Grands Reportages

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71 70 Il s’épanouit au XVII e siècle à La Haye, Utrecht et Haarlem notamment, favorisé par une richesse commerciale sans précédent. Marchands et capitaines, dont les portraits fixent le visiteur, y jouèrent un rôle prépondérant. Signés Rembrandt, Frans Hals, Vermeer, ils émeuvent les foules. Au XX e siècle, Escher et Rietveld retiennent à leur tour l’attention. De nos jours, le charme discret des villes hollandaises rayonne. TEXTE DANIELLE TRAMARD - PHOTOS FRÉDÉRIC REGLAIN PLUS DE CONTENU SUR TABLETTE À Utrecht, toute l’année, quand tombe la nuit, Trajectum Lumen met en lumière la ville, colorant ici le canal Oudegracht et soulignant les reliefs de la tour du Dôme. WEEK-END PAYS-BAS LA HAYE / / UTRECHT / / HAARLEM LE SIÈCLE D’OR

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Il s’épanouit au XVIIe siècle à La Haye, Utrecht et Haarlem notamment, favorisé par une richesse

commerciale sans précédent. Marchands et capitaines,dont les portraits fixent le visiteur, y jouèrent un rôle

prépondérant. Signés Rembrandt, Frans Hals, Vermeer,ils émeuvent les foules. Au XXe siècle, Escher et Rietveld

retiennent à leur tour l’attention. De nos jours, lecharme discret des villes hollandaises rayonne.

TEXTE DANIELLE TRAMARD - PHOTOS FRÉDÉRIC REGLAIN

PLUS DE CONTENU

SUR TABLETTE

À Utrecht, toute l’année, quandtombe la nuit, Trajectum Lumen meten lumière la ville, colorant ici lecanal Oudegracht et soulignant les reliefs de la tour du Dôme.

WEEK-END PAYS-BAS

LA HAYE // UTRECHT /

/ HAARLEM

LE SIÈCLE

D’OR

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WEEK-END PAYS-BAS

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SCHEVENIGEN, IMMENSE PLAGE, ÉVOQUE L’ATMOSPHÈRE BRUMEUSE DESTOILES DE RUYSDAEL ET VAN DE VELDE

La station balnéaire de Scheveningen. Au centre, le Grand Hotel Amrâth

Kurhaus, Belle Époque, contemple lesimmenses plages de la mer du Nord.

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En face du musée Frans Hals,Groot Heiligland à Haarlem.Les façades des habitationspour vieillards faisaient partie de l’ancien hospiceSainte-Elisabeth.

WEEK-END PAYS-BAS

TÉMOIGNAGE DE L’INFLUENCE HOLLANDAISE : DE LA BALTIQUE JUSQU’À

SAINT-PÉTERSBOURG, LES MAISONS ADOPTENT LES PIGNONS À REDENTS

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Deux niveaux de quais, l’un au ras de l’eau, caves voûtéesservant d’entrepôts reliés auxmaisons, l’autre au niveau de la

rue, font le charme uniqued’Utrecht. Tous deux noirs demonde dès que le soleil brille.

dilemme, la majorité est catholique. Le pragma-

tisme dicte un compromis. Les catholiques pour-

ront pratiquer dans leurs églises pourvu qu’elles

soient cachées. D’où ces églises clandestines mais

cependant connues de tous. Un brin d’hypocrisie

pour beaucoup de tolérance…

L’Âge d’or ne fut pas exempt de guerres, le conflit

avec l’Espagne se poursuivant jusqu’en 1648.

Mentionnons une stratégie qui favorisa la victoire :

alignés sur sept rangs, les soldats tiraient puis recu-

laient pour recharger leur arme, laissant la place

à d’autres, ce qui donnait un feu quasi continu.

L’immigration, importante, soutint l’économie. Les

Flamands ressuscitèrent l’industrie du drap à

Haarlem et établirent un réseau international de

marchands. «Sans ces immigrants, la République

ne serait jamais devenue la puissance économique

qu’elle fut et l’Âge d’or aurait été moins doré »,

écrivent Hans Goedkoop et Kees Zandvliet, histo-

riens auteurs d’un livre passionnant, The Dutch

Golden Age, d’où nous tirons ces informations.

