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GUY CASSIERS DIPTYQUE SUR LA MIGRATION

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GUY CASSIERS

DIPTYQUE SUR LA MIGRATION

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Guy Cassiers (1960) appartient au cénacle des plus grands créateurs européens de théâtre. Son langage théâtral singulier, qui fait s’unir la technologie visuelle à la passion pour la littérature, est apprécié tant dans son propre pays qu’à l’étranger. Il a reçu le prix Thersites de la critique flamande pour l’ensemble de son œuvre (1997), le Prix pour les arts de la ville d’Amsterdam et le Werkpreis Spielzeiteuropa des Berliner Festspiele pour son cycle sur Proust (2004), le Prix Europe Nouvelles réalités théâtrales (2009) et, de pair avec Ivo Van Hove, un doctorat Honoris Causa pour mérites généraux par l’Université d’Anvers.

En 2016, Guy Cassiers met en scène une pièce qui s’articule autour du pouvoir et de l’abus de pouvoir : De welwillenden, d’après le roman éponyme de Jonathan Littell. Pour la saison 2016-2017, il prépare De moed om te doden (La force de tuer) de l’auteur dramatique suédois Lars Norén. À l’occasion de l’inauguration du festival urbain Op.Recht.Mechelen, extraits du spectacle Sang & roses (2011) sont présentés sous forme de lecture concertante. Au Japon, il recrée le spectacle de théâtre musical House of the Sleeping beauties, d’après le roman de Kawabata, qu’il a créé en 2009 avec le compositeur Kris Defoort. Ensuite, Guy Cassiers met en scène à Paris, Trompe-la-mort, d’après Balzac sur une musique de Luca Francesconi. Dans Grensgeval (Borderline) il s’attaque au texte véhément de la lauréate du prix Nobel Elfriede Jelinek. La première de la version néerlandaise de La petite fille de Monsieur Linh (Philippe Claudel) aura lieu en janvier 2018, suivie d’un enchaînement de reprises internationales – en français, anglais, espagnol et allemand. Dans Grensgeval et La petite fille de Monsieur Linh Guy Cassiers se penche sur les implications politiques, émotionnelles et sociales de la venue de l’étranger. Les deux projets traitent de la venue de l’étranger (l’immigrant) en Europe, une donnée qui aura un impact énorme sur l’identité et l’histoire de l’Europe.

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GUY CASSIERS

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GRENSGEVAL (BORDERLINE) LA PETITE FILLE DE MONSIEUR LINH

DIPTYQUE SUR LA MIGRATION

GUY CASSIERS (METTEUR EN SCÈNE)

ELFRIEDE JELINEK (TEXTE)

MAUD LE PLADEC (CHORÉGRAPHIE)

ABKE HARING (ACTRICE)

KATELIJNE DAMEN (ACTRICE)

HAN KERCKHOFFS (ACTEUR)

LUCAS SMOLDERS (ACTEUR)

QUINZE DANSEURS

GUY CASSIERS (METTEUR EN SCÈNE)

PHILIPPE CLAUDEL (TEXTE)

DIRK ROOFTHOOFT (ACTEUR)

UN ACTEUR NATIF (NL, EN, FR, ES, DE)

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Guy Cassiers & l’histoire politique (européenne)

Depuis sa nomination au poste de directeur artistique de la Toneelhuis en 2006, Guy Cassiers s’est passionné plus explicitement que jamais pour la figure du détenteur du pouvoir. Le Triptyque du pouvoir (Mefisto for ever, Wolfskers et Atropa. La vengeance de la paix, 2007-2009) se concentre sur les relations complexes entre l’art, la politique et le pouvoir : un thème que Cassiers fouille plus avant dans la trilogie L’homme sans qualités, le grand roman de Robert Musil qui se déroule à la veille de la Première Guerre mondiale (De parallelactie (L’action parallèle, 2010), Het mystieke huwelijk (Le marriage mystique, 2011) en De misdaad (La crime, 2012). La mise en scène de la guerre des dieux dans l’Anneau de Wagner (2010-2013) s’inscrit également dans cette démarche.

L’intérêt croissant que porte Guy Cassiers à l’histoire politique européenne ressort également de projets tels que Bloed & rozen. Het lied van Jeanne en Gilles (Sang et roses. Le chant de Jeanne et Gilles, 2011), sur l’influence et les manipulations de l’Église, et Cœur ténébreux (d’après Heart of Darkness de Joseph Conrad, 2011) sur le passé colonial européen. La saison 2013-2014 le voit mettre par deux fois Shakespeare en scène : le spectacle de théâtre musical MCBTH et Hamlet vs Hamlet (sur un texte de Tom Lanoye), une fois encore deux réflexions sur le pouvoir et l’usurpation. In Passions humaines (sur un texte de Erwin Mortier), un spectacle sur la figure du sculpteur du dix-neuvième siècle Jef Lambeaux, Cassiers se focalise une fois de plus sur la position de l’artiste dans un contexte politique chaotique.

En 2015-2016, Cassiers descend dans les abysses de l’âme d’un criminel avec deux projets de théâtre : Caligula (d’après Albert Camus) – qui traite de l’empereur romain qui se livre cruellement à l’expérience de la liberté et du pouvoir absolus -, et De welwillenden (Les bienveillantes d’après Jonathan Littell), les confessions d’un officier nazi impliqué dans les génocides de la Seconde Guerre mondiale.

La figure de « l’étranger »

La saison prochaine, la démarche de Guy Cassiers se concentrera sur une nouvelle figure qui joue actuellement un rôle crucial dans l’histoire européenne : l’étranger. Cassiers la dissèque en deux volets: Grensgeval (Borderline d’après Die Schutzbefohlenen d’Elfriede Jelinek) en La petite fille de monsieur Linh (d’après le roman de Philippe Claudel).

Dans ce diptyque artistique, Guy Cassiers se penche sur les implications politiques, émotionnelles et sociales de la venue de l’étranger. Les deux projets traitent de la venue de l’étranger (l’immigrant) en Europe, une donnée qui aura un impact énorme sur l’identité et l’histoire de l’Europe.

Dans Die Schutzbefohlenen, Jelinek traite dans un langage explicite, agressif et politique de la situation des réfugiés en Europe. Ce spectacle colle de près aux discussions qui font rage dans les médias (sociaux), discussions suscitées par la venue en Europe de nombreuses centaines de milliers de réfugiés, fuyant la guerre et la misère économique.

Dans La petite fille de monsieur Linh de Philippe Claudel, le thème de ces exodes est intériorisé et personnalisé. La clé de voûte n’est plus le groupe, c’est sur l’individu que se braquent les phares. Et ils n’éclairent plus la violence verbale et la frustration, mais la souffrance indicible : la douleur et l’impuissance du protagoniste, monsieur Linh, qui a dû quitter son pays dévasté par la guerre et a tout perdu, se font entendre au travers des silences et des hésitations du langage. En son centre se situent l’impossibilité et la fragilité du discours intime entre des gens au passé culturel différent et qui ont vécu des histoires traumatisantes.

