Greenpeace Magazine 2013/04

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GREENPEACE MEMBER 2013, Nº  4 David contre Goliath — épreuve de force en Arctique p. 12 DOSSIER: Croissance démographique p. 18 Le sable, une ressource en déclin p. 40 Greenpeace Photo Award: le Sénégal inondé p. 48

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Transcript of Greenpeace Magazine 2013/04

g r e e n p e ac e M e M B e r 2 0 1 3, nº   4

— David contre Goliath — épreuve de force en Arctique p. 12

DOSSIER: Croissance démographique p. 18Le sable, une ressource en déclin p. 40Greenpeace Photo Award: le Sénégal inondé p. 48

éditorial — C’est peut-être la plus grande lutte de l’histoire de Greenpeace. Le 19 septembre, un commando russe arrai-sonne notre navire Arctic Sunrise dans la mer de Pechora. L’enjeu est l’Arctique, une région peu peuplée, apparemment hostile, à l’écart de la civilisation. Est-ce dès lors un contresens de consacrer le dossier de ce magazine à la croissance démographique? Bien sûr, le stress démographique de la planète se traduit aussi par la ruée vers les dernières ressources fossiles du globe. L’équation «davantage d’êtres humains = davantage de destruction environnementale» n’en est pas moins biaisée, comme nous voulons le démontrer. Nous pensons qu’une planète plus verte et plus saine pourrait même abriter un plus grand nombre d’êtres humains, sans exploitation pétrolière et gazière en Arctique. L’éventail des solutions est connu: Energy[R]evolution (voir p. 56) et agriculture durable (p. 28), mais aussi villes intelligentes (p. 32) et donc transition systémique avec l’aban-don d’une croissance destructrice de ressources (p. 40). Et pourtant, il existe une croissance qui nous plaît. C’est celle du mouvement autour des courageux militants baptisés les «30 de l’Arctique». Après leur action pacifique de protestation de septembre dernier, leur longue détention a soulevé une vague mondiale de soutien. Avec les protesta-tions de millions de personnes. Manifestations, veillées silen-cieuses, pétitions et actions pacifiques se sont succédé. Des personnalités du monde entier se sont solidarisées avec les «30 de l’Arctique». Les médias ont suivi l’affaire, les réseaux sociaux étaient en émoi. La liberté d’expression et la résistance pacifique sont manifestement des droits inaliénables aux yeux d’une multitude de personnes. Se rassembler pour défendre ces droits procure courage, énergie et sentiment d’appartenance. Greenpeace n’avait probablement encore jamais réuni autant de forces. Fin novembre, les «30 de l’Arctique» étaient libérés sous caution. Mais le temps de l’euphorie n’est pas encore venu. Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International, rappelle le dicton de Winston Churchill: «Ce n’est pas la fin. Ce n’est pas même le commencement de la fin. Mais c’est peut-être la fin du commencement.»

La rédaction

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Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

Arctique La région polaire comme 12 pomme de discorde des grandes puissances Campagne pour Après la première action en 1989: 15 historique de l’engagement de Greenpeace en ArctiqueDossier 18

Croissance démographique Vrai ou faux? La démographie

comme bouc émissaire de l’écologie

Entretien Sven Teske, père de Energy[R]evolution, 56

parle du casse-tête du tournant énergétique

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Photo Award 2013: LA LAuR éATE nouS monTR E L’uRGEncE cLimATiquE Au SénéGAL 48

La carte FR AcTuR ATion HYDR AuLiquE – JouER AVEc LE FEu 58

Testaments EST-on TRop JEunE à 50 AnS pouR R éGLER Son HéR iTAGE? 60

Lutter pour survivreLES TiGR ES DE SumATR A éVincéS pAR LES cuLTuR ES D’HuiLE DE pALmE 62

En action 2Courrier des lecteurs / mentions légales 10Le mot de la direction 11Campagnes 64Brèves 68mots fléchés écologiques 72

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l’Arctique

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mer de Barents, 18 septembre 2013 Abus de pouvoir Devant la plateforme pétrolière Prirazlomnaïa, du géant russe Gazprom, un officier armé arrête les militants de Greenpeace qui protestent contre les forages pétroliers en Arctique. Vingt-huit membres de l’équipage et deux journalistes indépendants seront jetés en prison à mourmansk et accusés de piraterie.

mer de Barents, 19 septembre 2013 Attaque aérienneDéposé sur le pont du navire Greenpeace Arctic Sunrise par hélicoptère, un commando de garde-côtes russes interpelle les militants à bord. Un membre de l’équipage parvient à filmer l’action avec son téléphone portable.

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Bâle, 1er octobre 2013 Action retentissante À la quatrième minute du match de la Ligue des champions de l’UEFA entre Schalke 04 et le FC Bâle, quatre militants de Greenpeace descendent en rappel du toit du stade Saint-Jacques. Leur banderole de 28 mètres de large dénonce les projets pétroliers de Gazprom en Arctique. Le géant énergétique russe sponsorise tant Schalke 04 que l’UEFA.

© PaT r i c k s e e G e r ( k e y s T o n e / D Pa / PaT r i c k s e e G e r )

À travers le monde, 18 octobre 2013

Solidarité internationale

Dans 36 pays, des dizaines de milliers de protectrices et protecteurs de l’Arctique se réunissent à l’occasion d’une journée de solidarité avec les «30 de l’Arctique» pour demander la libération des militants de Greenpeace incarcérés en russie. Des protestations rejointes par des militants des droits de l’homme, des politiciens et des journalistes. Une pétition en ligne a recueilli plus de trois millions de signatures dans ce sens.

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10Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

cela fait des années que je n’avais pas lu avec tant d’intérêt un numéro du magazine Greenpeace. Félicitations! L’article sur les néoruraux m’a tout particulière-ment intéressé. peut-être au-rons-nous le plaisir de découvrir la situation en italie et en Espagne dans un prochain numéro? Deux pays également riverains de la mer et possédant un important secteur agricole. pourquoi ne pas traiter la nouvelle génération de vignerons ou le tourisme rural en italie? Le tourisme classique détruit tant de régions de notre planète.

M.T., Bienne

Je me renseigne régulièrement sur les activités de Greenpeace. Je suis adhérent et reçois le magazine au format papier. notre organi-sation lutte contre le déboisement pour sauvegarder l’équilibre de la nature. chez moi, il n’y a plus de papier. pourtant le magazine Greenpeace m’est encore envoyé sur papier et non en format élec-tronique. on m’a répondu qu’une application est en élaboration et qu’une version électronique sera «bientôt disponible». même sur papier recyclé, un magazine impri-mé, c’est superflu aux yeux de beaucoup. quand Greenpeace mettra-t-elle en œuvre ses propres principes?

P. Peter

Tourner le dos au mode de vie urbain, je n’ai rien contre. c’est en principe un exemple à suivre. mais certains aspects me dérangent. Ayant grandi dans un village, je me demande pourquoi on dit toujours que les paysans sont des gens paci-fiques, proches de la nature, amis des animaux. L’agriculture est une activité économique et les culti-vateurs doivent gagner leur vie. La pression est grande, notamment de la part des consommateurs: on veut des aliments produits dans le respect des animaux et de l’envi-ronnement, mais les gens ne sont pas disposés à payer le prix néces-saire. une contradiction qu’il nous appartient de résoudre.

Et pourquoi nicole mycelien passe-t-elle commande aux états-unis? n’y a-t-il plus de champi-gnons en Europe? une production vraiment durable repose sur des variétés locales. on ne sait jamais ce qu’on introduit dans le pays en cas d’importation. combien de plantes et d’animaux ramenés de vacances qui étouffent aujourd’hui les espèces d’ici? Faut-il encou-rager cette tendance? Et un cultiva-teur de champignons du pays livre-rait certainement une meilleure marchandise qu’un magasin en ligne des états-unis. nicole ne semble pas vraiment en rupture avec la culture dominante…

Bien sûr, la personne qui entre-prend quelque chose de nouveau doit aussi faire ses expériences. Et la nature n’est pas toujours pré-visible. Les cultures ne réussissent pas à chaque fois. mon petit potager à 1800 mètres d’altitude me réserve tous les jours des surprises.

Irene Scherrer, Grisons

MenTions lÉGales – GreenPeace MeMber 4/2013

Éditeur / adresse de la rédaction Greenpeace SuisseHeinrichstrasse 147 case postale8031 Zurich Téléphone 044 447 41 41Téléfax 044 447 41 99 [email protected]

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Équipe de rédaction: Tanja Keller (responsable), matthias Wyssmann, Hina Struever, Roland Falk, marc RüeggerAuteurs: Verena Ahne, muriel Bonnardin, Judith Brandner, christian Hug, Andrea Hösch, philipp Löpfe, Thomas niederberger, mathias plüss, Samuel Schlaefli, Judith Wyder, matthias WyssmannPhotographes: Stephan Bösch/Ex-press, Flurina RothenbergerTraduction en français: nicole Viaud et Karin VogtMaquette: Hubertus DesignImpression: Stämpfli publikationen SA, BernePapier couverture et intérieur: 100% recyclé Tirage: 110 500 en allemand, 22 500 en françaisParution: quatre fois par année

Le magazine Greenpeace est adressé à tous les adhérents (cotisation annuelle à partir de 72 francs). il peut refléter des opinions qui divergent des positions officielles de Greenpeace.

pour des raisons de lisibilité, nous renonçons à mentionner systématiquement les deux sexes dans les textes du magazine. La forme masculine désigne implicitement les personnes des deux sexes.

Dons: compte postal 80-6222-8Dons en ligne: www.greenpeace.ch/donsDons par SMS: envoyer GP et le montant en francs au 488 (par exemple, pour donner 10 francs: GP 10) LE

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Courrier des lecteurs

11Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

l’iDÉalisMe, c’esT

Punissable?

marco, Denis, Sini, peter, miguel, camila, colin, Ana paula, phil, Kieron, Falza, mannes, Anne mie, Francesco, cristian, paul, Jonathan, David, Tomasz, Roman, Dima, Gizem, Ruslan, Andrey, Ekaterina, Alexandra, Frank, Anthony, iain, Alexandre – les «30 de l’Arctique» ont été incarcérés pendant deux mois dans des prisons russes près de mourmansk. Leur crime: avoir voulu attirer l’attention du monde sur les dangereux projets pétroliers de l’entreprise Gazprom en Arctique.

une telle action est-elle légitime? Durant des semaines, les médias, notam-ment suisses, ont posé la question. L’inter-vention des activistes ne laisse pas indiffé-rent, qu’on la considère comme l’action de militants idéalistes, de victimes naïves de la justice russe, de criminels délibérés, de parasites, de héros dignes d’admiration ou de «carburant gratuit pour la machine publicitaire Greenpeace»…

La force et l’impact des actions comme celle de la plateforme pétrolière de prirazlomnaïa sont dus à l’engagement personnel de chaque militant. Denis, marco, Sini et le reste des «30 de l’Arctique» ont décidé de leur propre chef de mettre leur sécurité personnelle en jeu pour l’avenir de la planète. ils ont trouvé en Greenpeace l’organisation dont ils partagent les convic-tions et dans le cadre de laquelle ils peuvent s’engager plus efficacement que par leurs propres moyens.

ce qui est disproportionné, ce n’est pas le risque qu’ils ont pris avec leur bannière sur la plateforme pétrolière, mais bien la gravité de la sanction qui les a frappés. La pression est forte dans notre société de justifier chaque action sur un mode ration-nel et de peser, d’éviter et de rejeter tout risque. Les droits humains fondamentaux comme la liberté d’expression sont recon-nus pour autant qu’ils ne coûtent rien et qu’ils ne dérangent personne. pire, l’idéa-

lisme est devenu suspect. un monde enchaîné à l’avantage économique ne com-prend plus les actes désintéressés.

Lettre de prison de Denis Sinyakov, photographe russe, détenu à mourmansk: «Toute ma vie professionnelle, j’ai voulu témoigner des événements qui comptent. L’Arctique a toujours été un enjeu impor-tant, j’ai étudié cette région pendant des années lors de mon activité avec Green-peace. Aujourd’hui, cette histoire est deve-nue un tournant dans ma vie. Je vous remercie de votre soutien, de vos lettres, de vos protestations. ne soyez pas tristes. Je vous promets de mon côté de ne pas l’être.» marco Weber, le militant suisse parmi les «30 de l’Arctique», nous envoie lui aussi un message réconfortant: «protégeons l’Arc-tique, et notre chance d’avoir un avenir. c’est cet idéal qui me fait tenir le coup, avec la certitude d’avoir fait ce qu’il fallait.»

Les «30 de l’Arctique» ont enfin réussi à faire entendre les voix qui dénoncent la destruction possible de l’Arctique. Et des millions de personnes à travers le monde y trouvent courage pour continuer la lutte en faveur de la protection de l’Arctique et de l’avenir de la planète. c’est là un message d’espoir.

Verena mühlberger et markus Allemann, co-direction de Greenpeace

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Guerre FroiDe

intimidations entre États sur les ressources naturelles de l’Arctique. Le risque d’une marée noire catastrophique dans cet écosystème très sensible demeure présent.

Par Christian Hug, www.polarnews.ch

La plupart des réserves de pétrole et de gaz en Arctique sont situées dans la zone de 200 milles marins (370 kilomètres). chaque pays riverain a le droit de disposer de cette zone d’océan en bordure de ses frontières et y jouit notamment du droit exclusif de pêche et d’exploitation du sous-sol. Au-delà de cette bande côtière, la mer et la couverture de glace ne sont la possession de personne – ou de tous.

or certains gisements ne tombent pas dans la zone économique exclusive. Et on présume que d’autres n’ont pas encore été découvertes. Les cinq pays riverains de l’Arctique – états-unis, canada, Russie, Groenland/Danemark et norvège – avancent donc des prétentions territoriales en dehors de leur zone de 200 milles marins, espérant ainsi décrocher des droits d’exploitation. mais d’autres états comme la chine, l’Allemagne, l’italie ou la France entendent eux aussi profi ter de l’aubaine.

pour arbitrer entre ces convoitises, la convention des nations unies sur le droit de la mer fondait, en 1997, la commission des

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Exploitation de gaz naturel Exploitation pétrolière Gisements présumés de pétrole

et de gaz naturel Dorsale de Lomonossov

Gisements présumés de pétrole et de gaz naturel

nouvelles prétentions territoriales Cercle polaire

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Zones sensibles en Arctique

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limites du plateau continental. c’est dans ce cadre que les pays font valoir leurs prétentions allant au-delà de la zone de 200 milles marins, pour autant qu’ils soient en mesure de prouver que leur socle continental au fond de la mer dépasse la zone économique exclusive.

Dans les débats de cette commission, c’est surtout la dorsale de Lomonossov qui suscite la controverse. ce massif du fond océanique de 60 à 200 kilomètres de large et de 3500 mètres de haut s’étend entre le Groenland et les Îles de nouvelle-Sibérie. La Russie et le Groenland considèrent tous deux la dorsale comme une pro-longation de leur socle continental, tandis que le canada estime que la ride médio-océanique est rattachée à son île d’Ellesmere. chaque pays a fourni des expertises géologiques appuyant sa vision des choses. or la dorsale de Lomonos-sov ne renferme probablement pas de réserves de pétrole ou d’autres ressources naturelles, estiment des géologues américains (cf. maga-zine Greenpeace 3/2010).

La Chine s’ingèreLe pays le plus peuplé du monde com-

mence à inquiéter les parties en présence. L’éco-nomie chinoise connaît une croissance rapide et consomme de plus en plus d’énergie. pékin avance régulièrement des prétentions territo-riales sur de petites îles de l’Arctique, avec leur zone de 200 milles marins. Les pays riverains n’apprécient guère ce nouvel acteur intéressé par le pétrole et le gaz naturel de l’Arctique.

Le gouvernement chinois n’hésite pas à manifester une présence militaire sur les lieux. L’été dernier, un brise-glace de 167 mètres de long nommé Xuelong (dragon des neiges) traversait pour la cinquième fois la zone de l’Arctique. Et un sous-marin en eaux profondes de 8,2 mètres de long, le Jiaolong (dragon des mers), sillonne régulièrement la région. Si la chine assure que ces missions poursuivent des objectifs purement scientifiques, il y a des raisons de douter de ces déclarations diploma-tiques. c’est bien une volonté de marquer une présence forte de la part de ce pays qui demande par ailleurs le statut d’observateur au conseil de l’Arctique. La chine exige de surcroît que la Russie lui accorde un accès libre au passage du nord-Est.

L’année 2014 verra l’inauguration du deu-xième brise-glace chinois. SipRi, un institut

de recherches sur la paix basé à Stockholm, publiait récemment une étude sur les menaces qui pèsent sur la paix en Arctique du fait de l’attitude de la chine. La Russie n’est toutefois pas en reste. Dès le printemps 2011, le chef de l’armée russe, Alexander postnikov, annonçait la création d’une brigade de l’Arctique basée près de mourmansk. Les prétentions russes concernant les ressources naturelles de l’océan Arctique seront imposées par des moyens militaires si nécessaire, n’hésitait-il pas à décla-rer. Dès 2015, des navires de guerre et des sub-mersibles russes patrouilleront en Arctique. Les états-unis et le canada suivent le mouvement en renforçant leur présence militaire dans la région.

Problèmes multiplesLes experts sont nombreux à penser qu’un

conflit militaire est peu probable en Arctique. mener une guerre onéreuse pour des réserves pétrolières dont l’existence n’est même pas éta-blie semble en effet une option peu réaliste. Et aucun pays ne parviendra à lui seul à développer les technologies nécessaires à l’exploitation de

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14Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

ressources naturelles dans des conditions climatiques extrêmes.

L’utilisation de l’Arctique comme réserve en pétrole et en gaz naturel aurait d’ailleurs été largement surestimée: selon un rapport publié à l’automne 2012 par le centre norvégien pour l’étude du climat et de l’environnement, à oslo, les coûts d’une exploitation de ces gisements seraient démesurés.

L’exploitation pétrolière en Arctique revient extrêmement chère. Les conditions atmosphé-riques imprévisibles, les températures extrêmes et le milieu marin posent d’énormes problèmes aux techniciens. Statoil, la société publique norvégienne, annonçait au début de l’année le report de ses forages de prospection en Arctique à l’année prochaine. Shell suspendait égale-ment ses projets pétroliers pendant une année après la panne de son navire de forage noble Discoverer. De son côté, Bp avait déjà abandon-né la recherche de pétrole dans la mer de Beaufort l’été dernier sur la base d’une analyse de rentabilité. quelques mois plus tard, l’entreprise Gazprom de l’état russe ajournait l’exploitation de l’important gisement de gaz naturel de chtokman, dans la mer de Barents, déclarant vouloir reprendre les travaux «en des temps meilleurs».

