Greenpeace Magazine 2013/02

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1 Magazine Greenpeace No 2 — 2013 Miel des villes: quand les abeilles s’urbanisent p. 49 40 ans ça suffit: Signez la pétition! p. 10 Écoguerriers mais pacifistes p. 11 Les chalutiers géants, colosses des mers p. 25 LED, la lumière de demain p. 30 Les risques de la géo-ingénierie p. 39 GREENPEACE MEMBER 2013, Nº  2

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1Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

— Miel des villes: quand les abeilles s’urbanisent p. 49

40 ans ça suffit: Signez la pétition! p. 10Écoguerriers mais pacifistes p. 11Les chalutiers géants, colosses des mers p. 25LED, la lumière de demain p. 30Les risques de la géo-ingénierie p. 39

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éditorial — Le temps des belles déclarations écologiques sans suite serait-il enfin révolu? La léthargie, l’hésitation se changerait-elle en activité? Ce constat optimiste est peut-être prématuré. Mais la nouvelle édition du magazine Greenpeace reflète tout un univers d’activités, à petite ou grande échelle, dans les contextes les plus variés.

L’hésitation, un sentiment que ne connaissent pas les «écoguerriers» de notre série de portraits (pages 11–19). Leurs modes d’action ludiques et percutants créent une grande visibilité pour les causes défendues. Allana Beltran se déguise en ange gardien et lance un signal contre le déboise-ment des forêts de Tasmanie. Le groupe 350.org compose des images frappantes contre le changement climatique, avec des milliers de personnes du monde entier.

L’apiculture en milieu urbain redonne ses droits à la nature dans les villes. L’apicultrice Helena Greter évoque ses six colonies et les particularités des abeilles des villes (pages 49–59). Toits, balcons et arrière-cours sont devenus le point de chute de toute une population bourdonnante: la protection de l’environnement à l’échelle du microcosme.

Une démarche qui relève au contraire de l’échelle macroscopique est la géo-ingénierie. Pour les uns, cette tech-nique d’intervention dans les processus naturels est la solution aux problèmes environnementaux. D’autres y voient plutôt une dangereuse manipulation de la planète. Nous revenons sur l’expérimentation de la géo-ingénierie et évoquons les conflits potentiels liés à cette technique en compagnie de l’his-torien des sciences James Fleming (pages 39–48).

Mais le quotidien est aussi fait d’actions peu spec-taculaires: installations énergétiques écologiques, production alimentaire biologique, etc. La lutte pour l’environnement sous ses multiples formes est notre vision à toutes et à tous, pour une planète capable de préserver la vie dans toute sa diversité.

La rédaction

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Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Portraits Écoguerriers: 11

des actions spectaculaires pointent le désastre environnemental

arrière-plan glaces en DispariTion: 20 des micro-organismes champions de la survie en Arctique

infographie cHaluTiers gÉanTs: 25 le pillage des mers par les usines flottantes

efficacité leD:

30 une source de lumière porteuse d’avenir

Savoir gÉo-ingÉnierie: 39 les apprentis sorciers jouent avec le climat

Photoreportage aBeilles Des villes: 49 de meilleures conditions qu’à la campagne

entretiensJAMES FLEMiNG, HiSTor iEN DES SCiENCES, SUr LES DANGEr S DE LA GÉo-iNGÉNiEr iE 46

Pr ÉSiDENT DE L’ASSoCiATioN DES APiCULTEUr S DES DEUx BâLE: LE CLiMAT Ur BAiN iNFLUE SUr LE DÉvELoPPEMENT DES ABEiLLES 60

UN LAUr ÉAT DU Pr ix WATT D’or NoUS PAr LE DE L’UTiLiTÉ DU CoUr S DE L’ENErGy ACADEMy 64

DEr Nièr ES voLoNTÉS: UNE NoU vELLE CoLLABor ATioN ENTr E Gr EENPEACE ET HABiTATDUr ABLE 66

Tournant énergétiqueLES CoûTS DU rENoUvELABLE BAiSSEroNT 37

en action 2Le mot de la direction 10La carte 40Campagnes 61Brèves 65mots fléchés écolos 72

MENTioNS LÉGALES – greenpeace MeMBer 2/2013Éditeur / adresse de la rédactionGreenpeace Suisse, Heinrichstrasse 147, case postale, 8031 ZurichTéléphone 044 447 41 41, téléfax 044 447 41 99 [email protected], www.greenpeace.chChangements d’adresse: [email protected]

Équipe de rédaction: Tanja Keller (responsable), Matthias Wyssmann, Hina Struever, roland Falk, Marc rüegger Auteurs: Peter Balwin, Markus Brupbacher, Thomas Diener, roland Falk, Urs Fitze, Bruno Heinzer, Heini Lüthi, Samuel Schlaef li, David Torcasso, rita TorcassoPhotographes: Francesco Alesi, Sandro Bäbler, Eric Conway, C. Dieckmann, Anne Gabriel-Jürgens, Heike Grasser, Noriko Hayashi, imke Lass, Linus Meyer, Matthew Newton, Marcel Nicolaus, Sonja ruckstuhl, Hannah Thonet, Spencer Tunick, Marc WetliTraduction en français: Nicole viaud et Karin vogtMaquette: Hubertus DesignImpression: Stämpf li Publikationen SA, BernePapier couverture et intérieur: 100% recycléTirage: 113  500 en allemand, 21  500 en françaisParution: quatre fois par annéeLe magazine Greenpeace est adressé à tous les adhérents (cotisation annuelle à partir de CHF 72.—). il peut ref léter des opinions qui divergent des positions officielles de Greenpeace.

Pour des raisons de lisibilité, nous renonçons à mentionner systématiquement les deux sexes dans les textes du magazine. La forme masculine désigne implicitement les personnes des deux sexes.

Dons: compte postal 80-6222-8Dons en ligne: www.greenpeace.ch/donsDons par SMS: envoyer GP et le montant en francs au 488 (par exemple, pour donner CHF 10.—: GP 10)

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Tokyo, 10 mars 2013 Deux ans après Fukushima Peu de temps avant le deuxième anniversaire de Fukushima, des milliers d’opposants au nucléaire et de militants de Greenpeace marchent en direction du Parlement japonais pour demander au gouvernement de renoncer au nucléaire. mais le gouvernement reste sourd à ce message et prévoit de relancer son programme nucléaire.

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rome, 6 décembre 2012 marche mortuaire120 militants Greenpeace commémorent le cinquante-naire de la société nationale italienne d’électricité enel. ils portent des centaines de silhouettes de victimes pour symboliser les décès provoqués chaque année par les centrales à charbon.

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Suède, 6 février 2013 Donner une voix aux sans-voixDans des costumes de poissons et d’ours polaires, des militants manifestent devant l’hôtel de glace de Juk kasjärvi, où siège le Conseil arctique. Par cette action, Greenpeace veut inciter les ministres de l’environ-nement à interdire les forages pétroliers en arctique.

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Zurich, 13 février 2013 avertissement à la migros Devant le siège de la migros, des militants appellent le distributeur à exclure les toxiques de sa production de vêtements. Des tests de Greenpeace ont décelé de forts taux de polluants dans divers habits, et notam-ment dans une veste pour enfants.

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10Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Le mot de la direction

g comme global

Le géant orange se dit «M comme meilleur», mais ceci ne vaut pas forcément pour l’écologie. La Migros se refuse à signer une con vention avec Greenpeace. Au lieu de suivre l’exemple de 17 grandes marques mon-diales et d’adhér er aux objectifs contrai-gnants de l’en gagement «Detox» de Green-peace, le distributeur préfère développer son propre label. Une démarche en solitaire qui ne garantit pas suffisamment un mode de production respectueux des populations et de l’environnement dans les pays pro-ducteurs. Une attitude qui nous attriste. Mais Greenpeace aussi a des atouts en forme de M: «Markus» et «Mühlberger», prénom et nom de famille de la codirection de Greenpeace!

La tristesse n’est pourtant pas de mise. Les études sur le bonheur relativisent l’importance du statut matériel et de la pos-session pour le bien-être. L’hebdomadaire allemand Die Zeit confirmait récemment que l’être est plus satisfaisant que l’avoir. La qualité des relations sociales et de l’équilibre de vie est plus importante que le salaire copieux d’un travail qui n’est pas satisfaisant sur le plan personnel. Constat confirmé chaque jour chez Greenpeace. Notre quoti-dien est axé sur l’être: travail de recherche, de rédaction, d’argumentation, de composi-tion, de confrontation. on voit même des campagnes que les responsables continuent de diriger par téléphone et ordinateur por-table, malgré une grippe qui les cloue au lit… C’est donc un engagement de toute la per-sonne. Qui inclut également le risque d’être traîné en justice. Car sans statut et posses-sions à défendre, on est plus heureux, mais aussi plus courageux.

Le géant orange aura peut-être accepté notre engagement «Detox» lorsque nous mettrons sous presse. Nous l’espérons, au nom des populations des pays producteurs. En tout état de cause, Greenpeace conti-nuera de mener des campagnes globales concertées pour que les «chaînes de saleté ajoutée» deviennent enfin des chaînes de valeur ajoutée. Nous réorientons actuel-lement nos processus de travail pour nous armer encore mieux face à une économie mondialisée. Notre slogan: Greenpeace – G comme global. Le M orange n’a qu’à bien se tenir.

Markus Allemann et verena Mühlberger, co-direction de Greenpeace.

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PS: Nous appelons le Conseil fédéral et le Parlement à planifier que la Suisse sorte du nucléaire, en fixant à 40 ans la durée de fonctionnement maximale des centrales. Signez la pétition sur www.greenpeace.org/switzerland/petition-40-ans

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11Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Des militants créatifs savent comment sensibiliser l’opinion publique. L’Américaine Whitney Black estomaque le public avec d’étranges boules de survie. L’Australienne Allana Beltran

manifeste contre la déforestation en Tasmanie en se faisant hisser sur une plate-forme à 45 mètres du sol, affublée d’ailes. La Française Cécile Lecomte grimpe sur les toits des immeubles

de Francfort «pour tourner en ridicule le capitalisme». Le groupe 350.org, enfin, attire l’attention sur le réchauffement climatique croissant au moyen de manifestations spectaculaires.

La vie de ces agitateurs est un roman d’aventures des plus palpitants.

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Photo: la grotesque boule de survie des Yes men devant le pont de Brooklyn à New York.«Des millions de personnes ont déjà vu notre symbole de la bêtise», commente Whitney Black, commandante en chef de SurvivaBall.

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12Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

«Terroriser le monde avec un militantisme satirique», tel est le but de Whitney Black (ci-dessus, à droite).

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13Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Par rita Torcasso — «Je ne sais pas ce qui était le plus fou: avoir rêvé de sensibiliser les gens au changement climatique au moyen de l’humour ou avoir trouvé une possibilité de le faire!» C’est ainsi que Whitney Black décrit ses débuts de militante auprès des yes Men – les «béni- oui-oui». Elle avait entendu parler d’eux par un courriel dans lequel ils vantaient, au nom du géant de l’énergie Halliburton, leur «Surviva-Ball», un «habitacle de survie pour une per-sonne» comme solution à toutes sortes de catas-trophes. Les yes Men, ce sont Jacques Servin et igor vamos qui, sous les noms d’Andy Bichlbaum et de Mike Bonanno, ridiculisent les multinationales et les politiciens. «Le fait de découvrir qu’il y avait d’autres gens qui souhai-taient s’atta quer au problème du climat au moyen de l’humour m’a énormément réconfor-tée», explique la jeune femme, qui a étudié les sciences de l’en vironnement. «Pourquoi ne pourrait-on pas sauver le monde en s’amusant? Les campagnes qui nous culpabilisent en nous montrant de sinistres visions d’apocalypse sont complètement ringardes – et inefficaces.»

Après avoir terminé ses études, Whitney Black commence à travailler auprès des yes Men en tant que «commandante en chef des Surviva-Balls». «Terroriser le monde avec un militan-tisme satirique», tel est son ambitieux projet. Manifester sous la forme d’un ballon de 1,8 m de diamètre dédramatise la situation, car tout ce qui gêne, un ballon par exemple, on l’envoie valser. «Je n’ai jamais été plus relax, car j’ai ma boule de survie», déclare-t-elle dans un spot télévisé. Elle teste son efficacité lors d’une première grande action visant les politiciens réu-nis au Sommet climatique de New york. Au son de l’hymne martial I Will Survive, 25 boules dansent sur les bords de l’East river, juste au pied du bâtiment de l’oNU. Les vedettes de la police et des hélicoptères mettent fin à cette

manifestation pacifique et Andy Bichlbaum est arrêté. «Pour les yes Men, une telle arresta-tion n’est pas un drame, c’est un véritable ca-deau», commente la militante. Car toutes les grandes chaînes de Tv en parlent. Des millions de personnes ont vu notre symbole de la bêtise – voilà de quoi nous aurons l’air si nous n’interve-nons pas maintenant contre le changement climatique.

La comédienne, qui utilise aussi son «gène satirique» pour des parodies, décide alors de s’at-taquer à la Chambre du commerce américaine. Lors d’une conférence de presse, la plus puissante organisation de lobbying du monde annonce qu’elle soutient la promulgation rapide d’une loi sur le climat ainsi qu’un impôt écologique. L’agence reuters diffuse l’information. Lorsque l’on découvre qu’il s’agit d’un canular, la nou-velle est déjà dans toute la presse. La Chambre du commerce porte plainte pour atteinte à sa réputation et le tribunal ordonne aux yes Men de détruire tous les documents filmés. ils ri-postent en les publiant sur le web, où les inter-nautes peuvent les télécharger, accompagnés du slogan: «Les yes Men régissent le monde.» Avec ces parodies, le groupe démasque la soif de pouvoir et la cupidité. Aujourd’hui, avec yes Lab, ils gèrent une plate-forme ouverte proposant des instruments pour des actions à l’échelle planétaire. «Les dons n’ont aucune influence sur le choix de ceux que nous dénonçons», souligne Whitney Black. Avec les boules de survie, elle a manifesté au Sommet climatique de Copenhague et devant le Capitole à Washington. «En fait, je déteste ces boules et je ne voudrais jamais être obligée de vivre dans un truc pareil», ajoute- t-elle. En 2010, les SurvivaBalls ont fait le tour du monde. La spécialiste de l’environnement est restée à New york et, depuis, cherche de nou-velles stratégies pour agir contre le changement climatique.

Whitney Black, 27 ans, comédienne du climat

L’humour noir contre le changement climatique

Résoudre les problèmes de ce monde en recourant à la satire bouffonne: Whitney Black a commencé à concrétiser cette idée géniale auprès des Yes Men – avec des boules de survie contre

les catastrophes climatiques.

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14Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Par rita Torcasso — Avec sa longue tunique blanche, ses ailes déployées que le vent caresse doucement, cet ange est une image de conte de fées. Pourtant, à ses pieds, une banderole pro-clame: «Cessez d’abattre des arbres dans la vallée de Weld!» initialement, Allana Beltran s’était rendue en Tasmanie pour y trouver de l’inspiration, car quelques mois plus tard, sa première exposition personnelle devait s’ouvrir à Sydney. «Je voulais saisir la magie de cette contrée sauvage, mais c’est elle qui s’est em-parée de moi», explique-t-elle. Nulle part ailleurs dans le monde, elle n’avait vécu une telle expé-rience: voir comment «chaque organisme fait partie d’un tout relié à tout et dépendant de tout». Elle est alors restée comme militante au camp de protestation dressé à l’entrée de la vallée de Weld. Durant six mois, elle a grimpé tous les jours à l’aube sur des plates-formes à 45 mètres de haut avec les autres afin de faire un rempart de son corps pour sauver ces arbres. «Nous sommes les seuls à pouvoir em-pêcher les coupes rases.»

Au printemps 2007, la police détruit le camp –  l’un des nombreux camps dans la forêt vierge de Tasmanie. Allana Beltran filme sa destruction et la résistance des militants, met en ligne des photos sur le web et alerte les médias. Le 29 avril, à cinq heures du matin, elle monte sur le trépied géant de dix mètres de haut dressé sur la route qui mène à la vallée. Toute vêtue de blanc et munie de deux amples ailes, elle incarne l’ange de Weld. Arrivée sur les lieux, la police lui in-time de descendre, la menaçant de deux ans de pri son. Mais l’ange reste imperturbable. Fina-lement, les policiers iront le déloger de son per-choir à l’aide d’une grue. «Mais l’histoire de l’ange ne faisait que commencer», raconte l’artiste. Cette intervention spectaculaire lui a valu une action en dommages et intérêts de 10 000 dollars australiens.

L’ange de Weld est devenu le symbole de la lutte contre la destruction des forêts primaires. Pour l’artiste, il représente également une période de bonheur. Dans la forêt, elle était tombée amoureuse du militant Ben Morrow. Mais quelques mois après cette action, ce dernier sera atteint d’un cancer et décédera à l’âge de 33 ans. Ses dernières paroles auront été les suivantes: «Dans la forêt, nous resterons toujours unis.» Allana Beltran continue de lutter au moyen de l’art contre la destruction des forêts primaires – et elle a gagné son procès.Les nombreuses campagnes et manifestations contre la déforestation commencent à produire des effets. En 2009, la plainte du géant du bois Gunn Ltd., au moyen de laquelle le groupe voulait faire taire des militants en 2004 et exigeait 6,8 millions de dollars de dommages et intérêts, est rejetée. En 2010, l’entreprise cesse les coupes dans la forêt vierge de Tasmanie, mais exploite le sol défriché en y pratiquant de la monoculture. il ne reste plus que 20% de la forêt primaire située en dehors du parc na-tional. Les arbres que l’ange de Weld avait essayé de protéger en montant la garde ont été abat tus. Et Allana Beltran de conclure: «il est resté un noyau magique de cette forêt qui remonte à des temps immémoriaux. il n’est pas protégé, et pourtant, il est inatteignable.»

allana Beltran, 27 ans, artiste, australie

Un ange pour arrêter la déforestationL’ange trône, imperturbable, devant de majestueuses couronnes d’arbres. Avec cet ange, l’artiste

australienne Allana Beltran a créé un symbole contre la destruction des forêts primaires.

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allana Beltran, l’ange gardien des forêts de Tasmanie:«il est resté un noyau magique, inatteignable.»

