il croyait que cette eau n'existe pas.

Si, si, elle existe 1 et maintenant que P.Bourget s'est converti, il connaît cette « eau salutaire où se laver le sang, où noyer le souvenir de toutes les fièvres malsaines)); il connaît cette source de rajeunissement et de guérison qui l'emporte -magnifiquement - sur les trois fontaines de J ou­vence, de Bethsaïde, de Lourdes.

3• Si l'on demandait à bon nombre ~ma: d'l C b' d l'estima da la 10mmes l « om len avez-vous e

• vie do la vies?)), ils nous regarderaient fort grâce ». étonnés et répondraient 1 « Combien

de vies? mais, ' si je compte bien, trois: la vie végétative, que nous partageons avec les plantes; la vic sensitive, qui nous est commlme avec les animaux; la vie intellectuelle, qui nous est propre. ))

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262 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Ils diraient bien. Mais ils ne diraient pas tout. Nous avons une quatrième vie, très réelle.

Elle nous est décrite, ex professo, au chapitre IV de l'Épître aux Galates, au chapitre VIII de l'Épître aux Romains, au chapitre Johannique relatant l'enseignement du Maître; « Je suis la vigne, vous êtes les sarments Jl 1•

Les eHets formels de la vie surnaturelle peuvent se ramener aux six points suivants 1

1° L'homme a en lui une vie divine; Rappel~ vous le mot de saint Pierre l « Vous devenez par­ticipants de la nature divine II et le chapitre XV de saint Jean, « Ego sum vitis ... l)

2° Le chrétien, en état de grâce, devient le temple du Saint Esprit. Saint Paul répète cinq fois au moins cette affirmation 2.

On court bien loin, pour visiter de belles basi­liques l Saint-Pierre à Rome, Sainte-Sophie à Constantinople, le Sacré-Cœur à Montmartre. N'oublie pas de rentrer parfois dans ce sanc­tuaire vivant et ce Cénacle intime qu'on nomme ton cœur 1

3° Les chrétiens, possédant le trésor de la grâce, deviennent enfants de Dieu. Ce n'est pas seule­ment une image, mais la vérité objective. « Filü

1. De beaux livres ont paru, ces temps derniers, sur la. vie de la. grâce, spécialement LB Christ, vie dB l' I1me , par D. COLUMBA MARMION, abbé de MaredRous; Notre vie sur­naturelle, par le R. P. DE SMEDT, S. J. ; Dieu en nous et Dans le Chri st J ésus, par le R. P. PLUS, S. J.

2 . Ép. aux Rom., ch. VIn, v. 9 et II. Ire Ép. aux COy., ch. Ill, v . 16, 17 et ch. VI, v. 19. 2" Ép. aux COI' ., ch. VI, v. 16. 2" Ép. à Tim., ch. l, v. 14.

LA VICTOIRE

Dei nominemur et simus.» (Ire Ép. de saint Jean, ch. III, v. 1).

4° Parce que fils de Dieu, nous avons droit à l'héritage du ciel. « Sumus filii Dei. Si autem filii et heredes. Heredes quidem Dei, coheredes Chri­sti. » (Ép. aux Rom., ch. VIII, v. 16, 17). Nous sommes les cohéritiers de notre grand frère en humanité, de notre frère divin: Jésus-Christ.

5° L'âme reçoit, avec la justification, l'infUsion des vertus théologales. Le Concile de Trente l'at­teste 1.

60 Par le fait même que l'âme est informée par le principe surnaturel de la grâce, il semble bien que son activité est élevée à l'ordre méritoire. En d'autres termes: toutes les actions du chrétien en état de grâce (exceptant les actes peccamineux) ont probablement du mérite.

C'est librement que Dieu nous a octroyé cette vie de grâce. Elle n'est nullement due à l'homme. Jamais, jamais, le naturel ne méritera le surna­turel. Vingt-quatre Conciles l'ont rappelé, et saint Augustin, le « Docteur de la grâce », écrit « Gratia, id est gratis data )l. Gratuité absolue de la magni­ficence divine. La vie surnaturelle n'est pas un complément de notre nature, mais un surplus divin.

Pourquoi les hommes ont-ils si peu d'estime pour la vie de la grâce? Englués dans la matière, ils n'apprécient que le sensible. Or, l'état de grâce est invisible. Invisible, mais réel.

I. «Unde in ipsa justificatione, haec omnia simul infusa accipit homo: fidem, spem, caritatem. » .

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

'Si réel que Jésus-Christ n'est venu au monde que pour cela, au témoignage de saint Jean z CI. Afin que les hommes aient la Vie et l'aient plus abon­damment. »

Mon âme aussi est invisible, et l'ange et Dieu Et cependant tout cela est. . , •

. La vie surnature~e est et l'on ne peut rien ima­gmer de plus sublIme. Entre le Parisien le plus raffiné, mais privé de fé.tat de grâce, et la pauvre femme des champs, qUl est en état de grâce il y a une différence très grande ou plutôt ess~n­tielle, et cette ~êrenc~ est à l'ayantage de la pauvre femme 1 SI un rIche a perdu la vie sur­naturelle et si un pauvre en est orné, le riche est pauvre, le pauvre est riche.

Celui qui ne songe pas à cette quatrième vie qu'il a en lui, celui qui l'ignore, ressemble à un enfant noble qui ne connaîtrait pas ses titres authentiques de' noblesse, sa fortune immense. Comme il est riche 1 Comme il s'en doute peu 1

Les hommes sont fiers d'avoir de la race 1 Nous avons de la race, nous, les chrétiens 1 Et depui~ vingt siècles, la vie supérieure de la

grâce a faIt éclore des merveilles de sainteté' depuis vingt s!ècles, quel!e.lignée de martyrs, d~ hé~os 1 Conn~lssez-~ous ICI-bas une famille qui pUlsse se glonfier d une pareille ascendance pen­dant vingt siècles?

Quel orgueil, lorque, montrant son arbre généa­logique, sa branche, on peut remonter à une souche royale 1

Nous avons mieux, nous les chrétiens qu'un l'l-rbre ~énéalogi<JUe royal 1 N oqs avons u~ arbr,

r

LA VICTOIRE

généalogique divin. C'est toujours l'assurance du Maître: (,( Je suis la vigne, vous êtes les branches. Il

Eh bien 1 prends conscience, ô chrétien, s'écrie saint Léon, de ton éminente dignité et, devenu participant de la nature divine, ne retourne pas à ta misérable condition 1.

Que ta grandeur soit une protection contre la vulgarité, comme est, pour le gentilhomme, le nom qu'il reçut en héritage.

Noble de la grâce, ne t'abaisse pas à la roture du péché 1 Que dirais-tu si un enfant royal se roulait dans le ruisseau ?

Tu es enfant royal, (,(Regale genus)J, selon l'ex­pression de saint Pierre. Et mieux encore 1

Si tu as compris ce qu'est en toi la vie de la grâce, ne la perds pas 1 ne la troque pas contre une méprisable satisfaction, pareil au prince qui vendrait son blason, ses vieilles armoiries, pour avoir l'objet d'un indigne caprice.

Réfléchis à ce que nous avons dit ! tu es devenu temple du Saint-Esprit.

Il est coupable de détruire un temple. Cela se fait cependant. Rappelle-toi la cathédrale de Reims.

Cher jeune homme en état de grâce, ton âme est une autre merveille que la cathédrale de Reims 1 Celle-ci était en pierres, tandis que toi, tu es un beau temple vivant de Dieu. Oh 1 ne sois . jamais profané ou saccagé par le péché honteux.

1. « Agnosce, 0 christiane, dignitatem tuam et di vinae consors factus naturae, noH in vet erem vilitatem redit'\) . • (Çité dans le Bréviairo, 6" Leç, de Noël) .

Page 133: Hoornaert Le Combat de la Pureté

266 LE COMBAT DE LA PURETf~

«Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira! Car le temple de Dieu est saint et c'est vous qui êtes ce temple!... Fuyez l'impudicité. Quel que soit le péché qu'un homme commette, ce péché est hors du corps; mais celui qui se livre à l'impudicité pèche contre son propre corps. Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu et que vous n'êtes plus à vous;­mêmes ? Glorifiez donc Dieu dans votre corpS» 1.

« Le corps n'est pas fait pour l'impudicité. Il est pour le Seigneur ... Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ? Vais-je prendre les membres du Christ pour en faire les membres d'une pécheresse 2 ? li

Crois-tu à l'Évangile? Alors, mé-4" ar~e : la dite ces mots: « Ce genre de démon ne prIère. .,

peut être vaincu que par la pnere et le jeûne»; ou encore : </ Veillez et priez 1 afin que vou!, n'entriez point en tentation. L'esprit est prompt, mais la chair est faible 1 » a

Même si tu as chassé Satan de ton cœur, par une généreuse confession, ne crois pas qu'il se tiendra si vite pour battu: « Lorsque l'esprit im­pur est sorti d'un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos et il n'en trouve point. Alors il dit l je retournerai dans ma maison, d'où je suis sorti. Et revenant il la trouve vide, net-

l. rre Ép. a ux Cor., ch. III, v. 16 et ch. VI, v. 18 et suiv 2. rre Ép. aux Cor., ch. VI, v . 15. 3. S. Marc, ch. XIV, v. 38.

LA VICTOIRE

toyée . et ornée. Alors il s'en va prendre sept autres esprits plus méchants que lui ... » 1

Ne reste pas livré à ta propre force, c'est-à-dire à ta propre faiblesse. Mets à cOté de ta fragilité, le coefficient du secours d'en-haut.

Que tes déficits humains soient réparés par un phénomène de suppléance divine 1

L'homme n'est qu'un roseau: Mais introduis une tige d'acier dans le creux d'un roseau et voici que ce roseau participe à la résistance de l'acier. Ainsi tu dois mettre ta nature débile sous la sauvegarde de la puissance divine.

Trempe ton âme dans la prière. Les Anciens s'imaginaient qu'un homme plongé

dans le Styx devenait invulnérable 2. Fable du paganisme 1 Réalité du christianisme 1 L'homme plongé dans le fleuve de gràce et de prière, résis­tera aux traits de l'ennemi.

En revanche, qui est blessé dans le combat de la vertu? L'imprudent qui ne s'est pas for­tifié l'âme par le secours d'en-haut, qui n'a pas revêtu la prière comme une cuirasse, ou qui, peu à peu, a négligé cette prière, comparable au soldat qui se désarmerait lentement, jetant ses armes une à une. '

Et pourquoi n'a-t-il plus prié? Par manque d'humilité. Il n'a pas compris que « l'homme n'est grand qu'à genoux. ))

Souvent les fautes d'impureté sont dues à des

J. S. Matth., ch. XII, v. 43 à 45. 2. Achille tout jeune, y fut plongé par sa mère, disaient-ils,

et devint invulnérable partout, excepté au talon par lequel il avait été tenu.

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268 == LE COMBAT DE LA PURETÉ

fautes d'orgueil. Dieu, en laissant tomber très bas, semble dire: « Ah 1 tu étais si fier 1... con­temple la honte de ta chute. »

Les philosophes orgueilleux dont parle saint Paul, se s<?n! évanouis dans leurs propres pensées et. o~t sOUl~e leur~ corps p~,r to~tes sortes d'igno­mImes. PresomptIOn de 1 espnt, punie par les égarements de la chair. On se croit un surhomme' et l'on descend en dessous de l'homme en se ravalant aux satisfactions animales. '

* * * ~ • d t 1 ., 4 ner pen an a tentatIon, c est garder con-

tact avec Dieu; c'est, pendant la bataille, rester en communication avec le poste central de , secours, pour lui demander les renforts néces­saires.

Ces renforts, dans la langue théologique, s'ap­pellent les grâces actuelles. « Par la grâce habi­tuelle, Dieu tient garnison chez nous; et, par les grâces actuelles, il envoie constamment des ren­forts de troupes. JI Cette comparaison originale est d.e Luc Miriam (Les âmes libres, p. 39).

Pner, c'est agir sur la cause première, dont toutes les causes secondes reçoivent leur effi­cacité.

Prier, c'est ne pas rester un isolé un indivi­dualiste, mais, au contraire, mettre de son côté la plus haute force qui soit.

Quelle é.tait, pendant la guerre, la grande préoccupatIOn de chaque pays? Se faire des <ùliés 1

LA VICTOIRE 269

Agis de même, dans la lutte de la chasteté. Ne reste pas seuIl « Vae soli. » Fais-toi, par la

prière, un incomparable allié : Dieu 1 C'est le souhait répété si souvent par le prêtre

à la sainte messe 1 « Dominus vobiscum 1 »

* * • Au reste, la prière ne te disp&nsera point du

combat, de l'action. Il faut prier, disait saint Ignace, comme si tout dépendait de Dieu, mais travailler comme si tout dépendait de nous 1. Il

Prie et travaille. « Ora et labora. » De même que la chaleur se convertit en mou­

vement, ainsi ton cœur échauffé par l'oraison et ayant fait provision de calories divines, passera généreusement au travail.

* * * Notre prière doit être sérieuse. Qu'elle ne soit pas le simple chuchotement

des lèvres, le geste mécanique d'égrener un cha­pelet, mais un élan d'âme.

Dieu ne ressemble point à un roi envers lequel on est quitte, dès qu'on a observé certains rites de politesse et récité certaines formules.

Les oraisons consacrées que l'on trouve dans les livres, ne conviennent à tous, que parce qu'elles ne conviennent à personne exactement et ressemblent à un vrai sentiment du cœur,

1. S. Ignace, Sentences choisies, II.

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27° LE COMBAT DE LA PURETIt

comme une fleur d'herbier à une fleur naturelle. Peut-on remplacer la sève, l'éclat et le parfum?

Si un de mes amis venait, le premier janvier, ou le jour de ma fête, me lire un texte puisé dans un « Manuel de compliments», je lui dirais 1 « Ami, ferme vite ce mauvais livre 1 Dis-moi quelque chose de sincère. La phrase sera moins littéraire; peut-être aura-t-elle des fautes: ce que cela m'est égal 1 Au moins, ce sera de toi 1 non plus un compliment, mais ton compliment. »

Ainsi Dieu aime quelque chose de nous, un cri du cœur plutôt que la récitation des plus belles tirades .. . composées par d'autres.

D'autre part, si tu ne parviens pas à prier sans le support d'un texte précis, ou d'une prière vocale, il faut évidemment recourir à ces pro­cédés. C'est moins parfait en soi, mais mieux vaut cela que le néant 1

Choisis bien ce livre, cette formule. N'oublie pas que la première prière du chrétien, la prière type, est le Pater, puisqu'il fut composé par Dieu lui-même. Quand on lui a demandé: « Maître, comment faut-il prier? ", il a répondu: « Vous prierez ainsi... »

.Et le récitant, insiste, jeune homme tenté, sur , la finale: « Et ne nous laissez point succomw à la tentation, mais délivrez-nous du mali»

>le

* >1<

Psichari, après sa conversion, avait adopté cette courte prière 1 «Seigneur, que je sois lo­gique 1 li

tE ...

LA VICTOIRE 271

Tout est là 1 Lorsqu'on est catholique, lorsqu'on a compris

ce qu'est l'amour de Jésus-Christ, ce qu'est le péché mortel, lorsqu'on croit à l'enfer et au ciel, le reste n'est plus qu'une affaire de pure logique.

Il ne suffit pas de connaître la vérité, il faut la vivre intensément 1 Au Jugement dernier, le Sei­gneur ne nous demandera pas seulement si nous avons cru, mais si nous avons été conséquents ave~ ~otre foi. Il a dit: « Celui qui a cru et fait, celm-Ia sera sauvé,» et son apôtre saint Jacques rép~te le même enseignement: « Rejetant toute somllure, recevez avec douceur la parole qui peut sauver vos âmes. Mais efforcez-vous de la mettre en pratique 1 et ne vous contentez pas de l'écou­ter en vous abusant vous-mêmes... Que sert-il à un homme de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les œuvres ? Est-ce que cette foi peut le sauver?.. La foi sans les œuvres est morte ... Tu crois qu'il y a un seul Dieu, tu fais bien ! mais les démons le croient eux aussi... 0 homme vain, la foi sans les œuvres est sans vertu ... L'homme est justifié

. par les œuvres et non par la foi seulement... De même que le corps sans âme est mort ainsi la foi sans les œuvres est morte 1. » ,

Accordez-moi, Seigneur, d'être non seulement un croyant, mais aussi un pratiquant.

Hélas 1 cela fait deux ... Si je ne me sentais pas assez de décision géné­

reuse, je tâcherais, au moins, comme le disait saint Ignace, de vouloir vouloir, et d'avoir le désir du désir 1...

l. Ép. de S . Jacques, ch. 1 et II.

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272 LE COMBAT DE LA PURETÉ

* * * «Sursum cOJ"da! >l Que la prière nous soulève au-dessus des platitudes humaines!

L'homme a, pour s'élever, deux ailes: la prière et la pureté du cœur.

Oui, ce sont les deux ailes du hardi biplan qui nous transporte plus haut que les étoiles, si haut que nous atteignons Dieu 1

Pendant la guerre, la télégraphie sans fil a joué un rôle important. Par la prière, nous communi­quons plus vite encore et plus loin: non plus seulement d'un point du monde à l'autre, mais du monde au paradis.

Les ondes hertziennes sont moins merveilleuses que le fluide admirable de cette prière qui reste l'incomparable T. S. F. reliant le ciel et la terre.

Marie est la patronne attitrée de 5" at:me: la la pureté. dévotIon à la , 1 V'. Ste Vierge. Elle n est pas seu ement lerge ,

elle est la Sainte Vierge, la Vierge des Vierges, l'Immaculée. .

Lorsque les litanies nous énumèrent les joyaux de sa couronne mystique, elles mettent une insis­tance spéciale à faire briller, une à une, les perles de la pureté. « Mère très pure ... Mère très chaste ... Mère sans tache ... Mère sans corruption ... Reine des anges... Reine des vierges... Reine conçue sans péché ... »

Elle est la tour d'ivoire 1 l'ivoire, la matière nette et blanche 1 Elle est, jeune homme engagé dans le rude « combat de la pureté >l, la tour de force d'où pendent mille boucliers, les boucliers des braves ..•

LA VICTOIRE

* * * As-tu souillé ton âme? Dis à la Vierge 1

Étoile du matin, priez pour nous! Santé des infirmes, priez pour nous 1 Refuge des pécheurs, priez pour nous!

