hebdo des socialistes n°523

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FRANCE En finir avec les expulsions VIE DU P ARTI Le pouvoir fait le sourd, la gauche donne N°523 • samedi 21 mars 2009 • 1,5€ la parole HISTOIRE Socialisme et syndicalisme PORTRAIT Fadela Aoummeur Shah Maraï/AFP

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FRANCE ■ En finir avec les expulsions ■ VIE DU PARTI ■ Le pouvoir fait le sourd, la gauche donne

N°523 • samedi 21 mars 2009 • 1,5€

la parole ■HISTOIRE ■ Socialisme et syndicalisme ■PORTRAIT ■ Fadela Aoummeur

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L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 21 MARS 2009

L’hebdo des socialistes•10, rue de Solférino 75333 Paris Cedex 07 • Tél. : 01 45 56 78 61•Fax: 01 45 56 76 83(Pour obtenir vos correspondants, composez d’abord le 01 45 56 ou écrire à : [email protected]) DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Maurice Braud

• DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Benoît Hamon • RÉDACTRICE EN CHEF: Ariane Gil (78.61) • RÉDACTION: Bruno Tranchant (77.33). Damien Ranger (76.37), Ariane Vincent(76.20), Fanny Costes (76.32). • SECRÉTAIRE DE RÉDACTION: Élisabeth Philippe (76.27) • MAQUETTE: Pascale Lecomte (79.44) et Joëlle Moreau (77.16)

• PHOTO : Philippe Grangeaud (76.00) • SECRÉTARIAT: Odile Fée (78.61) • COMPTABILITÉ : Michèle Boucher (79.04) • ABONNEMENT : Sabine Sebah (78-57)• FLASHAGE ET IMPRESSION : PGE (94) Saint-Mandé • ROUTAGE: Inter Routage - 93300 Aubervilliers. N° commission paritaire : 0109 P 11 223)

• ISSN : 12786772 “L’hebdo des socialistes” est édité par Solfé Communications. Ce numéro a été tiré à 243 137 exemplaires.

Les rendez-vous ■ DU PARTI

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aGenDa Du ParTi■ Samedi 21 mars• Convention nationalede ratification des listeset de lancement de lacampagne électorale pourles élections européennes

• Benoît Hamon, porte-paroledu PS, assistera à un banquetrépublicain à Coulaines(Sarthe).

■ Dimanche 22 mars• Le Printemps des libertésPour la défense de laRépublique : rassemblementau Zénith, à Paris.

Emmanuel Maurel,Secrétaire National à l’Université Permanente et d’Été

vous invite à débattre avec :Rémi Lefebvre,Professeur de sciences politiques à l’Université de Reims, Chercheur au CERAPS Lille 2

Co-Auteur du livre : La société des socialistes : le PS aujourd’hui - Éditions du Croquant, 2006

Sur le thème :« Les transformations des pratiques militantes »•Inscription obligatoire auprès de Christine •E-mail : [email protected]/Téléphone : 01 45 56 76 13

LesentretiensD E S O L F E R I N O

Mercredi 8 avril 2009 de 18 h 00 à 20 h 30Salle Marie-Thérèse Eyquem • 10, rue de Solférino • 75007 Paris

La France en libertés surveilléesDepuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, laFrance subit un terrible recul des libertés. Ce livreélaboré par le Parti socialiste décrypte lesmulti-ples remises en cause des droits individuels etcollectifs. De ADN à Zones d’attente, il dresse,en 89mots clés, un état des lieux des atteintesaux libertés publiques orchestrées par NicolasSarkozy depuismai 2007.Défendre lesfondements du pacte républicain est undevoir. Cet ouvrage constitue une premièrecontribution à ce travail.

BON DE COMMANDE – LivreMme, Mlle, M. ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Eventuellement, Association/organisation ……………………………………………………………………………………………

Adresse : …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

CP ……………………………………………………………… Ville …………………………………………………………………………………………………………

Commande de …………………….... (nbre) exemplaires du livre « La France en libertéssurveillées » au prix de 5 e l’exemplaire + participation aux frais d’envoi (2 e pour 1ou 2 exemplaires, 5 e de 3 à 10 exemplaires, port gratuit au delà de 10 exemplaires).• En règlement un chèque de ……………………………… , ……… euros à l’ordre du Parti socialiste.Parti socialiste – secteur communication – 10 rue de Solférino – 75333 PARIS cedex 07 Tél. 01 45 56 78 15

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■ ÉDITO

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La décision de Nicolas Sarkozy,de réintégrer le com-mandement militaire intégré de l’Otan, constitueindéniablement une rupture dans la politiqueétrangère et de défense de notre pays.L’autonomie de nos choix diplomatiques et straté-giques voulue par le général de Gaulle et confirméeen 1981 par François Mitterrand n’a cessé d’êtreréaffirmée et mise en œuvre ensuite. Cette libertéd’appréciation et d’action a été précieuse dans l’af-faire irakienne.La France est forte de cette position particulière ausein de l’Alliance qui ne fait plus débat en politiqueintérieure et qui est admise par les Américains.Pourquoi en changer aujourd’hui ?Rien ne justifie notre retour. Le rôle et les objectifsde l’Otan restent flous, son champ géographiquen’est pas défini et l’image de l’Alliance est désor-mais celle de bras armé des croisades de l’Occident.Pour la France, la réintégration présente concrète-ment peu d’avantages : aucun regain d’influencede notre pays au sein de l’Alliance, un coût budgé-taire qui va peser sur nos programmes d’équipe-ment et aucune contrepartie réelle. Il s’agit bel etbien de normaliser la situation de notre pays, de lebanaliser. C’est un alignement sans condition.Surtout, la réintégration dans l’Otan est unemenace pour l’Europe de la défense. Seule l’auto-nomie de nos armées et de nos états-majorsgarantit la possibilité de construire de façon auto-nome une défense européenne. La présidencefrançaise de l’UE a été incapable de créer unedynamique favorable à l’Europe de la défense.Pire, la normalisation de notre statut risque d’ap-paraître comme le signal d’une moindre prioritédonnée à la défense européenne.Avec cette décision hâtive, prise au mauvaismoment sans débat et sans contrepartie, NicolasSarkozy sacrifie les intérêts de la France et desFrançais.

Actualités FranceEn finir avec les expulsions p.6DossierRetour dans l’Otan : rompez les rangs p.12Pétition« Pour la justice sociale, pour la relance,abrogeons le paquet fiscal » p.22TerritoiresDéveloppement durable : les élus acteurs clésde la politique énergétique p.26Vie du PartiLa parole aux chercheurs p.30L’invitéFadela Aoummeur p.36

■ sommaire

Clotilde Valter,secrétaire nationalechargée de la Défense.

Alignement sans condition

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Actualités ■ FRANCE

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BanquesAffaire Pérol, suite

La nomination de FrançoisPérol à la tête du groupe

bancaire fusionné BanquePopulaire-Caisse d’épargne n’enfinit pas de faire du bruit. Le sited’information Médiapart a ainsirévélé, le 17 mars, que l’associa-tion anti-corruption Anticoravait déposé une plainte auprèsdu procureur de Paris pour«prise illégale d’intérêt » contrel’ex-secrétaire général adjointde l’Élysée. Si la justice ouvreune enquête, François Pérolpourrait écoper de cinq ansd’emprisonnement et de75 000 euros d’amende. « Leprocureur de Paris va avoir l’oc-casion de démontrer qu’il aencore un peu d’autonomie », aestimé Éric Alt, membre ducomité de parrainage d’Anticor.

RetraitesLe Medefveut passer en force

L ’organisation patronale aprovoqué une levée de bou-

cliers enproposant, le 12mars,derelever de 60 à 61 ans l'âgemini-mal pour toucher une retraitecomplémentaire, lors d'unenégociation sur l'avenir desrégimes Agirc (cadres) et Arrco

(salariés). Pour les socialistes, leMedef veut contourner le droit àla retraite à 60 ans. Le PSdénonce «la manœuvre patro-nale, chantage à la baisse despensions. Malgré les promessesélectorales du candidat UMP àl’élection présidentielle, la situa-tion des retraités ne cesse de sedégrader. Aujourd’hui, près de50% des 14millions de retraitésvivent avec des revenus infé-rieurs au Smic ».

FiscalitéLe bouclier fiscaldécrié à droite

Les socialistes n’ont de cessede demander sa suppres-

sion depuis sa mise en place. Lebouclier fiscal est aujourd’huipointé du doigt à droite. Ledéputé UMP René Couanau amême annoncé qu’il dépose-rait un amendement visant àsuspendre le bouclier fiscal,« sorte de symbole de l’iniquitéfiscale ». Pourtant, NicolasSarkozy maintient le cap et

évoque « le respect des pro-messes de campagne ».Combien de temps le Présidentcontinuera-t-il à gâter les plusaisés ?

JusticeSur les mineurs,Dati récidive

R achidaDati présentait, lundi16 mars, sa réforme du code

pénal des moins de 18 ans.S’il faut se réjouir que lesmineurs de moins de 13 ans nesoient pas reconnus responsa-bles pénalement, le milieu édu-catif judiciaire reste inquiet. Lesdélinquants de moins de 13 ansvont relever d'un « régime civilspécial », avec des « sanctionséducatives » simplifiées : l'aver-tissement judiciaire, la remiseaux parents, le suivi éducatif enmilieu ouvert et le placementen structure spécialisée. Pour lesprofessionnels, c’est une remiseen cause de l’ordonnance de1945 sur la justice des mineurs :on ne voit que l’acte commissans s’intéresser au parcours dujeune. Ils craignent une automa-tisation des peines quand il fau-drait avant tout éduquer.

Page réalisée par Fanny Costes

La direction du groupe Continental a annoncé, le11mars, la fermeture de l’usine de Compiègne-Clairoix en 2010. Une annonce qui laisse sur le carreau1120salariés. Ces derniers avaient pourtant accepté, il y a un an, de tra-vailler 40heures par semaine et les jours fériés afin de préserver leursemplois.

1120Le cHiFFre

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Libertés, on se bat en votre nomTous sur le pont pour les libertés publiques. Dimanche 15 mars, les militants etresponsables socialistes ont distribué des tracts pour promouvoir le Printempsdes libertés, rassemblement organisé par le PS, le 22 mars au Zénith avec ungrand concert en point d’orgue. Ici, sur le marché Secrétan dans le XIXe arrondis-sement de Paris et partout en France, les militants socialistes se sont mobiliséspour dénoncer l’attitude d’un gouvernement qui met la France en « libertés sur-veillées ». Médias contrôlés, droits de l’opposition bafoués, justice limitée… Ladroite remet en cause la France des droits de l’homme. Le PS, lui, réaffirme sonattachement à la pluralité et au débat.