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Ce qui est en jeu en ce moment dans la société n’est rien de moins que le tissu social lui-même. Qu’est-ce qui lie une société ? Le tissu social doit-il être lâche ou au contraire, quasi impénétrable? Ou, pour le formuler autrement : comment nous comportons-nous avec l’étranger qui demande à faire partie de cette société ? « L’étranger » est une figure qui remet fondamentalement en question nos schémas de pensées sur la politique et l’éthique, sur l’État-nation et l’identité nationale, sur le droit (international) et les droits de l’homme ; et notre discours souvent présomptueux continue à nous inquiéter et à nous hanter. Cette perplexité est au centre des deux projets artistiques que Guy Cassiers fera se conjuguer dans la période à venir : le cri explicitement politique de Jelinek et la douleur traumatique, indicible chez Ph. Claudel - deux perspectives par lesquelles Cassiers approche la confrontation avec l’étranger.

Interaction intrinsèque

Qui plus est – et c’est ce qui rend ce projet si exceptionnel – les deux productions engagent un dialogue intrinsèque avec les lieux où elle se produit : Grensgeval fait appel à un groupe « local » de danseurs-performeurs pour jouer à l’étranger. Chaque lieu fera donc sa propre transposition de la version originelle de Grensgeval.

La petite fille de monsieur meneer Linh va même un pas plus loin : l’acteur qui donne la réplique à l’acteur principal Dirk Roofthooft dans les cinq domaines linguistiques visés sera à chaque fois un autre acteur, proposé par les partenaires coproducteurs, de sorte qu’il y aura cinq variantes d’une seule et même production, focalisées sur la langue du pays en question.

Au final, la totalité des projets et encadrée par un double projet participatif :• La première partie s’adresse directement aux réfugiés dans les villes des partenaires/lieux

d’accueil et sera initiée par un des artistes en résidence à la Toneelhuis, le créateur de théâtre et metteur en scène irakien Mokhallad Rasem. Il est lui-même arrivé en Belgique en tant que réfugié et demandeur d’asile en 2005. Il est donc expert par expérience. Ayant fui l’Irak, la guerre est un thème récurrent dans son œuvre, mais la façon dont il l’aborde varie considérablement à chaque fois. Mokhallad Rasem prendra contact avec les partenaires et des centres locaux de réfugiés. Il passera quelques semaines dans le centre de réfugiés et y préparera du matériau cinématographique avec les habitants du centre. Ce matériau sera ensuite transposé en installation et exposé soit au centre lui-même, soit dans le lieu du partenaire. Le projet générera de la sorte une interaction entre le lieu du partenaire, les centres locaux de réfugiés et le public du cru.

• La seconde partie du projet participatif se concentrera sur des étudiants en journalisme. La Toneelhuis considère le développement et le renforcement de la conscience critique des futurs faiseurs d’opinions comme l’une de ses missions importantes. Les journalistes jouent toujours un rôle majeur en tant que médiateurs de l’information. Parallèlement à la production de Guy Cassiers, De welwillenden (Les Bienveillantes), la Toneelhuis a élaboré le projet Invisible Cities qui a consisté à demander à des étudiants en journalisme d’interviewer des personnes marginalisées et exclues (au sens large du terme) afin de leur offrir un forum où raconter leur histoire avec leurs propres mots. (http://invisible-cities.eu) Avec le projet Civil City, la Toneelhuis souhaite poursuivre le développement des expériences d’Invisible Cities : les étudiants en journalisme se focaliseront sur toute sorte d’initiatives d’approche ascendante entreprises par des citoyens pour aider les réfugiés à trouver leur place dans la société. L’approche descendante de la politique nationale d’accueil des réfugiés tend à être beaucoup plus lente et entravée par des règles administratives. Les initiatives citoyennes d’approche ascendante sont liées à des circonstances spécifiques et peuvent bien plus vite et plus facilement prendre en compte des besoins concrets et des demandes particulières. De manière générale, ces initiatives positives bénéficient de très peu d’attention, alors que les médias sont quotidiennement obnubilés par les aspects problématiques de la crise des réfugiés. Les étudiants effectueront les interviews, les transcriront et rendront compte des différentes initiatives sur un site internet.

DIPTYQUE SUR LA MIGRATION

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GRENSGEVAL(BORDERLINE)

La lauréate du prix Nobel Elfriede Jelinek écrit Die Schutzbefohlenen en 2013, en réaction à la problématique toujours plus navrante de la situation des réfugiés en Europe. Deux ans avant que la crise des réfugiés n’éclate dans toute son intensité, elle écrit cette pièce qu’elle continue à compléter et à alimenter de commentaires sur son site internet. Pour Jelinek, le réfugié est la figure par excellence permettant de sonder la situation actuelle de l’Europe et de mener la discussion sur les valeurs et normes, la place de la religion, la responsabilité de la politique.

Avec son titre référant à l’œuvre classique Les Suppliantes d’Eschyle (Die Schutzflehenden en allemand), Jelinek donne une voix aux demandeurs d’asile et dénude d’une plume trempée dans le vitriol le cynisme et le racisme

latent de la politique européenne. Son texte peut être qualifié de prophétique : elle évoque avec une précision glaçante – des années avant les faits – toutes les images qui se sont entre-temps gravées sur notre rétine, et qui vont des petits cadavres d’enfants noyés à celles des lugubres cargaisons des camions frigo.

Le protagoniste des pièces de Jelinek paraît être le langage lui-même. Elle écrit littéralement des « bribes de texte » qui sont ensuite attribuées à des acteurs, mais il n’y a pas de personnages au sens propre du terme. Jelinek s’intéresse moins au dialogue classique qu’aux textes des chœurs et des messagers qu’elle trouve dans la tragédie grecque. Si les réfugiés ont la parole dans la majeure partie du texte, cette perspective se déplace parfois vers l’Européen blanc apeuré. Le langage souvent agressif fait remonter à la surface l’inconscient de la société, comme si Jelinek allongeait la société capitaliste sur le divan du psychanalyste et la laissait parler. Dans le flot de paroles, on reconnaît aussi bien des références aux grands textes de la littérature mondiale que des clichés et des préjugés populistes.

Guy Cassiers s’attaque au texte véhément de Jelinek et en fait le volet d’un diptyque sur la problématique de la migration. Il place la violence verbale de Grensgeval face au texte touchant et poétique, mais non moins poignant La petite fille de Monsieur Linh (Philippe Claudel).

