Hémangiome caverneux de la paroi utérine dans un utérus gravide : diagnostic en IRM

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Imagerie de la Femme 2007;17:269-272 Cas clinique 269 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Cas clinique Hémangiome caverneux de la paroi utérine dans un utérus gravide : diagnostic en IRM Miguel Ramalho 1 , Carlos Cyrne 1 , Cecília Bagulho 1 , João Pinho 2 , Paula Borralho 3 1. Service de radiologie, 2. Service de gynécologie, 3. Service d’anatomie-pathologique, Hôpital Garcia Orta, av. Torrado da Silva, 2801-951, Almada, Portugal. Correspondance : M. Ramalho, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected] L’hémangiome caverneux est une tumeur bénigne pouvant attein- dre plusieurs organes, comme le foie, le système nerveux central, l’os et les parties molles. Cependant, l’hémangiome caverneux diffus de la paroi utérine est rare, encore plus sur utérus gravide, avec seulement sept cas décrits dans la littérature [1]. Les tumeurs vasculaires de l’appa- reil génital féminin sont rares, prédo- minantes dans le corps utérin. L’hémangiome caverneux de la paroi utérine est une néoplasie vasculaire bénigne, diffuse, surtout importante dans l’utérus gravide en raison des complications potentielles. Cette tumeur est constituée par l’invasion de la paroi myométriale par une lésion hamartomateuse, composée de vaisseaux tortueux, dilatés, avec un fin revêtement endo- thélial dérivé du tissu conjonctif. Elle est habituellement de grande taille, diminue rarement en volume [2] et les aspects échographiques et IRM doivent être différenciés des autres lésions utérines, comme la môle incomplète, le myome intra- mural en dégénérescence ou les néo- plasies du trophoblaste gestationnel et l’hémangiosarcome. Cas clinique Il s’agissait d’une femme de 35 ans, nullipare, surveillée régulière- ment sans antécédent particulier. Elle a été hospitalisée dans le service de gynécologie et obstétrique, enceinte de 32 semaines avec le diagnostic échographique d’épaississement de la paroi utérine, probable maladie du trophoblaste gestationnel. Les examens de routine obstétri- caux étaient normaux. Les échogra- phies des 12 et 22 semaines ont été considérées comme normales. Le mois précédent son hospitalisation, on constatait une chute du dosage de l’hémoglobine de 11,6 g/dl (28 juillet 2005) à 8,6 g/dl (18 août 2005) accompagnée d’une baisse de 15 % de l’hématocrite. Dans le service de gynécologie, l’échographie effectuée à 33 SA et un jour montrait un épaississement myométrial, avec des zones kystiques ressemblant à des canaux vasculaires exubérants, confirmés par l’échogra- phie doppler qui mettait en évidence une hypervascularisation avec des flux de basse résistance. La localisation de cette lésion se limitait à l’hémiface antérieure du fond utérin sans atteinte du col. La quantité de liquide amnio- tique, la croissance fœtale, la véloci- métrie du doppler ombilical étaient normales, en accord avec le terme de la grossesse. Le placenta présentait une localisation haute postérieure, avec un degré de maturation placen- taire Grannum 2. La présence d’un signal doppler intra-lésionnel associé à des valeurs normales de la gonadotrophine cho- rionique humaine (βHC) a permis d’écarter l’hypothèse diagnostique de la maladie du trophoblaste gestation- nel. Une IRM pelvienne (Genesis Signa GE 1.5 T) a été réalisée 2 jours plus tard, avec acquisition d’une séquence axiale T1 FAME (Echo de Gradient 3D) (132/1,7 : TR/TE ms) (fig. 1) et de séquences axiale/coro- nale (fig. 2)/sagittale (fig. 3) pondé- rées T2 de type SSFSE (single shot fast spin echo) (1 000/80 : TR/TE ms), qui ont confirmé un épaississement parié- tal utérin s’étendant en cranio-caudal, avec un aspect multitubulé, et de mul- tiples vaisseaux myométriaux. L’étude dynamique (axiale T1 FAME) mon- trait un rehaussement précoce et progressif avec une tendance à l’homogénisation, compatible avec un hémangiome caverneux diffus de l’utérus (fig. 1).