Le groupe français Total a lui aussi arrêté son projet Liberty qui visait à chercher du pétrole dans l’Arctique. Le pDG de Total, christophe de margerie, admet lui-même: «Du pétrole sur le Groenland, ce serait un désastre; une fuite causerait trop de dommages à l’image de la compagnie.» ce constat est-il le résultat de la catastrophe pétrolière de 2010 dans le golfe du mexique lors de l’explosion de la plateforme Bp Deepwater Horizon?

que de bonnes nouvelles, serait-on tenté de dire. Les organisations écologistes comme Greenpeace luttent avec force pour une interdic-tion générale de l’exploitation pétrolière dans cette région du globe. n’hésitant pas à occuper la plateforme russe de prirazlomnaïa en août dernier ou à bloquer une station d’essence Shell à Davos en janvier de cette année.

mais l’or noir et liquide de l’Arctique continue d’attiser les convoitises. Tout en annon-çant la suspension de leurs projets, les compa-gnies maintiennent leur volonté de rechercher du pétrole et du gaz naturel au pôle nord.

Total cherche à ressusciter son projet Liberty, en coopération avec les autorités de régulation.

parallèlement, des négociations sont en cours entre Total et la compagnie rosneft de l’état russe, dans la perspective d’une tactique d’exploitation commune sur terre ferme dans l’Arctique russe.

une exploitation commune du gisement de gaz naturel de chtokman reste une visée de Total, du géant énergétique russe Gazprom et de la firme norvégienne Statoil.

rosneft négocie avec la société américaine Exxonmobil à propos d’une stratégie commune dans la mer de Kara: les forages sont censés débuter en 2014.

Au printemps 2012, ConocoPhillips, le troisième consortium pétrolier des États-Unis, a procédé avec succès à des forages de prospec-tion de gaz naturel au large de l’Alaska, en coopération avec la mitsubishi Corporation japo-naise, et prévoit la construction de l’infrastructure nécessaire en californie.

Shell, société d’origine britannique et néerlandaise, a installé des puits de forage dans la mer de Beaufort, des forages pratiqués verticalement dans les couches d’hydrocarbures pour être provisoirement refermés.

Exxonmobil, Statoil et la compagnie italienne Eni ont signé des contrats permettant des forages d’exploration sur terre ferme en russie.

ConocoPhillips s’est également procuré des licences auprès de la russie; les forages de-vraient débuter en 2014 dans la mer des Tchouktches.

Statoil a acheté des licences en russie pour l’exploitation du gisement de gaz naturel de SnØhvit, dans la mer de Barents.

cette liste n’est pas exhaustive. Elle indique que le jeu continue. un aspect positif est la co-opération renforcée entre les compagnies, et donc entre les pays impliqués. L’espoir existe que les conflits autour du pétrole et du gaz natu-rel dans la région de l’Arctique pourront se résoudre pacifiquement. il n’en va pas de même pour les menaces pesant sur l’écosystème de l’Arctique. La première grande catastrophe pétrolière semble difficilement évitable.

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15Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

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Janvier 2012 Tenir compte de la

recherche600 scientifiques reconnus du monde entier demandent au président obama et au secrétaire à l’intérieur des états-unis, Ken Salazar, la mise en œuvre des recommandations du Geological Survey Report avant l’autorisation de nouveaux projets pétroliers et gaziers en Arctique.

FÉvrier 2012Shell ne maîtrise pas les risques

environnementaux La cour des comptes des états-unis déclare que Shell n’est pas en mesure de garantir la maîtrise des risques environnementaux et des défis logistiques d’une éventuelle catastrophe pétrolière.

FÉvrier-Mars 2012Greenpeace proteste contre

les projets de ShellGreenpeace proteste à travers le monde contre les projets pétro-liers de Shell de l’été 2012 en Arctique. Dans un port de nouvel-le-Zélande, des militants passent plus de 70 heures sur la tour de forage du navire pétrolier noble Discoverer. un demi-million de personnes envoient des messages de protestation à la direction de Shell et à son pDG, peter Voser.

Mars 2012mesure provisionnelle

partiellement levéeEn Alaska, un juge fédéral rejette la demande de Shell pour une mesure provisionnelle de grande ampleur contre Greenpeace uSA qu’il estime n’être ni nécessaire ni légitime. Le juge limite la mesu-re provisionnelle au navire de forage noble Discoverer et à la plateforme Kulluk de Shell.

GreenPeace Mène une caMPaGne inTense Pour la ProTecTion De l’arcTique DePuis 1989.

arcTique: cHronique D’une

caMPaGneLes conditions climatiques de l’Arctique rendent les forages pétroliers extrêmement risqués et dangereux dans cette région du globe. une catastrophe pétrolière serait pratiquement inévitable, menaçant cet écosystème vulnérable qui abrite des espèces comme l’ours polaire, la licorne des mers ou encore le renard arctique. pour empêcher durablement l’exploitation pétrolière au pôle nord, Greenpeace demande la création d’une réserve marine internationale en Arctique.

Dans son récent rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GiEc) évoque l’impact d’ores et déjà visible du changement climatique en Arctique. Les scientifiques sont formels: le réchauffement climatique se poursuit. La glace polaire de l’Arctique, de l’Antarctique et du Groenland fond de plus en plus vite, tout comme les glaciers suisses. Seule une transition énergétique immédiate à l’échelle globale peut encore enrayer la dérive climatique.

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16Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

Mai 2012

un navire de Shell arrêté

près de Rügen, des militants de Greenpeace bloquent le navire nordica, affrété par Shell, en route pour l’Arctique pour soutenir les forages pétroliers de la multi-nationale.

Mai 2012Recherche de pétrole

ajournée Les conditions difficiles régnant au large de l’Alaska obligent Shell à reporter ses travaux de prospec-tion pétrolière en Arctique.

JuilleT 2012Bp arrête son projet

LibertyLa multinationale pétrolière Bp annonce l’arrêt de son projet Liberty en Alaska pour des raisons financières. L’accès au gisement pétrolier d’environ 100 millions de barils aurait été assuré par une île artificielle et un forage hori-zontal de 13 kilomètres de long.

JuilleT 2012navire de forage échoué à

Dutch Harbour par un vent de force 6 ou 7, l’ancre du noble Discoverer se détache et le navire de forage de Shell s’échoue près de Dutch Harbour. information contestée par Shell.

aoÛT 2012

protestations sur la plateforme de Gazprom

Des militants de Greenpeace, dont le directeur international Kumi naidoo, escaladent la plateforme prirazlomnaïa, en mer de pechora, pour dénoncer l’exploitation pétrolière par le géant énergétique russe Gaz-prom. canon à eau et fragments de métal projetés sur les mili-tants les obligeront à mettre fin à l’action.

sePTeMbre 2012navire de forage

mis à l’arrêtpeu après le début des travaux, le noble Discoverer est contraint d’arrêter les forages en mer des Tchouktches: une plaque de glace mesurant 50 x 12 kilomètres dérive en direction du navire de forage.

sePTeMbre 2012Blocage

de stations d’essence Shell par Greenpeace

Des militants de Greenpeace bloquent plus de 70 stations d’essence Shell aux pays-Bas avec des cadenas. Shell demande une mesure provisionnelle contre Greenpeace pays-Bas et une forte amende. Le juge tranchera en faveur de Greenpeace.

sePTeMbre 2012Total estime dangereux les

forages en ArctiqueLa société énergétique Total juge trop élevés les risques et les

atteintes possibles à son image d’un éventuel forage pétrolier en Arctique. Après un grave accident pétrolier en mer du nord, Total lutte pour sa survie financière.

DÉceMbre 2012plateforme

échouéeà la fin de l’année, en dépit de conditions atmosphériques défavorables, Shell veut ramener sa plateforme Kulluk à Seattle pour l’hiver, probablement pour des raisons fiscales. Le câble qui relie Kulluk au remorqueur cède. malgré plusieurs tentatives de la récupérer, la plateforme s’échouera sur la côte, avec 550 000 litres de carburant et de lubrifiants à bord.

Janvier 2013Shell contrevient aux obligations

environnementalesLes autorités environnementales des états-unis relèvent le non- respect de la loi sur la protection de l’air par le navire de forage noble Discoverer et la plateforme Kulluk de Shell.

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17Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

7 FÉvrier 2013

Shell contrevient aux obligations environnementales

Avec sept militants Greenpeace, l’actrice néo-zélandaise Lucy Lawless est condamnée à 120 heu-res de travail social et à une amende d’un montant total de 5200 dollars néo-zélandais. mais le juge rejette la demande de dommages-intérêts de Shell à hauteur de 650 000 dollars.

7 FÉvrier 2013Shell suspend ses projets

en 2013La firme annonce l’interruption de ses projets dans l’Arctique et ne mènera pas de travaux de pros-pection dans la mer de Beaufort ou la mer des Tchouktches en 2013, conséquence de la série de ratés de 2012.

avril 2013 Deal entre Shell et Gazprom

Shell et Gazprom signent un accord pour une exploitation com-mune des gisements pétroliers en Arctique.

avril 2013

Expédition de Greenpeace au pôle nord

Au pôle nord, des militants de Greenpeace immergent une cap-sule de verre avec les noms de près de trois millions de person-nes ayant signé la pétition pour la protection de l’Arctique.

JuilleT 2013Escalade du plus haut gratte-ciel

d’EuropeEn 15 heures, six grimpeuses de Greenpeace atteignent le sommet du Shard, à Londres, pour y déployer une bannière disant «Save the Arctic». Du haut de ses 310 mètres, le gratte-ciel sur-plombe plusieurs bureaux de la société Shell visée par l’action.

aoÛT 2013protestation au Grand prix de

Formule 1 en BelgiqueAu Grand prix de Spa, des mili-tants de Greenpeace protestent contre les projets pétroliers de Shell en Arctique. L’un des princi-paux sponsors de la course est interpellé par la bannière suspen-due à l’estrade principale: «Arctic oil? Shell no!»

Le 18 septembre, des militants de Greenpeace manifestent pacifi-quement contre la plateforme pé-trolière Prirazlomnaïa, de la société Gazprom, en Arctique. Dans les eaux internationales, le navire Greenpeace Arctic Sunrise est pris d’assaut par les autorités russes qui interviennent l’arme à la main. Le bateau est séquestré et l’équi-page incarcéré à mourmansk.

Accusés de piraterie et de van-dalisme, 28 protecteurs de l’envi-ronnement et deux journalistes ont été détenus pendant deux mois à murmansk. ils ont été libérés fin novembre après le versement d’une caution. Dernières nouvelles sur nos campagnes et les «30 de l’Arctique» sur notre site: www.greenpeace.ch.

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Dossier: croissance démographique

magazine Greenpeaceno 4 — 2013

PoSiTion 1

PoSiTion 2

Sommes-nous trop nombreux?

Voilà une question soigneusement évitée par le débat écologique. La crainte est que toute protection de l’environnement soit inutile tant que la population mondiale conti-nuera de croître.

Si le pouvoir d’achat des 2,5 milliards de chinois et d’indiens augmente, la consom-mation explosera, avec des conséquences catastrophiques pour la nature. un constat qui semble une évidence.

L’immigration et la croissance démographique des pays du Sud créent une pression à la densité sur la Suisse, disent certains au vu de l’étalement urbain et de la disparition des pâturages. Toutes ces affirmations se défendent, mais sont-elles justes pour autant?

Le débat sur la croissance démogra-phique et l’environnement n’est pas vraiment mené. on touche en effet à un principe de fond: personne n’a le droit de toucher à la liberté des êtres humains de se reproduire, du moins pas dans la société dans laquelle nous voulons vivre.Et le débat est parasité par un malentendu de taille: on préfère déplacer le problème vers le Sud et voir dans les pauvres une menace écologique. ce qu’ils ne sont pas, car ils ne sont pas riches, contrairement à nous.

Le dossier de ce magazine ne donne pas de réponses toutes faites. Il veut faire un état des lieux de quatre types de positions, de l’écologie radicale à la croissance aveugle.

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«La population mondiale doit diminuer, avec une empreinte

écologique zéro.»

écoLoGiE RADicALE: qu’en pensez-vous?

greenpeace.ch/debats

conTRôLE DES nAiSSAncES: la plupart des programmes de maîtrise de

la fécondité sont en échec. p. 20

«nous sommes trop nombreux, si nous entendons maintenir notre

niveau de bien-être.»

magazine Greenpeaceno 4 — 2013

«nous sommes trop nombreux, il faut radicalement

changer de système.»

TRAnSiTion SYSTémiquE: les villes écologiques

pourraient être une solution. p. 32

PoSiTion 3

PoSiTion 4

LE SABLE: un documentaire sur cette ressource en

déclin illustre la folie de la croissance et de la construction.

p. 40

JApon: une population en baisse peine à maintenir le

niveau de prospérité. p. 25

«notre économie doit croître. Et donc notre

population aussi.»

Sommes-nous trop nombreux?

ESSAi:Dix milliards de bouches à nourrir

p. 28

GLoSSAiRE: autour du débat démographique

p. 38

«malgré tous les efforts, les nations Unies estiment que

la population mondiale continuera de croître pour

atteindre 10,9 milliards en 2100.»

FAiTS FRAppAnTS:croissance démographiqe

page 46

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20magazine Greenpeaceno 4 — 2013

L’éducation prime sur la politique démographique

Une salle de classe bondée en Inde: les programmes coûteux de contrôle démographique n’ont pas grand impact sur la natalité.

Au nom du progrès et de la lutte contre la pauvreté, les États tentent de réduire la natalité par la stérilisation contrainte et la contraception. La recherche ethnologique en Asie et en Afrique pointe l’inefficacité de ces politiques.

Politique démographiquepar Samuel Schlaefli

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PoSiTion 2

21magazine Greenpeaceno 4 — 2013

L’éducation prime sur la politique démographique

nementale. L’amalgame récent entre surpopulation et atteinte à l’environnement est justement un élément hautement problématique aux yeux de Shalini Randeria: «on ne remet pas en question le fait que la petite famille classique d’Europe ait besoin d’une deuxième voiture. mais qu’une femme en Afrique veuille accoucher d’un troisième enfant est considéré comme un problème pour notre environnement.» Discuter de la surpopulation sans aborder la consommation et la répartition des ressources est à la fois une hypocrisie et une aberration, explique la sociologue. Rien d’étonnant à ce que les pays industrialisés ne soient pas disposés à redistribuer les richesses. c’est pourtant la principale piste pour repenser le débat: «n’est-il pas temps d’envisager une nouvelle philosophie du bien-être commun allouant plus de ressources à celles et ceux qui ont davantage d’enfants?»

Stérilisation contrainte et approche «cafétéria»La proposition de Shalini Randeria

semble peu réaliste pour l’instant, alors que les idées de malthus restent présentes dans le débat sur la politique du développement. Le fait que les populations appauvries d’Asie et d’Afrique soient décimées par la famine ou cherchent leur salut en Europe est souvent considéré comme une conséquence de leur trop grand nombre. De cette logique découle l’impératif de réduire l’indice de fécondité, c’est-à-dire le nombre d’enfants par femme. cette visée a déjà une longue tradition: l’inde a été le premier pays, en 1951, à s’être explicitement fixé comme objectif de réduire le nombre de naissances. La théorie de la surpopulation était déjà un lieu commun dans la classe moyenne indienne. malthus avait d’ailleurs été le premier titulaire de la chaire d’économie politique à l’East india college de Haileybury, lieu de formation des fonctionnaires coloniaux britanniques. Au milieu des années 1970, cette politique s’est traduite par des interventions brutales, comme la stérilisation forcée de plus de cinq millions d’hommes. plus tard le gouverne-ment indien s’est limité à des mesures «volontaires», contrairement à la chine, qui introduit en 1979 sa politique coercitive de l’enfant unique. En inde, les femmes sont

Shalini Randeria a parfois l’impression de retomber dans les années 1970, quand les affiches du gouvernement indien à new Delhi déclamaient: «une petite famille est une famille heureuse.» Dix ans plus tard, lorsqu’elle préparait sa thèse de doctorat à Heidelberg, les affiches allemandes disaient au contraire: «Les enfants sont source de joie au quotidien.» Le gouvernement allemand, nataliste chez lui, soutenait alors les programmes de réduction des naissances dans les pays en développement. «Si le monde est considéré comme surpeuplé et sous-peuplé en même temps, ce sont toujours ‹les autres› qui sont de trop, en fonction du pays, du groupe ethnique ou de la classe sociale visée», écrira plus tard Shalini Randeria dans un article consacré à la politique démographique.

Aujourd’hui, Shalini Randeria est professeure d’anthropologie et de sociologie du développement à l’institut de hautes études internationales et du développement, à Genève. Depuis deux décennies, elle formule une critique véhémente contre le débat autour de la surpopulation, régulière-ment relancé tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique. «L’idée de surpopu-lation est tombée dans le sens commun. Elle a acquis une facticité qui masque la nature politique de ce type de pensée», dénonce- t-elle. cette dimension politique trouve ses racines dans les conceptions de Thomas malthus. Dans son Essai sur le principe de population, publié en 1798, le penseur anglais affirme que les famines du XViiie siècle sont la conséquence d’un trop grand nombre de pauvres, et non d’une répartition inégale des ressources ou d’un manque de solidarité. Rejetant l’idée que le gouvernement se doit de subvenir aux besoins de la population pauvre, cette vision revient en définitive à laisser les pauvres mourir de faim pour que les privilégiés puissent maintenir leur statut.

Si la majorité des partisans actuels de l’idée de surpopulation acceptent l’interven-tion de l’état au secours des couches défavorisées, les deux axes de la pensée de malthus demeurent: la peur de manquer de ressources et la peur des classes sociales jugées responsables de ce manque. un aspect qui s’ajoute aujourd’hui est la peur ressentie face à la migration et à la destruction environ-

22Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

incitées par de petits cadeaux à se faire stériliser. parallèlement, l’approche «cafété-ria» se répand. introduite sous l’égide des états-unis, cette démarche consiste à proposer aux ménages une palette de moyens contraceptifs: pilule, préservatif et stérilet. Tout ceci dans le but de réduire le nombre de naissances à un niveau fixé par le gouver - nement central.