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Global Power Shift est un succès pour 350.org.350 ppm est la concentration de Co2 dans l’atmosphère qu’il ne faudrait pas dépasser.

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17Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Par rita Torcasso — Le 24 octobre 2009 a eu lieu la première journée d’action mondiale contre le changement climatique – avec 5200 manifes-tations dans 180 pays. «Ce jour-là, le rêve au-quel j’avais consacré presque deux années de travail s’est réalisé», déclare Jamie Henn. il décrit le développement qui l’a logiquement conduit à devenir un «militant du climat global». Pendant ses études au lycée, il travaille comme bénévole dans des soupes populaires. À l’Uni-versité de Middlebury, dans le vermont, il orga-nise avec cinq amis des manifestations contre le changement climatique. Son premier grand coup, alors qu’il est étudiant en histoire, sera la Journée de l’environnement «Step it up», organisée dans 50 États américains. Mais il vou-lait faire mieux.

En 2008, avec ses cinq amis de l’université et le journaliste de l’environnement Bill McKlib-ben, il fonde 350.org. Le chiffre 350 renvoie à la concentration de Co2 en ppm (parties par mil-lion) dans l’atmosphère qui, selon une étude réa-lisée par l’expert en matière de climat James Hansen, ne devrait pas être dépassée pour que notre niveau de développement reste soute-nable. Henn fait de ce chiffre le sigle du groupe qui veut «secouer le monde pour le réveiller». il se charge de l’Asie orientale. «Chaque jour, je m’activais dans mon bureau sans fenêtre de San Francisco, envoyant des courriels et plani fiant des campagnes», explique ce militant du web qui est également chargé des relations publiques. Un réseau de militants commence à se tisser à l’échelle planétaire.Après une année et demie d’efforts, l’objectif est atteint: des milliers de photos de manifesta-tions contre le changement climatique arrivent à San Francisco. «En un seul jour, nous avions apporté la preuve que l’affirmation selon laquelle le mouvement climatique n’intéressait que les blancs et les riches en Europe et en Amérique du

Nord était nulle», explique Jamie Henn. 350.org remporte le jackpot: l’événement fait la une dans les médias du monde entier. «Pour moi, c’était comme si chacune des personnes qui y avaient participé nous tendait la main sur ces photos.» Le groupe récolte un demi-million de dollars de dons pour se rendre au Sommet de Copenhague avec ces photos et 50 organisa-teurs de l’hémisphère sud. Pourtant, seuls 117 des pays les plus pauvres et les plus fortement touchés par le changement climatique adoptent l’objectif des 350 ppm. «Ce n’étaient pas les bons, commente Henn. Mais nous avons pu au moins apporter notre soutien à tous ceux qui s’étaient révoltés contre les grandes puissances.»Alpiniste passionné, Jamie Henn pratique l’escalade en solo intégral. Car il faut de l’endu-rance: en 2010, 350.org lance une Global Work Party; en 2011 suit la troisième Journée d’action mondiale et, en 2012, une journée sur les consé-quences du changement climatique. En trois ans, le mouvement organise 20 000 manifesta-tions. Le directeur de la communication, qui est aujourd’hui soutenu dans son travail de rela-tions publiques par douze militants de tous les continents, souligne qu’il n’est pas un utopiste. Son slogan pour le spot publicitaire?

«350: parce que le monde doit comprendre ce qui se passe!» Fin 2012, une concentration de Co2 de 400 ppm est mesurée pour la première fois aux États-Unis. Les militants lancent une nouvelle vague de manifestations. «Avec Global Power Shift (changement de pouvoir mondial), nous voulons que le mouvement cli matique mondial coopère activement. Car, pour arriver à des émissions de Co2 inférieures à 350 ppm, il faut que le monde se transforme radica lement.»

Jamie Henn, 27 ans, cofondateur de 350.org

Quand un chiffre remporte le jackpot des médias

Depuis cinq ans, Jamie Henn organise des manifestations contre le changement climatique. Le groupe 350.org est devenu un mouvement international soutenu par

un million de personnes.

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18Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Par David Torcasso — Les policiers sont perplexes. ils avaient fait une reconnaissance en hélicop-tère du parcours du convoi à destination de rot-terdam. Sur l’écran thermique, ils n’avaient repéré qu’une personne – rien à craindre donc. or, voilà que le train qui transporte des maté-riaux radioactifs est immobilisé. À dix mètres de haut, une femme est suspendue au-dessus des rails – il s’agit de Cécile Lecomte. Les poli-ciers ne sont pas équipés pour l’escalade. il leur faudra six heures pour récupérer la jeune femme. Cette action spectaculaire, divulguée par les médias en 2008, a fait connaître la militante écologique.

«Pour moi, le plaisir, la liberté et la politique vont de pair avec l’escalade», explique celle que ses amis ont surnommée «l’écureuil». L’énergie nucléaire l’intéresse depuis qu’elle a passé une année en Allemagne dans le cadre du projet Érasme. À l’époque, elle étudiait la gestion d’entreprise. «J’ai vite compris l’importance cru-ciale de la croissance: l’économie doit ralentir au plus vite, sinon nous allons dans le mur.» Cécile Lecomte préfère les actes aux discours: «Avec ce que je sais faire le mieux, grimper.» Elle a ainsi vécu plusieurs mois dans les arbres pour manifester contre le bruit des avions, s’est étendue dans la pelle d’une excavatrice lors de la manifestation contre le projet Stuttgart 21; elle a empêché des défilés de nazis et des transports Castor au moyen d’actions de des-cente en rappel et a réussi à «danser sur le capi-talisme», comme elle dit, en escaladant un gratte-ciel à Francfort. La tâche est difficile – mais la militante persévère. «Les gens critiquent sans arrêt la société, mais ne font rien pour l’améliorer.» Alors que chacun pourrait s’enga-ger en faveur de l’environnement en utilisant ses talents particuliers. Son combat pour l’environnement est souvent exigeant: Cécile Lecomte a déjà passé «plus

d’une centaine d’heures» en prison. À cause de ses «actions perturbatrices», elle est surveil-lée par la police et doit se présenter presque chaque semaine devant le juge. Elle a dû renon-cer à sa carrière d’enseignante. Son engagement n’a pas été toléré par les autorités scolaires. Un jour, la police avait fait irruption dans sa classe.La «grimpeuse militante» pratique la résistance politique au moyen de mises en scène à fort impact médiatique. «J’aimerais réveiller les gens. Les médias sont un moyen d’y parvenir.» Et de fait, beaucoup de gens apprécient son enga-gement infatigable et l’aident à titre bénévole, tels les avocats qui la défendent ou ceux qui lui apportent un thermos de thé quand elle est au sommet d’un arbre. Ce qui fait la force du mou-vement antinucléaire, c’est la diversité des engagements. Et d’ajouter: «La créativité est une arme efficace!»

Cécile Lecomte donne l’exemple. Quand elle ne grimpe pas, elle fait des recherches sur les projets de construction de centrales nucléaires ou de lignes à haute tension, réalise des émis-sions pour la radio et des traductions, donne des conférences sur la politique nucléaire. En de-hors de ce gagne-pain, elle reçoit une aide de la Bewegungsstiftung à verden, qui soutient des projets sociaux en faveur de l’écologie et des droits de l’homme. La militante se contente de peu. Elle habite dans un wagon mis au rancart à Lüneburg. Souvent, elle part «faire les contai-ners»: pour protester contre la société de consommation, elle collecte des aliments jetés dans les bennes à ordures des supermarchés. Et le portable sur lequel elle écrit un livre sur ses activités est alimenté par des panneaux solaires.

Cécile Lecomte, 32 ans, Lüneburg (De), la grimpeuse militante

Un écureuil qui mène les autorités par le bout du nez

La militante écologiste Cécile Lecomte escalade des gratte-ciel et paralyse le transport de déchets nucléaires. Cette ex-championne française d’alpinisme s’engage corps et âme dans la résistance politique.

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Cécile Lecomte, suspendue la tête en bas, dans sa maison- wagon: «J’aimerais réveiller les gens.»

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Petites par la taille, mais grandes par l’importance, ces algues se développent dans l’eau douce, l’eau salée et la banquise. Ces organismes minuscules emmagasinent du carbone

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Chaque octobre, depuis des temps immémo-riaux, la surface de l’océan du pôle Nord se couvre de glace. D’abord les baies et les fjords protégés du vent, puis l’océan Arctique. La couverture de glace croît rapidement, gagnant chaque jour en étendue et en épaisseur. La banquise atteint son extension maximale au mois de mars, avant de commencer à fondre au début du bref printemps arctique. Au centre de l’océan Glacial subsiste une croûte de glace qui résiste à la fonte estivale.

Ce cycle de fonte et de gel rythme l’océan Arctique depuis plus de 45 millions d’années. Les organismes marins et terrestres de l’Arctique – ours polaires, phoques, algues ou cétacés – ont su s’adapter à ces conditions très particulières, tout comme les populations autoch tones inuits, Dol-ganes, Evenks, Nénètses, Tchouktches et autres.

L’océan recouvert de glace jusqu’à neuf mois par année est une réalité marquante de la vie dans le Grand Nord. D’où les mythes et les récits qui permettent parfois de retracer l’histoire de la glace sur un millénaire, comme en islande. Les peuples autochtones russes vivant au bord de la mer de Barents gardent une trace écrite de l’évo-

lution des saisons depuis 500 ans, les peuples de l’ouest du Groenland et du Labrador canadien, depuis 250 ans.

Avec la quête du pôle Nord, de passages, de zones de chasse à la baleine et de nouvelles terres à partir du xvie siècle, on assiste à l’éla-boration de cartes de l’océan Arctique et à la découverte de la banquise par les habitants de l’Europe continentale.

«Quand le vent se lève, les vagues battent la banquise comme des rochers, et la glace fra-casse les bateaux», note le barbier Friderich Mar-tens à bord d’un navire hambourgeois en 1671. Nombreux sont les récits de l’époque sur les na-vires pris dans la banquise et entraînés par la dérive arctique durant des jours et des mois, puis écrasés par les éléments. L’équipage ne sauve souvent que sa propre peau, parfois un canot et un vieux fusil à grenaille, et se retrouve à la merci de la banquise flottante, des rides et des chenaux d’eau libre avant de parvenir à trouver le chemin vers le Sud. Le destin de ces aven-turiers frappe les esprits de l’époque: la banquise de l’océan Arctique est perçue comme un envi-ronnement hostile et mortifère.

les MysTères De la

BanQuiseLa banquise de l’Arctique fond, un peu plus et un peu plus vite chaque année. Les glaces pérennes survivant à plusieurs saisons estivales sont de plus en plus rares. Les microor ganismes comme les algues réalisent la prouesse de survivre dans les glaces.

Par Peter Balwin

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Au xixe siècle, des scientifiques com-mencent à s’intéresser à la banquise de l’Arc-tique. Chasseurs de baleines, explorateurs et autres voyageurs dans le Grand Nord rapportent leurs récits sur les étendues de glace, les courants océaniques et les particularités de ce désert blanc. Des débris échoués sur les côtes du Groen-land donnent alors lieu à une expédition témé-raire à la découverte de la banquise.

La dérive des glacesAvant son départ en expédition marine

dans la banquise, Louis P. Noros, matelot améri-cain, marque son équipement polaire de son nom. il ne sait pas encore que son pantalon hui-lé servira, quelques années plus tard, à prou ver l’existence de la dérive arctique. Trois ans après le naufrage de la «Jeannette» en juin 1881, près des îles de Nouvelle-Sibérie, le sort de l’expédition de George W. DeLong dans l’océan Glacial était oublié: son navire broyé par la banquise, les membres de son équipage naufra-gés et morts de faim pour la plupart.

À Julianehåb, ville aujourd’hui nommée Qaqortoq, dans le sud-ouest du Groenland, le bref automne arctique de 1884 vient juste de commencer. Au bord de la mer, quelques inuits découvrent des débris qu’ils remettent au gou-verneur danois: une caisse de provisions avec une liste d’aliments signée par George W. DeLong, et les pantalons imperméables du matelot Louis P. Noros.

Comment ces objets provenant de la «Jean-nette» ont-ils pu se retrouver à 4600 km à vol d’oiseau du lieu du naufrage? Les uns crient à l’imposture, tandis que d’autres y voient la preuve de la dérive de la banquise de l’océan Arc-tique. Le journal Morgenbladet publie un en-trefilet sur l’affaire, qui retiendra l’attention du

chercheur polaire norvégien Fridtjof Nansen. Un éclair lui traverse l’esprit: «Si la banquise peut traverser l’inconnu, cette dérive doit aussi pou-voir servir à la science», écrira-t-il plus tard dans son rapport d’expédition en trois volumes. Fridtjof Nansen fait construire le «Fram» pour rejoindre les Îles de Nouvelle-Sibérie, lieu du naufrage de la «Jeannette». En septembre 1893, il se laisse intentionnellement prendre dans la banquise, en pensant qu’elle le transporterait vers le Groenland en passant par le pôle Nord. Le «Fram» restera bloqué plus de 1000 jours dans la banquise. En août 1896, le bateau retrouve la mer ouverte près du Spitzberg. il n’est toutefois pas passé près du pôle Nord, mais l’a contourné dans le sens des aiguilles d’une montre. Une découverte qui révolutionnera la recherche sur la banquise, avec les autres observations scien-tifiques réalisées à bord du «Fram».

La banquise et les phénomènes qui y sont liés sont aujourd’hui bien connus, grâce à Fridtjof Nansen et aux nombreux chercheurs qui l’ont suivi. Mais la fascination que suscite la glace arctique est intacte.

Un désert blanc plein de vieLa formation de la banquise reste un proces-

sus passionnant. Dès que la température de l’eau de surface tombe au-dessous de —1,8° C, les particules d’eau douce présentes dans l’eau de mer se mettent à geler. Elles forment des cristaux qui viennent modifier la viscosité de l’eau. Une «soupe» de glace épaisse de plusieurs déci-mètres recouvre alors la mer. Les composants salés de l’eau, qui ne peuvent pas geler, sont comprimés en saumure et constituent un laby-rinthe de petits canaux à l’intérieur de la glace. Ce réseau de canaux peut constituer plus de 30% du volume de la glace polaire. L’hiver, la

Le naufrage du voilier «Jeannette» en 1881: des fragments ont dérivé sur 4600 kilomètres avec la banquise.

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Un système de covariance des turbulences sous la banquise: ces capteurs sont installés par les biogéochi-mistes sur chaque station.

Partie inférieure très déformée de la banquise: les repères de mesure visibles correspondent à un mètre.

température dans ces espaces creux s’abaisse jusqu’à —20° C. La concentration de sel y sera six fois plus élevée que celle de l’eau de mer. Pourtant ces canaux de saumure contiennent de la vie! De minuscules organismes parviennent à survivre dans ce monde obscur. Algues, virus, bactéries et champignons s’adaptent à ces conditions pourtant extrêmes.

on y trouve des organismes unicellulaires ou pluricellulaires (protozoaires et métazoaires) aux appellations insolites: foraminifères, co pépodes, plathelminthes, rotifères, ciliés, cni-daires, polychètes. Leur taille n’est généralement que de 100 à 500 ¡um, mais certains atteignent jusqu’à 3 mm.

Toute cette peuplade trouve son espace de vie dans la glace. Les parois des canaux de saumure permettent aux algues et aux bactéries de se fixer. Des scientifiques ont estimé qu’un kilo de glace marine comprend de 0,6 à 4 m2 de parois abritant des microorganismes sympa-giques (c’est-à-dire vivant dans la glace). Et le dessous de la banquise, épaisse de 1,8 m en moyenne, permet la croissance de véritables tapis d’algues. Si la surface de la banquise est le lieu

de vie de l’ours polaire ou encore du phoque annelé qui y creuse ses tanières pour mettre bas, la couche inférieure de la glace est tout aussi animée: les algues fixées sous la croûte de glace sont le paradis de nombreuses espèces comme l’amphipode ou la jeune morue polaire. C’est de ce réservoir que se nourrissent les phoques, les oiseaux de mer et les cétacés.

Tous ces organismes vivant dans et sous la glace polaire jouent un rôle important pour la chaîne alimentaire des espèces arctiques. Si la fonte de la calotte polaire continue, ce système s’en trouvera bouleversé, avec des répercussions pour l’ours polaire, le phoque, le narval, le bélu ga ou la baleine franche du Groenland.

Une mesure pratiquée dans le détroit de Fram permet d’apprécier l’importance quantita-tive des algues dans les canaux de saumure et à la surface inférieure de la croûte de glace. La plus grande partie des glaces de l’océan Arc-tique transite par ce détroit qui sépare l’archipel de Svalbard et le Groenland. Les scientifiques chiffrent à environ 700 000 tonnes par année la biomasse des algues de glace dérivant dans l’océan Arctique par le seul détroit de Fram.

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Nouvelle vie grâce au réchauffementMais la biomasse «perdue» à l’est du Groen-

land se retrouve ailleurs. En étudiant l’eau de fonte d’une zone de banquise de l’océan Arctique, des scientifiques chinois ont récemment dé-couvert un habitat tout à fait singulier pour les algues de glace. La banquise présente en effet des étendues d’eau de fonte à sa surface pen dant l’été. La saumure ayant été rejetée sous la ban-quise au cours du processus de gel, il s’agit d’eau douce pouvant couvrir jusqu’à 80% des glaces de mer. Un phénomène bien connu des balei-niers qui s’alimentaient ainsi en eau potable dès les xvie et xviie siècles.

L’ampleur du réchauffement climatique en Arctique affaiblit l’épaisseur de la banquise pérenne et des trous se forment dans la glace. L’eau de mer qui s’introduit dans ces ouvertures présente une teneur nutritive bien plus élevée et favorise donc une forte croissance des algues. La productivité de cet écosystème sera donc nettement plus élevée, produisant plus de nour-riture pour les organismes qui y vivent.