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Imagerie de la Femme 2007;17:269-272

Cas clinique

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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Cas clinique

Hémangiome caverneux de la paroi utérine dans un utérus gravide : diagnostic en IRM

Miguel Ramalho

1

, Carlos Cyrne

1

, Cecília Bagulho

1

, João Pinho

2

, Paula Borralho

3

1. Service de radiologie,2. Service de gynécologie,3. Service d’anatomie-pathologique, Hôpital Garcia Orta, av. Torrado da Silva, 2801-951, Almada, Portugal.

Correspondance : M. Ramalho, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected]

L’

hémangiome caverneux estune tumeur bénigne pouvant attein-dre plusieurs organes, comme lefoie, le système nerveux central, l’oset les parties molles. Cependant,l’hémangiome caverneux diffus de laparoi utérine est rare, encore plussur utérus gravide, avec seulementsept cas décrits dans la littérature[1].

Les tumeurs vasculaires de l’appa-reil génital féminin sont rares, prédo-minantes dans le corps utérin.L’hémangiome caverneux de la paroiutérine est une néoplasie vasculairebénigne, diffuse, surtout importantedans l’utérus gravide en raison descomplications potentielles.

Cette tumeur est constituée parl’invasion de la paroi myométrialepar une lésion hamartomateuse,composée de vaisseaux tortueux,dilatés, avec un fin revêtement endo-thélial dérivé du tissu conjonctif.Elle est habituellement de grandetaille, diminue rarement en volume[2] et les aspects échographiques etIRM doivent être différenciés desautres lésions utérines, comme lamôle incomplète, le myome intra-mural en dégénérescence ou les néo-plasies du trophoblaste gestationnelet l’hémangiosarcome.

Cas clinique

Il s’agissait d’une femme de35 ans, nullipare, surveillée régulière-ment sans antécédent particulier. Ellea été hospitalisée dans le service degynécologie et obstétrique, enceintede 32 semaines avec le diagnosticéchographique d’épaississement de laparoi utérine, probable maladie dutrophoblaste gestationnel.

Les examens de routine obstétri-caux étaient normaux. Les échogra-phies des 12 et 22 semaines ont étéconsidérées comme normales. Lemois précédent son hospitalisation, onconstatait une chute du dosage del’hémoglobine de 11,6 g/dl (28 juillet2005) à 8,6 g/dl (18 août 2005)accompagnée d’une baisse de 15 % del’hématocrite.

Dans le service de gynécologie,l’échographie effectuée à 33 SA etun jour montrait un épaississementmyométrial, avec des zones kystiquesressemblant à des canaux vasculairesexubérants, confirmés par l’échogra-phie doppler qui mettait en évidenceune hypervascularisation avec des fluxde basse résistance. La localisation decette lésion se limitait à l’hémifaceantérieure du fond utérin sans atteinte

du col. La quantité de liquide amnio-tique, la croissance fœtale, la véloci-métrie du doppler ombilical étaientnormales, en accord avec le terme dela grossesse. Le placenta présentaitune localisation haute postérieure,avec un degré de maturation placen-taire Grannum 2.

La présence d’un signal dopplerintra-lésionnel associé à des valeursnormales de la gonadotrophine cho-rionique humaine (

β

HC) a permisd’écarter l’hypothèse diagnostique dela maladie du trophoblaste gestation-nel. Une IRM pelvienne (GenesisSigna GE 1.5 T) a été réalisée 2 joursplus tard, avec acquisition d’uneséquence axiale T1 FAME (Echo deGradient 3D) (132/1,7 : TR/TE ms)

(fig. 1)

et de séquences axiale/coro-nale

(fig. 2)

/sagittale

(fig. 3)

pondé-rées T2 de type SSFSE (

single shot fastspin echo

) (1 000/80 : TR/TE ms), quiont confirmé un épaississement parié-tal utérin s’étendant en cranio-caudal,avec un aspect multitubulé, et de mul-tiples vaisseaux myométriaux. L’étudedynamique (axiale T1 FAME) mon-trait un rehaussement précoce etprogressif avec une tendance àl’homogénisation, compatible avecun hémangiome caverneux diffus del’utérus