L’imaGe De La semaineOlivi

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oudaut/EmmaüsFrance

Actualités ■ FRANCE

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L undi 16 mars, place de laRépublique à Paris.Depuis6h du matin, des mem-

bres d’Emmaüs France empi-lent plus de deux cents mate-las les uns sur les autres. Unepyramide pour protestercontre les expulsions locatives,alors que la trêve hivernale dequatre mois vient de prendrefin. « Les meubles et les mate-las sur le trottoir, c’est la phaseultime de l’expulsion, expliqueChristophe Deltombe, prési-dent de l’association Emmaüs.C’est lamentable. On a vouludire : stoppons ce genre desituations dramatiques sur leplan humain, et coûteusespour la collectivité. Il faut abso-lument trouver d’autres solu-tions.» Le 15 mars déjà, près de5000 personnes avaient défilédans la capitale, malgré lesdéclarations de la ministre duLogement Christine Boutindans Le Parisien. Dans lescolonnes du quotidien, elle sevoulait rassurante, affirmantqu’il n’y aurait «plus de per-sonnes mises à la rue». Unepromesse déjà entendue, il y aun an. Un vœu pieux donc,qu’un collectif de 32 associa-tions, créé à la même époque,dénonce. Augustin Legrand,fondateur de l’association Les

enfants de DonQuichotte, s’in-surge : « Ça fait un an qu’on ades rapports étroits avec leministère.Unanqu’on voit trèsbien que l’État se désengage.En 2000, onmettait 2% du PIBsur le logement et la ville. Là,on est à 1,6%. L’État continue àfaire croire que c’est un chan-tier prioritaire,qu’il a les instru-ments en main. Mais en l’oc-currence, on a affaire à unebande d’ignorants, à des gensqui ne sont pas du tout endan-ger politiquement sur cesquestions-là : ne pas agir, ça neleur coûte rien, et agir ne leurrapporte rien. »

Cri de colèreAugustin Legrand poursuit :«On part dès aujourd’hui pourun tour de France dumal loge-ment, jusqu’au 15 mai. Il fautmontrer ce qui se passe sur leterrain, casser les préjugés desFrançais qui s’imaginent queles sans abris sont des poch-

trons. Car ce sont ces hommeset femmes très alcoolisés, par-fois avec des problèmes psy-chiatriques, que l’on voit enpremier. Mais 30% des gensqui sont dans la rue travaillent.On n’arrive pas à les identifier,ils nous ressemblent. Nousvoulons faire comprendre auxclasses moyennes notam-ment, qu’on se bat pour elles,pour qu’elles récupèrent dupouvoir d’achat, du pouvoir devie pour certaines. »Le cri de colère des associationsa pourtant bien du mal à par-venir aux oreilles du gouverne-ment. Christine Boutin a eneffet écrit aux préfets pourmettre en place « des commis-sions de prévention des expul-sions devenues obligatoires ».Mais une fois la décision judi-ciaire de l’expulsionprononcée,elle parle de proposition d’hé-bergement provisoire au mini-mum. Une solution qui nesatisfait pas du tout le collectif.

La trêve hivernale a pris fin le 16mars à 6h.Malgré les énièmes promesses de ChristineBoutin pour parer aux expulsions, les associations s’inquiètent. Budget en baisse, loyersen hausse, parc social saturé, les problèmes liés au logement sont croissants.Mais lesréponses politiques se font attendre. Pour l’heure, les associations réclament unmoratoiredes expulsions pourmettre fin à des situations humaines et sociales dramatiques.

En finir avec les expulsions

Selon le ministère de l'Intérieur, les préfets ont autorisé 28 021 expul-sions de logements en 2007, avec le concours de la force publique, soitune hausse de 5,58 % par rapport à 2006 (26 539).11 322 expulsions ont été effectivement réalisées (contre 10 719 l'annéeprécédente), les autres dossiers ayant fait l'objet entre temps de départsà l'amiable ou de relogements.

les expulsions en chiffres

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oudaut/EmmaüsFrance.

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« Parce que l’hébergement estune solution dangereuse etcoûteuse. Dans les hôtels, on ades chambres mais plus delieux de convivialité néces-saires à la préservation d’unefamille. On rentre dans uneprécarité qui s’aggrave, et onfait courir des risques d’explo-sion à la famille. De plus, c’estbeaucoup plus coûteux pourles collectivités de payer deschambres d’hôtel que de gelerles loyers et payer les loyers àla place des familles. Onréclame un moratoire desexpulsions. La mairie de Pariset d’autres municipalités ledemandent également », rap-pelle Christophe Deltombe.

Obligation de résultatsMais aux solutions d’urgence,il faut à présent substituer devrais outils politiques. En dix

ans, les loyers ont augmentéde 40%. Et en six ans, les aidespersonnalisées au logement(APL) ont baissé de 12%. Pourplusieurs millions de foyers, lelogement représente désor-mais un budget considérablequi atteint parfois 50% desrevenus. Mais la droite n’enfait pas une priorité. « Ilmanque 850 000 logements.Il faudrait en construire. Saufque la loi de finances prévoitencore une réduction du bud-get affecté au logementsocial. C’est dramatique etcomplètement contradictoireavec la politique du logementque l’on attend d’une Franceen crise », déplore le présidentd’Emmaüs France. Actuel-lement, 500 000 ménages,sont en situation d’impayés deloyers et selon l’Insee, 1,8mil-lions de familles auraient des

difficultés à s’en acquitter. Faceà cette situation, les déclara-tions d’intention doivent lais-ser place aux actes. Le Partisocialiste a adressé ses propo-sitions au gouvernement : sus-pendre toutes les procéduresd’expulsion locative en cours,réévaluer les fonds de solida-rité logement des départe-ments, ou multiplier par 5 lespénalités devant être payées àl’État par les communes qui nerespectent pas l’obligation de20% de logements sociaux. LePS «rappelle au gouvernementnon seulement son obligationdemoyensmais aussi son obli-gation de résultats en matièrede droit au logement», sou-ligne Nathalie Perrin-Gilbert,secrétaire nationale auLogement. Pour enfin passerde la compassion à l’action.

Fanny Costes

Manifestation d’Emmaüs le 16 marsà Paris, place de la République, pourdemander un moratoire des expulsionslocatives au moment où prend finla trêve hivernale.

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Dossier� OTAN

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En imposant en juillet 2008 sa révisionconstitutionnelle, Nicolas Sarkozy avaitconcédé au Parlement un nouveaudroit : celui de voter ou non des résolu-tions sur un sujet précis. Ce devait être

le cas, et le groupe socialiste l’avait réclamé haut etfort, sur le sujet de la réintégration de la France dansle commandement intégré de l’OTAN. Finalement, leParlement ne sera pas consulté sur cette question. Enchoisissant, mardi 17 mars à l’Assemblée nationale,d’engager la responsabilité de son gouvernement surune déclaration de politique étrangère, le Premierministre, François Fillon, demande seulement auxdéputés s’ils veulent ou non faire tomber le gouver-nement. Pourquoi cette esquive ? Parce que l’Elysée apeur. Notamment de sa majorité. La cinquantaine deparlementaires de la majorité qui a fait part dedoutes profonds sur ce tournant stratégique a ainsiété mise au pas sarkozien. Fermez le ban.L’opposition, elle, ne s’est pas tue. Le Parti socialiste aclamé son opposition au retour de la France dans lecommandement intégré de l’Otan. Par les voix deMartine Aubry, de Lionel Jospin et de Laurent Fabiusnotamment, il a dénoncé une «rupture» qui met àmal notre «indépendance» et notre «influence».Le Parti socialiste a conclu en réclamant l’instaurationd’un « bilan annuel » sur l’indépendance de la Franceet ses rapports avec l’Otan après son retour au sein ducommandement intégré de l’Alliance atlantique.C’est tout l’objet de ce dossier d’expliquer pourquoicette décision grave, prise par un Nicolas Sarkozy«atlantiste par idéologie», est une erreur.

Ariane Gil

« Un choix purement idéolo-gique » : l’analyse de Jean-Dominique Merchet, spécia-liste des questions de défense

p12 à 15

La fin de l’autonomie : ce quela France va perdre. Le point devue d’Alain Richard, ancienministre de la Défense

p16-17

La dérive atlantiste : focus surl’obsession américaine deNicolas Sarkozy

p18-19

La défense européenne à latrappe : interview d’HubertVédrine, ancien ministre desAffaires étrangères

p20

La contre-attaque socialistep21 à 23

Sommaire

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Retour dans l’Otan,rompez les rangs !

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De quelle manière la France participe-t-elle à l’Otan depuis son retrait desstructures du commandement mili-taire intégré ?Depuis 1966, la situation a considéra-blement évolué. D’abord, le rôle de laFrance dans l’Otan a changé. Ainsi,depuis dix ans, depuis l’interventionde l’Otan en 1995 plus exactement, laFrance a participé à toutes les opéra-tions de l’organisation – Bosnie,Kosovo, Afghanistan –, que le gouver-nement soit de droite ou de gauche.Parfois, ce sont même des générauxfrançais qui ont commandé ces inter-ventions. Ensuite, l’Otan elle-mêmes’est profondément modifiée. Dutemps de la Guerre froide, des divi-sions ou des escadres aériennesétaient affectées en permanence àl’Otan. Aujourd’hui, elle ne disposeplus de forces pré-affectées ou deforces permanentes, mais seulement

d’états-majors intégrés. Une force deréaction rapide à laquelle la Francecontribue a été créée, lors du sommetde Prague en 2000. Elle est censéeintervenir en cas de crise majeure,mais n’a jamais étémobilisée à ce jour.Tout cela reste très virtuel.

Qu’est-ce que la décision de NicolasSarkozy va changer ?D’un point de vue militaire et concret,le retour de la France dans le comman-dement intégré ne va pas changergrand chose. Il y aura seulement plusd’officiers français dans l’organisation(entre 600 et 700 environ) et deuxétats-majors seront commandés pardes Français : celui de Norfolk, auxÉtats-Unis, chargé de réfléchir à l’ave-nir de l’Alliance, et le commandementinterarmées de Lisbonne, en charge dela zone Afrique.La France va également réintégrer leComité des plans de défense, unestructure au sommet de l’Otan, ce quiest symboliquement très fort. Enrevanche, Paris restera à l’écart dugroupe de planification nucléaire. Ladissuasion nucléaire demeurera pure-ment nationale. Évidemment, ceretour se traduira aussi par un accrois-

« Un choix purementidéologique de

Nicolas Sarkozy »Le Président en a décidé ainsi : en avril, la France effectuera son retour complet dansl’Alliance Atlantique en rejoignant son organisationmilitaire intégrée,qu’elle avaitquittée en 1966, sur décision du général de Gaulle. Journaliste et spécialiste des ques-tions de défense, Jean-DominiqueMerchet analyse les conséquences de cette décisionplus idéologique que politique.

Ce retour se traduirapar un accroissement de

la contribution finan-cière de la France

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sement de la contribution financièrede la France. Elle s’élève aujourd’hui à138 millions d’euros.

Si elle n’apporte pas de changementsmajeurs, pourquoi avoir pris cette déci-sion ?Il n’y avait en effet aucune urgence à

agir ainsi. La France aurait parfaite-ment pu rester dans ce statu quo.Pour citer le cardinal de Retz : « On nesort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. »Il s’agit donc d’un choix purementidéologique de la part de NicolasSarkozy. Le chef de l’État le justifie enavançant que la France va reprendretoute sa place « dans la famille occi-dentale » ? Mais qu’est-ce que ça veutdire ? La France n’a jamais quitté cette« famille », pas plus qu’elle n’a quittél’Alliance atlantique.

Ce choix idéologique s’apparente-t-il àune dérive atlantiste ?Que le président de la République soitpro-américain, cela ne fait aucundoute.Pour autant, je ne crois pas que ceretour de la France dans l’organisationmilitaire intégrée de l’Alliance limite lapossibilité pour notre pays de s’oppo-ser aux États-Unis. Un exemple :l’Allemagne qui est un membre émi-nent de l’Otan a refusé de s’engageraux côtés des Américains en Irak. Plusévocateur encore, le cas de la Turquie,membre fondateur de l’organisation,qui a refusé à l’armée américaine detransiter par son territoire, lors dumême conflit.

