hebdo des socialistes n°519

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INTERNATIONAL Les 30 ans de la révolution islamique en Iran DOSSIER La laïcité en danger N°519 • samedi 21 février 2009 • 1,5€ VIE DU PARTI Les socialistes à l’écoute de la colère des outre-mer L’ INVITÉ Zohra Aït-Matten SAINTE-ALLIANCE CONTRE LA LAÏCITÉ

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INTERNATIONAL ■ Les 30 ans de la révolution islamique en Iran ■DOSSIER ■ La laïcité en danger

N°519 • samedi 21 février 2009 • 1,5€

■VIE DU PARTI ■ Les socialistes à l’écoute de la colère des outre-mer ■ L’INVITÉ ■ Zohra Aït-Matten

SAINTE-ALLIANCECONTRE LA LAÏCITÉ

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L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 21 FÉVRIER 2009

L’hebdo des socialistes•10, rue de Solférino 75333 Paris Cedex 07 • Tél. : 01 45 56 78 61•Fax: 01 45 56 76 83(Pour obtenir vos correspondants, composez d’abord le 01 45 56 ou écrire à : [email protected]) DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Maurice Braud

• DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Benoît Hamon • RÉDACTRICE EN CHEF: Ariane Gil (78.61) • RÉDACTION: Bruno Tranchant (77.33). Damien Ranger (76.37), Ariane Vincent(76.20), Fanny Costes (76.32). • SECRÉTAIRE DE RÉDACTION: Élisabeth Philippe (76.27) • MAQUETTE: Pascale Lecomte (79.44) et Joëlle Moreau (77.16)

• PHOTO : Philippe Grangeaud (76.00) • Photo de couverture : AFP/ Alberto Pizzoli • SECRÉTARIAT: Odile Fée (78.61) • COMPTABILITÉ : Michèle Boucher (79.04)• ABONNEMENT : Sabine Sebah (78-57) • FLASHAGE ET IMPRESSION : PGE (94) Saint-Mandé • ROUTAGE: Inter Routage - 93300 Aubervilliers. N° commission pari-taire : 0109 P 11 223) • ISSN : 12786772 “L’hebdo des socialistes” est édité par Solfé Communications. Ce numéro a été tiré à 243 137 exemplaires.

Les rendez-vous ■ DU PARTI

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aGenDa Du ParTi■ Samedi 28 févrierConseil national d’adoptiondes listes pour les électionseuropéennes à la Mutualité

■ Samedi 21 marsConvention nationale de rati-fication des listes et de lance-ment de la campagne électo-rale pour les élections euro-péennes

Benoît Hamon, porte-paroledu PS, assistera à un banquetrépublicain à Coulaines(Sarthe).

Emmanuel MAUREL,Secrétaire National

à l’Université Permanente et d’Été

vous inviteà débattre avec :

Emmanuel TODDDémographe, Historien

Autour de son dernier livre :« Après la démocratie »

Éditions Gallimard, Paris, 2008

DR

LesentretiensD E S O L F E R I N O

Jeudi 5 mars 2009 de 18 h 00 à 20 h 30

Salle Marie-Thérèse Eyquem • 10, rue de Solférino • 75007 Paris

INVITATION

•Inscription obligatoire auprès de Christine,•E-mail : [email protected] / Téléphone : 01 45 56 76 13

Signez la pétitionUn groupe constitué de jugesdes enfants, d’assesseurs destribunaux pour enfants,d’avocats, de pédopsychia-tres, de professionnels de laProtection Judiciaire de laJeunesse, du secteur associa-tif habilité, du Conseil géné-ral du Nord et d’enseignantsse mobilise contre la réformerégressive de la justice desmineurs.Soutenez leur combat sur :http://quelfuturpourlesjeunesdelinquants.fr/

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■ ÉDITO

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Nicolas Sarkozy fait preuvedepuis longtempsd’unecertaine ambiguïté sur le concept de laïcité, qu’iljuge « épuisée dans sa forme actuelle ». Il prônedés lors un dépassement, qu’il qualifie de « laïcitépositive », esquissé dans ses fonctions de ministrede l’Intérieur et des cultes : appel aux musulmansde France à se fédérer au sein d’unConseil représen-tatif pour devenir interlocuteurs des pouvoirspublics ; discrimination dite positive sur critèresreligieux, avec la nomination d’un préfet « musul-man » ; volonté de « réaménager » la loi de 1905,afin de permettre l’intervention publique ensoutien aux organisations confessionnelles.Mais depuis son élection, le président de laRépublique fait explicitement la promotion de lareligion – des religions en général, de la sienne enparticulier – et n’hésite pas à les appeler au soutiende son action gouvernementale. Ne cachant ni lesupplément d’âme qu’il reconnaît aux croyants,ni l’espoir qu’il place dans l’école privée pour pallierles insuffisances supposées de l’école publique(notamment en termes demorale et de préventionde la délinquance), le chef de l’État inscrit désor-mais son action résolument en dissolution duprincipe de laïcité dans notre République.Les dangers que Nicolas Sarkozy fait courir à notresociété en agissant ainsi sont importants.Il gomme, au nom du respect des croyances, lesrisques générés par les pratiques sectaires ; il prônela définition des individus à partir de leur apparte-nance communautaire et de leur héritage culturel(et non de leur liberté de conscience et de la qualitéde citoyen) ; il favorise la stigmatisation descommunautés et leur opposition entre elles. Lerenoncement contenu dans cette politique, c’est lerenoncement à la libertédes individus,audroit pourtous à l’émancipation sociale, à la fraternité et àl’égalité.Mais surtout cela porte atteint demanièreinquiétante à l’unicité de notre République.

InternationalIsraël : la Knesset introuvable ? p.6Iran : les 30 ans de la révolution islamique p.8DossierLa laïcité en danger p.10TerritoiresLes relégués du plan de relance p.28HistoireLa genèse de la loi de 1905 p.32PortraitZohra Aït-Matten p.36

■ sommaire

Marie-Pierrede la Gontrie,secrétaire nationaleaux libertés publiques

Une atteinte à l’unicité de notre République

D.R.

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Actualités ■ FRANCE

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HandicapLes inégalitésperdurentLe loi de février 2005 sur le han-dicap a quatre ans. Mais, pour lePS, le bilan de son applicationrestemince. Au point quemêmedans l’Éducationnationale, l’Étatne respecte pas l’obligationd’embauche de 6% de per-

sonnes handicapées. Et aucunréel progrès n’a été constatépour la scolarisation des enfantshandicapés. Devant les retardsdu gouvernement, les conseilsgénéraux ont augmenté de 10%leurs efforts financiers sur cettequestion, rappellent les socia-listes qui déplorent un manqued’ambition révélateur du choixde société porté par la droite.

ÉconomieLa récession s’installeAprès un recul de 11,4%de la pro-duction industrielle au derniertrimestre 2008, la croissance achuté au même moment de1,2%. La plus forte baisse enre-gistrée depuis 1974. La Com-mission Européenne prévoitmême un effondrement de prèsde 2% en 2009. Pour le PS, leplan de relance de la droite necorrespond pas au contexte.« Il était fondé sur l’hypothèsed’une croissance légèrementpositive pour 2009. Or, la situa-tion économique actuelle inva-lide les prévisions sur lesquellesce plan a été fondé et validel’analyse socialiste quant à lagravité de la crise et sa nature. »

ÉgalitéPlus d’emplois « fer-més » aux étrangersLes restrictions d’accès pour lesétrangers à certaines profes-sions comme médecin ou archi-tecte n’existent plus. Une vic-toire importante dans la luttecontre les discriminations, suiteà l’adoption par le Sénat, le 11février, d’une proposition de loi

Le cHiFFre socialiste en ce sens. Déposé parla sénatrice socialiste BarizaKhiari et rapporté par CharlesGautier, ce texte, selon le PS,« fait reculer les discriminationsà l’emploi », démontre qu’au lieude discrimination positive, « laRépublique peut avancer parl’égalité des droits », et pourra« ouvrir certains emplois defonctionnaires titulaires auxétrangers non communautaires,ainsi qu’une cinquantaine deprofessions du privé qui fontencore l’objet de restrictionsexplicites liées à la nationalité ».

ÉducationMéprisde Xavier Darcos

Les universités,je m’en lave lesmains. C’est en substance ce qu’adéclaré le ministre de l’Éducationnationale, Xavier Darcos, devant larevendication du monde universi-tairede suspendre la réformesur laformation des enseignants. Darcosa estimé qu’en tant que « recru-teur », il n’avait pas à discuter avecles « préparateurs des concours »d’enseignants. Réaction mépri-santed’unministreobnubilépar samission : déstabiliser l’éducation,du primaire au supérieur, au risqued’un blocage total.

Page réalisée par Fanny Costes

Le montant annuel brut de l’indem-nité du président de l’Autorité desmarchés financiers (AMF) passe de149 000 à 220 000 euros, a révélé un arrêté du 19 janvier publié aujournal officiel le 14 février.Bizarrement, cette augmentation déci-dée par le chef de l’État coïncide avec l’arrivée à la tête de cetteinstitution de Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire d’État encharge des affaires européennes.

220 000

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L’IMAGE ■ Actualités

Le cri d’outre-merLa situation s’enlise jour après jour en Guadeloupe. Le 16 février, les barragesincendiés, les devantures de magasins éventrées, et les échauffourées entreforces de l’ordre et militants du LKP, le collectif contre l'exploitation qui mènele mouvement depuis le 20 janvier, ont fini de souligner la colère de la popula-tion antillaise. Le silence prolongé du chef de l’État et l’incapacité d’Yves Jégo,secrétaire d’État à l’Outre-mer, à négocier ont bien sûr contribué à la montéedes tensions. Aujourd’hui, il est temps d’entrer dans un réel dialogue social,avertit le PS, qui a envoyé, du 14 au 16 février, une mission en Guadeloupe, enMartinique et à la Réunion. La crise guadeloupéenne illustre la profondeur desdifficultés économiques et sociales que rencontrent les outre-mer, de façonencore plus exacerbée qu’en métropole. Le gouvernement a finalement décidéde recevoir les acteurs de la contestation guadeloupéenne le 19 février.

L’imaGe De La semaineSIPA / C. Chesnot

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Actualités ■ INTERNATIONAL

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■6 Casse-tête. Le système

électoral israélien reposesur la proportionnelle

intégrale. Il entraîne donc unereprésentation de toutes lestendances politiques israé-liennes et au-delà, les partissectoriels ou porteurs d’un seulsujet. Cela va des retraités auxvictimes de la Shoah en pas-sant par les jeunes et les handi-capés. D’où un émiettementdes voix qui soumet les leadersdes multiples formations à descoalitions parfois improbablespour construire des majoritéspeudurables.Lors de ce scrutin,34 listes nationales se sont pré-sentées, 12 ont obtenu unereprésentation,c’est-à-dire plusdes 2% des voix requis pouravoir un représentant à laKnesset où siègent 120 élus.La société israélienne a nette-ment glissé à droite. Le pays,fondé par des socialistes pourl’essentiel de ses dirigeants, alongtemps connu une hégé-monie du travaillisme entre

1948 et la fin des années 70.Mais, progressivement, on estpassé de la société organiséeautour du kibboutz à unesociété où, comme ailleurs, lemarché a pris le dessus surl'idéal originel.Le mouvement travaillisteisraélien n’a pas échappé à lacrise mondiale de la gaucheface à la crise économique etau développement de l’hégé-monie libérale. Issu desmouve-ments socialistes de l'Europede l'Est, il est parfois apparucomme élitiste et n’a pas suporter la voix des juifs orien-taux qui sont arrivés en masseen Israël à partir des années 50,vivant pournombred’entreeuxdans des conditions trèsmodestes.