Lors de ses recherches menées en 1999 et 2001 dans les états du Gujarat et d’uttar pradesh, dans l’Est et le nord de l’inde, Shalini Randeria a voulu comprendre comment étaient négociés les taux de natalité entre les femmes de la campagne, les fonctionnaires des villages, le ministère à new Delhi, l’organisme américain de développement uSAiD et la Banque mondiale. «J’ai alors constaté qu’en inde (comme en chine), le planning familial ne répond pas au nombre d’enfants souhaités par les couples, mais à la planification des naissances par des mesures bureaucratiques.» Shalini Randeria découvre aussi que la pression exercée sur les populations rurales appauvries implique souvent des violations des droits humains et n’a d’ailleurs qu’une influence marginale sur les taux de naissances effectifs. La comparaison entre les données officielles sur l’usage de méthodes contraceptives et le taux total de fécondité pour un état donné n’indique pas de corrélation significative. L’état du Kerala présente ainsi le plus faible taux de fécondité de l’inde (1,8 enfant par femme), bien que les femmes en âge de procréer (15 à 45 ans) ne soient que 40,5%

à utiliser les méthodes modernes de contraception. Le pendjab, à l’opposé, connaît un taux de fécondité de 2,7 enfants par femme, alors que, statistiquement, 66% des couples utilisent une méthode de planning familial. Shalini Randeria explique ce clivage par le fait que la plupart des stérilisations des femmes se font entre l’âge de 30 et 35 ans, quand elles ont déjà les enfants qu’elles souhaitent. un constat similaire est fait pour l’Afrique: les travaux de caroline Bledsoe, anthropologue américaine, établissent pour de nombreux pays africains que la contra-ception ne sert pas à diminuer le nombre d’enfants, mais à planifier le moment et les conditions des naissances. Les enfants sont souvent considérés comme une opportunité d’améliorer la situation économique et le statut de la famille. Les familles peu nom-breuses d’Europe n’apparaissent donc pas comme un modèle à suivre. L’anthropologue associe le recul des naissances observé au Kenya, au Zimbabwe et au Botswana à l’essor économique et à la stabilité politique, non à la diffusion de la contraception. Les recherches sur le terrain en Asie rurale montrent par ailleurs que si la pilule contracep-tive et les préservatifs sont bien accueillis, on ne peut pas en déduire qu’ils seront effectivement utilisés. Au Bangladesh, on a retrouvé des préservatifs comme décoration de fêtes d’anniversaire pour enfants ou comme matériau de réparation des pneus de vélo.

Le souhait d’une famille nombreuseil est vrai que certaines études attribuent

90% de la variation du taux de fécondité entre les pays aux différences dans l’usage de méthodes contraceptives. une augmenta-tion de 15% de l’utilisation de la contraception se traduirait par un enfant de moins par femme, prétend un article de la revue Scientific American de 1993. preuve en serait le Bangladesh, où la diffusion massive de méthodes contraceptives entre 1970 et 1990 aurait réduit le taux de fertilité de 7 à 5,5 enfants par femme. un investissement de quelques milliards de dollars dans le domaine de la contraception permettrait ainsi, selon les auteurs, de résoudre le problème démographique. une nouvelle applaudie par nombre de programmes antinatalistes et

Les enfants sont vus comme une opportunité

d’améliorer le statut de la famille.

Politique démographique

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système de santé garanti par l’état. S’y ajoute l’introduction d’une réforme agraire efficace et d’un système de rentes de vieillesse. La baisse de la fécondité au Kerala est donc le résultat non escompté d’une politique sociale progressiste focalisée sur le bien-être de la population, et non sur l’évolution démogra-phique.

La formation des femmes, une clé du succèsLes ethnologues et les historiens ont

montré qu’il n’existe pas de solution applicable hors contexte pour faire baisser la natalité. un seul facteur est reconnu comme valide au niveau global: «Toutes les études disponibles prouvent qu’une meilleure éducation des femmes induit une baisse du nombre des naissances.» Shalini Randeria émet pourtant des réserves. «même en cas de corrélation inverse, cela ne dispenserait pas les gouvernements d’investir dans la formation des femmes. La formation est une valeur en soi, un droit de la personne et une obligation de l’état, non une méthode contraceptive.»

une conception que le marquis de condorcet aurait certainement partagée. ce philosophe des Lumières tranche avec le darwinisme social de malthus face au problème du rapport inégal entre la nourriture disponible et la population. condorcet mise sur l’intelligence humaine et une certaine modification volontaire du comportement reproductif. L’éducation des femmes est pour lui une valeur clé. Si, au lieu de malthus, les conceptions de condorcet s’étaient imposées, avec leur fondement de «liberté, égalité, fraternité», le débat démographique actuel sur la surpopulation nous semblerait véritablement d’un autre âge.

de développement, mais bientôt contredite par une étude de Lant pritchett. cet économiste à la Banque mondiale a comparé les données de l’enquête de fécondité World Fertility Survey sur le nombre d’enfants souhaités avec les taux de fécondité réels. Son constat est que la forte natalité des pays en développement est due à 90% au souhait d’avoir une famille nombreuse, et non à un manque de méthodes contraceptives ou à des lacunes en termes de connaissances sur la contraception. Dans une perspective stricte- ment économique, si l’on veut freiner la croissance démographique, il faut donc réduire la forte demande d’enfants, et non augmen-ter l’offre en méthodes de contraception.

Shalini Randeria rejette les causalités qu’elle estime réductionnistes et non généralisables entre la contraception et le taux de fécondité. Le Kerala, état du Sud de l’inde comptant plus de 30 millions d’habitants, a connu une chute de son taux de fécondité de 3 à 1,8 enfant par femme entre 1979 et 1991. Depuis, ce taux a encore baissé pour rejoindre la moyenne euro-péenne. ce succès est, selon la sociologue, le résultat d’une interaction bénéfique de divers facteurs: un statut traditionnellement élevé des femmes au sein de la société, un droit de succession matrilinéaire, un fort taux d’alphabétisation, une scolarisation comparativement longue, un âge plus élevé lors du mariage, un faible taux de mortalité maternelle et infantile grâce à un bon

Shalini Randeria, professeure d’anthropologie et de sociologie du développement, rejette les liens de causalité simplistes entre contraception et natalité.

Politique démographique

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Le Japon vieillitpeut-être si l’on pense à la densité des grands centres urbains. mais si la tendance actuelle se poursuit, la population de ce pays de 127 millions d’habitants risque de diminuer d’un million par année ces prochaines décennies. Le ministère de la Santé et des Affaires sociales estime que le Japon n’aura plus que 87 millions d’habitants en 2060. La proportion des plus de 65 ans atteindra alors 40%. un nombre grandissant de personnes dépendantes (actuellement six millions) et la pénurie de personnel soignant constituent des défis de taille pour la société. Traditionnellement ce sont les femmes qui prennent soin des personnes âgées au Japon. c’est surtout la

obasuteyama est le nom d’une montagne de la préfecture japonaise de nagano. Selon la légende, c’est là que se retiraient jadis les personnes de plus de 60 ans pour ne pas tomber à la charge de leurs enfants. Selon une autre version, c’est le fils qui accom-pagne sa mère âgée à la montagne où elle est censée mourir dans la solitude. or, le fils voit qu’elle casse des branchages pour marquer la route et lui permettre un retour en plaine sans danger. Touché aux larmes, il renonce à son projet et rebrousse chemin en compagnie de sa mère.

Si ce conte ne reflète évidemment pas la réalité japonaise, il est vrai que le Japon se dépeuple. un constat qui étonne

Depuis des années, la population japonaise est en baisse. L’espérance de vie des séniors augmente, et avec elle la charge de travail non rémunéré pour la jeune génération.

Baisse démographiquepar Judith Brandner

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PoSiTion 4

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tâche de l’épouse du premier fils, qui vit dans la maison paternelle. même si la tradition se perd, la part des séniors pris en charge par leurs enfants reste beaucoup plus élevée qu’en occident.

La politique désemparéeEn visite chez Junko Yoshida, à Kyoto,

la problématique apparaît pleinement. cette ancienne enseignante d’une école d’art a aujourd’hui 70 ans, et son époux, 74. Depuis plus de deux ans, elle soigne sa mère de 94 ans qui vit avec elle. Après un coup de chaleur, la nonagénaire est aujourd’hui affaiblie et a été hospitalisée plusieurs fois. à 84 ans, elle s’était cassé le pied et peine à marcher depuis cet épisode. Finalement, elle a demandé à rejoindre sa fille. Elle rejette l’idée d’entrer dans un établissement médico-social (EmS). pour sa génération, il est naturel que les enfants prennent soin des anciens, dit Junko Yoshida. D’ailleurs, les places en EmS sont rares. un jour ou deux par semaine, la vieille dame se rend dans un centre d’accueil de jour. Junko Yoshida et son compagnon se sentent souvent fatigués et surchargés, malgré la visite mensuelle d’une employée de la ville de Kyoto censée soutenir les proches aidants.

L’évolution démographique est rapide et les institutions ne suivent pas. Les jeunes femmes d’un Japon industrialisé au même titre que la France ou la Suisse ne veulent plus mener la vie de leur mère ou de leur grand-mère en prenant en charge les aînés. La société peine à réagir. comment assurer le financement des rentes de vieillesse? où trouver suffisamment de personnel soignant? comment gérer le vieillissement sur le marché du travail et le manque prévisible de main-d’œuvre? En 2007, la première volée des baby-boomers arrivait à la retraite. L’âge de la retraite est d’ailleurs passé à 65 ans et les autorités pourraient encore le relever à l’avenir.

Situation dramatiqueLe recul démographique s’explique en

partie par l’absence d’une immigration significative. une autre raison est un faible taux de fécondité de 1,3 enfant par femme, qui n’assure pas le renouvellement de la

population. un troisième aspect est que le Japon connaît l’espérance de vie la plus élevée au monde. D’où une situation dramatique, qui est aussi la conséquence de l’évolution rapide de la société après la Seconde Guerre mondiale. Les jeunes femmes bénéficient aujourd’hui d’un haut niveau de formation, elles sont émancipées et professionnellement actives. plus les femmes participent au marché du travail, et plus le nombre de naissances baisse, constate Florian coulmas, directeur de l’institut allemand d’études japonaises à Tokyo, qui mène un grand projet de recherche démographique. Les femmes travaillent souvent pour vivre, et notamment pour faire face aux exigences matérielles de la société capitaliste, explique-t-il.

La plupart des jeunes vivent chez leurs parentsLes jeunes femmes sont de moins en

moins nombreuses à se marier, ce qui a un impact déterminant sur le taux de fertilité, car traditionnellement seules les femmes mariées ont des enfants. Environ un tiers des femmes de 25 à 30 ans déclare ne pas vouloir se marier. La sociologue Sawako Shirahase, de l’université de Tokyo, explique ce choix: «Dès qu’elles se marient, elles doivent prendre soin des enfants, quitter le marché du travail et mettre fin à leur carrière.» L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est certes un thème mis en avant tant par le gouver-nement que par les entreprises, mais en pratique, il est très difficile de concilier travail, famille et enfants. 80% des personnes non mariées dans la vingtaine et la trentaine vivent encore chez leurs parents, souvent pour des raisons économiques. ce constat plutôt sombre ne doit toutefois pas faire oublier certains aspects positifs. Le marché des seniors est devenu un segment économique pour la téléphonie mobile, les sports, les agences de voyages. L’économie s’ouvre au marché des personnes aisées de 60 à 70 ans et leur propose des produits taillés sur mesure. La recherche sur la robotique dans les soins et la réhabilitation est, quant à elle, un domaine scientifique prometteur. Exemple: le phoque paro, programmé pour tenir compagnie aux

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personnes souffrant d’un syndrome démentiel. ou encore le Ri-man, équipé de capteurs tactiles, qui devrait un jour pouvoir soulever, tenir et porter un patient. La neurotechnologie jouera un rôle de premier plan pour la génération de robots à venir. L’interface BRi (Brain Robot Interface) doit permettre à terme de piloter un robot par la pensée. un système intéressant pour les personnes ayant des difficultés à parler et qui leur permettra de donner des ordres de type «Avance» ou «Recule» à leur robot de soins.

La recherche porte aussi sur la manière de garantir un maniement aisé et le maximum de sécurité de ces futurs robots. cette option scientifique semble plus réaliste que l’idée de stimuler une immigra-tion qui permettrait de corriger une démographie déficiente. car le Japon n’a jamais été un pays d’immigration, à l’exception des femmes des pays asiatiques voisins qui sont recrutées pour épouser des agriculteurs des régions rurales japonaises. ces dernières années, le pays a aussi tenté de recruter du personnel soignant féminin d’Asie. mais les quelques milliers d’intéressées étaient soumises à

des examens de langue poussés et à des formations complémentaires dissuasives. à plus long terme, il restera probablement un Japon moins peuplé. cependant, l’évolution démographique est actuelle-ment mise entre parenthèses, car tous les efforts se concentrent sur la maîtrise de la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Baisse démographique

La jeune génération japonaise est confrontée à une population vieillissante bien que physiquement active.

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L’élite de la Silicon Valley met un point d’honneur à participer à un vaisseau spatial. L’entrepreneur Elon musk, inventeur de la voiture électrique Tesla applaudie par le public, est aussi à l’origine de Space X, une entreprise aérospatiale privée. En mai 2012, il lançait sa première fusée dans l’espace, en coopération avec la nASA. D’autres personnalités se sont associées à l’astronautique: paul Allen, cofondateur de microsoft, Jeff Bezos, créateur d’Amazon, Larry page, créateur de la société Google, ou encore le réalisateur hollywoodien James cameron. L’engoue-ment pour la fusée ne relève pas d’un intérêt commercial ou d’une recherche de prestige. Les milliardaires du numérique rappellent les gentilshommes des Lumières qui, aux XViiie et XiXe siècles, ont contribué à poser les bases de la science moderne grâce à leurs recherches privées. pour Elon musk et ses semblables, la motivation est aussi la crainte que la planète devienne trop petite pour l’humanité. Déjà aujourd’hui, nous vivons au-dessus de nos moyens, et l’avenir paraît sombre. D’ici le milieu du siècle, la planète comptera près de dix milliards d’habitants. D’où un besoin accru de denrées alimentaires. Joachim von Braun, agroéconomiste allemand, estime que les besoins alimentaires sont appelés à doubler ces quarante prochaines années. comment y faire face sans plantes transgé-niques et sans agriculture industrialisée?

Pour éviter la catastrophe alimentaire, le monde doit à terme doubler sa production alimentaire. Cinq visions pourraient contribuer à la solution du problème.

Essaipar Philipp Löpfe

Dix milliards de bouches à nourrir

PoSiTion 3

29magazine Greenpeaceno 4 — 2013

70% des céréales transformées en fourragesEn 1971, la jeune hippie Frances moore Lappé publiait

un livre de cuisine intitulé Diet for a Small Planet. Elle y exposait un principe très simple: «nous pouvons contrôler ce que nous mangeons. Et cet acte nous connecte à l’ordre économique, politique et écologique de la planète tout entière.» Le livre devient un best-seller, tout comme Diet for a New America, publié en 1987 par John Robbins. Les deux livres sont l’expression d’un mouvement qui conçoit l’alimentation, la santé et la politique comme un tout indissociable. Très tôt, les méfaits de la culture du steak et du hamburger deviennent manifestes. Les militantes balaient le mythe de la surpopulation qui serait à l’origine d’une pénurie alimentaire. La faim est due à une alimentation monotone et à une mauvaise distribution des aliments. principa-lement en cause, la surconsommation de viande en occident. Environ 70% des céréales ne servent pas à la production de pain ou de pâtes, mais sont transformées en fourrages. Le désé-quilibre est encore plus criant pour la consommation d’eau. En mangeant une livre de viande de bœuf, on consomme autant d’eau que pour sa douche pour une durée de six mois. L’em-preinte écologique d’une personne qui conduit une voiture écolo-gique de type Toyota prius mais mange beaucoup de viande sera pire que celle d’un végétarien propriétaire d’un Hummer.

Le potentiel des petits paysansAprès trente ans passés au Wall Street Journal, le reporter

Roger Thurow s’est détourné du monde de la finance pour se consacrer à autre chose. Au lieu d’observer les banquiers et les managers de hedge funds se remplir les poches à l’ordinateur, il s’est tourné vers les familles de petits paysans dans l’ouest du Kenya, qu’il a suivies au quotidien durant une année. De ses expériences, il a tiré un livre: The Last Hunger Season. Dans le paysage magique que l’on connaît grâce au film Out of Africa, la vie des êtres humains est pourtant très dure. «L’idéal romantique du petit paysan africain, d’une population en harmonie avec la nature cultivant ses champs fructueux, s’est transformé en l’horreur des enfants sous-alimentés, du travail à peine soutenable et du désespoir», constate Roger Thurow. «personne ne devrait confondre cette image romantique avec la réalité. L’Afrique est le cauchemar de l’abandon.»

cette situation cauchemardesque n’est pas une fatalité. Le Kenya possède suffisamment de terre fertile et bien assez de main-d’œuvre pour la cultiver. quatre cinquièmes de la population relèvent encore aujourd’hui de la petite paysannerie. pourtant la faim est omniprésente, surtout les mois précédant la récolte du maïs, en juin. Durant cette période appelée «wanjala», beaucoup n’ont qu’une tasse de thé et un peu de maïs pour se nourrir. D’autres ne mangent pas du tout. Des enfants affaiblis par la dénutrition n’arrivent pas à suivre les cours, d’autres sont renvoyés de l’école parce que leurs parents ne parviennent pas à s’acquitter de l’écolage.

Tout en travaillant dur, les petits paysans n’arrivent pas à produire assez d’aliments pour se nourrir. Le tracteur ou le

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génie génétique ne sont pas la solution. Le problème principal est l’ordre économique dont les acteurs se sont ligués contre la petite agriculture. Dénués de réserves, les petits paysans sont contraints de vendre leur maïs quand les prix sont bas et d’en racheter quand les prix sont au plus haut. Afin de payer le médecin pour un enfant malade ou une jambe cassée, la famille doit souvent vendre sa seule vache. un sac de maïs de plus ou de moins peut faire la différence entre manger à sa faim et souffrir de famine. «c’est le fait d’un ordre économique pervers qui enchaîne les paysans à leur pauvreté», explique Roger Thurow. c’est pourquoi une adaptation même modeste de cet ordre économique peut développer un impact non négligeable. Sous l’égide de l’organisation non gouvernementale one Acre, les petits paysans – la plupart du temps des femmes – s’associent en coopératives pour acheter des semences et de l’engrais à prix raisonnable et bénéficier d’instructions sur les méthodes de culture. Avec ce système, une même parcelle peut produire jusqu’à dix fois plus.