273

Que de jeunes gens sauvés des turpitudes du vice, par la dévotion à Marie 1 Le R. P. Van Volckxsom, S.J, dans son Mois de Marie (248 jour) en rapporte un exemple qu'il a lui-même em­prunté au R. P. Cros, S. J. :

« Un jeune homme de famille noble vint à Rome, après de longs voyages. A l'issue d'un sermon du Père Zucchi, il se présenta au missionnaire et lui exposa le triste état de son âme. Il avait contracté les habitudes les plus vicieuses, et il déclara que, malgré le désir qu'il éprouvait de changer de vie, il ne se sentait pas le courage de briser ses liens. «Ce sera l'œuvre de la grâce, lui dit le Père, revenez seulement après vos rechutes, quelque affligeantes qu'elles puissent être; je vous rece­vrai toujours avec joie. »

» Le jeune homme encouragé par la charité du Père, revint plusieurs fois, reçut l'absolution et communia; mais l'amendement n'était pas .sen­sible. Un jour enfin, que le malheureux accusait les mêmes fautes, le Père lui dit 1 « Mon enfant, pour le salut de votre âme, je veux vous donner la bienheureuse Vierge comme souveraine et mère... Si vous acceptez, et si vous vous mon­trez son serviteur et son enfant, j'ai la confiance qu'elle vous donnera les secours nécessaires pour

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274 LE COMBAT DE LA PURETÉ

échapper au démon. Comme signe de votre accep­tation, voici tout ce que je demande: le matin, dès votre lever, récitez un Ave Maria, en l'hon­neur de sa virginité sans tache, puis ajoutez: « 0 ma Souveraine 1 ô ma Mère 1 je m'offre tout à vous et, pour vous prouver mon dévouement, je vous consacre aujourd'hui mes yeux, mes oreilles, ma bouche, mon cœur, tout moi-même. Puisque je vous appartiens, ô ma bonne Mère, gardez-moi, défendez-moi comme votre bien et votre propriété il. Vous répéterez la même prière le soir, et baiserez le sol trois fois. Et si pendant le jour ou pendant la nuit, le démon vous porte au mal, dites aussitôt: « 0 ma Souveraine 1 ô ma Mère 1 souvenez-vous que je vous appartiens; gardez-moi, défendez-moi comme votre bien et votre propriété. »

« Le jeune homme, ravi de trouver à ses maux un remède si facile, promit tout au Père et, le soir même, accomplit sa promesse. Quelques jours après, sa famille quittait Rome; il dut la suivre. Avant son départ, il vint recevoir la bénédiction du missionnaire et renouveler son engagement entre ses mains.

» Quatre ans après, il retournait à Rome; il courut trouver le Père Zucchi et se confessa à lui. « Il me semblait, disait le Père, racontant ce fait, entendre la confession d'un saint. Étonné d'un si merveilleux changement, je lui demandai comment s'était opéré ce prodige. - Mon Père, me dit-il, je dois ma conversion à la petite prière que vous m'avez enseignée. Je ne manquais pas de la réciter le matin et le soir; quand la tentation

Lf\. VICTOIRE 275

se présentait, j'appelais Marie à mon secours selon votre conseil, et, grâce à elle, je n'ai jamaj~ succombé. »

6 « Une idée, dans un homme, res-

e arme • bl' . d f l'idée-rorde. Rem e a ce pIeu e er que les sculp-teurs mettent dans leur statue: elle

l'empale et la soutient.» (Taine: Th. Grain­dorge).

C'est une armature interne.

Faut-il beaucoup de principes? Pas nécessaire­ment.

Lorsque nous avançons en âge, il se produit dans notre vie intellectuelle un phénomène de simplification, non par appauvrissement, mais par c?ordinil:tion. On ramène tout à quelques prin­cIpes dIrecteurs. Les génies n'ont eu parfois que peu de principes, mais tellement riches que leur système entier y était énergiquement ra­massé et que tous les corollaires découlaient logiquement de ces quelques théorèmes. Dieu est l'acte unique d'une pensée, d'une seule, mais infiniment féconde.

Chez le vrai savant, les recherches du début qui n'étaient que du menu gravier, ont finalement été reliées par le fort ciment d'un bloc unique.

De même, dans le domaine moral, il faut faire sa synthèse.

Les Saints furent parfois les hommes d'une seule idée, d'une seule maxime.

Toi-même, ne surcharge pas ta vie spirituelle 1 N e t'éparpille pas !

Les Pharisiens compliquaient la vie religieuse. Jésus la simplifiait.

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

Les Pharisiens écrasaient la bonne volonté sous le fatras d'innombrables et menues observances.

Jésus ramenait tout à quelques grands prin­cipes qui sont esprit et vie.

Toute la Loi, disait-il, et tous les prophètes se résument en ces deux préceptes: aimez Dieu de tout votre cœur et le prochain comme vous­même.

Quelle richesse d'applications pratiques dans ces deux règles très simples et très faciles à com­prendre 1

Saint Ignace entre si bien dans cet esprit de l'Évangile, que, dès la deuxième Annotation précédant les Exercices, il déclare l la nour­riture spirituelle d'une âme doit consister en quelques vérités substantielles, mais peu nom­breuses 1 « Ce n'est point l'abondance de la science qui rassassie l'âme et la satisfait; c'est le senti­ment et le goût intérieur des vérités qu'eUe mé­dite. »

Ce n'est pas l'abondance qui rassassie ... Tu paSses affamé devant un magasin de victuailles, à étalage richemen~ garni. C'est peu nourrissant 1 Ce qui devient profitable, c'est de choisir un ali­ment, un seul, si tu veux, et de te l'assimiler.

De même, assimile-toi une vérité et renonce au dilettantisme de vouloir tout goûter. Prendre un peu de tout, c'est ne prendre rien du tout.

Le conseil est surtout pratique à l'heure des fortes tentations. Quand la crise bat son plein l,

1. Deux conseils de saint Ignace, pour ces moments de crises:

JO « n importe ... de ne faire aucun changement, mais de

.!!:::s::;

LA VICTOIRE 277

quand il ne s'agit plus seulement d'une escar­mouche, mais du grand assaut où l'ennemi attaque en colonnes serrées, ce n'est plus le mo­ment de multiplier les longues considérations. ~on 1 un seul principe, court, à l'emporte­pIè~e: Lequel? Je l'ignore 1 Cela dépend des mdIvIdus. Chacun de nous a une idée': chère, un principe qui le frappe davantage, lui, lui à ce moment-là 1.

Les idées-forces les plus salutaires seront géné­ralement celles des vérités redoutables de la reli­gion 2. Saint Ignace souhaitait que l'amour pur de Dieu fût le seul mobile d'action, pour les âmes généreuses, et même il hésita longtemps à im­poser des règles à son Ordre.

Or, le même Saint, connaissant la faiblesse

demeurer ferme et constant dans ses résolutions et dans la détermination où l'on était avant. » (Discernement des esprits, Ire S!lm., Se règle).

Lor~qu.e tu ~oyais clair, ~.u as. choisi tel chemin; ne change pas. d ~VIS mal~tenant qu Il fait o?scur en toi et qu'il est • minUIt dans 1 ame. » (Hello.) Ce n est point dans l'aveugle­ment de la bourrasque, qu'on s'engage sur une route inconnue. Pendant la tentation, ne discute pas, mais dis: je ne vois ~u~j~vu. .

2° Da~s la teI?P~te, il faut prévoir l'accalmie qui suivra, et dans 1 accahrue, il faut prévoir la tempête. (Id., ib., 7e et Se règles.) C'est prudence élémentaire de ne point se laisser prendre au dépourvu par la tentation. Est-ce quand l'ennemi est à la ~rontière, que l'on songe à fabriquer des munitions, à construITe des arsenaux, à équiper des soldats?

1 _ Devise de Guynemer: « Faire face 1 » 2 •• Je sui~ de plus. en plus st.upéfait dl' voir que ... les

hommes continuent à vIvre tranqUIllement, sans inquiétude ... un bon souri~e sa~isfait, sur leur face bien nourrie, et qu'ils ne pensent Jamats que des gouffres nous environnent .• (Journal d'u1J Converti, par PIERRE VAN DER MEER de Wal­cherem).

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~~~~~~~~~~~~~~~~.~-=-=--=----- -- - -= 278 LE COMBAT DE LA PURETÉ

humaine, croit devoir inspirer à l'homme tenté la crainte, voire la crainte servile.

« Bien que nous devions surtout désirer que les hommes ' servent Dieu Notre-Seigneur par le motif du pur amour, nous devons cependant louer beaucoup la crainte de la divine majesté; car non seulement la crainte filiale est pieuse et très sainte, mais la crainte servile même, lorsque l'homme ne s'élève pas à quelque chose de meil­leur et de plus utile, l'aide beaucoup à sortir du péché mortel; et, lorsqu'il en est sorti, il parvient facilement à la crainte filiale, qui est tout agréable et chère à Dieu 1. »

Le même Saint nous rappelle, dans ses Exer­cices, plusieurs de ces austères vérités:

Dans sa méditation sur l'enfer, voici comment il s'exprime: « Le second prélude est la demande de la grâce que l'on veut obtenir. Ici je deman­derai le sentiment intérieur des peines que souffrent les damnés, afin que, si mes fautes me faisaient jamais oublier l'amour du Seigneur éternel, du moins la crainte des peines m'aidât à ne point tomber dans le péché. »

Autre dogme impressionnant: le Jugement. (c Je considérerai avec attention quelles seront mes pensées au jour du Jugement ... La règle que je voudrais alors avoir suivie, est celle que je suivrai à cette heure.» (28 Sem., Élect., 48 règle). « Considérer ce que je penserai au jour du Jugement .•• Quelle règle voudrais-je avoir suivie? C'est celle que je dois suivre à

I. Saint Ignace, Ds la s(lumission à l'Église, 18e règle.

LA VICTOIRE 279

cette heure.» (Ire règle de la distrib. des aum.) L'impureté, cette faute qui aime l'ombre sera

dévoilée au Jugement dernier, selon la prophétie de Notre Seigneur: « Tout ce qui est caché sera révélé, tout ce qui est secret sera connu » 1.

Veux-tu t'épargner et la honte du Jugement et la peine de l'enfer? Évite le péché. Considère, avec saint Ignace encore, combien la faute est ridiculement insolente. « Je considérerai qui je suis, en A m'efforçant, par diverses comparaisor~s, de paraltre de plus en plus petit à mes yeux. Premièrement, que suis-je, en comparaison. de tous les hommes? Deuxièmement, que sont tous les hommes, en comparaison de tous les anges et de tous les saints du paradis ?Troisièmement, que sont toutes les créatures, en comparaison de Dieu? Donc moi seul enfin, que puis-je être? » (Ire sem., 2e exerc. sur le péché).

Il faut toujours en revenir à ce qui est le « prin­cipe et fondement» des Exercices: « L'homme est créé pour louer, honorer et servir Notre­Seigneur et, par ce moyen, sauver son âme. Et les autres choses qui sont sur la terre sont créées à ~ause de l'homme et pour l'aider dans la pour'­sUIte de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. » Et saint Ignace, toujours implacablement logique, ajoute: « D'où il suit qu'il doit en faire usage autant qu'elles le conduisent vers sa fin et qu'il doit s'en dégager autant qu'elles l'en dé. tournent. »

Voulons-nous bien agir? demandons-nous quel

1. s. lÙatth., ch. X, v. 26.

Page 140: Hoornaert Le Combat de la Pureté

.Le::w

280 LE COMBAT DE LA PURETÉ

conseil nous donnerions à un autre. « Je me repré­senterai un homme que je n'ai jamais vu, ni connu; et, lui désirant toute la perfection dont il est capable, j'examinerai ce que je lui dirais de choisir... puis, me donnant à moi-même les mêmes conseils, je ferai ce que je lui dirais de faire 1. »

Ces paroles sont tirées du chapitre de l' « Élec­tion». Voici d'autres principes encore, donnés par saint Ignace pour nous aider à choisir sage­ment:

« Je considérerai avec attention, d'un côté 1 l'utilité et les avantages qui doivent résulter pour moi de l'acceptation ... sous le rapport du salut de mon âme; et, de l'autre, je considérerai les inconvénients et les dangers. Ensuite, j'exami­nerai, avec la même diligence, d'abord l'utilité et les avantages, puis les inconvénients et les dangers du refus ... Après avoir ainsi examiné la question sous ses différents points de vue, je con­sidérerai de quel côté la raison incline davantage et, ne suivant que sa lumière, sans consulter au­cunement les sens, je fixe:rai mon choix 2. Il

Suis la méthode de saint Ignace, lorsque tu dois opter entre la pureté et l'impureté: mets en deux colonnes le pour et le contre. Dans la colonne du pour, tu peux mettre néant, à moins que tu ne comptes pour quelque chose le pauvre plaisir

I. (2" méth. pour 1'1flect., 2 e règle. Le même principe est répété, presque mot pour mot, dans la 1'· règle pour la distribution des aumônes.)

2. (1 er mode pour faire une bonne et sage Élection: " et! S' points.)

LA VICTOIRE 281

de la passion, cette courte joie qu'il faudra regretter en toute hypothèse: dans ce monde, ou dans l'autre.

Dans la colonne du contre, note tout ce que tu perds: l'amitié de Dieu, l'estime des hommes, ta joie et peut-être ta foi, car le luxurieux cherche des prétextes contr~ cette religion qui le gêne. Ni brides, ni martingale 1 Si tant de jeunes gens s'éloignent de l'Église, ce n'est point à cause du Symbole des apôtres, mais à cause des dix com­mandements de Dieu, ou, plus exactement, à cause du sixième 1

Et maintenant les éléments sont prêts pour dresser le bilan : compare les deux colonnes 1 celle des avantages et celle des « drawbacks 'fi,

pour parler comme les Anglais. Mais, de toutes les idées-forces, la plus efficace

sans doute sera toujours celle de la mort. « Je considérerai, comme si j'étais à l'article de la mort, de quelle manière et avec quel soin je voudrais m'être conduit... et me réglant sur ce que je voudrais avoir fait alors, je le ferai fidèle­ment maintenant 1. Il Les termes de saint Ignace varient à peine, lorsqu'il répète plus loin: « Exa­miner, comme si je me trouvais à l'article de la mort, comment je voudrais m'être comporté ... et me réglant sur ce que je désirerais alors avoir fait, le mettre en pratique maintenant 2. »

Ne cours pas le risque formidable d'une mort impréparée. Que d'hommes retrouvés morts, dans leur lit~ le matin 1 Jésus · nous a prévenus: « Je

I. (2° sem., 2 0 mode d'élect., 3" règle.) , . (Ire règle pour la distrib. des aum.)

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==~~====~==~~~~~~_== __ 2M

LE COMBAT DE LA PURETÉ 1

viendrai comme un voleur. » Un voleur n'a pas l'habitude, que je sache, d'envoyer un billet pour dire à quel jour, à quelle heure, il se présentera

Le Maître nous avertit loyalement: je vien­drai, moi aussi, à l'improviste, comme celui qui, la nuit, perfore la muraille. Heure terrible, où Dieu surprendra le débauché et viendra lui prendre, à travers la muraille du corps, l'âme putride J

Que nous mourions subitement ou non, en tout-cas, nous mourrons: toi, moi, tous J Quand? Peut-être dans un an; peut-être dans cinquante ans. Cinquante ans, c'est demain 11...

Or, lorsque nous serons à notre lit de mort, comment voudrons-nous avoir vécu? Placés entre le temps qui finit, et l'éternité qui commence, nous comprendrons qu'il faut juger celui-ci en regard de celle-là.

C'était le grand principe de saint Louis de Gon­zague, l'angélique patron de la jeunesse: « Quid hoc ad aeternitatem? Qu'est ceci vis-à-vis de l'éternité? » C'était également le haut point de vue de Thomas Morus, chancelier d'Angleterre, menacé de mort par Henri VIII, s'il refusait de le reconnaître comme chef de l'église anglicane. ­Thomas Morus s'était ainsi parlé à lui-même i « Combien d'années puis-je vivre encore? Au maximum vingt ans. Et j'exposerais l'éternité pour ces vingt ans? S'il s'agissait de vingt mille

1. • Dans les jours qui précédèrent le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs filles ... jusqu'à ce que le déluge survînt, qui les emporta tous. » (8. Matthieu, ch. XXIV, v. 38). ~,

LA VICTOIRE

ans, ma folie aurait au moins une apparence et un prétexte, et cep&lldant, même dans ce cas, je resterais insensé, car il serait absurde de sacrifier l'éternité pour vingt mille ans. l) Il fut exécuté. consentant à perdre la vie, pour ne pas perdre l'éternité.

Jeune homme, alangui par le charme du péché impur, tu irais, toi, exposer ton éternité, non pas pour vingt mille ans, ni pour vingt, mais pour vingt minutes (ou vingt secondes J) de jouissance mauvaise 1 ?

* * * H. Bordeaux, dans Les Yeux qui s'ouvrent, a

placé ce dialogue saisissant 1 « Vous n'avez pas encore les yeux ouverts J

«- Moi? réclama Philippe. (1- Oui J la plupart des hommes n'ouvrent les

yeux qu'une seule fois J

(1- Une seule fois? 1- Oui, c'est au moment de la mort. » Comme nous verrons clair, à ce moment-là 1

Depuis que le monde est le monde, un seul homme a-t-il jamais regretté, à l'instant suprême, d'avoir été généreux? Des millions d'hommes ont dé­ploré de ne pas l'avoir été J

Tous aboutissent à la même conclusion: la seule chose consistante est la religion J Il faut

i . • Non dubito asserere, ob hoc unum ' impudicitiae pee­cati vitium, aut saltem non sine eo, omnes damnari, qui­cumque damnantur. » (5. Alph. de Lig., Theol. mo,., L. III, Tract. IV, n. -413.)

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.. ~-~-~

LE COMBAT DE LA PURETÉ

faire de l'éternel! Toi-même tu aboutiras à cette conclusion. Tu le sais. Pourquoi vivre rn.çtiilte­nant d'une manière que tu es sûr de déplorer à la fin? Pourquoi laisser le sérieux pour le vain?

La mort ravira les hochets humains, tous les hochets humains, depuis le collier de verroteries de la femme sauvage, jusqu'au diadème de l'im­pératrice.

Le prophète Isaïe énumérait dans un dédai­gneux pêle-mêle, les frivolités que Jéhovah vien­drait enlever aux filles d'Israel: « La chevelure opulente des filles de Sion, les représentations de soleils et les croissants, les pendants d'oreilles, les bracelets et les soies, les diadèmes, les chaî­nettes et les ceintures, les cassolettes de parfum, les bagues et les anneaux du nez, les robes traî­nantes et les amples tuniques, les riches man­teaux et les gazes légères, les miroirs, les turbans, les mantilles .. ~ J éhovah leur enlèvera tous ces trésors, tous ces bijoux 1. »

Ce qui est dit pour les vanités au féminin, se réalisera aussi, jeune homme, pour les vanités au masculin. Au grand moment, toi, jeune homme, comment apprécieras-tu certaines fêtes, certains salons? Toi, jeune fille, comment jugeras-tu cer­taines soirées, certaines toilettes ?