Journaliste à Libération,Jean-Dominique Merchet traitedes questions de défense depuisune quinzaine d’années. Passionné parson sujet, il lui consacre un blog :http://secretdefense.blogs.liberation.fr/Il est également l’auteur de nombreuxouvrages, dontMourir pourl’Afghanistan, paru aux éditionsJacob-Duvernet, en 2008.

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Quelles seront ses conséquences sur lastratégie de défense française ?Je pense que cette décision risque demettre à mal le consensus sur les ques-tions de défense et de politique étran-gère qui existe en France depuis plus detrente ans. Ce consensus constitue unevraie force pour un chef d’État.En passant en force, y compris dans sonpropre camp, Nicolas Sarkozy faitpreuve de maladresse. Sa décisionrisque de desserrer le lien entre l’arméeet la nation.La France est désormais dotée d’unearmée professionnelle, amenée à inter-venir de plus en plus dans un cadremultinational (Otan ou ONU). Pour legrand public, l’armée ne mènera plus

les guerres de la France, mais celles del’Europe, de l’Otan, des Américains.

Cette décision pèse-t-elle sur l’avenir dela défense européenne ?À l’exception de la France, la quasi-tota-lité des pays européens ne veulent pasconstruire la défense européenne. Il estplus rassurant de se savoir protégé parles Américains. Plus économiqueaussi : les pays européens dépensenten moyenne 1% de leur PIB pour leurdéfense. La France, environ 2%. Il fautprouver aux États-membres que ladéfense européenne ne se construirapas contre l’Otan.

Propos recueillis par Elisabeth Philippe

Chronologie

1949 : Signature du Traitéde l’Atlantique Nord dansle contexte de la Guerre froide, pourfaire face au bloc soviétique.L’organisation rassembleles principales puissancesoccidentales. L’article 5 prévoit quetout membre attaquésera automatiquement défendu partous les autres.1966 : Le général de Gaulledécide de retirer la France desstructures de commandementintégré de l’Otan.1995 : Conflit yougoslave.La France se rapproche de l’Otan,en nommant un représentantau Comité militaire.2009 : Retour de la Francedans la structure militaire intégréede l’Alliance atlantique.

LaurentFabius,MartineAubry,Jean-MarcAyrault etLionelJospin, àl’Assembléepourdénoncerla décisionde NicolasSarkozy.

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Le 17 mars, à l’Assemblée nationale, la majoritédes députés s’est exprimée en faveur de la réin-tégration de la France au sein des forces mili-taires de l’Otan, lors d’un vote ne portant pasdirectement sur ce bouleversement de ladéfense française, mais plus généralement surla politique étrangère du pays. Les socialistes,après avoir dénoncé cette pratique institution-nelle, ont voté contre. Avec de sérieux argu-ments.

L’heure est grave. Pour preuve, deux anciensPremiers ministres, Laurent Fabius et LionelJospin, ont pris la parole, le jour de ce débat, lorsde la réunion de groupe des députés socialistesdu mardi matin, à l’invitation de leur président,Jean-Marc Ayrault. En compagnie de Martine

Aubry, Première secrétaire du PS, ils ont réagi àcette situation inédite.« Je suis frappé de voir que le gouvernement, enengageant sa responsabilité sur la politiqueétrangère,noie cette question précise de la réinté-gration dans l’Otan dans la question plus large dela politique étrangère », a pointé Lionel Jospin. Eneffet, sentant poindre une fronde sur ce sujet ausein même de la majorité, notamment chez lesneo-gaullistes, François Fillon a opté pour le votede confiance. Une manœuvre qui permet de fairetaire les contestataires à droite car si le non l’em-portait, le gouvernement serait renversé.« Nous pouvons rester amis avec les Américainssans leur être subordonnés », a poursuivi LionelJospin. Une réintégration, selon lui, ne donnerapas « un poids accru » à la France dans l’Otan car« cela n’affectera pas le poids dominant des États-Unis ». En revanche, « nous allons perdre le privi-lège précieux de définir au cas par cas les condi-tions d’engagements de nos forces », a-t-il pré-cisé, en rappelant l’autonomie de la France lorsdes frappes aériennes sur le Kosovo à la fin desannées 1990. Il serait « particulièrement avisé degarder notre autonomie de décision » dans un« monde plus instable et plus complexe », ainsisté Lionel Jospin en s’interrogeant sur « lemanichéisme et l’expansionnisme de l’Otan ».Laurent Fabius a, quant à lui, souligné qu’uneréintégration de la France « n’a que des avan-tages illusoires, mais des risques bien réels ».L’ancien Premier ministre, orateur du groupesocialiste lors de la discussion dans l’hémicycle aégalement fait valoir que les « contrepartiesmilitaires » offertes par l’Otan et « les comman-dements qu’on nous promet sont mineurs ».Selon lui, la décision de Nicolas Sarkozy est« une rupture du consensus national ».Concluant cette réunion, la Première secrétaire aannoncé que le PS demanderait, lors du débat,que la décision « ne soit pas définitive » etqu’un « bilan annuel » soit dressé sur les consé-quences de cette réintégration.

Ariane Vincent

Le plan de bataille des socialistes à l’Assemblée

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�14Le portrait de l’armée française dressé par

Nicolas Sarkozy, le 11 mars dernier, dansson discours à l’École militaire n’a rien

d’élogieux. Il dépeint une France qui n’a « aucunmot à dire quand les alliés définissent des objec-tifs et les moyens militaires pour les opérationsauxquelles nous participons ». L’armée, surnom-mée la Grande muette, serait égalementbâillonnée sur les questions de stratégie unefois sur le terrain et soumise aux généraux amé-ricains au poitrail rutilant. La vérité historique aégalement valeur en matière militaire, quiprouve que l’armée française n’est pas fantoche.

Engagement

«En restant à l’extérieur du commandementintégré, la France était perçue comme un paysplus ouvert et plus apte à la discussion, expliqueAlain Richard,ministre de la Défense du gouver-nement Jospin, de 1997 à 2002. Quand nousacceptons de prendre des responsabilités, enBosnie, au Kosovo, ou sur le point de le faire enAfghanistan avec la mise en sécurité de Kaboul,nous conservons notre propre appréciation surla manière de mener des opérations. » Ceconstat s’est notamment illustré au cours de laguerre du Kosovo. Membre du groupe decontact avec la Russie, les États-Unis leRoyaume-Uni et l’Allemagne, la France a orga-nisé à Rambouillet une conférence de la der-

nière chance entre représentants serbes et koso-vars. La diplomatie française n’est donc pasmiseau rancart du fait de sa position dans l’Otan.« Il y a eu de nombreuses discussions au niveaupolitique, entre les ambassadeurs, sur la défini-tion de la mission à accomplir, se rappelle AlainRichard, bien avant le mandat du commande-ment intégré. Au niveau du commandement deterrain, nos officiers ont également eu leur motà dire. Nous le réclamions puisque les forcesfrançaises étaient présentes. » Dans son dis-cours à l’Assemblée nationale, le 26 mars 1999,deux jours après le début des combats, LionelJospin expliquait ainsi l’engagement de laFrance : « Dès lors que le Conseil n’était pas enmesure d’agir pour en imposer l’application, dèslors qu’il y avait urgence, il nous appartenait deprendre toutes nos responsabilités, notammentau sein de l’Alliance atlantique. La France adécidé de participer au dispositif militaire alliémis en oeuvre par l’Otan. Des détachements denos trois armées sont engagés. » La liste desforcesmobilisées que le Premierministre dresseensuite ne ment pas sur l’implication de laFrance : une quarantaine d’appareils de l’arméede l’air dont certains peuvent servir au rensei-gnement électromagnétique et au contrôle desopérations, le porte-avions Foch, la frégateCassard, le pétrolier ravitailleur Meuse et lesous-marin nucléaire d’attaque Améthyste pourla marine. Et si l’entente de la France avec lesalliés n’était pas assez claire, Lionel Jospin rap-pelle enfin l’intégration de la frégate britan-nique Somerset au groupe français. Sur les10 000 hommes que comportait alors la forcede l’Otan en Macédoine, la France avait déjàmobilisé 2 400 hommes au second jour d’af-frontement.« À partir de 1997, quand la France participe àun niveau important aux opérations de l’Otan,explique Alain Richard, l’incompréhension par

Une voix différente,mais pas discordanteMême hors du commandement militaireintégré, la France joue un rôle importantdans l’Otan.Depuis 1995 et la guerre enex-Yougoslavie, l’armée française parti-cipe à toutes les interventions del’Alliance : Bosnie,Kosovo etAfghanistan. Retour sur son implicationau Kosovo, en 1999,avec Alain Richard,ancienministre socialiste de la Défense.

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�15rapport à notre statut dans l’Alliance a disparu.

C’est d’ailleurs une forme de soulagement pourles Allemands, les Anglais et les Italiens qui,dans lemécanisme de partage avaient hérité decommandements importants, de pouvoircompter sur un contributeur sûr comme laFrance. Cette position ne dérangeait personnecar elle se traduisait par une participation.D’ailleurs, dans la rotation des forces au sol auKosovo, courant 2000, le corps européen seretrouve commandé par un général Français.» Ilne s’est donc pas passé un an après l’interven-tion au Kosovo, pour que la France prenne desérieuses responsabilités.

Une approche originale

Ce libre ton a toutefois perturbé les Américainsde manière inattendue. « Le commandementfrançais s’est interrogé à plusieurs reprises sur lanature des cibles désignées par l’Otan », rappelleAlain Richard, preuve que la France était directe-ment informée des objectifs de l’Alliance et nedevait pas se faire passer des petits billets d’in-formation par les Allemands comme prétendu.« Les généraux américains revenant sur le bilande l’opération ont reconnu que sans l’intrusion

de la France,dont ils se sont plaints,dans les opé-rations sous commandement de l’Otan, ilsauraient réalisé des frappes plus fortes surBelgrade. » Des opérations brutales qui auraientpu cristalliser davantage le sentiment nationa-liste des Serbes. « Ne pas être intégré permettaitaux militaires français de continuer à avoir uneapproche originale et économe de lamanière demener des opérations, conclut Alain Richard. Entant qu’agence de gestion de stratégie, l’Otanest à l’école américaine, celle des moyens consi-dérables pour s’assurer la supériorité. Or dix ansd’accoutumance aux mécanismes mentaux del’Otan risquent de faire disparaître cette idéefrançaise de retenue dans l’emploi de la forcemaximale. » Dans son discours, Nicolas Sarkozya déclaré vouloir une France qui codirige plutôtqu’une France qui subit. Pourtant, l’exemple dela campagne aérienne du Kosovo prouve que laFrance a exercé son droit de regard sur les mis-sions, non seulement pour décider ou non del’intervention de ses avions, mais aussi pourempêcher certaines frappes trop lourdes pourles populations. Une telle exigence seraitaujourd’hui plus que nécessaire en Afghanistan.

Stéphanie Platat

Un soldatfrançaisà la frontièremacédo-nienne,lors dela guerreau Kosovo,en 1999.