Guy Cassiers monte le spectacle avec quatre comédiens et des étudiants en danse du Conservatoire royal d’Anvers.

texte Elfriede Jelinek mise en scène Guy Cassiers avec Abke Haring, Katelijne Damen, Han Kerckhoffs, Lucas Smolders, étudiants au Conservatoire royal d’Anvers formation danse traduction et dramaturgie Tom Kleijn chorégraphie Maud Le

Pladec costumes Tim Van Steenbergen conception son Diederik De Cock production Toneelhuis coproduction CCN Orléans (FR), CDN Orléans (FR), Théâtre d’Orléans (FR), Le Phénix Valenciennes (FR); La Filature Mulhouse (FR)

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« Nous vivons. Nous vivons. L’essentiel : nous vivons. Et ce n’est pas bien plus que vivre après avoir quitté notre sainte partie. Personne ne regarde notre cortège avec bienveillance, mais nous mépriser, ça, ils le font. Nous avons fui, non pas condamnés par un tribunal populaire, mais condamnés par tous, là-bas et ici. Ce que nous pouvions connaître dans notre vie a disparu, étouffé sous une charge d’apparitions, il n’y a plus d’objet de connaissance, il n’y a plus rien du tout. Il n’est plus nécessaire non plus de donner quelque sens que ce soit à quoi que ce soit. Nous tentons de lire des lois étrangères.

On ne nous dit rien, nous n’entendons rien, nous sommes laissés pour compte, nous devons comparaître, ici, et puis là, mais alors quel pays, plus aimant que celui-ci – et nous ne connaissons pas de tel pays – nous laisse entrer ? Aucun. Nous nous tenons là, déconcertés. Nous sommes à nouveau renvoyés. Nous nous allongeons sur le sol froid d’une église. Nous nous relevons. Nous ne mangeons rien. Il nous faut quand même remanger, ne fût-ce que boire. Nous avons arraché des branches pour la paix, des branches de palmier, non, d’olivier, et ceci aussi, nous l’avons couvert d’écrits. Nous n’avons rien du reste, à qui pouvons-nous s’il vous plaît remettre cette pile. Nous avons noirci deux tonnes de papier, on nous a bien sûr aidés à le faire, et suppliant, nous le tenons en l’air, le papier, non, nous n’avons pas de papiers, seulement du papier, à qui pouvons-nous le donner ? »

Elfriede Jelinek - traduction libre

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04.05 - 13.05.17 Toneelhuis, Antwerp19.05.17 Stadsschouwburg, Groningen (NL)24.05.17 Schouwburg Kortrijk27.05.17 Parktheater Eindhoven (NL)30.05.17 Stadsschouwburg Utrecht (NL)01.06 - 02.06.17 Kaaitheater, Brussels07.05.17 Koninklijke Schouwburg Den Haag (NL)

22.05.17 Rotterdamse Schouwburg (NL)20 - 21.09.17 Stadsschouwburg Amsterdam (NL)27 - 28.09.17 Toneelhuis, Antwerpen (BE)05 - 07.10.17 Théâtre d’Orléans (FR)12 - 13.10.17 Le Phénix, Valenciennes (FR)18 - 19.10.17 La Filature, Mulhouse (FR)

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ELFRIEDE JELINEK(TEXTE)

L’écrivaine autrichienne Elfriede Jelinek (° 1946) est connue en tant que lauréate du Prix Nobel de Littérature 2004 – prix très contesté à l’époque. Outre des romans et des textes de théâtre, elle écrit aussi des essais, de la poésie, des audiodrames et des livrets. Dès le début de sa carrière, elle compte parmi les auteurs germanophones les plus importants de sa génération et comme l’enfant terrible de la littérature autrichienne.

Elle est aussi connue de ses romans La Pianiste (1983, adapté au cinéma par Michael Haneke en 2001) et Lust (1989). Ses romans et ses pièces de théâtre choquent par leur attaque frontale de bon nombre de tabous, comme le rôle de l’Autriche dans la Seconde Guerre mondiale, l’abus de pouvoir (sexuel) dans la sphère familiale et la violence du capitalisme sur les marchés financiers. Son écriture se caractérise par un style sarcastique et provocateur que ses détracteurs en Autriche considèrent comme du dénigrement : « blasphématoire, vulgaire, haineux ». C’est ainsi que ce club définit son œuvre.

En même temps, Jelinek est célébrée comme une virtuose du langage. Outre sa nature provocatrice, sa littérature est satirique : elle exprime son message critique par des jeux de mots subtils, des métaphores surprenantes, et des persiflages désopilants. Ses phrases merveilleusement formulées contrastent souvent avec la thématique obscène, agressive et politique. Ses textes oscillent sans cesse entre prose et poésie, incantation et invective, hymne et manifeste, scène de théâtre et séquence de film. Ce ne sont pas tant les individus qui prennent la parole dans son œuvre, mais il semble plutôt que c’est la société elle-même qui parle, ses idéologies et préjugés politiques et économiques, mi-conscients, mi-articulés.

Les textes de Jelinek sont des sismographes du bourdonnement toujours plus intense de la mondialisation, du tumulte des discours (racistes, sexistes, nationalistes…) portés et promus en dernière instance par le capital. Jelinek s’inscrit dans la longue tradition autrichienne de la critique sociale sophistiquée sur le plan verbal, ce qui la relie à des écrivains comme Karl Kraus, Elias Canetti et Thomas Bernhard. Lorsque Jelinek obtient le Prix Nobel de Littérature en 2004, non

sans que cela ne suscite de forte contestation, le jury fait l’éloge « du flot de voix et de contre-voix dans ses romans et ses drames qui dévoilent avec une exceptionnelle passion langagière l’absurdité et le pouvoir autoritaire des clichés sociaux ».

TIME VAN STEENBERGEN(SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES)

Tim Van Steenbergen (1977) a terminé ses études de mode à l’Académie Royales des Beaux-Arts d’Anvers avec la mention « grande distinction ». Après avoir été l’assistant d’Olivier Theyskens il lance sa première propre collection à Paris en 2002. À ce jour, la marque Tim Van Steenbergen se vend dans de nombreuses boutiques triées sur le volet dans le monde entier.Son style combine la pureté raffinée, l’élégance féminine et le confort. Son installation Stills a été sélectionnée pour la Biennale de Venise en 2003. En 2009, il reçoit le Elle Style Award du Meilleur Designer belge.