(fig. 1)

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Hémangiome caverneux de la paroi utérine dans un utérus gravide : diagnostic en IRM

Une césarienne a été réalisée à35 semaines de grossesse, sans compli-cation notable, en particulier hémor-ragique, ni nécessité de supporttransfusionnel. L’analyse histologi-que des deux fragments de la paroiutérine, du bord supérieur et infé-rieur de l’incision chirurgicale aidentifié plusieurs vaisseaux de typeveineux, avec une paroi musculairemince, peu développée, et un revête-ment endothélial à contenu hémati-que, en accord avec le diagnosticd’hémangiome caverneux de la paroiutérine

(fig. 4)

.

Discussion

Plusieurs anomalies vasculairespeuvent affecter la vascularisation del’utérus. Bien que rares, les maladiesvasculaires les plus fréquentes affec-tant les artères utérines sont les mal-formations artério-veineuses (MAV),les anévrysmes et les pseudo-anévrys-mes [3]. Une MAV est une proliféra-tion de canaux vasculaires avec forma-tion d’une fistule et d’un réseau depetits canaux capillaires. Le calibre deces vaisseaux est variable, justifiant lavariété des termes descriptifs ren-

contrés dans la littérature (héman-giome caverneux, anévrysme cirsoïde,anévrysme artério-veineux, angiomepulsionnel et fistule artério-veineuse)[3].

L’hémangiome caverneux diffusde l’utérus est une anomalie rare danslaquelle la paroi myométriale est par-tiellement ou totalement infiltrée parune grande quantité de fistules arté-rio-veineuses d’allure caverneuse,semblable à une éponge [2]. Quand lalésion est plus circonscrite on la décritseulement comme hémangiome, avecune différentiation peu nette. Lalésion est habituellement congénitale.Quand elle est acquise, elle est asso-ciée à un traumatisme utérin préa-lable, comme une chirurgie ou uncuretage, une maladie du trophoblastegestationnel, un avortement spontané,des infections, un carcinome endomé-trial ou un stérilet [4, 5]. La patientede notre cas clinique ne présentaitaucun de ces facteurs de risque.

L’importance clinique de cettemaladie durant la grossesse, au-delàde l’incertitude ou de l’erreur diag-nostique qui peuvent compliquer letraitement [6], est représentée par lapossibilité du tissu trophoblastiqued’entraîner une érosion des vaisseauxde l’hémangiome, avec hémorragie etdissection placentaire [6].

Les hémangiomes ont une ten-dance à augmenter de taille au coursde la grossesse, probablement par

Figure 1. Séquence en incidence axiale pondérée T1 de type FAME SPGR.• a : Sur l’étude sans contraste, il y a un épaississement de la paroi utérine, multitubulé, en hyposignal.• b : À la phase précoce après injection, un rehaussement intracanalaire hétérogène est visible.• c : À la phase tardive, on observe une tendance à l’homogénéisation du signal.

a b c

Figure 2. Coupe IRM dans le plan coronal T2 SSFSE.

Figure 3. Coupe IRM dans le plan sagittal T2 SSFSE.

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et al.

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l’activité angiogénique des œstrogè-nes [7]. Plusieurs méthodes d’image-rie peuvent être utilisées pour le dia-gnostic, comme l’échographie avecdoppler couleur, le scanner, l’IRM oul’angiographie.

Les caractéristiques échogra-phiques ne sont pas spécifiques etcomprennent la présence de structu-res tubulaires, serpigineuses ou kysti-ques anéchogènes ou hypoéchogènespar rapport au myomètre. Les espaceskystiques peuvent ressembler à desvaisseaux, mais peuvent aussi se pré-senter diffusément uniformes, don-nant à l’endomètre une échostructurespongieuse. L’échographie dopplercouleur montre l’importance du dia-gnostic de la nature vasculaire deslésions présentes dans la paroi utérine,qui n’ont habituellement pas d’effet demasse. Le doppler couleur montreque les espaces kystiques génèrent dessignaux couleur en mosaïque, sugges-tifs de flux turbulents, évocateursde MAV. L’analyse spectrale de cesstructures, caractérisée par un indicede basse résistance et une haute vélo-cité, apporte des éléments en faveurdu diagnostic [3, 4].