En 192I, une jeune Française, habillée ou dés­habillée à la moderne, mourait d'avoir pris froid à une course hippique. A son lit de mort, elle dit au R. P. N ... 1

1. Is., ch. III, v. 16 à 24.

LA VICTOIRE

« - Mon Père, je suis heureuse de vous voir .•• j'ai besoin de pardon.

») Je suis une victime de la mode. .. Les courses .. . le désir de paraître m'ont perdue ••• Je regrette .. .

»- Pauvre enfant 1... 1 - Oui, je regrette d'avoir scandalisé ...

j'étais bien élevée, pieuse, Enfant de Marie. Par­don! c'est affreux ... »

Et de ' grosses larmes coulent .. . « - Je suis coupable, bien coupable ... Au

début je fus naïve en m'habillant de la sorte. Maintenant, je ne l'étais plus ... je savais que je faisais mal... Je suscitais des regards passionnés ... J'étais l'objet de curiosités coupables ... Je veux expier 1 »- Par vos souffrances! Acceptez-les, même

ta mort, si Dieu le veut... »- J'ai fait mon sacrifice, mais cela ne suffit

pas ... J'ai péché publiquement... Je vous de­mande, mon Père, de dire à mes compagnes, à toutes les jeunes filles, panout, que « Germaine » Duverseau meurt victime de la mode indécente ... D et les supplie, au moment de paraître devant J Dieu, de ne jamais être un objet de scandale, D par leurs toilettes inconvenantes. »

» Et le lendemain, la pauvre jeune fille des­cendait au tombeau, suivie d'une foule innom­brable qui se passait de bouche en bouche son impressionnant testament.

»Elle avait demandé qu'on l'enveloppât dans le voile de sa première communion et qu'on lui passât son beau ruban d'Enfant de Marie, par

Page 143: Hoornaert Le Combat de la Pureté

LE COMBAT DE LA PURETÉ

protestation contre ses folles parures mondaines. » Et elle avait dit à sa mère, en expirant: _ « Daigne le Bon Dieu, en voyant ma .der­

nière toilette, oublier les autres ... qUI me perdl~ent et faire que celle-ci soit ma toilette du ParadIS. li

(D'après la Croix). 7. arme: Pendant la guerre,. ~ous tenions à l'examen jour nos cartes: posltlOns perdues ...

particulier. positions reprises... terrain abandon-né ... terrain gagné ...

L'examen de conscience, c'est cela! Nous devrions avoir la même joie, lorsque

nous gagnons des redoutes, dans le combat de la vertu, la même tristesse, quand nous sommes battus.

Maintes pages du présent livre ont .déjà indiqué les éléments de cet examen de conSCIence:

pp. 25 et 26 : ressemblance foncière de t?US les hommes et utilité d'étudier le cœur humam.

pp. 95 à 99: côté personnel des tentàtions. p. 100: le journal spirituel. pp. 100 à 103: « Connais-toi! » • Mais laissons, pour le moment, ce qUI a rapport

à l'examen de conscience général, et indiquons le procédé de l'examen « particulier» tel que le conçoit saint Ignace:

« Il renferme trois temps et deux examens de conscience chaque jour.

) Le premier temps est le matin. A~ssit~t qu'on se lève, on doit se proposer de se temr sOlgneus<=:­ment en garde contre le péché ou défaut part~­culier dont on veut se corriger et se défaire.

Il Le second temps est après le dîner ..• Se sou-

LA VICTOIRE

venir combien de fois on est tombé dans ce péché ou défaut particulier ... On parcourra chacune des heures de la matinée, que l'on peut aussi diviser en certains espaces de temps ... puis on mar­quera ... autant de points que l'on est tombé de fois ...

» Le :troisième temps est après le souper. On fera le second examen ... puis on marquera ... au­tant de points qu'on est tombé de fois dans le péché ou défaut particulier dont on travaille à se corriger.

» Ire addition: elle consiste, chaque fbis que l'on tombe dans le péché ou défaut de l'examen particulier, à porter la main sur la poitrine, en s'excitant intérieurement à la douleur; ce que l'on peut faire, même en présence de plusieurs, sans être remarqué 1. » Il faut examiner s'il y a progrès du matin au soir, d'un jour à l'autre, d'une semaine à la suivante. Un petit calepin d'examen particulier servira utilement à ces annotations. L'examen peut du reste se faire, à midi et au soir, en quelques minutes.

* * * D'aucuns s'écrieront: «Voilà bien la piété

Ignatienne ! toute mécanisée » ! et, pour employer le langage de K. Huysmans dans En route: saint Ignace coule l'âme dans le gaufrier étroit de ses Exercices Spirituels.

1. On est très frappé, en lisant la vie de Franklin, le grand sage d'Amérique, de constater qu'il pratiquait la méthode de l'examen particulier dans les moindres détails.

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288 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Non, l'examen particulier n'est pas une mé­thode artificielle, mais une discipline de vie. Il consiste à éviter l'éparpillement du moi, à ramas­ser tout l'homme dans l'unité d'un effort plénier qui porte sur la vertu bien déterminée qu'il im­porte le plus d'assurer. Ainsi les forces ne sont plus dispersées, mais polarisées.

Cette méthode est d'ailleurs recommandée, au­tant pour l'éducation de la volonté, que pour la formation intellectuelle, par des penseurs moder­nes non-religieux comme Payot dont nous trans­crivons le conseil t «Orientation très nette de toutes les pensées vers une fin unique ... subor­dination de nos volitions, de nos sentiments, de nos idées, à une grande idée directrice 1. li

Il faut s'unifier. . La concentration intense sur un point spécial,

grâce à l'examen particulier, c'est, appliqué à la vie morale, le principe stratégique de la lutte contre les Allemands; on doit maintenir tout un front de 745 kilomètres, c'est vrai; mais, il faut tâcher de masser ses réserves à l'endroit compro­mis où l'ennemi menace de faire une trouée, ou, si possible, opérer soi-même une grande offen­sive à une place bien spéciale.

Maintenir tout son front: cela répond, dans la vie ascétique, à l'examen de conscience ~énéral.

Consolider le point faible, ou même farre une offensive nettement localisée, cela répond à l'exa­men particulier.

Que cet examen particulier soit vraiment

1. J. PAYOT, Éducat. de la volon/J, t. 1. p. 20.

LA VICTOIRE

« particulier»; qu'il porte sur une occasion très pratique: telle relation, telle lecture, etc. 1. Saint Ignace avait horreur du flou et voulait que l'on descendît à la précision concrète des circonstances, même menues.

... '" '"

Une difficulté surgit: ainsi se « spécialiser D

est une force, mais n'est-ce pas également une faiblesse? N'est-ce pas rapetisser la vertu et la ramener à un seul détail ?

Non 1 parce que, à côté de l'examen particulier, reste l'examen général.

Non 1 parce que la volonté trempée dans cette lutte, reste aguerrie pour les autres combats et que l'énergie acquise devient applicable à tout.

Non 1 parce que, dans la réalité des choses, cette vertu, que l'on recherche plus particulîère­ment, ne peut s'isoler des autres. Tout touche à tout par l'enchevêtrement d'inextricables racines.

La raison et l'expé,rience s'unissent pour prouver que, dans les cures d'âmes, empoisonner ou assai­nir un seul point, c'est empoisonner ou assainir le reste. Un toxique, ou un sérum introduit dans le sang, est charrié partout, grâce au torrent

1. Qu'il vise les fautes réelles. Monseigneur de Ségur dit spirituellement: «Les gens qui laissent en paix leurs véri­tables défauts pour combattre à bon marché les défauts qu'ils n'ont pas, ressemblent à Sancho Pança, qui, une certaine nuit, se donna la discipline à tour de bras, non sur son dos, mais sur l'écorce d'un gros arbre auprès duquel il s'était mis. Le pauvre don Quichotte, qui, de loin, entendait les coups, pleurait de compassion. » (Le jeune ouvrier chrétien, l, p. 36).

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circulatoire. Le fort ébranlement d'un nerf a sa répercussion sur le système entier de l'arbre ner­veux.

Ainsi, dans l'âme, un choc se répercute et se prolonge. N'importe quel agent sain ou malsain tend à quitter l'économie spéciale où il est intro­duit, pour envahir l'économie générale 1.

8e arme: Tu es tenté par le corps; punis-toi la mortifieR- dans le corps.

tion. Encore un principe très Ignatien ': prendre le contre-pied, « agere contra»; ce qu'on traduirait, en termes de guerre: faire une contre­attaque, ou une contre-offensive.

Voici comment saint Ignace termine sa « 2 e Semaine»: «' Il faut que chacun sache qu'il avancera dans les choses spirituelles à proportion qu'il se dépouillera de son amour propre, de sa volonté propre et de son propre intérêt. »

Flatter le corps, c'est flatter l'esclave. Il se révolte. Ces rébellions doivent être prévenues par l'énergique traitement de la pénitence. « Sur quoi il faut remarquer que le retranchement du superflu n'est pas pénitence, mais tempérance. Il n'y a pénitence que lorsqu'on retranche quelque chose de ce que l'on pourrait prendre conve­nablement; et dans ce sens, plus nous parvenons à retrancher, plus la pénitence est grande et louable, pourvu qu'elle n'aille pas jusqu'à ruiner les forces et qu'elle n'altère pas notablement la santé. » (Saint Ignace, Ire semaine, IOe addit.).

'1. On lira avec profit les articles publiés par le R. P. SEMPÉ, S. J., sur l'examen particulier, dans le Messager du Sacr~ Cœur, nO de janvier 1921 et nOs suivants. .

L'Imitation, avec ce ferme bon sens qui l'ins­pire toujours, nous prévient : ce n:est pas ,en cédant à ses passions, c'est en leur résIstant qu on finit par triompher. ,

La maladie dont nous sommes preoccupés pour l'instant l'impureté, ne se guérit point par

, h' 1 homéopathie, mais par allop~t le .' Le vrai remède est la mortIficatIon. Elle est

selon l'ingénieuse expression de Luc Miriam, amèr.e comme le quinquina, mais forti~ante comme lUI.

La mortification est la garantIe de la chasteté, tandis que la . sensualité est ce qu'il y a de plus « contre-indiqué » 2. • •

Chez le jeune homme Immortdié se co~state, vis-à-vis de l'effort que suppose la purete,. un~ inaptitude, une réceptivité défectueuse. Celw qUI

1 . «Caelestis medicus, singulis quibuslibe~ ~itiis, obyianti.a adhibet medicamenta. Nam, si<:ut arte ~edlcInae, cahda f~, gidis, frigida calidis curantur, Ita DomInu~ ~oster ~ontr~na opposuit medicamenta peccatis, ut lubn~ls con~Inentiam praeciperet. » (Saint Grég. , Homél. 32 sur 1 Év., Citée dé ans le Brév., Commun d'un martyr, 7e leç.) «Le cé~este m de­cin a opposé à chaque vice, les remèdes appropnés. ~ar, de même que l'art médical guérit ~e chaud par le frOid et le froid par le chaud, ainsi Notre-Seigneur a opp~~é aux péchés les remèdes directement opposés, en sorte qu Il .ordonne la chasteté à ceux qui sont portés aux choses lubnques.,. Que les assertions alléguées soient exactes o,u non au pOInt de vue physiologique, le principe moral est Incontestable. .

2. Le Docteur WARLOMONT a dit fort ju~tement: «L~ Vie de luxe et de plaisir à outrance, telle qu elle est pratiquée sur une si grande échelle, laisse le jeune. homm~ sans défense contre lPs entraînements et les séductions qUI guettent sa

ureté.::'"Permettre à l'adolescent et au jeune homme de ~o:ut ~oir, de tout entendre, de tout lire, de s'am?llir dans les plaiSIrS de la table au lieu de travailler à acquénr cette noble endu­rance que donnent le travail, la sobriét é, le sage gouvernem.ent de tous les sens, c'est éveiller, de gaîté de cœur, les excita-

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

est affadi par les jouü;sances, sursaturé de frian­dises et de sucreries, celui qui, retournant une maxime de sainte Thérèse, dirait volontiers: « Nec pati, nec mori 1», celui-là est un corps «mauvais conducteur» du renoncement.

Au contraire, le jeune homme sévère pour lu~­même est un corps « bon conducteur» du saCrI­fice. Ce principe est parfaitement compris par ces jeunes gens qui, au milieu des révoltes de la chair, infligent à cette chair rebelle une douleur, fût-ce une légère morsure, un pincement, un~ pose incommode. D'autres (et ils. ne sont pas SI

rares) m'ont avoué qu'ils s'interdisaient de fumer pendant tout le carême.

Un généreux trouve, sans difficulté, des occa~ sions de victoires sur lui-même. Ce sera, par exemple: ne pas se défendre, alors qu'on le pour­rait; supporter patiemment les taquineries d'un frère, d'une sœur, d'un ami, ou une remontrance paternelle qui est humiliante parce qu'elle est faite devant d'autres; étudier spécialement une branche ingrate; s'abstenir d'une lecture aimée; ne pas céder à la curiosité; ne pas boire quand on a soif, ou du moins attendre un peu avant de le faire; s'imposer une privation à table. Cette privation ne doit pas, généralement, porter sur la quantité, ce qui pourrait avoir des inconvé­nie~ts à l'époque de la croissance, mais plutôt

tions organiques et les stimulations auxquelles il succombera. On se Plaint que la chasteté soit impossible et l'on fait tout pour la préParer à sombrer 1 » (Dr WARLOM,ONT, A n~ales de la Soc. Scientit. de Brux. 1906, 1907. Supplement. Dlscuss. du rapport du Dr FRANCOTTE, De quelques points de mol'. sex .. etc., p. 44).

LA VICTOIRE 293

sur la qualité. Tu ne mourras pas pour avoir pris un aliment .peu assaisonné, du café peu sucré, une praline de moins, la moins bonne orange. Ou encore sers-toi de dessert modérément. Il faut parfois plus de maîtrise de soi pour prendre peu, que pour ne rien prendre du tout.

Luc Miriam, qui connaît les jeunes gens à fond, leur suggère d'autres mortifications. Sache, dit-Ït à son interlocuteur, « ne pas te plaindre des in­tempéries de la saison; rester quelque temps s~ns t'adosser à une chaise, à un banc; te temr blen droit; au collège, étudier sans t'accouder; jouer énergiquement; ne pas t'impatienter. S'i.l ~aut aller plus loin, récite le soir une ou deu~ dlZalI~eS de chapelet à genoux, les bras en crOlx.; balse la terre, selon la pieuse coutume des samts, ou porte en haut du bras un petit bracelet de crin. » (Les âmes libres, p. 85).

Tu te récries: «Oh t là t là t Pourquoi pas, tout de suite, la haire et le cilice? A quand la vie de saint] ean de la Croix?

« Voyons, je ne suis pas un moine! Vous parlez à un jeune homme fréquentant les salons et non à un Chartre x dans sa cellule. »

- Cher jeunè homme, calme ta belle indigna­tion. Dis, crois-tu que le moine, ou le Chartr~ux seul doit observer la chasteté? Elle est plus dlffi­cile à garder dans ton salon, que dans sa cellul~, et un moyen efficace de la protéger est de saVOlr t'imposer un sacrifice.

N'es-tu pas frappé de voir que tous les Saints, sans exception, ont été sévères pour eux-mêmes ?

Saint Paul le confessait: « Je traite durement

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294 LE COMBAT DE LA PURETÉ

mon corps et je le tiens en servitude. li (1 CM., ch. IX, v. 27). « Je porte dans mes membres les stigmates de Jésus-Christ. Je supplée en moi, à ce qui manque à sa Passion. Je suis crucifié avec Lui. Je ne prêche que Jésus crucifié. »

Plus haut que l'enseignement des Saints et de saint Paul, tu as celui du Maître lui-même: « Le royaume des cieux souffre violence... les éner­giques l'emportent... qu'il porte sa croix 1 ... la route étroite ... celui qui ne renonce pas à ce qu'il possède ne peut être mon disciple ... si quelqu'un veut marcher à ma suite, qu'il se renonce lui­même».

Remarque l'expression (c lui-même ». La vraie mortification doit être en nous; elle ne consiste pas à sacrifier un dessert, une friandise, de l'argent. Tout cela est en dehors de nous. Or, c'est nous-mêmes qu'il faut savoir immoler. Nul ne l'a mieux dit que saint Grégoire le Grand, commentant la parole de Jésus-Christ : celui qui veut venir à ma suite, doit se renoncer lui-même. (( Précédemment, il avait été dit que nous devions renoncer aux choses que nous avions; ici il est dit que nous devons renoncer à nous-mêmes. Et­peut-être n'est-il pas fort difficile à l'homme d'abandonner ses biens ; mais il devient fort diffi­cile de s'abandonner, lui. C'est peu de laisser ce qu'on a; c'est beaucoup de laisser ce qu'on est 1. »

Mais, on ne saurait trop souligner cette vérité,

1. Saint Grégoire le Grand, Homélie du texte «Si qul$ Vllli ... »

LA VICTOIRE 295

que jamais Dieu ne conseille le négatif pour le négatif. Ce qu'on nomme « mortification», en réalité vivifie. Nous ne cherchons pas la souf­france pour la souffrance, mais à titre de moyen servant à obtenir une fin positive et supérieure 1.

La mortification épure, tonifie l'âme, est un viril exercice de la volonté, constitue un acte pratique de foi, d'amour de Dieu, une imitation volon­taire de Jésus-Christ. Elle est non seulement la contradiction, mais le contraire ou l'opposé de ce que suggérait la passion. « Ce que la mortifi­cation tue en nous, ce ne sont pas les principes de vie, mais les germes de mort. )) (P. Vuillermet).

Le lâchê considère la mortification comme une indésirable, ou comme l' « étranger vêtu de noir» dont parle A. de Musset.

Le courageux sait combien la mortification élar­git et ennoblit l'âme. Il en arrive à contracter un tel pli de générosité, qu'entre deux partis, il choisit bravement le plus ardu. Il se pénètre de l'austère doctrine de saint Ignace dans ses « trois degrés d'humilité»: « Le troisième · degré d'hu­milité est très parfait... et veut, supposé que la louange et la gloire de la majesté divine soient égales, que pour imiter plus parfaitement Jésus-

1. Saint Ignace, Ir. sem., Addit., Ire rem.: « Les péni­tences extérieures se pratiquent principalement pour trois fins: la première, pour la satisfaction des péchés que l'on a commis; la seconde, pour se vaincre soi-même, c'est-à-dire pour obliger la sensualité à obéir à la rais~:n et la pa:tie i!lfé­rieure de l'âme à se soumettre, autant qu II est pOSSIble, a la partie supérieure; la troisième, pour obtenir de Dieu · quelque grâce particulière que l'on désire, par exemple la solution de Cluelque doute. J .