En 2004, Tim Van Steenbergen se lance dans le monde du théâtre en créant les costumes de l’opéra Hanjo, dans une mise en scène d’Anne Teresa De Keersmaeker. En 2006, c’est le tour des costumes pour Un soir d’un jour pour Rosas/De Munt et il travailla avec Guy Cassiers à Hersenschimmen (2006) du Ro theater. Il a également signé les costumes de Triptiek van de macht (Tryptique du pouvoir, 2006-2008), House of the Sleeping Beauties (2009) et Bloed & rozen. Het lied van Jeanne en Gilles (Sang & roses. Le chant de Jeanne et Gilles, 2011), MCBTH (2013) en Hamlet vs Hamlet (2014).. De 2010 à 2013, il a aussi dessiné les costumes du cycle opératique en quatre volets L’Anneau du Nibelung au Teatro alla Scala à Milan et au Staatsoper de Berlin. En 2014-2015, il crée non seulement les costumes, mais également les décors de Passions humaines et Het vertrek van de mier, et en 2015-2016, ceux de Caligula, trois spectacles de Guy Cassiers. En 2016, Tim Van Steenbergen assure les costumes et le décor du spectacle De welwillenden (Les bienveillantes) dans lequel Guy Cassiers aborde le côté le plus obscur du comportement humain : l’idéologie nazie et l’extermination de Juifs d’Europe. En 2016-2017, il réalise les costumes de Grensgeval, un spectacle inspiré de la pièce Die Schutzbefohlenen d’Elfriede Jelinek et de l’opéra Trompe-la-mort, une commande de l’Opéra national de Paris à Guy Cassiers.

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MAUD LE PLADEC(CHORÉGRAPHIE)

Maud Le Pladec se forme à la danse contemporaine en 1999, en intégrant la formation ex.e.r.ce au Centre Chorégraphique National de Montpellier dirigé par Mathilde Monnier in 1999. Elle travaille ensuite à l’étranger omme interprète dans les projets des chorégraphes Takiko Iwabuchi (JP), Guillermo Bothello (CH), Patricia Kuypers (BE), Bojana Mladenovic et Dusan Muric (RS). Maud Le Pladec entame son premier projet, qui marquera aussi l’amorce d’un désir : celui de collaborer et de mettre en place un cadre propice à la recherche chorégraphique. A l’initiative des danseurs Mickaël Phelippeau, Typhaine Heissat, Virginie Thomas et Maeva Cunci naîtra le collectif Leclubdes5.

Parallèlement, Maud Le Pladec poursuit son parcours d’interprète et participe aux créations d’Emmanuelle Vo-Dinh, de Boris Charmatz et Herman Diephuis. En 2010, Maud Le Pladec

créé Professor, pièce chorégraphique pour trois interprètes sur la musique de Fausto Romitelli. Professor obtient le prix de la Révélation Chorégraphique 2010 par le Syndicat de la Critique Française. En Novembre 2011, elle crée Poetry, pièce qui forme avec Professor un diptyque autour de l’œuvre de Fausto Romitelli. Ominous Funk et Demo, créées pour les Subsistances à Lyon en 2012 et 2013, seront le point de départ d’un projet au long cours (2012-2015) autour du collectif de musique contemporaine new yorkais Bang on a can. En 2013, elle crée DEMOCRACY, pièce pour cinq danseurs et quatre batteries (Ensemble TaCtuS) et en 2015 CONCRETE projet d’envergure conçu pour cinq danseurs et neuf musiciens de l’Ensemble ICTUS (Bruxelles). En octobre 2015, Maud Le Pladec est invitée par l’Opéra de Lille à collaborer à la création de l’Opéra Xerse, mise en scène Guy Cassiers. Cette même année, elle co-crée Hunted. Elle travaille actuellement sur sa prochaine création MOTO-CROSS (2017). En juin 2016 elle a été nommée comme nouvelle directrice du Centre Chorégraphique National d’Orléans.

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RÉPÉTITIONS BORDERLINE

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ABKE HARING(ACTRICE)

Abke Haring (1978) (°1978) écrit des textes de théâtre, les met en scène et les interprète. Elle joue également dans des productions d’autres metteurs en scène.

Elle a joué dans les productions Het kouwe kind (2003) et Turista (2005) de Luk Perceval, Beats (2006) de Josse De Pauw, Gerucht (2007) de Lotte van den Berg, Mefisto for ever (2006) et Atropa. De wraak van de vrede (2008) de Guy Cassiers. Elle interprète l’un des deux rôles principaux dans Bloed & rozen. Het lied van Jeanne en Gilles, dans une mise en scène de Guy Cassiers. En 2014 Abke Haring a interprété le rôle principal dans Hamlet vs Hamlet, une mise en scène de Guy Cassiers sur un texte de Tom Lanoye. Cette performance lui a valu le Theo d’Or de la meilleure comédienne de l’année. En 2016, elle joue dans De welwillenden (Les bienveillantes), d’après le roman de Jonathan Littell, dans une mise en scène de Guy Cassiers. Pendant la saison 2016-2017, on pourra la voir dans de De dingen die voorbijgaan (Les choses qui passent), d’après un roman de l’écrivain hollandais Louis Couperus, dans une mise en scène d’Ivo Van Hove, et dans Grensgeval.

KATELIJNE DAMEN(ACTRICE)

Katelijne Damen (1960) est une actrice qui se produit au théâtre, au cinéma et à la télévision. Au théâtre, elle a travaillé, entre autres, avec Luk Perceval, Erik De Volder, Ivo van Hove et Guy Cassiers. Pour le petit écran, elle a joué sous la direction, entre autres, de Guido Henderickx, Frank Van Passel et Jan Mathys. Elle est régulièrement à l’affiche de films.

En 1990, elle a remporté une Theo d’or pour son rôle dans la pièce de théâtre Strange Interlude. En 1996, elle obtient le prix Mary Dresselhuys pour « son engagement total pour le théâtre et pour l’ensemble de sa carrière ». En 2006, elle est sélectionnée pour une Columbina pour son rôle dans Hersenschimmen (Chimères). À la Toneelhuis, elle a joué dans De geruchten d’Olympique Dramatique et Guy Cassiers, et dans Mefisto for ever, Atropa. De wraak van de vrede, Onder de vulkaan, De man zonder eigenschappen I and II et Bloed & rozen. Het lied van Jeanne en Gilles (Guy Cassiers). En 2013, Guy Cassiers et elle créent Orlando, d’après Virginia Woolf. On a pu la voir dans MCBTH (Guy Cassiers et Dominique Pauwels), Hamlet vs Hamlet (Guy Cassiers et Tom Lanoye), Maria Stuart (Ivo van Hove), Passions humaines, Caligula et De welwillenden (Les bienveillantes), trois mises en scènes par Guy Cassiers. Pendant la saison 2016-2017, on pourra la voir dans De dingen die voorbijgaan, d’après le roman de l’écrivain hollandais Louis Couperus, dans une mise en scène d’Ivo Van Hove, et dans Grensgeval.