Déclin de la gaucheLors de ces élections, l’installa-tion durable de Kadima, dansle paysage politique est unautre signe du déclin de lagauche. Kadima est le résultat

d'une scission du Likoud, legrand parti historique de ladroite israélienne, provoquéepar Ariel Sharon, une desfigures de la droite dure, aprèsqu’il eut imposé l’évacuationde Gaza. Kadima a été rejoint,dès sa fondation,par des socia-listes historiques commeShimon Peres et le patron de laHistadrout, la centrale syndi-cale, liée aux travaillistesdepuis les origines.Les Israéliens ont voté pourplus de trente formations dif-férentes. Les résultats ontmontré qu'en raisonde la com-plexité et de la disparité de l'of-fre politique, Israël se trouveconfronté au risque d’unecoalition gouvernementaletrop fragile, dans une Knessetoù la majorité pourrait bienêtre introuvable.La gauche n’a jamais été aussifaible. Le Parti travailliste amanqué ce rendez-vous élec-toral. Il n'a pas fait campagnesur ses thèmes traditionnels.

Au lendemain des élections légis-latives anticipées du 10 février,Israël semble s’acheminer vers unblocage politique. Un seul siègesépare Tzipi Livni de BenjaminNetanyahou et la formation d’unemajorité au Parlement (la Knesset)puis la constitution d’un gouver-nement relèvent du casse-tête. Enattendant, ces élections révèlentun net glissement à droite de lasociété israélienne et un essouffle-ment du Parti travailliste.

Israël : une Knesset in

AFP

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Ehud Barak, son président, acru que son rôle deministre dela Défense suffirait à rassem-bler ses partisans. Mais l’élec-torat ne s’est pas reconnu danscette « non campagne » destravaillistes. Un tiers desIsraéliens qui votent à gaucheont donné leurs suffrages àKadima, dans le but defaire obstacle au Likoud deBenjaminNetanyahou,annoncépar tous les sondages commele futur grand vainqueur decette élection. Sans doute, lacoalition gouvernementalesortante,Kadima - Parti travail-liste, a-t-elle encouragé ce typede transferts, les électeursne faisant plus vraiment ladistinction entre les deux for-mations.

Électorat désorientéL'actuelle ministre des Affairesétrangères et leader du partiKadima, Tzipi Livni, a finale-ment réussi à modérer l’effetNetanyahou annoncé. Mais

Kadima n’étant pas encore clai-rement identifié autrementque comme la seule alternativeà une alliance Netanyahou /Lieberman, trop peu de voix dedroite se sont portées sur elle.Résultat, les centristes n’ontqu’un siège d’avance sur leLikoud, plus à même de consti-tuer unemajorité numérique àdéfaut d'être politique.Le leader du Likoud et la prési-dente de Kadima ont tousdeux atteint leurs objectifs. Lepremier souhaitait fairegagner un « bloc des droites »et Tzipi Livni devait inscrire leparti d’Ariel Sharon dans ladurée. Cela s'est fait, mais audétriment de la gauche. LeLikoud retrouve une positiondominante, malgré le succèsde la droite dure du russo-phone Avigdor Liebermandont le parti, Israël Beitenou,devient la troisième formationde la nouvelle Knesset. Sesthèmes de campagne ont ren-contré un certain écho dans la

population israélienne : laïcitéde l'État, réforme électorale,échange des territoires avecles Palestiniens, clarificationdes relations avec les Arabesisraéliens… Le parti d’AvigdorLieberman a surfé sur ladéception d’un électorat dés-orienté, déçu par une classepolitique qui n'a pas suconstruire de projet crédible.Avec onze députés, les troispartis arabes ont progressé. Ilsont été au centre de la cam-pagne de Lieberman : « Pas decitoyenneté sans loyauté » etont mobilisé leurs électeursdans une campagne avanttout anti-Lieberman.Le Président Peres doit consul-ter les responsables des partisreprésentés à la Knesset pourformer une majorité d'aumoins 61 députés qui devrontapporter leur soutien au nou-veau gouvernement. Toutse jouera entre Livni etNetanyahou, ce dernier ayantles meilleurs soutiens pourcomposer un gouvernementplus élargi. Dans tous les cas,la nouvellemajorité sera hété-roclite et peut-être éphémère.Quant aux travaillistes, ilssemblent décidés à siégerdans l'opposition. Une desleçons de cette élection estqu’un Parti socialiste sans pro-gramme, sans stratégie, vieil-lissant dans ses structures,sans leader, qui ne fait pascampagne sur ses thèmes,confronté à un mode de scru-tin inadapté, a du mal à s’im-poser et risque de faire de lafiguration électorale.

Laurent Azoulai

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et introuvable?BenjaminNetanyahou,leader du Likoudet Tzipi Livni,chef de file deKadima n’ontqu’un sièged’écart.Des résul-tats serrés quirendent difficilela constitutiond’une majorité.

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Actualités ■ INTERNATIONAL

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Trente ans après la révolutioniranienne, que reste-t-il desidéaux portés à l’époque ?Les mots d’ordre desgrandes manifestations dela révolution de 1979 se résu-maient à cette formule :« Indépendance, liberté, répu-blique islamique». C’était unegrande révolution de masse,l’irruption de toute une popu-lation sur la scène de l’histoire.Malheureusement, après laprise du pouvoir, les forces quise sont engagées alors n’ontpas su porter ces idéaux etcelui qui en a le plus souffert,selon moi, c’est le respect deslibertés.Quant à l’indépendance, lebilan est partagé. Ce mot aune résonance particulièrepour l’Iran qui a souffertpendant deux siècles de ladomination étrangère, sansêtre colonisé. À partir de 1953et le coup d’État contre legouvernement nationalistede MohammadMossadegh,lepays a vécu sous la coupe desÉtats-Unis. Cette révolution adonc bien été un acte d’affran-chissement de la tutelle del’étranger. Mais il était aussi

question d’indépendance éco-nomique. Seulement, l’Iranreste un pays rentier, dépen-dant de ses revenus pétroliers.Aucune base véritable d’uneéconomie indépendante n’estvenue s’ajouter à cette rente.

Le troisième mot d’ordre de larévolution iranienne prônaitl’instauration d’une Républiqueislamique. Celui-ci est devenuréalité…L’Iran est aujourd’hui une puis-sance républicaine, dans lesens où le suffrage universelest censé diriger le pays. Maisau gré des rapports de forces,les religieux ont réussi à impo-ser leur tutelle à cetteRépublique. Le guide suprêmeet les instances qui tournentautour de lui sont les vrais diri-geants. Le suffrage universeldécide du président de laRépublique, mais il est condi-tionné par une structure quiest devenue plus politique etmilitaire que religieuse. Trenteans après la révolution, l’expé-rience d’un pouvoir islamique,c’est-à-dire la confusion totalede la religion et du pouvoirpolitique,a eu des effets tout à

fait contraires à ceux que l’onsouhaitait. À tel point qu’au-jourd’hui, c’est le seul pays dela région qui se prépare pour lapériode que j’appellerai post-islamiste : le système iraniens’achemine vers une sépara-tion entre la sphère religieuseet la sphère du pouvoir éta-tique. Si en 1979, une certaineclasse politique était enavance sur la société, c’estaujourd’hui la société qui esten avance sur une forme poli-tique devenue anachroniqueet qui est imposée au pays. Eneffet, la société avance etimpose son rythme de chan-gement. L’expérience a montréque chaque fois que lesIraniens ont participé massive-ment à des élections, le voteest allé dans le sens d’unapprofondissement de laRépublique et des libertés.Dans le cas contraire, le pouvoirest parvenu à imposer seshommes, comme l’a prouvél’arrivée d’Ahmadinejad à latête de l’Iran.La société ne semble plusprête à se lancer dans unenouvelle aventure révolution-naire. Car à chaque fois que

Trente ans après la révolution et l’instauration de la République islamique,quel pays est vraiment l’Iran ? Ahmad Salamatian, ancien secrétaire d’Étataux Affaires étrangères et député iranien(1), souligne la contradiction quiexiste entre une forme de pouvoir de plus en plus désuète et une populationqui continue d’avancer.

« L’Iran prépare la périodepost-islamiste »

AFP/Behrou

zMehri

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la pression internationale serenforce, la sécurité devientla priorité et le pouvoir enprofite.

Dans ce contexte, quels sontles enjeux de l’élection prési-dentielle de juin prochain ?C’est une campagne de pre-mière importance. Si les réfor-mateurs arrivent à faire coali-tion, à faire passer le mes-sage, un tournant pourraitbien avoir lieu. Le populismequi a mené Ahmadinejad aupouvoir est en train de s’es-souffler. Mais c’est aussi uneélection pleine de menaces.L’Iran va rentrer dans une véri-table période de turbulences.Et la population se mobiliseraen fonction de deux choses :

les propositions de change-ment des réformateurs etleur capacité à rassurer. Car lasociété iranienne est devenueplus frileuse. Dans uncontexte international tendu,la priorité de la classemoyenne est la sécurité.

L’élection de Barack Obamapeut-elle changer le rapportconflictuel entre l’Iran et lesÉtats-Unis ?L’un des actes fondateurs dela République islamique estla prise d’otages de l’ambas-sade américaine qui a duré444 jours. Elle a permis auxradicaux de la révolutiond’éliminer leurs concurrentset d’imposer la constitutionqu’ils voulaient. L’anti-américa-

nisme, d’une certainemanière,est devenu un moyen de sur-vie. Du côté américain, la prised’otages fut une humiliationsans précédents. Les excès deBush fils, ses escapades mili-taires en Afghanistan et enIrak, son enlisement et les cri-tiques qui ont suivi ont peut-être modifié la donne. Jusqu’àl’élection d’Obama, les États-Unis se prenaient pour « l’em-pire-monde ». Ils pensaientpouvoir envoyer la cavaleriepartout et s’imposer, notam-ment dans cette région dumonde. Mais cette utopie depuissance est morte avec ledépart de Bush. Les États-Unissont en train de redéfinir leurplace.Vont-ils aller vers plus demultilatéralisme? Une coopé-ration plus approfondie parexemple avec l’Europe? Vont-ils être plus réalistes finale-ment? Car au Proche-Orient, leréalisme ordonne à la politiqueaméricaine de chercher partous les moyens les parte-naires fiables, même s’ils sontconcurrents. En Iran aussi c’estune nécessité. Notammentdans une République isla-mique qui, installée depuistrois décennies, se considèreaujourd’hui comme une puis-sance régionale. Il faudradépasser de chaque côté lesentraves psychologiques dupassé et celles posées par lesquestions du nucléaire et durapport à Israël.

Propos recueillis parFanny Costes

(1) : Il a occupé ces fonctions de 1979à 1981, date à laquelle il s’est exiléen France.

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AFP/Behrou

zMehri

Le président iranienMahmoudAhmadinejad,sous les portraits del'ayatollah Khamenei etde l'ayatollah Khomeini,s'adresse à la foule,à Téhéran, le 10 février2009 au cours d'un ras-semblement qui marquele 30e anniversaire dela révolution islamique.

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La laïcité, en France, est-elle en danger ? En toutétat de cause, depuis l’élection de NicolasSarkozy, qui a multiplié les appels du pied aux

communautés religieuses, qui s’adresse volontiers auxcroyants plus qu’au peuple français, qui estime que«dans la transmission des valeurs, l’instituteur ne pourrajamais remplacer le pasteur ou le curé », qui a fait dequelques intégristes des interlocuteurs privilégiés, la reli-

gion, et notamment catholique, a ses entrées ausommet de l’État français. Pendant ce temps,

le Vatican, avec Benoit XVI, accueille ausein de l’Église catholique des

intégristes antisémites etnégationnistes, juge

que la pilulecontra-

Jean Baubérot, historien et sociologue fait le point sur l’état de la laïcité en France p.12 à 14Les grandes dates de la guerre contre la laïcité p.15 à 18Les prêcheurs de l’Elysée : Mignon, Guaino et les autres p.18 à 19« Les intégristes : une clientèle électorale non négligeable pour Sarkozy» :interview de Christian Terras p.20 à 21`La reconquête catholique de l’école : enquête p.22 à 23Les défenseurs de la laïcité p.24 à 27

■ sommaire du dossier

Extrême-onction p

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LAÏCITÉ EN DANGER � Dossier

ceptive a « des effets dévastateurs sur l'environnement »et est en partie responsable de « l'infertilité chezl'homme», la Grande-Bretagne légalise la polygamie, àl’ONU, on tente d’instaurer le délit de blasphème aumépris de la liberté de conscience… bref la laïcité dansle monde est pour le moins mise à mal.La rédaction de l’Hebdo a donc enquêté sur ce phéno-mène, répertoriant les « attaques » du pouvoir contre lalaïcité, évaluant la réelle influence des catholiques lesplus réactionnaires en France, cherchant à comprendrecomment, d’un côté le chef de l’État affaiblit l’écolepublique, pour mieux, de l’autre soutenir les écoles pri-vées. Dernière séquence, un hommage appuyé à desmilitants laïques, qui oeuvrent, à l’école, à l’hôpital oudans les collectivités, pour que ne soit pas remise encause l’unicité de notre république.