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296 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Christ Notre-Seigneur et me rendre de fait plus l!Iemblable à lui, je préfère, j'embrasse la pauvreté avec Jésus-Christ pauvre, plutôt que les richesses; les opprobres avec J ésus-Christ rassassié d'op­probres, plutôt que les honneurs. »

Croit-on que pareil idéal est décidément trop haut pour la pauvre nature humaine ?

Non, non 1 Il est pratiqué (et hors des cloîtres 1) par toute une élite plus nombreuse qu'on ne se l'imagine.

Un exemple. En décembre 1915, près du Vieil­Armand, expirait le général Serret. Voici son testament: « J'ai la foi 1 J'ai servi lj,.vec disci­pline. J'ai toujours aimé mon devoir. J'ai eu pour prin,cipe de donner à chaque effort du devoir d'état, le maximum de vigueur et de perfection. Je me repose 1

» J'ai la foi 1 J'ai confiance dans le jugement de Dieu. Je disais à mes officiers, à mes hommes: si vous hésitez entre deux routes, soyez sûrs que c'est la plus Pénible qu'il faut choisir 1. Je disais et je faisais. Je me suis servi par préférence des créatures âpres et mortifiantes. Ma conscience est légère. Je me repose 1

II J'ai la foi 1 Je crois aux compensations célestes. Je me suis défié de la nature humaine et de ses trahisons. Je me suis tenu prêt constamment à ,:ain~re ,la molles~e, enneJ?ie de l'âme. Il y a dans IIm#atwn de J esus-Chnst une belle pensée 1 si

1 .• Il faut toujours faire ce qu'on redoute de faire. Entre de1:Ix voies ~evant lesquelles on hésite, il faut choisir celle qm nous fait reculer. La peur, c'est le signe du devoir .• (CH. DE FOUCAULD).

LA VICTOIRE 297 -------------------------------vous ne pouvez pas éprouver de la joie dans la souffrance, souffrez au moins sans vous plaindre. Je ne me plains pas. Même je suis heureux. Je me repose 1. »

La modestie n'est pas encore la re a~mef: pureté, mais c'en est la sauvegarde et a mo es le. un élément de défense. 2

Dans sa « Lettre sur la modestie, à l'exemple de saint Jean Berchmans II (1922), le T. R. P. Le­dochowski, Général de la Compagnie de Jésus, écrivait: « La modestie est l'écorce qui protège la moelle cachée, la gardienne et la protectrice de la pureté. »

Saint Grégoire de Nazianze emploie une image assez semblable: « La modestie protège la chas­teté, comme les feuilles protègent le fruit». Pour prendre une comparaison moderne empruntée à la guerre, les travaux avancés défendent une posi­tion.

Il n'est pas rare que l'accidentel sauve l'essentiel. Le grand-maître Jean de la Valette, devant

disputer aux Turcs une place forte, s'écriait: 1( En avant 1 les lys soutiennent les forteresses 1 li

Le lys 1 fleur des écussons français. Jeune homme, reprends le même cri, à ta ma­

nière: « Le beau lys de la modestie, gardera la forteresse de la chasteté. »

* ,.. * Veille, tout spécialement, à la modestie des

1. Voir Écho de Paris, 8 janv. 1917, art. de Maurice Barrès, _ Voir Victoire de l'lime, (1920. Act. pop. de Reims), p. 39.

2. Pudeur et nudism6, Ed. JANSSENS, 32 pp. Paris, Libr. Peigues.

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298 LE COMBAT DE LA PURETÉ

yeux, dans la rue. Tu sais quelle est aujourd'hui la licence des trottoirs, des étalages, de maints spectacles troublants 1. Rappelle-toi les paroles du prophète Jérémie: « La mort est montée par les fenêtres 2.» Sans doute, il s'agit ici de la mort physique et des fenêtres matérielles: lorsque viendra le châtiment de Jérusalem, dit le prophète, ~ la mort frappera partout, pénétrera dans les maisons par les fenêtres.

Mais les Pères de l'Église et les auteurs spiri­tuels appliquent très justement ce texte à la mort spirituelle: elle entre dans l'âme, par ces fenêtres qu'on nomme les yeux: « Ascendit mors per fenestras. »

Plusieurs jeunes gens se trouvent 10- arme:

le vœu. bien de faire un vœu, sous peine de péché mortel ou simplement de péché

véniel; pour une période déterminée ou pour un seul jour, ou même pour une seule occasion.

Cette mesure radicale (à laquelle d'ailleurs il ne faut pas recourir trop souvent, et qu'il ne faut prendre qu'après avis du confesseur), coupe court , toute tergiversation et aux subtilités de la pas­sion qui n'insiste teHement, parfois, que parce qu'elle voit l'indécision du sujet et espère aboutir. Un vœu a l'avantage de mettre de l'irrévocable dans une conscience droite, vis-à-vis de telle sollicitation.

Le vœu peut consister à s'interdire, non plus une occasion dangereuse, mais une chose cer-

1 . Troublants à l'instant même, ou après. ~. Chap. IX, v. ~I.

LA VICTOIRE 299

tainemen.t grave. Alors, on ajoute à la défense déjà existante par la loi naturelle, ou positive, une deuxième défense, toute personnelle et, par là même, souvent plus prenante. Car il arrive qu'on soit moins impressionné par une prohibi­tion générale, que par une parole d'honneur libre­ment engagée. Sans doute, même étant donnée cette double loi, on peut passer outre, mais, au moins, y a-t-il deux sauvegardes au lieu d'une, et il faut une folie spéciale pour aller, malgré ces deux avertissements protecteurs, se jeter dans l'abîme.

Réalise cette idée : « Dieu me voit. » Nous nous sommes déjà sentis sous

un de ces regards dont l'âme est toute proche: regard pénétrant, aigu,

chargé d'encouragement, ou de reproche, regard

11e arme: l'exercice de la présence de

Dieu.

navré, sympathique... Si un ami était là, tout près de moi, tout près, et me regardait ainsi ...

Si mon père, ma mère, était là, tout près de moi, tout près, et attachait ainsi ses yeux sur moi... Eh bien 1 Dieu est là ; pas lointain, retiré au fond de son firmament, mais ainsi tout près ...

« Il n'est pas loin de chacun de nous », disait saint Paul à l'Aréopage.

Il te voit. Et pendant qu'il te voit ainsi, tu t'abandonnerais à la luxure?

• Les méchants ont dit: Jéhovah ne regarde pas 1 Le Dieu de Jacob ne fait pas attention. - Comprenez donc, ridicules enfants du peuple 1 Insensés, quand aurez-vous l'intelligence? Celui qui a formé l'œil ne verrait pas? J éhov~ conn ait les pensées des hommes 1 »

(Psaume 93).

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

12- arme: Serre dans la main une médaille, le recours au une croix, ton scapulaire. Cela ne

concret. 1 . sera pas seu ement un secours, malS si, plus tard, surviennent des doutes sur la résis­tance, cela deviendra, pour te prouver que tu n'as pas cédé, une preuve qui n'est pas d'une évidence absolue 1, mais d'une sérieuse proba­bilité. Car il semble bien que celui qui consent au mal, ne le ferait guère en gardant la pression amoureuse d'un objet pieux.

Aie près de toi une image, par exemple de la Sainte Face.

Et pourquoi donc tous ces procédés? La tentation d'impureté est éminemment « sen­

sible » : elle envahit ta mémoire, ton imagination, ton être physique.

Ne te contente pas d'évoquer l'idée de devoir . con~re le péché de la chair. C'est opposer l'ab­straIt au concret, la pensée aux sensations.

Tâche d'opposer le concret au concret le sen­sible au sensible. Égrène ton chapelet,' ce qui n'est plus seulement un concept, mais une action . Fais le signe de la croix, et de préférence avec de l'eau bénite. De nouveau, ce n 'est plus seulement de ~a raison :aisonnante, mais un geste de protes­tatIOn exténeure et un geste vainqueur dont saint Antoine affirmait. expérience faite, qu'il

1. On pe,ut, tro~ver «de ces, enfants chrétiens qui portent sur une pOltrme Impure et baisent avec une ferveur désolée la ~édaille de la Sainte Vierge ; 9u~ ~albutient un vague appel à Dieu, en allant au péché ; qUi recltent des actes de con tri­ti0D: éperdus sur le lieu de la faute et préparent leur con­fesSIOn pendant la faute elle-même. 1 (V IGNOT, R ègle des m œ lt YS, p. 43).

LA VICTOIRE 301

met le démon en fuite. Tu n'objecteras point que ' c'est compliqué de faire un signe de croix. Or,

e! In hoc signo vinees. » A défaut de concret consistant en objets pieux,

recours à un concret profane qui serve de déri­vatif 1. Tu es en pleine crise de tentation? eh bien 1 va causer, consulte un album intéressant, lis, change de place, marche, voyage si tu le peux, chante, occupe-toi d'une pensée très gaie ou très drôle, d'un bon tour à jouer - pourquoi pas ? L'expérience le prouve: souvent il suffit de « couper» ainsi la tentation, pour qu'elle ne revienne plus. 1S' arme : - Cette noblesse peut n'être qu'une la noblesse qualité tout humaine et dès lors ne

d'âme. constitue pas la vertu. Entre un don naturel et une vertu surnaturelle, il n'existe pas seulement une différence d'étiage, mais une dis­tinction essentielle.

Au moins cette noblesse sera-t -elle pour l'âme une préparation (éloignée et négative) à la vertu. Elle empêchera de tomber dans les bas-fonds du dévergondage.

Comment cela? Celui qui est vulgaire est ex­posé à aimer la platitude quelle qu'elle soit, par exemple celle du vice. Nous ne sommes pas faits de cloisons étanches. Tout notre être moral est solidaire. Tu as étudié les lois de transmission du son et des vibrations moléculaires. Ainsi, dans le cœur humain, le moindre son tend à se pro­pager et les mouvements ondulatoires gagnent,

1. Nous avons déjà signalé (p. 117) cette loi du dérivatif.

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302 LE COMBAT DE LA PURETÉ

de proche en proche, tout l'ensemble. En sorte que la vulgarité deviendra diffusive.

Vice-versa, la noblesse sera aussi diffusive! celui qui l'entretient, sera porté à la cultiver sous toutes ses formes, y compris celle de la vertu.

De même que Michel-Ange, sculptant les fresques du Vatican, avait tellement contracté l'habitude de lever les yeux, qu'il ne pouvait plus, dit-on, regarder en bas, ainsi le jeune homme habitué à contempler les choses élevées, sera moins tenté d'abaisser les yeux sur les grossièretés du vice.

Il pourra se tromper, mais ce seront de faux pas sur les sommets qu sur les larges routes et non des chutes dans les marécages du péché. Il est accoutumé à faire grand et à vivre en beauté. Il a pris la devise de saint Ignace: « Insignis )'l,

sois insigne 1 Une bonne fois, il a compris que la vie, sans

la vertu, est une vie diminuée, mutilée, man­chote, que l'homme n'est pas un pur esprit, sans doute, mais enfin a un esprit tout de même et n'est pas simplement une collection de viscères logés dans une cage thoracique ou un abdomen

* '" * Rien n'est si opposé à l'idéal que l'impureté. L'idéal consiste à tendre en haut. Le vice con­

siste à tendre en bas. Le premier est une cime. Le second est un

bourbier. « La vie est à monter et non pas à descendre. »

Etre impur, c'est descendre 1

1

LA VICTOIRE 303

. Le vice, mais nous l'avons défini si ' souvent déjà 1 l d'abord une grosse platitude; ensuite une grosse lassitude. Et voilà tout 1

L'idéal s'éteint dans l'impudicité, comme un flambeau dans la boue. .

Il existe deux espèces de flammes, répondant aux deux espèces de jeunes gens : les purs ... ' et les autres 1

La flamme des seconds est la flamme basse et fumeuse des convoitises; elle est entretenue par des matières putrides.

La flamme des premiers est claire et droite, _ si haute qu'elle monte vers les étoiles.

Seul, le pur est enthousiaste, et la virginité sert bien l'élan vers le beau et le bon. Blondel écrit dans sa biographie d'Ollé-Laprune: ' « Il n'a jamais perdu la virginité du cœur. Et ainsi de neige et de flamme, il alliait la pureté qui recu~ille la vie à la charité qui la répand et l'enthousiasme au calme profond. »

Tâche d'avoir un cœur très grand, très haut et non un pauvre petit cœur; tout recroquevillé par l'égoïsme et le terre à terre. Fais-toi dans le meilleur sens de l'expression, une « âm; prin­cesse ». Ne t'embourgeoise pas dans la vulgarité, alors que tu peux être dans l'aristocratie des sen­timents et de la vertu. Saint Paul l'a dit noble­ment: « Recherchez les choses d'en haut· affec­tionnez-vous aux choses d'en haut et non ft celles de la terre 1. »

Sois noble: noble dans tes goûts, . dans tes Lee-

1. Ép. aux Col., ch. III, v. 1 et 2 .

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

tures, dans tes préoccupati?ns intel1ect~e~~~. e~ tes soucis d'art, dans le ChOIX de tes arlllS, J mu jusqu'à dire: dans ton parler, dans la manière de t'habiller, dans l'ornementation de ta chambre, puisque enfin l'homme dépend beaucoup de son cadre.

Tu es à l'âge où il faut prendre parti et bran- ' cher sa vie.

Certains la branchent sur le vilain. Branche-Ia sur le beau, sur le noble, sur le Noble qui est Dieu 1

* '" '" Ne crains pas d'avoir trop d'idéal. Mon Dieu 1

il en faut tant, pour soulever la lourde pâte hu­maine!

Ne t'imagine pas non plus que l'idéal soit un vain mot, le rêve du poète qui oublie le monde réel, pour voler dans l'azur, en sorte qu'il a des ailes, mais pas de pieds. Zola, le réaliste, riait des « culbutes dans le bleu. »

Écoute 1 l'idéal est plus vrai que la réalité, puis­qu'il est la réalité épurée d~ to~~ ce qui l'amoi~­drit. C'est }' être sans défiCIt d etre, tout à faIt beau, parce que tout à fait complet.

Le P. An. Eymieu, S. J., explique fort bien ce que nous avançons: « L'idéal est essentiellement vrai. Il ne présente aucune contradiction; vous avez pris tous ses éléments à la réalité; vous les avez combinés en respectant tous les rapports essentiels, toutes les lois, en supprimant tout ce qui les trouble, en y mettant tout ce qui les épanouit. Et quand vous vous trouvez en face

LA VICTOIRE

d'un être de chair et d'os, qui se rapproche, ne pouvant l'égaler, de cet idéal, vous vous écriez: Il Voilà .un homme 1 celui-là, vraiment, est un homme. JI Les autres aussi, tous ceux qui réa­lisent l'idée spécifique, sont des hommes; mais vous avez raison, celui qui s'approche de l'idéal est un homme plus vrai. Et, de même, il y a un idéal du jeune homme, de la jeune fille, du père de famille, de la mère, du magistrat, du politique, du chef d'armée, etc.; et plus les êtres concrets se rapprochent de cet idéal, plus ils sont de vrais magistrats, de vrais pères, etc., par la raison très simple que la vérité d'un être se trouve dans sa conformité avec son modèle. L'idéal n'est pas seulement la vérité, mais la vérité à son maxi­mum, la vérité-limite vers laquelle tend un être dans son vrai développement. JI (Études, 5 jan­vier 1906) .

140 • Il n'est pas du tout banal, le petit arme. h· 1 èl les Œuvres et sermon mat émattque sur e z e,

les Cercles qu'on lit dans Les âmes libres de Luc d'études. Miriam (p. 69) : « Ief point: Ne sois pas un point d'une circon­

férence, mais un centre. 2 e point: Ne sois pas un terme d'une addition,

mais un facteur d'une multiplication ~

5 + 3 = 8. 5 X 3 = 15· •

Dévoue-toi. Ne cherche pas trop loin rocca­sion: tu la trouveras sans doute dans ta propre famille, ou parmi tes camarades : ainsi, tu pourras inviter en promenade ce compagnon abandonné,

/'

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306 LE COMBAT DE LA PURETÉ

proposer une répétition à cet autre qui est ar­tiéré; égayer cet ami qui est dans la peine.

II( Allez 1. •• rien n'est meilleur à l'âme, Que de faire une âme moins triste. »

(P. Verlaine, Sagesse, I). Engage-toi dans une conférence de Saint-Vin­

cent de Paul, et, selon la belle pensée de celui qui les fonda, Ozanam, tu mettras « ta chasteté à l'abri de ta charité ». Tout ce qui est donné aux œuvres, est enlevé à la concupiscencè;.

Va aux pauvres! On se récrie: « Mais il n'y a plus de pauvres

actuellement 1 » Il y en a moins, mais il est ridicule de dire qu'il

n'yen a plus. D'ailleurs la pauvreté temporelle n'est ni la seule, ni la plus grande. Les travailleurs ont aujourd'hui du pain blanc, mais ils le mangent dans l'amertume et la révolte. Et puis, l'homme ne vit pas seulement de pain. On reste toujours miséreux, quand on n'a pas la religion. Ainsi la pauvreté n'a fait que changer d'aspect. On va répétant, « Nous n'avons plus de pauvres », alors que les vrais pauvres se comptent par mil­liers et milliers.

Il ne faut pas songer à une seule forme de l'au­mône: celle de l'argent, mais à tant d'autres manifestations: aumônes de la bonté, du sourire, de la consolation aux malades, du bon conseil

Enfin, quand même ces œuvres ne feraienLçlu bien à aucun autre, elles t'en feraient à toi. 'hi enseigne, s'enseigne, dit-on. De même, qui prêche, se prêche à lui-même. Il est le premier bénéfi­ciaire de son sermon et, pour ainsi dire, son

LA VICTOIRE 30 7

premier auditeur. Il ne veut pas se résoudre à être un pieux comédien, recommandant aux autres ce qu'il ne fait pas lui-même. Par une espèce de loyauté professionnelle, il vit ce qu'il dit. Or, les œuvres te forceront à parler aux autres de devoir, de vertu.

Elles t'apprendront le dévouement. Je te souhaite d'y souffrir un peu 1 ; on s'attache sou­vent à une cause, en proportion de ce qu'elle a coùté, tandis qu'on se désintéresse d'une cal.lse où n'est pas entré l'effort personnel 2.

Tu le dépenseras pour une belle idée. Tu aimeras en haut pour ne pas aimer en bas. Tu auras un magnifique emploi de ta jeunesse, pro­mettant un magnifique emploi de toute ta vie. 1< Notre jeunesse !. .. cette époque d'effervescence morale où bouillonne et s'épanche en nous cette première lave qui, plus tard, refroidie et solide, sera la base de notre caractère. » (P. Bourget, Le Justicier, p. 37).