La flotte joua un rôle primordial. Les Pays-Bas

approvisionnaient la Baltique, l’Europe, et éten-

daient leurs échanges jusqu’à Batavia, antique nom

de Jakarta, alors siège de la VOC, la Compagnie

néerlandaise des Indes orientales, pendant presque

deux siècles, de 1619 à 1799. Nos auteurs la consi-

dèrent comme la première multinationale aux

actions négociées en Bourse ! À la fin du XVIIe, leur

valeur avait quintuplé. Enfin, ultime témoignage

de l’influence hollandaise, l’architecture : autour

de la Baltique et jusqu’à Saint-Pétersbourg, les mai-

sons adoptent les pignons à redents.

Idiosyncrasie propre à ce petit pays, les deux pro-

vinces le long de la côte, Hollande septentrionale

et méridionale, où sont situées LaHaye et Haarlem,

constituent la Hollande, les autres provinces avec

Utrecht, les Pays-Bas.

D ans la rue silencieuse, un léger cli-

quetis. Une femme, dos droit,

pédale dans un léger balancement

du corps. À La Haye, Haarlem,

Utrecht, la bicyclette est reine. Et leur nombre ne

fera qu’augmenter au fil des jours. Siège de la plus

grande université du pays, Utrecht grouille de bicy-

clettes. Décorées d’accessoires : fleurs, sacoches,

paniers, cageots, sièges de bébé, pour se distin-

guer des milliers qui attendent, appuyées au

parapet des quais. Les précèdent un cliquètement

grinçant si elles sont rouillées, un frottement léger

sur la brique qui pave les rues, assumant diverses

positions pour guider le pied sur la chaussée

réservée à la petite reine, sur la voie piétonne plus

étroite, ou sur le bas-côté transformé en parking

à vélo. Passent un peloton riant, deux commères

roulant de front ou, pur bonheur, un jeune papa

poussant un petit carrosse oblong où des yeux

bleus ravis regardent la ville.

Canaux, maisons à pignon, carillon donnent le sen-

timent de pénétrer dans le tableau d’un grand

maître. Pas de boutique dite « branchée ». La

Hollande efface la modernité et se donne à voir

dans son authenticité pure et simple, savoureuse

et tranquille, sûre de ses secrètes beautés.

Un siècle, le XVIIe, l’a forgée. Son Âge d’or ouvre

la porte à l’époque contemporaine, les Pays-Bas

préfigurant l’Europe d’aujourd’hui. La guerre fait

rage entre la très catholique Espagne de

Charles Quint et la Hollande sur le point d’em-

brasser la Réforme. Guillaume d’Orange dans son

discours du Nouvel An 1564: «Je ne puis approuver

les souverains qui veulent régner sur la conscience

de leurs sujets et les priver de liberté religieuse.»

En 1573, il choisira le calvinisme. En 1581, les

Provinces lui emboîtent le pas, refusant de se sou-

mettre à Philippe II, fils de Charles Quint. Mais,

PARCOURUE DE CANAUX OÙ BOURDONNENT LES RESTAURANTS, CES CITÉS OFFRENT

UN BONHEUR DE VIVRE DISCRET.

WEEK-END PAYS-BAS

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Mauritshuis le « palais de Maurice », incarne la

grâce, la dignité, la douleur. Et la vérité. Voyez

l’Autoportrait de Rembrandt : depuis des siècles, le

maître du clair-obscur nous regarde, une lueur d’in-

quiétude au fond des yeux. Rembrandt et ses cent

nuances de noir. Les spécialistes vous parleront

de ses empâtements au couteau, une technique

avant-gardiste en faveur aujourd’hui. Regardez aussi,

avec les yeux du cœur, Rubens et sa Vieille femme

et Garçonnet aux bougies (1616-1617), aussi atten-

tivement que, de Vermeer, La jeune fille à la perle

(1666) et, si calme au matin, la Vue de Delft (1660),

ville natale du peintre représentative des villes hol-

landaises. Admirez le captif Chardonneret (1654),

de Carel Fabritius, sans oublier les natures mortes,

un art national maîtrisé.

En totale rupture voici, dans un ancien palais XVIIIe

de la reine Emma, le délire géométrique d’Escher,

le maître des métamorphoses. Le monde d’Escher

est fait de trompe-l’œil, il donne le vertige avec

ses perspectives audacieuses, ses transformations,

déformations convexes et concaves qui se jouent

de la diffraction du verre. Au troisième étage,

démonstration dans une pièce au sol en échiquier

noir et blanc, ses couleurs.