A.G.

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n pour la laïcité ?

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Nicolas Sarkozy exalte les valeurs chré-tiennes de la France, parle de « laïcitépositive »… Faut-il y voir une remise encause de la laïcité ?Je perçois plus ses déclarations sous unangle néo-clérical. J’ai combattu, à titrepersonnel, la religion civile républicainequi peut aboutir à un glissement natio-naliste. Sans compter qu’elle peut êtredangereuse pour la laïcité elle-même, àl’heure où Nicolas Sarkozy nous entraînevers une religion civile d’inspiration amé-ricaine. Il tente ainsi de clore le débatsocial par un appel à la transcendance.Laquelle n’incarne plus à ses yeux les

valeurs républicaines qui nous sontchères, mais une incantation coupantcourt à tous les débats. C’est ce qui a valuà Bush de partir en guerre contre l’Irak,aunom d’un prétendu principe supérieur.L’histoire américaine fourmille d’exem-ples de même nature. Pour le meilleur– Martin Luther King – et pour le pire. Lacérémonie d’investiture d’Obama a étéune manifestation de religion civile mag-nifiant la diversité. Mais il y a d’autresmanières de la promouvoir !

Quelle est votre lecture de la loi du 15mars 2004 interdisant les signes reli-gieux « ostentatoires » comme le voiledans les écoles, notamment ?En autorisant le port du foulard dans lesécoles privées, tout en l’interdisant dansle même temps dans les établissementspublics, l’État favorise la création d’écolesmusulmanes privées sous contrat. Je suisconvaincu, pour ma part, que la libertéde l’enseignement fait partie intégrantede la laïcité. Une loi laïque n’a cependantpas à autoriser la création d’écoles pri-vées ou à leur donner davantage de

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Dossier � LAÏCITÉ EN DANGER

Un retour à la sainte alliance du trône et de l’autel ? À plusieurs reprises,Nicolas Sarkozy, notre pseudo-monarque, s’est montré prompt à jouer

les grenouilles de bénitier, en recevant le pape en grande pompe ou en proclamantla supériorité du curé sur l’instituteur. Entre autres exemples. Une attitude

inquiétante dans un contexte international où le religieux opère un retour en force.Historien et sociologue, Jean Baubérot est un spécialiste reconnu des rapports entre

l’État et les religions. Il fait ici le point sur l’état de la laïcité en France

Nicolas Sarkozy encourageune religion civile d’inspiration

américaine

«»

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 21 FÉVRIER 2009

«L’extrêmemédiatisation

de l’affaire du foularda masqué des

préoccupationsplus graves.»

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liberté, en leur concédant des subven-tions publiques. Il y a là une contradic-tion qui n’a pas vraiment été soulignée.Par ailleurs, l’extrême médiatisation del’affaire du foulard a contribué à masquerd’autres préoccupations plus graves. Àcommencer par l’affectation de jeunesagrégés dans des collèges et lycées diffi-ciles qui nécessitent la présence d’ensei-gnants expérimentés. À ce jour, aucunministre n’est parvenu à résoudre cet épi-neux problème. J’observe, pour finir,qu’après l’enlèvement, en 2004, de deuxjournalistes par un groupe terroriste quiréclamait la suppression de la loi sur levoile pour libérer les otages, il y a euconsensus entre les principales organisa-tions musulmanes pour ne pas changerla loi en cédant au chantage.Cette affaire

a montré le loyalisme des musulmansfrançais, ce qu’il nous faut prendre enconsidération.

Partout dans le monde, le religieux faitun retour en force. N’est-ce pas unemenace pour la laïcité française ?Il existe forcément une interaction entrele contexte international et ce qui sepasse en France. En ce sens, l'assassinatd'Yitzhak Rabin, l'échec du processusd'Oslo, la perpétuation de l'occupationde territoires palestiniens depuis plusde quarante ans, les attentats du 11 sep-tembre et le terrorisme d'Al Qaïda, laguerre d'Irak… sont, bien entendu,désastreux pour la laïcité française, dansla mesure où cela induit des virtualitésde conflit.

Jean Baubérot est historien etsociologue. Il dirige la chairesur la laïcité à l'École pratiquedes hautes études (EPHE).Son expérience du sujet –il a notamment pris part auxtravaux de la commission Stasi– lui donne une vue d'ensembledes rapports entre l'État etles pratiques spirituelles etreligieuses. Derniers ouvragesparus La laïcité expliquéeàM.Sarkozy et à ceux quiécrivent ses discoursAlbinMichel, 2008 etUne laïcité interculturelle,éditions de L’Aube, 2008.

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Cependant, malgré quelques cas drama-tiques que je ne sous-estime pas, lasituation a, jusqu'à présent été, pour l'es-sentiel maîtrisée et la liberté de l'exercicetranquille des cultes assurée, dans lecadre de la loi de 1905. L'actualité fait par-tie intégrante de la réalité, mais n'enreprésente qu'une infime portion. La plusgrande partie, c'est le non-événement.Cela signifie qu'il y a,en France,beaucoupde «faiseurs de calme » et que la laïcitéfacilite une vie sociale paisible.

N’existe-t-il pas, malgré tout, un risquede radicalisation des religions enFrance ?Oui bien sûr,mais la peur serait mauvaiseconseillère. Il faut d’abord comprendre etanalyser ensuite ce qui se passe. Nous nesommes plus au temps de la modernitétriomphante, où l’on était en droit decroire que le progrès technique et le bien-être sont intimement liés et que les len-demains seraient nécessairement meil-leurs que le présent. Des problèmes d'en-vironnement rapportés par les médias àla manière d'un film catastrophe, à ladiminution de la domination occidentalesur le reste du monde – ce qui a été unimpensé du progrès –, il se produit denombreuses mutations sociales qui fontque la religion apparaît comme une res-source culturelle importante pour un cer-tain nombre de gens.La laïcité doit faire face à cette situa-tion sans pour autant céder à unelogique répressive. En 1905, les autoritéspubliques sont ainsi parvenues à établirune loi propice aux libertés face à uncatholicisme particulièrement intransi-geant. Aujourd’hui, il nous faut isoler lesvéritables extrémistes et inclure, au seinde la communauté nationale,des acteursqui se situeraient dans l'entre-deux.Il convient aussi d’éviter des discourspasséistes : la fidélité aux Lumièresconsiste à savoir inventer un avenir nou-

veau, et non à se référer de façon incan-tatoire au XVIIIe siècle, au prétexte qu'onserait incapable de proposer du neuf.Pour le meilleur et pour le pire, nossociétés démocratiques sont désormaispluriculturelles, et la laïcité du XXIe siècledevra être interculturelle, avec destâtonnements inévitables – mais c'estainsi que l'on avance – ou elle s’apparen-tera de plus en plus à une nostalgie.Ceux qui auront stagné dans la paresseintellectuelle d'un discours répétitif, enporteront la responsabilité.

Dans ce contexte, comment analysez-vous le retour de quatre évêques de laFraternité Saint-Pie-X dans le giron del'Église catholique ?Benoît XVI est unpapequi se situe dans lecourant que les historiens appellent « l’in-transigeantisme catholique». À Paris, enprésence d’intellectuels, il a magnifié laculture monastique, alors qu’il aurait puinsister sur le fait que l’université s’estcréée, au Moyen Âge, au sein de l’Église,avant de prendre son autonomie.La réintégration des évêques intégristesmontre que Benoît XVI privilégie l’unitésur toute autre considération.Mais,mêmepour le catholicisme, c’est une stratégiecontre-productive, puisqu’elle contribue àéloigner de nombreux catholiques quiprennent leurdistance.EnFrance,le catho-licisme s’est, en général, acculturé à la laï-cité. Mais, ne va-t-il pas, un jour ou l’autre,comporter des éléments influents qui lacombattront ? La vigilance s’impose.

Propos recueillis par Bruno Tranchant

« La laïcitédu XXIe siècle

devra êtreinterculturelle.»

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30 août 2004 :Nicolas Sarkozy tend la main àTom Cruise et aux scientologuesQuand Nicolas Sarkozy alors ministre desFinances reçoit en grande pompe l’acteuraméricain à Bercy en 2004, il n’est officiel-lement question que d’une discussion surles relations franco-américaines et lecinéma… Mais très vite, il apparaît claire-ment que l’ambassadeur le plus célèbre del’églisedescientologieaurait voulu rencon-trer l’ex-ministre de l’Intérieur pour évo-quer aussi la questionducultedes sciento-logues. Il faut dire que Nicolas Sarkozys'était distingué par une baisse de la sur-veillance des actions de l'Église de sciento-logie, allant même jusqu'à mettre à l'écartun policier chargé du dossier, lors de sonpremier passage place Beauvau.

Novembre 2004 :Un livre programmatiquedéjà inquiétant« Il y a de l’arrogance dans la certitude de lanon-existence divine »Nicolas Sarkozy n’a pris personne en traî-tre sur sa vision des religions. Déjà en2004,à quelques jours du centenaire de laloi de séparation de l’Église et de l’État,celui qui était alors ministre des Financespublie un livre-manifeste, La République,

les religions, l’espérance. Tout au long del’ouvrage, le candidat déjà déclaré, assèneses premiers coups de canif aux principesfondamentaux de la République dans l’in-différence la plus totale. Morceaux choi-sis : « La vie spirituelle constitue générale-ment le support d’engagements humainset philosophiques que la République nepeut pas offrir, elle qui ignore le bien et lemal. » Jamais la République n’avait étéainsi conspuée par celui qui se doit d’êtrele garant de son intégrité. Et gare auxathées ! « Je me suis toujours dit qu’il yavait de l’arrogance dans la certitude de lanon-existence divine. » Il sait de quoi ilparle, question arrogance…

Juillet 2007 :Laministre du logement confondministère et officine religieuseChristine Boutin, connue pour son opposi-tion farouche au Pacs et ses opinions reli-gieuses tranchées, a mis en place un cabi-net conformeàses convictions religieuses.Outre son directeur de cabinet formé àl'intégriste Cité catholique, madameBoutin n’hésite pas à engager un prêtrecomme chargé de mission, au prétexte de« l’expérience des quartiers» qu’on luiprête… Deux nominations qui ferontgrand bruit tant elles froissent la sépara-tion de l’Église et de l’État.

Les grandes dates de la guerrecontre la laïcité

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Entre Nicolas Sarkozy et la religion,c’est une longue histoire.Promoteur de la laïcité positive,le chef de l’État n’a jamais cachéson attachement à la foi en généralet au catholicisme en particulier.Retour sur les attaques répétéesdu Président et de son équipecontre la laïcité.