Les œuvres t'empêcheront d'être un égoïste, disant avec le cynique Dutrécy de Labiche: « On

1. Cela ne manquera pas. Il faudra payer de ton temps, de ton argent, de ta personne. Puis, sache-le pour t'épargner trop d'étonnements: toute œuvre humaine est féconde en misères humaines: malentendus, susceptibilités, froissements, jalousies, ingratitude surtout. Petits côtés de grandes choses. Les lâches se découragent. Les généreux, . dédaigneux de la reconnaissance et de la récompense des hommes, travaillent avec désintéressement, pour Dieu seul qui «est fidèle », dit saint Paul. Si tu te dépenses afin d'obtenir la gratitude hu­maine ... je t e plains.

2. Exemple: lorsqu'on fait, à · la place d'un ouvrier, tous les frais d'une retraite, il l'apprécie et l'aime beaucoup moins que s'il a pu y contribuer, fût-ce pour une part légère.

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_ .. ", ...... a • _ _ '!~~~

LE COMBAT DE LA PÙRETf:

n'a pas trop de soi pour penser à SOi»; elles t'épar­gneront d'être ici-bas un inutile 1 à l'existence falote et pâlotte.

« D en est qui ont laissé un nom Et l'on peut raconter leurs louauges: Il en est dont il n'y a plus de souvenir, Ils ont péri comme s'ils n'avaient jamais existé; Ds sont devenus comme s'ils n'étaient jamais nés .•

(Eccti., ch. 44, v. 8).

« Perierunt quasi non fuerint et nati sunt quasi non nati».

Un poète moderne a traduit très exactement cette mélancolique remarque, en disant d'une frivole jeune fille 1

• Elle est morte et n'a point vécu, Elle faisait semblant de vivre .• ~

Tu ne dois pas végéter, mais vivre; vivre vraiment et ne pas te contenter d'une apparence de vie, d'une vie morte 1

Remarque bien que la question n'est nullement de savoir si tu fais quelque chose, mais si tu fais tout ce que tu peux. «L'homme ignore les trois

1. Comme ceux dont parle l'Évangile: Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans rien faire? «Quid hic statis tota die otiosi ? » (S. Matthieu, ch. XX, v. 6).

De tel jeune homme, .on pourrait répéter ce que disait le propriétaire de l'arbre stérile: Pourquoi occupe-t-il la terre? • Ut quid terram occupat ? » (S. Luc, ch. XIII, v. 7).

Saint Matthieu et saint Marc nous racontent l'histoire du figuier stérile que maudit Notre-Seigneur.

2. A. DE MUSSET, Stances à une morte. H. BORDEAUX développe cette même pensée dans La peut'

de vivre. « Hélas 1 à notre époque, on constate avec amertume qu'il

n'y a plus de flamme dans les yeux de la jeunesse .• (A. DAU~ DET).

LA VICTOIRE

quarts de ses ressources et il meurt sans les avoir employées, comme il meurt sans avoir joui de la centième partie des combinaisons intellectuelles que lui permettait la souplesse infinie de son cerveau. Nous sommes comparables à des labou­reurs, qui vivraient sur un hectare de culture, abandonnant cinq cents hectares à la friche.» (Léon Daudet, Devant la douleur, p. 250).

Même pensée chez William James (Revue de Philosophie, avril 1907, p. 317) : « Les hommes placent bien en deçà de leur puissance réelle, les bornes de leur activité. Leur vie est beaucoup plus restreinte que leur capacité. Ce rapetisse­ment de l'homme par soi-même, doit être tenu pour regrettable. » « Ce rapetissement !... » évite­le 1 Ne sois pas un diminutif d'homme! mais un homme dont on puisse dire vraiment: c'est un homme 1

As-tu déjà réfléchi à cette vérité que l'huma­nité compte très peu d'humains ?

Beaucoup de linottes ou de perruches. Peu de femmes.

Beaucoup de serins, de perroquets ou de vau­tours. Peu d'hommes.

Mon Dieu 1 que de bien à faire aujourd'hui 1 Voici les œuvres sociales, les conférences, les pa­tronages, les œuvres de préservation, d'instruc­tion catéchétique, etc., etc.

L'apostolat du laïc par le laïc est parfois le plus puissant. Le prêtre ne pourrait pas pénétrer dans certains milieux; on serait Sur ses gardes, voyant sa robe noire, et cette leçon sacerdotale

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310 LE COMBAT DE LA PURETÉ

trop directe effaroucherait. Il n'est pas rare que le conseil venant d'un homme du monde, d'un homme comme tous les hommes, fasse plus d'im­pression.

Sois apôtre. Quand un brave a retiré une per­sonne d'un incendie, d'un précipice, on l'appelle sauveur 1 Il est plus beau encore d'être un sauveur d'âmes 1

Évidemment Dieu peut les sauver sans nous. Mais, dans l'ordre normal de la Providence la cause première se sert des causes seconde; et Dieu a voulu que l'homme fût sauvé par l'hom­me, qu'il fût sauvé socialement. «Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Com­ment donc invoquera-t-on Celui en qui on n'a pas cru ? Et comment croira-t-on en Celui dont on n'a pas entendu parler? Et comment est-ce qu'on entendra parler, s'il n'y a pas de prédica­te~r~ ?» (Ép., aux Rom., ch. X, v. 13). Or, le predlca~eur n est pas seulement celui qui parle en chaIre avec une étole et un surplis. Cette prédication-là est officielle, rare, n'atteint qu'une portion d'hommes déterminée : la meilleure 1 En réalité, c'est à chaque homme que Dieu a confié ce glorieux mandat: l'âme de son frère: « Man­davit unicuique de proximo suo.» (Eccli., ch. XVII, V. 12).

Entre dans les œuvres 1 Tandis qu'on mendie des dévouements, que certains se tuent à la tâche, que les vieux lutteurs se demandent in­~uiets qui les remplacera, tu irais, toi, bâiller ta Jeunesse en gémissant: « Oh 1 que le temps est long 1 que je m'ennuie 1 »

~'!.." -

LA VICTOIRE 3I!

Tu as vingt ans, ami. Sur la scène du monde tu as le devoir d'être un acteur et non un misé­rable fantoche de guignol, dont l'apparition et la disparition, sans conséquence, rappellent ces vers de la naïve chanson: .

Les marionnettes font, font, font Trois petits tours et puis s'en vont.

Hélas 1 en connaissons-nous, de ces marion­nettes-là 1

* * * Outre les œuvres, n'oublie pas l'étude. Elle est pour le jeune homme tenté un puissant

révulsif 1.

Dieu me garde de dire que tous les paresseux sont immoraux et d'adjuger de confiance à tous les premiers de classe, en même temps que le prix d'excellence, un brevet de vertu. Mais au moins, ce que nous remarquons à l'évidence dans nos collèges, c'est que les paresseux sont plus exposés aux suggestions du mal, et qu'au contraire les « premiers» ont pour eux une « présomption» de pureté.

Les jeunes gens touchés par le vice, se désaffec­tionnent de l'étude. Il s'agit bien de logarithmes et de grec, pour celui qui est pris à l'appât de la chair 21 D'ailleurs, le vice a un contre-coup sur

1. « On trompe la faim de son cœur, par la gourmandise de l'esprit. D (G. DROZ).

2. «Il n'est que trop fréquent de voir des jeunes gens atteints de ce mal (impur) devenir inappliqués et paresseux dans leurs études, manquer leurs examens, se réfugier dans des carrières où la vie s'écoule aussi inféconde que peu glo-

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312 LE COMBAT DE LA PURETÉ

la mémoire et l'intelligence. C'est fatal. Dès qu'il y a fort ébranlement nerveux, le cerveau s'y trouve directement intéressé. Or, le cerveau est l'organe de la mémoire sensible et aussi du phan­tasme qui précède toute pensée 1.

La pureté profite généralement à la tête, chez le jeune homme, comme au cœur chez la jeune

rieuse. Leur inaptitude au travail les prépare à accroître la race si peu sympathique des vieux garçons.» (GUIBERT, Pureté, p. 60).

,1. Sans doute, le cerveau ne produit pas la pensée, comme le prétendent les matérialistes, mais seulement les phantasmes qui précèdent (si pas chronologiquement, au moins logique­ment et ontologiquement) la pensée.

On ne peut jamais confondre une chose, avec la condition, même absolument nécessaire, de cette chose.

« Vous ne pourriez pas, dit le P. LAHR, S. J., dans sa Psy­chologie, écrire un poème sans plume. Et cependant la plume n'est pas le poème 1 »

Vous ne pourriez pas acheter des aliments sans argent, et cependant l'argent n'est pas le pain 1

Ainsi le phantasme n'est pas l'intelligence, quoique nous ne puissions point penser sans avoir eu préalablement un phantasme. Je dis "nous », car cette condition ne vaut pas pour tous les êtres et n'est pas essentiellement supposée par l'intelligence: Dieu et l'ange pensent sans cerveau. Nous­mêmes, nous penserons ainsi après la mort, avant la résur­rection de nos corps. Mais cette nécessité du rôle antécédent joué par le cerveau est de rigueur ici-bas, chez l'homme, com-posé indivisible d'âme et de corps. \

Chez lui, trois phases successives : a} Impression sur les sens. «Nihil in in tellectu, nisi pri!!S

fuerit in sensu. » Pas de phénomène intellectuel, 'que n'ait précédé un phénomène sensoriel:

b} Phantasme dans le cerveau. c} Pensée de l'intelligence. ~mment s'opère l~ passage de la deuxième phase à la

~rOlsIème ? Mystère ajouté à tant d'autres mystères 1 Nous Ignorons le comment, mais nous connaissons le fait: antécé­demment à l'opération intellectuelle, il y a travail cérébral.

LA VICTOIRE 313

fille. Elle donne à l'intelligence une vigueur, une plénitude extraordinaires. '

Servir les sens, c'est desservir la pensée. As­servir les sens, c'est affranchir la pensée. Et le fait est tellement frappant qu'on a formulé le dicton (qui d'ailleurs appelle plusieurs exceptions): « Le génie est célibataire. »

« Les grands conducteurs d'hommes, les grands créateurs ont toujours été des chastes, qui avaient réservé, au service de leur dynamisme cérébral, une énergie que gaspillent les incontinents.» Ces mots ne sont point d'un poète, d'un prédica­teur: c'est le Docteur L. Delattre, Inspecteur d'hygiène, qui, en 1922, les insère dans son Rap­port concernant un plan d'éducation morale et hygiénique de la vie sexuelle ». (p. 10) (Imprimerie Nossent, Bruxelles). « Voulez-vous devenir savant? demandait le

mathématicien Cauchy à un de ses élèves: « Eh bien 1 avant tout, soyez chaste 1 » Et Michel-Ange recommandait la continence aux artistes, en disant: « La peinture est si jalouse qu'elle ne supporte pas de rivale. »

« Balzac et d'autres ont remarqué que la créa­tion littéraire ou artistique était augmentée par

Dès 101"8, on comprend que, si le cerveau est atteint, par exemple, à cause de l'ébranlement nerveux résultant des excès vénériens la pensée elle-même s'en ressentira indi­rectement, mais réellement, puisque l'activité du cerveau, ce présupposé nécessaire, est compromise. La même conséquence se remarque dans tous les cas où le cerveau a souffert d'une manière quelconque: tmumatisme, choc, ablation partielle, volume ou développement anormal, remèdes spéciaux, fatigue, âge, etc.

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

la chasteté, diminuée par le contraire. » (L. Dau­det, L'Hérédo, p. II7).

1 Allons, ami 1 Aime les chastes délices de l'esprit. {( Dieu 1 de quelles joies nous nous pri­vons par nos intempérances 1» (Joubert).

* * * A côté de l'étude au Collège et à l'Université,

se placent l'étude personnelle, plus attachante et les Cercles d'études où l'on se retrouve entre j~unes. Bien conçu, le Cercle d'études est pas­SIOnnant.

Jean Vézère le décrit dans Leur Péché: « C'est une gaîté folle, un entrain endiablé de

la jeunesse, de l'élan. Ils remuent plus d'idées, en dix minutes, qu'on n'en agite en toute une soirée dans le monde que je fréquente, le monde où l'on s'ennuie 1 Il Y a, assis fraternellement autour de la même table, de futurs médecins, de futurs avocats, de futurs journalistes.

» Non 1 on ne s'ennuie pas dans un tel milieu 1 On vit double 1 Tant d'esprit s'y dépense 1 Ce n'est que plus tard qu'on économise les bons mots. ~ais, quand on est jeune, on est prodigue' ! On Jette à tout propos, à tout venant, ce qui s'agite et bouillonne dans le cerveau et dans le cœur: théories d'art, rêves humanitaires, aperçus philo­sophiques, brillants paradoxes, espiègles boutades, am1;>itions patriotiques, préoccupations sociales, projets de dévouement.

» Quelle jeunesse 1 Quelle saine, quelle vaillante, quelle vibrante jeunesse 1 Ah 1 ces cœurs de seize

ans 1

LA VICTOIRE

Il Quand ils ne sont pas prématurément flétris par le scepticisme, gâtés par le vice, comme ils débordent de désirs immenses 1 . » Cœurs naïfs, cœurs puérils par certains côtés, et, par d'autres, si profonds et si graves 1 Ils n'ont plus l'égoïsme de l'enfant, ils n'ont pas encore les calculs et les complexités de l'homme. En eux jaillit une source qui veut s'épancher, le plus loin possible, sur le monde.

» Les maux qui nous affligent l pauvreté, ob­stacles, ruines et périls, ne font qu'exalter leur courage. Eux, qui ont toute la vie à leur portée et qui vont la cueillir comme on cueille ravi le fruit savoureux qui pend à la branche, loin de craindre la mort, sont prêts à la braver avec un sourire, pourvu qu'elle soit belle 1 Nous raison­nons sur le sublime; ils le sentent 1 ils l'atteignent parfois dans l'élan de leur enthousiaste admira:­tion. La gloire commande notre respect, . mais éveille en eux des frémissements de fanfares 1

» Adolescents 1 il faut n'avoir jamais eu (vrai­ment) seize ans, pour ne pas comprendre votre âme 1 charmante comme tout ce qui n'est pas achevé, votre âme incertaine entre les balbutie­ments et les fièvres. On vous méconnait 1 car vous jouez parfois comme les tout petits; qui ne sait, cependant, qu'à la minute suivante, vous seriez capables de donner ce que vous avez de plus cher au monde, pour être des héros 1 »

150 a.rme: Il ne s'agit pas, dans la tentation: l'aide d.n impure, de phénomènes seulement

médecm. psychologiques, mais aussi de phéno­mènes physiologiques.

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316 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Parce que l'âme est en jeu, il faut recourir au prêtre. Parce que le corps est en jeu, il faut sou­vent recourir au médecin.

Le R. P. Vermeersch, S. ]., y insiste dans son livre sur la chasteté 1.

Le docteur pourra, d'après les cas, tenter diffé­rents re~èdes ou procédés: emploi du camphre, du lupulm, du bromure; hydrothérapie, lavage local à l'eau froide ou vinaigrée, moyens propres à calmer les nerfs, compresses, cautérisation suggestion. Parfois (nous disons parfois ... ) l~ médecin recourra utilement à l'hypnotisme 2. En­fin il indiquera comment il faut soigner les mala­dies vénériennes dont il sera question immédiate­ment.

n importe de ne consulter qu'un docteur con­sciencieux. jo~gnant à. la sûreté des principes moraux, le dOIgté reqUiS pour une cure physiolo­gico-psychologique. 16- arme: Nous l'avons dit: on ne meurt pas la crainte. de d'être continent.

la maladIe. M' aIS on meurt de ne pas l'être. « Cette débauche du jeune âge est un immense

danger pour les enfants qui s'y livrent. » (Dr E. Perrier).

« Que n'entendez-vous les histoires lamen­tables de ces êtres abrutis, de ces héroïnes flétries qui naguère, comme vous, couraient de fête e~

1. No' 219, 382, etc. 2. «Nec in hac re, prudens hypnotismi usus damnandus

est. ~ (R. P. VERMEERSCH, S. J., De Castit., nO 13. - Vou aUSSl le nO 382).

LA VICTOIRE 317

fête. Maintenant les voilà 1 » (Dr Bourgeois, Les passions, p. 150).

« De toutes les causes propres à raccourcir la vie, je n'en connais aucune dont l'action soit plus destructive et qui réunisse en elle, à un plus haut degré, les propriétés antivitales. » (Hufeland).

« Aucun excès ne diminue aussi sûrement la puissance de vitalité, aucun n'affaiblit davantage tous les organes, ne favorise aussi certainement la consomption. » (Sir James Paget).

« N'avez-vous pas rencontré de ces hommes qui, à la fleur de l'âge, à peine honorés des signes de la virilité, portent déjà les flétrissures du temps... le front chargé de rides précoces? .. Qui a touché cet enfant ? Qui lui a ôté la fraîcheur de ses années? .. . C'est le sens dépravé. » (Lacor­daire) .

Tous ces textes ne font que commenter celui de saint Paul: « Vous avez livré vos membres à l'impureté... La fin de ces choses, c'est la moit. » (Ép. aux Rom., ch. VI, v. 19 et 21).

* * * Le dévergondage compromet la santé, d'abord

d'une manière indirecte, en agissant fortement sur le moral.

Il entraîne de nombreux « inconvénients psy­chiques » 1. Lesquels ?L'habitude impure «ap­paraît comme une défaite de la volonté. Elle dé­prime; elle crée un état de découragement

1. Dr DE]ERI NE, PsychonéIJ"ose$, p. 87.

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

qu'entretient et qu'aggrave chaque rechute. 1 .

Ces mots sont du Docteur X. Francotte 1.

Le R. P. Vermeersch, s. J., signale le même fait: « Des effets psychologiques très fréquents accompagnent ou suivent ce vice: " . mélancolie, \ recherche de la solitude, enfin et surtout neuras­thénie. Ce qui contribue beaucoup à amener ces suites, c'est la conscience d'une défaite de la volonté, la note de flétrissure infligée par l'estime commune au consuétudinaire, le remords, les angoisses religieuses .. . Gemelli décrit fort bien cette diminution morale de l'adolescent à ses propres yeux. Celui-ci croit que sa faute est connue de tous; il s'imagine que son père et sa mère, en l'embrassant comme à l'ordinaire, vont remar­quer en lui quelque chose de nouveau et lisent, pour ainsi dire, la vérité sur son front Il. »

* * * Peut-on aller plus loin et affirmer que l'im­

pureté ruine la santé? Ici, comme toujours, il faut avant tout être

loyal. On ne blâmera jamais trop ceux qui in­venteraient des dangers inexistants, ou tout au moins forceraient les données de la réalité, afin de retenir plus efficacement, par la crainte, dans la voie du devoir. Cela est indigne. Il ne faut jamais servir la vérité par l'erreur. La fin ne justi­fie pas les moyens.