HAMLET VS HAMLET

ORLANDO

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HAN KERCKHOFFS(ACTEUR)

Han Kerckhoffs (1953) s’est formé à l’Amsterdamse Theaterschool. En tant qu’acteur, il a travaillé avec plusieurs compagnies de théâtre flamandes et néerlandaises, telles que Globe, Art en Pro, Toneelgroep Amsterdam, Het Zuidelijk Toneel, Het Nationale Toneel, Zeeland Nazomer Festival, mugmetdegoudentand, NTGent, Malpertuis, De Tijd, Het Arsenaal, Carrousel et Walpurgis. En 1995, Han Kerckhoffs a obtenu le prix Arlecchino pour Troilus en Cressida avec Het Nationale Toneel. Au sein de la Toneelhuis, il a fait partie de la distribution de Mamma Medea et L.King of pain. Il enseigne actuellement à la section Kleinkunst de l’école Artesis Hogeschool d’Anvers et à la Maastrichtse Toneelacademie. On a pu le voir avec la Toneelhuis dans Bloed & rozen. Het lied van Jeanne en Gilles (Guy Cassiers), FLOU (Abke Haring) et Hedda Gabler (Bart Meuleman).

LUCAS SMOLDERS(ACTEUR)

Lukas Smolders complète sa formation d’acteur au Studio Herman Teirlinck d’Anvers en 1993. Depuis il a joué dans de nombreuses compagnies, dont le KNS (De Kersentuin, Zaterdag, zondag, maandag et De meeuw), KVS (Richard II, Roberto Zucco, De Kersentuin et Oom Toon. Waar gebeurd), Theater Antigone (De Drang, Autis in Onan, Racing Sladeck, Entertaining Mister Sloan et Caligula), NTG (Het bloed), Victoria & Compagnie De Koe (Poes, poes, poes), MartHa!tentatief (De kleine Eva uit de kromme Bijlstraat) and DAStheater (Martino). À la Toneelhuis, on peut le voir dans Hedda Gabler de Bart Meuleman.

FLOU

HEDDA GABLER

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Intention de Guy Cassiers

La lecture que Guy Cassiers fait du texte de Jelinek est celle d’une polyphonie de voix et de thèmes portée par quatre comédiens (Katelijne Damen, Abke Haring, Han Kerckhoffs et Lucas Smolders). Ils donnent au demandeur d’asile une voix que l’Europe lui conteste. Ils donnent au réfugié, dont on ne veut écouter ni le récit ni la demande, un droit d’existence qu’on refuse de lui attribuer. Les comédiens s’adressent directement au public. Face à ce flux de paroles, Cassiers opte pour une présence physique forte à travers le groupe de quinze danseurs dirigés par la chorégraphe française Maud Le Pladec (avec laquelle il a travaillé précédemment pour Xerse à l’Opéra de Lille en 2015). Sur une scène quasi vide, apparaît sur des panneaux de texte de l’information factuelle sur la problématique de la migration. Image, son, mouvement, projection, texte dit… Tout cohabite sur scène. Le langage est séparé du mouvement. Chaque discipline a sa propre logique.

Grensgeval se construit ainsi comme un montage dans lequel Guy Cassiers donne non seulement voix au chapitre à l’individu, mais également corps à la dure réalité : notre incapacité, dans cette problématique, à traiter l’individu en tant que tel, et notre obstination à le considérer comme un membre d’une masse amorphe.

Transpositions chez les partenaires internationaux

Pour la création néerlandophone, on a sélectionné quinze danseurs du Conservatoire d’Anvers. Maud Le Pladec va élaborer avec eux une chorégraphie inspirée de certains principes dramaturgiques convenus entre elle et Guy Cassiers. Une fois que la chorégraphie sera au point, elle sera chaque fois étudiée par une nouvelle constellation de danseurs recrutés par les partenaires.

En d’autres mots : préalablement à la représentation (surtitrée) de Grensgeval aura lieu un atelier de deux semaines au cours desquelles quinze danseurs (ou étudiants en danse) locaux apprendront la chorégraphie de Maud Le Pladec sous sa houlette ou celle d’un assistant. Ensuite, il y aura chaque fois une générale, afin que la « nouvelle » équipe de danseurs puisse se familiariser avec le spectacle.

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DRAMATURGIE ET SCÉNOGRAPHIE

Grensgeval s’inspire de l’œuvre Die Schutzbefohlenen de l’écrivaine autrichienne Elfriede Jelinek et sur certains addenda qu’elle a joints à ce texte sous forme de coda et d’appendice. Tous ces textes figurent sur son site internet.

Le texte de Jelinek est une réponse à la crise des réfugiés. Elle a écrit une première version du texte en 2013, suite à certains événements politiques en Europe, et plus précisément en Autriche, comme les manifestations de réfugiés à Vienne en 2012. Lors de la « Journée internationale du Migrant » (le 24 novembre 2012), des demandeurs d’asile du camp de réfugiés de Traiskirchen ont organisé une marche de protestation jusqu’à l’église viennoise de Votive, où ils se sont ensuite installés. Ils y ont monté un camp de protestation connu sous le nom de Refugee Protest Camp Vienna, en réaction aux conditions inhumaines du camp de réfugiés de Traiskirchen. Ils réclamaient que tous les demandeurs d’asile aient accès à des soins de base, indépendamment de leur statut légal, et que tous soient reconnus comme réfugiés, même ceux qui ont fui leur pays pour des motifs socio-économiques. Malgré le soutien extérieur qu’ils ont obtenu, leurs requêtes ont été rejetées par le ministère de l’Intérieur. Et au cours de l’été 2013, le gouvernement autrichien a fini par expulser la plupart des demandeurs d’asile.

Dans la coda et l’appendice, Jelinek suit à la trace les développements autour des réfugiés depuis 2013.

Ce qui est remarquable au texte de Jelinek, c’est qu’il ne ressemble à aucun égard à un texte de théâtre. Il s’agit de longs passages, parfois écrits à la première personne, parfois à la deuxième, d’autres fois à la première personne du pluriel. Le « je », le « tu » et le « nous » s’alternent. Il est évident que plusieurs voix résonnent dans le texte. L’écriture de Jelinek est polyphonique. Comme si elle avait entendu et enregistré toutes les opinions sur la migration – des voix les plus désespérées des réfugiés aux voix les plus racistes de l’extrême droite – et les versait à présent dans ses textes. Ceux-ci ne sont pas attribués à un personnage en particulier, comme le sont les textes de théâtre classiques. C’est aux metteurs en scène de distribuer le texte entre les personnages, bien qu’il soit plus exact de parler de « voix » que de « personnages » : il peut y avoir dix voix, mais aussi quatre ou deux.