L’agriculture moderne: écologie et autarcie cuba a peut-être aujourd’hui l’agriculture la plus

moderne de la planète. Les paysans ont appris le meilleur usage possible des ressources naturelles, pratiquement sans engrais chimiques ou pesticides. L’agriculture urbaine (urban farming), actuellement en vogue dans la scène alternative des villes occidentales, est devenue une évidence sur l’île de cuba. La Havane parvient presque à couvrir ses propres besoins en nourriture. «Depuis 1989, la politique du gouvernement cubain se fonde sur de nouvelles bases scientifiques davantage axées sur le caractère limité des ressources et la nécessité de l’autosuffisance», écrit miguel Altieri dans Agroecology. L’ouvrage précise cette nouvelle orientation: «La nouvelle recherche cubaine insiste sur les possibilités des organismes biologiques, qu’il s’agit de comprendre et d’utiliser. c’est un système agroécologique fondé sur des engrais et des produits phytosani-taires biologiques». professeur à l’université de Berkeley, en californie, miguel Altieri est considéré comme l’un des principaux experts en agronomie au monde.

mais l’état cubain ne s’est pas engagé sur cette voie de son plein gré. Après la chute du mur de Berlin, l’aide soviétique s’était réduite à néant. En 1990, les importations chutaient de 60% pour les herbicides, de 77% pour les engrais et de 50% pour le pétrole utilisé dans l’agriculture. Avant cette période, les paysans de Fidel castro n’étaient certainement pas les champions de l’écologie. L’industrialisation de l’agriculture était pratique-ment aussi avancée qu’en californie. La fin de l’aide de moscou a aussi marqué l’arrêt des livraisons d’aliments. cuba a donc dû fondamentalement réorganiser son agriculture, jusqu’alors basée sur les engrais de synthèse et le pétrole, et doubler sa production alimentaire pour éviter la famine. une conversion réussie.

Essai

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Politique de soutien aux bénéfices des petits paysansLes petits paysans du Kenya et l’exemple de cuba

montrent que l’agriculture industrielle ne résoudra pas le problème alimentaire de l’humanité. Les pratiques de l’industrie alimentaire induisent un gaspillage de calories bien trop important. ce qui stimule à son tour une production excessive de viande, éthiquement discutable et écologiquement perverse. Les aliments industriels, avec leurs excédents de sel, de sucre et de graisse, rendent les gens malades et obèses. L’agriculture industrialisée n’est d’ailleurs pas si répandue que l’on croit. Les familles de petits paysans continuent de produire la moitié environ des aliments à l’échelle mondiale. Les rendements de l’agriculture biologique ne sont que très légèrement inférieurs à ceux des grandes exploitations. Le respect de l’environnement se traduit aussi par une profitabilité supérieure, constate miguel Altieri: «Selon de nouvelles évaluations économiques, les profits des fermes biologiques seraient plus élevés que ceux des exploitations conventionnelles.»

une politique d’encouragement raisonnable pourrait renforcer cette tendance. Au lieu de créer des incitations aberrantes pour la production industrialisée de calories peu chères – qui seront d’ailleurs jetées aux ordures pour moitié – il faudrait soutenir la petite agriculture biologique pour garantir une production alimentaire durable. il est légitime de prélever des droits à l’importation pour protéger de telles pratiques agricoles. car aucune loi, économique ou autre, ne peut justifier l’importation d’une alimentation (surtout de viande) produite dans des conditions douteuses.

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Une population toujours plus nombreuse peut-elle vivre de manière durable? Pas si chacun rêve d’une maison à la campagne. L’avenir écologique est dans les villes.

des besoins énergétiques, en particulier en chine, au Brésil et en inde. Les émissions de gaz à effet de serre sont en augmentation et le changement climatique menace les espaces habités et l’agriculture. «il est évident que les pays pauvres doivent bénéficier d’une chance de se développer, notamment pour freiner leur croissance démogra-phique. mais il ne faut pas les inciter à prendre le même chemin, délétère pour le climat, que les nations industrialisées», retient un texte d’orientation de l’institut de Berlin pour l’étude de la démographie et du développement (Berlin-Institut für Bevölkerung und Entwicklung). pour que la

Si les sept milliards d’habitants de la planète décidaient de se rassembler, ils pourraient le faire dans les cantons de Berne et d’Argo-vie, chaque être humain disposerait encore d’un mètre carré de surface. mais la population mondiale actuelle consomme déjà les ressources d’une planète et demie. Avec le niveau moyen d’un consommateur suisse, les besoins en ressources représente-raient même près de trois fois la planète.

Selon des études récentes, la population mondiale pourrait passer à près de 10 milliards d’habitants d’ici à 2050. une économie qui continue de croître représente aussi une montée de la consommation et

Croissance démographiquepar Thomas niederberger

Stratégies pour un monde plus dense

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croissance démographique ralentisse, les pays du Sud ont surtout des besoins en matière d’éducation, de lutte contre la pauvreté et de droits des femmes. pour les pays du nord, c’est en premier lieu une réduction de la consommation de ressources qui s’impose. il y a donc une nécessité de justice globale. mais comment la mettre en œuvre?

L’exemple de masdar city, une ville en construction dans le désert d’Abou Dabi, est parlant. Le maître d’ouvrage est la famille d’un cheik, enrichie par un pétrole dont elle sait qu’il n’est pas inépuisable. masdar est une tentative de se préparer à la fin de l’ère du fossile. Le site internet du projet est optimiste: «une ville conçue pour garantir la plus haute qualité de vie et la plus petite empreinte écologique possible, sur un mode commercialement viable.» pour les grandes entreprises de la construc-tion, du transport et de l’énergie associées aux travaux, c’est l’occasion de mener des recherches et de tester les nouvelles technologies en taille réelle. L’enjeu est peut-être le plus gros marché de l’avenir: les villes abritent déjà plus d’habitants que les régions rurales, et la population urbaine pourrait représenter deux tiers des êtres humains d’ici à 2050. mais la concurrence n’est pas en reste. La chine mise elle aussi sur les technologies «vertes». Depuis 2007, une promotion stratégique fait doubler chaque année la production chinoise de cellules solaires. Et la chine construit sa propre ville écologique, nommée Yixing, en coopération avec le

World Business council for Sustainable Development, un forum pour le développe-ment durable porté par le monde des affaires.

Prise de conscience et implication des milieux concernésces initiatives pour stimuler le progrès

technologique sont certes bienvenues. Le problème est qu’elles sont impulsées par des régimes autoritaires et risquent de faire l’impasse sur les besoins de la population. Et le défi de la transition écologique pour les villes et les infrastructures existantes ne se résoudra pas par quelques projets phares. il faut une prise de conscience et l’impli-cation de toutes les populations concernées.

Visite à Dübendorf, dans la zone de développement intercommunale appelée «Glattalstadt». Entre une route de campagne, une ligne de RER, une autoroute, une station d’essence et un négociant de voitures, quelques restes de pâturages. c’est là que se trouve le bâtiment zéro énergie de l’Eawag, l’institut des écoles polytechniques fédérales pour la recherche sur l’eau. Le nouvel arrêt de la ligne du tram «Glattal-bahn» n’est qu’à quelques pas du cube de cristal bleu qui est désormais le siège principal de l’Eawag.

Dominic notter est chercheur à l’Empa, l’institut des EpF pour la recherche sur les matériaux et les développements technologiques, dont les bureaux sont juste à côté. il a coécrit une étude qui traite du mode de vie occidental et de la difficulté de l’inscrire dans la durabilité. Le rapport constitue un volet annexe des travaux de

un changement de valeurs s’annonce, mais il est trop lent. Et personne ne sait qui tranchera sur l’utilisation des ressources limitées de la planète.

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de produits animaliers (élément important). Le plus grand changement concernera la mobilité et le logement. Le sous-groupe n ne fait que 1700 kilomètres de voiture par année, moins de 20% de la moyenne suisse. Et il consomme moitié moins d’énergie de chauffage en raison d’une surface habitable de seulement 35 mètres carrés par personne.

Voilà pour les statistiques. mais qui sont ces personnes exemplaires? Des ascètes sans défaut? Des petits salaires casaniers qui ne se permettent ni voiture ni vacances outre-mer? Des étudiants vivant en communauté? Les données salariales renseignent sur le statut social en question. En général, la consommation est propor-tionnelle au revenu. un haut salaire induit une surconsommation, même avec une maison particulière labellisée minergie et une voiture hybride, dès lors que l’on habite une surface plus grande et que l’on va travailler en voiture (effet rebond). parmi les 216 sondés disposant d’un revenu confortable et d’une maison minergie, seuls 16 parviennent à se limiter à 2000 watts. à l’inverse, ceux qui consomment le moins d’énergie gagnent généralement 10 000 francs de moins que la moyenne, mais on trouve aussi quelques personnes touchant 80 000 par année dans ce groupe. «pour celles-ci, l’économie d’énergie ne correspond certainement pas à une pression matérielle, mais bien à un acte conscient, résume Dominic notter. Dans un futur proche, la société à 2000 watts n’est réaliste que si les gains d’efficacité technologique se combinent à une stratégie bien pensée de la suffisance énergétique.»

Personnes vivant seules et ménages à deux salairesLa petite minorité des «suffisants

énergétiques» est la preuve qu’il est tout à fait possible de consommer deux tiers d’énergie de moins que la moyenne suisse et donc de respecter un niveau durable à l’échelle globale. Dominic notter estime que la plupart vivent en milieu urbain, mais ses données ne sont pas explicites sur ce point. pourquoi la ville et pas la maison particulière avec jardin à la campagne, qui reste le symbole de la vie «proche de la nature»? La ville permet un mode de vie

l’Empa sur les nouvelles technologies et leur viabilité écologique. «La particularité de notre étude est qu’elle se fonde sur une enquête représentative sur le mode de vie des Suisses. notre échantillon reflète bien la moyenne du monde occidental pour ce qui est des émissions de co2», explique Dominic notter. L’analyse porte sur la consommation privée, le mode d’habitation, la mobilité, l’alimentation et le recyclage. une découverte étonnante est le sous-groupe de population n. ce sont 107 individus, sur les 3369 interrogés, qui ne consomment que 2000 watts, un volume globalement compatible avec la durabilité (cf. encadré sur la société à 2000 watts, p. 37). Les personnes de ce sous-groupe n sont à deux tiers des femmes, ont en moyenne 50 ans et touchent 34 600 francs de salaire annuel. Elles mangent trois fois de la viande et font trois heures de train par semaine. Leur consommation annuelle de courant est de 6000 kilowattheures, une valeur à peine plus basse que la moyenne générale. mais elles ne prennent l’avion que tous les six ans, au lieu de chaque année. Et si le comportement durable du sous-groupe n devenait la norme? nous continuerons alors à recycler les déchets (même si cet aspect compte pour très peu dans la consommation) et nous consommerons des aliments produits localement, avec peu de viande et

Croissance démographique

il est tout à fait possible de consommer deux

tiers d’énergie de moins que la moyenne suisse.

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vit sans voiture, tandis que l’autre moitié la laisse souvent au garage. Les constructeurs automobiles s’inquiètent d’ailleurs de cette tendance. mercedes, BmW et citroën ont développé des offres de covoiturage en direction de la clientèle urbaine jeune qui se fiche de la voiture comme symbole du statut social. certains observateurs y voient la preuve que les grandes entreprises ne peuvent plus ignorer la nouvelle «économie du partage».

car la solution, c’est bien le partage. La mouvance du fait maison de la musique punk et l’esprit un peu ésotérique des cercles d’échange se prolongent aujourd’hui dans le code source ouvert en informatique, Wikipédia ou encore le partage de fichiers. Le marché des biens d’équipement est aussi saisi par le mouve-ment. Voitures ou appartements par-tiellement inutilisés, bureaux, perceuses ou tondeuses à gazon sont partagés, avec un potentiel économique énorme. La mise en contact de personnes intéressées permet en effet de générer un bénéfice. Sur les sites en question, l’aspect de l’efficience et de l’économie de ressources est souvent mentionné comme un effet induit bienvenu. L’inconvénient de ne pas disposer en perma-nence de son propre objet est largement compensé par l’avantage émotionnel de l’échange social et d’un certain sentiment d’appartenance. Des valeurs qui vont à l’encontre de la solitude au sein de la société moderne.

Les amitiés comptent plus que la possessionLe principe de l’économie du partage

s’inscrit dans ce que marshall Sahlins présentait comme la société originelle de l’abondance des chasseurs-cueilleurs. Dans cette optique, ce n’est pas la possession personnelle (un ballast inutile) qu’il s’agit d’accroître, mais sa propre capacité d’adaptation à un ensemble de ressources donné, dans le but de dégager du temps pour les belles choses de la vie: entretenir des amitiés, faire la fête, raconter des histoires, paresser. Sous forme de schéma, ce constat s’exprime par l’opposition entre la courbe linéaire de l’augmentation de consommation (cf. fig. 1, courbe A),

écologique et une bonne qualité de vie, dès lors que le logement, le travail, les relations et les loisirs sont atteignables à pied ou à vélo. Et la surface habitée est géné ra-lement plus petite en raison de la cherté des loyers urbains, un appartement de 110 mètres carrés suffira donc pour une famille ou une communauté de trois personnes.

mais le marché immobilier évolue dans le mauvais sens. on construit et on assainit principalement pour les personnes vivant seules et les ménages à deux salaires qui s’offrent de grands appartements. à Zurich, les nouvelles constructions prévoient près de 70 mètres carrés par personne. «Les technologies et les incitations à la transfor-mation écologique existent», rappelle Dominic notter. une réforme fiscale écologique serait un élément de plus pour renforcer le dispositif. Et l’essence devrait renchérir. mais le problème est l’accepta-tion politique: «En définitive, c’est l’aspect matériel qui prime», constate-t-il. Sa propre contribution est «de veiller à ce que le sujet ne sorte pas de l’actualité, pour faire évoluer les mentalités.» un signal réjouissant est pour lui l’adoption en votation populaire de l’objectif de la société à 2000 watts en ville de Zurich. «un changement de valeurs est en cours.»

ce changement de valeurs concerne également la dimension financière. Les jeunes adultes accordent moins d’impor-tance à l’obtention du permis de conduire et à l’achat de leur propre voiture. Selon le magazine Spiegel, l’âge moyen des acheteurs de nouvelles voitures est de 52 ans en Allemagne. Dans les villes modernes comme Berlin et new York, la moitié des ménages

Dans des villes comme Berlin et new York,

la moitié des ménages vit sans voiture.

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et la courbe de l’«économie du bonheur» (courbe B). La croissance de la possession et de la consommation ne fait pas progresser le bonheur de manière linéaire, puisque l’utilité marginale des biens diminue. Jeremy Williams, auteur du blog Make Wealth History, explique cette corrélation: «Se faire offrir un café, c’est super. un deuxième, c’est bienvenu. mais personne ne veut en boire dix de suite.» Sauf dépendance à la caféine, pourrait-on ajouter. Le défi du monde de la consommation s’apparente à une cure de désintoxication. Apprendre à se satisfaire de peu. La qualité avant la quantité.

En résumé, la réduction de la croissance démographique ne peut se fonder que sur la justice globale. il n’y a pas surpopulation, mais surconsommation. Les solutions technologiques et organisationnelles pour une bonne vie basée sur une moindre quantité de biens matériels sont connues et d’ores et déjà pratiquées. un changement de valeurs est nécessaire et en cours, mais encore beaucoup trop lent. Et la question de fond, souvent occultée, est celle de savoir qui tranchera sur l’utilisation des ressources de nature limitée.

cette question de la répartition du pouvoir et de la démocratisation de l’économie ne peut plus être ignorée, car elle est au cœur des métropoles, de la place Tahrir au Brésil en mouvement, en passant par la place Syntagma, la plaza del Sol, occupy Wall Street et le parc Gezi. L’auteur David Graeber considère ces

«explosions transformatrices de l’imagina-tion» comme des tentatives «de résoudre en commun les problèmes de l’humanité sur une base égalitaire et démocratique». Les profonds changements qui affectent toutes les personnes participant aux mobilisations créent aussi de nouveaux modèles, de nouvelles valeurs et des modes de pensée renouvelés, qui rayonnent rapidement sur l’ensemble de la population.

il est fort possible que les acteurs de ces mouvements soient souvent des «suffisants énergétiques». La capacité d’imaginer un autre mode de vie est peut-être le meilleur exercice pour un avenir dans un monde plus dense.

La société à 2000 wattsLa société à 2000 watts est un concept élaboré à l’EPFZ qui fait référence à la consommation d’énergie qui peut être produite de manière du-rable pour chaque habitant à l’échelle mondiale. La norme peut s’appliquer à des bâtiments, des communes, des villes et des régions, ainsi qu’à la consommation personnelle. Les villes partenaires de Bâle, Zurich et Genève ont été rejointes par d’autres, notamment dix villes de la région du lac de Constance qui ont lancé leur propre campagne sur le sujet cet automne.www.2000watt.ch

Croissance démographique

Fig. 1 Une courbe frappante: la satisfaction ne dépend pas éternellement de la possession matérielle; au-delà du point de saturation, la satisfaction ne progresse plus.

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Densité de populationValeur correspondant au nombre moyen d’habitants par kilomètre carré, soit la division de la population par la surface d’un pays.

DépopulationBaisse démographique dans une région donnée, jadis surtout causée par les épidémies, les guerres et les famines, aujourd’hui par des taux de naissances en baisse et l’émigration. Parmi les grands pays, ce phénomène concerne le Japon, la Russie et l’Allemagne. L’État le plus fortement dépeuplé à l’heure actuelle est la Moldavie.

Empreinte écologiqueNotion désignant la surface, exprimée en hectares, nécessaire à la production des ressources consommées par une personne. L’empreinte écologique mesure la viabilité écologique du mode de vie individuel. Chaque personne dispose en théorie de 1,8 hectare de terre, mais l’empreinte écologique globale est actuellement de 2,7 hectares et même de 5 hectares pour la Suisse.