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5 décembre 2007 :Discours à l’UniversitédeMentouri à ConstantinePremier élément du fameux triptyqueConstantine – Latran – Ryad, trois discoursau cours desquels le président Sarkozymartèle sa conception religieuse des civili-sations, le discoursdevant les étudiantsdel’Université de Mentouri à Constantinemarque les esprits. Nicolas Sarkozyendosse alors l’habit de représentant de lareligion catholique,dansune régionmajo-ritairement musulmane. « Si chacun d'en-tre nous, chrétiens,musulmans, juifs,nousallons au fonddenous-mêmes...» dit-il.Ce« nous », au nom duquel s’exprime lePrésident,cene sont plus les Français dansleur diversité et leur unité, ni même lesEuropéens,mais bien les chrétiens. Lors dece discours Nicolas Sarkozy n’est plus lePrésident de tous les Français mais seule-ment celui des chrétiens.À sedemander siles juifs, musulmans, athées ou agnos-tiques ont encore le droit d’être Français sileur Président refuse de parler en leurnom… Et ce n’est pas tout. En dangereuxalchimiste de la politique et de la religion,le président de la République se fourvoiedans d’invraisemblables amalgames.Lorsqu’il clame sans pâlir que «la Francene transigera pas avec l'islamophobie. LaFrance ne transigera pas avec l'antisémi-tisme. La France ne transigera pas avec lefanatisme. La France ne transigera pasavec l'intégrisme. Elle ne transigera avecaucune forme d'extrémisme, avec aucuneforme de terrorisme », le président de laRépublique met l'antisémitisme et leracisme qui restent, pour tous les huma-nistes, lesmaux les plus violents et les plusinsupportables, le fanatisme et le terro-risme qui ne valent guère mieux, sur lemême plan que la « phobie » d'une reli-gion. Il parlerait « d’arabophobie » quiest une forme de racisme, on pourraitcomprendre, mais que vient faire ici« l’islamophobie » ?

20 décembre 2007 :Discours de LatranLe 20 décembre 2007 marque une vraierupture dans la tradition laïque républi-caine. Pour la première fois, un Présidentfrançais vante les mérites d’une religion :« Un homme qui croit est un homme quiespère. Et l’intérêt de la République c’estqu’il y ait beaucoup d’hommes et defemmes qui espèrent. (…) Le fait spiri-tuel, c’est la tendance naturelle de tousles hommes à rechercher une transcen-dance. Le fait religieux, c’est la réponsedes religions à cette aspiration fonda-mentale. » Comme s’il n’y avait pas despiritualité possible pour les athées oules agnostiques !

14 janvier 2008 :Discours de Ryad« Un élan de foi va tout emporter sur sonpassage »« Le Dieu unique des religions du Livre.Dieu transcendant qui est dans lapensée et dans le cœur de chaquehomme. Dieu qui n’asservit pas

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l’homme mais qui le libère. Dieu quiest le rempart contre l’orgueil déme-suré et la folie des hommes. Dieu quipar-delà toutes les différences ne cessede délivrer à tous les hommes un mes-sage d’humilité et d’amour, un mes-sage de paix et de fraternité, un mes-sage de tolérance et de respect.» Nonces quelques lignes ne sont pas tiréesd’ un prêche ou d’un sermon mais biend’un discours du chef d’État français àRyad en Arabie Saoudite. Une fois deplus, Nicolas Sarkozy rend poreuses lesfrontières de la séparation de l’État etde l’Église au point de les confondre.N’hésitant pas à se faire prédicateurannonçant que « le grand élan depiété, de foi, va tout emporter sur sonpassage » ou envoyant, au passage, un« salut (…) à toute la communauté descroyants », le Président français semblene plus rien vouloir s’interdire sur lesquestions religieuses. À quand un« Que Dieu bénisse la France » pourconclure ses discours à la manière d’unprésident américain ?

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Crise de foi à l’hôpital

L'hôpital public est devenu le théâtre de dérapagesreligieux. Une réalité dont témoigne Frédéric Pain,

médecin urgentiste au Centre hospitalier de Parthenay(Deux-Sèvres)« Aux urgences, nous sommes rarementconfrontés au refus de patients croyants. C’est unphénomène exceptionnel. Il m’est déjà arrivé dedevoir examiner des femmes qui avaient desconvictions religieuses trèsmarquées.En semontrant respectueux,on peut arriver àdédramatiser la situation. C’est une question derespect mutuel.Néanmoins, j’ai déjà dûaffronter certaines patientes qui refusaientde se déshabiller pour une question de foi.Maisles patients sont toujours des cas particuliers,parfois enfermés dans des croyances quipeuvent aller au-delà du religieux. Lemédecindoit, dans son approche, essayer de contournerces croyances pour libérer, aumoinsmomentanément, la personne. Souvent, c’estparce que le soignant semontreméfiant ou surses gardes que le patient peut se crisper : la peurdu soignant engendre la peur de celui qui vientconsulter. »

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Février 2008 :« Les sectes sont un nonproblème en France »Pour Emmanuelle Mignon, alors directricede cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Élysée,« la lutte contre les sectes a longtempspermis de dissimuler les vrais sujets.Mais,en France, les sectes sont un non-pro-blème. » « La liste établie en 1995 est scan-daleuse», ajoute-t-elle, évoquant la listedes «mouvements sectaires» élaboréepar la Commission parlementaire d'en-quête sur les sectes. «Quant à laScientologie, je ne les connais pas,mais onpeut s'interroger », poursuit-elle, selonVSD. «Ou bien c'est une dangereuse orga-nisation et on l'interdit, ou alors ils nereprésentent pas de menace particulièrepour l'ordre public et ils ont le droit d'exis-ter en paix.» Des propos «atterrants»pour Catherine Picard, ancienne députéesocialiste et présidente de l'Union natio-nale des associations de défense desfamilles et de l'individu victimes de sectes,pour qui « ces mouvements sont desnébuleuses totalitaires qui asservissentl'individu», soulignant qu'il existait aupa-ravant un «véritable consensus» droite-gauche en France sur le sujet.

Février 2009 :Les propos négationnistesou « le petit bout de la lorgnette»Évoquant la levée de l’excommunicationde l’évêque intégriste Patrick Willamsonrendu célèbre pour ses propos négation-nistes, Christine Boutin, a appelé à ne pasregarder la question de la réintégrationdans l’église catholique des évêques schis-matiques par « le petit bout de la lor-gnette». Une résurgence de ses racinesreligieuses tradionalistes qui lui a valu unrappel à l’ordre duporte-parole dugouver-nement. « Sur le fond, je pensequ’elle n’estpas négationniste», avait tenté de rassu-rer Patrick Devedjian…

Damien Ranger

Emmanuelle Mignon, Henri Guaino,Philippe Verdin ou encore ThibaudCollin. Ils ne sont pas douze,maistels les apôtres, ils évangélisent àleur manière la sphère du pouvoiret tentent de diffuser leurs idéesconservatrices. Portraits de ceslobbyistes catholiques quientourent le Président.

Les prêcheurs de l

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Sortie major de sa promotion del’ENA, Emmanuelle Mignon fait par-tie des proches conseillers de

Nicolas Sarkozy. Elle n’est plus chef de cabi-netde l’Elysée,mais restedans le cercle trèsfermé du Président.Ancienne commissairedes Scouts unitaires de France,scouts iden-titaires avec la fleur de lys pour emblème,elle présente le prêtre dominicain PhilippeVerdin à Nicolas Sarkozy. Sur son idée, lesdeux hommes co-écrivent en 2004 un livrerésolument anti-laïcité, La République, lesreligions, l’espérance. Un ouvrage qui faitnotamment l’apologie du «dynamismeévidemment positif» des évangélistes et

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des «nouveaux mouvements spirituels».Philippe Verdin y évoque aussi « les deuxgrandsdéfisduXXIème siècleauxquels lepaysdoit faire face.L’unest de survie : le réchauf-fement de la planète. L’autre c’est le retourdu religieux. (…) Beaucoup de Français quin’ont pas obligatoirement grandi dans uneéducation chrétienne, juive ou musul-mane, tout à coup y reviennent. Pourquoi?Parce que l’interprétation de la philosophiedes Lumières s’est épuisée.»Et c’est à nouveau Emmanuelle Mignonqui rédige le discours du Président lors desa visite au Vatican. Elle est donc l’auteurede cette phrase devenue culte : «Dans latransmission des valeurs et dans l’appren-tissage de la différence entre le bien et lemal, l’instituteur ne pourra jamais rempla-cer le pasteur ou le curé. »

Racines chrétiennesMais EmmanuelleMignonn’est pas la seuledévote à influencer Nicolas Sarkozy. HenriGuaino,conseiller spécial deNicolas Sarkozy,aime lui aussi prêcher la bonne parole. C’est

lui qui inspire au chef de l’État l’apologie des«racines chrétiennes» de l’Europe.Une idéequ’il défend à la télé, comme sur Canal +,endécembre 2007: «La France a des racineschrétiennes, ça n’a rien à voir avec la ques-tion de la laïcité.(…) C’est comme si vous fai-siez l’impasse sur huit siècles de monarchiefrançaise. Ce n’est pas être monarchiste quede dire que la France a été faite par lesCapétiens.»Des« racines chrétiennes»également exal-tées dans un tract tiré à 1,6 million d’exem-plaires et distribués quelques jours avant laprésidentielle de 2007 par la Fondation deService politique, un think tank chrétiendont l’un des animateurs n’est autre queThibaud Collin, le co-éditeur du livre mys-tiquede2004.Le tractneporte lenomd’au-cun candidat, mais glorifie les «valeurshumaines»: «La famille, la liberté d'éduca-tion, la paix en général et en Europe en par-ticulier par le respect des racines chré-tiennes». Autant de valeurs auxquellesSarkozy a dit Amen.

Ariane Vincent

de l’Elysée

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Montage d’après la Cène de Juan de Juanes. De gauche à droite : Henri Guaino,Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon et Christine Boutin.

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Le 21 janvier,Benoît XVI,a levé l’excommu-nication de quatre évêques de la Fraternitésacerdotale Saint-Pie-X, le courant tradi-tionaliste et schismatiquedeMgr Lefebvre.Est-ce le signe d’une dérive intégriste ?Cela fait des années qu’il y a des négocia-tions informelles entre Saint-Pie-X et leVatican. Les contacts n’ont jamais été cou-pés depuis le schisme de 1988. Jean-Paul IIavait déjà souhaité cette réconciliationpour afficher l’unité de l’Église lors dujubilé de l’an 2000. Et Joseph Ratzinger,devenuBenoît XVI,était alorsà lamanœu-vre. La décision du 21 janvier s’inscrit danscette logique. Benoît XVI veut l’unité del’Église coûteque coûte,quitte à tourner ledos à Vatican II, ce concile novateur qui apermis de réelles avancées pour la recon-naissance de la laïcité ou de l’œcumé-nisme. Plus largement, Benoît XVI s’estlancé dans un projet de restaurationintransigeante du catholicisme.

La réintégration des évêques lefebvristess’inscrit doncdans ceplan.Qui sont-ils réel-lement ?Ce courant est une convergence desmonarchistes et des nationalistes catho-liques. Ils ne reconnaissent pas laRévolution française ni la séparation entrel’Église et l’État. Ils aspirent à une société

théocratique dans laquelle la puissancespirituelle domine la puissance tempo-relle. Pour eux, il existe une véritabledichotomie entre la modernité et lesvaleurs de l’Église.En France, on compte 208 implantationslefebvristes, soit 80 000 personnes envi-ron. Ils sont entre 20 et 30000 dans lereste du monde, avec une présence forteen Allemagne et en Amérique latine.

Ils ont beaumettre la religionau-dessus detout, ils se mêlent quand même de poli-tique…Ils sont nombreux à s’être organisésautour de Jean-Marie Le Pen,avec BernardAntony comme chef de file. Cette branchetraditionaliste du Front national est enpertedevitesse.Les intégristes sont égale-ment influents auprès des villiéristes etontmême leursentréesaugouvernementavec la ministre du Logement, ChristineBoutin, connue pour ses positions réac-tionnaires. On les retrouve aussi dans desassociations conservatrices du typeFamille chrétienne. Autant de courantsque l’ona vudéfiler le 25 janvier lors de «lamarche pour la vie», contre la loi Veil surl’avortement.La synergiede tous cesmou-vements constitue une force d’appointnon négligeable.