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Il pouvait encore prêter à sourire quand il selimitait à l’envie d’avoir son Air Force One àla française. Mais l’atlantisme décomplexé

de Nicolas Sarkozy a franchi une étape supé-rieure avec le retour de la France dans le com-mandement intégré de l’Otan. Le plan a étésavammentmis en place.D’abord, en visite pourles commémorations du 11 septembre en 2006.Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozydéfinit une nouvelle vision des relations transat-lantiques et dénonce « l’arrogance française »,en référence aux vives critiques de la France surla guerre en Irak. Une fois élu président de laRépublique, il charge une commission de définirles axes de la politique de défense et de sécuriténationale pour les quinze prochaines années,l’expression « sécurité nationale » s’invite encours de débat. Devant le corps diplomatique, ilprononce un discours le 18 janvier 2008, où ilévoque la « famille occidentale ». Au deuxièmejour du sommet de l’Otan à Bucarest, en avril2008, il confirme enfin que la France pourraitrejoindre le commandementmilitaire intégré del’Alliance.

Croisade

« Il faut rappeler que sa décision a été prise alorsque Bush était encore aux affaires, note DidierBoulaud sénateur socialiste de la Nièvre, mem-bre de la commission chargée de l’élaborationdu livre blanc sur la défense et la sécurité natio-nale. C’était l’époque des républicains acharnés,adeptes de la théorie de la guerre des civilisa-tions. » Au moment des déclarations de

Bucarest, personne ne pou-vait effectivement prédirequeBarackObama serait élu.« C’est sa vision depuis tou-jours », confirme PatriciaAdam, députée du Finistère,et membre de la commis-sion. Pour elle « le livre blanca été instrumentalisé ». LePrésident avait donné carteblanche à la commission :« Il nous a dit de lui fairetoutes les propositions, serappelle Didier Boulaud, ycompris des renversementsd’alliance. Tout serait exa-miné. » Quelques mois plustard, changement de ton.

Orgueil

« Dès janvier, expliquePatricia Adam, NicolasSarkozy s’est exprimé enfaveur de la réintégration. Le débat était clos. Lelivre blanc a simplement pris acte de la décisionet a décliné ensuite. » Et les représentants socia-listes ont quitté la commission pour éviter derépondre à une commande présidentielle. Courud’avance pour Didier Boulaud : « Les membresn’avaient pas été choisis au hasard. Il y avait desdéfenseurs de la théorie du choc des civilisa-tions, de la croisade. Rapidement, la commissions’est contentée de courir après les directives deSarkozy. »Le sénateur Boulaud explique cet atlantismecomme l’expression de l’obsession de rupture,notamment avec Jacques Chirac, Alain Juppé etDominique de Villepin, l’ennemi juré. En effet,entre 1995 et 1997, le président Chirac avait tentéun rapprochement avec l’Otan, demandant, enéchange, le commandement de Naples, basenavale importante, et le renforcement de ladéfense européenne. Particulièrement mal

Vers une défense françaSarkozy l’Américain.Un surnom qui vacomme un gant au président de laRépublique tant celui-ci est fasciné par lapremière puissancemondiale.Au pointqu’il souhaite aujourd’hui calquer la poli-tique de défense et de sécurité nationalede la France sur lemodèle américain.Retour sur une obsession atlantiste.

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négocié, ce rapprochement ne s’était pas fait.« Nicolas Sarkozy veut rompre pour rompre etpour être sur la photo, commente DidierBoulaud,mais c’est faire preuve d’orgueil que demontrer ses petits muscles en disant que rienn’est possible sans la France. » C’est aussi pous-ser la rupture jusqu’à de Gaulle, et emmenertout un pays dans sa fascination personnellepour l’Amérique. « Il a la volonté de calquer lapolitique de défense et de sécurité nationale surle modèle américain, avec les caméras, lefichage, et de dire que la menace est partout,développe Patricia Adam. Ça n’est pas une lubie.Tout cela est parfaitement construit. » Sarkozyaccuse aujourd’hui ceux qui refusent la réinté-gration de faire de « l’antiaméricanisme sté-rile », une expression anachronique dans unmonde multipolaire.

Stéphanie Platat

« Recouvrer l’entierexercicede sa souveraineté »Le 7 mars 1966, le général deGaulle envoyait au présidentaméricain Lyndon B. Johnsonune lettre annonçant leretrait de la France de l’orga-nisation militaire intégrée.Extraits.

« (..)la France considère queles changements accomplisou en voie de l’être, depuis1949, en Europe, en Asie etailleurs, ainsi que l’évolutionde sa propre situation et deses propres forces, ne justi-fient plus, pour ce qui laconcerne, les dispositionsd’ordre militaire prises aprèsla conclusion de l’Alliance soiten commun sous la forme deconventions multilatérales,soit par accords particuliersentre le gouvernement fran-çais et le gouvernement amé-ricain.

C’est pourquoi la France sepropose de recouvrer sur sonterritoire l’entier exercice desa souveraineté, actuelle-ment entamé par la présencepermanente d’éléments mili-taires alliés ou par l’utilisa-tion habituelle qui est faitede son ciel, de cesser sa parti-cipation aux commande-ments « intégrés » et de neplus mettre de forces à la dis-position de l’Otan. »

ançaise «made in USA »

Conférence depresse à l’Élyséele 14 juin 2008.

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Un soldatfrançaisdu 27ebataillondeschasseursalpinsfouille unefilletteafghaneavant unedistributiondenourriture.

« La défenseeuropéennebradée »

Hubert Védrine,ministre des Affaires étran-gères de 1997 à 2002, fait le point sur le dos-sier de la défense européenne.Un retourdans le commandement intégré de l’Otan nepermettrait pas, contrairement à ce queNicolas Sarkozy prétend,d’encourager lacréation d’une véritable politique euro-péenne de sécurité et de défense.Aucontraire.

Les maigres avancées sur le dossier de la défenseeuropéenne ne sont-elles dues qu’à la position « ori-ginale » de la France par rapport à l’Otan ?

Cela n’a aucun rapport. Elles sont dues au fait que les autres Européens, en réalité, neveulent pas faire double emploi avec l’Otan. Les avancées en termes de « défenseeuropéenne » dont on se vante et que l’on met en avant ne sont que des actions desous-traitance dans le cadre de l’Alliance. De toute façon, les États-Unis – lePentagone – ne veulent pas plus. Dire que tout cela est dû à la position françaisen’est qu’un argument mensonger pour « couvrir » la réintégration.

Après la réintégration totale, peut-on craindre que la Politique européenne desécurité et de défense (PESD) ne devienne qu’une sous-filiale de l’Otan, ou pire,peut-on craindre un abandon définitif du dossier ?Oui, les deux sont possibles. Abandon du mythe, ou de la perspective, de défenseeuropéenne, et/ou une PESD limitée à des actions très subalternes. Toujours le par-tage du fardeau sans partage de la décision ! Autres options : les Européens dansl’Otan se rebellent et imposent un pilier européen ! Mais ne rêvons pas.

En 1995, Jacques Chirac et Alain Juppé avaient conditionné une réintégration àdes avancées sur le dossier de la défense européenne. Ce n’est plus le casaujourd’hui, peut-on parler de reddition sans conditions?Oui, en tout cas de normalisation, ce dont se réjouissent, hélas, bien des Européens.La France « rentre dans le rang » comme l’a dénoncé Lionel Jospin. Sans négocia-tions, sans garantie, sans même une demande de réforme. Contrairement à FrançoisMitterrand qui en 1990-1991 avait fait tester l’hypothèse d’une réforme de l’Otanavant tout changement de la position de la France, avant de constater queWashington n’y était pas prêt. Sarkozy fait tout l’inverse. C’est dans le meilleur descas un pari injustifié et risqué ; dans le pire une braderie.

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Le Parti socialiste dénonce l’alignementsans condition que constitue le retourcomplet de la France dans le commande-mentmilitaire intégré de l’Otan.Unedécision prise sans concertation parNicolas Sarkozy,qui n’apporte rien à laFrance et menace l’Europe de la défense.

La décision du président de la Républiqueconstitue, une véritable rupture, un change-ment profond tant en matière de défense quede politique étrangère

Notre pays a une position originale dansl’Alliance atlantique, en ayant quitté le com-mandement militaire intégré tout en étantresté membre politique : participation de nosforces aux côtés de celles de nos alliés en cas

d’emploi décidé en commun et autonomie dedécision des autorités françaises.

Cette position a fait jusqu’ici consensus enFrance. Prise en 1966 à l’initiative du général deGaulle, avec la décision de retirer la France ducommandement militaire intégré, elle a étéconfirmée par François Mitterrand en 1981.

Le principe d’autonomie de nos choix diploma-tiques et stratégiques voulu par le général deGaulle après la constitution de nos forcesnucléaires a été forgé au moment de la guerrefroide. Il n’a cessé d’être réaffirmé et mis enœuvre ensuite. Il n’est pas caduc aujourd’hui.Pour autant, la solidarité avec nos alliés a tou-jours été la règle dans les grandes crises inter-nationales.

le PSmonte au front

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Dans un monde plus que jamais incertain, laFrance doit garder une libre appréciation desréalités internationales et y jouer pleinementson rôle sans devoir automatiquement s’ali-gner sur la posture américaine au nom de lasolidarité transatlantique. Pour la plupart despays, l’autonomie affichée de la France luiconfère une dimension particulière et consti-tue un élément de sa force politique.

On a vu combien cette liberté d’appréciation etd’action était précieuse dans l’affaire irakienne.

Elle le reste indéniablement dans le mondearabe et dans bien d’autres parties du monde.

Certes une réinsertion de la France a été amor-cée en 1994 lors de l’intervention en Bosnie.Depuis lors, la France a, en 1995, repris sa placeau comité militaire et nos forces (enAfghanistan ou au Kosovo) ont été régulière-ment placées sous les ordres d’états-majorsalliés subordonnés de l’état-major suprême del’Alliance.

Pour autant, la France a toujours cherché àconcilier l’indépendance de ses choixmilitaires,ses ambitions en faveur de la défense euro-péenne et la nécessaire solidarité transatlan-tique quand nous décidions de nous engagerdans une opération conduite par l’Otan.

Et nous sommes encore dans une situationparticulière : nous ne participons ni au comitédes plans de défense, ni au groupe des plansnucléaires de l’Alliance, nous n’exerçons aucuneresponsabilité hiérarchique de haut niveaudans la structure militaire permanente etnégocions au cas par cas les règles d’engage-ment des unités déployées sous la bannière del’Otan. C’est loin d’être négligeable !

La France est forte de cette position particu-lière au sein de l’Alliance qui a l’avantage de neplus faire débat en politique intérieure et quiest tout à fait admise par les Américains.Pourquoi en changer aujourd’hui ?

Qu’est-ce qui aujourd’hui justifie un change-ment de notre part ?

Qu’est-ce qui pourrait justifier aujourd’hui unchangement de la position de la France ? Pireun changement qui affecterait notre identiténationale ?

Rien ne justifie aujourd’hui sur le fond notreretour

le rôle et les objectifs de l’Otan restent flous.L’alliance militaire est parfois perçue commemenaçante et la tendance est à « militariser »par le biais de l’Otan toutes les questions desécurité (sécurité énergétique, environne-ment) ;

son champ géographique s’est élargi sans quel’on sache à quoi il correspond vraiment ;

l’unilatéralisme militaire pratiqué par l’équipeBush a poussé l’Otan à agir comme si l’Allianceétait devenue le « bras armé des croisades del’occident » et l’on connaît les résultats désas-treux de cette politique.