1. Annales de ta Soc. Scientil., séance du 10 avril 19°7, P·3°·

2. De Castit., nO 44. fin.

LA VICTOIRE

Répondons sincèrement à la question: le vice compromet-il la santé?

Ses effets désastreux semblent avoir été exa­gérés. C'est l'avis des trois auteurs que je viens de citer: le Dr Dejerine (Psychonévroses, p. 87) ; le Dr Francotte (lac. cit.) ; le R. P. Vermeersch, S. J" (De Castit., nO 44).

On pourrait ajouter le R. P. Génicot, S. J. 1

Mais ces quatre auteurs s'expriment, dans une question si délicate, avec beaucoup de circon­spection. Ainsi le Dr X. Francotte, ayant donné son opinion, ajoute immédiatement: « Je l'en­toure d'ailleurs de formelles réserves. Je ne puis oublier en effet que des hommes de grande auto­rité et de grande expérience, tels que Krafft­Ebing, Freud, Lôwenfeld, font (au vice) urie part assez considérable dans la genèse de névropathies et de vésanies. » (Loc. cit., p. 30, note).

De plus, tous ces auteurs supposent qu'on ne s'adonne au vice: ni très tôt; ni très tard; ni avec excès; ni avec péril de contagion. Expliquons­

j nous: r O Ni très tôt: Mais seulement à l'âge qui serait normalement,

celui des relations conjugales. Si donc il s'agissait d'un enfant, d'un très jeune adolescent, on serait, en dehors de l'hypothèse, et, selon l'avis général, les actions défendues entraîneraient de nombreux inconvénients de santé.

2° Ni très tard: Dès qu'on est aux approches de la vieillesse,

1. Casus! t. I. De sexto praeo., c. 1. casus o.

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320 LE COMBAT DE LA PURETÉ

perpétrer le mal, c'est « se jeter soi-même une pel­letée de terre sur la tête », comme disait Maury à Portal.

30 Ni avec excès: Les abus du dévergondage altèrent profondé­

ment la santé. L'affaiblissement a pour cause la dépense nerveuse 1. Les actions coupables « ex­citent, ébranlent le système nerveux 2.» Les organes surmenés deviennent impuissants, et voilà le voluptueux pris à son propre piège. Nous rappelons qu'il n'est question, dans tout ce que noùs disons en ce moment, que des excès.

Outre le système nerveux, « les systèmes cir­culatoire et respiratoire souffrent beaucoup 8. »

Guibert écrit dans La Pureté: « Le pauvre vicieux n'a-t-il pas constaté que le cœur était la première victime de sa mauvaise action, lorsque, s'y livrant, il ressentait des battements insolites et des respirations haletantes? » (p. 36) .

L'hypertension artérielle qui se produit tou­jours dans ces actes et que le débauché provoque avec une fréquence si imprudente, cc est suivie d'une diminution brusque de la tension arté­rielle, qui peut amener la syncope ou la mort subite. Le refroidissement périphérique, qui se manifeste à la langue et aux lèvres, se montre aussi dans l'apparition du casque, de la rachialgie'».

« La plupart des morts subites, pendant l'acte vénérien, sont dues à des épanchements de sang

1. P. GOY, La pureté f'ationnells. 2 . Dr POUILLET, M édec., p . 19 6 . 3. ANTONELLI, Med. past .• p. 313. 4. Dr FÉRÉ, Insf. se~ •• p. 240.

LA VICTOIRE

dans le cerveau, dans les poumons, ou à la rup!! ture d'un anévrisme. Il n'est pas rare que l'on ait à constater des faits de ce genre dans les mai­sons de prostitution. »1

Se surmener, à un certain âge, c'est risquer la congestion cérébrale.

4° Ni avec péril de contracter les maladies spé­ciales.

Elles seront décrites à l'instant. Qu'elles soient terribles, c'est d'une telle évidence qu'il n'y a, sur ce point, aucune voix discordante.

Or, dans l'indiscipline des mœurs, le danger de contagion existe, à moins que l'on commette le péché solitaire, ou que l'on soit rigoureusement certain que l'autre personne n'est pas contaminée. Mais il est fort malaisé d'avoir pareille assu­rance, surtout pour le jeune homme sollicité par des inconnues ou par ces professionnelles du vice, qu'on nomme les prostituées.

Citons une page du Docteur Fournier, tirée de sa brochure: Pour nos fils, quand ils auront r8 ans. (p. 4r) . cc Les provocations dont je viens de vous parler émanent presque invariablement du pire ordre des prostituées, à savoir de celles qu'en langue administrative on appelle clandes­tines, ou bien encore les insoumises, parce qu'elles ont échappé jusqu'alors au contrôle hygiénique de la police. Entre toutes, celles-ci sont de beau­coup les plus dangereuses, parce qu'elles ne sont pas surveillées médicalement et, en conséquence, non retranchées de la circulation alors qu'elles sont affectées de tel ou tel accident vénérien.

1 . Dr BERGERET, Médec. , p. U2.

Le CombJ4t da hl PllfeW

Page 161: Hoornaert Le Combat de la Pureté

322 LE COMBAT DE LA PURETÉ

• CI Elles s01!t même dangereuses dans une propor­t~on numén.que étonnante. Ainsi plusieurs statis­tIques officIelles s'accordent pour attester que, sur ~oo .de ces femmes arrêtées pour délit de prostItutIOn, on en trouve toujours un tiers de malades (de 25 % à 48 %), c'est-à-dire affectées de blen~~rrhagie, soit de chancre~ simples, soit de syphIlIs, ou même de plusieurs de ces mala­dies à la fois.

. » ~onc, lorsqu'on se laisse entraîner par une prostItuée clandestine, l'indice des dangers en­courus est de 33 % environ. Donc, avec cet ordre ?e, f:~mes, sur tr~is rencontres, une sera presque mevItablement sUIvie de contamination.

» De ce qui précède n'allez pas maintenant, à la façon de certains naïfs, déduire la conclusion suivante: « Puisque les prostituées non surveil­lées sont dangereuses, celles qui sont surveillées ne doivent pas être dangereuses » ; car la première de ces propositions n'implique en rien la seconde. Certes oui, la prostituée surveillée est bien moins da?gereuse que. la prostituée clandestine, parce qu elle est médIcalement examinée tous les huit jours (plus ou moins!) et séquestrée au cas où elle est reconnue « malade ». Mais, de l'un de ces examens au suivant, il s'écoule huit jours, pen­dantlesquels a tout le temps de se produire soit une blennorrhagie, soit un chancre soit une réci­dive de plaques muqueuses. Par c~nséquent, une fille reconnue saine aujourd'hui peut être demain u~e fille ~alade et contagieuse. D'ailleurs, enre­gIstrez bIen aussi en vos souvenirs cet autre résultat d'observation médicale, à savoir que toute

LA VICTOIRE

fille, après deux ou trois ans d'exercice de la prostitution, est pour ainsi dire fatalement en­tachée de syphilis. »

La syphilis 1 qui, avec la blennorrhagie et le chancre mou, forme le redoutable trio des mala­dies vénériennes. Ceci nous amène tout natu­rellement à parler de ces trois cas. Mais voulant nous abriter derrière une haute compétence, nous avons demandé à M. le Docteur H. Rulot, Inspec­teur principal du Ministère de l'Intérieur et de l'Hygiène, à Bruxelles, de vouloir bien rédiger lui-même entièrement ce chapitre.

Rapport de « Les maladies vénériennes sont des M. le Docteur maladies contagieuses, c'est - à - dire

Rulot. qu'elles se transmettent par contact. 1) Ces maladies sont spécifiques, c'est-à-dire que

chacune d'elles a son germe propre. Il ne s'en suit pas que ces maladies s'excluent l'une l'autre; elles peuvent exister simultanément chez un même individu: un contact malsain donne assez souvent deux de ces maladies à la fois.

» Ces maladies sont graves par elles-mêmes, et l'absence de traitement ou un traitement mal dirigé les rend plus graves encore.

» Les maladies vénériennes, au nombre de trois, sont dans l'ordre de gravité croissante! le chancre mou; la blennorrhagie; la syphilis. _

» L'exposé de ces maladies fera ressortir, mieux que des considérations générales, leurs consé­quences désastreuses et la nécessité pour chacun de faire tout ce qui est humainement possible pour éviter de les contracter. .

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.. ~-

LE COMBAT DE LA PURETÉ

Chancre mou.

li Cette affection qui est purement locale c'est­à-dire qu'elle n'a aucun retentissement sdr l'en­semble de l'organisme humain, est due au bacille de Ducrey .. Il faut, pour produire une infection, que ce bacIlle de Ducrey rencontre une solution d~ continuité (si petite soit-elle), de la peau ou d une muqueuse; en ce point, il se multiplie et produit ce que l'on appelle le chancre mou. Le chancre ~ou siège, presque toujours, sur les or­ganes gémtaux ou dans leur voisinage immédiat et apparaît. d',~bord sous la forme d'une petite ér?SlOn, qm .s etend graduellement jusqu'à at­tem~re les dune~sions d:une pièce de cinquante centunes. Une fOlS constItué, le chancre présente une forme assez régulièrement circulaire; ses bords sont nets, comm~ taillés à l'emporte-pièce; son fond, de couleur Jaune sale, est d'ordinaire couvert de pus.

» Ce pu~ .est très virulent; en se répandant dans le vOIsmage du chancre, il y engendre habi­tuellement une série de chancres ayant les mêmes caractères que le chancre initial. Le chancre mou laisse aux t~ssus sur lesquels il repose, toute leur souplesse; c est de là que vient son nom. Il est assez douloureux, en sorte que le malade remarque son existence dès le premier jour.

» Ne croyez cependant pas qu'il soit facile de poser un diagnostic du chancre mou' il faut presque toujours que l'examen clinique soit appu:yé ~ur ?es recherches microscopiques et parfOIS bl.oloSIques, pour établir un diagnostic avec certItude, ce qui est absolument indispen-

E. !!t_. ES_ ==- C5SD

LA VICTOIRE

sable pour permettre au médecin d'instituer le traitement idoine et partant efficace. .

» ComPlications. - Le chancre mou est ordi­nairement accompagné d'un gonflement (glande). dans l'une des aines. Cette glande est unique; elle peut s'enflammer et suppurer (abcès).

Il D'autre part, les dimensions du chancre peuvent dépasser sensiblement les limites indi­quées plus haut; la virulence du germe peut être telle que le mal s'étende rapidement (phagédé­nisme), en dépit de tous les soins et du traite­ment le plus judicieux; le mal progresse gra­duellement, les tissus sont, de proche en proche, frappés de gangrène. Le malheureux ainsi atteint ne se guérit qu'à la longue; trop heureux encore, si son mal n'a pas laissé des suites irréparables.

»Terminaison. - Le mode de terminaison habituelle est la guérison. Une cicatrice blan­châtre reste le témoin indélébile de l'affection passée.

Blennorrhagie.

r C'est une affection microbienne, contagieuse et spécifique. Sa cause efficiente est le gonocoque de Neisser. Elle n'a aucune parenté ou lien com­mun avec le chancre mou et la syphilis.

» Siège habituel: le canal de l'urèthre (conduit urinaire). Mais la blennorrhagie peut frapper également d'autres organes.

Il Elle apparaît d'ordinaire dans les quatre ou cinq jours qui suivent le contact infectant, rarement après huit jours.

)) Symptômes. - La maladie se reconnaît aux deux caractères suivants:

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" 10 une sensation de chaleur cuisante et dou-10'!-1"e';Ise dans le canal, pendant la miction (action unnaIre). Cette douleur est parfois si vive, que le m~lade la redoute à l'égal d'un supplice. Dans certams cas, le mal peut gagner la vessie' la dou­leur est alors à peu près continuelle et ~nlève le repos et le sommeil pendant plusieurs jours.

JJ ~o un écoulement qui se produit par le canal de 1 urèthre. Cet écoulement d'abord incolore puis blanc-gris~tre, devient jaunâtre; la maladi~ est alors constItuée, et cette période a une durée de deux ou trois semaines; puis, si tout se passe sans a?cr?c, le ~al rétrocède. Peu à peu, la dou­leur dImInue, 1 écoulement se fait moins abon­dant, mo~ns épais, I1!-0in~ j~une; enfin, après un temps qUI varIe de CInq a SIX semaines, tout peut rentrer dans l'ordre.

» Complications. - Malheureusement, il est rare que tout. se passe aussi simplement; le cours de la maladIe est souvent traversé d'accidents ou compli~ations, qui l'aggravent et en prolongent la duree; nous allons les exposer brièvement l

» a) 1'.épididymite blennorrhagique. Cette in­flammatIOn locale des parties génitales est une complication fréquente et extrêmement doulou­reuse, qui peut avoir, comme conséquence fatale la stérilité. '

» b) la ~ystite, ou inflammation de la vessie, n'est guère mOInS fréquente; par les besoins continuels de miction qu'elle provoque et les douleurs qui en résultent, elle constitue pour le patient une douleu: de tous les instants. Pourvu que ce mal ne deVIenne pas chronique 1 pourvu qu'il s'arrête

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là et ne se propage pas jusqu'aux reins i car alors, il crée la néphrite avec ses conséquence~ possibles (albuminurie, hydropisie, mort).

» c) la conjonctivite blennorrhagique (inflam­mation de la membrane qui tapisse les yeux et la face intern,e des paupières) est plus redoutable encore que les complications précédentes; une infime quantité de pus, portée aux yeux par les doigts ou les linges de pansement, suffit à la pro­voquer; l'œil, ainsi atteint, est irrémédiablement perdu) si la maladie n'est pas enrayée dès les, premières heures. '

» Ces trois complications résultent de l'exten­sion graduelle du mal ou du transport accidentel du pus par les mains ou par un objet quelconque; leur éclosion peut le plqs souvent être évitée P8:f un traitement précoce, bien suivi et par des pré­cautions incessantes; mais il est d'autres com­plications que les soins les plus diligents ne peuvent prévenir et qui sont dues à la pénétration dans le sang du germe de la maladie: du gonocoque. Ces complications peuvent se produire en des points de l'organisme très éloignés du siège pri­mitif du mal. C'est ainsi que l'on peut voir sur­venir au cours de la blennorrhagie:

» a) des arthrites ou inflammations articulaires. C'est l'articulation du genou qui est le plus sou­vent atteinte: complication toujours sérieuse, à raison de sa longue durée et des désordres graves et irrémédiables qui en sont la conséquence habi­tuelle; en effet, le résultat très ordinaire est une perte plus ou moins complète des mouvements de l'articulation.

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

» b) de l'iritis. Cette affection consiste dans l'inflammation d'une membrane interne de l'œil; elle est très douloureuse et peut aboutir à la perte de l'usage de l'œil, si elle n'est pas soumise immé­diatement à un traitement énergique.

» c) de l'endocardite, ou maladie de la membrane interne du cœur. Pour mieux faire saisir la gravité de cette complication, nous citerons le cas d'un jeune homme dont la blennorrhagie se compliqua simultanément de plusieurs arthrites et d'endocar­dite; il en resta perclus et mourut quelques années plus tard des suites de sa maladie cardiaque.

» Il existe encore bien d'autres complications de la blennorrhagie, mais nous avons voulu nous contenter d'en signaler les plus graves, qui sont en même temps les plus fréquentes.

» Terminaison. - Ce que nous venons de dire des complications montre assez que la guérison pure et simple n'est pas la règle ordinaire 1 Et nous ajouterons que, même lorsque la maladie ne s'est pas compliquée, la guérison n'est pas tou­jours complète.

» Le passage de la maladie à l'état chronique est assez fréquent: c'est la blennorrhée, caractérisée par l'apparition, le matin, au lever, d'une petite gouttelette de liquide trouble et visqueux, à l'orifice de l'urèthre. Le sujet n'en éprouve du reste aucun malaise ou ennui; mai$, il reste en puissance du mal. La blennorrhée peut durer la vie tout entière. Si le mal n'est pas pénible pour celui qui en est atteint, il n'en revêt pas moins un caractère de réelle gravité, car à tout instant et SÇ>US l'influence des circonstances les plus banale~

LA VICTOIRE

(simple excès de boisson, par exemple) la blen­norrhée peut repasser à l'état aigu. Ce qui est bien plus grave encore, c'est que le blennorrhéique est un porteur de germes et, s'il n'a pas conscience de son état, il est un danger permanent pour son entourage. Un blennorrhéïque ne peut pas se marier aussi longtemps qu'il n'est point guéri.

»Une autre conséquence, éloignée et durable, de la blennorrhagie est ,constituée par les rétré­cissements du canal de l'urèthre; peu incommodes dans les premières années, ils deviennent avec l'âge une source d'ennuis sérieux; le sujet n'urine plus qu'avec peine, et l'intervention chirurgicale elle-même ne remédie qu'imparfaitement à une situation critique, qui aboutit fatalement à l'in­flammation chronique de la vessie : infirmité bien autrement pénible et dangereuse que celle qui l'a provoquée.

» Conclusion. »La blennorrhagie n'est donc pas une maladie

négligeable. Même bien traitée, elle peut encore être, pour celui qui en est porteur, la source d'ac­cidents graves et de misères longues et pénibles. A plus forle raison en sera-t-il ainsi, lorsqu'elle est mal soignée. Plus le traitement sera précoce, plus les chances de guérison seront grandes.

Syphilis.

1 Cette maladie est plus ordinairement connue sous le nom de vérole; on l'appelle parfois avarie.

» Elle est causée par un protozoaire appelé spirochète pâle de Schaudinn ; la syphilis est .donc \:lne maladie spécifique. En outre, elle est ém~nem-

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._!ZtU!L! EZ!E

330 LE COMBAT DE LA PURETÉ

ment contagieuse; elle peut, en effet, se trans­mettre par un contact quelconque: le simple attouchement du malade ou l'emploi d'un objet (verre, cuiller, fourchette, pipe, rasoir, instrument à vent, linge, etc.), ayant servi à celui-ci, sont fréquemment cause de la maladie; cela tient à ce qu'au cours des trois ou quatre premières années de son affection, le syphilitique porte sur la peau et les muqueuses (bouche, nez), des érup­tions suintantes dans lesquelles se trouve le germe du mal. De nombreux médecins se sont infectés en examinant de semblables malades, ou au cours d'opérations sur des avariés. Pour la même raison, le syphilitique est un danger per­manent pour son entourage (parents, frères, sœurs, femme, enfants, amis, compagnons de bureau ou d'atelier), danger d'autant plus grand qu'il est généralement ignoré. Soucieux de cacher son mal à tous les yeux, le syphilitique expose tous ceux qui l'approchent à la plus terrible des contaminations.

Il Ajoutons que le mal se transmet par hérédité; les enfants, issus de syphilitiques, sont presque sûrement frappés, dès la naissance, de la triste maladie de leurs parents.