Au loin, maisons serrées les unes contre les

autres sous les flèches d’églises perçant un ciel

floconneux.À nos pieds Scheveningen, sable jonché

d’épaves, bateaux de pêche échoués, travailleurs

de la mer réparant leurs filets. Des chevaux atten-

dent patiemment sous le soleil, les ombres se pro-

filent sur le sable. Une scène comme le pays en a

connu tant. Le panorama Mesdag, peint en quatre

mois, en 1881, est un faux glorieux, un trompe-l’œil

réussi. Peu de temps après, la photographie fit

son apparition, les panoramas périclitèrent.

Heureusement, subsiste celui-ci.

Scheveningen, immense plage du nord, évoque l’atmo-

sphère brumeuse des toiles de Ruysdael et de Van

de Velde. En hiver, frissonnant dans l’air vif qui rougit

les joues, poussez la porte d’un café. Le chocolat

brûlant aura plus de saveur. Ce jour-là, des villageois

de Staphorst en costume traditionnel évoquaient

les dames en longues robes de jadis… Précision :

aujourd’hui, c’est Rotterdam qui gagne l’argent que

l’on dépense à LaHaye, élégante et cultivée.

LaHaye, bourgeoise autant qu’aristocrate, ouvre

le bal. Ainsi apparaît le palais royal, bâtisse crème

à un étage et fronton central autour d’une cour

fermée de grilles. En son centre, une couronne et

un écusson avec la devise « Je maintiendrai », la

Cour, au XVIIIesiècle, comme d’autres monarchies

européennes, parlant français. Ici travaille le roi.

Tout au long de Noordeinde, bow-windows, fenê-

tres à guillotine, disent l’essence patricienne de

la rue. Car si Amsterdam enfile le costume de capi-

tale, La Haye abrite le Parlement, le gouverne-

ment, la famille royale, les ambassades et la Cour

de justice internationale qui lui donnent un petit

air cosmopolite.

LaHaye apparaît sur la carte au XIIIe siècle quand

le comte de Hollande fait construire un pavillon de

chasse qui deviendra le château autour duquel

grandit Sgravenhage, le «village du comte». Il attire

au fil du temps l’aristocratie et, aujourd’hui, les diplo-

mates dont les résidences occupent les belles villas

de Hollandais enrichis dans le commerce avec l’Asie.

Aussi donne-t-on à La Haye le nom familier de

«veuve de l’Indonésie»… Autour du Hofvijver, l’étang

de la Cour, le Parlement, Binnenhof ou «cour inté-

rieure » entourée de bâtiments de différentes

époques, où le roi prononce, le troisième mardi de

septembre, Jour des Princes, le discours du Trône

écrit par le Premier ministre, ouvrant ainsi la ses-

sion parlementaire. Le Mauritshuis et, à sa gauche,

une tour discrète, le bureau du Premier ministre.

Le Jour des Princes, un carrosse doré emmène les

souverains du palais de Noordeinde au Parlement.

Une foule bon enfant se presse derrière les bar-

rières, agitant des drapeaux orange, près des sol-

dats l’arme au pied. Sous les arbres de Lange

Voorhout défilent les régiments jouant de la

musique militaire, un détachement de cavaliers en

uniforme chamarré, la maison royale et, finalement,

le roi et la reine dans leur carrosse construit en

1898 pour Wilhelmine. Le premier roi des Pays-

Bas était français. Louis-Napoléon, frère de

Napoléon Bonaparte. Lui succédèrent trois rois pré-

nommés Guillaume (Willem) et trois reines,

Wilhelmine, Juliana et Beatrix, avant, aujourd’hui,

Willem-Alexander qui a épousé Maxima, une rotu-

rière argentine très populaire.

Le Jour des Princes, le carrossedoré du roi Willem-Alexander etde son épouse Maxima s’engagedans Lange Woorhout pour se

rendre au Parlement.

Ces chefs-d’œuvre duMauritshuis, palais XVIIe devenumusée en 1822, éclatent sur lasoie française rouge de la salle

de l’Escalier.

Le quartier des ministères dresse fièrement son

architecture contemporaine. À gauche, Hoftoren, achevé en

2004, abrite celui de l’Éducation,de la Culture et de la Science. Ses

lignes blanches futuristes sontl’œuvre d’un cabinet new-yorkais.Puis viennent les ministères de laJustice, de la Santé ainsi que de

l’Intérieur et des Affairesroyales. De dos, la statue deGuillaume le Taciturne, prince

d’Orange, sur Het Plein, dans lavieille ville.