Réchauffement global problématiqueMais les glaces pérennes ayant survécu plu-

sieurs fois à la fonte estivale sont de plus en plus rares dans l’océan Arctique. La mer devient trop chaude. En août 2012, la température de la mer de Beaufort, de la mer de Laptev ou de la mer de Kara était supérieure de 2° C à la moyenne des années 1982 à 2006. Si les encyclopédies donnent encore une étendue de 15 millions de km2 pour la banquise en hiver et de 7 millions en été, la réalité est tout autre. En mars 2012, la banquise compte bien 15,24 millions de km2. Mais en septembre, l’étendue des glaces de mer atteint un triste record avec 3,41 millions de km2, une valeur encore jamais observée au cours des décennies de surveillance satellitaire

de l’océan Arctique. La banquise intacte reflète environ 95% de la chaleur du soleil, tandis que les surfaces d’eau non couvertes absorbent ce rayonnement, un processus qui accentue encore la fonte des glaces. La période de couver-ture de neige de 2012 a d’ailleurs été la deuxième plus courte que l’Arctique ait connue. La neige et sa fonction de réflexion du rayonnement (albé-do) sont donc en diminution. Quand la cou-verture de neige décline, la banquise est directe-ment exposée au soleil et la fonte s’accélère.

À l’heure où vous lisez cet article, la grande fonte se met en route. La banquise de l’océan Arctique s’affaiblit. Le vent et les courants chassent les packs de glace qui vont diminuer à mesure que l’été s’approche. Dans quelques mois, l’océan Arctique sera largement dépourvu de glaces de mer, et la banquise risque de fondre encore plus fortement et plus rapidement que les années précédentes.

120 ans après l’expédition de Fridtjof Nansen, la banquise et les phénomènes qui y sont liés sont bien connus.

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Par Bruno Heinzer — À la fin des années 1970, les populations de harengs de la mer du Nord déclinent. Les armateurs néerlandais aujourd’hui regroupés au sein de la Pelagic Freezer-Trawler association (PFa) se mettent à la recherche de nouvelles zones de pêche. Leurs nouveaux navires frigorifiques permettent des expéditions en eaux loin-taines. Les chalutiers atteignent des zones auparavant hors de portée. La flotte de chalutiers se lance d’abord dans le nord de l’atlantique, qui s’épuise à son tour vers 1995. La pêche se tourne alors vers la côte occidentale de l’afrique, dans les eaux du Sénégal, de la Guinée, de mauritanie et du maroc. Depuis 2005, cette armada européenne forte de34 énormes navires-congélateurs s’aventure aussi au large du Chili pour remplir ses gigantesques chaluts.

en 2012, le FV margiris, l’un des plus gros navires de la PFa, dont les activités sur la côte ouest de l’afrique lui valent une triste réputation,est rebaptisé abel Tasman avant de se diriger vers l’australie et la mer de Tasman. mais Greenpeace s’oppose, avec d’autres écologistes et des petits pêcheurs locaux, à cette chasse dévastatrice au maque-reau. Les autorités saisissent le navire et l’immobilisent en australie pendant six mois.

Ces chalutiers de près de 150 m de long capturent des bancs entiers de maquereaux ou de harengs dans leur chalut. Une méthode de pêche qui ne menace pas seu lement l’espèce visée, car tous les autres poissons situés en amont de la chaîne alimentaire, s’ils ne finissent pas comme «prise accessoire» dans les chaluts, sont privés de nourriture. et les petits pêcheurs des côtes ne trouvent plus de quoi remplir leurs filets.

il n’y a plus assez de poissons dans les océans pour remplir ces «aspirateurs des mers» que sont les chalutiers géants. Depuis 1996, les captures sont en stag nation ou en baisse, malgré une augmentation des capacités mondiales de pêche. Selon l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 80% des pêcheries globales sont exploitées à saturation, surpêchées ou d’ores et déjà épuisées. La rentabilité des chalutiers géants est d’ailleurs compromise. Leur capa-cité n’est plus utilisée par manque de poissons. Ce qui n’empêche pas les collectivités de dépenser des millions pour soutenir cette indus-trie tout sauf durable.

Les chalutiers géants,véritables «aspirateursdes mers»

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Chalut: 300 à 600 m

Bateau de pêche: 19 m Pirogue de pêche d’Afrique occidentale: 14 m

Airbus A380: 73 m

FV Margiris: 142m

Embouchure du chalut: 200 m

Chiff res Les chaluts peuvent faire 600 m de long et capter 250 tonnes de pois-sons par jour. Les captures sont im-médiatement triées et surgelées à bord. Les cales des chalutiers peuvent contenir jusqu’à 6000 tonnes de poisson, permett ant à ces usines fl ott antes des expédi-tions de pêche sur plusieurs se-maines dans des régions reculées. Un bateau peut tuer 750 000 ma-quereaux en un jour, et donc plus de 20 millions par mois. en un seul coup de fi let, il peut capturer autant de poissons que 56 pirogues tra-ditionnelles de pêcheurs des côtes d’afrique occidentale en une année.

Problèmes sociauxLa fl ott e PFa opérant au large de la côte de l’afrique occidentale ruine les petits pêcheurs locaux du Séné-gal, de mauritanie, du maroc et de la Guinée. elle casse les marchés locaux en pratiquant des prix au rabais. elle mine l’économie du Sé-négal, dont la moitié de la popu-lation vit de la pêche et dont l’expor-tation de poisson est la plus importante source de devises.

Prises accessoires et autres impact s écologiques

Ces quinze dernières années, au large de la seule mauritanie, les chalutiers de l’Ue ont anéanti mam-mifères marins, thons et autres poissons carnassiers, mais aussi environ 1500 tortues de mer mena-cées d’extinct ion, plus de 18 000 raies et 60 000 requins, dont des raies manta et des requins mar-teaux menacés. C’est le carnage des prises ac cessoires. mais l’act i-vité des chalutiers décime égale-ment les animaux marins en brisant la chaîne alimentaire. quand les st ocks de maquereaux, harengs ou sardines sont réduits à néant, ce sont aussi les grands carnassiers comme les thons, requins, raies, dauphins, orques, phoques, les tor-

tues de mer et les oiseaux de mer qui se trouvent privés de nourriture.

Les armateurs – asp ect s juridiques, politiques et

économiques La fédération PFa représente trois groupes hollandais (Parlevliet & Van der Plas, Cornelis Vrolijk / Jaczon et Willem van der Zwan & Zonen). Leurs 34 usines fl ott antes batt ent pavillon néerlandais, britan-nique, français, allemand, litua nien et péruvien. Une manière de pro-fi ter des quotas de pêche, des sub-ventions et de la souplesse des lois écologiques de ces pays. PFa déclare des bénéfi ces annuels de 55 millions d’euros. mais après déduct ion des subventions di-rect es et indirect es de l’Ue, qui se montent à plus de 100 millions d’euros, le résultat est une perte an-nuelle pouvant att eindre 50 mil-lions d’euros. PFa n’est donc ni éco-logiquement ni économiquement durable. Le pillage des mers d’afrique occidentale et du Paci-fi que Sud est subventionné par l’Ue, pourtant championne au-toproclamée de l’écologie.

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Chalut: 300 à 600 m

Bateau de pêche: 19 m Pirogue de pêche d’Afrique occidentale: 14 m

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1. L’énorme chalut est ramené pour en faire une poche remplie de poissons. Cette poche est sou-levée par une grue et positionnée près de l’ouverture d’aspiration.2. Les poissons sont aspirés à l’in-térieur du bateau par une pompe de refoulement et transitent par la machine à trier.3. Les espèces non ciblées sont rejetées sans vie par-dessus bord: requins, tortues de mer, raies et dauphins menacés d’extinction.4. Un tapis roulant transporte les poissons dans un congélateur ultrarapide qui surgèle des blocs de 20 kg.

5. au bout de quelques minutes, les blocs sortent du congélateur pour être découpés.6. Les blocs sont emballés dans des cartons.7. Les paquets de poissons prêts à l’envoi sont entreposés dans un local de réfrigération pouvant contenir 6000 tonnes de poisson, jusqu’au retour au port.8. Sonars et technique satel litaire servent à localiser le prochain grand banc de poissons.

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Les diodes électroluminescentes consomment septfois moins d’énergie que les lampes à incandescence

classiques. Et le progrès de la technologieLED est aussi rapide que celui des ordinateurs.

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Par roland Falk — Au début, la clientèle était sceptique, relate Markus Bührer, 37 ans: «LED, c’est pour moi un concept d’éclairage pertinent et déterminant pour l’avenir. Mais les gens ont mis du temps à comprendre.» Depuis la fin 2012, les ampoules traditionnelles sont interdites de vente dans toute l’Europe. or le «plus grand magasin de lampes de Suisse», géré par Markus Bührer à Matzin-gen (TG), compte des clients qui s’étaient créé un stock de 300 ampoules. ils ont parfois honte aujourd’hui de finir leurs réserves. «C’est aberrant, surtout si la personne possède encore un congélateur de la première génération, qui consomme beaucoup plus d’énergie», affirme Markus Bührer.

Bührer expose en permanence environ 2500 lampes, «dont deux tiers sont déjà des modèles LED». Les formes sont multiples, les dimensions se ré-duisent, les teintes de la lumière s’améliorent, les préjugés fondent. «J’ai même des personnes âgées qui viennent acheter après s’être informées sur internet», dit Markus Bührer. Un modèle très demandé est le Cosmo, une lampe au sol, en forme d’anneau vertical muni de petits luminaires sur son pourtour intérieur. Comme le cerceau de feu à travers lequel sautaient les lions du cirque d’antan. «Plus de la moitié de la clientèle demande aujourd’hui la technologie LED.»

«Dans dix ans, il n’y aura plus rien d’autre»Ce spécialiste de l’éclairage ne pense pas que les calottes polaires auraient

fondu plus rapidement si l’on avait gardé les lampes traditionnelles. il relève que l’éclairage ne représente que 18% de l’énergie consommée par les ménages. Si cette part a doublé ces dix dernières années, Markus Bührer estime qu’«Edison n’est pas entièrement responsable du désastre environnemental». D’ailleurs, Edison n’est pas vraiment l’inventeur de la lumière électrique. La première am-poule avait été développée à Hanovre 25 ans auparavant, en 1854, par l’opticien et horloger Heinrich Goebel, qui faisait passer du courant électrique par un fil de bambou carbonisé. Utilisée uniquement dans l’atelier de son inventeur, la lampe ainsi créée avait déjà une durée de vie de 200 heures.

Markus Bührer mise sur la technologie LED, car «dans dix ans, il n’y aura plus rien d’autre». Les lampes LED s’adaptent aussi bien au réfrigérateur qu’à la voiture et de nombreuses communes y pensent déjà pour l’éclairage public: «À Coire, certaines rues ont déjà des lampes équipées de senseurs qui ne s’en-clenchent qu’en cas de passage de personnes.»

La diode électroluminescente ou LED (de l’anglais Light Emitting Diode) est aussi au cœur des préoccupations de Jürg Nigg, un inventeur et «penseur interdisciplinaire» de 80 ans, dont l’atelier près de la Langstrasse, à Zurich, fait penser au laboratoire de Géo Trouvetou. Son entreprise Arcotronic est rem plie d’appareils de mesure, de fils métalliques et d’écrans. «Nous fabriquons tout ce qu’il faut pour produire de la lumière», dit Jürg Nigg, détenteur de «70 à 100 brevets» dans le domaine de l’éclairage. C’est lui qui avait créé en 1984 la première lampe économique sans vacillation: «Mais l’idée m’a été volée par des grands groupes et je n’avais pas les moyens de mener un procès.»

LED sans gaz de remplissage ni mercureJürg Nigg est convaincu, comme Markus Bührer, que les autorités «veulent

exclure tout ce qui n’est pas LED». L’ampoule basse consommation risque d’être interdite d’ici à 2015, car chaque exemplaire contient 3 mg de mercure toxique. «Une stupidité, car même si toutes les lampes en circulation se cassaient en même temps, ce ne serait que deux ou trois kilos de poison qui seraient diffusés», dit Jürg Nigg. il considère que les crématoriums rejettent des concentrations de mer-cure bien plus élevées du fait des amalgames dentaires des défunts.

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Le parking à étages de Siemens, à Zoug: 25 900 lampes à LED soulignent la modernité et l’harmonie architecturale du bâtiment.

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Les lampes à LED ne contiennent ni gaz de remplissage ni mercure. Jürg Nigg évoque d’autres avantages de cette technologie qu’il installe notamment dans les tunnels: «La lumière dirigée en un point précis permet de mieux reconnaître les objets la nuit. Et de poursuivre: les LED sont pratiquement incassables, fonc-tionnent même à –40° C, sont compatibles avec les prises usuelles, s’allument im-médiatement et consomment sept fois moins d’énergie que l’ampoule tradi-tionnelle.» La lampe à LED a une durée de vie de plus de 30 ans, selon les tests en laboratoire, et son efficacité lumineuse atteint jusqu’à 80 lumens par watt (contre 10 lumens/watt pour une ampoule à incandescence de 40 watts). La température de la lumière est indiquée en kelvins (K) sur l’emballage des lampes. Plus ce nombre sera petit, et plus la lumière produite sera chaude. Les nuances LED sont le blanc pur (4500 à 6000 K), le blanc neutre (3500 à 4500 K) et le blanc chaud (2650 à 3500 K). «Les ampoules sont généralement gradables. Et comme le dégagement de chaleur est minime, les incendies provoqués par les lampes appartiennent au passé», ajoute Jürg Nigg. Une lampe à LED peut coûter 40 francs à l’achat, un prix pourtant justifié: «Même en fin de vie, elle éclaire encore à 50% de sa capacité et n’est donc pas à jeter.»

La firme ikea passera totalement à l’éclairage LED d’ici à 2016. Jürg Nigg formule cependant une réserve concernant l’usage privé: «Pourquoi les dis putes sont-elles moins fréquentes à la lumière d’une bougie ou de la chemi-née? C’est à cause de la lumière infrarouge qui pilote le taux de sérotonine dans le cerveau et donc notre humeur. La lumière LED ne contient pas cette com-posante.» De son côté, Markus Bührer ne pense pas que cet aspect pose problème. L’un de ses voisins éclairait son poulailler au néon, avant de passer à l’éclairage LED: «Auparavant agitées, les poules sont maintenant très calmes. Et ce qui est bon pour la volaille est certainement bénéfique pour les êtres humains», conclut-il.

Le chercheur autodidacte Jürg Nigg évoque un autre inconvénient de ce qu’il appelle «la mode LED»: «Les puces nécessaires aux lampes à LED pro-viennent généralement de Chine et de Taïwan. Ce qui donne lieu à une dépendance envers ces pays. Et les terres rares qui interviennent dans la fabri-cation sont souvent extraites par des enfants. Elles risquent d’ailleurs de

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Jürg Nigg, 80 ans: l’inventeur zurichois est un vrai Géo Trouvetou qui détient «entre 70 et 100 brevets» dans le domaine de l’éclairage.

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é manquer, si le monde occidental en use pour s’éclairer à gogo.» Jürg Nigg admet l’argument de l’économie de courant, mais estime que le potentiel d’efficience est bien plus élevé ailleurs: «Les trams qui descendent du zoo de Zurich en ville consomment 500 kW/h parce qu’ils n’ont pas de système de récupération de l’énergie. En comparaison, les économies réalisées au niveau de l’éclairage sont minimes.»

Pourtant la technologie LED s’impose: «Pour l’instant, on ne connaît rien de mieux», dit Markus Bührer. L’industrie, les bâtiments publics et les églises comme la collégiale du monastère d’Einsiedeln s’éclairent aux lampes à LED, tout comme les grottes situées près de Baar ou encore les lanternes des masques du carnaval de Bâle de cette année.

Dans le domaine artistique, en revanche, la lumière LED n’est pas encore la règle. L’artiste allemand rainer Kehres utilise environ 1000 ampoules tradi-tionnelles par année pour ses installations. il trouve son matériel «dans les vieux stocks de la rDA». Et le Luminator, la dernière œuvre de Jean Tinguely actuel-lement exposée à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, qui comprend plusieurs centaines d’ampoules à incandescence, n’est pas concevable avec la technologie LED aux yeux des puristes. Les ampoules sont pour beaucoup d’artistes un matériau chargé de sens, comme la pierre pour le sculpteur.

LED trop faible pour Gerry HofstetterL’artiste suisse de renom Gerry Hofstetter estime la technologie LED «adap-

tée aux objets en mouvement, aux installations ludiques». Pour le reste de son travail artistique, il est équipé d’un projecteur de lumière du jour de 240 kg. En 2006, l’année des Nations Unies dédiée aux déserts, Gerry Hofstetter illumine le sphinx et les pyramides de Gizeh. Dans l’Arctique il «réconcilie le Titanic avec les icebergs par la projection de l’image du bateau, en grandeur nature, sur un bloc de glace de 650 m de long». Et en Antarctique, il projette le portrait d’un ours polaire sur un iceberg pour marquer l’année des Nations Unies en faveur de l’eau: «Une expérience particulière, l’animal ne vivant pas dans cette région du globe.» Pour toutes ces actions, «la technologie LED aurait été trop faible».

Mais cela pourrait changer, car «dans le monde LED, le progrès est aussi rapide que pour les ordinateurs», relève Markus Bührer. Et le scepticisme n’arrê-tera pas cette envolée. La technologie LED n’a plus qu’à illuminer les esprits.