Avec ses discours sur les valeurs chrétiennesde la France, Nicolas Sarkozy cherche-t-il àséduire cette clientèle ?Nicolas Sarkozy a une foi personnelle quirelève de la foi la plus élémentaire. Il a unevision très simpliste des questions de spiri-tualité. Mais dans son entourage, il y a descatholiques convaincus, comme sa conseil-lère, la très conservatrice EmmanuelleMignon, proche de Famille chrétienne etdesmarchespour la vie,ancienne commis-

Les intégristes : une clientèle électo raLa réintégration de quatre évêqueslefebvristes dans le giron du Vaticanet les propos négationnistes de l’und’entre eux ont récemment placé lesintégristes sur le devant de la scène

médiatique. Plus qu’une secte catholique, cettemouvance réactionnaire exerce une réelle influenceen France,notamment sur Nicolas Sarkozy.L’éclairage de Christian Terras, directeur de la revuecatholique critique Golias et auteur du Retourdes intégristes (2008,Golias éditions).

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saire nationale des scouts unitaires deFrance, des scouts très identitaires. C’estelle la scribe de Sarkozy sur toutes cesquestions des rapports entre l’État et lareligion. Nicolas Sarkozy a notammentexposé sa vision sur ce point, dans sonlivre La République, les religions, l’espé-rance, paru en 2004. En gros, il dit que laRépublique ne peut exister sans ce sup-plément d’âme qu’apporte la religion etnotamment la religion catholique. Lessorties de Sarkozy sur la laïcité positive ousur la supériorité du curé sur l’instituteurressortent autant de son backgroundidéologique que de sa volonté de servircette clientèle électorale.

Mais quelle est réellement l’influence decette frange intégriste ?L’épiscopat se targue de profiter de lasituation actuelle et d’avoir des «amis»au gouvernement pour faire passer uncertain nombre d’idées, notamment surles questions de bioéthique. L’Églisecompte ainsi faire entendre sa voix à l’oc-casion des États généraux de la bioé-thique qui doivent avoir lieu cette année.Les plus radicaux s’opposent, entreautres, à toute forme de recherche surl’embryon. Ces questions qui touchent àla sexualité, au début et à la fin de vie,constituent le dernier bastion de l’Églisecatholique.Si elle est numériquement en

déclin, elle exerce encore une réelleinfluence sur ce type de sujets. En outre,dans son discours de Latran, NicolasSarkozy a déclaré vouloir prendre davan-tage en compte les préoccupations del’Église pour aborder les sujets de sociétésensibles.Au niveau de la base, de nombreux lob-bies proches de la mouvance traditiona-liste œuvrent auprès des députés catho-liques.Un seul exemple permet de montrercette influence : depuis fin décembre, lesdiplômes délivrés par les universitéscatholiques sont désormais reconnusparl’État. Une décision prise par NicolasSarkozy.

À trop se montrer conciliant avec cettemouvance catholique intransigeante,Nicolas Sarkozy risque de provoquer descrispations…Quand il parle de laïcité positive, NicolasSarkozy porte une atteinte sémantique àla laïcité et ouvre une brèche danslaquelle les intégristesde tousbordspeu-vent s’engouffrer. Et à force d’exalter lesvaleurs chrétiennes, il risque de générerdes confrontations communautaristes.Nicolas Sarkozy manipule de la dyna-mite. On n’aborde pas la question du reli-gieux à coups de slogans.

Propos recueillis par Elisabeth Philippe

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Les intégristessont trèsprésents dansles mouvementsanti-avortement.

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L a droite est décomplexée. Sesattaques frontales contre la fonc-tion publique l’ont déjà démontré.

La remiseenquestionde la laïcitéà traversles privilèges accordés à l’école privée, leconfirment. Le fameux plan «Espoir ban-lieue» de Fadela Amara, pour peu efficacequ’il soit, cache surtout une formidableaubaine pour l’école privée, et l’enseigne-ment catholique sur-représenté en France.Ce plan prévoit en effet la création de«50nouvelles classes de l’enseignementprivé dans les banlieues ». Et XavierDarcos, ministre de l’Éducation nationale,a déjà annoncé sa volonté d’augmenter cequota. Un fonds d’intervention gracieuse-ment accordé par l’État est même prévupour payer les enseignants de ces établis-sements privés. Une remise en cause duprincipe du 80-20, cette règle non écritedatant de 1985, qui précise que la réparti-tion des postes d’enseignants payés parl’État devait s’établir dans une proportionde 80% pour le public et 20% pour leprivé, alors même qu’il ne représente que17% des élèves français. Pour l’instant, lenombre de postes concernés est minime.Mais le mouvement est lancé. Et commele rappelle Eddy Khaldi, auteur de Mainbasse sur l’école publique, « quand on asupprimé il y a un an 11200 postes dansl’Éducation nationale, proportionnelle-

ment, on aurait dû en supprimer 2240dans le privé, et on en a supprimé seule-ment 1400. »

« Besoin religieux »S’ajoute à ce cadeau un décret de mars2008 passé relativement inaperçu. Alorsque la campagne des municipales battaitson plein, le président de la République asigné un texte abrogeant l’article 5 deslois et décrets qui régissent l’enseigne-ment privé sous contrat avec l’État. Ce quisignifie que les écoles religieuses ne sontplus tenues de soumettre à l’Étatl’agenda des matières enseignées dansleurs établissements.Aussi pourront-ellesdispenser autant d’éducation religieusequ’elles le souhaitent, au détriment del’enseignement général.La droite tente de se justifier. XavierDarcos expliquait ainsi en février 2008 :«Alors que l’enseignement privé a fait lapreuve de sa capacité à accueillir despublics très divers,y compris des élèves endifficulté, et à leur proposer une pédago-gie et un encadrement leur permettantde renouer avec la réussite scolaire, leursavoir-faire reste trop souvent aux portesde la banlieueparce quenous refusonsdeleur donner les moyens permettant derépondre à la demande.» Sous-entendul’école publique a échoué, donnons sachance à l’école privée religieuse. Etmalentendu surtout, puisque les écolesprivées accueillent près de deux foismoins d’élèves de catégories socialesdéfavorisées que les écoles publiques.La volonté du pouvoir actuel de favoriserl’enseignement religieux n’est pourtantpas une surprise. Le Président l’avait large-ment laissé entendre dans son livre La

Le chef de l’État n’a de cesse d’attaquer l’écolepublique, responsable dans son discours etcelui de ses ministres zélés, de l’échec desélèves. Et si d’une main, il supprime des postesd’enseignants dans le public, de l’autre,il accorde son écoute et l’argent de l’Étataux écoles privées. Quand les intérêts del’Église et du libéralisme se rejoignent…

Miracle de la droite :l’enseignement catholique ressuscite

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République, les religions, l’espérance, paruen 2004 : «Ces dernières années, on asurestimé l’importance des questionssociologiques, tandis que le fait religieux,la question spirituelle ont été très large-ment sous-estimées. (…)C’est pourquoi jen’ai pas de vision sectaire de la laïcité. Pasmême la vision d’une laïcité indifférente.Je crois au besoin religieux pour la majo-rité des femmes et des hommes de notresiècle. » Il a apparemment mis en appli-cation ses dires. Et s’est entouré desbonnes personnes pour l’y aider. Dansson livre, Eddy Khaldi révèle que XavierDarcos, tout comme le conseiller éduca-tion à l’Elysée Dominique Antoine, onttous deux fait partie de l’associationCréateurs d’école. Une association com-posée de membres d’établissements pri-vés catholiques ou encore d’un directeurdiocésain, « ces derniers étant nommés,non par l’Éducation nationale, mais avecl’aval de l’évêque local et du secrétairegénéral de l’enseignement catholique. »

ÉvangélisationLes écoles privées sont donc aux anges.Éric de Labarre, secrétaire général del’enseignement catholique en France, amanifesté son enthousiasme aprèsavoir été reçu, le 7 septembre 2007, parNicolas Sarkozy. Dans un communiqué,on peut lire que le Président s’est pro-noncé pour « l’engagement de l’ensei-

gnement catholique pour participer àl’amélioration de l’égalité des chances detous les jeunes de ce pays ». Sous couvertde réussite scolaire et d’aide aux ban-lieues, c’est à l’enseignement catholiquequ’ondonne la tâchede «rééduquer» lesenfants. « Il faut nous faciliter la tâche»,avait demandé Éric de Labarre en 2007.C’est fait. Avec Nicolas Sarkozy et sonéquipe, les écoles religieuses ont donctrouvé un soutien précieux. On pourraitêtre tenté de dire,avec la verve populiste,dont le Président sait user, qu’au final, laréussite de nos enfants passe avant tout.Mais, une enquête du site Mediapartconsacrée à la progression de l’enseigne-ment catholique en banlieue, ravive lesinquiétudes.Deuxclassesde secondeontété ouvertes à Notre-Dame-de-la-Visite,au nord de Marseille, dans le cadre duplan de Fadela Amara. Un établissementprivé, tenu par la congrégation desTimoniens. « Tout en accueillant desenfants de croyances diverses dont des“musulmans non-pratiquants”, l’établis-sement mène “une évangélisation expli-cite” visant à“graver Jésus-Christ dans lescœurs”, selon le site de la congrégation ».Alors, quelle école a le soutien duPrésident ?Certainement pas l’école pourtous, républicaine et laïque. C’est celled’une morale, où l’on cherche davantageà formater qu’à former.

FannyCostes

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Dossier � LAÏCITÉ EN DANGER

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Un élève, témoin de Jéhovah inter-rompt son professeur d’histoirepour affirmer que la Préhistoire

est un mensonge. Un médecin estagressé par un homme parce qu’il a osésoigner son épouse. Jusqu’au présidentde la République et son credo sur la « laï-cité positive ». La volonté des églises (etdes sectes) de s’immiscer dans le tempo-rel demeure. « Après la résistance et laguerre d’Algérie, on a cru que la laïcitéétait une question réglée, explique PierreTournemire, président du Comité nationallaïcité de la Ligue de l’enseignement. Or, latentationde vouloir imposer sa vérité resteundangerpermanent.»Alors qu’elle pour-rait passer pourun combat d’arrière-garde,la défense de la laïcité reste d’actualité.

À l’occasion du centenaire de la loi de1905, un sondage a montré que plus de80% des jeunes enseignants sont atta-chés à la laïcité. Des chiffres transposa-bles à l’ensemble de la population. « LesFrançais trouveraient insupportable devivre sous les injonctions d’un dignitairereligieux qui interviendrait dans lasphère publique, l’espace où l’on produitle droit, explique Laurent Escure, secré-taire général du CNAL (comité nationald’action laïque). Cela traduit leur atta-chement à la laïcité, alors qu’ils n’en ontpas de définition précise. » Or, c’est juste-ment dans ce vide que se logent les fra-gilités de la laïcité. « C’est parce que ladéfinition de la laïcité est mal installéeque chacun donne la sienne ou chercheà ajouter des adjectifs pour dénaturerl’idée laïque, explique-t-on au CNAL. Lapremière tâche du militant laïque estdonc de combattre les dérives liées ausens. » Ces dérives sont de deux ordres.L’ultralaïcisme, qui produit des carica-tures de laïcs, des barbus républicains, etla dérive communautariste, servie parNicolas Sarkozy et Jean-Pierre Raffarinqui réduit l’idée laïque à la tolérance.

La laïcité et la France sont un vieux coupleaujourd’hui, formé il y a plus d’un siècle.Les différentes sorties de Nicolas Sarkozy,la menace sectaire et les communautarismesont appris aux militants laïques à se méfierdu confort de l’installation historique etde l’habitude. Que ce soit dans les écoles,les hôpitaux ou les collectivités, la vigilances’impose.