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Voir la souffrance des autres

Dans sa mise en scène, Guy Cassiers souhaite partir d’une réflexion critique sur la possibilité de représentation théâtrale du réfugié et de sa situation. Peut-on, en tant que metteur en scène (occidental), simplement s’approprier la situation d’un réfugié ? Pouvons-nous, Européens, simplement nous identifier avec le migrant et raconter son histoire sur les planches ? Que signifie un terme comme « la problématique des réfugiés » dont les médias foisonnent ? Cela ne pose-t-il pas un problème éthique ? Nous voyons quotidiennement des images de réfugiés et de migrants et entendons des commentaires à leurs propos, mais pouvons-nous pour autant affirmer que nous comprenons « la crise des réfugiés » ?

En tant qu’usagers modernes des médias, nous sommes entre-temps entraînés dans un flux d’images et de mots qui contribuent à définir et orienter nos réactions à la réalité. Par moments, nous sommes profondément émus et incités à agir par ces images de souffrance d’autrui. Ainsi, la photo du petit corps sans vie du garçonnet kurde syrien échoué sur une plage turque fut un tournant dans la réflexion sur les réfugiés. Mais depuis, des centaines, si pas des milliers de gens sont morts en tentant de rejoindre l’Europe, qui elle, tente de fermer ses frontières. Récemment, les quotas d’accueil de réfugiés imposés ont été levés et il est question de « solidarité flexible ». En d’autres mots : nous ne sommes plus solidaires par principe, mais uniquement lorsque ça nous arrange !

Peut-être la gravité et l’ampleur de la crise des réfugiés dépassent-elles les moyens du théâtre et de la représentation théâtrale ? Peut-être l’art n’échappe-t-il pas, malgré toutes les bonnes intentions, ou justement à cause de ses bonnes intentions, à une esthétisation (et donc à une neutralisation) de la souffrance d’autrui ? La souffrance et la misère – même dans leurs formes les plus extrêmes – ne sont-elles donc pas plus qu’un thème parmi tant d’autres que l’art, en l’occurrence le théâtre, s’approprie et par lequel il souligne sa dimension sociale ? Dès lors, chaque spectacle sur ce thème ne devrait-il pas être accompagné d’une introspection critique ?

Grensgeval est interprété par quatre comédiens et un groupe de danseurs, et se compose de trois parties.

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Partie 1

La première partie du texte, raconte le périple en Méditerranée d’un groupe de réfugiés entassés sur une embarcation de fortune qui reste flotter en mer après une panne de moteur.

Les comédiens se tiennent à l’avant de la scène, le dos tourné au public (peut-être en deux groupes, deux comédiens à gauche et deux à droite de la scène ?). Ils sont assis à des tables couvertes d’équipement technique. Sur les tables sont posées des caméras qui filment en direct les visages des comédiens. À l’aide des appareils disposés sur les tables, les comédiens manipulent les images qui sont faites d’eux. Sur le mur de fond, ils projettent des agrandissements gigantesques de leurs visages jusqu’à les rendre amorphes et monstrueux. Ludisme et atrocité se fondent.

Sur scène, entre les comédiens à l’avant de la scène et les visages projetés sur le mur de fond, des danseurs se meuvent. Les comédiens qui manipulent les projections d’images incarnent le monde occidental et ses médias tout-puissants. Les danseurs représentent les réfugiés. Les visages exagérément agrandis et projetés donnent aux comédiens l’allure de dieux grecs qui observent d’en haut et commentent la misère des réfugiés en bas.

La manière dont les comédiens manipulent les images fait penser au Magicien d’Oz. Les quatre comédiens (l’Occident, l’Europe) se donnent des airs de grandeur et d’importance qui dépassent de loin la réalité. Ils sont littéralement une fiction technique, une construction de la technologie.

L’immobilité du rafiot flottant se traduit dans le spectacle par une technique théâtrale qui limite les danseurs dans leurs mouvements. De même que le moteur du rafiot, la technique théâtrale est en panne et les courants risquent d’anéantir les danseurs. La technique théâtrale s’est transformée en une sorte de « ruine ». Inopérante, elle suggère une société devenue inerte.

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Partie 2

La deuxième partie du spectacle raconte la longue marche des réfugiés à travers l’Europe.

Si dans la première partie, l’espace est occupé par de l’équipement technique, dans la deuxième partie, il reste ouvert : tout semble possible. Cet espace ouvert est rempli d’une profusion d’images qui provoquent un excès de sensations et de la confusion.

Dans la projection en vidéo, il n’est fait usage que d’images enregistrées : des images de foules qui prennent la route de l’exil et les obstacles qu’elles rencontrent sont mixées avec des images de foules assistant à des concerts pop. Il s’agit pour la plupart d’images filmées à l’aide de téléphones portables. Ces images de la réalité sont à leur tour mélangées à des images de tableaux de Jérôme Bosch : l’enfer, la crucifixion, etc. (esthétisation de la douleur).

Dans cette deuxième partie, le mur vidéo domine les autres disciplines : le caractère agressif, les couleurs vives, le surplus d’informations, de données… L’omniprésence du bruit est aussi très appuyée (une sorte de battement de cœur très amplifié) et force les comédiens à parler à un certain rythme pour rester compréhensibles.

Dans la première et la deuxième partie, les costumes des personnages sont bigarrés et mal assortis.

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Partie 3

La troisième partie traite de réfugiés qui trouvent abri dans une église.

Les images vidéo sont totalement absentes de la troisième partie. Visuellement, il n’y a plus qu’un trou noir : trois murs épais délimitent la scène. Le monde de la deuxième partie se poursuit, mais est exclu du champ visuel. Le monde extérieur n’est plus visible qu’à travers une petite fente au bas du mur qui laisse passer la lumière.

L’ensemble est une sorte de requiem. De la musique religieuse new age, assez kitsch. Les danseurs se griment en noir et disparaissent ainsi dans leur environnement. Les voix des comédiens sont déformées. La distinction entre les comédiens et les danseurs s’estompe lentement : tous deviennent tout noirs.

La scénographie de la première et de la troisième partie a quelque chose de kitsch et une certaine féerie incongrue, voire inconvenante, et il en va de même pour la musique. Parfois, cela ressemble à du théâtre jeune public. La forme sape le contenu et le neutralise : n’est-ce pas précisément ce qu’on observe dans une grande partie des informations que diffusent les médias ?

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LA PETITE FILLE DE MONSIEUR LINH

Monsieur Linh fuit son pays ravagé par la guerre, en quête d’un avenir meilleur pour sa petite-fille. La dévotion sans limite dont il fait preuve envers l’enfant fait de lui la risée de ses compagnons du centre d’asile. Monsieur Linh se sent totalement dépaysé jusqu’au jour où il rencontre monsieur Bark. Monsieur Bark parle surtout de sa femme, récemment décédée. Monsieur Linh ne le comprend pas, mais il l’écoute avec attention, sa petite-fille assise sur ses genoux. Ils se rencontrent tous les jours dans le parc, sur le même banc. Jusqu’à ce que monsieur Linh et sa petite-fille soient soudain transférés dans une

institution fermée, quelque part dans la ville. Comment retrouver son ami ? Au péril de sa propre vie, il fait une tentative d’évasion dont le dénouement sera dramatique.