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Comment fonctionne la lumière LeD?Les diodes électrolumines-

centes (LeD) sont des semi-conducteurs dont on connaît le fonctionnement en électro-technique et en technique infor-matique. La technologie LeD utilise les mêmes phénomènes physiques que la cellule solaire, mais en sens contraire, puisqu’elle transforme le courant continu en lumière. Dès 1960, on voit l’ap-parition des LeD rouges qui inter-viendront dans l’affichage des montres et d’autres appareils. Dix ans plus tard suivent les LeD vertes et jaunes, puis les bleues dans les années 1990. autour de l’an 2000, il sera possible, par revêtement de substance lumi-nescente, de produire une lumière blanche de bonne qualité à partir des LeD bleues. C’est ce qui per-mettra la percée de l’éclairage LeD des bâtiments. L’efficacité éner-gétique des LeD est de plus de 50 lumens/watt et donc au moins égale aux ampoules basse consom-mation. Les meilleures lampes à LeD atteignent 100 lm/W. et le pro-grès continue. Dans dix ans, la lumière LeD blanche permettra de doubler ou de tripler l’efficacité lumineuse, une évolution compa-rable au passage du disque au CD.

avantages de la technique LeD• Les lampes à LeD remplace-ront les ampoules basse consom-mation, moins efficaces, d’ici quelques années.• Le prix des lampes LeD ne sera alors pas plus élevé que celui des lampes basse consommation.• La qualité de la lumière LeD est meilleure que celle de la lampe basse consommation et compa-rable à la lampe halogène.• La technique LeD remplace aussi bien les ampoules à incan-descence que les spots halogènes.• Les lampes LeD ne contiennent pas de mercure toxique, contrairement aux lampes basse consommation.• L’évolution de la technologie LeD n’est pas terminée. Dans quelques années, elle sera au moins deux fois plus efficace que la lampe basse consommation ac-tuelle.• L’usage de lampes LeD non gradables ne pose pas problème.

inconvénients des LeDPour l’instant, 97% des terres

rares nécessaires à la fabrication de lampes LeD proviennent de Chine. Ces métaux ne sont pas inépuisables et interviennent dans les appareils les plus variés: lampes basse consommation, télé-visions, affichages à cristaux liquides, écrans à plasma, batteries, piles à combustible, catalyseurs pour automobiles, filtres à parti-cules, appareils à rayons X, lasers, câbles à fibre optique, aimants, moteurs électriques, moteurs d’avion, réacteurs nucléaires et té-léphones portables. L’extraction des terres rares est très coûteuse. Les métaux sont extraits des fo-rages au moyen d’acides. La boue toxique qui en résulte est souvent laissée sur place et contamine l’environnement. en fin de vie (même longue), les lampes LeD deviennent des déchets électro-niques à éliminer par des tech-niques spécialisées.• À l’achat de lampes LeD gra-dables, il faut avoir à l’esprit que certains variateurs usuels ne sont pas compatibles avec la technolo-gie LeD.• attention aussi lors de l’achat de lampes à LeD pour des trans-formateurs à 12 volts, car plusieurs transformateurs courants ne fonc-tionnent pas avec les lampes LeD.

LeD — bon à savoirUn bon éclairage est primordial pour le confort des apparte-ments et des bureaux. Car dans notre région du monde, la population passe la majeure partie de son temps à l’intérieur des bâtiments. La lumière du jour, ou un éclairage de bonne qualité, favorise le bien-être et la concentration. et il est pos-sible d’être bien éclairé tout en respectant les critères d’effi-cacité. La technologie LeD en fait la preuve.

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effet biologique de la lumièreLa perception de la lumière a

aussi une importance certaine sur le plan biologique. La chaîne de réaction de la lumière passe par des voies nerveuses spéciales allant de la rétine à l’organe central de pilotage des fonctions corpo-relles (hypophyse). Le métabolisme et le système endocrinien s’en trouvent influencés. Le rythme est principalement défini par la lu-mière du jour. Une lumière de bonne qualité stimule la concen-tration et la motivation; elle em-pêche l’organisme de se fatiguer trop rapidement. La performance de travail s’en trouve améliorée, même pour les activités ne dépen-dant pas ou peu de la capacité visuelle, comme un effort de ré-flexion. Cet effet est surtout produit par la lumière atteignant l’œil par voie latérale. C’est pourquoi les lo-caux où l’on travaille doivent pré-senter un bon éclairage, en dehors du poste de travail en tant que tel. Une intensité d’éclairement in-férieure à 500 lux est insuffisante.

La lumière du jour ne peut pas être totalement remplacée par un éclairage artificiel.

2009 à 2012: mise en œuvre de l’interdiction des lampes à incandescence La vente restait autorisée

uniquement pour les lampes des classes d’efficacité a à D, les classes F et G étant interdites. étape atteinte à la fin 2011. La loi prévoyait le retrait des lampes à incandescence jusqu’à sep-tembre 2012. Cette première phase donne lieu à des économies de courant à hauteur de 300 GWh/a par rapport à 2006, si l’on tient compte des lampes à incandes-cence encore en fonction en 2012. rapportées à la consommation totale de courant en Suisse, les économies s’élèvent à 0,5% par rapport à 2006.

D’ici à 2016:mise en œuvre de l’interdiction des lampes à incandescenceLa vente n’est autorisée que

pour les lampes des classes a et B. Ce sont les lampes économiques et les lampes à LeD, et certaines lampes halogènes. Les classes C à G sont bannies. Les économies d’énergie s’élèvent à 950 GWh/a par rapport à la consommation de 2012. mais cette baisse de consommation n’est possible que si les spots sont également soumis à ces règles. en 2011, une telle démarche était prévue, mais pas encore réalisée.

après 2016: amélioration de 30% de l’efficacité des ampoules de la classe aUne telle amélioration est pos-

sible avec la technique LeD. il serait pertinent de définir une classe a+, et peut-être a++. Une quantité supplémentaire d’éner-gie de 300 GWh/a pourrait être économisée par ce biais. Le poten-tiel de réduction technologique de la consommation des ménages devrait alors être épuisé.

Les informations sur la lumière et la technologie LED sont tirées de l’ouvrage spécialisé Licht im Haus de Stefan Gasser et Daniel Tschudy. Téléchargeable sur: www.elight.ch/weiterbildung.html.

De l’interdiction de la lampe à incandes-cence à la mise en œuvre des meilleures techniques de type LeD

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le TournanT ÉnergÉTiQue esT avanTageux

Après la catastrophe nucléaire de Fukushima, le Conseil fédéral a décidé la sortie du nucléaire. Mais la question des coûts est posée. Les organisations environnementales

déclarent que le tournant énergétique avec abandon du nucléaire est la variante la moins chère.

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Par Heini Lüthi — Fin janvier 2013, la fédération Économiesuisse tirait la sonnette d’alarme: elle considère que la Stratégie énergé-tique 2050 du Conseil fédéral pourrait faire chuter le produit in-térieur brut de la Suisse de 25% et faire grimper le chômage à 3,5%.Les réactions sont nombreuses. Bastien Girod, vice-président des verts et spécialiste en sciences de l’environnement EPFZ, répond par une interview accordée au Tages-Anzeiger: «Ce pronostic ne se réalisera certainement pas.» Georg Klingler, expert en énergie chez Greenpeace Suisse, explique pourquoi: «L’étude d’Économie-suisse calcule les effets d’une forte taxe sur le Co2 qui aurait été int-roduite en 2000. Les évolutions technologiques et économiques sont mises entre parenthèses, les progrès réalisés entre 2000 et 2012 et ceux qui s’annoncent pour les années à venir sont occultés.»En réalité, le prix de l’énergie so-laire ne représente plus qu’un quart de ce qu’il était en 2000, et la baisse continue.Pour Georg Klingler, les assertions d’Économiesuisse sont «dénuées de fondement». La fédération éco-nomique arrangerait ses calculs dans le but de décrédibiliser le tournant énergétique, qu’elle veut «empêcher à tout prix». Le Tages-Anzeiger constate lui aussi que l’objet de l’étude «a été orienté de

manière à obtenir les conclusions les plus dramatiques possible.»

Les coûts du renouvelable baisserontLa réaction du public est tout

autre. Aucun tollé quand la conseillère fédérale Doris Leut-hard, cheffe du Département fédéral de l’énergie (DETEC), an-nonce, en septembre 2012, que le courant sera plus cher en Suisse à l’avenir. Pas de protestations contre des prix qui seraient trop élevés ni d’inquiétude concernant un effondrement de l’économie suisse suite aux «révélations» d’Économiesuisse.

La population semble réagir en Suisse comme en Allemagne. Dans ce pays, un sondage représen-tatif de décembre 2012 indique que plus de deux tiers des per-sonnes considèrent le tournant énergétique comme un investisse-ment pour une meilleure desserte en énergie qui implique une augmentation des prix dans un premier temps.

Le tournant énergétique n’est certainement pas gratuit. L’énergie sera probablement plus chère, indépendamment de son mode de production. En septembre 2012, Doris Leuthard évoquait «un sur-coût de 20 à 30%» pour les mé-nages. Qu’en sera-t-il en pratique? L’office fédéral de l’énergie (oFEN) estime que le ménage

moyen dépense aujourd’hui près de 900 francs par année pour l’électricité. Une augmentation de 20 à 30% se traduirait donc par des frais supplémentaires de 180 à 270 francs par année ou de 15 francs à 22 francs 50 par mois. Greenpeace considère cependant que l’estimation de l’oFEN est exagérée et que la promotion des énergies renouvelables ne donnera lieu qu’à un surcoût de 2,5 centimes par kW à partir de 2030.

Selon la conseillère fédérale Leuthard, le prix du courant au-rait sensiblement augmenté même avec la stratégie énergé-tique prévoyant la construction de nouvelles centrales nucléaires. L’uranium comme combustible nucléaire sera plus cher du fait de la baisse des réserves et de coûts d’extraction plus élevés. En outre, les frais de démantèlement des centrales nucléaires et de stockage des déchets ne sont pas intégra-lement couverts et seront donc reportés sur les générations futures. Les conséquences finan-cières d’un accident nucléaire grave ne sont couvertes que pour une très petite part et il n’est pas possible de s’assurer correctement contre une telle éventualité. Les dégâts pourraient représenter de 500 à 5000 milliards de francs en cas de catastrophe nucléaire, sans compter les impacts so ciaux et écologiques désastreux de

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l’extraction d’uranium ou du sto ckage de déchets dans d’autres pays.

En revanche, le progrès tech-nique orientera incontestablement le coût des énergies renouve-lables à la baisse. Une meilleure

isolation des bâtiments diminuera les frais de chauffage, l’assainis-sement énergétique par isolation étant justement un point fort du tournant énergétique.

Un autre aspect à relever est que le développement des énergies

renouvelables crée de nouveaux postes de travail et de la valeur ajoutée en Suisse, ce qui profitera aux entreprises et à leur personnel.

Les allégations contre le tournant énergétique sont fragiles

Allégation Contre-argument

Sécurité de l’approvisionne-ment La production d’énergies re-nouvelables varie selon l’heure du jour, la saison et le temps. il faut donc mainte-nir les centrales convention-nelles.

il est vrai que la production de courant éolien et solaire varie for-tement. D’autres formes d’énergie devront donc intervenir à certaines périodes. Mais ce n’est pas un problème en Suisse. Les centrales hydroélectriques peuvent couvrir l’entier de la consom-mation suisse pendant plusieurs jours ou semaines. La bio-masse et la géothermie peuvent également fournir une contribu-tion. À plus long terme, les centrales hydrauliques existantes et les nouvelles technologies de réseau et de stockage pourront en tout temps compenser les variations saisonnières. L’approvi-sionnement deviendra encore plus sûr qu’à l’heure actuelle.

CoûtsLes ménages à bas revenus sont plus fortement touchés par la hausse des prix.

Cet argument est correct. Commentaire de l’office fédéral de l’énergie sur les conséquences économiques d’ici à 2050: «Les ménages et les retraités les plus pauvres seront tendanciel-lement plus fortement touchés.» Mais le surcoût n’est estimé qu’à 0,5% au maximum. Et la politique sociale ne peut pas se faire par le biais du prix du courant. il faut développer des mesures de compensation en dehors du système énergétique. Par ailleurs, l’électricité représente déjà une part plus importante du budget des ménages les plus pauvres.

Compensation de la produc-tion Les centrales nucléaires mi-ses à l’arrêt doivent être compensées par des centra-les à gaz.

Cet argument, avancé notamment par la Confédération (DE-TEC), se fonde sur une estimation exagérée du coût des renouve-lables et néglige les suites financières liées aux centrales à gaz néfastes pour le climat. Les organisations environnementales esti-ment qu’une promotion renforcée de la photovoltaïque est possible moyennant un coût équivalent à une ou deux entrées au cinéma par ménage et par année. 70% des fonds alloués à la photovoltaïque restent dans la région en question, ce qui en fait un investissement judicieux.

Avenir énergétique Le soleil et le vent ne sont pas disponibles à profusion en Suisse.

Dans les Alpes et le Jura, le rayonnement solaire est similaire à celui des pays d’Europe du Sud. Et il existe suffisamment de régions adaptées à l’éolien en dehors des zones protégées d’inté-rêt national.

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agir sur les précipitations Davantage de précipitations:

ensemencer les nuages à l’iodure d’argent ou d’autres subs-tances chimiques pour provo-quer pluies et chutes de neige.

moins de précipitations: méthodes intervenant sur l’eau ou les nuages pour diminuer les pluies, aff aiblir les tempêtes de grêle et les ouragans, et pour dissoudre le brouillard.

Techniques au sol rétention de dioxyde de

carbone pour décharger l’atmo-sp hère en Co2.

Charbon biologique: déchets agricoles, plantes et/ou arbres sont brûlés d’une manière consommant peu d’oxygène. Ce charbon biologique est ensuite mélangé à la terre pour st ocker le Co2.

Captage et st ockage de Co2 (CCS): processus visant à capter le Co2 à la source et à le st ocker dans le sous-sol (technique n’entrant pas dans le champ de la géo-ingénierie telle que défi nie provisoirement par la Convention sur la diversité biologique).

énergie biologique par cap-tage et st ockage de Co2 (BeCS): la technique CCS appliquée aux centrales à biomasse; théo-riquement, il en résulte une diminution nett e du Co2 dans l’atmosp hère.

Gest ion du rayonnement solaire (Srm)

aérosols st ratosp hériques (blanchiment de nuages) augmentant la réfl ect ivité des nuages et faisant offi ce d’«écrans sp atiaux» réfl échis-sant les rayons du soleil.

Techniques intervenant sur les eaux

Fertilisation des océans: fertilisation artifi cielle des eaux de surface en fer ou en azote pour st imuler la crois-sance des algues absorbant du Co2; autres techniques visant à modifi er les propriétés chimiques de la mer pour ren-forcer sa fonct ion de captagedu Co2.

Projets sur les algues: élevage indust riel d’algues ab-sorbant du Co2 visant notam-ment à fabriquer de nouveaux

combust ibles biologiques — du moins en théorie.

autres techniques inst ituts de recherche et

de réfl exion st ratégique en géo-ingénierie (sans essais pratiques):

initiatives importantes n’entrant pas dans les catégories mentionnées (par example «enhanced weathering», tech-nique tirant profi t de l’altération atmosp hérique pour retirer le Co2 de l’atmosp hère).

La géo-ingénierie:un demi-siècle d’expérimentation

sur la planète TerreLa géo-ingénierie est une manipulation à grande échelle de l’écosystème terrestre et du climat. La double page suivante illustre l’ampleur de la recherche et de l’expérimentation dans ce domaine. Cette liste des activités en géo-ingénierie n’est pas exhaustive. Des expériences importantes ont été menées en secret et des essais ont été abandonnés en cours de route. Certains projets de contrôle des conditions atmosphériques et d’intervention au sol au moyen de charbon biologique s’inscrivent dans un cadre strictement local.

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Événements majeurs en géo-ingénierie

1. inde: projet GromeT des USa (1967) visant à influencer le climat (provoquer des pluies) pour mettre fin à la famine dans l’état de Bihar.2. Vietnam: opération Popeye de l’armée américaine visant à in-fluencer les conditions atmosphé-riques pour retarder le transport de marchandises et noyer les ré-coltes (1967—1972).3. New York, USa: la Convention eNmoD des Nations Unies interdit

la modification de l’environnement à des fins militaires (1978).4. mers du Sud: un an après le sommet mondial de rio, les USa procèdent au premier test de grande ampleur de fertilisation des océans (1993).5. Californie, USa: la NaSa et l’institut Carnegie organisent un atelier d’experts sur la gestion du rayonnement solaire (Srm).6. Londres, GB: lancement du concours «Virgin earth Challenge» pour la réduction des gaz à effet de serre.7. Pacifique, près des Îles Gala-

pagos: le projet de fertilisation de l’entreprise américaine Plank-tos sur des milliers de km2 de surface océanique est stoppé par l’équateur (2007).8. mer de Sulu: les Philippines arrêtent le projet de fertilisation à l’urée d’un groupe australien visant à stimuler la croissance des algues (2008).9. Bonn, allemagne: la Conven-tion sur la diversité biologique (CDB) adopte un moratoire sur la fertilisation des océans (2008).10. Seattle, Washington, USa: la fondation Bill Gates finance des

Points chauds de la géo-ingénierie

Pays ayant des activités de géo-ingénierie

Pays sans utilisation connue de la géo-ingénierie

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projets de recherche en géo- ingénierie (2008—2012).11. mer de la Scotia: le test LoHaFeX contrevient au mora toire de la CDB sur la fertilisation des océans (2009).12. Londres, GB: la royal Society publie un long rapport sur la géo-ingénierie et appelle à de nouvelles recherches (2009).13. Washington, DC, USa, et Londres, GB: audience commune du Congrès des états-Unis et du Parlement britannique sur la régulation de la géo-ingénierie (2010).

14. Londres, GB: la convention et le protocole additionnel de Londres interdisent la recherche sur la ferti lisation commerciale des océans (2010).15. asilomar, USa: 175 scienti-fiques élaborent des «direct ives volontaires» sur la recherche en géo-ingénierie (2010).16. Nagoya, Japon: la CDB adopte un moratoire sur la géo-ingénierie (2010).17. Lima, Pérou: le GieC organise une réunion d’experts sur la géo-ingénierie (2011).18. Bruxelles, Belgique: le Parle-

ment européen adopte une résolution sur rio+20 en défaveur de la géo-ingénierie (2011).19. équateur: les communes de Pujili attaquent en justice le plus grand exportateur de légumes surgelés pour ses activités d’en-semencement de nuages visant à réduire les pluies (2011).20. Sculthorpe, GB: l’expérience Spice de gestion du rayonnement solaire est mise en suspens (2011).21. Berlin, allemagne: le gouver-nement et le Parlement publient des études sur la géo-ingénierie (2011—2012).

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Fusées de soufre et miroirs spatiaux contre la

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1Nourrir le planct on, une opération risquée«Donnez-moi un bateau-citerne à demi rempli

de fer et je vous donne une nouvelle glaciation!», promett ait John Martin, océanographe américain, dans les années 1980. Il était le premier à avancer l’idée de la fertilisation des océans en y ajoutant du fer, une technique qui tire profi t de la photosyn-thèse réalisée par le phytoplanct on présent à la surface de l’eau. Cet organisme transforme le dioxyde de carbone et la lumière du soleil en bio-masse, dégageant de l’oxygène au passage. Le planct on absorbe environ la moitié du dioxyde de carbone transformé par les plantes. La mer est donc le plus important puits de carbone de la pla-nète. C’est ainsi que John Martin et d’autres géo-ingénieurs ont eu l’idée de fertiliser les océans avec du fer, de l’azote et du phosp hore pour st i-muler la croissance du planct on et faire absorber davantage de CO2. Le planct on ne vit que quelques jours. Le carbone s’abaisse ensuite vers le fond des océans, servant en partie à nourrir les bact éries et les microorganismes. Le rest e devient biomasse au fond de la mer, le carbone rest ant exclu du cycle naturel pour environ un millénaire.