Pour nous-mêmes la réintégration présenteconcrètement peu d’avantages

- Notre retour signifie-t-il un regain d’influencepour notre pays au sein de l’Otan ?

Apparemment pas, alors que la positionactuelle de la France lui permet de définir aucas par cas les conditions d’engagement et decontrôle des unités qu’elle place sous l’autoritéde l’Otan. Lors de la campagne aérienne duKosovo en 1999, nous avons exigé d’avoirconnaissance de la planification des frappes,nous avons exercé notre droit de regard sur lesmissions, non seulement pour décider ou nonde l’intervention de nos avions,mais aussi pourempêcher certaines frappes trop lourdes pourles populations. C’est au niveau le plus haut del’État que cette exigence politique s’exprimait,justement parce qu’il ne pouvait, du fait de

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notre statut spécifique, y avoir d’accord mili-taire préalable à une planification complète.Les décisions politiques françaises étaientrelayées par la voie militaire. Cet avantageexorbitant disparaîtra lorsque nous devien-drons des acteurs ordinaires de la planificationmilitaire. On voit bien aujourd’hui combien unetelle exigence serait nécessaire en Afghanistan.Cet argument est très fort au moment où noussommes confrontés à la fois à la situation enAfghanistan et à la question des limites géo-graphiques de l’Otan.

- Ce n’est pas le renforcement du nombre d’of-ficiers français dans les états-majors de l’Otanqui va compenser l’affaiblissement de la capa-cité de notre pays à peser de l’extérieur sur lesdécisions militaires concernant l’emploi desforces. Pire, nous risquons de perdre notreindépendance car il sera difficile de s’opposerà des opérations militaires que des officiersfrançais auront planifiées.

Il faut rappeler que Jacques Chirac avait tenté,entre 1995 et 1997, une réintégration complèteà la condition de se voir confier le commande-ment de Naples. Rien de significatif n’a étéobtenu des Américains. Rien ne dit que ceserait différent aujourd’hui. Bien au contraire !

- Notre retour au sein du commandement mili-taire a aussi un coût budgétaire évalué à 80millions d’euros, auxquels il faut sans douteajouter une nouvelle augmentation des cré-dits au titre des OPEX (opérations exté-rieures). Au moment où l’on sacrifie tant leformat de nos armées que leur équipementau nom de la révision générale des politiquespubliques et des économies budgétaires,accroître ainsi les charges conduira inélucta-blement à couper encore plus dans les bud-gets d’investissement.

On voit bien aujourd’hui que le président de laRépublique a décidé de bouger au mauvaismoment. Il n’est plus question de revendica-tions ou de contreparties, mais bien de norma-

liser la situation de notre pays, de le banaliser.On rentre sans condition. C’est un alignementsans condition.

Aujourd’hui, c’est moins la place de la Francedans l’Otan qu’il est urgent de clarifier que lerôle et le fonctionnement futurs de l’alliancedans une période marquée par les tensions etles crises internationales dont les caractéris-tiques ont évolué.

Le retour dans l’OTAN est une menace pourl’Europe de la défense

Seule l’autonomie de nos armées et de nosétats-majors garantit la possibilité deconstruire de façon autonome une défenseeuropéenne. Certes, en liaison avec l’Otan,maissans lui être subordonnée.

Pour nous, ce qu’il faut faire, c’est relancer avecdétermination la défense européenne commecela a été fait entre 1998 et 2001 (des accordsde Saint-Malo à la déclaration de Laeken).

Or, il n’y a pas aujourd’hui de dynamique favo-rable à l’Europe de la défense comme lemontrele très mauvais bilan de la Présidence Françaisede l’Union européenne.

Ce n’est pas la position de la France face aucommandement intégré de l’Otan qui bloquela défense européenne. En revanche, la norma-lisation de notre statut dans l’Alliance ne ren-force pas la cohésion européenne. On peutmême craindre que notre retour au sein del’Otan soit, pour nos voisins, le signal d’unemoindre priorité donnée à ladéfense européenne.

Pour nos industries de défenseet pour les emplois de ce sec-teur, la « normalisation »impliquera le triomphe sanspartage d’une intégrationdans les normes et standardsaméricains.

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PÉTITION �

« Pour la justice sociale, pour la relance,abrogeons le “paquet fiscal” »La France traverse la plus grave crise économique et sociale depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Loin de prendrela mesure de la situation, le gouvernement n’a toujours pas adopté le plan de relance dont notre pays a besoin.Le bouclier fiscal adopté par la majorité UMP-Nouveau Centre dès le mois de juillet 2007 est une mesure profondémentinjuste qui accentue les inégalités en protégeant les plus fortunés des Français.Injuste à son origine, le « paquet fiscal » est devenu absolument insupportable en cette période de crise économique etsociale qui frappe si durement la France. Tous les Français se sentent menacés, trop souvent même frappés, saufquelques dizaines de milliers qui restent protégés. Le déficit budgétaire atteint plus de 100 milliards d'euros et l'étatFrançais continue, avec son bouclier fiscal, à verser à quelques privilégiés des chèques d'une valeur moyenne supé-rieure à 33 000 euros. Le chômage explose et l’État français continue de subventionner les heures supplémentaires parrapport aux embauches.La Grande-Bretagne ou les États-Unis ont décidé de faire contribuer les plus riches à lutter contre la crise ; en Francel'UMP s'accroche désespérément à son « paquet fiscal » et s’enferre dans l’inaction.C'est pourquoi, nous demandons la suppression du « paquet fiscal » ce qui permettrait de dégager 15 milliards d’euros paran pour mener une vraie politique pour améliorer le quotidien des Françaises et des Français et sortir la France de la crise.

PÉTITION À RENVOYER AU PARTI SOCIALISTE, 10 RUE DE SOLFERINO 75007 PARISTÉLÉCHARGEABLE SURWWW.PARTI-SOCIALISTE.FR

�NOM : PRÉNOM : SIGNATURE :

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Courriers � DES LECTEURS

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Mauvais montage

Comme beaucoup de mili-tants qui ont eu le même

parcours, la foi chrétienne n'apas été étrangère à mon enga-gement actif, parce que nousretrouvons dans l'idéal socia-liste beaucoup de conver-gences avec les valeurs évan-géliques qui nous animentintérieurement. Cela ne nousempêche pas d'être à l'aisedans une République laïque,parce que, comme l'écrit AlainBergounioux, la laïcité est

« avant tout un respect del'égalité des individus, quellesque soient leurs convictions etleurs croyances ».Alors, permettez-moi de vousfaire part de mon désaccordradical avec le montage photo-graphique des pp. 18 et 19.L'épisode qui est tourné endérision symbolise le don quefait de sa personne le Christauquel les chrétiens réfèrentleur vie, ce que toute personnecultivée, quelles que soient parailleurs ses opinions, est àmême de savoir. Laissez donc àSarkozy le soin de dénaturer et

d'instrumentaliser l'idéal chré-tien : il s'en charge très bien !Certes, je sais que la laïcité nepeut se réduire à la tolérance,contrairement à ce que pré-tend ce dernier,mais elle incluttout de même le respect desconvictions intimes de chaquecitoyen, dès lors qu'elles nevont pas à l'encontre de nosidéaux républicains.

Claude Dubois, militant

Respecter lesconvictions de chacun!

La dérision du phénomènereligieux ne peut pas être

la position officielle du Parti.Ce serait une négation de lanotion même de laïcité, car iltraduirait un manque de res-pect, voire un mépris desconvictions personnelles.Veut-on rejeter les croyants,ou en tout cas la majoritédes cathos encore plus versl'UMP ou au mieux versBayrou ? (…) Notre parti nepeut pas faire l'économie dela réflexion. Il doit se livrer àune analyse philosophique,politique et sociale sur lesmanifestations du phéno-mène religieux dans lemonde et en France, avec desoutils actualisés.

Jean-Claude Cherhal,militant à Grenoble

ILs•eLLes en ParLenT

Limites de la caricature

J e suis professeur de français en lycée public, adhérent du Partidepuis 1994 et attaché à la laïcité, descendant d'Aristide Briand,

«père » de la loi de 1905, et… catholique pratiquant.Toutes les critiques portées à Nicolas Sarkozy dans ce dossier, je lespartage et je signerai des deux mains, mais la caricature en pages18-19 qui «pastiche» et détourne La Cène de Juan de Juanès, en rem-plaçant Jésus par Sarkozy qui grimace devant l'hostie, entouréd'Henri Guaino, Emmanuelle Mignon et Christine Boutin, là cela nepasse pas. Cela dépasse le cadre de l'humour et de la caricature. LaCène, pour tout catholique, est un élément identitaire voire sacré, eton connaît la constante historique de la présence au PS et à gauche,de « cathos de gauche», je ne citerai que Jacques Delors...En République, on a droit d'aller dans la caricature jusqu'au blas-phème (Charlie Hebdo), mais il faut en même temps avoirconscience en le faisant que cela choque, inutilement, blesse lesadhérent-es du Parti qui sont par ailleurs des chrétiens, tout enétant attachés à la République laïque, démocratique.

AnthonyWhitney,professeur de français,militant à Paris

Le dossier consacré à la laïcité dans le numéro 519 de l’Hebdo a suscité de nombreusesréactions, certaines plutôt vives, notamment au sujet de l’illustration p. 18.Nous présentons nos excuses aux personnes que nous avons pu blesser.

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DES LECTEURS � Courriers

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Passéiste,la loi de 1905 ?

La responsabilité de l'État sesitue dans le rapport entre

celui-ci et ses citoyens, quellesque soient leurs options.Liberté de conscience, certes,mais aussi égalité devant la loicommune et non je ne saisquel interculturalisme ; frater-nité – universalité, beau nomque j'emprunte à Henri Pena-Ruiz –, c'est-à-dire recherchede ce qui unit.Discours passéiste ? Non,enjeu actuel. Passéiste, la loide 1905 ? C'est ce que pensentles représentants des reli-gions, la droite et Sarkozy, quia le mérite de la franchise.Cette loi a fait de la laïcité,sans épithète, la pierre angu-laire de la République.La loi de séparation n'estpas une loi antireligieuse.Jaurès et Briand ont imposéun texte qui installait l'in-dépendance réciproque del'État et des religions, mal-gré la gauche républicainequi aurait souhaité mettrel'Église catholique sous latutelle de l'État.C'est cette indépendanceprécieuse pour la paix civileet pour les religions que JeanBaubérot (grand témoin dudossier, ndlr) ose qualifier de« conception antérieure de lalaïcité » et que la droite der-rière Sarkozy veut suppri-mer.

Guy Georges,militant à

Maisons-Alfort

Le numéro 521 était consacré aux droits des femmes.Vous avez été nombreux-ses à nous signalerd’importants oublis dans la chronologie p.21.Nous réparons ici notre erreur.

• Germaine Poinso-Chapuis n’a pas été la première femmeministre, comme nous avons pu l’écrire. Elle fut la premièrefemme ministre de plein exercice. Mais avant elle, troisfemmes participèrent au premier gouvernement de LéonBlum, en tant que sous-secrétaires d’État :

• Cécile Brunschvicg, chargée de l’Éducation nationale.