Pas d’argent public pour les écoles privées

Soit un enfant résidant àNanterre. Par choix, ses

parents ont décidé qu’il irait étu-dier à Neuilly, dans une école pri-vée. Conséquence de l’article 89de la loi du 13 août 2004, la ville deNanterre est obligée de verser unforfait communal à l’organisme degestion de l’enseignement catho-lique. Près de 400 000 élèves sont

concernés, les sommes s’échelon-nent entre 400 à 1000 euros.Depuis 2004, le CNAL dénonce cefinancement public/privé. Il aobtenu l’annulation de la circu-laire d’application en juin 2007.Mais le 27 août 2007, XavierDarcos a refait passer cette mêmecirculaire. Les sénateurs viennentde voter en première lecture une

loi abrogeant l’article 89 qui ins-taure une obligation de finance-ment pour les seules communesne possédant pas d’écolepublique. Même si cela fait passerle nombre d’enfants concernés àquelques dizaines de milliers,«Cette loi n’est pas satisfaisante,commente Laurent Escure, Nousavons fait un peu de lobbying

Liberté, égalité, laïcité : un co

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«Après le discours deLatran, nous noussommes demandéscomment asseoir la laï-cité », explique LaurentEscure. Une contribu-tion d’une soixantainede pages née de cesréflexions a été diffu-sée aux militants duCNAL. Problème, cemémento à usage duparfait laïc vise unpublic déjà réceptif. Or,la laïcité se pratiquepar tous et en toutescirconstances. « Nousavons organisé de multiples raouts en2005, avec des expositions et des col-loques, détaille Charles Conte chargéde mission laïcité à la Ligue de l’ensei-gnement, mais il s’est toujours trouvéun enseignant pour poser une questionsubsidiaire sur un cas pratique. » Quefaire quand une mère de famille voiléese présente à une réunion parents-profs ? si un élève refuse de visiter une

église ? « Il s’agissait de répondre à desdemandes ordinaires et concrètes »,reprend Charles Conte. Un site Interneta donc vu le jour mi-2007, www.laicite-educateurs.org. Il répond à une centainede questions, de l’obligation ou pasd’avoir des menus spéciaux dans lescantines à la dispense de sport pour lesfilles ou les autorisations d’absencepour fêtes religieuses. « Les questionsqui nous sont posées sont parfois trèspointues, explique Charles Conte, onfournit des conseils en nous référantaux textes de lois. » L’enseignantcomme l’éducateur est donc légale-ment couvert pour riposter auxmenaces anti-laïques. Plus de20000 consultations mensuelles ontété enregistrées.

Gothique et foulardBenoît est délégué de classe dans unlycée de la région orléannaise. Il traînedans les couloirs son look de gothique.Il essuie parfois des réflexions sur ses

auprès des élus pour qu’ils nevotent à l’Assemblée nationale quele texte abrogeant l’article89.» LeCNAL encourage via son réseau,tous les maires à multiplier lescontentieux pour retarder lesversements. Pour mémoire, l’Étata versé en 2007, près de 7mil-liards d’euros aux établisse-ments privés. B.T.

n combat républicain

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Menus spéciaux dans les cantines

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Brochures, CD, DVD,autant d’outils

pour diffuserla laïcité.

Dossier � LAÏCITÉ EN DANGER

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goûts musicaux. Rien de plus. Il ne com-prend pas pourquoi il peut se promeneren noir et en rangers compensées dansl’école alors que sa camarade musul-mane ne peut pas porter son foulard.Les élèves aussi s’interrogent. Pour leurdonner des réponses, des séances deformation des élèves-délégués sontorganisées par la Ligue de l’enseigne-ment. « Les questions concernent prin-cipalement le fait religieux, expliqueSylvain Colmar, chargé de formation des“délégués élèves collèges et lycées”. Lefoulard arrive en tête, puis les tensionsentre juifs et musulmans. Suivant qu’onest en Bretagne, en Vendée ou en Seine-Saint-Denis, les discussions sont diffé-rentes. » L’an dernier, certaines séancesont rassemblé jusqu’à 300 élèves.«Dans notre société multiculturelle, cesformations sont devenues indispensa-bles. Elles sont d’ailleurs obligatoiresdepuis la loi d’orientation de 1989, rap-pelle Pierre Tournemire. Les jeunes n’ontpas l’impression de vivre sous lacontrainte religieuse. Au contraire, c’est

la loi du 15mars 2004 qui est vécuecomme une interdiction. Il s’agit d’expli-quer que la laïcité permet de conserverle pluralisme. »L’université Evry-Val-d’Essonne a été unedes premières à rédiger une Charte del’Étudiant en 2006, aujourd’hui adoptéeau niveau national. Dès l’article premier,elle pose les bases de l’indépendance etde la laïcité de la faculté. « La charte a étéune demande des étudiants usagers duservice public de l’université, expliqueRichard Messina, président de l’univer-sité. Au début, certains considéraient quece n’était pas à l’université de faire cela.Mais la charte s’inscrit dans le projet cul-turel de l’université, dans sa dimensionglobale d’outil d’émancipation. Pournous, la laïcité ne s’est pas réduite àl’anti-religion. C’est le respect des indivi-dus dans le cadre de l’intérêt collectif,c’est une force de liberté pour tous. »

CharlatansLes hôpitaux ont réglé la question enaffichant une circulaire dès 2005 rappe-

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lant les devoirs du patient. Dans lesmairies, cela commence aussi à bou-ger. Jean-Jacques Chatel est maire deMainvilliers dans l’Eure-et-Loir. « Lacommune compte beaucoup de natio-nalités, explique-t-il. Pour l’instant iln’y a aucune tension, c’est quand il n’ya pas trop le feu qu’il faut se soucier deces questions qui ne sont jamaisgagnées. » La charte devrait aboutirdans l’année. « Les élus n’ont pas tousles éléments juridiques pour être enconformité avec la loi. Ils prennent par-fois des décisions pour s’en sortir lemoins mal possible sauf que le tribu-nal administratif leur donne ensuitetort », résume Pierre Tournemire. LeCNAL va à la rencontre des élus pourles informer des lièvres que sa cellulede vigilance a levés. Fin janvier, il aaverti les élus sur la volonté des orga-nismes fédérateurs des écoles privéesde réclamer des fonds publics en plusde ceux déjà alloués à chaque établis-sement. Résultat, les municipalitéspasseraient deux fois au tronc au lieud’une. Le Conseil régional de Midi-Pyrénées, les conseils généraux de

Haute-Saône, de l’Allier, desVosges, de l’Essonne, des Deux-

Sèvres, de l’Ariège, du Loiret etdes Hautes-Pyrénées ont ainsi

déjà effectué des vérifications. Enréaction au discours de Latran,

une pétition « Sauvegardons la laï-cité de la République », a été signée

par plus de 150 000 personnes. Lorsde la venue de Benoît XVI en France,

en septembre, on a noté un infléchis-sement de Nicolas Sarkozy. « C’est uncombat régulier, conclut LaurentEscure, pour ne pas que la laïcité sedilue, pour ne pas s’habituer à l’idée etainsi se faire abuser par des charla-tans. » Depuis la mobilisation anti-« laïcité positive », plus aucun adjectifréducteur n’a été accolé à la laïcité.

La laïcité est peu connue et, souvent, mal com-prise chez les collégiens et les lycéens. Les éva-

luations des acquis des élèves montrent qu’elle estsurtout entendue comme la négation du fait reli-gieux. Ce qui prête à tous les malentendus. La laï-cité est donc à expliquer dans ses fondements,c’est-à-dire avant tout un respect de l’égalité desindividus quelles que soient leurs convictions ouleurs croyances.L’enseignement de la laïcité est donc un devoir pourque le sens même de la République soit compris. Lesprogrammes d’éducation civique en font la mention.Ceux d’histoire marquent quelques moments fonda-mentaux. L’idée apparaît dans les classes de lettreset de philosophie. Au-delà des disciplines, la vie sco-laire dans les établissements a à faire avec la laïcité.Elle est une dimension des règlements intérieursdans les établissements.Mais il y a une triple difficulté à cet enseignement.D’abord, les temps d’explication, qui arrivent à desmoments différents dans une scolarité, sont tropépars. Il manque une perspective d’ensemble quipourrait récapituler tout ce qui a été dit et vu. Penserles progressions dans les programmes serait unenécessité. Ensuite, les problèmes que soulève la laïcitépeuvent créer des tensions dans des classes où semêlent des cultures différentes. Cela ne doit pourtantpas nourrir la tentation de se réfugier dans les seulesrègles institutionnelles. Il faut assumer les tensionséventuelles en montrant comment, concrètement, lesproblèmes qu’elles entraînent peuvent être résolus parles principes même de la laïcité. Les études de cas, surla liberté d’expression par exemple, sont une méthodepédagogique intéressante. Enfin, enseigner la laïciténe peut pas être la charge (ou le privilège…) d’uneseule discipline. Cette valeur républicaine doit nourrirun travail transversal pris dans plusieurs disciplines etdans l’établissement lui-même.Comment enseigner la laïcité est bien sûr un débat quiconcerne d’abord les enseignants et les éducateurs,mais tout autant les parents – ce qui fait pas mal demonde ! – autrement dit, la nation elle-même. Un Particomme le nôtre doit participer à cette réflexion.

Alain BergouniouxConseiller aux relations avec les fondations

et aux revues

Enseigner la laïcité

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Territoires � PLAN DE RELANCE

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Au vu des attaques àrépétition dont ellessont l’objet, les collectivi-

tés territoriales ressemblerontbientôt à des camps retran-chés. L’annonce, par le Premierministre, dans le cadre d’unComité interministériel pourl’aménagement et le dévelop-pement du territoire (CIADT)exceptionnel, du « Plan derelance de l’économie » n’est, àcet égard, pas de nature à lesapaiser. Sous couvert d’accélé-rer les grands projets d’aména-gement du territoire, son dis-cours tient davantage de l’es-broufe et de l’effet d’annonceque d’une politique volonta-riste et consensuelle.

Projets recyclésLe gouvernement entend ainsiconsacrer 26milliards d’euros àdes projets largement recyclés.Un peu plus d’un millier, autotal, dans les domaines del’habitat, des transports, dupatrimoine ou de l’université.« L’État ne fait qu’honorer desengagements pris précédem-ment, ce qui est largementinsuffisant pour relancer lacroissance », constate MichelSapin, secrétaire national àl’Économie. De plus, les misesen chantier ne débuteront,pour la plupart, qu’en 2010,voire 2011… « Ce sont des inves-tissements nouveaux et àeffets immédiats qui doivent

être mis en place, comme l’aproposé le Parti socialiste dansson contre-plan de relance :construction de 300 000 loge-ments sociaux, rénovation desbâtiments hospitaliers, inves-tissements matériels… », ren-chérit le député de l’Indre.Avant de pointer l’absence detout « pacte de relance » avecles collectivités locales quiassument pourtant 75 % del’investissement public.

SaupoudrageConstat similaire de Marie-Guite Dufay, présidente de laRégion Franche-Comté, quidéplore l’absence de mesuresfortes au profit d’un territoirepourtant durement éprouvépar la crise… « Le TGV Rhin-Rhône est complètementoublié dans le projet gouverne-mental, alors qu’il est le plusgrand chantier de génie civil encours dans notre pays, précise-t-elle. Sur le plan des infra-structures routières, seule ladeuxième phase de la dévia-tion de Luxeuil fait office denouveauté. Les autres opéra-tions annoncées ne sont que

LLa Haute-Saône à bout de souffle. Les graves difficultés que rencontre l’in-dustrie automobile fragilise un peu plus encore un territoire où le groupe

PSA et les sous-traitants sont très implantés. Le constat vaut également pourla filière du bois et le bâtiment. « Face à une situation économique très difficile,nous espérions beaucoup du plan de relance, confie Yves Krattinger, présidentdu Conseil général. Nous constatons que des projets essentiels pour notre ave-nir n’y figurent pas, alors qu’ils sont prêts. » À commencer par la deuxièmetranche de la branche Est de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, approuvéepar l’assemblée départementale, ou bien encore la réalisation de travaux sur laRN19 et la RN57. « Il n’est pas trop tard pour prendre en compte ces investis-sements structurants », conclut l’élu dans une lettre ouverte au chef de l’État.

B.T.

La Haute-Saône en bas de tableau

François Fillon a présenté, dans le cadre d’un Comité inter-ministériel pour l’aménagement et le développement duterritoire (CIADT) exceptionnel, les 1 000 projets du plan derelance annoncés par le chef de l’État, début décembre. Cedispositif suscite la déception des élus.

Les reléguésdu plan de relance

Le TGV Rhin-Rhône : un projetoublié par le gouvernement.