La fertilisation des océans compte parmi les idées les mieux explorées de la géo-ingénierie. Depuis 1993, elle a été test ée à treize reprises dans l’océan Antarct ique et dans le nord-ouest du Pacifi que. La plus vast e expérience de ce type (LOHAFEX) a vu la disp ersion de 10 000 kg de sulfate de fer sur 300 km2 de surface océanique. Mais l’euphorie des débuts s’est vite envolée. Les hypothèses théoriques sur l’effi cacité de la

méthode ne se sont pas vérifi ées. Si l’on const ate eff ect ivement une fl oraison d’algues de grande étendue, le planct on ne coule pas ensuite de la manière escomptée. Un st ockage net de carbone en eaux profondes n’a été observé dans aucune des expériences réalisées, relève un rapport syn-thétique de l’offi ce fédéral allemand de l’environ-nement. Le carbone capté au début du test est à nouveau dégagé dans l’atmosp hère à 80%. Et les scientifi ques observent une prolifération de diatomées, des micro-algues produisant une subst ance fortement neurotoxique, et une pénurie d’oxygène dans les couches d’eau profonde. Les opposants à cett e méthode craignent des consé-quences lourdes pour les écosyst èmes marins, avec des retombées imprévisibles sur toute la chaîne alimentaire humaine.

Depuis 2008, la fertilisation des océans est soumise à un moratoire décidé par 192 États dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. En juillet 2012, l’entrepreneur américain Russ George s’autorisait toutefois une expé-rience de fertilisation de son propre chef, déver-sant 100 tonnes de sulfates de fer dans le Paci-fi que au large du Canada. Les images satellitaires identifi ent alors une prolifération d’algues sur plus de 10 000 km2. Russ George prétend soute-nir les habitants autochtones de l’archipel de Haida Gwaii en favorisant la régénération des po-pulations de saumon. Mais le même individu avait déjà fait parler de lui avec sa fi rme Planktos Inc. qui voulait commercialiser la fertilisation des océans par le biais de certifi cats de compen-sation de CO2 négociables à l’international. Organisations écologist es et avocats considèrent que cett e opération «contrevient gravement» à la teneur de deux moratoires internationaux.

Tandis que les négociations internationales sur le climat piétinent, des voix s’élèvent pour demander une intervention technique face au réchauffement climatique. Universités et boîtes à idées, gouvernements et instances onusiennes se penchent sur la géo- ingénierie. Les propositions sont nombreuses, mais les impacts et les risques restent inconnus à ce jour.

par Samuel Schlaefli

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2Les faiseurs de nuagesConstitués de millions de gouttelettes d’eau,

les nuages font figure de parasols pour la pla-nète. La capacité d’un nuage à réfléchir le rayon-nement solaire vers l’espace, c’est-à-dire son albédo, dépend de sa teneur en eau. Pour que la vapeur puisse se condenser en nuages, il faut des noyaux de condensation: grains de sable ou de poussière ou encore cristaux de sel marin. La dispersion d’eau de mer dans des couches peu élevées de nuages, au-dessus des océans, pourrait stimuler la formation de nuages et créer un effet supplémentaire de refroidissement de la surface de la planète. Le physicien britan-nique John Latham estime que ce type d’inter-vention permettrait de maintenir la température du globe au niveau actuel même en cas de doublement de la concentration en CO2. Il fau-drait selon lui faire circuler 1500 navires sans personnel, mais équipés d’un dispositif de dis-persion, sur les océans. Un groupe de scienti-fiques de San Francisco présente déjà un projet de bateau de ce type intitulé Silver Lining Pro-ject. Le navire projetterait de l’eau de mer à une hauteur de 1000 m, aspirant dix tonnes d’eau par seconde à cet effet. Des études de faisabilité en laboratoire ont été menées avec le soutien de la Bill & Melinda Gates Foundation. Mais on ne sait rien des effets de cette importante pro-duction de nuages sur les systèmes de vents, les courants océaniques, les précipitations et les organismes marins.

3Star Wars contre le changement climatique Les publications scientifiques de Roger Angel

ne laissent pas indifférent et évoquent même parfois les romans de science-fiction. Cet astro-nome de nationalité américaine propose d’en-voyer 10 000 milliards de disques de silicium dans l’espace, à 1,5 million de km de la Terre. Il se formerait un nuage de réflecteurs de 100 000 km de long, qui réfléchirait 2% de la lumière du soleil atteignant normalement la Terre. Cela exigerait le lancement d’un faisceau d’un million de réflec-

teurs par minute pendant 30 ans. Roger Angel estime que cette opération sera techniquement faisable dans 25 ans, pour un coût de 100 mil-liards de dollars par année. Lowell Wood, un autre scientifique américain, considère avec son équipe qu’il faudrait poser un gigantesque voile de protection contre les rayons solaires entre le soleil et la Terre. Mais les calculs indiquent que pour réduire le rayonnement solaire de 2%, il faudrait un écran au soleil d’environ 3 millions de km2. Les méthodes d’intervention spatiale sont purement théoriques pour l’instant. Le coût, l’efficacité, la réalisation dans le temps et les risques sont énormes, comme le relève aussi la Royal Society.

4Ballons et fusées contre le réchauffementEn 1991, le volcan philippin Pinatubo rejetait

en très peu de temps environ 17 millions de tonnes de dioxyde de soufre, un événement ma-jeur du point de vue du climat. Un voile gris se répand tout autour de la planète. Des aérosols se forment dans la stratosphère, la couche de l’at-mosphère située entre 18 et 50 km de la Terre. Ces mélanges de gaz sont chargés de particules fines qui agissent comme des milliards de petits réflecteurs solaires. La réflexion des rayons du soleil produit un recul mondial de la température à hauteur d’un demi-degré sur deux ans. Si ces aérosols étaient restés dans la stratosphère, la Terre se serait probablement refroidie de plu-sieurs degrés à plus long terme. C’est pourquoi Paul Crutzen, chimiste lauréat du Prix Nobel, propose en 2006 de tirer profit de l’effet Pinatubo pour refroidir le climat. Ballons et fusées par milliers pourraient selon lui injecter du soufre dans la stratosphère. Une manière de réagir aux négo-ciations enlisées sur la protection du climat. En 2009 la Royal Society britannique publie l’un des rapports les plus fréquemment cités en géo-ingénierie, confirmant largement les idées de Paul Crutzen sur l’efficacité de cette technique en termes d’impact, de coût, de risque et de rapi-dité de mise en œuvre.

Outre les préoccupations éthiques que sus-cite l’injection de soufre dans la stratosphère, l’effet d’une telle intervention reste controversé.

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La modélisation chimico-climatique de l’érup tion du Pinatubo indique que cet événement n’est pas vraiment transposable. En libérant du soufre dans la stratosphère pendant des mois ou des années à l’aide de fusées, de ballons ou d’avions, les particules s’aggloméreront pour former des aérosols plus volumineux qui risquent de retomber dans des couches plus basses de l’atmosphère, où ils ne développent plus leur effet réflectif. Un refroidissement vraiment efficace pourrait alors exiger une quantité dix fois plus élevée que les deux mégatonnes de dioxyde de soufre par année préconisées par Paul Crutzen. Il est fort probable que le système climatique se trouverait gra-vement affecté. Suite à l’éruption du Pinatubo, di-verses études avaient identifié un manque de pluie local et une diminution du volume des cours d’eau, avec de fortes variations régionales.

5Arbres artificiels et aspirateurs de CO2 Les plantes absorbent en permanence le

dioxyde de carbone de l’atmosphère. Mais cette photosynthèse prend beaucoup de temps. Klaus Lackner, de la Columbia University, veut imiter et accélérer ce processus. Il a inventé des arbres artificiels qui aspirent l’air, le filtrent et transforment le CO2 en bicarbonate de sodium. Celui-ci est condensé et stocké dans la roche poreuse du sous-sol, ou encore en eaux pro-fondes. Un «arbre» de ce type devrait absorber une tonne de CO2 par jour, mille fois plus que son cousin naturel. Selon une étude anglaise, 100 000 arbres artificiels sur 600 hectares pour-raient capter les rejets de CO2 du Royaume-Uni (hors production de courant). Il n’existe pas encore de projets pilotes, mais la technologie fonctionne vraisemblablement. Reste que la concentration de CO2 dans l’atmosphère n’est que de 0,04%. L’efficacité de l’arbre artificiel est donc malgré tout limitée, et plus chère que d’autres méthodes. Le coût est estimé à plusieurs centaines d’euros par tonne de CO2. Le pro cédé chimique et la condensation du gaz demandent d’ailleurs beaucoup d’énergie. Sur la base du mix énergétique actuel de l’Allemagne, les études estiment que la moitié du CO2 absorbé par cette méthode serait immédiatement réémise.

Une méthode plus prometteuse serait l’ab-sorption directe chez les gros émetteurs de CO2. Dans les centrales à charbon, l’air présente une concentration de CO2 300 fois plus élevée que la normale. Le problème du stockage ne serait pas résolu pour autant. La sécurité parasismique, l’acidification de la nappe phréatique et les fuites possibles sur les sites de stockage font partie des risques à prendre en compte. Il faut donc s’at-tendre à ce que la population riveraine formule des oppositions. En Allemagne, les protestations sur les premiers sites de test ont empêché la poursuite des recherches.

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La géo-ingénierie n’est pas un phénomène nouveau. Depuis plus d’un siècle, des météorologues et des ingénieurs tentent de contrôler les conditions atmosphé-riques et le climat. La plupart du temps en lien avec des intérêts militaires, comme le montre James Fleming, historien des sciences dans cet entretien accordé à Greenpeace.

Greenpeace: monsieur Fleming, les auteurs d’un fameux rapport* de la royal Society qualifient la géo-ingénierie de plan B face au changement climatique. qu’en pensez-vous?

James Fleming: J’en pense ce que j’ai déjà dit devant une commission du Congrès des États-Unis: il n’y a pas de plan B. Il y a des espoirs, des concepts relativement fantaisistes comme le canon à sulfate ou l’écran spatial. Je suis convaincu, avec d’autres comme le spécialiste du climat Alan Robock, que tout ceci est irréalisable.Ces idées sont pourtant abordées dans le rapport et retenues dans le catalogue des techniques de géo-ingénierie.

Ce rapport de la Royal Society fait fausse route. Un fait que j’ai démontré dans mon ouvrage sur l’histoire des manipulations du climat. Les auteurs du rapport sont bien trop optimistes sur le potentiel de certaines technologies de mani-pulation du climat. Trop souvent, les hypothèses retenues se fondent sur des calculs sommaires.qu’est-ce qui vous permet d’affirmer cela?

Notamment mes nombreuses séances de travail avec des géo-ingénieurs. On y entend toutes sortes de propositions. Exemple: le télégui-dage des ouragans à l’aide d’un gigantesque satellite et de superordinateurs — une idée qui ressemble fort à la science-fiction genre Arthur C. Clarke — ou encore une instance mondiale de pilotage du climat.La royal Society a-t-elle choisi les mauvais chercheurs pour rédiger son rapport?

Là n’est pas la question. C’est la démarche en tant que telle qui est aberrante: vouloir réparer la planète avec des projets technologiques titanesques. Cette question de fond est négligée dans le rapport, comme les aspects sociaux ou politiques de la géo-ingénierie. Vous demandez que les sciences sociales soient davantage associées au débat sur la géo-ingénierie, pourquoi?

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«La géo-ingénierie bouleverserait

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Jusqu’ici le débat a été une affaire de tech-nocrates, souvent liés aux grands laboratoires nationaux ou à la NASA. Or il faudrait une discus-sion large et ouverte à tous, un échange inter-disciplinaire, international et intergénérationnel.outre la manipulation directe du climat et des conditions atmosphériques, la géo-ingénierie se penche également sur le captage du Co2 à la sur-face du globe. quelle est votre opinion à ce sujet?

Le CO2 capté dans l’atmosphère doit être stocké, et ceci pour une durée illimitée. C’est un problème similaire à celui des déchets nucléaires. Régu lièrement, je tombe sur des textes qui évoquent le recyclage du carbone rejeté dans l’air, par exemple en tant que carburant. Or le dioxyde de carbone est déjà un produit de combustion stable et totalement oxydé. Une utilisation ulté-rieure est donc très difficile.que penser des essais de stimulation de la croissance du plancton dans les océans pour favoriser l’absorption de Co2?

Ces essais se basent sur la généralisation de constats de portée pourtant très limitée. L’océanographe John Martin s’est contenté de remplir une bouteille d’eau de mer et d’y ajouter une solution de fer. La bouteille est devenue verte, les algues étant en floraison. Ensuite on a mené des expériences de petite envergure dans l’océan. Sur la base des premières observations positives, on a décrété que la concentration de CO2 dans l’atmosphère pouvait massivement diminuer grâce à la prolifération du plancton. Entre-temps, on a découvert qu’en cas de fertili-sation artificielle en fer, le plancton dégage parfois davantage de CO2 qu’il n’en consomme. Les spécialistes du climat ont pourtant leurs modèles et leurs superordinateurs pour modéli-ser des situations complexes. Ne peuvent-ils pas simuler l’impact des interventions sur le climat?

Les ingénieurs du climat sont souvent des adeptes assez naïfs de la modélisation. Mais ceux qui ont étudié les modélisations sur plusieurs décennies constatent que nous ne possédons pas vraiment de technologie de refroidissement du climat et que nous ignorons les effets secondaires problématiques de ce genre d’intervention. Les modèles actuellement disponibles indiquent la survenue probable de périodes de sécheresse régionale et de modification considérable du cycle mondial de l’eau.en 2006, Paul Crutzen, prix Nobel de chimie, suscitait l’indignation avec son article scientifique

* Le rapport de la royal Society sur la géo-ingénierie

La royal Society britannique fait partie des plus anciennes académies nationales de sciences naturelles. elle finance une excellente recherche scientifique au service de l’humanité. en 2009, elle publie un rapport intitulé Geoengineering the Climate, rédigé par 23 physiciens, biologistes, ingénieurs, spécialistes du climat et politologues (dont certains eux-mêmes associés à la recherche sur la géo-ingénierie). Le rapport étudie les op-portunités et les risques de différentes méthodes. Parmi les domaines étudiés, on trouve le prélè-vement de dioxyde de carbone dans l’atmosphère (fertilisation des océans, reboisement, captage de Co2) et la protection de la planète contre le rayonnement solaire (injection de dioxyde de soufre dans la stratosphère, réflecteurs spatiaux, renforcement de l’albédo des déserts et des villes). Les scientifiques constatent que la plupart des méthodes de géo-ingénierie sont techni-quement faisables. mais ils pointent également les incertitudes considérables concernant l’im-pact sur l’environnement, l’efficacité et le coût de ces interventions. John Shepherd, responsable du rapport, conclut: «La géo-ingénierie et ses conséquences sont peut-être le prix à payer pour notre défaillance à lutter contre le changement climatique jusqu’à présent.» La géo-ingénierie pourrait devenir incontournable en tant que plan B contre le réchauffement du climat, dit John Shepherd. Ce dernier estime que la recherche sur les différentes méthodes et leurs retombées sur l’environnement doit se poursuivre et qu’elle doit s’accompagner d’une analyse des aspects politiques de la question.

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proposant de refroidir le climat en propulsant des fusées de soufre dans la stratosphère. La publi-cation de Paul Crutzen marque-t-elle le début du nouveau débat sur la géo-ingénierie?

Paul Crutzen a certainement été l’un des premiers à proposer des techniques de manipu-lation du climat pour faire face au réchauffement global. Mais pour moi, en tant qu’historien, ce genre de proposition n’a rien de vraiment nou-veau. Des idées de ce type circulaient déjà bien avant, par exemple dans un rapport de 1992 de la National Academy of Sciences.quel était le but de la manipulation des condi-tions atmosphériques et du climat avant le constat du réchauffement climatique d’origine humaine?

Au XIXe siècle, les États-Unis tentaient de provoquer des pluies en faisant exploser charges, bombes ou ballons d’hydrogène à des altitudes variées. Plus tard, des scientifiques ont tenté de dissoudre le brouillard pour faciliter le décollage et l’atterrissage des avions. On a égale ment vu des projets visant à piloter les ouragans, à empê-cher les périodes de sécheresse ou au contraire à provoquer ce genre d’événement atmosphé-rique pour nuire à l’adversaire dans un contexte de conflit armé. C’est d’ailleurs par les budgets militaires que ces projets sont financés la plupart du temps. La manipulation des conditions atmosphériques était donc fortement liée à des visées militaires?

Oui, dès le début de la Guerre froide, le Pentagone a chargé un comité de développer une arme climatique pour intervenir sur le temps dans le camp adverse. Certains milieux ont même demandé un vaste programme de contrôle des conditions atmosphériques, comparable au projet Manhattan de développement de la première bombe atomique. De 1967 à 1972, lors de la guerre du Vietnam, les militaires ont propulsé des mil-liers de salves d’iodure d’argent dans les nuages. Le but était de prolonger les pluies de la mousson pour empêcher l’avancée des troupes ennemies. La géo-ingénierie reste-t-elle un domaine soutenu par l’armée à l’heure actuelle?

Certains des géo-ingénieurs les plus impor-tants, comme Lowell Wood ou son père spirituel Edward Teller, sont étroitement liés à l’armée et au programme spatial américains. Des navettes spatiales censées réfléchir la lumière solaire dans l’espace ou des canons sur les bateaux militaires, ces idées sont certainement le fruit de ce type de

collaboration. Certains projets de géo-ingénierie bénéficient encore du soutien de l’armée ou de la NASA. Je ne pense pas que les États-Unis aient actuellement un intérêt stratégique militaire en termes de géo-ingénierie. Mais le nombre de pro-jets de géo-ingénierie prévoyant des dispositifs de type canon est tout de même étonnant. Il semble que nous assistions à une véritable «guerre contre le changement climatique».quels sont les intérêts commerciaux des géo-ingénieurs aujourd’hui?