Condorcet, Marquis de (1743–1794)Philosophe des Lumières qui sera le premier à formuler le problème de nourrir une population en croissance continuelle. Pour y faire face, il préconise des gains de productivité agricole, mais aussi l’éducation pour toutes et tous. En avance sur son époque, il entend convaincre les femmes de réduire volontairement le nombre de naissances en leur offrant une bonne formation.

évolution démographiqueDéveloppement sur le long terme du nombre et de la structure des habitants d’un pays. Croissance de l’espérance de vie et baisse de la fécondité entraînent un vieillissement démographique qui peut cependant être freiné par l’immigration, comme c’est le cas en Suisse. Mais d’ici la fin du siècle, la part des plus de 59 ans pourrait tripler y compris dans les pays en développement, passant de 9 à 27%.

FéconditéLe taux de fécondité désigne le nombre moyen d’enfants auxquels une femme donnera naissance (dans l’hypothèse que le nombre actuel de naissances reste à peu près stable). Pour assurer le renouvellement de la population, le taux de fécondité devrait être de 2,1 enfants par femme (2,3 dans les pays en développement en raison d’une plus forte mortalité infantile). En Suisse le taux de fécondité se monte à 1,5.

Glossaire rassemblé par mathias Plüss

Notions et personnalités en lien avec le débat démographique

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Génération baby-boomGénération née après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le taux de natalité augmentait fortement. Cette phase se termine dans les années 1960 avec l’«effet pilule».

pic démographiqueTerme désignant l’année à laquelle la population d’une région atteint son plus haut niveau. Selon l’ONU, ce pic pourrait intervenir à l’échelle mondiale vers 2050. Mais à condition que le taux de fécondité passe de 2,5 actuellement à 1,5 enfant par femme. Si ce taux se maintient en revanche à 2 enfants par femme, la population ne commencera à diminuer que vers le milieu du XXIIe siècle.

programme antinataliste Mesures de l’État visant à réduire le nombre de naissances, par exemple par la promotion de la contraception, des contraintes légales ou encore des incitations pour des familles plus petites. L’Iran, l’Inde et la Chine ont réduit leur taux de fécondité par ce type de mesures. Le gouvernement chinois estime avoir empêché 400 millions de naissances depuis l’introduction de la politique de l’enfant unique, en 1979. La génération née sous ce régime présente cependant un excédent d’hommes, les fœtus féminins étant souvent avortés.

Taux de natalitéNombre d’enfants par millier d’habitants pour un pays et une année donnée. En temps de crise, le taux de natalité baisse généralement. En Grèce, il a chuté de 15% depuis 2008. Le désir d’avoir un enfant n’est en général pas abandonné, mais seulement ajourné.

malthus, Thomas Robert (1766–1834)Pasteur et scientifique britannique, il publie en 1798 son Essai sur le principe de population qui lui vaudra la célébrité. Il postule une croissance démographique illimitée, plus rapide que l’augmentation de la production agricole. À la différence de Condorcet, Malthus est fondamentalement pessimiste. Pour lui les catastrophes naturelles et les famines sont une nécessité pour corriger périodiquement les excédents de population. Plus tard, Malthus soutiendra également l’idée d’une politique d’éducation des couches défavorisées.

Sahlins, marshall (*1930)Ethnologue américain connu pour la thèse que les chasseurs-cueilleurs n’étaient pas pris dans une lutte permanente pour la survie, mais connaissaient au contraire des conditions d’abondance originelle. Selon lui, la nourriture était plus que suffisante dans nombre de régions. Les chasseurs-cueilleurs n’auraient récolté que la quantité immédia-tement nécessaire de nourriture, sans chercher à amasser une richesse matérielle. Ils avaient donc beaucoup de temps libre et vivaient dans l’abondance, même si c’est dans un sens différent de celui où on l’entend aujourd’hui.

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maisons sont emportées par les flots. Des écosystèmes s’effondrent. Les consé-quences sont plus graves qu’on ne le pense. Le réalisateur français Denis Delestrac a documenté cette catastrophe écologique qui se répand inexorablement, de l’Asie à l’Amérique, dans un film qui dénonce clairement les causes de ce désastre. Son «enquête sur une disparition» est une véritable révélation, car elle ne se limite pas au sable des plages, mais remet en question notre principal matériau de construction.

«on ne peut bâtir sur du sable», faisait observer l’écrivain ougandais moses isegawa dans ses Chroniques abyssiniennes, parues en 1990. La réalité semble lui donner raison. car il faut bien se rendre à l’évidence: tôt ou tard, le sable disparaîtra. nous nous sommes habitués à l’idée que, bientôt, le pétrole et l’uranium viendraient à manquer. mais le sable?...

il n’y a aucun doute: à miami comme à phuket, partout, les plages rétrécissent. Au point que, parfois, des rangées de

Le 28 mai dernier, à une heure de grande audience, Arte diffusait un documentaire intitulé Le sable — enquête sur une disparition. Quel choc pour les téléspectateurs: le sable devient une denrée rare sur notre planète! Les plages du littoral disparaissent peu à peu, les cours d’eau dépérissent, les fonds marins sont littéralement pillés. Le secteur du bâtiment est le principal responsable de ce désastre: la croissance démographique et la mobilité des populations ont entraîné un boom de la construction, trop souvent au détriment de l’environnement. Greenpeace s’est entretenue avec le réalisateur Denis Delestrac.

Chaque grain de sable compte

Le sablepar matthias Wyssmann

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En 2005, des tonnes de sable ont été déversées au large de Dubaï, afin de créer des îles ar-tificielles en forme de palmier.

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GP: comment réagissent-ils?DD: Sans exagérer: positivement. ils sont impressionnés. Beaucoup me disent: «maintenant, je comprends pourquoi ma plage rapetisse.» ou: «Enfant, j’allais souvent sur une belle plage. Aujourd’hui, elle a disparu.» Des tas de gens, des enfants aussi, me remercient et ajoutent: «Depuis, je vois la plage avec d’autres yeux.» c’est fantastique!GP: S’est-il formé un mouvement en faveur de la protection des plages? DD: Hélas non. il existe des associations qui s’engagent pour la protection du littoral. Des militants luttent pour leurs plages, en Bretagne ou aux états-unis. mais tout cela est très fragmenté. il n’y a pas encore eu de prise de conscience globale. il manque de leaders qui s’engagent pour cette cause.GP: Et les organisations écologiques?DD: on a eu peu de réactions en dehors de coastal care, une organisation californienne (www.coastalcare.org) – des pionniers de la protection côtière, de la défense des plages et de la lutte contre l’extraction de sable. pour attirer l’attention sur l’urgence du problème, il faudra mettre les bouchées doubles.GP: Les politiciens ne sont pas pressés de prendre des mesures…DD: pas forcément. En France, certains utilisent le film pour parler de la disparition des plages dans leur région. ils disposent désormais d’un outil pour expliquer ce qui se passe. c’est un thème très scientifique: il en va de la dynamique des côtes et des fluides. Je crois que nous avons présenté les choses de manière plus «digeste».

Denis Delestrac et son équipe ont réussi à présenter un thème complexe de manière aussi palpitante qu’un polar. Les images sont aisément compréhensibles, mais très intenses; bien qu’elles soient neutres et évitent le sensationnel, elles «secouent».un tour de force quand on pense combien l’affaire est compliquée. Le sable est la matière première la plus sous-estimée. il sert à fabriquer du verre. Sans lui, il n’y aurait pas de micropro cesseurs dans nos appareils électriques. on trouve du sable dans les avions, les machines à laver et le vin – mais surtout dans le béton. Aujourd’hui, deux

Greenpeace: Denis Delestrac, votre film a fait l’effet d’une bombe…Denis Delestrac: Avant même qu’il ne soit diffusé, nous avons eu une première réaction. Dès que nous l’avons envoyé à la presse, les médias français se sont emparés du sujet. Tous en ont parlé, parce qu’ils n’en savaient rien. Le soir de la diffusion, nous avons pulvérisé les records d’audience. Depuis, je suis invité dans de nombreux festivals et j’observe les réactions des spectateurs.

Le sable

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GP: En Suisse, de plus en plus de gens veulent des logements plus grands, souvent à la campagne.DD: Et dans le monde, les agglomérations côtières se densifient – un vrai casse-tête. il y a cinquante ou soixante ans, elles étaient surtout habitées par des pêcheurs. puis le tourisme s’est développé. Au-jourd’hui, les gens y passent un tiers de leurs vacances. Et beaucoup aimeraient vivre au bord de la mer. Voilà pourquoi les côtes sont de plus en plus bétonnées. mais ce que la plupart ignorent, c’est qu’en construisant au bord des plages, on empêche ces dernières de «respirer», d’avancer et de reculer, comme elles le font à l’état naturel.

Le film de Delestrac montre cette absurdité: nous sommes attirés par les côtes et les plages. or, celles-ci sont sacrifiées pour y édifier des hôtels ou des villes. Et parce que nous construisons si près de l’eau, les plages ne peuvent se régénérer. à miami comme ailleurs, des sommes colossales sont investies pour préserver les plages avec du nouveau sable, pompé au fond de la mer – ce qui ne fait qu’empirer la situation. un sable qui, à son tour, sera rapidement balayé...

Jadis gratuit, le sable fait l’objet de transactions commerciales formidables. on le transporte d’un bout à l’autre de la planète – souvent illégalement. à Singapour, la contrebande du sable joue un rôle crucial. En inde, la mafia du sable est l’organisation criminelle la plus puissante du pays, et elle ne recule devant rien. La spéculation immobilière sévit de plus en plus. à mumbai, la moitié des habitants vivent dans des bidonvilles, mais 50% des appartements construits sont vides. En chine, 65 millions d’apparte-ments sont inhabités; en Espagne, 30% des logements construits depuis 1996 sont inoccupés. à Burj Khalifa, pour l’instant, seuls 10% des appartements sont réservés.

tiers des bâtiments sont construits en béton armé, et ce dernier contient deux tiers de sable. une maison de taille moyenne engloutit 200 tonnes de sable, un kilomètre d’autoroute, 30 000 et une centrale nucléaire, 12 millions! chaque année, l’humanité en consomme 15 milliards de tonnes. Et pas du sable du désert, impropre à la construc-tion, mais du sable de mer ou de plages. on estime que 75 à 90% des plages ont diminué. D’énormes bateaux pompent du sable au fond des océans pour l’industrie du bâtiment. Les trous ainsi creusés se remplissent rapidement de sable provenant des plages.

Singapour. La «Suisse de l’Asie» ne cesse de croître depuis des décennies. L’économie, la population, les gratte-ciel – mais aussi le territoire. En quarante ans, non seulement les tours se sont multipliées, mais 20% de nouvelles terres ont été gagnées sur l’eau au moyen de prodigieuses quantités de sable.

Dubaï – le «bac à sable des promoteurs immobiliers mégalos» – possède le plus haut gratte-ciel du monde, Burj Khalifa, une gigantesque tour en béton et en verre. mais surtout, l’émirat est en train de réaliser deux projets pharaoniques: The palm et The World, des îles artificielles au large de la côte, pour que les milliardaires puissent avoir «leur» île et «leur» plage.

Les zones côtières sont envahies. D’ici 2025, 75 % de la population (qui ne cesse d’augmenter) devrait vivre à proximité du littoral.

GP: La croissance démographique est souvent occultée dans la protection de la nature, comme si c’était un sujet tabou.DD: c’est curieux. pourtant, je crois que c’est la source de tous nos problèmes: nous sommes trop nombreux… mais il y a aussi l’industrie. Les états du Golfe, friands de sable, ont, quant à eux, une démographie plutôt stable.

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D’ici 2025, 75% de la population mondiale vivra à proximité des côtes.

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construisons, pour qui et à quel prix. La croissance démographique a sans doute contribué aux débordements de l’immobi-lier. La mobilité des populations y est aussi pour quelque chose. mais c’est surtout l’absurde contrainte de la croissance d’une économie dans laquelle on dépense énormément pour de somptueux édifices, mais pas un sou pour permettre des conditions de vie décentes.

Le drame du sable est en train de détruire irrévocablement une partie de notre monde – et l’une des plus belles. Si nous n’agissons pas dès maintenant, le temps filera entre nos doigts, comme du sable.

Le Sable — enquête sur une disparition fait partie de la programmation du Festival du film vert (1—31 mars 2014) et sera montré dans trente villes de Suisse romande. www.festivaldufilmvert.ch

mais le pire est à venir: le sable de mer provient de l’intérieur des terres, des montagnes, et il est transporté par les cours d’eau jusqu’à la mer. or, la majeure partie n’y arrive plus à cause des dragages et des barrages qui empêchent le sable de passer. En chine, toutes les rivières seront bientôt endiguées. Dans le monde, on recense 845 000 barrages de régulation. une bonne chose pour produire du courant «propre», mais une catastrophe pour les régions côtières.

La situation se corse si on tient compte du changement climatique et de la montée du niveau des mers. La bombe à retardement écologique est parfaite. «Les plages sont nos barricades», déclare un géologue dans le film. cent millions de personnes vivent à moins d’un mètre au-dessus du niveau de la mer qui devrait monter d’un mètre, un mètre et demi d’ici 2100. En indonésie, plus de vingt îles ont été déjà rayées de la carte.

GP: Avez-vous quand même une bonne nouvelle?DD: oui. nous avons des milliers de possibilités d’action – même sur le plan local.GP: Dans notre manière de construire?DD: oui. nous pourrions, par exemple, fabriquer à nouveau du sable à partir du verre. Recycler du matériel de démolition pour produire des granulats. on pourrait même construire des immeubles en ferraille – ou en paille. c’est très solide et ça ne brûle pas – contrairement aux idées reçues. ou construire en bambous. nous n’avons que l’embarras du choix... GP: que faudrait-il faire?DD: il serait essentiel qu’il y ait une prise de conscience dans le monde politique, mais aussi dans le grand public. c’est pour cela que j’ai fait mon film. Le sujet ne doit plus être réservé aux seuls scientifiques, mais atteindre aussi toutes celles et tous ceux qui peuvent vraiment changer le cours des choses.

L’idée de ne plus pouvoir prendre des vacances balnéaires dans vingt ou trente ans ne nous empêchera sans doute pas de dormir. Toutefois, peu de choses nous touchent autant que la manière dont nous vivons et habitons – comment nous

Denis DelestracCe Français de 45 ans était juriste et photographe. Aujourd’hui, il compte parmi les cinéastes documentaires les plus célèbres. Son film Pax Americana, consacré à la militarisation de l’espace, lui a permis de percer en 2010. Ses projets l’ont amené à voyager en Afrique et en Asie. Les deux prochains pro-jets de films porteront aussi sur des problèmes écolo-giques. néanmoins, il refuse l’étiquette «verte». «Je veux montrer ce qui n’est pas visible et nous entoure. mais je ne désire pas me spéciali-ser. Je filme ce qui me pas-sionne. Je consacre en effet des années à un sujet.» Denis Delestrac vit à Barcelone.

Voir le filmLe documentaire de Denis Delestrac Le sable — enquête sur une disparition n’est pas encore disponible sous forme de DVD. Dès qu’il paraîtra, nous vous en informerons dans ce magazine.

Vous pouvez dès maintenant regarder ce film sur internet (sans garantie):www.greenpeace.ch/sand.

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malgré les efforts déployés, la population mondiale va continuer d’augmenter, estime l’onU: elle passera de 7,2 milliards aujourd’hui à 9,6 milliards en 2050 et 10,9 milliards en 2100.

La taille moyenne des 100 plus grandes villes du monde a presque décuplé au cours des cent dernières années.

Le Sud prend de plus en plus d’importance: en 2028, l’inde supplantera la Chine, devenant le pays le plus peuplé de la planète. Et dans les pronostics pour 2050, le nigeria déloge les États-Unis de la 3e place.

monaco affiche la plus grande densité de population au monde (18 000 habitants au km2) et la mongolie, la plus basse (2 habitants au km2). La région la moins peuplée de Suisse, la vallée d’Avers (Juf) dans les Grisons, est aussi faiblement peuplée que la mongolie.

Le Liban a accueilli plus d’un million de réfugiés sy-riens — alors qu’il n’a même pas 5 millions d’habitants.

En Chine, neuf grandes villes du delta de la rivière des Perles devraient fusionner pour former la plus grande zone urbaine du monde avec 43 millions d’habitants.

Le taux de fécondité est aujourd’hui d’environ 2,5 en-fants par femme dans le monde — un peu plus que ce qui est nécessaire pour maintenir le renouvellement de la population. or, ce taux ne cesse de baisser — il a diminué de moitié en cinquante ans. magazine Greenpeaceno 4 — 2013

Faits et chiffres concernant l’évolution démographique

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rassemblés par mathias Plüss

Le taux de fécondité est très élevé au niger (7 enfants par femme), au mali (6,3), en Somalie (6,2) et en Afghanistan (5,5); il est très bas en Tchéquie (1,3), à Hongkong (1,1) ou à Singapour (0,8).

En Chine, l’avortement de fœtus féminins se solde par un déséquilibre démographique. En 2020, il devrait y avoir environ 40 millions plus d’hommes que de femmes. L’Azerbaïdjan, l’inde, le Vietnam, l’Arménie et la Géorgie, ainsi que l’Albanie, la macédoine et le Kosovo connaissent le même problème.

À l’inverse, dans les pays de l’ancienne Union soviétique, les hommes meurent plus tôt, notamment à cause de l’alcoolisme. 70% des plus de 65 ans sont des femmes.

Selon l’onU, on recense dans le monde environ 230 millions de migrants, dont 16 millions de réfugiés. Les pays affichant les taux les plus élevés d’étran-gers sont les Émirats arabes unis (84% de la popula-tion), le Qatar (74%), monaco (64%), le Koweït (60%) et Andorre (57%).

Les mexicains immigrés aux États-Unis (env. 13 millions) constituent le plus grand groupe de migrants dans le monde. ils sont suivis par les russes en Ukraine (3,5 millions), les Bangladais en inde (3,2 millions), les indiens aux Émirats arabes unis et les Ukrainiens en russie (2,9 millions).

La population russe diminue, tandis que celle du Yé-men augmente fortement. Les démographes estiment que les deux pays auront à peu près autant d’habitants en 2050, bien que la russie soit 30 fois plus grande!