• Irène Joliot-Curie chargée de la Recherche scientifique,jusqu'au 28 septembre 1936.

• Suzanne Lacore, chargée de la Protection de l'Enfance.

Une autre date majeure dans l’histoire des femmes fait défautà cette chronologie :• 22 avril 2007 : Ségolène Royal est la première femmecandidate à l’élection présidentielle, présente au second tour.

DISPARITIONLouis Alliot,militant socialiste très investi,nous a quittés cet été. Christian Sautter, adjoint aumaire de Paris, chargé de l'Emploi, du Développementéconomique et de l'Attractivité internationale,lui rend hommage.

Louis Alliot a d’abord été un syndicaliste qui a organiséles cadres du nouveau secteur de la Défense, à l’ouest deParis, pour mettre plus de solidarité et de chaleur humainedans cette froide cité des affaires.

La retraite venue, il s’est investi à plein temps dans lemili-tantisme socialiste, au sein de la commission économique, oùil apportait une expérience vécue de l’entreprise, puis au seinde la section Culture, où il plaidait pour que tous puissent yavoir accès et pas seulement une élite dite cultivée.

Faisant front dans la défaite, joyeux dans la victoire,Louis était un militant inoxydable, dévoué au bien commun,aux antipodes du dogmatisme et de l’arrivisme.

C’était un homme de gauche vraiment droit.

Christian Sautter

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Territoires � DÉVELOPPEMENT DURABLE

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 21 MARS 2009

Quels sont, selon le Comité desRégions (CdR), les principauxenjeux européens en matièrede politique énergétique ?Il me paraît essentiel de déve-lopper une politique com-mune sur le long terme, entenant compte des questionsénergétiques, dans leur globa-lité, au profit des aspectssociaux et environnementaux.À titre indicatif, la sécurité del’approvisionnement est unthème sensible qui doit néces-sairement tenir compte desdifficultés rencontrées parchacun des États membres,dont les situations peuventvarier du tout au tout. Ceconstat appelle à une action

coordonnée, à l’échelle euro-péenne, afin de réduire lesdéséquilibres internes, resser-rer les liens entre partenaireset limiter les risques pourl’Union dans son ensemble.Le CdR juge, par ailleurs,essentiel de s’appuyer sur lesterritoires. Les élus jouent eneffet un rôle-clef dans lecadre de la définition, de laplanification et de la mise enœuvre des politiques énergé-tiques européennes.

Vous êtes également maire dela Bastidonne, petite com-mune rurale située dans le sudde la France. Vos préoccupa-tions d’élu trouvent-elles un

écho dans la politique menéepar l’Union européenne enmatière de recherche d'effica-cité énergétique ?Le rôle des autorités régio-nales et locales, dans cedomaine, est essentiel. Et lesvilles européennes qui agis-sent quotidiennement dansle secteur énergétique doi-vent faire valoir leur point devue et exprimer clairementleurs préférences. Le Comitédes Régions a d’ailleursaffirmé, à plusieurs reprises,son soutien aux collectivitésterritoriales dans le cadre dela « Convention des Maires »,qui insiste, en particulier, surla nécessité de faire des auto-rités locales et régionales, ausens large, les parties pre-nantes de la Convention.

Comment le Comité desRégions a-t-il accueilli l’an-nonce d’une nouvelle initia-tive de financement en faveurde l'énergie durable ?Nous y sommes tout à faitfavorables. Mais il faudrait quecette initiative consacre unepart significative des moyensd’action dont elle dispose au

Jean-Louis Joseph en est convaincu : les objectifs « 3 x 20 » – 20 % de réductiondes émissions de gaz à effet de serre, 20 % d’augmentation de l’efficacité éner-

gétique et 20%d’énergies renouvelables,à l’horizon 2020 –doivent rester une prio-rité locale et nationale, afin d’assurer la cohérence et la continuité nécessaires ausuccès de l’action entamée à l’échelle européenne. « L’efficacité énergétique est nonseulement au cœur des objectifs « 3 x20 »,mais joue également un rôle essentiel enmatièredesécuritéd’approvisionnement,puisqu’unediminutionde laconsommationentraîne une réduction de la dépendance énergétique, affirme l’élu socialiste.Toutefois, l’efficacité énergétiqueest le seul,parmi les trois objectifs précités,ànepasencore avoir été traduit dans un instrument législatif contraignant. » B.T.

La recherche de l’efficacité

Jean-Louis Joseph, rapporteur pour le compte du Comitédes Régions et Président de la European federation ofregional energy and environment agencies (Fedarene),évoque les grands enjeux des politiques énergétiqueseuropéennes et leurs conséquences sur les collectivitésterritoriales.

« Les élus, acteurs clésde la politique énergétique »

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EN BREF � nos élus

financement de projets menésaux niveaux régionaux etlocaux.Une telle opération doitêtre aussi ambitieuse que lapolitique énergétique menéeau sein de l’espace communau-taire, en préservant le leader-ship européen en matièred’énergie durable et de techno-logies vertes. Le rôle desagences régionales et localesde l’énergie à travers l’Union està cet égard essentiel. Ne serait-ce que parce qu’elles sont despartenaires stratégiques depremier planpourmener àbienla politique énergétique euro-péenne. Leur action devraitd’ailleurs être plus fortementsoutenue et valorisée par l’UE.Enfin, la transformation duchamp énergétique européenen un système plus décentra-lisé nécessite des investisse-ments significatifs, donc desemplois, ainsi qu’une réelleconcertation avec les acteurslocaux et régionaux, en plusd’une reconnaissance accruede leur rôle en matière depolitique énergétique.http://www.cor.europa.eu/www.fedarene.org

BrunoTranchant

L’eau coule moins cher au Muret

C’était un engagement électoral de la nouvelle majo-rité. Au terme de plusieurs mois d’âpres discussions,

le Conseil municipal du Muret (Haute-Garonne,25 000 habitants) a adopté, à l’unanimité, une baissesignificative du prix de l’eau : 45 % sur les 30 pre-miers m3 (22,5 %, en comptabilisant l’assainissement etles taxes, 19 % au-delà du seuil indiqué). Cette nouvellegrille est entrée en vigueur depuis le 1er janvier. Elle fluc-tue au gré de la consommation mensuelle des ménages.« Les personnes âgées et isolées en sont les principalesbénéficiaires, se félicite le maire, André Mandement. Lesplus gros consommateurs, au premier rang desquelsfigurent les entreprises, sont soumis, pour leur part, àune baisse maximale de 12 %. »Le pari s’annonçait difficile, d’autant que les prix avaientconnu une hausse de 3,47 %, en 2008. Ce qui a valu aumaire et à son adjoint, Christophe Delahaye, aussitôt élus,d’engager une négociation à couteaux tirés avec le conces-sionnaire privé, Veolia pour obtenir gain de cause. « Àcharge, pour le groupe, de revoir ses conditions à la baisse,sous peine de voir filer le marché, au profit d’une municipa-lisation du service en régie, confie l’élu. Faute d’accord,

toute rupture contractuelleavant 2012 aurait contraintla collectivité à parer auplus pressé et à récupérerune partie du personnel, enengageant des frais supplé-mentaires ». Au total, le prixde l’eau et de l’assainisse-ment a diminué de 17 %, enmoyenne. « Compte tenudes critères que nous avonsimposés à notre prestataire,on est en droit d’affirmerque la ville a pris le contrôledu prix de l’eau, conclutAndré Mandement. À l’ave-nir, aucune augmentation nepourra se faire sans notreaccord ».

B.T.

La preuvepar l’exemple

AndréMandement,maire de Muret.

L’efficacité énergétique :une priorité locale eteuropéenne.

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Territoires � EN BREF

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Île-de-FranceJuteuxmarchéde l’eau

Depuis qu’André Santini aobtenu, fin 2008, la recon-

duction du mode actuel de ges-tion du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF) dont il assumela présidence, « les multinatio-nales se disputent ce juteuxcontrat », déplore PhilippeKaltenbach, le maire PS deClamart (Hauts-de-Seine). Lemontant de ce marché quitouche 4 millions d’usagers,porte sur plus de 370 millionsd’euros annuels. « Veolia,qui estl’unique délégataire du marchédepuis 1923, n’entend pas lais-ser une part du gâteau à ses

concurrents », poursuit-il. « Est-ce l’intérêt des usagers ou celuides multinationales qui com-mande les choix du SEDIF ? »,s’interroge l’élu, partisan d’unretour à une gestion publiquede l’eau, « la seule à même degarantir l’intérêt des usagers !

Rapport BalladurLes réservesde l’AMGVF

Les propositions du rapportBalladur n’en finissent plus

de susciter des réactions.L’Association des grandes villesde France (AMGVF) s’interrogeainsi sur le seuil de 11 métro-poles préconisé par le Comité.Ce document « n’évoque pas lesréseaux de villes qui consti-tuent pourtant les nouveauxespaces de coopération entreaires urbaines multipolaires,favorisent une meilleure inté-gration des potentiels, desacteurs et des projets et per-mettent à nos villes, de taille

modeste, de compter enEurope », prévient l’AMGVF.Avant de stigmatiser une pro-position visant à laisser auParlement la définition d’unobjectif annuel d’évolution dela dépense publique locale. Cequi revient à remettre en causel’autonomie financière des col-lectivités.

Saône-et-LoireDes péages quipassent mal

Exemple, parmi d’autres, dudésengagement de l’État, le

sort réservé à la Route CentreEurope Atlantique (RCEA) quimobilise les élus de Saône-et-Loire. L’annonce, le 12 février,par Dominique Bussereau,ministre des Transports, depéages sur cette voie qui tra-verse l’Hexagone d’Ouest enEst, a provoqué une levée deboucliers. Cette initiative« équivaudrait à dédouanerl’État de ses responsabilitésfinancières et à faire payer auxsaône-et-loiriens une routequ’ils utilisent gratuitement etqu’ils ont contribué à finan-cer », protestent les édiles, quiaffirment leur opposition à cequi apparaît clairementcomme une manipulation debas étage.

Bruno Tranchant

Formation professionnelle« Les régions ne sont pas des tiroirs-caisses ! »

En réponse aux propos de Nicolas Sarkozysur la formation professionnelle, Jean-Jack

Queyranne, président de la Région Rhône-Alpes, estime que la réforme annoncée ne sau-rait se traduire par une « re-étatisation aumoment où l’on constate une baisse desmoyens de formation du Pôle emploi et descrédits d’État aux missions locales ». Face à la

crise, les exécutifs régionaux sont en première ligne, estime-t-il.« La formation représente le quart de leur budget. Elles innoventdans tous les domaines et sont légitimement reconnues, maiselles ne peuvent être considérées uniquement comme destiroirs-caisses. »

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Israël : le déclindu Parti travailliste

A u lendemain de la vic-toire de la droite enIsraël, David Chemla,

Président de « La PaixMaintenant » analyse le déclindu Parti travailliste, dont leschoix ont abouti à une perted’identité,marqué par une éro-sion constante de son supportau sein de la population. Lacréation de Kadima, parSharon, en 2005, avec destransfuges du Parti travaillisteet du Likoud, répondait, en cas-sant la logique des deux blocs,au besoin de la population devoir émerger un parti centristecapable de construire, autourde lui,une coalition stable pourfaire face aux défis du pays.Cela ne s’est pas vérifié lors desdernières élections.Les résultats des électionsisraéliennes, entretien deJean-Michel Rosenfeld avecDavid Chemla, FondationJean-Jaurès, février 2009.(http://www.jean-jaures.org/).