WEEK-END PAYS-BAS

LA HAYE ROYALE De prestigieux musées, dont le Mauritshuis rénové, ont fait la renommée de cette ville cosmopolite, élégante et cultivée.

HÔTEL DES INDESUn portrait en pied de MataHari, d’Isaac Israëls, vous

accueille. Bienvenu dans cepalais construit par un baronen 1858, puis devenu palace

pour rois et chefs d’État participant notamment à laConférence internationale

de la Paix, en 1899. Historique donc, élégant,

son aggiornamento ayant étéconfié au brillant décorateur

Jacques Garcia.

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Six ans plus tard, en 1784, le Teylers Museum ouvre.

Il est resté en l’état, si bien que, fait rarissime, le

visiteur contemple un musée du XVIIIesiècle, éclairé

à la lumière naturelle afin de garder son atmosphère

d’origine. Premier achat, l’Encyclopédie de Diderot,

puis tous les livres importants de l’histoire natu-

relle des XVIIIe et XIXe siècles. Dans les domaines

les plus divers : astronomie, géologie, physique,

botanique… Et des instruments scientifiques anciens.

Mais aussi, à l’abri de la lumière, les dessins, trop

fragiles pour être montrés. Aussi des fac-similés de

croquis de Michel-Ange ou de Rembrandt ont-ils

été tirés. La Fondation, qui gère le musée, a notam-

ment acquis les collections de dessins d’une grande

érudite, la reine Christine de Suède.

Fraise blanche, habit noir et cordon rouge, ils

posent. Tous ne regardent pas le peintre. Ils vien-

nent de faire bombance ces joyeux drilles aux joues

rougies par le vin. L’on aura reconnu le Banquet

des officiers du corps des archers de Saint-Georges

(1616). Dans le fond, un drapeau aux couleurs de

leur compagnie. La visite se déroule au son des

carillons posés dans les salles, devant ces hommes

et ces femmes, calvinistes sans doute, en noir,

contrastant avec les scènes villageoises débordant

de gaieté. Frans Hals (1580-1666), né à Anvers,

vécut à Haarlem, aussi est-ce justice que son musée

soit ici. Une maison de poupée richement décorée

donne une idée précise d’un intérieur hollandais

au XVIIIe siècle.

Pourquoi ce goût effréné du noir ? Modestie, sim-

plicité ? Non. Le noir était un signe de richesse

car il devait subir plusieurs bains pour obtenir un

reflet profond. Garnitures et accessoires d’un blanc

éclatant et raide étaient en lin, en laine peignée,

les broderies extrêmement fines. Vers 1630, avec

l’opulence vint l’attrait pour les couleurs cha-

toyantes. Le rouge, le jaune, l’or remplacèrent le

noir omniprésent. Pour les mettre en valeur, l’ex-

travagance des châles, des ceintures à nœud bouf-

fant, des chapeaux à plumes et larges bords tenus

négligemment à la main par de fiers patriciens…

La guerre s’éloignant, vint le temps de rire, de

boire, de patiner sur les lacs gelés. C’est tout cela

que Frans Hals donne à contempler dans l’éton-

nant musée qui porte son nom.

Villageoise, bon enfant, la ville de Frans Hals

était, au Xesiècle, un bourg de pêcheurs au bord

de la rivière Spaarne rendu prospère, aux XVIe et

XVIIe, par la construction navale, le textile et le bras-

sage de la bière. Non sans influence sur le peintre

de la joie de vivre. L’un de ces bourgs ceints de murs,

avec des portes que l’on fermait le soir, entouré de

terres agricoles fournissant nourriture, combustible

– la tourbe – et eau. Négociants, drapiers et bras-

seurs font la fortune de Haarlem quand le comte

de Hollande y installe sa résidence, au XIIesiècle. Il

fait construire sur Grote Markt, la Grand-Place, un

pavillon de chasse devenu hôtel de ville, patchwork

de styles intéressants. Retenons, à l’angle, un édi-

fice marqué d’un cartouche blanc : ici était imprimé

le Haarlem Dagblag, premier journal de la ville. Il

existe toujours.

Sur cette même place où avaient lieu les joutes, les

habitants élevèrent en cent cinquante ans, de 1370

à1520, la Grote Kerk ou église Saint-Bavon, de style

flamboyant, dotée d’un orgue du grand facteur

Christian Müller : cinq mille soixante-huit tuyaux,

trois claviers, un pédalier et soixante-cinq registres

que firent sonner Haendel en 1740 et 1750, Mozart

en 1766 et, plus tard, Mendelssohn, attirés par sa

renommée. Achevé en 1838, après quatre années

de labeur, c’est l’un des cinq plus grands au monde.