Les Arméniens sont sans doute le peuple le plus dispersé de la planète. Sur un total de 11 millions d’Arméniens, 3 mil-lions vivent en Arménie — les autres en russie, aux États-Unis, en France, en Argentine et dans 70 autres pays.

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une pluie torrentielle s’abat sur Diacksao, une banlieue fortement peuplée de Dakar. En quelques minutes, les routes, qui ne sont pas bitumées, se transforment en de véritables fleuves. papis Keïta évacue l’eau qui a inondé sa maison au moyen d’un seau. cela fait huit mois que cette eau boueuse d’un brun jaunâtre a envahi le rez-de-chaussée, déclare le jeune homme. malgré l’odeur nauséabonde qui se dégage de cette vase et le risque latent de contracter la malaria, il persiste à habiter ici, avec ses frères, leurs femmes et leurs enfants. pourtant, lorsque l’eau est trop haute, ces derniers ne peuvent pas aller à l’école et Keïta n’arrive pas non plus à atteindre la fabrique de tongs où il travaille comme journalier.

Tandis que des masses d’eau continuent de se déverser sur le quartier, les habitants sont occupés à protéger leurs maigres biens du désastre. Dans les banlieues, certaines flaques sont aussi grandes que des bassins de natation, et la pluie incessante les transforme en de véritables lacs de boue noirâtres.

Lorsque le père de Keïta a construit cette maison, il y a environ cinquante ans, Diacksao n’était jamais inondée. Dans les années 1970 et 1980, la sécheresse sévissait dans la région du Sahel. mais depuis 1990, les précipitations sont toujours plus dévastatrices. pourtant, les constructions sauvages se multiplient dans les banlieues, y compris à côté de maisons aban-données qui se sont enfoncées dans le sol sablon-neux et sont utilisées comme dépôts d’ordures illégaux. Selon l’ingénieur claude moïse Dembele, cette expansion incontrôlée est due à une forte pression sociale: «Dans la société

sénégalaise, un ‹chef de famille› se doit de construire une maison. La pression est si vive que beaucoup sont prêts à construire n’importe où.» même sur des lacs asséchés, comme c’est le cas à Dakar.

Dans les faubourgs, la population a explosé au cours des vingt dernières années: de nom-breuses personnes ont quitté les campagnes pour s’installer à pikine, Thiaroye ou Guédiawaye. Selon les estimations de la Société allemande de coopération technique, environ 50% des constructions sont illégales. Le prix du terrain a quintuplé ces dix dernières années. il arrive souvent que des parcelles soient vendues à plu-sieurs acheteurs. Les propriétaires savent que ces derniers n’ont pas assez d’argent pour leur intenter un procès.

La capitale sénégalaise cumule les pro-blèmes: exode rural, urbanisation chaotique et absence de plan d’urbanisation de la part du gouvernement, pauvreté, sensibilisation insuffi-sante des populations à la gestion de l’environ-nement, cours d’eau comblés et systèmes de canalisations déficients. Les autorités respon-sables pratiquent une «politique de rafistolage» et n’osent pas prendre des mesures radicales telles que déplacer les habitants. papa malick Hane, maire de pikine ouest, est l’un des rares à avoir fait détruire des bâtiments en chantier dans la zone non constructible. «nous devons empêcher les gens de construire dans des zones inondables faute de place. il est inhumain de vivre dans de telles conditions. Si nous ne parve-nons pas à maîtriser le problème, nous courons à la catastrophe.»

les banlieues De Dakar les PieDs Dans l’eau

chaque année, à la saison des pluies, la capitale du Sénégal connaît de graves inondations. Le changement climatique et l’exode rural ont fait exploser le nombre de

constructions illégales. La misère et le chaos s’installent...Photos: Flurina rothenberger,

lauréate du Greenpeace Photo Award 2013, texte: Judith Wyder

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1 Claude Moïse Dembele, ingénieur de 64 ans, à propos de l’urbanisation chaotique: «Au Sénégal, construire une maison est un devoir pour un chef de famille. Ne pas le faire veut dire qu’il a raté sa vie.» 2 Fanta, seize ans, persiste à vivre à Thiaroye: la population de Dakar a augmenté de plus d’un quart en vingt ans. Les gens quittent la campagne pour trouver du travail en ville et s’installent sans permis dans des zones régulièrement inondées à la saison des pluies.3 État d’urgence à Thiaroye: dans la banlieue, on lutte contre les effets secondaires au lieu de s’at-taquer aux causes. Les entreprises chargées de pomper l’eau dans ces quartiers profitent financière-ment de la situation. 4 À Diacksao, les habitants veillent au grain: à l’approche de la saison des pluies, ils achètent des montagnes de sable. Ils l’utilisent pour remblayer le sol lorsque la pièce est inondée. Chaque année, le plafond est plus bas, mais ils n’en ont cure... 5 Drame familial à Thiaroye: Aida et sa famille ont dû se réfugier sur le toit pendant la saison des pluies. Lorsque cette mère qui élève seule ses enfants n’a pas pu régler la facture du pompage de l’eau, elle a dû quitter la maison.6 Une Sénégalaise en train de tanner du cuir dans le lac de Thiourour: le changement climatique a

modifié les conditions de vie. Des zones qui ne connaissaient pas de crues pendant la saison sèche sont aujourd’hui inondées.

En 2012, la photographe suisse Flurina Rothenberger a remporté le prix du public lors du premier Greenpeace photo Award. ce concours a été lancé en coopération avec le magazine culturel Du dans l’intention de montrer les thématiques écologiques sous un angle novateur.

Les photographies de Flurina sont exposées au Forum pour la photographie documentaire de coalmine, à Winterthour.

Vernissage: jeudi 16 janvier 2014 à 18 h 30 Présentation publique par l’artiste:samedi 18 janvier 2014 à 11 h 30Durée de l’exposition: du 17 janvier au 28 mars 2014

ce reportage photographique sera aussi présenté dans Du.

Le magazine culturel offre aux membres de Greenpeace un abonnement annuel au prix de 120 francs au lieu de 160. Vous pouvez le commander à l’adresse [email protected] avec le titre «Du» et votre numéro de membre.

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MiliTanT D’un avenir

ensoleillÉVoilà des années que Sven Teske, convaincu par l’énergie solaire, parcourt le monde pour promouvoir les renouvelables. Coauteur du scénario énergétique de Greenpeace pour la Suisse, qui a été récemment publié, il se réfère de manière constante aux prescriptions mondiales en matière de protection climatique: respecter la limite critique de réchauffement moyen de deux degrés.

Par Andrea Hösch

Accrocher des nichoirs, ce n’est pas son style. pour donner le meilleur de lui-même, Sven Teske a besoin de travailler à l’échelle globale et d’affronter de puissants adversaires. il a passé plus de la moitié de sa vie à se battre contre des capitaines d’industrie et des politiciens, sans jamais perdre de vue son objectif: promouvoir les énergies renouvelables, et ce dans le monde entier. Après avoir travaillé au siège allemand de Greenpeace dès 1994, il a rejoint Greenpeace international il y a quelques années. En 2004, il a collaboré de manière déterminante au pre-mier scénario énergétique global de l’organisa-tion. quatre autres éditions mondiales ont suivi, ainsi que 40 scénarios nationaux, notamment pour la Suisse. Avec toutes les mises à jour, cela représente pas moins de cent éditions. «La réa-lité a largement dépassé tous mes pronostics en

matière d’énergies renouvelables», se réjouit cet ingénieur de 47 ans, originaire d’oldenburg en Basse-Saxe. Au cours de cet entretien, il nous a parlé des expériences faites avec l’énergie solaire en Allemagne et des conditions néces-saires au tournant énergétique en Suisse.

Greenpeace: Vous êtes non seulement l’auteur de nombreux scénarios énergétiques, mais vous avez aussi donné un nom à votre bébé: Energy[R]evolution. S’agit-il au-jourd’hui d’évoluer ou de révolutionner?Sven Teske: Les deux justement. D’un point de vue technique, nous devons évoluer. mais, dans le domaine de la politique énergétique, une révolution est nécessaire.Parlons d’un pilier important du tournant énergétique: l’énergie solaire. En Allemagne, la puissance des centrales solaires fonction-nant à pleine charge correspond à la produc-tion électrique de 30 centrales nucléaires. Pourtant, le solaire allemand est en crise...

ce n’est qu’un ralentissement. Dans de nombreux pays comme le Japon, le Brésil, les états-unis et certains pays africains, un marché de l’énergie photovoltaïque se développe, tout simplement parce plus de personnes peuvent maintenant se permettre des modules dont le prix a énormément baissé. Les fabricants alle-mands vont, eux aussi, profiter de ce boom mondial. mais d’ici là, ils doivent surmonter cette traversée du désert, car il existe encore des surcapacités dans ce secteur, dues au fait que de nombreuses entreprises ont été créées en chine au cours des dernières années. Le marché n’a pas suivi.Quelle a été l’erreur de l’industrie solaire allemande qui pourrait être instructive aux autres?

L’énergie solaire est désormais concurren-tielle. or, dans notre système économique global, il est fréquent que la production soit aux mains de quelques rares fabricants. certains pionniers ont donc dû déposer le bilan ou ont été repris par d’autres. on ne peut pas le repro-cher à la branche. par contre, après des années de vaches grasses, les «rois-soleils» doivent accepter le reproche qui leur est fait: d’avoir attendu beaucoup trop longtemps pour se de-mander ce qui arriverait lorsque les politiciens mettraient un frein à la rémunération d’injec-tion garantie par l’état. il était clair que cela se

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produirait un jour. ne pas avoir prévu de plan B était une grossière erreur de leur part.Quel avenir commercial pour le solaire en Allemagne?

L’industrie solaire allemande doit réfléchir à la question. Elle devra développer des produits spéciaux de haute qualité, des cellules solaires plus performantes, des dispositifs de contrôle de l’énergie intelligents et, surtout, de nouvelles techniques de stockage. Toujours plus de gens produisent eux-mêmes leur électricité. Quelles réper-cussions cette tendance a-t-elle sur leur consommation?

L’électricité produite par les particuliers coûte désormais moitié moins que celle des fournisseurs d’énergie. c’était le contraire autre-fois. quiconque dispose d’une installation photovoltaïque fait donc un bénéfice, même sans soutien des pouvoirs publics. c’est la raison pour laquelle la technologie du solaire se ré-pand et constitue un phénomène qu’on ne pour-ra pas arrêter. même sans subvention, ce succès va se poursuivre. Le vent et le soleil boulever-seront l’ensemble du secteur de l’énergie. Les fournisseurs d’électricité qui n’auront pas réussi à intégrer les installations de leurs clients d’ici 2020 disparaîtront du marché. En Suisse aussi, la restructuration du sys-tème de l’énergie vient de démarrer. A-t-elle une chance de réussir?

La révolution énergétique est beaucoup plus simple à mettre en œuvre en Suisse, car l’effi-cacité énergétique y joue déjà un rôle important. De plus, la Suisse dispose d’une très grande capacité au niveau des centrales hydroélectriques à pompage-turbinage, ce qui est très utile en complément du courant solaire.Selon certaines études, la Suisse pourrait couvrir un quart de ses besoins électriques au moyen de l’énergie solaire. Mais celle-ci n’en est qu’à ses balbutiements.

cela tient surtout au préjugé, hélas encore très répandu, selon lequel l’énergie solaire serait chère. mais il y a longtemps qu’en Suisse, comme en Allemagne, l’exploitation d’installations solaires est bien meilleur marché que l’électricité des fournisseurs d’énergie. De plus, les coûts de développement ont été surtout subventionnés par l’Allemagne, et la Suisse peut en profiter.Quelle leçon peut-elle tirer de l’exemple allemand?

En Allemagne, de nombreux citoyens sont membres de coopératives énergétiques. Le tournant énergétique vient de la base et est avant tout entre les mains des citoyens. ce sont par conséquent surtout les villes et les communes qui profitent de la valeur ajoutée. ce modèle pourrait aussi être intéressant pour la Suisse. Que rétorquez-vous à ceux qui vous disent que le tournant énergétique a un coût exorbitant et n’est qu’une utopie?

ne pas réaliser le tournant énergétique nous coûterait beaucoup plus cher, à cause du chan-gement climatique. Je crois que cette réorienta-tion réussira, car chaque investissement dans les énergies renouvelables est une économie pour l’avenir. En effet, l’énergie produite par le soleil et le vent est beaucoup moins chère que l’éner-gie fossile ou nucléaire. D’ailleurs, une centrale sur deux qui se construit actuellement repose sur des énergies renouvelables.

Le tout nouveau scénario énergétique de Green-peace, Energy[R]evolution, réalisé par des experts indépendants, est le seul scénario éner-gétique suisse qui tienne véritablement compte de la protection climatique et permette une sortie rapide du nucléaire. il présente de manière scientifique la voie à suivre pour garantir un approvisionnement énergétique écologique:

maintien de l’objectif climatique des 2° C avec une répartition globale équitable des émissions de Co2.

Abandon rapide du nucléaire: limitation du délai à quarante ans — la dernière centrale sera déconnectée du réseau en 2024.

Abandon des énergies fossiles (gaz, pétrole, etc.), et donc de la forte dépendance de l’étranger.

Sécurité de l’approvisionnement, 24 heures sur 24, en été comme en hiver.

Avantages économiques et création d’emplois en Suisse.

Greenpeace demande aux responsables politiques et économiques de se référer à ce scénario pour fixer les objectifs, les condi-tions-cadres et les mesures nécessaires dans la nouvelle stratégie énergétique.

Pour en savoir plus: www.greenpeace.ch/energyrevolution

FrackinGUne technique d’une violence

inouïe

ressources potentielles de gaz dans le monde entier

ressources déjà exploitées réserves conventionnelles exploitables ressources conventionnelles pouvant être exploitées ressources non conventionnelles comme le gaz de schiste

Des réserves inespérées — ressources de gaz dans les diverses régions du globe (en milliards de m3)

Amérique du nord 150

Amérique du Sud 67

Europe 37

Afrique 89

CEi 257

Proche-orient 135

Chine, Asie du Sud-Est, 138 océanie

La fracturation hydraulique massive (fracking), qui permet d’exploiter de nouvelles ressources gazières ou pétrolières, connaît un véritable boom, surtout aux États-Unis. Le coût des matières premières a ainsi di-minué, le gaz supplantant le charbon dans la production d’électricité. Le pays pourrait bientôt ne plus avoir à importer d’énergie. mais la méthode comporte des risques: de grandes quantités de fluide sont injectées dans d’innombrables trous de forage à grande profon-deur et sous haute pression.

il en résulte des fractures dans la roche, par les-quelles le gaz ou le pétrole s’échappe. Le fluide utilisé est un cocktail de biocides, de lubrifiants et d’anti-rouilles, dont certaines substances cancérigènes. Aux États-Unis, les plaintes pour pollution des nappes phréatiques et de l’eau potable se multiplient. En Eu-rope, d’énormes ressources de gaz de schiste sont inexploitées, mais la fracturation hydraulique suscite un grand scepticisme. Si la France l’interdit, la Pologne espère par contre ne plus être tributaire du gaz russe. En Allemagne, on exploite déjà du gaz de schiste, pré-sent dans des couches géologiques moins profondes, et du méthane de houille. Les ressources de gaz de schiste pourraient couvrir les besoins pour une dou-zaine d’années. Des politiciens se battent pour faire interdire ces forages ou imposer des contraintes envi-ronnementales.

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méthodes d’exploitation à risque — comment fonctionne le fracking et quelles menaces fait-il peser sur l’environnement?

Le fracking en Suisse

En Suisse, l’exploitation des res-sources fossiles, comme le gaz na-turel, est l’affaire des cantons. Vaud, Fribourg et Genève ont interdit le fracking jusqu’à nouvel ordre; dans le canton de Berne, les Verts veulent lancer une initiative contre l’extrac-tion non conventionnelle d’énergie fossile. Au niveau fédéral, le Conseil national a demandé au Conseil fé-déral d’examiner les bases légales nécessaires pour une interdiction. Actuellement, six entreprises ou consortiums disposent de conces-sions pour la prospection de gaz naturel; elles couvrent presque tout le Plateau et le Jura. Jusqu’ici, un seul forage exploratoire a été effec-tué, à noville (VD). Des méthodes d’extraction sans graviers ni fluides ont été utilisées dans les années 1985 à 1994 pour extraire 73 millions de m3 de gaz à Finsterwald (LU). La consommation annuelle en Suisse est d’environ 3500 millions de m3. on ne sait pas quelle quantité de gaz naturel exploitable le sous-sol recèle — 200 milliards de m3, selon les estimations les plus élevées, ce qui suffirait pour soixante ans. Deux consortiums prévoient de réaliser bientôt des sondages. À neuchâtel, où l’on suppose la présence de gi-sements d’hydrocarbures conven-tionnels, la société Celtique Énergie veut forer jusqu’à 2300 mètres de profondeur, ce à quoi s’oppose un collectif citoyen qui, avec le soutien de la section neuchâteloise de Greenpeace, a collecté et remis au Grand Conseil plus de 10 000 signa-tures en septembre. Pour la SEAG/PEoS, qui souhaite exploiter un gi-sement de gaz à 3500 mètres, la fracturation hydraulique serait une option. or, le lieu retenu pose pro-blème, car il est situé près d’un site de stockage final de déchets ra-dioactifs projeté par la nagra. La SEAG/PEoS envisage cinq autres lieux de forage qui n’ont pas encore été rendus publics.

risques possibles

A Le fluide de fracturation se répand dans la nappe phréatique au travers de fissures dans le revêtement en mortier de ciment coulé dans le puits foré.B Le fluide de fracturation pollue la nappe phréatique en se répan-dant dans d’anciens forages explo-ratoires. C Des produits toxiques se dégagent dans l’atmosphère lors du transport et durant l’entrepo-sage de fluides de fracturation ou l’élimination des eaux récupérées.D Des produits toxiques re-montent en raison de perturbations géologiques naturelles et atteignent la nappe phréatique. 1 L’eau, additionnée d’un cocktail chimique et de sable de quartz, est injectée sous haute pression dans la roche renfermant du gaz et la fracture. 2 Une fois le fluide pompé, les grains de sable consolident les fractures et le gaz peut circuler dans la conduite.

60Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

la Force De l’âGe

Ils sont dans la force de l’âge, mais ont déjà fait leur

testament.