Pour uneindemnisationdu chômage justeet efficace

L a Fondation Terra Novapublie une note, sous lasignatured’ÉmileBambou,

pseudonyme d’un spécia-liste reconnu des affairessociales, sur la question del’indemnisation du chô-mage. Un document parti-culièrement instructif àl’heure où le gouvernements’apprête à valider l’accordnégocié par les partenairessociaux, fin décembre. « Si lanégociation à laquelle il adonné lieu a permis quelquesavancées,ceprojetne traitepasle sujet desmoins de 25 ans, etdevrait se traduire par unediminution des droits pour denombreux demandeurs d’em-ploi, concède l’auteur. Desmesures alternatives sont pos-sibles, qui permettraient uneprise en charge du chômageplus juste et plus efficace »(http://www.tnova.fr).

L’Unité sur le Net

D e 1972 à fin 1986,L’Unitéa été l’organe de presseofficiel du Parti socia-

liste. Sous l’impulsion deClaude Estier, il a accompagnéplusieurs milliers de militants,quinze années durant. Le siteInternet de la Fondation Jean-Jaurès met désormais à la dis-position des internautes l’inté-gralité des articles publiésdans cet hebdomadaire qui aprécédé Vendredi et L’Hebdo.

Soit 672 numéros téléchargea-bles ou consultables en ligne(http://www.jean-jaures.org/).

Le MJS pirateHADOPI

L e projet de loi HADOPIinstaure le principe de« riposte graduée », en

coupant la connexion des«pirates» qui téléchargentillégalement des fichiers. LeMJS, mouvement des jeunessocialistes, dénonce ce textequin’aqu’unobjectif :« défen-dre les intérêts financiers desgrandes majors du disque quivoient leur modèle écono-mique s’effondrer, et criminali-ser les usagers d’Internet ». Lesjeunes militants se pronon-cent pour lamise enplace d’unsystème économique, via lalicence globale, qui permet-trait de rémunérer les artisteset de démocratiser l’accès àtoutes les formes de culture. Ilss'associent enfin à l'appel duréseau des pirates (reseaudes-pirates.org), partisan de lasignature d’un pacte pour leslibertés numériques.

Bruno Tranchant

VIE DU PARTI � secteurs

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Le pouvoir fait le sourd,la gauche donne la parole

Toujours sur le front. Les chercheurs, enseignants et étudiants restent mobilisés contrela politique gouvernementale. Le Parti socialiste lance une consultation avec le PCF etles Verts, afin de formuler des propositions pouvant déboucher rapidement sur une loi.

Ils sont plusieurs centainesde milliers. Unis contre ungouvernement engoncé

dans ses certitudes. Dans leviseur, le projet de réforme dudécret de 1984 sur le statutdes enseignants-chercheursdéfendu avec acharnement parValérie Pécresse. Leurs revendi-cations sont claires : retrait dudécret sur le statut des univer-sitaires, annulation de laréforme sur la formation desenseignants, négociations surle contrat doctoral, mise enœuvre d’un plan pluriannueld’emplois dans les universitéset les organismes de recherche,dont le démantèlement doitimmédiatement cesser.

EntêtementL’enjeu est de taille, d’autantque les politiques engagéesces dernières années ont mis àmal les fondementsmêmes deces institutions. À commencerpar leur fonctionnement collé-gial, leur coopération et leurfinancement. « La loi “Libertéset responsabilités des universi-tés” (LRU), en particulier, nerépond pas aux problèmes desuniversités, mais en crée denouveaux, comme en attestentles mouvements en cours »,déplorent à l’unisson BertrandMonthubert, secrétaire natio-nal PS à l’Enseignement supé-rieur et la recherche, LaurentAudouin, responsable de la

Commission Recherche etenseignement supérieur desVerts, et Olivier Gebuhrer,membre du Conseil nationaldu PCF. Tous appellent auretrait des textes qui sont àl’origine du conflit, à l’ouver-ture de négociations vérita-bles et au rétablissementimmédiat des postes suppri-més.Sans compter que « la miseen œuvre d’un plan plurian-nuel de l’emploi scientifiqueest une mesure nécessaire etun signal important àl’adresse des jeunes généra-tions, poursuivent les respon-sables politiques. Malgré lerejet très majoritaire que sesprojets suscitent, le gouver-nement persiste dans l’entê-tement et la manœuvre. »

ConsulterLa communauté scientifiqueetuniversitaire a fait valoir sespropres pistes de réformes,rejetées en bloc pas le gouver-nement. « Il est urgent de leurdonner un débouché politique,estime Bertrand Monthubert.Une demande de mission par-lementaire, regroupant lamajorité et l’opposition, a étéadressée au président de

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VIE DU PARTI � Recherche

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l’Assemblée nationale. Elle aété rejetée.Qu’à cela ne tienne,nous organiserons nous-mêmes les consultationsqu’elle appelait ! »Des échanges ont été pro-grammés les 17, 30 et 31 mars,en présence des principauxacteurs : étudiants, personnelsde recherche et citoyens. Ce,afin de définir les grands fon-dements d’une politique pro-gressiste. « Prétendre réfor-mer lesmodalités de fonction-nement, comme le fait la loiLRU avec la gouvernance desuniversités, sans fixer l’orien-tation générale, n’est pas hon-nête, renchérit le dirigeantsocialiste. Dans un secondtemps, nous déclinerons enpropositions concrètes cesgrandes orientations. »Le temps presse, d’autant quel’UMP s’obstine, pour l’heure, àimposer une discussion seg-mentée sur chaque aspect. « Lerétablissement des emploisscientifiques supprimés en2009 est une priorité, affirmeBertrand Monthubert. Le Partipersiste à demander uneréorientation budgétaire à ceteffet, et propose la mise enplace d’un plan de recrute-ment permettant de dévelop-per notre recherche, d’amélio-rer les capacités d’accueildes étudiants et d’attirer lesjeunes vers lesmétiers de l’en-seignement supérieur et de larecherche. » Une façon dedépasser l’objectif minimumde 3 % du PIB consacré à larecherche et à l’enseignementsupérieur.

Bruno Tranchant

Jean Fabbri, maître de conférences enmathématiques, secrétaire général duSNESUP (Syndicat national del’enseignement supérieur).

Que vous inspirent les négociations en coursavec Valérie Pécresse ?Il n’y a pas de négociations, mais unmouvement sans précédent autour de la

recherche. Laquelle est mise à mal par les suppressions d’emplois,le projet de décret ministériel et la fragilisation des organismesspécialisés. Avec, en toile de fond, le démantèlement du CNRS,de l’INSERM et des chaires mixtes qui concentrent, sur un tout petitpérimètre, des moyens dont sont privés la plupart des universitaireset des chercheurs.Il nous faut faire face à des retards de crédits incessants, un immobiliervétuste et un investissement dans la matière grise proche du degrézéro. Nous réclamons donc des postes statutaires pour exercer nosmissions dans de bonnes conditions. Nous ne voulons pas d’un décretqui fasse éclater la solidarité entre nos activités de recherche et deformation.Or, le gouvernement refuse toute discussion avec les organisationssyndicales qui portent la contestation.

Quelle vision de l’université opposez-vous au gouvernement ?Le SNESUP milite pour un rapprochement des formations post-baccalauréat. Celles-ci sont aujourd’hui éclatées entre les filièressélectives – classes préparatoires, grandes écoles, universités – ettechniques. Notre pays doit donc investir massivement dans larecherche et la formation. Il faut créer un vrai modèle de service public,au profit de la collégialité entre établissements. Le contraire, en somme,de la logique managériale et libérale que le gouvernement nous aimposée, par le biais de la loi LRU. Ce modèle « entrepreneurial »ne peut être importé dans le monde universitaire qui s’appuie surune tradition transversale et collégiale, respectueuse de la diversitéet du débat.

La perspective d’une nouvelle loi vous semble-t-elle opportune ?Oui. Le modèle que la majorité UMP tente d’imposer est sansfondement. Compte tenu de la forte mobilisation que suscite le textedéfendu par Valérie Pécresse, une remise à plat s’impose, en prenantappui sur les propositions des organisations syndicales.

Propos recueillis par Bruno Tranchant

« Non à la logique managériale »

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L’HEBDO DES SOCIALISTES � 21 MARS 2009

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Quand l’idée d’un rapproche-ment entre syndicalisme etsocialisme se fait-elle jour ?Il faudrait inverser la question.Jusqu’à la fin des années 1870,il existe en effet une grandeproximité entre syndicalismeet socialisme. En octobre 1876,

s’ouvre ainsi à Paris le premierCongrès ouvrier, bientôt suivid’un second, à Lyon, en 1878,auquel participent des délé-gués des chambres syndicalesou à défaut d’associationsouvrières. S’ensuit la créationde la Fédération du Parti des

travailleurs socialistes deFrance (FPTSF) au congrès deMarseille, en 1879.Des lignes de forces s’affir-ment cependant peu à peu.Les guesdistes sont convain-cus qu’il incombe au Parti decoordonner les luttes et que lesyndicalisme n’a qu’une fonc-tion revendicative. De leurcôté, les syndicalistes sont par-tagés entre une tendanceréformiste - notamment chezles travailleurs du livre et lesmineurs -, qui défend les inté-rêts corporatistes du mondesalarial, et une tendance anar-cho-syndicaliste majoritaire,convaincue que la Révolutionsocialiste ne peut venir que del’entreprise, indépendammentde l’action parlementaire .

En 1906, au congrès d’Amiens,la CGT affirme son indépen-dance et son hostilité à lapolitique de la SFIO. Commenten est-on arrivé là ?Deux visions coexistent : d’uncôté, la CGT se reconnaît dansle syndicalisme révolution-naire, résumé dans la Charted’Amiens ; de l’autre, la SFIOdéfend le parlementarisme.Cette différence d’apprécia-tion n’empêche nullement lesrapprochements personnels.Jaurès plaidera d’ailleurs tou-jours pour une reconnaissancedu fait syndical, en prêchantl’unité autour de grandes

Histoire � SYNDICALISME

Socialistes et syndicalistes :je t’aime, moi non plus

Souvent tendues, toujours complexes, les relations entremouvements syndicaux et Parti socialiste sont traverséespar des lignes de force différentes,mais complémentaires.Récit d’un siècle et demi de luttes communes, avec AlainBergounioux,historien et conseiller aux relations avec lesfondations et aux revues.

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revendications sociales. En1914, les socialistes seront ainsiassociés au mouvementouvrier.

Comment la situation évolue-t-elle à l’issue de la GrandeGuerre ?Cette période est marquée parl’émergence du Parti commu-niste. En 1921, la CGT connaîtune scission entre une branchehéritière du syndicalisme révo-lutionnaire, qui adopte pro-gressivement une postureréformiste dans les pas de LéonJouhaux, et la CGTU, liée au PCet qui parvient à capter unepartie de l’héritage du syndica-lisme révolutionnaire, sousl’égidedeBenoît Frachonàpar-tir des années 1930. La créationde la CFTC, en 1919, ajoute à ladivision syndicale, constituantun syndicalisme inspiré par lechristianisme social. La situa-tion des socialistes est com-plexe : la CGT, l’organisation laplus proche, défend l’indépen-dance syndicale pour luttercontre la CGTUcommuniste. LaSFIOnepeut pasnouer de liensorganiques avec les syndicats.