On ne gagne pas encore d’argent avec la géo-ingénierie. Mais des milliardaires comme Bill Gates donnent des sommes importantes pour des expériences dans ce domaine. Et ils déposent les premiers brevets concernant des technolo-gies de réduction du CO2 dans l’atmosphère ou de manipulation des ouragans. Le même constat vaut pour l’Angleterre. quel est votre plus grand souci, au cas où des états ou la communauté internationale opteraient pour la géo-ingénierie à large échelle?

Cela bouleverserait notre rapport à la nature. La défiance entre les nations se renforcerait. Les Scandinaves accuseraient les Anglais de péjo-rer le temps qu’il fait dans les pays nordiques, et vice-versa. Les conflits potentiels sont légion.

Propos recueillis le 4 février 2013 par Samuel Schlaefli.

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James Fleming est professeur en sciences, technologie et société au Colby College, dans le Maine. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Fixing the Sky: The Checkered History of Weather and Climate Control (Columbia Uni-versity Press, 2010), qui relate l’histoire des mani-pulations du temps et du climat.

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Photos: anne Gabriel-Jürgens; texte: markus Brupbacher

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eLe «urban beekeeping» est tendance dans le monde entier –

un phénomène qui traduit souvent la nostalgie d’une nature idéalisée. La Zurichoise Helena Greter, pionnière en la matière,

sait ce qui distingue les apiculteurs des villes de ceux des champs.

À Zurich, près du parc rieter, se trouve une petite maison rouge. Dans cette maisonnette, six colonies d’abeilles ont réussi à surmonter l’hiver 2010–2011. Au printemps, neuf autres essaims vont emménager, mais pas de leur plein gré. Quatre ont été capturés par les pompiers, cinq par une biologiste. «En ville, il y a pas mal de colonies d’abeilles redevenues sauvages qui survivent aussi à l’hiver en liberté», d’après Helena Greter.

Depuis 2004, elle est la reine des reines dans la petite maison rouge. Helena est une apicultrice urbaine qui ne correspond pas à l’image tradition-nelle du vieux monsieur s’adonnant à son hobby à la campagne. Dans la banlieue de Zurich, on pratique l’apiculture urbaine depuis des années, explique rosmarie Füchslin, coprésidente de l’Association des amis des abeilles de Zurich. «La demande de cours a augmenté. Les femmes, en particulier, s’inté-ressent à l’apiculture.» Mais il est difficile de trouver un lieu pour les ruchers. Et puis, l’apiculture demande plus d’efforts à cause du varroa, un acarien para-site de l’abeille, ou des maladies comme la loque européenne ou américaine, si bien que le nombre d’individus est resté constant ces dernières années. Pour Peter Albertin, président de l’association des apiculteurs de Winterthour, la densité des colonies est trop élevée dans la ville et ses environs: «il y a trop de ruchers dans un petit espace. L’idéal, ce serait des distances de 1000 mètres entre chaque rucher et 15 colonies au maximum par rucher. Mais ils sont par-fois à 200 mètres à peine les uns des autres et hébergent jusqu’à 45 colonies – ce sont de véritables foyers de maladie.» Helena Greter reçoit souvent des demandes de citadins désireux d’avoir des ruches. or ce n’est pas si simple que cela. Elle leur conseille de suivre un cours d’apiculture, comme celui qu’orga-nise l’association des amis des abeilles de Zurich, d’une durée de deux ans. «Mais des bobos branchés rechignent souvent à rejoindre une association...»

En suivant le ballet des abeilles dans le ciel, on remarque qu’elles ne quittent pas le rucher sans but. Elles vont toutes dans la même direction, là où se trouve la miellée – le nectar des fleurs dans un pourtour de trois kilomètres environ. Actuellement, l’odeur doucereuse des fleurs de tilleul flotte dans l’air. À Zurich, la miellée est abondante durant toute la saison des abeilles grâce aux nombreux parcs et jardins, mais aussi aux surfaces en friche. «ici, les abeilles ne meurent pas de faim! Nous ne sommes pas obligés de prendre des mesures pour encourager la culture de plantes mellifères», explique Marianne Fritzsche, responsable de la protection de la nature auprès du service des parcs et jardins de la ville de Zurich. Alors que les abeilles des villes jouissent de conditions paradisiaques du printemps à la fin de l’automne, leurs congé-nères à la campagne n’ont souvent pas assez à manger, à cause de l’agriculture intensive, de la monoculture et des prairies trop grasses, peu fleuries. «Une fois les fleurs de colza fanées, dès le mois de juin, mes collègues à la campagne doivent nourrir leurs abeilles avec de l’eau sucrée», explique Helena Greter.

Les gaz d’échappement ne dérangent pas trop les abeillesLa petite maison rouge sent la cire d’abeille. Avec ses boiseries et ses

planchers, on dirait un chalet. Sur chaque petite porte des ruches, Helena Greter note à la craie ce qu’elle a fait et la date. Elle n’est pas peu fière de ce travail

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minutieux. Dans la partie inférieure d’une ruche, là où les abeilles élèvent leur couvain, elle les laisse construire des alvéoles sauvages: les ruches ne sont pas dotées de cadres en bois et les alvéoles sont suspendues, en forme de gouttes, comme dans la nature. Toutefois, ces petites merveilles ne conviennent pas pour produire des rayons, car elles sont trop fragiles pour passer dans l’extracteur de miel.

Une fois en bocal, ce miel made in Züri reste liquide pendant des mois. «La grande variété de fleurs que les abeilles butinent en ville le rend plus hétérogène, les molécules du nectar ne s’agglutinent pas si vite», précise la bio-logiste. Quelle influence les insecticides et les gaz d’échappement ont-ils sur les abeilles et la qualité du miel urbain? Les pesticides portent atteinte au système nerveux et au sens de l’orientation des abeilles – celles des villes, qui ne sont pas exposées à de tels poisons, ont de la chance. Et les gaz d’échap-pement ne semblent guère les déranger. Pour ce qui est des impuretés pos-sibles, l’abeille des villes fait aussi bien que celle des champs: «L’abeille filtre les résidus présents dans l’environnement. Nos analyses n’ont montré q uasiment aucun résidu de pesticides ou d’émissions de Co2 liées au trafic», déclare Peter Gallmann, responsable du Centre pour la recherche sur les abeilles d’Agroscope.

Le varroa est la principale cause de la mort des abeilles«L’apiculteur arrive toujours trop tard», dit un proverbe encadré au mur,

laissé par le prédécesseur d’Helena Greter. Qu’est-ce que cela signifie? «Ce qui me fascine en ville, ce sont les essaims redevenus sauvages – ils prouvent que les abeilles peuvent se débrouiller, même sans les apiculteurs. Toutefois, pour produire du miel, ceux-ci doivent intervenir. Mais à quel moment? Quand les abeilles essaiment, l’apiculteur n’est pas là, et donc il arrive toujours trop tard», explique Helena. Les essaims capturés par les pompiers sont vendus dix francs le kilo – une bonne affaire si l’on sait qu’une colonie d’abeilles adultes coûte dans les 300 francs. Ce prix élevé est dû à la disparition mas-sive des abeilles. Dans les pays industriels de l’hémisphère nord, le nombre des colonies a diminué de 30% en moyenne depuis 2006. Même les États-Unis sont inquiets: environ 30% des denrées alimentaires dépendent de la polli-nisation par les insectes, surtout les abeilles mellifères. Cela explique pourquoi elles se classent au troisième rang des animaux utiles en Europe, après le cochon et le bœuf. Les raisons de l’effondrement des colonies d’abeilles (Colony Collapse Disorder, CCD) sont multiples. Les spéculations vont bon train: certains accusent les pesticides et plantes transgéniques, d’autres l’alimenta-tion insuffisante ou trop uniforme des abeilles résultant de la monoculture, quand ce n’est pas le rayonnement des téléphones mobiles. Le varroa, parasite importé d’Extrême-orient dans les années 1980, est toutefois considéré comme le principal responsable. Mais comme il faut compter une vingtaine d’années entre l’apparition de l’acarien et le CDD, ce n’est sans doute pas le seul. Deux épidémies de loque ont aussi affaibli les colonies. Et qu’en est-il de la mortalité chez les abeilles urbaines?

D’abord, ce n’est pas une race à proprement parler. Deuxièmement, elles sont aussi touchées par les épidémies, notamment l’acarien parasite. «À ma connaissance, il n’existe aucun chiffre qui prouve ou indique que les abeilles des villes sont moins touchées par la loque européenne ou américaine ou par le varroa», constate Peter Gallmann d’Agroscope. Helena Greter, qui est titulaire d’un mastère en pathologie des abeilles, est aussi de cet avis. «Depuis 2010, les ruchers doivent être enregistrés auprès de l’office vétérinaire can-

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etonal. Si la loque américaine se déclare, par exemple, il est obligatoire de l’annoncer, les colonies concernées sont alors asphyxiées et une zone de sécu-rité est délimitée: dans un périmètre de cinq kilomètres, aucune colonie ne doit être déplacée ou manipulée; les colonies existantes doivent être contrôlées et surveillées», explique-t-elle. À Winterthour et dans les environs, de nom-breux ruchers sont situés dans des zones de sécurité, confirme Peter Albertin de l’association locale des apiculteurs. La rumeur qui veut que les abeilles des villes soient moins sensibles, voire résistantes aux maladies et au varroa peut avoir des conséquences fatales: des apiculteurs urbains crédules ne luttent pas contre ces maladies ou ne les annoncent pas, favorisant leur propa-gation. Lors de l’épidémie de loque américaine en 2011, les premiers ruchers concernés se trouvaient justement à Zurich et à Winterthour, souligne Albertin. Pourtant, on lit régulièrement que les abeilles des villes sont plus robustes que celles des champs. Si d’autres facteurs sont responsables de l’effondrement des colonies, il faudra tenir compte des conditions environnementales diffé-rentes en ville et à la campagne.

En France, le plus grand pays agricole de l’UE et où la monoculture prédo-mine, ces différences sont très nettes. Les abeilles y manquent de fleurs, de haies et d’arbres. on suppose que le système immunitaire des abeilles est affai-bli en raison d’une alimentation insuffisante et uniforme, mais aussi à cause des pesticides. Dans des villes comme Paris, la miellée dure plus longtemps, est plus diversifiée, ce qui renforce leur système immunitaire, comme le sup-pose yves Loublier, du Centre national de la recherche scientifique à Paris. Si les abeilles des grandes villes produisent jusqu’à cinq fois plus de miel que leurs consœurs souffreteuses des campagnes, c’est aussi dû à la température: grâce à un microclimat clément, les abeilles trouvent plus tôt et plus longtemps des fleurs, et donc «travaillent» également plus tôt dans l’année et plus longtemps (à partir de et jusqu’à 8° C).

Les entreprises redorent leur image avec l’apicultureBerlin, Bochum, Genève, Hambourg, Londres, Munich, New york, Paris,

San Francisco, vienne, yverdon, Zurich: la liste des communautés d’api-culteurs urbains augmente et leurs porte-parole sont de plus en plus éminents. En 2010, Michelle obama a misé sur le «urban gardening» à la Maison-Blanche et a fait aussi installer des ruches. Le maire de New york, Michael Bloomberg, a levé l’interdiction de l’apiculture en mars 2010, conférant du même coup à la Grande Pomme une image plus verte. Auparavant, le miel du Bronx ou de Brooklyn avait le parfum de l’illégalité; la guérilla du «beekeeping» était le pendant de la guérilla du «gardening». À Berlin, en revanche, l’apiculture urbaine est une tradition: environ 500 apiculteurs et 3000 colonies d’abeilles y vivent. La première association d’apiculteurs y a été fondée en 1864. Les motifs qui ont conduit au jardinage urbain sont les mêmes que ceux qui ont en couragé le boom de l’apiculture urbaine: production locale de denrées ali-mentaires saines; nostalgie de la nature et rêve d’autarcie; souci du développe-ment durable et de la biodiversité; recherche d’un équilibre personnel.

Jadis considérés comme petit-bourgeois, le jardinage et l’apiculture urbains sont redevenus à la mode. Comme le formule la Süddeutsche Zeitung: «Celui qui ne peut pas présenter au moins huit belles piqûres d’abeilles en sirotant sa Bionade dans un café branché doit se faire sérieusement du souci pour son image.» Le photographe parisien Nicolas Gallon commente ainsi le boom de l’apiculture urbaine dans sa ville: «Nouvelle mode, engagement écolo ou passion temporaire de bobos en manque de nature.» Les «bobos»

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sont des citadins cultivés, qui gagnent bien leur vie. Bourgeois, ils cultivent néanmoins un style de vie bohème quelque peu forcé. imitant les milieux branchés et leurs sous-cultures, ils habitent dans des quartiers tendance tels les 10e ou 11e arrondissements à Paris, Kreuzberg à Berlin ou le Kreis 5 à Zurich où, avec leur pouvoir d’achat, ils font vite grimper les loyers et en chassent leurs habitants d’origine.

Des entreprises également veulent redorer leur image au moyen de l’apiculture urbaine. Nicolas Geant, apiculteur à Paris, ne vit pas de la vente de miel, mais de l’installation et de l’entretien des ruches d’entreprises clientes. «Pour l’instant, on a 60 ruches, explique-t-il. on les trouve dans les quartiers chics, au Grand-Palais, chez Louis vuitton au Pont-Neuf ou chez EDF à la Défense. Le géant de l’électricité, qui exploite une soixantaine de centrales nucléaires, pratique l’écoblanchiment sur son toit, tandis que le numéro un de l’industrie du luxe, vuitton, considère ses abeilles urbaines comme un «engagement sérieux». Mais comme il est plus facile de porter un sac Louis vuitton que d’entretenir une ruche, la maison confie cette tâche à Nicolas Geant. Les entreprises ne voudraient pas rater cette occasion de se doter d’une image écolo, mais n’ont pas de temps à perdre – un modèle commercial sédui-sant pour Nicolas Geant.

Après une journée de travail harassante, Helena Greter s’assied un moment près de sa petite maison rouge avant de s’occuper des abeilles. «Pour décom-presser», déclare-t-elle. Que fait-elle de son miel? Sa réponse est surprenante: «En fait, je n’aime pas les choses sucrées, comme le miel, tout au plus dans un yoghourt avec des noix. Dans le village où j’ai grandi, je devais aller chercher notre miel chez l’apicultrice. Elle voulait me faire plaisir: elle plongeait la cuillère au fond du pot de miel et me la mettait dans la bouche, en m’étouffant presque, explique Helena en riant. Peut-être en est-ce la raison?...»

L’apicultrice-biologiste encourage tous ceux qui aimeraient élever des abeilles. Pourtant, elle sourit d’un air malicieux en ajoutant: «ils se rendront alors compte du travail et des frustrations possibles que cela représente: les années où l’on ne récolte que peu ou pas de miel, les colonies qui s’échappent, les piqûres d’abeilles, les maladies et, au printemps, la moisissure dans les ruches.» Mais Helena Greter veut s’accrocher, rédiger sa thèse de doctorat en pathologie des animaux et continuer de produire en toute tranquillité son miel made in Züri. L’apiculture est une démarche personnelle, un style de vie, mais qui n’est pas fait pour les bobos rêveurs. Quiconque souhaite produire du miel, doit en prendre le temps, car il n’y a pas plus de chance de faire fortune avec que de croiser Maya l’abeille.

remise de la pétition pour la protection des abeilles avec le soutien d’apiculteurs, Greenpeace Suisse a remis aux autorités fédérales une pétition en faveur de la protection des abeilles. Dans ce docu-ment, 80 103 personnes exigent l’interdiction de pesticides dangereux pour les abeilles. Ces signatures ont été récoltées en une année seulement. informations détaillées sous: protegeonsabeilles.ch

Greter goûte son miel «made in Züri».

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«en 2012, les DeManDes

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entretien avec Hans Stöckli, président de l’association des apicul-teurs des deux Bâle

Greenpeace: En ville, on n’utilise pratique-ment pas d’insecticides et les fleurs sont nombreuses; en outre, les températures y sont plus élevées qu’à la périphérie. Existe- t-il quelque chose qui incommode plus les «abeilles des villes» que celles des champs?

Hans Stöckli: Dans les zones urbaines, la flore est plus diversifiée, la période de floraison s’étale sur toute l’année. Les pollens sont donc de meilleure qualité que ceux prove-nant de la monoculture à la campagne. En raison du climat plus clément qui règne en ville – trois degrés de plus –, la flore et les colonies d’abeilles peuvent se développer un mois plus tôt. on pourrait supposer que les gaz d’échappe-ment soient nocifs pour les abeilles. or, en 1985, le laboratoire agroalimentaire de la ville de Bâle a cherché à déterminer l’éventuelle présence de métaux lourds dans le miel. Les traces de polluants étaient insignifiantes, car le corps des abeilles agit comme un filtre. En revanche, lorsque l’on a une grande densité d’abeilles, la réinfestation parasitaire des colonies par le varroa est bien plus importante qu’à la campagne,

où elles sont moins denses. Je pense qu’à Bâle même, on a atteint un seuil de concentration rai-sonnable. Si leur nombre croît, les abeilles seront en concurrence pour trouver leur nourri-ture, ce qui conduirait à des pillages. Et puis, les abeilles piquent: dans les régions densément peuplées, l’apiculture ne peut donc pas se dé velopper inconsidérément. C’est l’inspecteur des ruchers (office vétérinaire) qui évalue la densité des colonies. Qui participe aux cours d’apiculture?

Chaque année, une trentaine de nouveaux apiculteurs suivent la formation de base. Les femmes manifestent un intérêt croissant. Ce cours, qui dure deux ans, comprend huit demi-journées par an. Environ deux tiers des par ticipants élèvent ensuite des abeilles. Les demandes ont doublé en 2012. Les participants proviennent des milieux professionnels et groupes d’âge les plus divers. La majorité a entre 30 et 40 ans. Qu’attendez-vous de «Monsieur Abeilles», Peter Neumann? Il est prévu de faire des recherches sur des abeilles asiatiques et in-diennes qui résistent mieux au varroa. Faut-il importer de telles races d’abeilles?

La question cruciale, c’est: qu’est-ce qui a donc changé à ce point dans le monde pour que l’on assiste à l’effondrement des colonies? J’ap-prouve la recherche sur les abeilles à l’étranger pour acquérir des connaissances en matière de biologie moléculaire. En revanche, je m’oppose à l’importation d’abeilles. Une abeille ne peut pas s’épouiller elle-même, parce que le varroa se réfugie sur son dos. Les abeilles n’ont pas en-core identifié le varroa comme un ennemi, sinon elles s’épouilleraient mutuellement.