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des reprises du contrat de plan2000-2006 ou préfigurent lePlan de développement et demodernisation des infrastruc-tures dont les collectivitésattendent depuis trois ans deconnaître le contenu avec pré-cision. Des opérations impor-tantes comme la liaison entrele Doubs et la Suisse par laRN57 ne sont pas évoquées. »En écho, Gérard Collomb, séna-teur-maire de Lyon, dénonce le« saupoudrage » du dispositifdétaillé par le chef du gouver-nement dans sa ville. « Je nevois pas de colonne vertébraleà ce plan, j'espère que tout celasera rectifié dans les semainesqui viennent », confie-t-il. Pourêtre efficace, il doit privilégierl’investissement public, via lescollectivités, et le pouvoird’achat. Le contraire, ensomme, de la méthode Fillonqui n’a même pas pris la peinede consulter les élus. « S’ilpense avoir besoin de nouspour relancer la croissance,qu’il s’abstienne donc de bais-ser les dotations de l’État »,conclut l’élu socialiste.

BrunoTranchant

Lens fait les trottoirs

Unité des formes et rigueur. La municipalité de Lens aadopté, par un arrêté du 11 juillet 2006, une charte

visant à l’harmonisation des terrasses, cafés et restaurantslocaux. À charge, pour les professionnels du secteur, de seréférer à une réglementation visant à mettre l’ensemble encohérence.Ce document a été élaboré en partenariat avec la Chambrede commerce et d’industrie (CCI) de l’arrondissement deLens, l’Union commerciale, la Chambre des métiers duPas-de-Calais, l’Architecte des bâtiments de France et laCommunaupole de Lens-Liévin. « Ses orientations asso-cient les attentes des restaurateurs et cafetiers à celles dela ville, confie Guy Delcourt, député-maire de Lens. Il per-met d’assurer à la fois le confort, la sécurité, l’esthétiquedu cadre et son harmonie avec l’environnement. C’est unprécieux texte de référence où chacun pourra puiser desidées d’aménagement dans les palettes de matériaux, decouleurs et de formes proposées. »Une phase transitoire de trois ans, à compter de la notifica-tion de l’arrêté, est prévue pour la mise en conformité desterrasses du centre-ville. L’aménagement doit répondre àdes critères très précis : le trottoir ne peut ainsi être occupéqu’aux deux tiers de sa largeur, sous réserve de laisser

libre de toute circulation unpassage d’1,50 mètre mini-mum, à l’usage des piétons, etde permettre la circulation despoussettes et des personnes àmobilité réduite. Les branche-ments électriques doivent res-pecter des normes sécuri-taires strictes, au même titreque le mobilier et l’esthétique :stores rectangulaires, inscrip-tion publicitaire discrète,matériaux et couleurs appro-priés, mobilier en métal, enbois massif ou en rotin… Élé-ments parmi d’autres d’unepolitique d’urbanisme visant àrenforcer l’attractivité de lacité minière.

B. T.

La preuvepar l’exemple

Guy Delcourt,député-mairede Lens.

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Territoires � BRÈVES

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DépartMichel Rocardquitte le ParlementeuropéenHommage à Michel Rocard quivient de céder son fauteuil d’eu-rodéputé à son suppléant,Bernard Soulage, vice-président

de la Région Rhône-Alpes. À 79ans, l’ex-Premier ministre deFrançois Mitterrand se retire,quelques semaines seulementavant les élections européennes,pour installer son successeuret le préparer au mieux à la«bataille ténébreusedes investi-tures ». Ses pairs lui ont renduhommage lors d’une réceptionen son honneurÀ Strasbourg, Michel Rocard aprésidé la Commission du déve-loppement et de la coopération(1997-1999), celle de l’emploi et

des affaires sociales (1999-2002)et celle de la culture, de la jeu-nesse, de l’éducation,desmédiaset des sports (2002-2004).

PolynésieTemaru reprendles commandesAprès bien des péripéties, l’indé-pendantiste Oscar Temaru aretrouvé à une largemajorité (37suffrages sur 57) son siège à latête de l’Assemblée de Polynésie,en remplacement de GastonTong Sang, président démission-naire, renversé le 30 août parune motion de censure. « Nousavons besoin de faire la paixentre nous pour envisager avecespoir un redressement écono-mique et surmonter la crise quinous frappe durement avec la

chute du tourisme, l’effondre-ment de la perle et de la pêche etune agriculture où tout resteencore à faire », a aussitôt réagile patron de l’exécutif polyné-sien.

SantéRecul sur le handicap

Quatre ans après l’adoptionde laloi relative à l’Égalité des droitset des chances, la participationet la citoyenneté des personneshandicapées, l’Assemblée desdépartements de France tire lasonnette d’alarme. Et pointe lesdifficultés rencontrées par lesMaisons départementales despersonnes handicapées (MDHP)pour « obtenir de l’État lesmoyens humains et financiersinitialement prévus lors desconventions de mise en place ».« Dans de nombreux départe-ments, la continuité et la qualitédu service ne sont maintenuesque par un engagement finan-cier supplémentaire des conseilsgénéraux. » L’ADF fustige ungouvernement qui ne « respectepas ses engagements, tant sur leplan financier que sur le plan desmoyens humains,mettant àmalla volonté affichée de faire de lacompensation du handicap uneaction prioritaire. »

BrunoTranchant

Réforme territorialeTouche pas à mon département !À l’heure où la Commission Balladur réfléchit aux modalités d’unenouvelle réforme territoriale, les Conseils généraux viennent d’adop-ter une motion qui réaffirme leur identité. À l’initiative del’Assemblée des départements de France (ADF), plusieurs types d’ac-tions ont été mises en œuvre : sessions spéciales, conférences depresse, pétitions, actions conjointes de délibération avec les maires,opérationsdecommunicationgrandpublic…Plusde lamoitiédes4218conseillers généraux se sont exprimés sur le sujet. Dans la majoritédes cas, ils votent à l’unanimité la motion débattue et réaffirment lecaractère démocratique de l’institution départementale.

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VIE DU PARTI � Secteurs

Deux délégations socialistes conduites parFrançois Lamy, Arnaud Montebourg, DavidAssouline, Christian Paul et David Lebon sesont rendues, du 14 au 16 février, enGuadeloupe, en Martinique et à la Réunion.Focus sur cette île de l’océan Indien, particuliè-rement touchée par la crise.

Flambée des prix, économie en berne, crisedes crédits… À plusieurs milliers de kilomètresde la capitale, la Réunion traverse l’une depériodes les plus sombres de son histoire.Avec un taux de chômage de 26 %, une infla-tion de 2,8 % - contre 1,2 dans l’Hexagone - etun seuil de pauvreté qui atteint désormais52 % de la population, la situation est de plusen plus difficile. Sans parler du nombre anor-malement élevé d’allocataires du RMI, des dif-férences tarifaires avec la Métropole pouvantaller jusqu’à 60 %, selon UFC Que Choisir, etune démographie galopante.

RevendicationsDepuis 2007, la situation n’a fait qu’empirer.La crise bancaire et le rétrécissement de l’ac-cès au crédit ont entrainé la disparition denombreux terrassiers dans le bâtiment. Lesspécialistes évaluent ainsi la perte à 1 200emplois dans ce secteur, au cours des deuxdernières années. Les exemples sont légion.Dans l’automobile, en particulier, où le mar-ché a connu une baisse spectaculaire (- 25 %)au cours des trois dernies mois.Difficile, dans ces conditions, de fermer lesyeux. Partis à la rencontre d’un collectif ras-semblant les forces vives de la gauche locale(CGTR, CFTC, CFDT,AC, FSU,UNEF,UNL, Parti deGauche, « Agir Pour Nout Tout »), la délégationsocialiste, composée du sénateur de Paris,David Assouline, du député de Saône-et-Loire,Arnaud Montebourg, et du directeur deCabinet adjoint de Martine Aubry, DavidLebon, a pris connaissance des revendications

de ses interlocuteurs : 200 u d’augmentationimmédiate des salaires,minima sociaux, aideset bourses étudiantes, hausse des aides aulogement et gel des loyers sociaux, baisse de20 % des produits de consommation courante(dont l’essence), diminution du prix de la bou-teille de gaz à hauteur de 5 u.

InjusticeDepuis l’élection de Sarkozy, l’outre-mer estdéconsidérée et l’approche « colonialiste » d’YvesJégo a créé un véritable fossé entre les habitantsdes DOMet la République.

Tristeconstatqui fait échoà lasituationmétropo-litaine. Tous les acteurs reconnaissent ainsi lalégitimité de la revendication du pouvoir d’achat.«Tousnousont fait part dusentimentd’abandonqui se répand, témoignent les membres de ladélégation socialiste. Les élus nous ont expliquéla multiplication des permanences saturées depersonnes ne pouvant plus nourrir leur famille.Dès le 15 dumois,entre remplir le frigo et payer lafacture d’électricité, beaucoup choisissent la sur-vie. Les édiles ne peuvent plus faire face. La popu-lation est dos au mur et l’activité des CCAS n’estpas en mesure de faire face à la demande.L’explosion sociale est donc possible ».

BrunoTranchant

David Lebon,directeur de cabinet adjoint deMartineAubry, le député ArnaudMontebourg et le sénateurDavid Assouline au Conseil municipal de La Réunion.

Le PS à l’écoute de la colère ultra-marine

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«Nul ne doit êtreinquiété pour sesopinions même

religieuses, pourvu que leurmanifestation ne trouble pasl'ordre public établi par la loi. »L’article 10de laDéclarationdesdroits de l’Homme est sanséquivoque. Dans la foulée dutumulte révolutionnaire, plu-sieurs siècles de catholicismesontmis à l’index.De rudes empoignades ontopposé les défenseurs de l’or-dre établi et les partisans de

la liberté de conscience. Letexte qui en découle affirme,sous une forme modérée,l’entrée dans une nouvelleère. Et pose ainsi les prémicesd’une morale laïque qui resteà définir.Les partisans de la Consti-tution civile du clergé vont s’yemployer, en 1790, avant quela Révolution n’institue sapropre religion civile par lebiais des « cultes révolution-naires » (1793) : cultes de ladéesse Raison, de la déesse

Liberté, que Robespierres’emploie à ramener au cultede l'Être suprême et audogme de l'immortalité del'âme. Les bases de la laïcitésont ainsi posées. Jusqu’auvote, en 1795, d’une loi insti-tuant la séparation desÉglises et de l'État, dont l’ap-plication restera partielle.Laïcisation et religion civilen’en sont pas moins mêlées,et une brèche est ouverte,longtemps avant l’adoption,en 1905, d’une loi passéedepuis à la postérité.

Deux FranceDès lors, la France ne se per-çoit plus comme « la filleaînée de l’Église ». NapoléonBonaparte et son conseiller,Portalis, tentent toutefoisd’apaiser les esprits par la

Histoire � LA LOI DE 1905

Longtemps contestée, souvent discutée, laloi de 1905 instituant la séparation del’Église et de l’État est le fruit de plus d’unsiècle de combats âpres et houleux. Auxorigines de ce texte : la Révolution fran-çaise qui pose les jalons de la liberté reli-gieuse et de la laïcité malmenéeaujourd’hui par Nicolas Sarkozy.

La Liberté arméedu sceptre.La Raison foudroiele fanatismeet l’ignorance.Gravure allégoriquede Bizot et Chapuis.

Et la laïcité fut :genèse de la loi de 1905

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signature d’un Concordatavec Rome, le 15 juillet 1801,qui marque la fin des hostili-tés entre la République etle Vatican. La liberté deconscience et de culte, l'ab-sence de délits d'ordre reli-gieux, la laïcisation de l'étatcivil, l'obligation du mariagecivil sont maintenues, mêmesi le calendrier républicain estsupprimé.S’ensuit un siècle de luttesincessantes contre le pouvoirreligieux conforté par desrégimes autoritaires. Leconflit prend une tournuredramatique avec la défaite de1871. Les deux France parais-sent irréconciliables, à l’heureoù le pays a un besoin urgentd'unité nationale. À peineproclamée, la Républiquedoitfaire face à la vindicte catho-lique par le camp clérical,dont l’unique ambition est derestaurer l’ordre monar-chique.La Troisième République(1871-1940) n’en sort pasmoins victorieuse. En dépitd’un climat houleux, les gou-vernements successifs cher-chent des compromis accep-tables par une majorité deFrançais. Un cap décisif a étéfranchi dans l’affirmationd’une laïcité à la française.