Des coopérations politiques etsyndicales émergent dans lesannées 30…La réunification de la CGTintervient en mars 1936, auterme de longues négocia-tions. La Confédération réuni-fiée est signataire du pro-gramme du Front Populairequi rassemble les partis degauche, le Comité de vigilancedes intellectuels antifascisteset de nombreuses associa-

tions. Cependant, elle ne parti-cipe pas au gouvernementBlum, en dépit des appels duchef de file socialiste.

Comment ces relations ont-elles évolué ?La Seconde Guerre mondialeest marquée par un nouveléclatement des forces syndi-cales qui ne retrouveront leurunité qu’à la faveur de laRésistance. En 1943, les élé-ments de la CGT réformistes etcommunistes se regroupent ànouveau, tandis que la CFTCfonde sa légitimité sur sonatti-tude dans la Résistance.Après la guerre, le pluralismesyndical est réaffirmé. Cettetendance se confirme par lanaissance, en octobre 1944, dela CGC. Elle ne cessera de s’am-plifier après 1948, au travers del’éclatement de la CGT et del’émergence de Force ouvrière(FO) et de la Fédération del’éducation nationale (FEN).Si la CGT domine ensuite lemonde ouvrier, FO et la FENexercent leur influence dans lafonction publique. La SFIOprendacte de cette situation etdu combat de FO pour l’indé-pendance syndicale. Elle doitégalement composer avec laCFDT, qui naît de la scission dela CFTC, en 1964, et qui se rap-proche du PSU dans les années1960. Sa plus grande proximitése situe avec la FEN, principale-ment le Syndicat national desinstituteurs (SNI, puis SNI-PEGC à partir de 1976).

Propos recueillispar Bruno Tranchant

Les années 70 et l’après-Épinaymarquent l’entrée dans une nou-velle période. Jusqu’alors, socia-listes et membres de la SFIOentretenaient des relations com-plexes voire tendues avec le mou-vement syndical. « D’un côté, laCGT obéissait aux injonctions duPC, de l’autre, subsistait l’idéed’un syndicalisme plus critiquevis-à-vis des partis politiques»,résume Alain Bergounioux.Des relations plus régulièress’établirent à nouveau. « Les der-nières interventions du PS dans lechamp syndical se tinrent aumilieu des années 70, lorsqueFrançois Mitterrand et une majo-rité de socialistes prirent partidans la lutte de tendance propre àla FEN pour soutenir les syndica-listes qui leur étaient proches »,poursuit l’historien. La période quisuivit se traduisit un changementde cap radical. Tout le monde apris acte de l’autonomie syndica-liste, que la CGT, à son tour,affirma au milieu des années1990, en prenant ses distancesavec le PCF. « Dès lors, la concer-tation allait dominer dans les rap-ports entre partis politiques etmouvements syndicaux, poursuitAlain Bergounioux. Et il n’existeplus un point de vue de socialiste.Il ne s’agit plus de réunir derrièreune même plate-forme program-matique des organisations diffé-rentes. Chacune possède unchamp d’action et de propositionqui lui est propre, dans le respectmutuel ».

AuTonoMieeT ResPecTmuTueL

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Histoired’un camp français

L e camp dit «du Struthof»se trouvait dans une zonedu territoire français que

le IIIe Reich avait annexée :l’Alsace-Moselle. Il a été créétardivement. Ses annexesétaient des lieux de productionimportants pour l’économie deguerre nazie, pour l’aéronau-tique. Cette étude d’une lec-

ture éprouvante montre le cal-cul économique qui présidait àtous les choix nazis dans lagestion d’une main-d’œuvreréduite en esclavage et aussiles concurrences entre lesdivers organes de l’appareild’État qui voulaient profiter enpremier de ces hommes pourse renforcer et aussi pour s’en-richir. D’où les transferts nom-breux qu’ils subissaient, dansl’Allemagne étrangement cos-mopolite de la fin du Reich.Les portraits des responsablesde camps sont saisissants. Ilsétaient inhumains, et, enmême temps, leur hiérarchieles méprisait, parce que, sur lemoment, ils prenaient moins lerisque de la mort. Beaucoupont été tués à la fin de laguerre, d’autres ont étécondamnés par des tribunauxde leur pays.

J.G.Robert Steegmann, Le Campde Natzweiler-Struthof, Seuil,384 pages, 22 e.

De la démocratieen Europe

Quelques mois avant lesélections européennes,cet essai permet de

prendre du champ. Disciple dePaul Ricœur, de MauriceMerleau-Ponty et d’ErnstMandel, Jacques Steiwer sepenche sur l’évolution duconcept de démocratie, avantde se projeter dans l’avenir.L’auteur défend l’idée d’un Étatfort, capable de protéger lesfaibles contre l’arrogance despuissants. Pourfendeur de ladésinformation, cet observa-teur avisé de la chose politiques’en prend directement à lacorruption et aux risques dedérives populistes.Plusieurs actions s’imposent,selon lui, pour changer ladonne et remédier aux mauxqui rongent la démocratiemoderne. À commencer par lanécessaire recentralisation del’action politique, la luttecontre les effets nocifs de la

Identités créoles

Une exposition pourcomprendre les cul-tures créoles, les

héritages qu’elles revendi-quent ou dénoncent,décou-vrir des artistes contempo-rains venus d’Haïti, deMartinique,de Jamaïque ouencore de La Réunion. Leparc de la Villette proposeune approche originale et

diversifiée des identités créoles du 7 avril au5 juillet avec Kréyol Factory. Outre une partiedédiée à la mémoire d’Aimé Césaire et rassem-blant les créations de 60 artistes, des scènesd’été seront consacrées auxmusiques créoles, etdes rencontres sont prévues, durant tout lemoisd’avril, avec des personnalités issues du mondehip hop, du théâtre… Une façon de mettre cescultures à l’honneur. F.C.Kréyol Factory, du 7 avril au 5 juillet 2009, Parc de laVillette,tarif : 7 euros, renseignements et réservations surwww.kreyolfactory.com ouwww.villette.com.

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 21 MARS 2009

Culture � À LIRE,À VOIR

LIVRES

EXPO

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Enfants dumonde

D es clichésd’enfants surles rives du

Laos, les routes deMadagascar ou lesplages de Bali. Laphotographe ClaireDenouel porte unregard unique surl’enfance et saisit

avec art ces moments d’innocence et d’ap-prentissage. Elle capte les enfances parfoisdifficiles des pays pauvres, où l’analphabé-tisme notamment reste trop courant. Exposésau Réfectoire à Paris, les clichés sont à vendre,à petit prix, au profit de l’association RogerRiou, qui mène des actions en faveur de l’édu-cation et de la santé à Madagascar et à Haïti.

F. C.Enfance Ailleurs, Le Réfectoire, 80, Boulevard RichardLenoir 75011 Paris, Tel : 01 48 06 74 85, du 22 mars au 14avril 2009.

mondialisation des flux et larefonte du fonctionnementdes partis et de la délégationdu pouvoir. Quelques pistes,parmi d’autres, pour redéfinirnos pratiques de gouver-nance. Un livre utile qui lie undiscours philosophique à ladialectique du concret.

B.T.Jacques Steiwer,De la démocratieen Europe, L’Harmattan, 2008,257 pages, 25 e.

Fraternité et courage

W elcome de Philippe Lioret, c’est l’histoire de Simon,unnaufragé de l’existence qui vit à Calais, cette ville dunord où viennent s’échouer les migrants pour tenter

de rejoindre une Angleterre promise et interdite. Ancien cham-pion de natation, ce maître nageur, en instance de divorce,prend sous son aile un jeune Kurde d’Irak qui veut retrouver àLondres sa petite fiancée, quitte à traverser la Manche à lanage. Simon l’entraîne puis l’héberge au risque de l’opprobredes voisins et du harcèle-ment policier. Le garçonaccomplira son destin.Welcome est un beaufilm pudique en hom-mage au courage et à lafraternité comme uneAntigone des tempsmodernes. Un film qui setrouve aussi aujourd’hui,au centre d’une polé-mique, après les attaquesd’Éric Besson, nouveauministre de l’Immigrationqui prend décidémentson rôle très à cœur. M. D.Welcome, un film de PhilippeLioret, avec Vincent Lindon,Firat Ayverdi.Sortie : le 11 mars 2009

FILM

Pages réalisées par Fanny Costes, Manuela Delahaye et Jacques Goulet.

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Portrait � FADELA AOUMMEUR

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 21 MARS 2009

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O n ne naît pas féministe, on ledevient. Certes, avoir été élevéepar une mère profondément

engagée dans le combat pour l’égalitéfemmes/hommes a sans doute aidéFadela Aoummeur à mener, à son tour, cettelutte. Mais à bientôt 50 ans, cette militanteconsidère que sa détermination a été sa pre-mière arme dans cette bataillequi est toujours d’actualité.Fadela Aoummeur a grandi àThionville, en Moselle. Une en-fance qui fut un tremplin versune vie faite de batailles,d’épreuves et de réussites.Aujourd’hui, l’ancienne commer-ciale est une élue à plein temps àMiramas, une commune desBouches-du-Rhône. Elle est adjointe au maire,en charge de la communication, du développe-ment des associations, et du handicap. Unefonction sur mesure qu’elle prend à cœur etdont elle aime l’aspect concret. « En moins d’unan, nous avons réussi à mettre en place un busgratuit pour améliorer le déplacement des per-sonnes touchées par le handicap. Il leur suffitd’appeler et le bus vient les chercher »,explique-t-elle avec son accent chantant que l’enthou-siasme rend encore plus musical.Cette volonté de fer, Fadela Aoummeur l’a for-gée au fil d’un parcours peu ordinaire. Après unBTS commercial, la Mosellane arrive à Paris oùelle est embauchée dans une grande enseignede restauration. À la naissance de son fils, lajeune maman découvre que celui-ci est atteint

d’une forme d’autisme. Un diagnosticqui fait fuir le père et qui la pousse àdéménager dans le sud pour retrouverses parents. Une aide essentielle pourélever un enfant que les structures

publiques refusent de prendre en charge. Ceconstat pousse Fadela Aoummeur à monter sapremière association : « Entre deux », une orga-

nisation qui pointe la nécessitéde prendre en compte ceux quisont « à la frontière du mondeordinaire et de leur monde àeux », comme elle dit joliment.Cette première aventure collec-tive préfigure un engagementplus constant dans le domainepublic : « C’est par la voix asso-ciative que j’ai commencé à

m’intéresser à la politique. J’ai toujours été degauche, comme on dit, mais un jour, j’ai comprisque ce nouvel engament - prendre sa carte -était indispensable. »Mais comment concilier une vie professionnelle,un engament associatif fort, un rôle de mamanau sein d’une famille monoparentale,et mainte-nant un mandat d’élu ? Une équation,un cumuldes « mandats » qui demande une organisationmillimétrée, et où les distractions passent sou-vent à la trappe :« Je n’ai plus de loisirs, je ne faisplus de sport », confie celle qui était autrefoisadepte de randonnées. Sans regret : « Moncombat est tourné vers l’autre et dans unesociété de plus en plus individualiste, il est indis-pensable. »

Ariane Vincent

Mère adjointe

Tourné vers l’autre,mon combat est

indispensable dansune société

individualiste.

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