Le buffet d’orgue à dorures, en bois de pin teinté

acajou, est dominé par deux lions portant les armes

de la ville. Au sol, de grandes dalles usées : les pierres

tombales. Dans le chœur est enterré Frans Hals : une

simple dalle noire à son nom et deux dates.

Particularité de Haarlem, les hofjes, anciens hos-

pices pour vieilles dames, enclos de charme,

des béguinages en somme. Imaginez une pelouse

et un bassin gazouillant entourés de maisons de

poupées. Maisons vraiment petites – quelque vingt-

cinq mètres carrés – mais si soignées. Une habi-

tante vous fera peut-être visiter son logis aménagé

avec goût de façon à ne point perdre de place. Hofje

Van Bakenes fut fondé en 1395, mais la plupart

datent du XVIIe siècle. Sur la quarantaine des ori-

gines, il en reste vingt, propriété de la ville ou regrou-

pées en associations.

Pieter Teyler, homme des lumières, lègue sa for-

tune à sa ville afin qu’elle soit consacrée à la science.

Le Banquet des officiers de laGarde civique de Saint-Georges, de Frans Hals (1616), dont lesnoms et grades sont précisémentconnus, et la reconstitution d’une table d’époque.

Grote Markt, la Grand-Place,délimitée par l’église Saint-Bavon et, ici, l’hôtel de ville de Haarlem, ancien pavillon dechasse du comte de Hollande.

WEEK-END PAYS-BAS

Canal scintillant, le Bakenessergrachtfermé, au fond, par l’anciennebrasserie De Olyphant, l’Éléphant,construite sans doute au XVIIe siècleau bord de la rivière Spaarne. Deuxmaisons jumelles, en brique décoréede pierre, signe de richesse, et pignonsà redents, toujours très en faveur.

La ville de Frans Hals séduit par le charme intime et discret émanantdes hofjes et du musée de ce jovial artiste, son peintre emblématique.

HARLEM - NEW YORKÉMIGRATIONFÉCONDEDifficile d’imaginer que cettepetite ville paisible est à l’ori-gine d’un quartier branché aunord de la Grosse Pomme. Etpourtant ! Le premiercomptoir hollandais fut établidans le sud de Manhattan et levillage de Harlem fondé en1658 par le gouverneur PieterStuyvesant qui emprunta lenom de cette ville desProvinces-Unies.

HAARLEM BUCOLIQUE//

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Joyau de la ville, l’église cachéeSaint-Willibrord, premier évêqued’Utrecht. La finesse du décor decette beauté néogothique éclate

au premier regard.

Catharijneconvent, le très beau musée du couvent Sainte-Catherine, dédié à l’art religieux

et à l’histoire chrétiennemouvementée des Pays-Bas,expose dans un monastère

médiéval statues polychromes etpeintures sur bois qui émeuvent

le visiteur, fût-il incroyant.

Du sommet de la tour du Dôme,contempler la ville ancienne :Oudegracht, le vieux canal, et

le clocher de Buurkerk abritantle musée de la musique.

WEEK-END PAYS-BAS

croisée d’ogive. Au-delà, la zone piétonne, très animée.

Willibrordkerk nous laisse un souvenir impérissable.

Cette église catholique, cachée, construite en 1875,

est la plus belle de style néogothique des Pays-Bas.

La place disponible étant étroite, les architectes lui

donnèrent vingt-sept mètres de hauteur. Tout ce

qui fait un lieu d’exception est ici réuni : une féerie

de couleurs sur les murs, un décor médiéval, des

boiseries sculptées et des vitraux qui filtrent la

lumière. Quand le chant grégorien s’élève lors de

l’office du dimanche ou lors d’un concert, le visi-

teur est transporté par ce « secret véritablement

céleste ». Elle est dédiée à saint Willibrord, pre-

mier évêque d’Utrecht, au VIIIe siècle.

Au Museum Catharijneconvent, le musée du cou-

vent Sainte-Catherine, condensé de l’histoire

religieuse mouvementée des Pays-Bas, point n’est

besoin d’être croyant pour être touché par la grâce

de Vierges délicates, le magnifique tableau du Christ

crucifié (1490), les objets du culte en or, et amusé

d’apprendre que, sur les tableaux qu’ils avaient com-

mandités, les donateurs se faisaient représenter. Ô

surprise, ce musée abrite un Rembrandt coloré,

daté de 1626, le peintre avait alors vingt ans !