Il Caractères de la maladie. Son évolution com­prend trois périodes bien distinctes: la première période est celle du chancre syphilitique; la deuxième, celle des lésions superficielles et enfin, la troisième, celle des lésions profondes.

Il 10 Le chancre syphilitique est la première mani­festation du mal.

l) Il apparaît d'ordinaire dans les quinze pre-

oU :::x ~!"_

LA VICTOIRE 331

miers jours qui suivent le contact infectant, mais ce délai peut être porté à quarante jours .. Com~e pour le bacille du chancre m?u, le splf(~ch~te pâle doit rencontrer une solutlOn de contmU1~é de la peau ou d'une muqueuse, pour pOUVOIr pénétrer dans l' organisme I:u~ain et provoquer à son point d'entrée l'appantIon du chancre. On peut donc rencontrer. celui-ci ~n. n'importe quel endroit du corps, malS plus speCIalement sur les organes génitaux, sur les lèvres et la langu:. .

» Il se présente sous la forme d'une. ulceratwn d'étendue variable (parfois c'est UI~e SImple éro­sion ou fissure de la peau; ou bIen encore un petit bouton ulcéré) peu profonde, à bords pe~ saillants; son fond n'est pas cou~ert de pus, malS d'une sorte de sécrétion visque?S~, peu. ~bondante, qui lui donne un aspect vermsse ; saISI entre les doigts, il donne une sensa~ion de résistance telle que si l'ulcération reposaIt sur un fond .caout­chouté, ce qui lui a valu le nom de chancre mduré. Il est indolore ou à peine douloureux~ de ~orte que, s'il siège en un endroit I?eu acceSSIble a la vue, il peut facilement passer maperçu. 'A

» Si, tout au début, le chaIl:cre peut n etre qu'une simple apparition locale, Il est e? ~ous ~as la manifestation première d'un mal general, m-fectant tout l'organisme. . . .

» Tous ces caractères font bien ressortIr la dif­férence qui existe entre le ch.a~cre mou et le chancre syphilitique et la néceSSIte pour l~ mala~e de consulter le médecin, qui posera un dl~gnOSt1C précis et précoce duquel dépend le traItement.

J La durée du chancre est très variable. Sa,

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332 LE COMBAT DE LA PURET:r:

guérison, parfois complète au bout de quelques jours, peut, dans certains cas, réclamer un et même deux mois de traitement. L'induration qui siégeait à sa base ne disparaît qu'à la longue.

» En même temps que le chancre, apparaît dans son voisinage une série de gonflements gan­glionnaires (glandes) non douloureux et ne don­nant presque jamais lieu à abcès. Ces glandes reviennent peu à peu à leur volume normal.

l) 20 Deuxième Période ou période des lésions super ficieUes.

Il Le chancre est suivi, à bref délai, de lésions diverses du côté de la peau et des muqueuses, en même temps qu'apparaissent de la fièvre, de vio­lents maux de tête (surtout nocturnes) et une anémie plus ou moins prononcée.

» La roséole est habituellement la première manifestation cutanée de la maladie arrivée à cette période. De petites taches rosées appa­raissent en différents points du corps, surtout visibles là où la peau est la plus fine.

» Une autre manifestation secondaire précoce et qui fait rarement défaut, ce sont les Plaques muqueuses, sortes d'érosions blanchâ.tres, suin­tantes et extrêmement contagieuses, qui se ren­contrent sur les lèvres, sur la langue, dans la bouche, la gorge, le nez, les oreilles, au pourtour de l'anus, etc.

» A côté de ces manifestations cutanées pré­coces, le syphilitique sera exposé aux boutons, pustules, croûtes, ulcérations, etc., se rencon­trant à la face, comme sur toutes les autres par­ties du corps.

LA VICTOIRE 333

J Cette période est encore marquée par la chute des cheveux et des ongles et souvent aussi par une maladie des yeux (iritis) ~ qui, si e!le n'est pas soignée énergiquement des le premIer jour, entraîne la perte de l'usage de l'organe;

» Toutes ces manifestations durent, se répetent ou se succèdent pendant trois à quatre. ans, ne laissant au malade que de courtes pénodes de répit et de tranquillité. Elles sont pour la plupart (surtout les plaques muqueuses), p~r lel!r caractère suintant, une source de contammatlOn efficace et perpétuelle.

Il 30 Troisième période et accidents tertiaires. »Désormais, il ne s'agira plus d'accidents ou

de lésions de surface; c'est la trame profonde des organes qui va être fr.appée ..

» Parvenue à cette pénode, dIt le Professeur Fournier, illustre syphiligraphe, .la syphilis pro­voque des lésions désorganisatnces et destruc-tives des tissus organiques. .

l) Peau, os, yeux, larynx, poumons, fOIe, . esto­mac, intestins, reins, cœur, organes gémta?x, système nerveux, chaque organe peut êtr~ attemt. Et ces lésions sont toujours graves, SI graves même qu'elles peuvent compromet!re la fonc­tion de l'organe atteint et mettre la VIe en danger. Ulcère de la peau, abcès, carie des os (s?rtout des os du nez), maladies internes les plus diverses se succèdent comme par enchantement.

li Une simple liste des accidents tertiaires qu'a relevés le Professeur Fournier sur un total de 4700 malades touchés par le tertiaris~e, ser~ plus éloquente que n'importe quelle conSIdératIon.

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'"""".....,"""""'= ._~=-..",.,==

334 LE COMBAT DE LA PURETÉ

A.ccidents intéressant la peau (syphilides tertiaires)

Tumeurs gommeuses (gommes) sous-cutanées Lésions tertiaires des organes génitaux

de la langue . Lésions du palais et du voile du palais

du pharynx et de la gorge des lèvres des amygdales . de la muqueuse nasale osseuses . osseuses du squelette nasal et . du palais

osseux articulaires. . . du système musculaire du tube digestif . • du larynx et de la trachée du poumon du cœur. de l'aorte du foie • du rein • de l'œil • de l'oreille .... des artères et des veines . • . . .

Syphilis du cerveau et de la moelle - tabes ou ataxie locomotrice, paralysie gén., etc.

Localisations diverses.

151!! cas 220 »

540 1

2 77 • 218 1

1I8 1

45 » 12 » 10 »

556 »

2 41 1

22 1

2 3 • 22 •

36 » . 2 3 »

12 • 14 » II » 39 »

III 1

28 » 17 •

2009 » 22 »

« Nous voyons donc que c'est surtout du côté du cerveau et de la moelle épinière que la syphilis exerce ses ravages. Douleurs nerveuses, paralysie, ~pilepsie, apoplexie, etc., sont l'apanage presque mévitable du syphilitique arrivé à cette période du mal. Et nous n'avons pas encore mentionné la paralysie générale (sorte de folie) ni l'ataxie locomotrice, qui désorganisent le cerveau et la moelle épinière.

LA VICTOIRE 335

» Sur IOO cas de syphilis cérébrale, le Professeur Fournier a constaté que 19 aboutissent plus ou moins rapidement à la mort et 59 permettent la survie, mais avec des infirmités permanentes et définitives dont la plupart sont, comme résultat, à peu près équivalentes à la mort; dans ces der­niers cas, c'est la mort, à petit feu, dans la folie, la démence et le gâtisme.

» Conclusion. n Étant une maladie contagieuse et le mode de

vie de son agent causal étant connu, la syphilis peut être considérée comme une affection évitable dans la majorité des cas.

» L'existence de très nombreux médicaments antisyphilitiques semble prouver que le remède spécifique n'a pas encore été découvert; on peut cependant dire que, dans l'état actuel de la science, il est possible au médecin d'instituer un traitement stérilisant, lequel, s'il n'est pas curatif, permet de faire disparaître les lésions contagieuses existantes et d'empêcher très souvent l'appari­tion des manifestations secondaires et tertiaires.

» Quoi qu'il en soit, un syphilitique doit, en âme et conscience, rester toute sa vie sous la sur­veillance médicale et autoriser l'examen pério­dique de son sang, s'il veut permettre à son méde­cin de prévenir, par un traitement approprié, le réveil toujours possible de l'activité d'un foyer de spirochètes, existant dans un organe quel­conque de son économie. »

Dr H. RULOT, Inspecteur Principal du Ministère de l'Intérieur

et de l'Hygiène, Bruxelles, 5 mai 1922.

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LE COMBAT DE LA PURETÉ

Tel est l'exposé médical des trois maladies vénériennes.

Est-il besoin d'ajouter que, pour garder la chasteté, la crainte de la contagion est un moyen sérieux, mais subsidiaire; la principale considé­ratio~ doit être le devoir. Ne confondons pas une questIon de morale avec une précaution d'hygiène. Santé n'est pas vertu.

Quand même un homme serait certain de ne contracter aucune maladie, ou de s'en guérir sûrement, resteraient la loi naturelle et divine la sanction attachée par Dieu même à la violatio~ de l'ordre moral. On ne peut remplacer la crainte de l'enfer par celle de l'hôpital, ni vouloir substi­tuer un remède à l'Évangile 1.

17" arme: A notre époque de mollesse et de la volonté. confortable, où les jeunes gens s'é­

pargn~nt, pour septante-cinq centimes de tram, la fatIgue des cent mètres qu'ils devraient faire à pied et prennent un ascenseur pour ne pas monter quarante marches, on ne pourrait trop rappeler l'importance de la volonté.

De multiples causes affolent la sensibilité. Très peu contribuent à viriliser le jeune homme, à lui donner de la robustesse.

La solide construction du caractère et l'éduca-

1. ~ Sci~nce n'est pas sagesse et la morale scientifique ne sera JamaIs qu'une sinistre plaisanterie ... La chasteté n'est pas un.e q?estion d'inst~uction~ et il faut avoir l'esprit aussi peu sc~entIfique que philosophIque, pour croupir dans cette ador~tlOn. béate de la science et s'obstiner à réclamer d'elle les dIrectIOns morales qu'elle ne peut pas, qu'elle ne doit pas donner ..• (Docteur PIERRE BARBET, PY/!par. du ieune homm, au manage, par la chasteté, pp. 24 et 25).

LA VICTOIRE 337

fion générale de la volonté: tel devrait être le but de quiconque forme la jeunesse.

Que voulez-vous que nous fassions de t011S ces abouliques, de ces pâles jeunes gens dont le sang paraît manquer de globules rouges et n'avoir que des leucocytes? Soyez convaincus que l'en­fant le plus régulier, celui qui a le plus de cartes dorées au collège, fût-il même Préfet de Con­grégation et eût-il chaque année le prix de sagesse, est terriblement exposé aux défaillances, s'il manque de volonté. N'est-ce pas évident? La pureté, étant une lutte, demande des lutteurs 1 et non, pour répéter une expression célèbre, des « poulets pieux. » C'est blanc et tendre, les poulets 1 mais vous ne voyez pas trop, j'imagine, leur rôle dans un combat! Comme éléments de résistance, c'est d'un pauvre ! •••

n ne suffit pas d'être sage, il faut être éner­gique et même ardent, car « Rien de grand ne se fait sans les passions») et pour réussir en n'im­porte quel domaine « il faut avoir le diable au corps. 1) (de Tocqueville).

* * • Reprenons, un instant, le sujet des lectures,

à ce point de vue très spécial qui nous occupe ici : la volonté.

Défie-toi, jeune homme, des lectures langou­reuses, de tel auteur dont J. Lemaître écrit: Il Il se dégage de son œuvre un sortilège, un malé­fice, une langueur mortelle. Il

Lis, au contraire, la vie d'un homme énergique. Le Combat de hl. Pur6tt!

Page 169: Hoornaert Le Combat de la Pureté

33,8 LE COMBAT DE LA PURETÉ

Mets-toi dans son magnétisme ou, comme on dirait en physique, dans son «( champ d'induc­tion )J.

, Nos. efforts personnel~ ne s~ffisant pas toujours a fortifier notre saractere, l exemple des autres fera suppléance. En plus de l'auto-suggestion, pratiquons l'hétéro-suggestion.

« Indiquez-nous, demandent souvent des jeunes gens, quelques livres capables de tremper le caractère.

Voici quelques références, parmi beaucoup d'autres:

DESERs, Lettres à !ln feune homme sur la virilité dl< cara;;­tère.

GILLET, T. R. P. L'éducation du caractèr~. , La peur de l'effort intellectuel.

La virilité chrétienne. A UTIN, A utorité et discipline en matière d'éducation. DUPRAT, L'éducation de la volonté et des ia,Olùtés logiques. PA YOT, Le travail intellectuel et la v%,lié. ÛLLÉ-LAPRUNE, Le prix IÙ la vie. PERREYVE, Lettres du R. P. Lacordai,·c à des feunes gs'I'ts .

CHARRUAU, Aux armes! Conseil sur la manière de vaincre les tentations.

NOPLE R. P ., Le Père Lacordaire, ap~tre et directeur de.ç feunes gens.

Lisez aussi L'Effort, ce jonrnal ponr jeunes, au titre significatif, si bien vérifié;

, La. collectio~ A mes héroïques, publiée par l Action Cathohque, 79, Chaussée de Haecht, Bruxelles.

DAUMAs, Pour form er une élite. BEAUPIN, Pour être aptJtre. GUIBERT, S. S., Le caractère. - LfI' pureté, Ete.

LA VICTOIRE

() GINON. Formation du caractère. EYMIBU, S. J., Le gouvernement d8 soi-mOme. RIBOT, Les maladies ds la volonté. R. BAZIN. Les hommes de demain.

339

L'idée maitresse est affirmée dès la première page: (1 Les entrepreneurs de fêtes.. . multiplient les statues de bronze : je préférerais que les carac­tères fussent de ce métal-là 1 »

* * * Jeunes gens, quel est, pensez-vous, notre but

dans les collèges ? Vous vous rappelez deux mots profonds: celui

du Cardinal Fleury terminant l'éducation du jeune Louis XV en lui décl~ran~ : « Tout ce .que j'ai voulu, c'est me rendre mutlle ! » et celUl de Mgr Dupanloup concluant un traité pédagogique par la réflexion suivante: « Ce que le maître fait n'est rien; ce qu'il fait faire est tout. »

C'est notre rôle à nous, dans la formation de votre vertu; nous tâchons de vous apprendre à lutter vous-mêmes. Vous-mêmes: car bientôt nous ne serons plus là près de vous, pour vous aider. Vous-mêmes: car, en définitive, chacun SE sauve.

Ce n'est pas votre confesseur qui vous sauve. Un pauvre Congolais, vivant loin des prêtres, sauve son âme, s'il est généreux.

Un pénitent du saint Curé d'Ars gardait le pouvoir de se perdre.

Ce n'est pas votre directeur spirituel qui vous sauve, ni votre prédicateur. Ils vous montrent la route, ils sont, pour ainsi dire, des poteaux indi-

**

Page 170: Hoornaert Le Combat de la Pureté

340 LE COMBAT DE LA PURETÉ

cateurs sur le chemin du ciel. Mais qu'importe le meilleur poteau indicateur, qui désigne fort exactement le but, si le voyageur n'a pas le cou­rage de parcourir cette route? Le poteau ren­seigne, mais ne marchera point à sa place.

Ce n'est pas la Vierge, ni les Saints qui vous sauvent. Ils vous provoquent au bien, mais ne vous forcent pas. Ils sont de magnifiques entraέneurs. Mais si celui qui a le plus fort entraîneur ne le suit pas, alors quoi ? .•

Ce n'est pas même Dieu, Dieu seul, qui vous sauve, car « Dieu qui vous créa sans vous, ne vous sauvera pas sans vous. )) (Saint Aùgustin).

On peut vous recommander la vertu, mais, en fin de compte, c'est vous qui devez la prati­quer: Rien ne vous dispensera de l'effort, et d'un « service personnel)) qui n'admet aucun rem­plaçant.

Saint Ignace, qu'on a injustement accusé de substituer à l'initiative, des méthodes ou des formules, commence les Exercices spirituels en no­tant qu'il faut « se exercere )), s'exercer soi-même.

Vouloir, à votre place, est aussi radicalement impossible que se nourrir à votre place J .

* * * Pratiquez le bien, vous-mêmes.

,La vertu n'est pas extrinsèque, mais intrin­seque.

Qu'est-ce à dire? La protection de la pureté ne peut pas se borner à la précaution extérieure de supprimer les occasions dangereuses. Sans · doute, la surveillance de nos collèges tâche d'écar-1

... ~~--- --".- -- -- -_. -LA VICTOIRE 34I

ter de vous, jeunes gens, ce qui peut être cause de tentations. C'est sagesse élémentaire. Mais si nous nous contentions de cela, notre système d'éducation serait utopique et naïf. Car enfin, vous trouverez fatalement les sollicitations libidi­neuses, dès que, le soir, vous quitterez le collège pour rentrer chez vous: affiches des cinémas; étalages de photographies, de cartes-vues; pein­tures ; statues peu frileuses; couples dans la rue; rencontres dans les trains scolaires, etc. v

Supposons que vous soyez pensionnaires et qu'ainsi vous échappiez à ces tentations du retour quotidien; en tout cas viendront les vacances et tout ce qu'entraînent les vacances: désœuvre­ment, campagne avec ses mœurs moins délicates, séjour dans les villes d'eau ou dans les endroits de villégiature, au monde cosmopolite; repos à la mer (et l'on sait ce qu'on y voit aujourd'hui 1)

D'ailleurs, pensionnaires ou non, vous sortirez, après six ans, du collège. Si vous avez été trop tenus en serre chaude, tout brusque passage au grand air froid du dehors, pourra causer de vilaines pleurésies, ou des pneumonies mortelles.

Dès lors, nous nous efforçons, oui, de vous épargner les dangers de l'âme, cela s'impose, mais enfin, puisque vous les rencontrerez, tôt ou tard, et que vous vivrez au milieu d'eux, le principal souci doit être de bien vous armer. L'ennemi restera, mais vous aurez, en vous, la force de résistance 1.

I. Jésus, priant pour ses disciples, disait à son Père: " Je ne vous demande pas de les enlever du monde, mais de les protéger du mal. • (Saint Jean, ch. XVII, v. 15).

On peut rester dans le monde, mais • se garder d~

Page 171: Hoornaert Le Combat de la Pureté

.. -342 LE COMBA1 DE LA PURETÉ --------* '" *

.. - ... _~

1 Vitaêst motus ab intrinseco. » La vie est le mouvement, non pas imprimé du dehors, mais venu du dedans: le mouvement immanent.

Vous devez avoir un principe intérieur de réac­tion. La victoire ne dépend pas uniquement des causes extérieures, puisque, au contraire, les circonstances pourront être plutôt des incitations au mal ; ni des personnes, puisque nul ne pourra vous remplacer dans la lutte.