Guy Cassiers met en scène cette histoire touchante d’un homme qui doit fuir son pays avec le peu qui lui reste et vivre avec les souvenirs traumatisants et l’impossibilité de tourner le dos au passé.

En face de ce récit poétique et tout en pudeur, Guy Cassiers place sa mise en scène de la violence verbale d’Elfriede Jelinek dans Die Schutzbefohlenen, (Grensgeval), un texte qui traite lui aussi de la thématique du demandeur d’asile dans un pays étranger. C’est dans l’intervalle entre le cri explicitement politique de Jelinek et le chagrin refoulé, inexprimable de Claudel que se trouve la sensibilité à laquelle aspire Guy Cassiers dans ses spectacles.

mise en scène Guy Cassiers avec Dirk Roofthooft et un autre acteur production Toneelhuis coproductie Le Phénix Valenciennes (FR), La Filature Mulhouse (FR), MC93 Bobigny (FR), Le Maillon Strasbourg

(FR), Espaces Malraux Chambéry (FR), La Rose des Vents Villeneuve d’Ascq (FR), Festival Tempoarada Alta Girona (ES)

La première de la version néerlandaise aura lieu en septembre 2017 et sera suivie d’unenchaînement de reprises internationales – en français, anglais, espagnol et allemand –

dans lesquelles l’acteur principal, Dirk Roofthooft, donnera chaque fois la réplique, dansla langue nationale, à un comédien natif du pays.

LA PETITE FILLE DE MONSIEUR LINH

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« C’est un vieil homme debout à l’arrière d’un bateau. Il serre dans ses bras unevalise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil hommese nomme Monsieur Linh. Il est seul désormais à savoir qu’il s’appelle ainsi.Debout à la poupe du bateau, il voit s’éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l’enfant dort. Le pays s’éloigne, devient infiniment petit, et Monsieur Linh le regarde disparaître à l’horizon, pendant des heures, malgré le vent qui souffle et le chahute comme une marionnette. »

« Chaque jour, Monsieur Linh retrouve Monsieur Bark. Lorsque le temps le permet, ils restent dehors, assis sur le banc. Quand il pleut, ils retournent au café et Monsieur Bark commande l’étrange boisson, qu’ils boivent en serrant les tasses entre leurs mains. Désormais, le vieil homme dès qu’il se lève attend ce moment où il ira rejoindre son ami. Il se dit dans sa tête “son ami”, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le gros homme est devenu son ami, même s’il ne parle pas sa langue, même s’il ne la comprend pas, même si le seul mot dont il se sert est “Bonjour”. Ce n’est pas important. »

« Sans qu’il sache le sens des mots de cet homme qui est à côté de lui depuis quelques minutes, il se rend compte qu’il aime entendre sa voix, la profondeur de cette voix, sa force grave. Peut-être d’ailleurs aime-t-il entendre cette voix parce que précisément il ne peut comprendre les mots qu’elle prononce, et qu’ainsi il est sûr qu’ils ne le blesseront pas, qu’ils ne lui diront pas ce qu’il ne veut pas entendre, qu’ils ne poseront pas de questions douloureuses, qu’ils ne viendront pas dans le passé pour l’exhumer avec violence et le jeter à ses pieds comme une dépouille sanglante. »

Philippe Claudel

LA PETITE FILLE DE MONSIEUR LINH

28.09 - 08.10.17 Toneelhuis, Antwerpen (BE)10.01.18 CC Hasselt (BE)12 - 14.01.18 Kaaitheater, Brussel (BE)18.01.18 Schouwburg Kortrijk (BE)23 - 27.01.18 Toneelhuis, Antwerpen (BE)30 - 31.01.18 Stadsschouwburg Amsterdam (NL)06.02.18 CC Maasmechelen (BE)09.02.18 CC Brugge (BE)16.02.18 Stadsschouwburg, Groningen (NL)21.02.18 De Warande, Turnhout (BE)24.02.18 Rotterdamse Schouwburg (NL)

15 - 18.03.18 Le Phénix, Valenciennes (FR)21 - 23.03.18 La Filature, Mulhouse (FR)27 - 31.03.18 MC93, Bobigny Paris (FR)10 - 14.04.18 La Rose des Vents, Villeneuve d’Ascq (FR)17 - 21.04.18 Le Maillon, Strasbourg (FR)24 - 28.04.18 Théâtre National de Bruxelles (BE)03 - 05.05.18 Théâtre de Namur (BE)najaar 2018 Temporada Alta Girona (ES)voorjaar 2019 Schauspielhaus Mainz (DE)

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PHILIPPE CLAUDEL(TEXTE)

Philippe Claudel (1962) est un auteur, scénariste et réalisateur français. Le grand public le connaît surtout pour son premier film, Il y a longtemps que je t’aime (2008), l’histoire poignante d’une mère qui a donné la mort à son fils atteint d’une maladie incurable et a été accusée de meurtre. Claudel s’est révélé être l’un des plus importants écrivains français de sa génération. Il a percé aussi avec Les Âmes grises pour lequel il a reçu le prestigieux Prix Renaudot et le Grand Prix des Lectrices. Il jouit d’une grande estime dans le monde littéraire. En 2012, il est devenu membre de l’Académie Goncourt, reprenant le siège de Jorge Semprún, décédé. En 2015 il a été nommé doctor honoris causa par l’université de Louvain : « Le talent qu’il affiche de faire prendre à ses narrateurs et personnages des points de vue multiples, à la fois réservés et passionnés, sarcastiques et bienveillants ; celui de pénétrer les coins les plus secrets de la psyché humaine, celle des puissants comme celle des parias ; celui, enfin, de donner forme par le langage aux plus subtiles comme aux plus familières des sensations et des expériences, Philippe Claudel a acquis une place exceptionnelle dans la littérature contemporaine française, et loin au dehors de son pays natal. »

DIRK ROOFTHOOFT(ACTEUR)

Dirk Roofthooft (1959) a terminé ses études en 1981 au Studio Herman Teirlinck. Il travaille dès lors avec des metteurs en scène, chorégraphes et musiciens réputés comme Jan Fabre, Jan Lauwers/Needcompany, Luk Perceval, Ivo van Hove, Theu Boermans, Jan Ritsema, Josse De Pauw, Peter Vermeersch, Wim Vandekeybus, Ron Vawter (The Wooster Group), Zita Swoon, the London Sinfonietta, la légende de jazz Henry Threadgill (pour l’ouverture des Salzburger Festspiele en 1998) et le metteur en scène d’opéra Peter Sellars. Avec Guy Cassiers, il fait entre autres Het liegen in ontbinding (Le

mensonge en décomposition) (1993) et Rouge décanté (2004), une production qu’il joue en différentes langues (Rojo Reposado, Sunken Red, Bezonken rood). Dirk Roofthooft a joué le monologue en néerlandais, français, anglais et espagnol en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse, France, au Canada, aux États-Unis, en Pologne, Espagne, Italie, Turquie, au Luxembourg, en Allemagne, en Tchéquie et à Taiwan. En 2006-2007, Roofthooft joue le rôle principal dans le Mefisto for ever de Guy Cassiers, rôle pour lequel il a reçu un Louis d’Or. Dans l’opéra House of the Sleeping Beauties (2009) de Guy Cassiers, Roofthooft interprète le rôle du vieil Eguchi.