Excentrée, décalée, sous le patronage du Centraal

Museum qui présente une collection de tableaux de

maîtres de la ville, la maison Rietveld Schröder, porte

les noms de son commanditaire et de l’architecte

qui la réalisa. Membre du mouvement artistique De

Stijl – le Style –, Gerrit Rietveld dessina en 1924

une maison étonnante, aux cloisons modulables qui

s’ouvrent et se referment, privilégiant les couleurs

primaires, le noir et le blanc. Inscrite au patrimoine

mondial, elle préfigurait déjà l’avenir.

Utrecht, fin du voyage, qui résume si bien la Hollande,

ces villes de silence où cliquettent les bicyclettes,

où s’éparpillent soudain les notes d’un carillon, nous

a séduits. Parcourue de canaux, de quais au ras de

l’eau chatoyante, de rives moussues sous les grands

arbres. Au niveau supérieur tournoient, silencieuses,

affairées, des milliers de bicyclettes. Au niveau infé-

rieur bourdonnent les tables des cafés, des restau-

rants frôlant l’eau. Une femme chante, la lumière

des réverbères tremble sur l’onde. Un bonheur de

vivre, discret, sans effusions inutiles.

Avenante et joyeuse, voici Utrecht, siège de la

plus grande université du pays, quelque quarante

mille étudiants nourrissent son effervescence. Au

début du XVIesiècle, c’était la plus grande ville des

Pays-Bas du Nord, environ vingt-cinq mille âmes.

Car Utrecht est fille du Moyen-Âge : ses édifices

en couvrent la plus grande superficie.

Ses canaux sont uniques au monde. Un ingénieux

système médiéval utilisant la différence de niveaux

entre les rues et les quais reliait entre elles les

caves voûtées immenses servant d’entrepôts. Il

faut y circuler pour comprendre que Oudegracht,

le vieux canal central nord-sud, était un véritable

port en usage jusqu’au XIXe siècle. Trois kilomè-

tres d’eau verte bordée, de chaque côté, par les

caves des maisons à l’étage supérieur. Parallèle,

Nieuwegracht, le nouveau canal, et enfin un canal

défensif entourant la ville. Sur leurs rives se sont

construits quelques-uns des monuments mar-

quants d’Utrecht. Ainsi, dans la courbe voluptueuse

de l’Oudegracht, l’hôtel de ville historique est com-

posé de sept maisons du Moyen-Âge, dont deux

ceintes de murs néoclassiques. En face, le Winkel

van Sinkel, statues néoclassiques de 1840, devenu

grand café d’où l’on observe la vie qui va. En bas,

les quais sont noirs de monde. Sur la rive, les

grandes halles des maisons de riches marchands

telle Drakenborch aux pignons à redents, en tuf à

l’origine, la façade ayant parfois été modifiée au

Siècle d’or. Une immense bâtisse de quatre étages,

Oudren, se distingue par ses caves de 1300. Quittant

les quais, gagner la vaste place Neude, colonisée

par les terrasses de cafés, contempler l’ancienne

Poste, un édifice dans le style de l’École

d’Amsterdam, ses milliers de briques disposées en

motifs. Au sud le quartier des musées, calme, avec

le campanile en son centre.

Domtoren, la tour du dôme, la plus haute (112m)

des Pays-Bas et icône de la ville, est reliée par une

arche à Domkerk, la cathédrale Saint-Martin. Las, en

août1674, une tornade détruisit cette arche sauvant

ainsi la tour. De la cathédrale subsistèrent le transept

et le chœur, gothiques, d’une hauteur vertigineuse.

En prendre la mesure en allant à l’extérieur, derrière

le chœur, admirer les arcs-boutants soutenant la

La plus importante université des Pays-Bas fait de cette cité duMoyen-Âge une ville jeune et dynamique dont les églises rayonnent.

GRAND HOTEL KAREL V

Il porte le nom deCharles Quint qui y séjourna àl’hiver 1546, hôte de l’ordredes Chevaliers teutoniques.

Son architecture à toitplongeant évoque les

puissantes bâtisses de Forêt-Noire. Tout, ici, est vaste,

élevé, grand. Une aile XVIIIe

abrite les chambres. Quedemander d’autre si ce n’est un

parc centenaire où l’ondéjeune quand brille le soleil.

Guide pratique pages93 et 94.

UTRECHT SÉDUISANTE//