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Coup d’arrêt au déboisement

après une campagne menée par Greenpeace et d’autres groupes écologistes pendant trois ans, asia Pulp & Paper (aPP), le plus grand producteur de papier en asie, a décidé de cesser de déboiser la dernière forêt tropicale d’indonésie. Le groupe exporte de l’indonésie et de la Chine du papier pour des revues, des emballages, des imprimantes ou encore du papier toilette. il aura fallu de longs et intenses pourparlers entre Greenpeace et aPP pour aboutir à ce succès. Durant toutes ces an-nées, Greenpeace avait réussi à convaincre de nombreuses entreprises allemandes, dont adi-das, montblanc, metro et Tchibo, de suspendre l’achat de papier aPP. «L’arrêt du déboisement est une pause bienvenue. elle offre un peu de répit aux orangs-outans, aux éléphants et aux derniers tigres de Sumatra», explique oliver Salge, expert en matière de forêts auprès de Greenpeace alle-magne. Les entreprises allemandes, en renonçant à commercer avec les destructeurs des forêts primaires, ont joué un rôle essentiel. «C’est un succès pour tous ceux qui ont soutenu notre cam-pagne», conclut Salge.

agriculture: l’Ue veut interdire certains

pesticidesafin de faire cesser la mort des abeilles, l’Ue compte interdire trois insecticides pendant deux ans, parmi lesquels des produits du grand groupe agroalimentaire suisse Syngenta. La Suisse envi-sage de se rallier à cette interdiction. Selon mat-thias Wüthrich, expert en chimie de Greenpeace, la proposition de Bruxelles ne va pas assez loin: «Dans de nombreuses parties de l’europe, les colonies d’abeilles déclinent rapidement. L’inter-diction de quelques pesticides seulement n’offre qu’une protection très limitée.»

Génie génétique:nouveaux essais en plein air

annoncés

L’Université de Zurich a déposé auprès de l’office fédéral de l’environnement une demande d’autori-sation pour une nouvelle série d’essais en plein air de culture de blé transgénique. ils doivent être pra-tiqués en 2014 sur un «site protégé» qu’agroscope va installer. Des organisations comme le Verein Schweizerische arbeitsgruppe Gentechnologie (SaG) remettent en question l’utilité de ces essais pour l’agriculture suisse. De nouveaux essais de cultures de blé transgénique n’ont guère de sens: ils sont chers et ne fournissent aucune connais-sance utile à l’agriculture suisse.

Public eyeDans la perspective du WeF, Greenpeace Suisse et la Déclaration de Berne ont dénoncé les cas particulièrement flagrants de cupidité et d’at-teintes à l’environnement lors des «Public eye awards» de janvier 2013. Le Prix du Jury a été dé-cerné à la banque américaine Goldman Sachs. Le Prix du Public est allé, selon les votes de 41 800 internautes, au grand groupe pétrolier Shell. avec la nomination de Goldman Sachs, le documen-taire qui suit mérite d’être soutenu.

qui sauve qui?Qui sauve qui? est un film «des gens d’en bas», financé par ceux qui veulent le voir, le montrer, qui ont besoin de ce documentaire pour sensibiliser. Cette production a donc été financée avec l’aide et le vaste soutien d’innombrables personnes pri-vées engagées, d’organisations (dont attac, WeeD, Helvetas, Urgewald, mehr Demokratie, etc.) et de médias alternatifs. Les sponsors reçoivent une copie sur DVD ainsi que la licence de projection, et peuvent ainsi utiliser ce film pour leur travail politique dans le cadre de colloques, conférences, manifestations culturelles, etc. www.wer-rettet-wen.org/index.php/fr

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Téléphoner et surfer sur le web avec le courant

solairePour huit francs seulement, vous aurez du soleil toute l’année. La vignette solaire 2013 pour télé-phones portables fournit de l’électricité solaire à partir de n’importe quelle prise de courant et sou-tient un projet de Jeunesse Solaire. Les centrales solaires sont construites par des jeunes impli-qués dans ce projet. Chaque vignette solaire ven-due permet d’acheter du courant solaire actuelle-ment produit sur le toit de l’étable d’un paysan bio du canton de Schwytz. La première «pompe à essence solaire» a été réalisée pour les vélos électriques en 2002. Depuis, le projet n’a cessé de s’étoffer avec, en 2009, la vignette solaire pour portables, puis, en 2012, la vignette solaire Plus, avec un don en faveur de projets solaires novateurs en afrique ou en Suisse.Ces vignettes solaires sont appréciées comme cadeau d’anniversaire ou publicitaire durable. Vous pouvez en commander sous: www.solarvignette.ch ou par courriel à [email protected].

Plus de 10 000 personnes demandent des comptes au

Conseil fédéralen l’espace d’une semaine, plus de 10 000 per-sonnes ont demandé au Conseil fédéral de prendre enfin des mesures concrètes pour obli-ger les multinationales suisses à respecter les droits de l’homme et les normes environnemen-tales partout dans le monde. À l’occasion du WeF, la coalition «Droit sans frontières» a sommé le Conseil fédéral «de se montrer responsable».en sept jours seulement, ces 10 000 personnes ont appelé par courriel le ministre de l’économie Johann Schneider-ammann et le ministre des affaires étrangères Didier Burkhalter à s’engager pour une loi qui contraigne les multinationales

ayant leur siège à Genève à respecter les droits de l’homme et l’environnement. L’été dernier, «Droit sans frontières» avait déposé une pétition signée par plus de 135 000 personnes portant sur les mêmes revendications. or, tandis que dans d’autres pays, on discute pour savoir comment des mesures facultatives pourraient être combi-nées avec des prescriptions légales, le Conseil fédéral suisse continue de miser sur la responsa-bilité personnelle des entreprises. Pourtant, dans son message du 23 janvier 2013 relatif à la loi sur des prestations de sécurité pri-vées fournies à l’étranger, le Conseil fédéral a montré qu’il était prêt à édicter des prescriptions légales s’il voyait que la réputation de la Suisse était menacée. il interdit notamment aux entre-prises de ce secteur ayant leur siège en Suisse d’exercer des activités qui pourraient favoriser des violations graves des droits de l’homme. il est plus que temps qu’il édicte des règles contrai-gnantes pour d’autres entreprises suisses qui opèrent souvent dans des domaines sensibles sur le plan des droits de l’homme et de l’écologie.

Deux ans après Fukushima:

la résistance au nucléaire continue

La catastrophe de Fukushima n’est pas encore terminée et un accident similaire pourrait se reproduire partout: pour rappeler ce message, Greenpeace a mené plusieurs activités en Suisse le 11 mars, à l’occasion du deuxième anniversaire de Fukushima, notamment une rencontre avec masashi Goto, ingénieur nucléaire japonais, et une projection sur les conséquences qu’aurait un accident à la centrale de mühleberg. Un autre moment fort a été la construction d’une tour de cinq mètres de haut sur la place de la cathédrale à Berne: 300 opposants au nucléaire se sont ras-semblés et ont construit un mémorial en bois avec des enseignes colorées rappelant «Le nucléaire fait fausse route» et «Le soleil brille gratuitement».

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Plainte pénale contre les centrales de Gösgen et

Leibstadt

Les exploitants des centrales nucléaires de Gös-gen et de Leibstadt ont apparemment enjolivé leurs bilans afin de comprimer leurs coûts et pouvoir continuer de colporter leur fable d’une électricité nucléaire bon marché. Greenpeace et l’association trinationale de protection nucléaire ont, pour cette raison, déposé une plainte commune. Les autorités pénales des cantons de Soleure et d’argovie vont devoir examiner si les deux centrales incriminées ont enfreint les prescriptions en matière de pré-sentation des comptes et si les actifs présentent des montants qui ne sont pas fondés.monika roth, avocate et professeure spécialisée dans le droit des marchés financiers, a rédigé la plainte. en manipulant les bilans, les exploitants auraient réussi à gonfler leur capital propre et à minimiser artificiellement les coûts de l’électricité nucléaire. Florian Kasser, expert de l’atome chez Greenpeace, a déclaré devant la presse: «Si la justice n’intervient pas, c’est la population qui, en dernier ressort, paiera l’addition.»

initiative efficacité électrique: un grand merci!

enthousiasmer, argumenter, convaincre. Dans la rue, dans le froid, mais aussi à la maison, bien au chaud. Notre peine a été récompensée! en un temps record, nous avons dépassé le seuil critique des 100 000 signatures nécessaires pour l’initia-tive «efficacité électrique». Nous — ce sont toutes les personnes qui, inlassablement, ont récolté des signatures. À toutes et à tous, un grand merci!Nous constituons une vaste alliance d’organisa-tions environnementales, de milieux politiques et économiques, qui se sont réunis pour cette cause importante. maintenant, le Conseil fédéral va de-voir fixer des objectifs contraignants et ambitieux en matière de consommation d’électricité dans sa stratégie énergétique. et c’est une bonne chose, car l’efficacité électrique permet d’économiser pas moins de 80% du courant produit actuelle-ment par les centrales nucléaires.

DetoxUne nouvelle étude de Greenpeace, «Substances nocives dans les textiles», a établi que, sur sept vêtements des marques de la migros et de la Coop soumis à des tests, tous contenaient des traces de polluants. Peu après sa parution, Coop a été la première entreprise suisse à s’engager à bannir tous les produits chimiques dangereux de sa chaîne de production d’ici 2020. Cette pro-messe publique inclut l’élimination complète des perfluorocarbures (PFC) d’ici septembre 2013 et des éthoxylates d’alkylphénol d’ici la fin 2013. Coop publiera à la fin de l’année toutes les don-nées relatives aux produits chimiques utilisés par ses quinze sites de production. La migros aime donner l’image d’une entreprise qui s’engage en faveur de l’environnement et des générations futures. avec «Génération m», elle a fait des promesses qu’elle doit impérativement tenir. or, jusqu’ici, elle a refusé toute promesse de décontamination crédible. Des militants de Greenpeace ont donc grimpé sous le toit du siège de la migros à Zurich pour y déployer une ban-derole dénonçant «migros – un m toxique». ils exigent du grand distributeur qu’il élimine tous les produits chimiques dangereux de l’ensemble de la chaîne de production de tous ses vêtements d’ici 2020. Sur ces entrefaites, migros a publié sur son site «Génération m» un nouvel engagement, à savoir que tous les textiles de sa marque seraient fabri-qués selon ses propres directives écologiques d’ici la fin 2017. C’est un premier pas dans la bonne direction, mais il manque un catalogue de me-sures précisant à quelle échéance le géant orange bannira les trois groupes de produits chimiques les plus dangereux que sont les éthoxylates d’alkylphénol, les PFC et les plastifiants.Jusqu’ici, les entreprises internationales suivantes ont promis d’assainir leur chaîne de production: Nike, adidas, Puma, H&m, m&S, C&a, Li-Ning, Zara, mango, esprit, Levi’s, Uniqlo, Benetton, Victoria’s Secret, G-Star raw, Valentino et Coop.Vous trouverez les dernières informations sur cette campagne sur greenpeace.ch/migros.

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Le designer reto Schmid, un ancien du service civil de Greenpeace, fait partie des gagnants du prix suisse de l’énergie «Watt d’or». avec la mai-son de l’innovation Creaholic de Bienne, il a mis au point Joulia, le premier système de douche à récupérateur de chaleur intégré permettant de faire des économies d’énergie (www.joulia.com). reto Schmid décrit ce qui l’a particulièrement impressionné lors du cours de l’energy academy.

Greenpeace: Reto, qu’est-ce qui t’a poussé à participer à l’Energy Academy? Reto Schmid: au lieu de répéter comme un perroquet ce que disent les autres, je voulais être en mesure de convaincre avec de bons arguments que les énergies renouvelables sont notre avenir. mais je voulais aussi apprendre à mieux contredire mes adversaires. Grâce au cours, j’ai désormais une bonne vue d’ensemble de la politique énergé-tique en Suisse. J’ai aussi vu que le tournant éner-gétique entièrement axé sur les renouvelables était non seulement une possibilité, mais aussi une chance.Est-ce que cela t’a apporté quelque chose pour ton travail quotidien? Cela m’a conforté dans la position fondamen-tale qui est la mienne: le temps est venu pour notre produit. maintenant, je ne suis pas forcément un meilleur vendeur, mais j’ai certainement gagné en crédibilité. Alors, tu es prêt à entrer dans l’arène politique? Je trouve que c’est une bonne chose de faire de la politique en tant qu’entrepreneur. mais

concilier les deux activités demande énormé-ment d’énergie. en ce moment, le développement de produits intelligents qui offrent des solutions alternatives au service du même objectif m’ap-porte plus de satisfaction que les processus poli-tiques de longue haleine.Mais ta vie quotidienne n’est certainement pas toujours facile. Qu’est-ce qui te motive chaque matin à surmonter les difficultés rencontrées dans ta vie de jeune entrepreneur? La passion des solutions alternatives, ca-pables de changer un peu le monde. C’est une belle chose de pouvoir se lever le matin et, arrivé à la fin de la journée, de constater qu’on a fait de pe-tits progrès. mais cela ne fonctionne qu’en équipe et en mettant du cœur à l’ouvrage.

Dates du séminaire intensif de deux jours«energy academy» avec rudolf rechsteiner16 et 23 août à Berne (en allemand, 2 vendredis)16 et 23 novembre à Zurich (en allemand, 2 samedis)19 octobre et 2 novembre à Lausanne(2 samedis)Taxe de cours CHF 300.—(documentation et déjeuners inclus)S’inscrire [email protected] Suisse, Heinrichstrasse 147, 8031 Zurich ou informations sous: greenpeace.ch/energyacademy

«Depuis l’energy academy j’ai gagné en crédibilité»

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Livre

nouveau guiDe greenpeace

Greenpeace vient de publier son nouveau guide, intitulé Greenpeace-Handbuch, en allemand pour l’instant. Une édition française est prévue pour cet automne. La version allemande de ce livre richement illustré peut être commandée dès maintenant auprès de Greenpeace. Les adhérents Greenpeace ne paient que 17 francs cet ouvrage de fond de 550 pages.

C’est un manuel fait de conseils concrets, d’informations fouillées mais aussi d’astuces pratiques, qui vise à orienter toute personne sen-sible à l’envi ronnement dans ses choix. il il-lustre la variété des actions, petites ou grandes, à intégrer au quotidien pour une vie plus écol o-gique. Les chapitres explicatifs et les glossaires permettent d’approfondir ses connaissances en écologie. Et une douzaine d’essais sont l’occa-sion pour des personnalités diverses d’aborder les questions les plus brûlantes.

Bref: un livre incontournable.Les adhérents Greenpeace bénéficient d’une réduction de prix de moitié et ne paient que 17 francs . À com-mander à l’adresse suivante, en mentionnant le numéro d’adhérent et l’adresse de livraison et de facturation: [email protected].

Les nouveaux adhérents (cotisation annuelle à partir de 72 francs) se verront offrir le guide comme cadeau de bienvenue.

Le guide (en allemand uniquement) est également disponible en librairie.

Transports publics

Première gare à zéro énergie en

AllemagneÀ Kerpen-Horrem, à l’ouest de Cologne, la Deutsche Bahn (DB) construit la gare de l’avenir. Dans le cadre d’un projet pilote soutenu par les pouvoirs publics, l’Alle-magne aura sa première gare à zéro énergie d’ici la fin 2013. La DB compte utiliser toutes les normes actuelles régissant la construction écologique et durable, et vérifier si elles sont applicables aux futures gares. Le nouveau bâtiment n’émettra pas de Co2 et sera doté d’une cen-trale photovoltaïque de 340 m2 sur le toit, les 150 m2 restants étant végétalisés. L’eau de pluie, collectée dans une citerne, alimentera les chasses d’eau. Un système d’éclai-rage zénithal permettra d’orienter la lumière naturelle dans tous les secteurs du bâtiment; à la nuit tombante, la technologie des LED fournira un éclairage peu gour-mand en énergie. Des matériaux recyclables d’origine végétale provenant de la région seront em-ployés pour la construction. Deux gares vertes vont être construites sur ce modèle à Witten-berg, ville natale de Luther, et à offenburg. La DB étend ainsi aux nouvelles gares ses objectifs en matière de protection climatique.

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Un nombre croissant de personnes qui partagent les valeurs de Greenpeace envisagent de léguer par testament leur bien foncier (appar-tement, maison principale ou secondaire) à l’organisation. Mais sou-vent, ce legs est assorti d’exigences d’ordre écologique ou social que les acheteurs seront tenus de respecter. C’est pour répondre à de telles exigences à long terme que Greenpeace collabore avec HabitatDurable Suisse. Nous nous sommes penchés sur les raisons de cette collabo-ration avec deux spécialistes de la question.

Greenpeace: Madame Bonnardin, en tant que responsable des legs auprès de Greenpeace, vous êtes de plus en plus souvent confrontée à des demandes de donatrices ou donateurs qui sou-haitent léguer un bien foncier à l’organisation. Beaucoup veulent d’ailleurs garantir de leur vivant que, en cas de vente de l’objet, certaines exigences soient remplies, par exemple, que les arbres soient conservés. Comment réagissez-vous dans de tels cas?

Muriel Bonnardin: C’est exact, chaque année, nous recevons envi-ron une douzaine de demandes de ce genre – nettement plus qu’il y a quelques années. Elles viennent souvent de donatrices et donateurs de la première heure, qui nous sont fidèles depuis longtemps. Je peux très bien les comprendre: ces personnes ont pris soin de leur habitation pendant des années, l’ont assainie selon des critères écologiques, ont entretenu leur jardin aux arbres séculaires, ou bien il y a un chat qui doit être conservé dans la maison après leur décès. Naturellement, nous aimerions répondre à ces désirs, mais nous n’avons pas actuellement la

les Dernières volonTÉs

«La conservation d’arbres peut elle aussi être réglée.»

Greenpeace travaille désormais en collaboration avec l’association HabitatDurable Suisse afin de remplir les exigences en cas de donation de biens fonciers.