Greenpeace: Vous êtes encore jeune. Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre les devants?

Barbara Martens (BM): J’ai écrit mon pre-mier testament à l’âge de 24 ans. mon mari et moi étions encore étudiants, mais nous voulions nous assurer mutuellement une protection financière en cas de décès. Je viens d’une famille qui attachait de l’importance à la prévoyance et au partage de la fortune. Aujourd’hui, vivant seule, j’ai de nouveau fait un testament. Dans ma vie privée et professionnelle, j’ai souvent réalisé que le sort pouvait brutalement frapper quelqu’un. Voilà pourquoi j’ai aussi rédigé des directives anticipées et un mandat pour cause d’inaptitude*. cela garantit que mes dernières volontés – aussi en ce qui concerne mes deux chats – seront respectées.

Gabriele Feigl (GF): Je ne suis plus si jeune que cela! Et puis, dans ma profession (et, de plus en plus, dans ma vie privée), je suis confrontée au fait que la vie et la mort sont plus imprévisibles que bien des gens ne le souhaiteraient. c’est pourquoi j’ai déjà réglé ma succession, pour épargner à mes survivants trop de soucis admi-nistratifs à mon décès.

Eugen Liengme (EL): Je ne suis plus jeune, mais merci quand même. écrire ses dernières volontés, c’est désirer retransmettre quelque chose d’une certaine manière à d’autres après sa mort. pour moi, c’était clair depuis long-temps. J’ai enfin pris le temps de le faire. main-tenant, je ne dois plus traîner ce boulet derrière moi et je peux me concentrer sur des objectifs plus actuels.Quelle expérience, quel motif vous a conduit à coucher Greenpeace dans votre testament?

BM: La protection des animaux et de la nature ainsi que le bien-être des enfants et des personnes défavorisées sont des thèmes essentiels pour moi. Je me suis décidée pour Greenpeace, parce que l’engagement social et

la désobéissance civile m’impressionnent. cela correspond à ma personnalité.

EL: Greenpeace (et d’autres onG) ont manifesté leur conscience de l’environnement et montré que l’être humain y est indissocia-blement lié, mais aussi comment il s’est détaché de son cadre naturel. Greenpeace (entre autres) réussit toujours à corriger les abus et les désé-quilibres et, tel David contre Goliath, à protéger l’homme et la nature. ce qui est encore plus important, c’est que cela a fait naître une sorte de mythologie contemporaine de la nature ou un rapport entre les êtres humains et la nature dont beaucoup d’entre nous ont la nostalgie. Greenpeace m’a accompagné tout au long de ma vie et est, pour moi, l’un des acteurs majeurs des 50 dernières années.Que souhaitez-vous de Greenpeace lorsqu’un jour, vos dernières volontés seront exécutées?

BM: Je ne sais pas quels problèmes affecte-ront l’environnement dans les prochaines décennies. Je laisse à Greenpeace et à ses respon-sables le soin d’utiliser, le moment venu, mon legs en fonction de l’actualité et des priorités.

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Barbara Martens, 56 ans, chimiste et hygiéniste du travail, conseillère pour l’élevage

de chats (www.katzensofa.ch)

«La protection des animaux et de la nature ainsi que le bien-être des enfants et des personnes

défavorisées sont des thèmes essentiels pour moi.»

61Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

GF: Je voudrais que ses membres conservent encore longtemps leur énergie afin de mettre en œuvre les stratégies de protection de l’environ-nement que l’organisation a élaborées. Et j’espère, grâce à mon legs, pouvoir contribuer un peu à ce que cet engagement se développe.

EL: Je ne désire rien de concret. J’espère seulement que l’esprit de Greenpeace se perpé-tuera et continuera d’inspirer de nombreuses personnes.Avez-vous demandé conseil pour la rédaction du testament?

BM: J’ai reçu un soutien et des instructions lorsque j’ai rédigé des directives anticipées en cas d’hospitalisation. on m’a indiqué comment formuler mon testament et où le déposer. L’avocat de l’une des organisations prises en compte, qui a un devoir de responsabilité envers mes chats, a ensuite examiné mon testament. Au début, je l’avais déposé dans une banque. maintenant, il est en de bonnes mains, auprès de la commune.

GF: J’ai réglé seule ma succession. à mon avis, c’est à moi de prendre ces décisions ultimes, car je serai aussi seule le jour où il me faudra faire le bilan de mon existence et dire adieu à la vie.

EL: écrire ses dernières volontés est une affaire privée. Si l’on a besoin de conseils concernant le cadre légal, le mieux est de faire appel à muriel Bonnardin, au siège zurichois de Greenpeace.

Pour la commande de notre guide testamentaire gratuit ou pour des conseils concernant votre succession, veuillez vous adresser à [email protected] (en mentionnant: force de l’âge), tél. direct 044 447 41 79.

* Le mandat pour cause d’inaptitude permet à toute personne capable de discernement de décider des mesures à prendre au cas où elle deviendrait incapable de discernement. ce mandat doit être rédigé à la main, comme le testament, et déposé en lieu sûr.

Eugen Liengme, 52 ans, artiste, liengmekunst.ch

«J’espère que l’esprit de Greenpeace se perpétuera et continuera d’inspirer

de nombreuses personnes.»

Gabriele Feigl, 52 ans, médecin-psychiatre et exploitante d’alpage, s’engage pour le refuge des

vaches maltraitées ou âgées, le Kuhgnadenhof à Nidwalden.

«J’espère, grâce à mon legs à Greenpeace, pouvoir contribuer à la protection de notre environnement

dans un cadre plus vaste.»

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Les tigres rôdent encore dans les forêts anciennes de l’indonésie. Pourtant, celles-ci sont détruites à un rythme vertigineux. Si l’on veut que le tigre de Sumatra survive, cette exploitation effrénée doit immédiatement cesser.

Par Verena Ahne

L’indonésie est le tragique numéro un en la ma-tière: elle détruit ses forêts plus vite que n’importe quel autre pays de la planète. En quelques années, cette île située le long de l’équateur a déjà abattu ou, pire, brûlé la moitié de ce grenier à co2 que constituent la jungle impénétrable et les rares forêts tourbeuses. chaque année, à la période sèche, des images par satellite montrent de gigan-tesques nuages de fumée qui s’étirent sur l’Asie du Sud-Est – une fumée âcre et épaisse, qui suscite les protes tations des états riverains comme Singapour, et a fait de l’indonésie le troisième plus grand émetteur de co2 de la planète, derrière les états-unis et la chine. Tout cela pour faire place nette à des plantations de palmiers à huile qui se multiplient...

cette destruction forcenée n’est pas seule-ment une catastrophe climatique. chaque palmier planté signifie aussi la perte définitive et irrévo-cable d’un biotope – une forêt où vivent des élé-phants, des rhinocéros, des orangs-outans, et des milliers d’autres espèces qui sont sans doute moins connues, mais méritent tout autant d’être proté-gées. c’est le royaume de Raja Harimau macan*, le tigre et le roi de la jungle.

les Derniers TiGres De suMaTra

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Dans les forêts particulièrement denses de l’île, le tigre de Sumatra s’est transformé au cours des millénaires, devenant le plus petit de son espèce. Le dernier grand félin d’indonésie est environ deux fois plus petit que ses congé-nères sur le continent. Ses cousins sur les îles de Bali et de Java ont été exterminés au siècle dernier – le tigre de Bali en 1937, celui de Java plus récemment, au début des années 1980.

Le roi Harimau risque le même sort. certes, il existe entre-temps 231 zones protégées pour les tigres à Sumatra. Toutefois, ce qui peut paraître prometteur au premier abord ne repré-sente pas grand-chose pour une véritable pro-tection de l’espèce. En effet, les trois quarts de ces zones font moins de 300 km2. quand on sait que ces animaux solitaires parcourent un terri-toire de 70 à 116 km2 pour se nourrir, on se rend vite compte que de si petites zones ne leur permettront pas de survivre.

mais dans les régions moins vastes égale-ment, l’espèce est menacée. Le président indo-nésien Susilo Bambang Yudhoyono a certes renouvelé le moratoire sur les permis de défri-chement en mai dernier, toutefois, ceux qui ont déjà été accordés en sont exclus. L’abattage des arbres va donc allègrement se poursuivre. De plus, les cerfs, les tapirs ou les sangliers, qui constituent la nourriture principale des félins, sont chassés sans pitié. Encerclés et poussés par la faim, les tigres de Sumatra s’attaquent de plus en plus souvent aux habitants, qui réclament à leur tour leur mise à mort.

à cela viennent s’ajouter les braconniers qui chassent illégalement les animaux menacés. La fourrure à larges rayures du tigre de Sumatra rapporte des sommes considérables – et cer-taines parties de son corps, utilisées à des fins «médicales», encore plus: les dents et les griffes, les os et les yeux, sa graisse contre les rhumatismes, le cuir délicat de son nez pour panser les plaies, le pénis comme aphrodisiaque… En 2009, les autorités indonésiennes ont annoncé que depuis 1998, au moins 60 grands félins avaient été tués – une catastrophe si l’on pense qu’il n’en reste qu’environ 400. Selon certaines estimations, seuls 250 tigres de Suma-tra vivent en liberté et 360 dans des zoos. il n’y a guère que le rhinocéros de Sumatra à connaître un sort plus funeste. il n’en resterait – selon les plus optimistes – que 200, dispersés dans tout le pays.

pour les sauver, chaque minute compte. Le déboisement des forêts doit cesser immé-diatement, les zones encore intactes doivent être rigoureusement protégées. il faut mettre un terme aux coupes illégales et au braconnage. mais surtout, nous qui sommes les principaux responsables de cette situation, nous devons cesser d’utiliser de l’huile de palme pour nos réservoirs. nous devons aussi veiller à ce que l’huile de palme utilisée pour les cosmétiques et les denrées alimentaires ait été produite dans le respect du développement durable. cessons également d’utiliser du papier provenant des zones tropicales! Sinon, et il ne manque pas grand-chose pour qu’on en soit là, Raja Harimau macan pourrait bien ne plus être le roi de la jungle à Sumatra.

* En indonésie et en inde, le titre de Raja est donné traditionnellement au roi. Harimau et macan signifient «tigre» en indonésien.

Habitat du tigre Habitat du tigre à rayures en 2011 Déforestation 2009—2011 Concessions (bois pour pâte à papier, huile

de palme, mines, exploitation forestière)

64Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

Un module Solarbox suisse équipe désormais le

rainbow Warrior À l’automne 2012, alors que le nouveau rainbow Warrior iii naviguait le long de la côte brésilienne, le coordinateur de Jeunesse Solaire, retze Koen, était à bord. Avec le soutien de l’équipe suisse, les collègues de Greenpeace Brésil ont construit un four solaire qui a été exposé près du navire dans chaque port où il faisait escale, rendant ainsi l’at-tente plus agréable à ses visiteurs. La population et la presse ont réagi à ce four solaire avec en-thousiasme. Le pop-corn, les œufs sur le plat, le café: tout est parti en quelques secondes. Dans la foulée, une idée a germé: pourquoi ne pas emme-ner en permanence un tel four à bord du rainbow Warrior iii? À chaque fois que le navire fera escale dans un pays où une campagne importante est en cours, la cuisine solaire sera utilisée. Au Brésil, le potentiel d’utilisation de l’énergie solaire est énorme. Le bureau de Greenpeace de São Pau-lo a publié un rapport à ce sujet en juin dernier: l’énergie solaire doit faire partie intégrante d’un approvisionnement énergétique durable.

Public Eye: un œil vigilant sur les grandes

entreprises pollueuses

Participez au vote des Public Eye Awards, qui dé-signe l’entreprise ayant fait preuve du compor-tement le plus discutable. Cette année, ont été nominées: Bayer, Syngenta et BASF (utilisation de pesticides dangereux); Eskom Holdings Afrique du Sud (dommages environnementaux par des com-bustibles fossiles); FiFA (reproches de corruption); Gap inc. (entrave à des mesures visant la sécu-rité au travail); Glencore Xstrata (destruction de l’environnement); HSBC (investissements entraî-nant des violations des droits de l’homme); marine Harvest (violations du droit du travail) et Gazprom (forages prévus dans l’Arctique). www.publiceye.ch

nouveau site web / Who is WhoLe nouveau site web de Public Eye doit aider à mettre en lumière des violations des droits de l’homme et la destruction de l’environnement par des entreprises. Les cas dans lesquels celles-ci n’assument pas leur responsabilité, mais aussi les succès enregistrés vis-à-vis de ces firmes, seront présentés. Public Eye doit devenir la plateforme de référence pour les organisations de défense des droits de l’homme, celle sur laquelle on pourra mobiliser un soutien international pour les cam-pagnes. Par ailleurs, les portraits des responsables des entreprises incriminées y figureront. Après tout, ces affaires sordides ont bien été autorisées par quelqu’un. Enfin, des personnes et des orga-nisations qui s’engagent seront aussi présentées.

nouveaux membres du juryDeux militants émérites, Yoke Ling Chee (malai-sie) et Vandana Shiva (inde) ont rejoint le jury de Public Eye, qui s’émancipe ainsi de plus en plus des organisations de patronage. Les réflexions économiques et éthiques seront désormais as-surées par des universitaires: Ulrich Thielemann (Berlin), Klaus Peter rippe (Université de Karls-ruhe) et Guido Palazzo (Université de Lausanne).Yoke Ling Chee est directrice du réseau Third World. En qualité d’experte en matière d’environ-nement et de développement, elle se spécialise sur les conséquences négatives du commerce mondial, notamment pour les pays du Sud dont elle défend la situation auprès des organismes gouvernementaux ou des onG.

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La physicienne Vandana Shiva s’engage en faveur de la biodiversité et contre la «biopiraterie» (breve-tage des savoirs autochtones) et l’exploitation de la diversité génétique par des multinationales. Elle compte parmi les avocates les plus influentes de la sécurité alimentaire et de l’accès à la nourriture.

Tomáš Sedlácek participera à la conférence de presse des Public Eye Awards

à Davos en 2014Tomáš Sedláček, qui sera présent à Davos en jan-vier 2014, est un économiste critique. Chef des études économiques de la plus grande banque tchèque, membre du Conseil économique natio-nal à Prague, il était conseiller de l’ancien pré-sident Václav Havel. Dans son livre, L’économie du bien et du mal, il dénonce des dogmes qui se sont avérés fatals. or, les participants au WEF n’ont tou-jours pas rompu avec les idées reçues. il incombe donc à des initiatives comme celle de Public Eye de démontrer «l’économisation du mal».

interdit de subvention: une défaite historique pour le

lobby du nucléaireGreenpeace salue la décision de la Commission européenne de renoncer à ses projets visant à faciliter les subventions nationales pour l’énergie nucléaire. Alexander Egit, directeur de Green-peace CEE (Central East Europe), est convaincu qu’il s’agit d’une défaite historique pour le lob-by du nucléaire et une déclaration de faillite de l’énergie nucléaire en Europe. «Sans les sub-ventions des contribuables, l’énergie nucléaire n’est pas concurrentielle et ne pourra survivre. La décision de la Commission européenne est un premier pas en vue d’une Europe sans énergie nucléaire.» Selon les contrats de l’UE, toute sub-vention est désormais interdite. Des exceptions ne pourront être décidées, comme par le passé, que si l’intérêt commun est en jeu. L’alliance anti-nucléaire, dirigée par le Danemark, l’Allemagne et l’Autriche, doit empêcher le principe de la neutrali-té des technologies dans la stratégie énergétique de l’UE pour 2030. Greenpeace a remporté une victoire d’étape importante, mais déjà, le lobby du nucléaire essaie de donner à cette technologie «pauvre en Co2» des chances équitables par rap-port aux énergies renouvelables.

Le label FSC doit assurer sa crédibilité

Le Forest Stewardship Council (FSC) est un sys-tème de certification censé garantir une exploita-tion forestière socialement supportable et respec-tueuse de l’environnement. Le label FSC aide les consommateurs à reconnaître les bois provenant de forêts bien gérées. Greenpeace a participé à la création de ce label il y a vingt ans et est toujours membre du FSC. nous sommes toutefois préoc-cupés du nombre croissant de certificats FSC qui sont octroyés en dépit de pratiques commerciales discutables ainsi que de directives et de normes peu contraignantes — notamment dans des pays en pleine expansion, comme le Canada ou la rus-sie, mais aussi dans les zones tropicales, comme le bassin du Congo ou de l’Amazonie. Le système du «bois contrôlé» FSC, appliqué pour le bois por-tant le label «FSC mix», nous inquiète particuliè-rement, car du bois non certifié mélangé ou ag-gloméré à du bois certifié peut être labellisé FSC.Greenpeace essaie de convaincre la communau-té internationale FSC de réagir – en déposant, par exemple, des plaintes, en procédant à des inves-tigations et à des études de cas sur des produits provenant de régions où les forêts anciennes sont déboisées avec l’accord du FSC. nous exigeons une transparence absolue, ainsi qu’une mise en œuvre conséquente et le contrôle des normes FSC. Les entreprises de certification doivent être obligées de les respecter. on ne saurait tolérer au-cune violation des droits des populations autoch-tones et locales, dont les moyens de subsistance sont compromis par l’exploitation forestière. nous conseillons aux consommateurs suisses de privi-légier des essences locales.

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66Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

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ESSécurité à Fukushima:

le gouvernement japonais leurre la population

Un groupe international de protection contre les radiations mandaté par Greenpeace a effectué pendant cinq jours des mesures dans les régions contaminées autour de Fukushima. ils ont constaté que la situation est loin d’être normalisée et que, malgré certaines décontaminations, un retour de la population reste dangereux.

Florian Kasser, expert du nucléaire auprès de Greenpeace Suisse, y participait. Voici son témoignage:

«La région de Tamura se trouve à environ 20 kilo-mètres à l’ouest de la centrale nucléaire acciden-tée de Fukushima, dans des paysages qui donnent envie de s’arrêter: petits villages entourés de ri-zières, vallons bordés de forêts luxuriantes… C’est a priori calme et sans soucis. nous ne voulons cependant pas nous y attarder; le césium 137, un isotope radioactif provenant de la centrale, est omniprésent dans la région. Les habitants dans un rayon de 20 kilomètres autour de la centrale ont été évacués après la catastrophe.nous sommes quinze collaboratrices et collabora-teurs de Greenpeace à quadriller la région, équipés d’appareils de mesure de la radioactivité. Comme membres du Groupe de protection contre les ra-diations, nous avons tous été spécialement formés à évoluer dans un environnement contaminé par la radioactivité et à documenter les risques pour les gens qui y vivent. À Tamura, aucun déplacement ne se fait sans nos appareils de mesure, compteurs Geiger et dosimètres accrochés à la taille qui nous signalent la présence de radioactivité. Sans ces appareils, la radioactivité ne serait pas détectable; elle est invisible, inodore et inaudible.