Morale laïqueLes premières mesures seconcentrent prioritairementsur l’école, lieu de tensionsrécurrentes. La loi du 28mars1882 rend ainsi l'enseigne-ment primaire obligatoire etlaïque. La morale religieuse

n'est plus dispensée dans leslocaux scolaires, même si unjour de congé est prévu pourpermettre aux parents d’en-voyer leurs enfants au caté-chisme. La loi du 30 octobre1886 laïcise le personnel del’éducation, tout en mainte-nant la liberté de l'enseigne-ment. Jules Ferry, aidé parFerdinand Buisson, joue unrôle décisif dans ces chan-gements. Partisan d’une« morale laïque », il refuse decéder à l’autoritarisme et audogmatisme religieux.Un nouveau seuil a étéatteint. Capital, celui-là.L’instruction civique rem-place désormais l’instructionreligieuse. La loi de sépara-tion des Églises et de l’État du9 décembre 1905 abolit leConcordat de 1801 et met unterme au système des« cultes reconnus. » : « LaRépublique assure la libertéde conscience. Elle garantit lelibre exercice des cultes(mais) ne reconnaît,ne salarieni ne subventionne aucunculte. »La religion n’a donc plus delégitimité sociale institution-nelle, en dépit des disposi-tions libérales du texte enté-riné par l’Assemblée : respectde la liberté de conscience,dulibre exercice des cultes et del'organisation interne desreligions, mise à la disposi-tion gratuite des différentscultes, d'édifices religieuxpublics… Que de chemin par-couru, un siècle et demi seu-lement après la Révolution…

Bruno Tranchant

1789 : Rédaction de laDéclaration des Droits de l'Hommeet du Citoyen. Selon l’article X, « LaRépublique ne reconnaît, nefinance ni ne subventionne aucunculte ».

1790 : Adoption, le 12 juillet, dela Constitution Civile du Clergé.Cette décision aboutit à la natio-nalisation des biens de l'Église.Désormais, les ministres du Cultesont rémunérés par l'État et doi-vent prêter serment de fidélité àla Constitution.

1801 : Signature du Concordatentre le Premier consul,Napoléon Bonaparte, et le papePie VII, afin de réglementer lesrelations entre l’Église et l’État.

1806 : : Napoléon réunit unedélégation de rabbins de France.Ils doivent affirmer la priorité pourles juifs de respecter les lois fran-çaises avant les lois juives.

1850 : : Vote de la loi Falloux surl'école.

1875 : Loi relative à la liberté del'enseignement supérieur.

4 mai 1877 : Dans un discoursà la Chambre des députés,Gambetta déclare : « Ceux quimènent l'assaut contre les institu-tions sont à la tête des associa-tions catholiques : le cléricalisme,voilà l'ennemi ! »

1881-1882 : Lois Ferry : l'écolepublique devient gratuite, laïqueet obligatoire.

1905 : Loi de 1905 de séparationdes Églises et de l’État posant leslimites de la laïcité.

UN SIÈCLE ET DEMID’HISTOIRE

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Culture � À VOIR, À LIRE, À ENTENDRE

L’HEBDO DES SOCIALISTES �21 FÉVRIER 2009

�34 Ça chauffe !

«Tout le monde ditque le climat esten train de chan-

ger, c’est vrai ou c’est faux ? »,« C’est l’homme qui a créél’effet de serre ? », « Et labanquise, elle ne va jamaiss’arrêter de fondre ? », « Si lesforêts disparaissent, est-cequ’iln’yauraplusd’oxygène?»« Un jour, il faudra marcher àpied ? », « Peut-on remplacerles voitures à essence parles voitures électriques ? »« Et qui dit qu’on ne trouverapas une nouvelle sourced’énergie encore inconnue ? »« Quand on mange, onconsomme du pétrole ? »Voici le genre de questionsqui constituent le dernier-né d’une passionnante col-lection destiné aux jeunes.Le changement climatiqueexpliqué à ma fille propose

un état des lieux parfaite-ment clair de la planète quiexpose, tout à fait clairement,comment la raréfaction dupétrole et le réchauffementclimatique vont tout chan-ger dans notre vie quoti-dienne : habitat, transports,alimentation, métiers, façonsde vivre et de consommer.En 100 pages, et une heurede lecture, tout est dit, toutest compris. Le seul risqueest qu’après ça, les adosnous en veuillent beaucoup.Car cet aveu accablant del’auteur - « Ce qui va se pas-ser pour toi et tes enfantsva beaucoup dépendre dece que la génération de tesgrands-parents aura fait etde ce que la mienne va fairedans les 20 ans qui vien-nent » - est bien la clé de cepetit essai. Mais, commel’auteur le dit un peu plusloin tout aussi justement :« C’est justement pour quece genre de scénario ne seproduise pas qu’il fautessayer de comprendre cequi pourrait se produire. »Un livre qui brosse letableau d’une réalité certesangoissante, mais qui nousdit aussi, à la fin, que toutn’est pas encore perdu.Bref, un ouvrage essentiel,à mettre en toutes lesmains. À offrir en de multi-ples exemplaires.

A.G.Jean-Marc Jancovici, Le changementclimatique expliqué à ma fille, Seuil,86 pages, 7 euros.

Un socialistedans la guerred’Algérie

La guerre d’indépen-dance algérienne sousl’œil avisé d’un militant

socialiste oranais. Fruit d’untravail universitaire, l’ou-vrage de Claire Marynowerprivilégie la biographie poli-tique. Dépêché par GuyMollet, en avril 1956, auprèsdes dirigeants du FLN pourexplorer les conditionsd’un cessez-le-feu, JosephBegarra se heurte à unevéritable impasse. Hommed’appareil, il travaille à l’édi-fication d’une Algérie nou-velle et réformée. Marquépar le glissement vers unrèglement presque exclusi-vement répressif du pro-blème nationaliste algérien,il sera souvent pris dans sescontradictions entre sesidées de paix, de progrès

LIVRES

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De l’usine à la galerie

Les mutations économiques ont faitévoluer les métiers et les lieux de tra-vail dans lesquels ils sont exercés.

Comment garder une trace du lien établientre l’homme, le travail et son lieu d’expres-sion ? Voici la problématique autour delaquelle le photographe Gabriel Stauffer atravaillé pour rendre compte de l’identité deces lieux où le labeur manuel finit par bana-liser des espaces empreints d’histoire(s).

Photographiant avec « la curiosité du premier regard, avec lafraîcheur de la découverte »,Gabriel Stauffer réussit à transpor-ter le visiteur dans un univers d’une dureté extrême mais où lajoie fait aussi de fréquentes incursions. A.V.

Lieux de travail : lieux de vie et lieux de mémoire 1994 – 2003.GalerieBeckel-Odille-Boïcos – 1, rue Jacques Cœur 75004 Paris. Ouvert du mardi ausamedi de 14h à 19h. Entrée libre.

EXPOSITIONÀ VOIR, À LIRE, À ENTENDRE � Culture

social et l’impossibilité des’imaginer devoir un jourquitter l’Algérie.Patron de la fédération(PS) d’Oran, il se refuseralongtemps à perdre espoir,convaincu que des ré-formes pourraient encoresauver la situation. Aupoint de devenir la cible desultras et de devoir quitterprécipitamment l’Oranie.Une contribution utile poursaisir l’itinéraire d’un mili-tant profondément mar-qué dans sa chair par leprocessus de décolonisa-tion et ses multiplescontradictions.

B.T.Claire Marynower, Joseph Begarra,Un socialiste oranais dans la guerred’Algérie. Prix de la Fondation Jean-Jaurès 2007, L’Harmattan, collec-tion Des poings et des roses, 237pages, 20 euros.

Saga jazzy

Elle s’appelle ValaidaSnow. Snow comme laneige. Sauf que

Valaida n’est pas blanchecomme neige mais mulâ-tre, dans l’Amérique ségré-gationniste des années 20.Chanteuse et trompettistede jazz, Valaida a joué avecles plus grands : CountBasie, Bill Coleman, DjangoReinhardt…Mais sa carrièreest brisée par la SecondeGuerre mondiale. Alorsqu’elle se trouve en France,

elle est arrêtée et déportéedans un camp de concen-tration.Pascal Rannou s’empare dudestin de cette musicienne

oubliée, le plie aux capricesde la fiction, pour peindreune fresque haletante duXXème siècle. Ce livre a toutde l’épopée contemporaineet fait voyager le lecteurde la Nouvelle-Orléans àHollywood, de New York àParis. L’héroïne croise despersonnages hauts en cou-leurs comme les surréa-listes parisiens.Une saga au souffle roma-nesque indéniable et aurythme syncopé comme unmorceau de jazz.E.P.

Pascal Rannou,Noire, la neige,éditionsParenthèses, 292 pages, 18 euros.

Pages réalisées par Ariane Gil, Elisabeth Philippe, Bruno Tranchant et Ariane Vincent

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Portrait � ZOHRA AÏT-MATTEN

L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 21 FÉVRIER 2009

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Le mot résignation ne fait pas par-tie de son vocabulaire. Zohra Aït-Matten est plutôt du genre

acharné. Peut-être est-ce cette qualitéqui lui a permis de devenir, l’an dernier,première adjointe aumaire du 7earrondissement de Lyon. C’estson premier mandat. Et elle enfière puisqu’elle l’exerce dans cequartier de Gerland auquel ellevoue«uneaffection sansborne».Un quartier « oublié de l’échi-quier politique local » danslequel elle vit depuis 1976. Ellesait qu’il faut s’y battre,parfois plus qu’ailleurs,pour créer un lien social fort.Zohra n’aime pas vraiment parler d’elle.Quand on la pousse à la confidence, elle finitpar se décrire comme une « femme de ter-rain, de conviction, républicaine et surtoutlaïque ». Issue d’une famille musulmane,Zohra Aït-Matten a très tôt milité pour lerespect, « le vrai », de la laïcité : « J’en ai trèsvite eu marre d’être cataloguée, du fait demon nom, comme forcément pratiquantemusulmane, raconte-t-elle. La laïcité, c’est cequi nous transcende, ce qui fait de nous descitoyens. »Fille d’un ouvrier kabyle arrivé en France en1935 et tirailleur pendant la Seconde Guerremondiale, Zohra est le troisième enfantd’une fratrie de neuf. Cette situation fami-liale lui permet « d’acquérir très tôt le sens

des responsabilités et des valeurs ». Sesouvenant des soirs de Ramadanlorsqu’elle était petite fille, elle lesdécrit comme « un beau moyen denous retrouver tous rassemblés

autour d’un repas ». Après sonbac, Zohra étudie le droit avantde bifurquer vers la psychologie.Elle exerce ensuite pendant denombreuses années auprès de« personnes en souffrance »,qui, analyse-t-elle, l’ont amenéeà réfléchir sur les facteurssociaux qui peuvent être à l’ori-

gine des états de « crise ».En 2000, elle prend finalement sa carte auPS, après avoir été « une sympathisanteactive », forgeant sonmilitantisme depuis lamarche des Beurs en 1983. Son arrivée auParti socialiste est une nouvelle étape dansson parcours de porte-drapeau de la laïcitépuisque, deux ans plus tard, elle est nom-mée déléguée nationale. Si elle se dit« croyante », elle y voit plus une quête spiri-tuelle que religieuse qui relève exclusive-ment du domaine privé : « Ce n’est pas anti-nomique de croire et d’être un ferventdéfenseur de la laïcité, résume-t-elle. La laï-cité est notre dernier rempart contre lesintégrismes de tous bords. » Pour le reste,elle croit « en l’homme », sa première moti-vation pour continuer son combat.

Ariane Vincent

La laïcité pour credo

La laïcité estnotre dernier

rempart contre lesintégrismes

de tous bords.

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