La collaboration entre Greenpeace Suisse et HabitatDurable Suisse comprend un mandat de conseil en matière d’immobilier pour toutes les questions concernant les legs à Greenpeace. Les donatrices et donateurs peuvent, en indiquant leur numéro de membre, obtenir une carte de membre d’HabitatDurable à moitié prix (valable seulement la première année) et profiter de 15 minutes de conseil gratuit ainsi que des conditions spéciales de l’association par la suite. Fondée en 1988, l’association Ha-bitatDurable considère la propriété d’une maison ou d’un bien-fonds comme un investissement qui doit obéir à des critères environne-mentaux. elle refuse de spéculer sur l’immobilier. HabitatDurable et Greenpeace ont mis au point une «Liste de contrôle des exigen-ces d’ordre social et écologique en cas de vente d’une maison». Le Guide testamentaire de Green-peace et la liste de contrôle peuvent être commandés par téléphone auprès de muriel Bonnardin au numéro 044 447 41 64 ou par cour-riel à l’adresse: [email protected]. informations complémentaires: www.greenpeace.ch/habitatdurable.

Les membres de Greenpeace qui souhaitent adhérer à Habitat-Durable voudront bien utiliser la carte-réponse jointe à ce numéro.

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compétence de juger ce qui pourra être réalisé ou non. Nous avons donc cherché une association partenaire qui soit au fait de ces questions et qui partage nos valeurs et nos préoccupations. Je suis assez vite tombée sur HabitatDurable Suisse et nous nous sommes rencontrés. Monsieur Füllemann, en tant qu’agent immobilier et membre du comité de la section zurichoise d’HabitatDurable, avez-vous connaissance de tels cas?

Hansueli Füllemann: Bien sûr. Personne ne veut que sa maison tombe entre les mains de personnes qui n’en prendront pas soin. Mais ce n’est pas si simple que cela. Quels sont les problèmes?

Füllemann: Au fond, il s’agit de savoir quelle est la valeur d’une telle obligation. Des inscriptions au registre foncier ne sont possibles que sous certaines conditions; dans le cas présent, on peut, à la rigueur, régler la question du maintien des contrats de location existants à long terme. Mais si l’on veut, par exemple, conserver un jardin qui se trouve au milieu d’une zone constructible, nous ne disposons dans le registre foncier d’aucune base juridique pour cela. Que peut faire Greenpeace, concrètement, pour donner suite à de tels souhaits?

Bonnardin: on peut, bien sûr, prendre des dispositions contrai-gnantes avec les acheteurs, par exemple, pour la garde du chat ou la préservation du bâtiment existant. De tels engagements peuvent être fixés dans le contrat de vente et sont alors également valables pour les futurs propriétaires. En cas de non-respect de ces engagements, une peine conventionnelle pourra être prévue. Mais il y a des limites: plus les prescriptions sont nombreuses, plus il sera difficile de trouver un acheteur qui accepte de s’y conformer. Naturellement, c’est aussi une question de prix.Que conseillez-vous aux propriétaires de maisons qui ont de telles intentions?

Füllemann: ils devraient se faire conseiller. Greenpeace et les experts d’HabitatDurable sont à leur disposition pour un entretien. il s’agira d’abord d’établir la liste des souhaits de la personne, de faire le tri entre ceux qui sont importants et ceux qui le sont moins, et, bien sûr, ceux qui sont réalistes et ceux qui ne le sont pas, afin d’avoir une base solide pour établir les dispositions testamentaires.Qu’est-ce que Greenpeace peut – ou ne peut pas – promettre?

Bonnardin: Nous ne pouvons donner une promesse juridiquement contraignante que si le souhait de la personne est mentionné sous forme manuscrite dans le testament, en tant qu’obligation, et pour autant que ce vœu soit réalisable. C’est la raison pour laquelle cet entretien préalable est, selon moi, si important. Nous ne pouvons pas garantir des promesses que nous ne pourrons pas tenir. Mais si quelqu’un souhaite, par exemple, que sa maison soit vendue à une famille, nous répondrons à ses attentes. La conservation d’arbres ou d’un bâtiment assaini de manière écologique peut elle aussi être réglée avec un acheteur. Mais il faut bien être conscient que nous ne pouvons pas donner de garantie pour l’éternité. Ce ne serait pas sérieux. Comment les testateurs potentiels doivent-ils procéder?

Bonnardin: Je leur recommande un entretien-conseil avec moi et un représentant d’HabitatDurable pour évaluer sous quelle forme leurs

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vœux concernant la conservation de leur bien foncier peuvent être exaucés. Un supplément manuscrit au testament est de règle. Mais il est aussi possible de remplir une liste de contrôle préparée par nos soins, qui sera annexée au testament. Au contraire de l’inscription manuscrite, la liste de contrôle n’est pas contraignante, mais nous nous engageons à remplir les dernières volontés du testateur. Nous l’aiderons volontiers à mettre au point son testament.Autrefois, on n’aurait sans doute jamais légué sa maison à une organisation environnementale. D’où vient un tel désir aujourd’hui?

Bonnardin: Cela reflète certainement la transformation de la société ces dernières décennies. Souvent, les donatrices et donateurs n’ont pas d’héritiers légaux – enfants, conjoint ou parents – ou ils ont déjà réglé leur succession avec leurs enfants. Parfois, ils disposent aussi d’un patri-moine très important, et lorsqu’ils lèguent un bien immobilier à une œuvre de bienfaisance, cela n’entame pas la part réservataire. Le fait de retransmettre ses propres valeurs, telles qu’on les a vécues, par exemple sous la forme d’une maison remarquablement assainie sur le plan écologique, joue sûrement un rôle. Greenpeace a, jusqu’à présent, toujours exclu de conserver des biens fonciers qui lui ont été légués. D’autres ONG sont devenues propriétaires d’immeubles. Changerez-vous de politique?

Bonnardin: Nous réfléchissons à la question et une ouverture est vraisemblable.Comment faut-il se l’imaginer?

Bonnardin: Greenpeace ne gérerait pas elle-même de tels biens et nous examinerions la chose très minutieusement avant de l’accepter. Nous ne pouvons pas nous permettre des pertes vis-à-vis de nos dona-trices et donateurs. Mais, avec HabitatDurable, nous avons trouvé le partenaire qu’il nous fallait. Je peux m’imaginer que leurs experts auront à examiner de tels cas dans le cadre de notre mandat. Et que retire votre association de cette coopération avec Greenpeace?

Füllemann: Nous partageons des idéaux et des visions. En tant que petite association de 11 000 membres, nous espérons qu’un ou plusieurs des 160 000 membres de Greenpeace nous rejoindront. Cela nous renforcera, ainsi que notre cause.

Cet entretien a été réalisé par Urs Fitze, Pressebüro Seegrund

Les personnes:ingénieur civil ePF, Hansueli

Füllemann est aujourd’hui agent immobilier et conseiller en maîtrise d’ouvrage. il est membre du comité de la section zurichoise d’Habi-tatDurable (Hausverein) et a été, un certain temps, membre du comité de l’association faîtière en Suisse.

muriel Bonnardin est respon-sable des dons alloués aux projets, des fondations et des successions. elle travaille chez Greenpeace Suisse depuis plus de 20 ans.

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Dates de l’exposition du 26.5.2013 au 22.9.2013, Vögele Kultur Zentrum, Gwatt-strasse 14, 8808 Pfäffikon SZinformations complémentaires voegelekultur.ch ou tél. 055 416 11 11Heures d’ouverture du mercredi au dimanche 11—17 hle jeudi 11—20 hVisite guidée tous les dimanches à 11 h 15

La responsabilité fait partie in-trinsèque de chacun de nos actes. Elle est du reste l’élément grâce auquel une société civile, reposant sur des conventions, est possible. «La responsabilité, chacun la porte, mais qui l’assume?» – le Centre culturel vögele à Pfäffikon, dans le canton de Schwytz, pose cette question dans sa prochaine exposition interdisciplinaire. La thèse de départ est que chaque action implique une responsabilité et ne reste pas sans conséquence. Sans faire la morale, mais avec doigté et humour, cette exposition traite de ce que chacun peut faire

s’il mesure son comportement à l’aune de ses effets globaux et de sa responsabilité. L’objectif de l’expo-sition est de réfléchir aussi bien sur la liberté de décision que sur l’ac-tion responsable de la communauté. Le visiteur quitte cette exposition soutenue par une mise en scène surprenante avec un sentiment po-sitif de ce qui peut résulter lorsque l’on assume ses responsabilités. Pour cette exposition, Greenpeace Suisse a mis à disposition, sous forme de prêt, une photographie originale de Spencer Tunick. il s’agit d’une photographie signée, que Spencer Tunick avait offerte à Greenpeace Suisse après la vente aux enchères organisée à l’hiver 2007. L’artiste souhaitait que notre organisation la vende et utilise le montant obtenu pour la campagne en faveur de l’Arctique. L’exposi-tion au Centre culturel vögele nous permet aujourd’hui d’exposer publiquement la photographie dans un cadre adéquat et de la pré-senter aux acheteurs intéressés.L’enchère minimum pour cette

photographie signée est de CHF 7800.– (USD 8500). La vente sera adjugée au plus offrant. Les personnes intéressées pourront admirer cette œuvre dans le cadre de l’exposition du dimanche 26 mai au dimanche 22 septem- bre 2013.

Des offres d’achat peuvent être envoyées par courriel d’ici la fin septembre 2013 à muriel Bonnardin ([email protected]). Début octobre 2013, les per-sonnes intéressées seront infor-mées du résultat de la vente. muriel Bonnardin répondra à toutes vos questions du lundi au jeudi au numéro 044 447 41 64.artiste: Spencer TunickTitre: Switzerland aletsch Glacier3.1 (Greenpeace) 2007Signé au verso «Spencer Tunick 2007» Tirage C-PrintCadre: entre des plaques de plexiglas édition: set de 6Dimensions: 95,25 x 76,20 cmemballage: caisse en bois

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Le produit de la vente de cette photogra-phie originale signée Spencer Tunick ira à la campagne arctique de Greenpeace.

événement

Exposition sur le thème de la responsabilité

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énergie

Des éoliennes volantes

Des ingénieurs et des techniciens estiment que les éoliennes vo-lantes recèlent un grand potentiel énergétique. Les avantages? Elles produisent régulièrement et presque toute l’année du courant.il existe différents prototypes tels que des constructions ressem-blant à des hélicoptères, des dra-gons volants ou des ballons d’hé-lium en forme d’anneau, au centre desquels tourne un moulin à vent. Tous en sont encore à la phase de test et devraient opérer à une altitude de 100 à 600 mètres.Bien que cette technique soit en développement, elle offre déjà quelques atouts par rapport aux parcs à éoliennes traditionnelles. Les éoliennes volantes permettent de réduire les frais de matériel jusqu’à 90%, et la vitesse du vent à 600 mètres d’altitude est deux à trois fois plus élevée qu’au sol.

Les Aztèques furent les premiers à pratiquer l’aquaponie, en asso-ciant l’aquaculture (élevage de poissons) et l’hydroponique (culture des plantes par de l’eau enrichie en matières minérales). ils culti-vaient des céréales dans des chinampas – des jardins flottants – aménagés dans des zones maré-cageuses et conjuguaient les deux techniques afin de faire circuler l’eau et des éléments nutritifs en circuit fermé. Les déjections de poissons, riches en azote, sont en effet transformées par des bac-téries naturelles en de précieux ni-trates qui serviront d’engrais aux plantes. Ce faisant, l’eau est puri-fiée et débarrassée de l’oxyde de carbone en excédent. Portée par la vague de l’«urban farming», l’aquaponie a connu ces dernières années une véritable renaissance dans les serres installées sur les toits des immeubles. Tandis que tomates, poivrons et salades poussent dans les plate-bandes, on élève des poissons comes tibles – tilapias ou perches, par exemple – dans l’aquarium. L’eau circulant en circuit fermé, il faut de 80 à 90% moins d’eau que

dans l’agriculture traditionnelle pour produire des légumes.De plus en plus de citadins des ré-gions arides des pays méridionaux découvrent cette technologie qui, jusqu’ici, était surtout populaire dans les grandes métropoles d’Eu-rope et d’Amérique du Nord. Ainsi, à Amman, capitale de la Jor-danie, l’oNG Meezan construit des serres destinées à l’aquaponie à partir de matériaux recyclés. Les toits en terrasse de la ville sont transformés en espaces verts et la population des quartiers les plus pauvres, qui dépendent des impor-tations de denrées alimentaires, peut être autosuffisante. Le respon-sable du projet, Bashar Humeid, en est convaincu: «Pour retrouver notre liberté, nous ne devons pas seulement démocratiser notre poli-tique au Proche-orient, mais aussi la façon dont nous produisons nos denrées alimentaires.»NDLr Selon l’association Fair-Fish, le bien-être des animaux, c’est- à-dire un élevage de poissons approprié et responsable, doit être un critère important pour les pro-jets d’aquaponie.

alimentation

Plus d’autodétermination grâce à l’aquaponie

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«Nous aimons»

pÉTiTion pour une DÉclaraTion

oBligaToire Du poisson

Achèteriez-vous du poisson si vous saviez que, lorsqu’il a été pêché, il a été traîné en mer pendant des heures, écrasé dans un chalut? L’association Fair-Fish lance une pétition en faveur de la déclaration d’origine du poisson et des méthodes de pêche. Elle demande que les commerces et les restaurants ne puissent vendre ou proposer que du poisson muni d’informa-tions précises sur la méthode de pêche et le pays dans les eaux duquel il a été pêché ou élevé. Une ving-taine d’organisations, dont Greenpeace, soutiennent cette pétition, car seule une telle déclaration per-mettra aux consommateurs de renoncer en connais-sance de cause à acheter ou manger du poisson pêché selon des méthodes cruelles dans des zones de surpêche. Commandez dès maintenant les feuilles de signature sur www.fair-fish.ch ou signez en ligne et postez la pétition sur Facebook ou Twitter.

Forêts

Soutenons le projet Forêt de

montagne! Le programme 2013 vient de pa-raître. Matt, chanteur et guitariste du groupe 77 Bombay Street, a accompli son service civil dans le cadre du projet Forêt de montagne à Trin, dans les Grisons, au début de l’année. «Je voulais absolument travailler à l’extérieur, explique-t-il. Le va-et-vient des scies passe-partout est comme de la musique et m’inspire de nouvelles chansons. Et les bé-névoles qui s’engagent pour le pro-jet étaient tellement cool et intéressants!»

La rencontre entre la splendeur et les forces de la nature crée un e space vital fascinant. Du bois chauffé par le soleil et des éboule-ments, le gazouillis des oiseaux et les avalanches – les visions idyl-liques et les catastrophes sont étroitement imbriquées.La plupart des gens considèrent la forêt comme un espace de loisir et de détente. Mais elle rend bien d’autres services à la société: elle produit du bois, protège des dan-gers naturels, constitue un bio-tope pour la flore et la faune, amé-liore la qualité de l’air et de l’eau. Les bénévoles peuvent ressentir à fleur de peau cet environnement si contrasté. Depuis 1987, le Bergwaldprojekt, organisation d’utilité publique,

permet à des femmes et à des hommes de 18 à 88 ans de s’engager pendant une semaine entre avril et octobre. Ménagères, dentistes, musiciens, menuisiers ou étu-diants, ils poursuivent le même but: construire un chemin ou soigner de jeunes arbres, et contribuer ain-si à la préservation de la forêt. outre le travail physique au grand air, on y apprend beaucoup de choses sur la forêt. En 26 ans, plus de 34 000 bénévoles ont accompli plus de 175 000 jours de travail pour soigner la forêt de montagne.Le séjour d’une semaine est gratuit pour les participants. Vous pouvez télécharger le programme annuel 2013 sous www.bergwaldprojekt.org ou le commander au 081 650 40 40. Les inscriptions sont ouvertes!

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72Magazine GreenpeaceNo 2 — 2013

Sigle de la Pelagic Freezer-Trawler

Association

Prétenddécouvrir

l’avenir

Comment appelle-t-onla glace de mer

des régions polaires?

Polyculture associantpisciculture et culture

de plantes utiles

Précédal’UE

Variétéde cépage

Propo-sition

Habitantde la

Belgique

Sigle in-formatique

Unité demesure

Pré­xesigni­ant

huit

PiondoubléVoile

musulman

Chef-lieu

du Gers

Pronominter-

rogatif

Remblai

Élimé,râpé

Menufretin

Camarade,copain

PronomrelatifTerme

d’économie

Au tennis

Brebis,moutons

Malaimé

Pronom

Bordde mer

FootballeurSitue un

événementhistorique

Ville deBelgique(Brabant)

Mesure deGrande-Bretagne

(12 pouces)

Suf-frage

Acteuraméricain †

Fruitjaune

parfuméLe Sud

Marquele but

Pousse

Pronompersonnelmasculin

pluriel

Villedans le

Hainaut

Pays de l’UE

Peintrefrançais †

Nom d’un fabricant depâte de cellulose et de

papier qui a cessé ledéfrichage des forêts

Cabas

Montagnesd’ex-URSS

Il metun ­lm

à l’index

Langued’Asie

Garderied’enfants

Trainfrançais

très rapide

Aviateurfrançais,

† 1918

En�ammépar la

passion

Aire d’ur-banisation

Titreottoman

Sert degage

Orjol

Limonfertile

apportépar le vent

DisqueSe donner

de lapeine

Sigle in-formatique

Foyer

Mesureagraire

Non pollué

Prix aucinéma

Ennemides

abeilles

Couvrirde

taches

Choisir,sélec-

tionnerPré­xe

Quel a été le lauréatdu Public Eye Award

de cette année décernéà la pire entreprise?

Ustensilede net-toyageà poils

Regarderd’un airétonné

Lieu de pè-lerinage

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Gagnez l’un des trois sacs «bannière» de Greenpeace Chaque sac est une pièce unique confectionnée à partir d’une bannière utilisée lors d’actions de Greenpeace. Envoyez la solution jusqu’au 31 mai 2013 par courriel à [email protected] ou par voie postale à Greenpeace Suisse, rédaction magazine, mots fléchés écolos, case postale, 8031 Zurich. La date du timbre postal ou de réception du courriel fait foi. La voie juridique est exclue. il ne sera échangé aucune correspondance.

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Paysage sinistre en mongolie-intérieure: alors que les centrales à charbon et l’industrie chimique font disparaître les pâturages, le gouvernement remplace les moutons par des sculptures.

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