L’IRM est très utile pour le dia-gnostic des masses utérines et permetde déterminer l’extension et la carac-térisation des autres lésions vasculaires

d’origine tumorale ou inflammatoire,ou bien pour visualiser une éventuelleextension aux organes adjacents. Ànotre connaissance, il n’existe quetrès peu d’informations dans la littéra-ture sur les caractéristiques IRMde l’hémangiome caverneux utérin.Celui-ci se traduit par une augmenta-tion de l’épaisseur du myomètre avecune volumineuse masse intra-myomé-triale, multitubulée et spongieuse,dont le rehaussement en multiples fluxde signal serpigineux correspond auxstructures vasculaires qui composentl’hémangiome [4]. L’étude dynami-que, avec injection de produit decontraste montre un rehaussementprécoce du signal et une progressiontardive avec tendance à l’homogénéi-sation, qui indique une stase prolon-gée, caractéristique de l’hémangiome.

L’étude de cette lésion par scanneravec injection intraveineuse de pro-duit de contraste montre une masseutérine hypodense avec un rehausse-ment de contraste comparable à celuivisible dans l’étude IRM. L’angiogra-phie a été l’examen diagnostique deprédilection, encore réalisé pour lesmalades pouvant bénéficier d’unethérapeutique par embolisation [3].

Les néoplasies du trophoblastegestationnel (môle invasive et chorio-carcinome) sont un autre groupe de

lésions hypervasculaires se manifes-tant fréquemment sous la forme devaisseaux tortueux et serpigineux dansle myomètre ou en association avec unproéminent réseau veineux utérin. Lamôle invasive est caractérisée par unefranche croissance trophoblastique,associée à une infiltration extensivemyométriale [8]. Elle se différenciepar le fait d’apparaître souvent aprèsune grossesse môlaire, contrairementau choriocarcinome qui peut se mani-fester plusieurs années après une gros-sesse normale. Comme la dilatationvasculaire dans la maladie du tropho-blaste gestationnel peut simuler uneMAV, le diagnostic dépend donc del’histoire clinique, de l’augmentationdes valeurs sériques de

β

-HCG et del’absence d’anatomie zonale utérine[5].

La dégénérescence myomateusela plus fréquente est celle de type hya-line (hyposignal en séquence pondé-rée en T2), généralement diffuse ethomogène. La dégénérescence myo-mateuse indique la présence de zonesgélatineuses, avec un hypersignal enséquence pondérée en T2 sans prisede produit de contraste. Le type kysti-que est rencontré dans 4 % des casavec des zones d’hyperintensité designal hydrique bien délimitées, enhyposignal T1 et hypersignal T2, sans

Figure 4. • a : Hémangiome : des gros vaisseaux avec des proliférations papillaires couvertes par des cellules endothéliales sans atypie (HE, × 200).• b : Immunoexpression des cellules endothéliales par le CD 34.

a b

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rehaussement après injection produitde contraste [9].

L’hémangiosarcome utérin est uneentité encore plus rare, qui apparaîtdans un groupe de femmes plus âgées.Bien que son aspect en imagerie nesoit pas spécifique, ce sont souvent desmasses volumineuses, fréquemmentassociées à un envahissement de lacavité utérine. La nécrose est très fré-quente.

Conclusion

Dans ce rare cas d’hémangiomecaverneux diffus de la paroi utérine,associé à une grossesse, l’IRM s’estrévélé être un moyen diagnosticperformant, non invasif et non irra-diant, déterminant pour la prise en

charge thérapeutique. Il faut avanttout penser aux autres diagnosticsdifférentiels avant de proposer unecésarienne avant le terme.

Références

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