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Vignette solaire 2014Lancée par de jeunes Suisses, la vignette solaire est née de l’idée qu’un vélo électrique, moyen de locomotion écologique, devait fonctionner avec du courant vert. Aujourd’hui, il existe aussi des vignettes solaires pour ordinateurs portables à 50 francs et pour téléphones mobiles à 10 francs.Les recettes des ventes de vignettes solaires sont affectées à la production et à la promotion de l’énergie solaire en Suisse et en Afrique. Celle-ci est fournie par des centrales solaires spéciale-ment construites à cet effet. La quantité exacte, calculée à partir de la consommation annuelle d’un ordinateur portable, d’un vélo électrique ou d’un téléphone mobile, est ensuite injectée dans le réseau électrique public.Comme pour la vignette d’autoroute, l’utilisateur de l’électricité solaire reçoit un autocollant qu’il pourra appliquer sur son téléphone, son ordina-teur ou son vélo et qui indique que l’appareil est alimenté par du courant solaire. Le projet est ainsi soutenu au moyen de cette publicité supplémen-taire.

Comment cela fonctionne:

L’alimentation en électricité se fait normale-ment, à partir d’une prise de courant.

nous fournissons de l’énergie solaire au réseau de distribution électrique public.

La vignette solaire couvre les frais supplé-mentaires pour le courant solaire.

La vignette sur votre téléphone montre que l’appareil est alimenté par du courant solaire.

Les recettes provenant de cette vignette sont affectées à la promotion de l’énergie solaire en Suisse et en Afrique.

Vous pouvez commander la vignette solaire sous: www.vignettesolaire.ch

67Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

Tamura nous intéresse, car la région a été l’une des premières à bénéficier d’un programme de dé-contamination à grande échelle mis en place par les autorités. Celles-ci encouragent désormais les personnes évacuées dans les jours qui ont suivi la catastrophe à retourner sur leurs terres et à y reprendre une vie normale. nous voulons savoir si cette décontamination a été efficace et si les habitants ne courent effectivement aucun risque en retournant chez eux.Décontaminer une région comme celle de Tamu-ra n’est en effet pas une mince affaire. Le césium étant impossible à éliminer, il faut le déplacer ail-leurs, à un endroit qui, si possible, ne menace pas directement la population. il faut donc enlever la couche supérieure du sol à grande échelle, couper l’herbe et les branchages, nettoyer les surfaces bétonnées et goudronnées avec de l’eau à haute pression, ramasser la poussière qui s’amoncelle dans les rigoles. Une tâche titanesque. Un peu par-tout dans la région, des dizaines de milliers de sacs remplis de matériel irradié s’amoncellent pour être transportés un jour dans un centre de stockage pour déchets radioactifs. Un jour, car pour l’instant, il n’existe pas de centre de ce type. Les municipa-lités que le gouvernement verrait bien accueillir cette infrastructure s’opposent becs et ongles à son implantation.nos mesures le confirment: malgré les moyens engagés, il est impossible de décontaminer l’en-semble d’une région comme celle de Tamura. Les activités se sont donc concentrées sur les par-

celles autour des habitations et des bâtiments publics ainsi que les bordures de routes. Lorsque nous nous éloignons de ces surfaces déconta-minées, nos appareils indiquent immédiatement que la radioactivité remonte. Les autorités mettent donc les habitants de Tamura devant un choix cruel: retourner sur ces îlots, certes décontaminés, mais entourés de zones radioactives. ou rester dans une région moins dangereuse, mais renoncer définiti-vement à leurs biens, en étant obligés de se refaire une vie, sans aide aucune. Car le gouvernement a déjà annoncé qu’il supprimera les compensations financières accordées aux personnes évacuées si leurs terrains ont entre-temps été décontaminés. Une contrainte inacceptable pour Greenpeace.L’empressement des autorités japonaises a une motivation très politique. Le Premier ministre Shinzō Abe, irréductible nucléocrate, même après la catastrophe qui a frappé son pays, fait des pieds et des mains pour donner l’impression que la si-tuation se normalise et que l’accident nucléaire est désormais sous contrôle. Alors que c’est exactement le contraire; sur le site de la centrale, les fuites d’eau très radioactives dans l’océan et la nappe phréatique défrayent régulièrement la chronique. Dans les zones comme Tamura, conta-minées par le nuage radioactif, les habitants sont toujours confrontés à une situation sanitaire, finan-cière et sociale extrêmement difficile, malgré les efforts de décontamination. Un retour à la normale n’est pas pour demain.»

Le gouvernement japonais met tout en œuvre pour nettoyer les zones contaminées: des sacs noirs contenant du maté-riel irradié s’amoncellent au bord de la route, mais il n’existe jusqu’à présent aucun centre de stockage.

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Avant

Aujourd’hui

recherche

Des larves de mouches pour

le poisson d’élevageLe FiBL et Coop

cherchent des alternatives pour l’aquaculture bio

pour que l’aquaculture soit du-rable, l’alimentation des poissons ne doit ni contribuer à la surpêche ni faire diminuer les ressources alimentaires de l’homme. Dans le cadre d’un projet, l’institut de recherche de l’agriculture biolo-gique (FiBL) et coop ont donc mis au point une solution alternative, une farine riche en protéines fabriquée à partir de larves d’une espèce de mouche, qu’ils ont testée avec succès. L’autorisation européenne de cette farine est en bonne voie. Les recherches ont porté sur la larve de la mouche soldat noire (Hermetia illucens). à son ultime stade, celle-ci semble parfaite pour alimenter les pois-sons. En nourrissant les larves de mouches avec des restes de nourriture, cela permet en outre d’utiliser judicieusement des substances nutritives précieuses. Au cours d’un test réalisé à vaste échelle, la production en gros, les techniques de transformation, les propriétés de cette farine et sa rentabilité ont été étudiés. Les résultats sont positifs. cet aliment fabriqué par le partenaire indus-triel Hofmann nutrition à Bütz-berg (BE), s’est avéré aussi perfor-mant que les farines de poisson habituelles lors d’un test de huit semaines réalisé dans l’élevage bio new Valfish en Valais. Andreas Stamer, responsable du projet au FiBL, compte obtenir une autori-sation de l’uE en 2014.

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Climat

le bouclier D’ozone À nouveau

Plus ÉPais«Le protocole de montréal a porté ses fruits», déclare le chimiste mario molina, prix nobel de chimie en 1995 avec l’Allemand paul crutzen. Leurs recherches portaient sur les effets des chlorofluorocarbures (cFc) sur l’atmosphère. Depuis la fin des années 1990, on ne produit plus de cFc et les aérosols actuels ne présentent plus de danger pour l’environnement. La concentration des substances détruisant la couche d’ozone diminue peu à peu. «c’est le premier problème écologique global que la communauté mondiale ait résolu», commente molina. il faudra attendre jusqu’en 2050 pour que le bouclier d’ozone soit à nouveau aussi épais qu’auparavant.Source: National Geographic

69Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

mise à jour

Les Grisons refusent des participations dans les centrales

à charbonRepower se retire du projet

de Saline Joniche (I)

Le peuple grison souhaite le tour-nant énergétique. c’est ce qu’a démontré clairement l’acceptation de l’initiative populaire cantonale «électricité sans charbon», le 22 septembre 2013. cette initiative avait été lancée par des citoyens préoccupés de l’environnement. Elle exige ce qui, au fond, devrait être une évidence: – Les entreprises auprès desquelles le canton détient des participations ne doivent pas investir dans des centrales à char-bon. Le canton veillera à ce que Repower abandonne le projet de centrale à charbon de Saline Joniche en italie.– Le canton et ses entreprises doivent investir dans des énergies propres et sûres, et donc soutenir la place économique grisonne.– L’acceptation de l’initiative est un signe clair en faveur du tour-nant énergétique et de la protec-tion climatique.

Le gouvernement des Grisons et le Grand conseil devront désormais utiliser toutes les possi-bilités politiques et juridiques pour que les fonds cantonaux ne servent pas à financer des cen-trales à charbon. Le gouverne-ment doit présenter au Grand conseil un article constitutionnel tenant compte de l’initiative dans un délai d’un an. Le peuple se prononcera ensuite à nouveau sur cette question, vraisemblable-ment en 2015. Les auteurs de l’ini-tiative veilleront à ce que la volonté du peuple soit transposée

sur le plan législatif. Repower doit, en outre, abandonner le pro-jet de centrale à Saline Joniche et planifier dès maintenant son désengagement.

manifestation de protestation

protection contre le bruit pour les

animaux marinsAu large de la croatie, des canons à air comprimé sont utilisés pour la prospection pétrolière et gazière. Le bruit extrême qu’ils génèrent met en danger la vie des baleines et des dauphins. ocean-care et le nRDc (Natural Re-sources Defense Council) ont lancé une campagne de protestation. oceancare se bat depuis 1989 pour les animaux menacés et, en 2011, l’onu lui a accordée le statut de conseiller spécial. L’orga-nisation dirige la campagne en ligne «Silent oceans», qui a démarré en 2013 et vise à protéger les animaux des nuisances sonores sous-marines (www.oceancare.org, www.silentoceans.org). Le nRDc est une vaste organisation de protection de la nature américaine, au sein de laquelle des scientifiques, des juristes et des experts de l’environ-nement s’engagent pour protéger la santé des populations et de la nature. Elle compte 1,3 million d’adhérents et de militants sur internet qui traitent de thèmes tels que l’énergie ou la protection des animaux sauvages et des océans. Depuis une vingtaine d’années,

le nDRc se bat dans les forums internationaux, tels que l’interna-tional maritime organization et la convention de Bonn, pour que les animaux marins soient préser-vés du vacarme qui règne dans les océans. www.nrdc.orgVous pouvez envoyer des mails de protestation au gouvernement croate: www.silentoceans.org.

Énergie solaire

ikea investit dans les centrales solaires

Les panneaux solaires d’ikea fabriqués par le groupe chinois Hanergy dans le cadre d’un projet pilote britannique seront commercialisés pour environ 8300 francs. ce prix comprend, outre des conseils, la construction et la maintenance. Selon ikea, cet investissement serait rentabi-lisé au bout de sept ans pour un foyer anglais moyen. Les clients d’ikea souhaitant vivre dans le respect du développement du-rable, le groupe a décidé de répondre à cette demande. par ailleurs, d’ici 2020, le géant suédois ne devrait consommer que de l’électricité qu’il aura produite lui-même à partir d’éner-gies renouvelables. L’entreprise a déjà acquis un parc éolien en irlande et investit près de deux milliards de francs dans des pro-grammes d’énergie éolienne et solaire. Si les panneaux solaires du projet pilote britannique se vendent bien, ils pourraient bien-tôt figurer dans les rayons des magasins ikea en Suisse.

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Des cellules solaires à nanofils

très efficacesDes chercheurs de l’EpF de Lau-sanne captent la lumière solaire au moyen d’un fil arachnéen. un seul nanofil concentre cette lumière comme une minuscule loupe et multiplie ainsi l’énergie solaire utilisable. Des cellules solaires à nanofils verticaux particulière-ment efficaces pourraient bientôt voir le jour. ces nanofils sont des cristaux métalliques ou se-mi-conducteurs d’un diamètre d’un dix-millième de l’épaisseur d’un cheveu humain. L’équipe inter nationale rassemblée autour d’Anna Fontcuberta i morral à l’EpF de Lausanne a réussi à capter la lumière solaire avec douze fois plus d’intensité au moyen d’un nanofil d’arséniure de gallium. Jusqu’ici, les physiciens partaient du principe que l’effica-cité des cellules solaires ne pouvait pas dépasser la limite dite de Shockley-queisser*, en raison de lois physiques. «nous repoussons cette limite, même si ce n’est que de quelques pour cent», annonce l’EpF romande. cela ouvre de nouvelles voies au développement de cellules solaires à nanofils, qui pourraient présenter un potentiel énorme en matière d’efficacité et de flexi-bilité.

* La limite de Shockley-queisser indique le degré d’efficacité maximal des cellules solaires.

À lire

L’événement anthropocèneChristophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz décrivent

l’avènement d’un nouvel âge marqué par la main de l’homme.

nous sommes en train de vivre une révolution géolo-gique, dont nous sommes les artisans, et qui marque l’entrée dans une nouvelle ère, celle de tous les super-latifs: croissance économique, démographique, énergétique... une productivité accrue, synonyme de prospérité, qui se solde deux cents ans plus tard par une surexploitation des ressources, une impitoyable dégra-dation de la biodiversité et d’innombrables menaces pour notre planète. c’est ce que décrivent ces deux his-toriens dans un ouvrage qui devrait faire date, puisqu’il replace la crise environnementale dans un contexte historique et scientifique. En effet, il s’agit là d’un phé-nomène difficilement réversible qui remet en question un modèle de développement devenu insoutenable. L’événement anthropocène: la Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 320 pages, CHF 27.90. iSBn 978-2-02113-50-08

Comestibles

carottes à trois pattes chez coopSous le label «Ünique», coop propose dans son as-sortiment des fruits et des légumes qui, visuellement, ne correspondent pas aux normes habituelles, mais qui sont propres à la consommation – par exemple, des fruits abîmés par la grêle ou des légumes auxquels les caprices de la nature ont donné des formes singu-lières. La réaction de la clientèle est positive et em-pêche que des denrées alimentaires dont l’aspect ex-térieur présente des défauts ne soient jetées alors que leur goût n’est pas affecté.

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71Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

À lire

océans – la grande alarme

Callum Roberts à propos du plus vaste biotope de la planète et

pourquoi il est en danger

nous commençons seulement à comprendre véritablement l’in-croyable diversité de l’écosystème marin. Au siècle dernier, la domi-nation de l’homme sur la nature a fini par s’étendre aux océans. nous les vidons de leur substance en exploitant leurs ressources halieutiques et, en contrepartie, y déversons nos polluants. L’exploi-tation minière sous-marine menace de bouleverser la vie d’in-nombrables plantes et animaux. Le réchauffement climatique a déjà fait disparaître un quart des coraux de la planète. Dans ce livre percutant, le biologiste marin callum Roberts décrit la richesse des océans et leur transformation, et il appelle à mettre fin à leur destruction.Traduit de l’américain par Thierry Piélat, Paris, Flammarion, 2013, 491 pages, CHF 41.80. iSBn 978-2-08125-77-64

À lire

En voiture Simone! comprendre

l’énergie griseLe best-seller de Lucien Willemin

crée une première en Suisse!

ce petit livre rencontre un francs succès (déjà 1500 exemplaires vendus) et a convaincu le gouver-nement neuchâtelois d’introduire la notion d’«énergie grise» au sein de la taxe automobile, une première.

Lucien Willemin développe une réflexion hors norme qui nous amène à une vision de la voiture bien différente de celle promul-guée par les programmes poli-tiques et les publicités en matière d’écologie. il nous apprend qu’une ancienne 4x4 pollue moins qu’une hybride neuve, que le nombre de pièces nécessaires pour fabriquer une auto est verti-gineux, qu’un parc automobile usagé est un bienfait pour l’emploi et qu’un acte écologique cohérent serait de stopper l’importation de véhicules neufs durant cinq ans. une nouvelle dimension envi-ronnementale et sociale qui perturbera bien des idées reçues!Avec des illustrations de mix & remix, Le Locle, Éditions G d’Encre, 2013, 48 pages, CHF 12.00. Disponible en librairie et sur www.lachaussurerouge.ch. iSBn 978-2-940501-22-09

À lire

La mystique de la croissance

Rompre avec l’obsession de la croissance et redonner du sens à

l’existence – c’est ce que nous propose la philosophe et sociologue

Dominique Méda.

Tous les voyants sont au rouge. que faut-il de plus? En dépit de tous des effets pervers qu’elle n’a cessé de susciter, la croyance aveugle dans les effets bénéfiques du progrès reste de mise. nous avons trop longtemps confondu la croissance avec le bien-être. Au point d’en occulter les consé-quences environnementales désas-treuses qui menacent, à long terme, le fragile équilibre entre les réalisations humaines et la nature.

Tout a commencé avec la ré-volution industrielle au XViiie siècle... Exaltée par le libéralisme – qui se transformera en un néoli-béralisme sans frein au XXe siècle –, cette «mystique de la crois-sance», course effrénée à la pro-ductivité, a laissé des traces indé-lébiles sur notre environnement et bouleversé le tissu social et éco-nomique de notre monde. Domi-nique méda propose une reconver-sion écologique pour sortir de cette impasse.Paris, Flammarion, 2013, 272 pages, CHF 29.70. iSBn 978-2-08129-91-77

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72Magazine GreenpeaceNo 4 — 2013

Entreprised’extraction de

gaz naturel russe

EnjambéeBlessure

d'untissu

Téhéranen est lacapitale

Fauteuilde cuir

des années 1930

Quel paysse dépeuple

actuellement?

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Gagnez l’un des 3 nichoirs à abeilles sauvages à suspendre au mur, au balcon ou au jardin Le nichoir de Bioterra a été amélioré en collaboration avec Wildbee.ch. il offre aux abeilles sauvages qui vivent dans des cavités des possibilités de nidification optimales. Envoyez la solution jusqu’au 31 janvier 2014 par courriel à [email protected] ou par voie postale à Greenpeace Suisse, rédaction magazine, mots fléchés écolos, case postale, 8031 Zurich. La date du timbre postal ou de réception du courriel fait foi. La voie juridique est exclue. il ne sera entretenu aucune correspondance.

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AZB8031 Zürich

OUI àFAIF *

Votation du 9 février 2014Greenpeace recommande:

* Financement et aménagement de l’infrastructure ferroviaire

Les véhicules motorisés occasionnent 40% de nos rejets de CO2. Le train est l’alternative la plus écologique. Or le réseau ferroviaire atteint ses limites.Avec des partenaires comme Greenpeace, ATE Association trans-ports et environnement lutte pour garantir le passage de la route à la voie ferrée dans les années à venir.

Votez OUI le 9 février!OUI à FAIF et OUI à une protection active du climat.