L’été de 2006 voit Dirk Roofthooft et Jan Fabre invités d’honneur au Festival d’Avignon. Il y jouait L’empereur de la perte, Le roi du plagiat et Je suis sang, trois pièces de Jan Fabre. En 2007, Ruhe (Silence) (Transparant), dont il est l’un des protagonistes, connaît sa première. Mars 2010 voit la première de Le serviteur de la beauté de Jan Fabre – une fois encore, un monologue pour Dirk Roofthooft. Il joue également dans L’art du divertissement de l’auteur et metteur en scène Jan Lauwers (2011), dans Van den vos (Roman de Renart) de FC Bergman et dans Escorial de Michel de Ghelderode (mise en scène Josse De Pauw).

Roofthooft joue en cinq langues différentes : le néerlandais, le français, l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Il a remporté de nombreux prix au cinéma et au théâtre, tant en Belgique qu’à l’étranger.

DIPTYQUE SUR LA MIGRATION

MEFISTO FOR EVER

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Intention de Guy Cassiers

Face à la réalité dure et directe que Cassiers veut porter à la scène dans Grensgeval, il aborde un registre totalement différent avec La petite fille de monsieur Linh, à savoir celui du rêve et de l’imaginaire.

Nous suivons une personne qui observe son environnement de manière purement sensorielle, mais qui n’y comprend rien : il entend les mots, mais ne les comprend pas, il perçoit l’environnement, mais ne sait pas le « lire », il entend des sons, mais ne sait pas les situer, il sent des odeurs, mais ne peut pas les expliquer, etc. Pour Monsieur Linh, le monde paraît kaléidoscopique : il voit plusieurs pièces du puzzle, mais ne dispose pas des outils (culturels) pour les assembler en un tout, contrairement au public qui peut percevoir et comprendre toute l’information, mais qui fait face à un personnage principal charmant qui n’en est pas capable : il a beau essayer, Monsieur Linh n’est pas en mesure de saisir le nouveau monde dans lequel il se retrouve soudain, une expérience extrêmement étrange et déstabilisante… Seul Monsieur Bark peut lui offrir du réconfort, même si Linh et Bark ne partagent pas un mot d’une même langue.

Là où Grensgeval peut être qualifié de cri factuel, La petite fille de monsieur Linh peut plutôt se lire comme une hallucination d’une réalité sur laquelle on n’arrive pas à avoir prise. Dans le premier cas, il s’agit d’un récit collectif, dans le second d’une histoire individuelle. Mais les deux spectacles partagent une même thématique : nous sommes tous égarés, nous avons perdu nos repères, non seulement le réfugié qui échoue dans un nouveau monde, mais aussi l’habitant de ce nouveau monde. Nous sommes tous en quête de solutions et ressentons tous un besoin de dialogue. Or celui-ci ne s’établit pas, ou si péniblement.

Reprises en français, anglais, allemand et espagnol

Après la première en néerlandais, en septembre 2017, nous travaillons d’emblée à des versions du spectacle dans d’autres langues, dans laquelle l’acteur principal Dirk Roofthooft donnera la réplique dans chaque langue à un partenaire « locuteur natif ».La première de la version francophone aura lieu à Valenciennes en mars 2018, suivi par la version hispanophone en automne 2018. La version anglophone et germanophone suivront en 2019.

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ROUGE DÉCANTÉ

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«Créé il y a plus de dix ans par le metteur en scène belge Guy Cassiers,

Rouge décanté n’a cessé depuis de tourner en Europe , mais n’avait jamais

fait étape à Paris . C’est chose faite, enfin, au Théâtre de la Bastille, où l’on

peut voir ce spectacle remarquable en tous points : le texte de l’écrivain

néerlandais Jeroen Brouwers d’abord, qui y raconte ses souvenirs d’enfance,

lui qui fut enfermé avec sa mère, sa grand-mère et sa soeur dans un camp

d’internement japonais lors de la seconde guerre mondiale. La mise en

scène de Guy Cassiers ensuite, qui déploie ici tous les sortilèges de son

théâtre multimédia et multisensoriel. L’interprétation de Dirk Roofthooft

enfin, immense comédien qui descend ici au coeur des ténèbres humaines.

Bouleversant. »

Fabienne Darge dans Le Monde, 4 décembre 2015

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ATROPA. LA VENGEANCE DE LA PAIX

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HAMLET VS HAMLET

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LES BIENVEILLANTES

Guy Cassiers

« Dans Hamlet vs Hamlet, Abke Haring est

l’incarnation rêvée d’un Hamlet adolescent et

androgyne; émouvante et convaincante dans

sa formidable maîtrise de cette pièce poétique

de Shakespeare/Lanoye, forte de sa gestuelle

puissante qui la caractérise. Sous ses dehors

si modestes se cache l’un des plus grands talents

de sa génération. »

le jury du Theo d’Or

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Guy Cassiers

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L’HOMME SANS QUALITÉS IIILA CRIME

Guy Cassiers

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« Cet Orlando est un concentre de tout son theatre, qui

utilise les technologies les plus pointues de I image et du son

pour déployer une experience sensorielle et intime. (…) Cette

traversée doit tout à Katelijne Damen, qui la conduit de manière

à la fois incroyablement vivante et intime. L’ utilisation du micro

HD, le phrasé d’une douceur hypnotique de la comédienne, son

humour, matérialisent cette expérience unique d’un imaginaire

qui se dilate aux dimensions du monde. »

Fabienne Darge dans Le Monde, 9 juillet 2013

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MEFISTO FOR EVER

Guy Cassiers

« Dans Mefisto for ever, Roofthooft offre au public

un jeu dramatique fascinant, qui communique

toutes les facettes et nuances du trouble

personnage qu’il interprète. Il montre toutes les

étapes de sa déchéance morale.»

le jury du Louis d’Or

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HOUSE OF THE SLEEPING BEAUTIES

Guy Cassiers

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GUY CASSIERS

DIPTYQUE SUR LA MIGRATION