Vous devez résister vous-mêmes, avoir, dans le meilleur sens du mot, le « self-control. »

Observez qu'on emporte partout avec soi sa racine de générosité ou de lâcheté: « Tout est pur, pour ceux qui sont purs; mais pour ceux qui sont souillés ... rien n'est pur l au contraire leur esprit est souillé. » (Ép. à Tite, ch. l, v. 15).

Le jeune homme faible succombe dans la fa­mille la plus pieuse, dans le milieu le plus ver­tueux. En revanche, le jeune homme peut rester chaste dans les milieux les plus délétères. Il sera fort, s'il a compris les notions de devoir, de péché mortel, s'il a des convictions solides sur le ciel,

souil~ures de ce monde.1 (Saint Jacques, ch. l, v. 27). Samt Paul, ayant éprouvé l'aiguillon de la chair et le

soufflet de Satan, écrivait: « J'ai prié pour que la tentation s'éloignâ~. Dieu m'a dit: ma grâce te suffit. » (2 Cor., ch. XII, v.8). ':

L:Ecc!ésiaste admire « Celui qui a été trouvé sans tache 1 celu~ qu~, pouvant tr~nsgresser la loi,ne l'a pas transgressée 1 celUI qUI, pouvant faire le ruai. ne l'a pas fait. 1 (Ch. XXXI, v. 8) . .

LA VICTOIRE 343

sur l'enfer, sur l'amour de Jésus-Christ pour nos âmes immortelles.

La Vie du R. P. de Ravignan, S. ].1 parle d'une jeune actrice ayant passé plusieurs années au théâtre et gardé une conduite irréprochable. Placée par la force des circonstances dans des conditions peu propices à la vertu, elle avait tâché, par la volonté et la prière, de ne pas céder aux tentations qui l'assaillaient.

Tout ce que nous avons dit peut se résumer ainsi: la victoire ne consiste point dans le fait extrinsèque et négatif que la tentation n'existe plus (c'est, hélas, impossible !), mais dans. le fait intrinsèque et positif de posséder en s~l-même une source de vaillance chrétienne.

« Sois une conscience», recommandait Edg. Quinet; et Guibert, de son côté, disait du jeune homme: « Le combat se livre au centre de son être; de cette lutte intime, il est à la fois l'enjeu et le champion ... Vous aurez beau faire, ce jeune homme que vOllS avez si jalousement gardé, vous échappera quand il voudra ... Son ennemi est au dedans de lui, dans son imagination, dans son cœur, dans ses sens. Voilà où il est attaqué, où il lutte, où il sera vainqueur ou vaincu; voilà où doit résider et agir la force de résistance. Les armées rangées au dehors ne serviront de rien, s'il n'y a pas, au dedans, une volonté puissante et résolue qui combatte et triomphe. Ainsi, en définitive, chaque homme est, avec Dieu, l'au­teur de sarvertu. » (La Pureté, p. 179)·

1. R. P. DE PONLEVOY, S. J., Vie du R . P . de Rav., t . II; pp. 43 à 52.

Page 172: Hoornaert Le Combat de la Pureté

344 LE COMBAT DE LA PURETÉ

~-------------~~-----18· arme: une médita­

tion de saint Ignace.

Pour donner à la volonté cette décision généreuse, dont nous venons de parler et confirmer tous les moyens précités, il sera opportun de conclure

par ~a « méditation des trois classes d'hommes. )l

Samt Ignace la propose en ces termes: ) « Nous supposons ici trois classes d'hommes

compos.ées chacune de deux personnes. Toute~ les troIS ont acquis dix mille ducats, sans se proposer purement et uniquement le · motif de l'amour de Dieu. Et elles veulent se sauver et trouver Dieu, N~tre-Seigneur, dans la paix, en se déchargeant d un poids qui les arrête et en sunn?ntant l'obstacle qu'elles rencontrent' à leur desse.m, dans l'affection au bien qu'elles ont acqUIs.

» La première classe voudrait se défaire de l'aff~ction qu'elle éprouve ~our le bien qu'elle possede, <l:fin de trouver DIeu, Notre-Seigneur, dans la paIX et de pouvoir opérer son salut· mais elle n'emploie, de fait, aucun moyen... '

» La seconde classe veut détruire cette affec­tion, mais elle le veut à la condition de conserver le bien acquis; elle voudrait amener Dieu à son désir et elle ne peut se détenniner à quitter ce qu'elle possède ...

» La troisième classe veut aussi se dégager de cette affection, et elle le veut de telle sorte qu'elle n'est pas plus portée à conserver la somme ac­quise qu'à ne pas la conserver. Elle ne consultera pour la tet~~ir ou pour s'en défaire, que le mou~ vement mterIeur de la grâce ... En attendant, elle veut se conduire comme ayant tout abandonné

e == LA VICTOIRE 345

de cœur ... en sorte que le désir de pouvoir mieux servir Dieu, Notre-Seigneur, sera son unique règle, pour se déterminer à retenir le bien qu'elle a acquis, ou à s'en dépouiller. »

Chacune de ces trois classes d'hommes, est tra­vaillée par le souci de la perfection.

Mais pour la première. tout se réduit à un regret 1 « La générosité 1 ah 1 c'est magnifique 1 mais ce n'est pas pour moi. La cime est belle, je l'admire, mais je n'ai pas le pied alpin, pour escalader cet Himalaya de ·la sainteté.» Et l'on soupire ! ... Mais un soupir ne remplace pas un effort, et un état affectif n'est pas un résultat effectif.

La seconde classe va plus loin: elle a des vel­léités.

La troisième classe n'a plus seulement des vel­léités, mais la volonté.

Peut-être ces trois distinctions pourraient-elles s'exprimer en latin par ces différents modes et temps d'un même verbe: « Vellet 1. .. velit ! ... vult 1 »

Saint Augustin, dans ses Confessions, a décrit admirablement la seconde classe, celle ' où il fut lui-même fort longtemps, avant de se convertir:

« Je brûlais du désir de m'envoler, loin des choses terrestres, vers Toi, le très bon, le très puis­sant, le très miséricordieux, le très beau, le très fort 1. .. Mais je me délectais dans mon mal et dans sa douceur mortelle « Mortifera suavitate. »

Je traînais ma chaîne et je craignais d'en être délivré 1 « Solvi metuens. » ... J'étais entraîné loin de Toi, par mon poids ... Les bagatelles des baga­telles, les vanités des vanités, mes anciennes amies,

Page 173: Hoornaert Le Combat de la Pureté

_ -!!!!Ii

LE COMBAT .UE LA PURETÉ

me tiraient par ma robe de chair et tout bas me murmuraient à l'oreille: Eh quoi 1 tu nous ren­voies? et, à partir de cet instant, nous ne serons plus jamais avec toi? Ces deux volontés: l'an­cienne et la nouvelle, la charnelle et la spirituelle, luttaient l'une contre l'autre et, dans ce combat, mon âme était comme dispersée ... Je vous avais demandé, Seigneur, la chasteté; mais ... pas immé­diatement 1 Je tremblais d'être exaucé « Time­barn ne me exaudires» et d'être guéri tout de suite. C'était bien moi qui voulais, c'était bien moi qui ne voulais pas; déjà je commençais et je ne commençais pas. « Ego eram qui volebam, ego eram qui noIe barn.» ... J e me sentais tenu par mes anciennes fautes et je poussais des cris lamentables: demain 1 demain 1 Mais pourquoi pas tout de suite? pourquoi ma turpitude ne finirait-elle pas à l'instant même? «J actabam voces miserabiles : cras et cras 1 Quare non modo ? quare non hac hora finis turpitudinis meae ? »

Un poète moderne a bien traduit la même pensée, et exprimé la même indécision de vo­lonté:

• Demain je te dirai, mon âme, où je te mène: r:·emain, je serai juste et fort ... pas aujourd'hui. •

(SULLy-PRUDHOMME).

-

, 1

LE TRIOMPHE

«On les auraI.

t! On les aura n, disait Pétain. Sur la statue du Poilu, à Metz, se lit l'inscrip­

tion : « On les a ! » C'est toute l'histoire de ta guerre à toi, contre

les passions. Encourage-toi en songeant «on les aura. »

Tu t'écrieras « on les al», un jour radieux. Jour radieux des vainqueurs 1 Rappelle-toi les

soldats revenant du front. Ils avaient lutté, saigné aux quatre veines. Mais comme ils ou­bliaient tout dans l'apothéose du retour et dans l'ouragan des acclamations 1

Jeune homme chaste, héroïque soldat de la pureté, tu es aussi un vainqueur. « Celui qui triomphe de lui-même est plus courageux que celui qui prend des villes d'assaut. » Ce n'est pas moi, c'est l'Écriture Sainte qui l'atteste 1.

Doux adolescent si frêle, comme tu as été

1. Livre des Proverbes, ch. XVI, 32 • L'antiquité païenne avait la même admiration d~v!lnt les

victoires (alors si rares 1) de la pureté. Le chaste SClplon eut cette épitaphe « Maxima cunctarum victoria: victa voluptas. • Plutarque rappelant qu'Alexandre refusa d'avoir une entre­vue avec 'la femme et les filles de Darius, ajoute: • Il est plus royal de se vaincre, que de vaincre l'ennemi. •

Page 174: Hoornaert Le Combat de la Pureté

. .. !iJiÙ:Z:: _

348 LE COMBAT DE LA PURETÉ

brave 1 La guerre ne va pas sans effort. Quand on brette, on peut encaisser ces vilains coups dont nos soldats disaient, en gardant le sourire : (!' Ce n'est pas hygiénique ... c'est malsain. »

Nos gars, dans les tranchées, ne recevaient pas tous les jours des brioches de leurs mamans et des pralines de leurs fiancées. Naturellement 1

Le « Sergent » de Deroulède répondait au timide soldat, qui lui demandait si le combat était dur l

« Ah! ce n'est pas la pêche à la ligne, c'est sûr 1 li Et tu sais parfaitement que: «Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire 1 »

Mais vois ce que font certains pour urie palme humaine 1

L'ÉpUre ,aux Pisons, d'Horace, avec laquelle nous t'avons beaucoup ennuyé, peut-être, en « Poésie)l, énumère les sacrifices que suscite l'espoir d'un triomphe aux grands jeux l « Celui qui s'efforce d'atteindre, à la course, la borne, objet de ses désirs, s'est astreint dès l'enfance à des efforts pénibles: il a enduré beaucoup de choses. Il a supporté le chaud et le froid. Il s'est abstenu des plaisirs voluptueux et du vin 1. »

Saint Paul reprend cette image et l'exploite pour provoquer à la vaillance les beaux coureurs d'une couronne, non plus mortelle, mais éter­nelle. « Ne le savez-vous pas? Dans les courses du stade, tous courent, mais un seul emporte le prix. Courez de même, afin de le remporter. Qui­conque veut lutter, s'abstient de tout: eux, pour

I. « Qui studet optatam cursu contingere metam, Multa tu lit, fecitque puer. Slldavit et alsit : Abstinuit venere et vino. » (v. 412 et suiv.)

LE TRIOMPHE 349

une couronne périssable; nous, pour une impé­rissable. Pour moi, je cours de même, non comme à l'aventure; je frappe, non pas comme battant l'air 1 • Il « Ce n'est pas que j'aie déjà saisi le prix, ou qllAe j'aie déjà atteint la perfection; mais je poursuis ma course, pour tâcher de le saisir, puisque j'ai été saisi moi-même par le Christ. Pou.r moi, frères, je ne me considère pas encore comme ayant achevé la conquête. Une seule chose m'occupe. C'est, oubliant ce qui est derrière moi, et me portant tout entier vers ce qui est devant moi, de courir au but, pour remporter le prix 2. » « Que l'âme et le corps se conservent sans rep.roche, ' jusqu'au jour de l'avènement d~ Notre~S:Igneur Jésus-Christ 8.» «Car notre légere afflIctIOn du moment présent produit par nous, au delà de toute mesure, un poids éternel de gloire '. » « Car j'estime que les souffrances ~u temps'présent sont sans proportion avec la glOIre à vemr 5. »

Enfin ces réflexions: Je connais le cœur de Celui pour qui je lutte, et à qui je me suis confié, « Scio cui credidi 8. Il « J'ai combattu le bon com­bat.. . il ne me reste plus qu'à recevoir la cou­ronne de justice, que me donnera le Seigneur 7. »

Si tu combats le bon « combat de la pureté », ce sera ta conclusion à toi aussi, généreux ami, cher, cher. cher jeune homme 1

I. Ire Ép. aux Cor., ch. IX, v. 24 à 27. 2. Ép. aux PhiliPp., ch. III, V. 12 à 14. 3. Ire Ép. aux Thess., ch. V, v. 23. 4. 2" Ép. aux Cor., ch. IV, v. 17. 5. Ép. aux Rom., ch. VIII, v. 18. 6. 2" Ép. à Tim., ch. l, V. 12. 7. 2" Ép. à Tim., ch. IV, v. 7 et S.

Page 175: Hoornaert Le Combat de la Pureté

Il

TABLE DES MATIÈRES

Préface par le R. P. Vermeersch, S. J. A ceux qui ont vingt ans

L'ÉTAT MILITANT

Le combat de tous . • Le combat de chacun: . 1 er élément de relativité: 2"

3" 4" 5" 6" 7°

GARDE A VOUS 1

Sois prudent 1 Sois intransigeant 1

L'ENNEMI

Gravité du péché mortel Notion du péché mortel:

. ... Tempérament Crises. . Hérédité . . État général. . • • Circonstances extérieures Sexe Age

rer principe: Scrupules • 2" Sommeil et demi-sommeil . 3" Ignorance antécédente -; 4" « Je n'ai pas voulu o.ffenser Dieu» 5" Responsabilité causale 6" Mauvaises pensées. • • 7° Doutes avant la communion 8" 6" commandement de Dieu 9" Répartition des causes Hl. Responsabilité •

hl

7 Il

15

15 31 31

32 33 36 39 40

42

53

53 59 62 65 67 68 69 70

75 80 86 88

Page 176: Hoornaert Le Combat de la Pureté

352 TABLE DES MATIÈRES

L'ATTAQUE.

tr.elui qui aime le danger, .. Dangers personnels • Dangers de tous: l''' embl'tche: Conversations 2' Curiosité 3" Lever et coucher 4" Désœuvrement 5" Bal . • 6" Cinéma • 7" Lectures. . . . . S" Amitiés. particulières» 9" Mauvais compagnons . 10· Péril féminin: •

Amour défendu . Est-ce de l'amour? Fiançailles . Choisis bien 1 • Après le choix •

LA DÉFAITE

Le vice est triste Le vice est plat. • , Les excuses des défaitistes

1) Les autres 1... . , • . • 2) La morale du plaisir . • . 3) Peu de jeunes gens sont chastes 4) Où est le mal? , • . • • 5) Dieu autorise bien le mariage 1 6) Le monde admet l'amour libre. 7) Il faut que jeunesse se passe S) Vous ne nous comprenez pas . . . 9) Je veux tout connaître par moi-même.

10) Je ne suis plus un enfant • , , • II) Personne n'en saura rien 12) Bagatelle l , 13) Je veux être libre • 14) Le droit au bonheur. 15) Impossible 1. .. 16) Plus tard 1 • , . , . . 17) La continence nuit à la sauté,

93

93 95

1°3 103 III II3 rr6 Ils 120 126 134 141

143 143 155 161 164 17°

175

IS4 192

2°3 2°4 204 295 207 208 209 210 ZII 212 212

212 212 212

215 216 220 2::10

TABLE DES MATIÈRES

LA VICTOIRE

Ponr réparer la défaite , ( Stratégie de la défense:

Ir" arme: Communion. z" Confession . . . 3" Estime de la vie de la grâce 4e Prière..... 5e Dévotion à la Sainte Vierge 6° Idée-force 7" Examen particulier. S" Mortification 9' Modestie

10" Vœu,. II" Présence de Dieu IZ" Recours au concret 13" Noblesse de l'âme . . . 14" Œuvres et Cercles d'Études 15" Aide du médecin 16" Crainte de la maladie ,

(Rapport de M, le Dr Rulot) 17e Volonté.... 18e Une méditation de saint Ignace

LE TRIOMPHE 1

•.... ~

353

::1::19

2Z9 239 239 246 261 266 272 275 286 29° 297 298 299 3°('\ 3°1 3°5 315 316 32 3 336 344

347

Impr, par la SOCI~T~ ST AUGUSTIN, Desclée De Brouwer et Cie Bruges (Belgique), - 16594

Page 177: Hoornaert Le Combat de la Pureté

352 TABLE DES MATIÈRES

L'ATTAQUE.

C.elui qui aime le danger, ,. Dangers personnels • Dangers de tous: l"" embllche: Conversations 2. Curiosité. . 3" Lever et coucher 4" Désœuvrement 5" Bal 6" Cinéma • 7e Lectures. • . . . 8" Amitiés • particulières » 9" Mauvais compagnons , 10· Péril féminin: •

Amour défendu Est-ce de l'amour 1 Fiançailles • Choisis bien 1 • Après le choix .

LA DÉFAITE

Le vice est triste Le vice est plat. • • Les excuses des défaitistes

1) Les autres 1... . . . . , 2) La morale du plaisir . . , 3) Peu de jeunes gens sont chastes 4) Où est le mal? , , , , 5) Dieu autorise bien le mariage 1 6) Le monde admet l'amour libre. 7) Il faut que jeunesse se passe 8) Vous ne nous comprenez pas . 9) Je veux tout connaître par moi-même.

10) Je ne suis plus un enfant Il) Personne n'en saura rien 12) Bagatelle l , 13) Je veux être libre , 14) Le droit au bonheur, 15) Impossible 1 .. , 16) Plus tard! , , . , ' . 17) La continence nuit à la sauté,

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1 0 3 103 III II3 II6 Ils 120 126

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2°3 2 0 4 2°4 205 207 208 209 210 211 212 212 212 212 212

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TABLE DES MATIÈRES

LA VICTOIRE

Ponr réparer la défaite , • ( Stratégie de la défense: , ,

rre arme: Communion. 2" Confession.. 3" Estime de la vie de la grâce 4" Prière".. 5" Dévotion à la Sainte Vierge 6" Idée-force " 7" Examen particulier, 80 Mortification 9" Modestie

10· Vœu, IlO Présence de Dieu 12· Recours au concret 13" Noblesse de l'âme. . . 14" Œuvres et Cercles d'Études 15° Aide du médecin . . 16e Crainte de la maladie .

(Rapport de M. le Dr Rulot) 17e Volonté",.,., 180 Une méditation de saint Ignace

LE TRIOMPHE 1

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229 239 239 246 261 266 272 275 286 290 297 298 299 3°0 3°1 3°5 315 316

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Impr. par la SOCIÉTÉ ST AUGUSTIN, Desclée De Brouwer et Cie Bruges (Belgique), - 16594